Ce sujet n'est pas éloigné de la politique.
Dans nos démocraties, voici la critique récurrente contre ceux qui sont au pouvoir : ils ne tiennent pas leurs promesses de campagne, s'ils ne vont pas jusqu'à les transgresser ! Et ils en sont blâmés comme d'une faute capitale qu'ils auraient pu facilement éviter.
Pourtant, à observer le quotidien de nos existences, en tenant compte des différences de positions et de responsabilités, sommes-nous plus estimables que ces chefs d'Etat et de gouvernement puisqu'il nous arrive très fréquemment, pour le dérisoire comme pour l'important, de faire des promesses en l'air et de ne pas même nous soucier d'un commencement de réalisation ?
J'aime ces rapprochements qui permettent de relier nos défaillances banales aux incuries plus fondamentales sans doute des présidents et des gouvernants.
Parce qu'ils montrent que, si le champ d'application des politiques est évidemment plus vaste, à portée nationale ou internationale, la comparaison que je propose entre nos reniements et les leurs n'est pas forcément absurde dans la mesure où un ressort peut être commun : une sorte de désinvolture. Comme si on se pliait à cette règle, formulée par Charles Pasqua, que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent !
Des promesses faites pour être élus et négligées ensuite, le pouvoir acquis.
Des promesses faites à des importuns pour s'en débarrasser et oubliées dans la seconde.
En dehors de ces engagements viciés d'emblée, puisque sans la moindre sincérité - j'espère en avoir proféré le moins possible -, comme j'éprouve une sainte horreur pour ces trahisons de promesses "dur comme fer", dont ceux qui les entendent ne se remettent pas d'y avoir cru !
Quel que soit leur domaine, de la minuscule promesse d'accomplir quelque chose ou de la promesse formelle engageant un acte grave, il est insupportable de se sentir, la déception venue, le jouet d'une manière de supercherie. Comme si on vous avait traité en quantité négligeable. Comme si, face à votre ressentiment, on vous reprochait presque d'avoir pu penser que l'engagement serait tenu.
Pour nous qui ne sommes pas des politiques et qui n'avons pas à composer avec la réalité pour être fidèles à ce que nous avons dit, rien n'est plus simple de ne prononcer que des annonces qu'on a l'intention de mettre à exécution. De ne rien dire que nous n'ayons pas l'intention ferme de mettre en oeuvre.
Je ne suis pas persuadé que j'aurais eu cette conception intégriste de l'engagement à respecter coûte que coûte si je n'avais pas eu à mes côtés une personnalité encore plus exigeante que moi dans ce domaine. Implacablement attachée à incarner l'intention et à concrétiser la virtualité du verbe.
Je ne supporte pas les personnes qui ne se battent pas pour respecter leurs engagements. Parce qu'elles ne se respectent pas, ne nous respectent pas, affichent une vacuité et une inconsistance porteuses de lourdes menaces sur l'ensemble de leurs activités. Il y a une éthique de l'engagement tenu, comme il y a une malfaisance de la promesse négligée ou laissée délibérément à l'abandon.
Et quelle énergie il convient de dépenser pour être jugé fiable par ceux qui l'espèrent de nous !
Souvent ces malappris se ressemblent : un côté lunaire, et tellement préoccupés d'eux-mêmes que se soucier des autres - ce qu'imposent les promesses - relève d'une tâche et d'un altruisme inconcevables.
Il arrive parfois que la réalité vous mette des bâtons dans les roues mais au moins on aura fait le maximum.
C'est parce que nous sommes souvent incapables de tenir ce qu'on promet que mes amitiés les plus fortes concernent des êtres heureusement doués pour l'inverse. Une qualité rare.
C'est aussi pour cela que je ne méprise les politiques pour qui le réel n'est pas toujours un allié bienfaisant mais un défi à relever, un obstacle insurmontable.
Un homme ça s'empêche selon le père d'Albert Camus. Un homme ça tient sa promesse, pourrais-je conclure.
On ne peut pas dire, comme Eric Zemmour récemment, qu'au sujet de l'Ukraine, le président de la République mène "une guerre contre les Français" (JDD).
Je ne pense pas la même chose au sujet de ses dérives sociétales - constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse, projet sur l'aide active à mourir, réflexion présidentielle sur le viol et le consentement - qui semblent occuper tout le champ de ses préoccupations nationales alors que, par ailleurs, sur le plan international il est fortement mobilisé sur l'Ukraine et Israël. En donnant parfois l'impression qu'il n'est guère soutenu, ce qu'il a récusé dans l'entretien du 14 mars (TF1-France 2). Entre les deux, il y a la France, ce qui la menace au quotidien, ses peurs, ses attentes, ses frustrations et son impatience face aux échéances qui s'annoncent - les élections européennes mais surtout le grand moment de 2027.
Il n'en demeure pas moins qu'en toute humilité intellectuelle et politique, je ne peux qu'approuver le socle central de l'intervention du président de la République sur Poutine, sur l'Ukraine et sur la position française face à Israël et au Hamas.
Poutine va être réélu face à trois adversaires fantoches et qui peut nier l'affirmation d'Emmanuel Macron (EM), répétée à plusieurs reprises, que le dictateur russe ne doit pas gagner cette guerre, faute de quoi les pays voisins et l'Europe, son esprit et sa sûreté, seraient gravement et inéluctablement en péril ? Pas davantage il n'est à contredire quand il soutient que Poutine est le seul responsable des malheurs qu'engendre son invasion illégitime de l'Ukraine et que son offensive menée avec un cynisme total et un mépris affiché du droit international doit être vaincue coûte que coûte.
On comprend bien aussi pourquoi cette résolution d'EM impose l'instauration d'un rapport de force, quel que soit l'apparent déséquilibre de la puissance guerrière entre la Russie sans scrupule et la courageuse Ukraine. Laisser entendre à Poutine qu'on n'irait pas au bout de ce que son impérialisme impose, qu'on se fixerait d'emblée des limites qui lui garantiraient une forme d'impunité, constituerait la pire des stratégies. Contre un ennemi de cette sorte - à distinguer du peuple russe dont le soutien est en grande partie forcé et contraint - il n'y a pas d'autre riposte possible que celle d'une fermeté proclamée et concrétisée de plus en plus par une assistance militaire et civile octroyée au président Zelensky, conformément à l'accord bilatéral signé à l'Elysée le 16 février dernier portant en tout sur trois milliards.
Je ne méconnais pas les difficultés tant militaires que budgétaires qui, selon certains spécialistes, vont entraver la pleine réussite de ces engagements présidentiels dont la trahison même partielle rendrait tragiquement vain le discours de vigueur et de résistance qui les sous-tend.
Mais, en m'excusant pour ces considérations profanes que j'assume car le citoyen que je suis a le droit de poser des questions quand les réponses ne dépendent pas de lui puisqu'il est loin de tout savoir, je m'interroge sur le futur. En acceptant la légitimité et le parti pris très honorable de la farouche volonté présidentielle de ne rien céder à Poutine, ne peut-on pas craindre que cette attitude noblement belliqueuse dans son principe, ne nous enferme dans une sorte d'impasse ?
Quelle que soit la malfaisance d'un Poutine dont il ne faudra rien attendre sur le plan de la rationalité diplomatique mais tout dans le registre de la provocation sanglante, à l'intérieur comme à l'extérieur de la Russie, il conviendra bien, un jour, d'être plus intelligent que lui. De Poutine ne surgira que le pire : laisser une chance au meilleur ne pourrait-il être notre honneur français ? Il ne viendra pas par enchantement mais par volonté.
J'entends bien l'argument présidentiel qui souligne que pour gagner la paix, il faut sinon remporter la guerre, du moins ne pas permettre à l'ennemi de douter du fait qu'on usera de TOUS les moyens pour le vaincre. Mais si on n'y arrive pas, on fait comment ? Si on persiste, en ce sens, dans l'affirmation d'une absence totale de limites et de lignes rouges, à supposer qu'elle intimide l'ennemi mais sans lui interdire une supériorité militaire et la possibilité de l'écrasement adverse, comment parviendra-t-on à sauver l'avenir de toute guerre, qui doit être la paix ? Si, dans le fil de l'implacable déroulement d'une logique guerrière, des troupes françaises au sol devront être réellement engagées, comment ménager, si peu que ce soit, un espace pour un futur apaisé ?
C'est en raison de cette impasse tragique d'aujourd'hui, aussi héroïque qu'elle soit et sans doute plus résistante chaque jour grâce à l'aide militaire accrue, que je ne méprise pas les contradictions des opposants à ce que EM cherche à présenter comme la seule politique internationale possible.
De quelque bord qu'ils soient, ils ne sont pas des traîtres parce que, si j'ai bien saisi, ils n'excluent pas de concéder à la Russie, pour une négociation et un compromis acceptables, la satisfaction territoriale et diplomatique de certaines de ses exigences - ses lignes rouges à elle - en échange de la sauvegarde d'une Ukraine qu'il serait honteux de sacrifier, après son admirable résistance et sa démocratie imparfaite face à un Poutine qui n'est pas Hitler mais ressuscite une forme de stalinisme.
La possible réélection d'un Donald Trump, et le projet qu'il a affiché "de ne plus donner un sou pour l'Ukraine", constituent une motivation de plus pour ne pas procrastiner au sujet de Poutine et de l'Ukraine.
Probablement, malgré la guerre et les risques de la voir s'amplifier et se généraliser, dans les coulisses des contacts, des esquisses d'entente se déroulent-ils ?
Il faut à la fois soutenir notre président qui, je l'espère, n'est pas seul dans sa vision - et les saillies ordurières d'un Medvedev vont accentuer notre adhésion - et, chacun dans notre coin, oser modestement cette interrogation : la paix a-t-elle encore une chance d'advenir ?
Une synthèse est-elle possible entre Kylian Mbappé et Antoine Dupont ? Ce qui rendrait explicable mon titre tentant une symbiose !
Je ne crois pas que cet impossible défi puisse être relevé : aimer également, et avec la même intensité, Kylian Mbappé (KM) et Antoine Dupont (AD).
Ils ont certes une similitude capitale : tous deux, dans leur discipline, sont des joueurs exceptionnels dont la principale caractéristique est de rendre leur équipe sinon impuissante, du moins orpheline quand elle est confrontée à leur absence. Cette donnée est facilement vérifiable au regard du parcours du PSG sans KM et de celui de Toulouse et de l'équipe de France à XV sans AD. Même si le match récent contre le pays de Galles a révélé Nolann Le Garrec dont le talent a éclaboussé et qui n'a pas rendu indigne la comparaison avec le précédent.
Mais, en dépit de cette similitude fondamentale qui se rapporte à leur génie sportif propre, que de différences qui, à mon sens, suscitent une plus forte adhésion pour AD que pour KM.
D'abord, à l'évidence, deux tempéraments, deux caractères contrastés. L'un, le footballeur, sûr de soi, à la parole facile, habile à répondre aux médias et déjouant les pièges des journalistes, inséré dans une stratégie d'ambition et de pouvoir, souhaitant, grâce à celle-ci, à la fois la gloire et la fortune. L'autre, le rugbyman, non pas timide mais modeste, fuyant une lumière trop vive, mal à l'aise avec les éloges même justifiés, certain de n'être rien tout seul, à la parole non pas maladroite mais minimaliste, retenue, sans éclat mais toujours juste et opportune. Le premier a une personnalité qui irradie, le second, une personnalité qu'on estime. Les excès calculés de l'un ne font pas oublier les prudences lucides de l'autre.
Même dans le domaine politique, ils diffèrent. Ils ne sont pas imperméables à toute expression civique. Mais là où KM se fait remarquer sur beaucoup de sujets, jusqu'à un tweet délirant après la mort de Nahel, sans qu'on puisse douter de son extrême générosité qu'il ne rend jamais ostentatoire ni exhibitionniste, AD économise ses interventions, ayant évidemment, comme il se doit dans le sportivement correct, manifesté son opposition au RN, mais n'abusant pas de son aura pour nous imposer son avis sur tout. AD laisse le citoyen qu'il est dans la sphère intime qui doit être la sienne alors que KM n'hésite pas à en faire étalage.
Le rôle des familles autour de nos deux sportifs est totalement contrasté. Celle de KM est omniprésente. Son père assiste à ses matchs. Sa mère dirige sa carrière avec une poigne de fer et une compétence indiscutable. Son frère Ethan joue au PSG. Les parents d'AD, en revanche, sont peu, voire pas du tout médiatisés. On a vu seulement une fois un reportage où sa mère consolait son fils Antoine après la défaite de la France en Coupe du monde et la grave blessure qu'il avait subie et dont il est heureusement sorti. Rien de comparable donc entre l'effervescence de la famille et des proches de KM et le calme de ceux entourant AD.
À considérer les attitudes singulières et les comportements collectifs, la psychologie de KM et celle de AD, je pressens qu'une empathie plus forte s'attache à ce dernier. Sa dernière expérience toute de modestie et d'incroyable talent en découvrant le rugby à 7 va sans doute s'ajouter à son aura. Il y a une forme de simplicité qui probablement attire davantage, chez AD, que le constant bruit autour de KM que son statut de probable meilleur joueur du monde justifie largement.
En tout cas, toute réserve mise à part, la France peut se féliciter d'avoir, sur le plan sportif, deux personnalités qui lui feront honneur. Où qu'elles se trouvent.
Pas d'adjectif plus approprié pour définir cette brûlante personnalité qu'est Fanny Ardant (FA).
Certes je pourrais ne pas abandonner le terrain politique et dénoncer les dérives sociétales du président de la République qui, confronté à l'impuissance de faire, se consacre à défaire ce qui maintenait "la condition humaine" (Le Figaro).
Mais il me semble que, si on n'est pas persuadé d'énoncer autre chose que des platitudes sans être capable de les vivifier grâce à une forme inventive, mieux vaut se livrer au plaisir de commenter ce que l'actualité vous a offert de remarquable, notamment sur le plan artistique.
Et c'est dans ce domaine que surgit l'inimitable FA qui, âgée de 74 ans, est incapable de proférer la moindre banalité. Elle parvient ainsi à donner du prix au questionnement même le plus inévitable (Version Femina) et dépasse ce que le caractère en partie promotionnel des échanges pourrait avoir d'artificiel.
Tout serait à retenir parce que FA échappe au cinématographiquement correct et jouit d'une solitude qui préserve son absolue singularité.
Deux passages m'ont particulièrement intéressé.
Le premier concerne cette interrogation : "Rien ne vous fait donc peur ?". FA développe alors, en peu de mots, une conception de la vie sociale et de l'existence intime qui me touche d'autant plus que, sans la moindre vanité, je la perçois comme familière et presque consubstantielle à mon être.
Que dit FA ? "...Je suis arrivée à ce point de ma vie où les jeux sont faits : j'ai vécu et aimé ce que j'ai vécu...Je n'ai pas plus d'amis que cela, je suis peu sociable et sors rarement, car la mondanité est creuse et la vraie conversation devient difficile pour une femme qui comme moi s'enflamme pour des causes...Mon père me demandait d'être douce et de ne pas donner de leçons, mais j'ai toujours vendu le bonheur contre l'intensité".
Je ne crois pas qu'on puisse, même avec une joyeuse résignation, soutenir à quelque âge que ce soit que "les jeux sont faits". Il y a toujours du futur et de l'indéterminé, du possible, de la surprise en attente. C'est pour cela que je n'ai jamais jugé "la vieillesse comme un naufrage", à partir du moment où on ne l'appréhendait pas comme une fin mais telle une nouvelle page de sa destinée.
L'inquiétude sur la finitude n'en était pas dissipée pour autant mais au moins, au quotidien, "l'intensité" ne faisait jamais défaut.
Comme je comprends FA qui, dans l'arbitrage à opérer à tout instant entre le calme et l'extrême, choisit cette intensité. Avec la démonstration éclatante de la nécessité de soi, plutôt que le parfum tiède du bonheur. La certitude de la flamme plus que la béatitude trompeuse du feu doux.
La seconde fulgurance de FA, directement raccordée aux controverses d'aujourd'hui sur les rapports entre les femmes et les hommes et les comportements décents à adopter, est liée, alors qu'elle a trois filles, à son bonheur de pouvoir continuer à considérer l'homme comme "un mystère". Elle aime les hommes pour cela : ils sont "un territoire inconnu, des contrées étrangères. Et je ne supporte pas qu'on les domestique car cela ne m'intéresse pas qu'ils deviennent une reproduction de la femme".
Quel talent, quelle profondeur ! Qu'on ne les sous-estime pas, c'est du grand art de savoir parler de soi sans tomber dans le narcissisme, en s'efforçant de penser, à partir de soi, pour l'intelligence de tous.
Oui, ardente Ardant !
Le Figaro Santé pose assez souvent de très bonnes questions d'ordre psychologique. Récemment "Devons-nous avoir peur de notre côté obscur" ?
Il paraît que "nous sommes traversés par des pensées de haine et de destruction" et que certaines personnes ont du mal à gérer "la culpabilité associée à ces idées sombres".
Je n'ai jamais compris cette attitude qui consiste à se défier du pire de soi comme si notre humanité, dans ses tréfonds, pouvait se passer des ombres, du poison, de cet engrais impalpable et délétère, qui irriguent notre personnalité. Qu'on prétende les ignorer, refuser de les considérer, ne changera rien à leur implacable présence.
Ce matériau subtil, sombre et parfois surprenant - pour qui n'est pas familier avec une vision pessimiste et équivoque de la nature humaine - n'est pas fait que de haine et de destruction mais d'une multitude de sentiments, d'idées et d'aigreurs qui sont installés en nous, quoi qu'on en ait, et dont il est amèrement voluptueux de percevoir l'influence sur nous. Cette négativité de l'être donnant alors tout son sens, par contraste, à l'apparente normalité de la personne visible par tous.
Rien n'est plus absurde que cette peur de l'extra-ordinaire en nous. Alors que le "côté obscur" doit être perçu comme un facteur essentiel de cette plénitude à laquelle nous devrions tous aspirer. Cette dernière n'est pas moins recommandable quand elle se compose de cette part qu'il ne faut surtout pas exclure. Il y a en effet une grande richesse, pour le développement de soi, à identifier ce dont on pourrait avoir honte mais qui est indissociable de nous.
Sans doute suis-je d'autant plus attentif au "côté obscur" chez moi que j'éprouve à son égard une curiosité de tous les instants, sans jamais me lasser de l'extirper sans complaisance de ses cachettes intimes. Parce que je suis persuadé que ne pas se détourner de lui est le moyen le plus radical pour éviter qu'il se traduise en effectivité, pour empêcher que les laides virtualités se concrétisent en actes.
Ma passion pour l'univers des cours d'assises a d'abord été engendrée par ma dilection constante, dans la quotidienneté et encore bien davantage dans le monde du crime, pour la psychologie des profondeurs, pour les ressorts les plus étranges et les plus tortueux de la nature humaine. Comme si celle-ci ne devenait véritablement intéressante, voire fascinante pour moi, que dans l'extrême, le singulier, l'atypique, plongée dans ces territoires où on se dit absurdement qu'on ne pourra jamais résider alors que l'inventivité de l'humain est sans limites.
Cette trouble propension qui m'habite peut, j'en ai conscience, me rendre insupportable dans la vie classique parce que j'ai trop tendance à assimiler la normalité à une forme d'ennui et de pesanteur. Sauf quand leur prévisibilité sait se distinguer grâce à une forme irrésistible. Cette pente, dont je ne suis pas fier, me pousse parfois à rechercher à toute force chez autrui des signes de dissidence, des anomalies, des étrangetés qui pourront m'aider à favoriser une complicité. Sans doute de mauvais aloi mais on fait avec ce qu'on est.
Il est sûr, en tout cas, que dans les domaines intellectuel et existentiel, l'appréhension du "côté obscur" est un élément décisif pour se montrer à son meilleur - le fuir en sachant qu'il est là - et créer une fraternité : nous sommes tous faits de la même eau noble et sombre.
Avec un parler-vrai impressionnant, la fille d'Albert Camus (AC) s'est exprimée dans Le Point.
Macroniste faute de mieux, évoquant les livres sur son père, elle affirme avoir détesté, par exemple, celui de Michel Onfray. On la sent profondément agacée par les malentendus et les incompréhensions engendrés par la personnalité et l'oeuvre d'AC. Sa sincérité, parfois roide et vigoureuse, fait du bien. Avec elle, on n'est pas dans le confit et la dévotion.
Puis-je me permettre, moi qui suis un inconditionnel d'AC tant pour l'ensemble de ses oeuvres (j'y inclus le théâtre) que pour sa personnalité riche, complexe et profondément honnête, de discuter une affirmation de Catherine Camus : "La droite détestait mon père mais la gauche ne l'aimait pas non plus. Il était seul comme un rat..."
Je comprends bien pourquoi la gauche intellectuelle, philosophique et idéologique "n'aimait pas" AC. Il y avait dans ses positions controversées sur les enjeux et les tragédies de l'époque, notamment le drame algérien, une telle obsession de la vérité, de la pensée juste - mesurant ce qu'il convenait de concéder à la politique et en même temps à l'humain -, qu'il était perçu comme décalé par rapport aux délires partisans de sa famille naturelle, la gauche humaniste. Il se tenait en permanence dans une attitude, aussi douloureuse et inconfortable qu'elle soit, où il ne cédait jamais rien sur la complexité du réel, avec un refus de l'Histoire sanglante et meurtrière.
Peut-être que la droite le "détestait" en cette période où les esprits et les caractères comme les siens étaient voués à être incompris, précisément à cause de convictions qui, sur l'Algérie par exemple, tenaient fermement les deux bouts de la chaîne : justice et égalité d'un côté, détestation et dénonciation du terrorisme aveugle de l'autre. Mais il me semble que cette vision a bien changé et qu'AC est devenu profondément (grâce à l'universalité de sa morale bien davantage que pour ses idées qui, aussi pertinentes qu'elles aient pu apparaître, pouvaient cliver) une sorte de référence que des camps antagonistes prétendent s'approprier. Alors que sa force tient précisément à son dépassement, par une conscience toujours en éveil et inquiète, des problématiques dérisoires et conjoncturelles.
Il ne s'agit en aucun cas de tomber dans ce ridicule, pour faire "progressiste", de faire fond, pour irriguer sa cause, sur des pensées apparemment aux antipodes de celle-ci. Combien de discours de Nicolas Sarkozy ont été emplis hier d'invocations de personnalités qui n'avaient pour utilité que de faire croire à une synthèse, en réalité purement artificielle, entre la droite et la gauche... Sur ce plan, il faut reconnaître que Gramsci a beaucoup servi et qu'il continue à être exploité notamment pour sa vision célèbre de la crise, au demeurant jamais totalement explicitée...
Il n'empêche qu'au risque de déplaire à Catherine Camus - mais qui pourrait se plaindre d'un hommage de bonne foi à un père admirable ? -, je ne peux m'empêcher de ressentir une très vive familiarité avec une conception authentiquement humaniste de l'existence. Surtout quand Catherine Camus énonce que, pour AC, "l'homme passe avant l'Histoire" et que pour elle, considérer qu'avec la chute du Mur de Berlin le triomphe de son père se réalisait était une absurdité, elle aurait été étonnée qu'il exultât après 80 millions de morts !
J'entends bien qu'il serait choquant de la part de la droite et du libéralisme de s'estimer seuls propriétaires de la vision si chaleureuse et empathique de l'Histoire, refusant que celle-ci soit, au nom de la lutte des classes et de la prétendue société idéale à la fin des temps, un cimetière monstrueux où à force de vouloir régénérer les hommes, on les aurait fait disparaître.
S'il y a un enseignement à tirer d'AC, c'est celui-ci : rien n'est plus dévastateur qu'une conscience molle, un esprit assoupi, une défaite de tous les instants quand au lieu de choisir l'allure et le courage, dans les grandes comme dans les petites circonstances de l'existence, on optera pour la tranquille médiocrité.
L'intelligence étant également répartie, mieux vaut avoir raison avec Albert Camus que tort avec Jean-Paul Sartre ! Le premier est notre frère très, parfois trop humain. Le second voulait notre bien en excusant trop souvent le Mal.
Certes le Premier ministre Gabriel Attal (GA) n'a pas proféré cette phrase que l'ancien Premier ministre Laurent Fabius avait prononcée pour se distinguer du président François Mitterrand. Mais il pourrait la faire sienne, j'en suis sûr.
Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour percevoir "des tensions latentes entre Macron et Attal" (Le Monde) qui se distinguent de celles de nature purement politique qui opposaient le président à son ancienne Première ministre Élisabeth Borne. Avec GA, c'est plus subtil et, d'une certaine manière, plus dangereux.
Le succès du Premier ministre ne paraît pas porter ombrage pour l'instant au président mais si le contrat n'est pas rempli avec le redressement espéré de la liste Renaissance pour les élections européennes, nul doute qu'Emmanuel Macron libérera alors des aigreurs et des frustrations trop longtemps accumulées.
Comme la naïveté n'est pas son fort, il n'est sans doute pas dupe de la répétition par GA de ces "je lui dois tout" qui semblent juste payer la dîme d'une reconnaissance d'avoir été choisi contre Julien Denormandie, une personnalité aux antipodes de la sienne. On a l'impression que cette gratitude trop souvent exprimée pour être autre chose qu'un formalisme auquel il faut se soumettre, permet ensuite à GA d'être totalement lui-même.
Il y a d'abord chez ce jeune Premier ministre un orgueil qui, dans une discipline et une dépendance acceptées, le rend rétif à un total effacement de soi. Le perinde ac cadaver n'est clairement pas son genre et ce serait se méprendre sur lui que de le caricaturer en le jugeant tel un clone du président. Il ne lui suffit pas d'avoir été engagé pour combattre Jordan Bardella, il lui faut aussi continuer d'exister face au président. Précisément parce que ce dernier, lors de l'interminable composition en deux temps du gouvernement, a ostensiblement montré qu'il était le maître de tout. Et avec quelle impérieuse incohérence : Nicole Belloubet programmée pour mettre à bas ses cinq mois étincelants d'activité et de lucidité rue de Grenelle !
Cet accaparement présidentiel ne serait devenu une humiliation que si GA n'avait pas, avec sa méthode, manifesté qu'il ne saurait être considéré comme quantité négligeable. La conscience de soi sauve de la relégation des êtres qui ont la faiblesse de s'estimer nécessaires à leur place et à leur rang. Ce serait si bien si certains ministres, tombant trop souvent dans le ridicule d'une inconditionnalité humiliante, suivaient cette pente.
Comme nous ignorons évidemment la teneur des échanges entre les deux chefs de l'exécutif sur l'élaboration de la politique à mettre en oeuvre, sur les projets de loi à faire voter à tout prix et sur la stratégie générale (s'il y en a une au milieu des crises de toutes sortes) envisagée, nous n'avons pas tort de focaliser sur des divergences qui loin d'être dérisoires révèlent chez l'un et l'autre une conception très différente de la démocratie parlementaire.
Quand GA déclare avec justesse que l'arc républicain est l'ensemble de l'hémicycle et qu'il se tient à cette affirmation indiscutablement républicaine, sa contradiction avec le président n'est pas mince. Emmanuel Macron en effet n'a cessé de fluctuer sur ce sujet, faisant faire au groupe parlementaire RN un yoyo permanent entre l'intégration et l'exclusion. La constance de GA au contraire est un désaveu net, une pierre qu'il s'est permis de jeter dans le jardin présidentiel.
Il me semble aussi que pour le programme à venir, GA a moins de scrupule à promouvoir sur des points essentiels une politique de droite quand la réalité l'impose. Notamment le durcissement des règles de l'assurance chômage et le développement du RSA contre activité.
Alors qu'on peut toujours craindre chez le président, ajoutées à son envie de se distinguer à toute force, des voltes le conduisant à osciller d'une gauche sociétale à une droite contrainte, des changements révélant plus, notamment en matière internationale, l'image qu'il souhaite donner de lui-même qu'un dessein vraiment mûri.
Je vais sans doute encourir le reproche d'attacher à nouveau trop d'importance à la forme mais je persiste. Élisabeth Borne pouvait énerver le président mais il n'avait jamais à se préoccuper de l'éclat qu'elle pourrait diffuser puisqu'elle s'était fait une spécialité assumée d'un ton monocorde, sans élan ni invention. Sans talent sur ce plan donc, alors que GA en surabonde. Quand on constate les prestations brillantes et narcissiques d'Emmanuel Macron manifestement fier de ses monologues, manches de chemise relevées et tutoyant à tout-va, je suis persuadé que l'ombre que GA lui fait en ce domaine n'est pas bien perçue. Le président n'est plus tout seul dans la lumière.
J'entends déjà les moqueries, parfois affectueuses, souvent acides, qui ne comprennent pas que, n'aimant pas le macronisme en gros, je le sauve parfois au détail. Je n'ai aucune honte à avouer qu'il n'est pas incompatible de soutenir Les Républicains (qu'ils ne nous rendent pas cette fidélité trop sacrificielle !) et d'apprécier tel ou tel ministre et en tout cas le Premier ministre.
Mais ma dilection n'est pas aveugle. J'ai constaté les premiers effets de la fatigue et la contagion d'une grossièreté des réponses au RN, qui formulait pourtant des questions on ne peut plus légitimes. Ce n'est pas le GA qui jusque-là, dans la forme, avait fait honneur à la démocratie, qui a rétorqué cette absurdité sur "les troupes de Poutine qui se trouvaient déjà en France"!
GA doit se méfier, ne pas ressembler au pire de ses partisans et ne pas sacrifier le meilleur de ce qu'il est en méprisant ses adversaires.
Depuis Me Too - le réveil de femmes trop longtemps résignées -, un certain monde a vécu, après la projection d'une lumière crue sur tous les univers, et en ce moment particulièrement l'univers artistique et le comportement scandaleux de certains. Les révélations sont quasi quotidiennes sur les rapports de force, les gestes grossiers, les agressions sexuelles voire les viols.
Un bouleversement s'est produit qui aura des conséquences positives, je le crois, sur notre manière de concevoir les rapports avec l'autre sexe, sur l'obligation de cesser domination, dépendance, intimidation, chantage professionnel. Pour obtenir la conquête des corps seulement par une séduction légitime et acceptée.
On peut toutefois dénoncer des abus, on a aussi le droit de questionner la parole des plaignantes, on n'est pas contraint de les croire par principe. On a le devoir de ne rien tenir pour acquis quand la preuve n'est pas rapportée. Les réseaux sociaux condamnent souvent sans attendre ceux dont les noms ont été jetés en pâture. Il faut dire que la prescription, à cause de plaintes tardives, est souvent obligatoire.
Mais ce cataclysme qui jour après jour met en cause, incrimine, dénonce, tant d'années après, parfois pour des gestes indélicats mais sans apparente gravité, parfois aussi pour des violences inadmissibles, relève presque d'une sorte de fin du monde. Comme si après tant de silences, était enfin venu le jour du grand déballage.
Je me reproche de m'être moqué de ces surgissements subits, après tant de temps écoulé, de traumatismes invoqués, d'atteintes intolérables, d'offenses inoubliables. La moquerie venait vite qui s'étonnait de la faiblesse, de la fragilité de ces jeunes ou moins jeunes natures incapables de réagir, de résister dans l'instant mais courageuses si tard. Ce n'était pas possible, pas plausible. Elles ne mentaient pas forcément mais ce ne devait pas être si tragique pour avoir pu être libéré si tard !
Ce grand déballage ne s'est pas arrêté. Car "maintenant les acteurs accusent", de jeunes hommes soulèvent la chape de plomb ou de peur et fustigent des gloires ou des réalisateurs intouchables comme par exemple André Téchiné (Le Parisien).
On n'est plus dans un mouvement classique où on subit, on déplore, on se plaint, on attend la condamnation avec la réparation. On a dépassé la police, la Justice, les réseaux sociaux indiffèrent. Voilà ce qui a radicalement changé : on ne veut plus continuer à se retrouver seul ou seule face à ce qui vous a été imposé, même dans des temps anciens, on a envie de le dire, de le crier parce qu'en définitive il était devenu insupportable de le cacher. Parce qu'on croyait vivre confortablement avec ce souvenir alors qu'il vous avait broyé le coeur.
Soudain on doit s'expliquer, expliquer qu'on avait été tétanisé, qu'on n'avait rien su faire d'autre que se détester puis attendre, pour enfin sortir de soi et le dire.
Tout ce qui se déroule est une révolution. Cela ne signifie pas qu'il faille jeter la Justice par-dessus bord. Mais on n'appréhende pas une libération inouïe de la parole sans s'interroger. Peut-être ne l'ai-je pas assez fait, enfermé que j'étais dans une conception contentieuse sans percevoir que tout ce temps passé ne démontrait pas qu'on inventait. Mais seulement que le courage du grand déballage a enfin installé ses quartiers dans notre trop longue résignation, que le jour de la transparence absolue est venu.
Je ne tournerai plus en dérision ces abstentions, ces soumissions pétrifiées puisque, tôt ou tard, elles seront suivies d'une victoire. Cette dernière fera mal, c'est sûr, mais à peser les ombres et les lumières, à devoir arbitrer entre la restauration de soi ou la tranquillité de l'autre, le choix est vite fait.
Cette révolution par les femmes exige la compréhension des hommes.
On peut évidemment soutenir que le RN ne connaît rien aux problèmes agricoles, qu'il a changé d'avis en permanence, qu'il est "le passager clandestin de la crise" selon l'expression de Gabriel Attal, qu'il a tort d'être hostile à Bruxelles et à la PAC et que sa volonté de décroissance n'est pas exclusive d'une forme de "bêtise", comme l'a affirmé le président de la République lors de sa visite houleuse au Salon de l'agriculture. Bref, qu'il est intolérable que ce parti, avec Jordan Bardella à sa tête, soit largement dominant pour l'instant dans les sondages pour les élections européennes du mois de juin.
Sans être un spécialiste de l'agriculture, tout en étant persuadé que la cause défendue par les syndicats agricoles est juste tant sur le plan national que par rapport à leur ire européenne, on a le droit de s'interroger. Qui n'a pas changé de position ? La politique européenne est-elle favorable à la croissance ? Les écologistes ont-ils vraiment des leçons à donner ? Jordan Bardella a-t-il été le seul à constituer le Salon comme une opportunité de médiatisation et de selfies ? Je ne crois pas que le président de la République, le Premier ministre, Marie Toussaint ou Robert Ménard soient légitimes dans leurs critiques. Ou ils devraient au moins faire preuve de modestie. Le premier comme le dernier, par exemple, n'ont pas été étrangers à quelques fluctuations.
Mais j'ai bien conscience de m'égarer en laissant entendre que le fond de la question agricole est concerné alors que tous les adversaires du RN ont besoin de la menace qu'il représente pour s'éviter d'avoir à penser et à contredire. Puisque l'essentiel est de stigmatiser une avancée partisane que les apparences montrent quasiment irrésistible.
Comment ne pas percevoir que cette manière de paraître sans cesse battre en brèche le RN pour le pire est paradoxalement, pour lui, une chance qui le met en lumière sinon pour le meilleur, du moins dans la perception qu'il demeure le principal opposant au macronisme, avec une multitude de Français qui sont séduits par lui à proportion de l'hostilité de principe qu'il suscite ?
Ses contempteurs compulsifs continuent à croire à l'efficacité de leur croisade morale contre lui alors sur beaucoup de registres, notamment parlementaire, il est chaque jour démontré que la pauvreté de leur argumentation politique - j'y inclus la révolte des agriculteurs et des paysans - est la conséquence de cette facilité : croire qu'on répond à l'adversaire en le disqualifiant éthiquement au lieu de le pourfendre sur le fond. Pourtant, autant la première attitude est dilatoire, autant il y aurait de quoi nourrir un débat vigoureux sur l'essentiel qui relève de l'affrontement projet contre projet, approximations et voltes contre une certaine idée constante de l'Union européenne.
Il m'a semblé pour le moins maladroit, de la part du pouvoir et de ses deux têtes, de détourner l'attention des enjeux graves de la fronde agricole et de son large consensus. Il a cherché à transférer une part de la responsabilité des désordres et des violences sur un certain syndicat qui aurait été instrumentalisé par le RN... Ce détournement au mieux est une digression tactique qui ne convainc personne, au pire la manifestation d'une impuissance. Incapable d'éteindre l'incendie, on accuse un intervenant qui n'en peut mais alors que selon la pertinente définition de Céline Imart (2e sur la liste LR), le président de la République, en l'occurrence, serait plutôt "un pompier pyromane".
Emmanuel Macron a voulu faire de la fin de sa vie présidentielle un combat acharné contre le RN pour empêcher celui-ci de l'emporter en 2027. J'ai déjà dit pourquoi à mon sens le RN ne gagnera pas mais il est sûr que le président favorise ce qu'il souhaiterait entraver, rend désirable ce qu'il aspire à tuer dans l'oeuf et se trouve confronté à cette alternative déprimante pour la conscience qu'il a de lui-même : se taire et espérer, ou dénoncer et déplorer.
Au-delà de lui, ils ont tellement besoin de la menace qu'ils la gardent précieusement.
C'est à chaque fois la même chose. Le même processus se déroule.
Entre oubli et regret.
Le président oublie qu'il est président puis regrette de l'avoir oublié.
Il a fait inviter les Soulèvements de la Terre au Salon de l'Agriculture puis, face au tollé, se rappelant sa ligne, il affirme mordicus, contre des démentis plausibles, qu'il ne les a jamais sollicités.
Il y a eu sa venue très mouvementée, voire violente, au Salon de l'agriculture le 24 février. Même si le président a été évidemment protégé des assauts les plus impétueux, on ne peut pas lui dénier un certain courage. Et même le goût des affrontements verbaux les plus rudes, comme s'il voulait s'éprouver, se démontrer et démontrer sa résistance, son talent pour les affrontements musclés et sa passion pour les échanges où soudain il peut se laisser aller.
Il oublie alors qu'il est président pour regretter ensuite son oubli et nier avoir proféré ce qu'on a entendu. Comme étonné lui-même par ce qui est sorti de sa spontanéité, de sa liberté.
Ainsi, quand il a affirmé que "les smicards préfèrent se payer des abonnements télé plutôt que de l'alimentation de qualité". L'Elysée a démenti la teneur de ce verbe présidentiel pourtant attesté par des témoins auditifs.
Si j'ai tendance à les croire, c'est que le propos en question, avec sa roideur trop franche, relève d'un registre qu'on connaît bien chez notre président : une sincérité de l'instant jamais délestée d'un zeste de mépris. Ce peuple qu'il aime - je n'en ai jamais douté -, il ne peut s'empêcher, en même temps, au mieux de le moquer, au pire de le laisser de côté. Il a beau faire, quoi qu'il en ait, il aura toujours dans son intelligence (qu'on ne me dise surtout pas qu'elle est médiocre !), sa perception des choses et des êtres, un parfum élitaire.
Mais, au fil des années, il a appris : ce que hier il n'aurait pas désavoué, dorénavant il le rétracte.
Il oublie, dans l'effervescence de l'empoignade, qu'il est président puis il se rappelle qu'il l'est et tente de conjurer, par des dénégations peu crédibles, la dégradation de son image présidentielle.
Il y a quelque chose de lancinant dans ce mouvement qui se reproduit sans cesse et qui nous montre un président oscillant entre ce qu'il est vraiment et ce qu'il cherche à masquer. La nature de son être et la dignité de sa fonction s'opposent et je suis persuadé que dans un monde idéal il préférerait sauvegarder la première plutôt que respecter la seconde.
Il voudrait oublier et ne pas regretter après.
Lors de sa visite bousculée du 24 février, il a, sur un plan politique, comme il se doit, mis en cause la "bêtise" du RN et sa volonté de décroissance.
Le 25, quel contraste !
Jordan Bardella est venu au Salon dans le calme et une tranquillité en disant long sur l'état d'esprit des agriculteurs et de leurs syndicats...
Le président est encore à trois ans d'un futur qu'il craint !
On peut encore parler du Conseil d'Etat, de l'Arcom, de Reporters sans frontières (RSF), de Christophe Deloire (CD), de CNews, du pluralisme et de la liberté d'expression, tous sujets qui n'ont pas été épuisés par le débat et les controverses même intenses de ces derniers jours.
Je ne peux, comme tant d'autres, que me féliciter du fait que le mécanisme pervers enclenché par CD (Télérama) ait abouti, par une contagion salutaire, à une mise en cause des médias publics "dont il est incontestable qu'ils affichent un fort tropisme à gauche", comme l'affirme Olivier Babeau qui par ailleurs voit juste en soulignant que "les attaques contre CNews traduisent une panique de l'intelligentsia" (Le Figaro Magazine).
On a bien noté, lors de la pathétique conférence de presse de CD pour justifier son initiative calamiteuse et tenter de se créditer de cette injonction à l'Arcom qui heureusement demeurera dans son rôle de gardienne des libertés, à quel point le responsable de RSF traitait avec désinvolture le problème de l'absence de pluralisme véritable dans les médias publics. Comme s'il n'existait pas et ne méritait même pas d'être évoqué.
Cette indifférence montre que c'est moins l'exigence de pluralisme qui a mobilisé CD - dont il ne faut pas oublier le rôle officiel à la tête des Etats généraux de l'information - que l'envie de s'en prendre à CNews dont seule une approche superficielle a pu laisser penser que le pluralisme n'y était pas respecté. Le rapport de François Jost, sur ce plan, se fondant pour étiqueter les médias sur le journal Le Monde, a ajouté du ridicule à de l'approximation.
S'il est permis d'user d'une double réflexion qui ne me semble pas contradictoire mais relève à la fois de ma conception de la liberté d'expression et de mon bonheur médiatique d'être sur CNews (critiquée seulement par ceux qui refusent d'y venir et ne la regardent pas ou par ceux jaloux d'un succès qu'ils ne peuvent pas qualifier de médiocre), je désirerais tenir les deux bouts d'une chaîne.
Le droit - pour lutter contre un progressisme délétère et une vision au pire occultant un réel aux antipodes de l'idéologie à privilégier ou au mieux le présentant hémiplégique - pour une pensée intelligemment conservatrice d'avoir un ancrage, une chaîne, une hiérarchie des sujets, une mise à l'honneur de la France profonde, une consécration du socle et du terreau ayant fondé notre Histoire et, pour notre pays, le culte de l'unité contre ce qui dilue son identité chrétienne et sa civilisation. Je ne vois pas au nom de quoi seule CNews serait privée de la liberté d'affirmer ce qui, ailleurs, est intensément et idéologiquement contesté, subtilement ou par un humour prétendu tournant à la dérision ostentatoire de nos valeurs et principes.
Le besoin que j'éprouve dans les débats d'avoir face à moi non pas un miroir mais, sinon une contradiction, du moins une opinion, une conviction stimulantes venant au moins titiller les certitudes paresseuses. Contrairement à ce que CD a l'air de croire, pour CNews le pluralisme n'est pas un handicap mais une chance. À quoi en effet pourrait bien servir, dans les débats, l'expression d'une pensée reproduite deux, trois fois à l'identique alors que je mesure aisément la richesse, pour moi, d'une confrontation avec un Olivier Dartigolles, un Philippe Guibert, hier Laurent Joffrin ou, si je le pouvais, avec Julien Dray ?
J'énonce un poncif mais la droite dialoguant avec la droite n'a pas beaucoup d'intérêt même s'il y a mille manières d'afficher un accord, alors que la pensée conservatrice ou libérale se colletant avec la gauche ou l'extrême gauche - si elles n'avaient pas peur de venir dialoguer sur un plateau dont elles ne pourraient plus dénoncer faussement le sectarisme, en opposant leurs lumières aux lumières antagonistes - offrirait des joutes passionnantes.
"Il est en effet piquant que la gauche réclame de CNews une ouverture et une tolérance dont elle a elle-même donné bien peu d'exemples", toujours selon Olivier Babeau. Ouverture et tolérance que CNews refuse d'autant moins qu'elle sait mieux que tout autre les bienfaits de la contradiction et le caractère monotone de l'identité des vues sur les plans intellectuel et politique.
Ah, si CD avait aimé le vrai pluralisme, il n'aurait pas fait honte aux Reporters sans frontières de la grande époque, celle de Robert Ménard !
On surabonde en permissions, en interdictions, en exclusions, en ostracismes, en validations, en discriminations positives ou négatives, en censures, en provocations, en mises à l'écart ou à l'honneur. Sur tous les plans.
Et je ne cesse de m'interroger. Mais qui donc tient la porte d'entrée ?
Dans le domaine de la liberté d'expression, puisque la vérité n'est plus le critère décisif pour évaluer le propos, qui, médiatiquement, politiquement, va répartir le bon grain et l'ivraie, autoriser ici et fustiger là ? Qui sera l'arbitre incontesté entre le décent et l'indécent, entre ce qu'on aura le droit de penser et de dire ou ce qui devrait immédiatement mériter l'opprobre ? Qui va être assez légitime pour tenir la porte d'entrée ?
Pour la vie parlementaire, nous sommes lassés des fluctuations épuisantes du président de la République qui n'en finit plus de tendre l'arc sur le Rassemblement national puis de le détendre, contredisant sans vergogne son Premier ministre. Celui-ci n'a pourtant pas hésité à proposer un débat à Marine Le Pen alors qu'elle n'est plus dans l'arc, jusqu'au prochain changement ! À partir du moment où l'évidence de Gabriel Attal n'est pas admise - l'arc républicain est tout l'hémicycle ! -, qui va déterminer le licite et l'illicite, les paroles acceptables dans les débats honorables ou les interventions scandaleuses dans une Assemblée nationale partagée entre purs et impurs ? Qui aura été assez exemplaire, au plus haut niveau de l'Etat, pour donner des leçons, qui sera assez digne pour tenir la porte d'entrée ?
Il n'est pas un sujet de société, une controverse, qui ne conduisent à cette interrogation tant, de plus en plus, la dispute libre et contradictoire est remplacée par des inquisitions qui simplifient tous les échanges par cette double commodité : tout le monde n'a pas le droit de parler et il y a des pensées qui n'ont pas le droit d'exister.
C'est une obsession chez moi que cette lancinante inquiétude : qui tient la porte d'entrée ? Qui gardera les gardiens ?
La triste réalité d'aujourd'hui ayant mis le ver non seulement dans le fruit mais dans le contrôle de l'action du ver.
La cérémonie de panthéonisation du couple Manouchian, avec les réactions qu'elle a suscitées avant sur la présence ou non de Marine Le Pen, est révélatrice d'incohérences françaises qui veulent tout et le contraire de tout.
Je n'ai pas l'intention, me glissant dans le sillage du remarquable entretien de Stéphane Courtois questionné par Jean-Christophe Buisson (Le Figaro), de discuter la nature de la Résistance communiste, son caractère peut-être plus international - soumission à l'URSS ? - que national et le nombre de fusillés.
Alors que les choix, les ennemis, la culture et la mort héroïque de Missak Manouchian démontrent surabondamment que la France était authentiquement dans son coeur, à lui, ce "Français de préférence". Ce n'est pas contradictoire avec cette assertion de Stéphane Courtois selon qui "la mort de Missak Manouchian suscite l'admiration mais son héroïsation a été construite par le PCF".
Une double perversion dans cette volonté d'exclusion de Marine Le Pen.
Il était normal qu'elle ne vînt pas à l'hommage rendu à Robert Badinter, s'agissant d'une demande de la famille. En revanche, pour le couple Manouchian, en dépit de l'opposition du comité de soutien pour la panthéonisation et des réserves critiquables du président politisant ce qui n'aurait jamais dû l'être, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont eu raison de maintenir leur présence dans la soirée du 21 février.
En effet le président de la République, garant de la concorde nationale à l'occasion de cérémonies appelant l'unité au moins le temps de leur préparation et de leur déroulement, a été aux antipodes de cette exigence dans son entretien acide avec L'Humanité. Comment ne pas approuver Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite, qui explique ceci : "L'hypothèse de voir Marine Le Pen accéder au pouvoir était un songe et gagne désormais de la consistance. En tentant de l'écarter, le parti présidentiel tente de renverser la tendance" (Le Figaro) ?
La seconde absurdité. On remarque que la normalisation historique de Marine Le Pen - elle a rompu avec son père à cause de certains de ses délires provocateurs dans ce domaine - est perçue comme une catastrophe par ses opposants. Ils sont privés d'une détestation confortable sans avoir été capables de lui substituer une contestation intelligemment politique, beaucoup plus difficile à présenter. Il est tout de même choquant que sur le plan éthique, on ne se félicite pas d'une évolution aussi heureuse, pourtant conforme à cette idée que l'important n'est pas de savoir d'où l'on vient mais où l'on va.
Dans cette controverse indélicate - elle met de l'ombre sur une panthéonisation pourtant quasi consensuelle -, la question sur "qui tient la porte d'entrée ?" est cruciale. Le président, avec ses louvoiements et ses manoeuvres politiciennes, a perdu toute crédibilité.
Recherche désespérément un portier juste et équitable !
Plus le Rassemblement national monte, plus on l'invite à n'être présent nulle part. Ce serait le comble du ridicule si cela ne révélait le caractère dramatiquement inconséquent de notre président de la République.
On vient d'apprendre de sa part, dans un entretien avec le journal L'Humanité, que le RN dorénavant "n'est plus dans l'arc républicain" et qu'il devrait s'abstenir de participer à la cérémonie de panthéonisation du couple Manouchian. Marine Le Pen ne prendra pas en compte ce qu'elle tient pour un propos outrageant et sera présente.
Il faut que L'Humanité en ait pour son argent : Emmanuel Macron n'est pas un ingrat !
Sans être impertinent, il ne serait pas choquant de dénier au président le droit de sonder le coeur et les reins des personnalités politiques, d'en exclure certaines et d'en légitimer d'autres.
Plus profondément, le nombre de voltes sur l'arc républicain de ce pouvoir est impressionnant. Et j'y inclus évidemment, avec le président, l'ancienne Première ministre Elisabeth Borne qui n'avait rien trouvé de mieux à l'origine que de sortir de l'arc républicain le RN et LFI.
Une fois le RN y était, le lendemain il était ostracisé.
Tout cela est d'autant plus navrant que le président s'est piqué de donner des leçons à son camp en lui transmettant sa bonne méthode pour contrer le RN. Il ne fallait surtout plus se situer sur le plan moral mais délaisser la dénonciation éthique au profit de la contestation politique. Ce qui donc laissait entendre que le RN, naturellement sorti de l'immoralité, était inscrit dans l'arc républicain.
Par ailleurs, le 9 février, dans les marges d'un déplacement à Bordeaux, Emmanuel Macron avait invoqué une forme de normalité dans les rapports à avoir avec le RN (Le Figaro).
Comprenne qui pourra.
Acceptons qu'aucune cohérence ne peut être trouvée ni maintenue - on le constate - avec Emmanuel Macron qui, girouette, change d'opinion en fonction de ses interlocuteurs. Il ne dit jamais ce qu'il pense puisque sa pensée n'est pas inaltérable, mais ce qu'il estime devoir exprimer pour séduire ceux auxquels il s'adresse.
Cette extrême faiblesse de notre président le conduisant à refuser d'avoir un cap stable, est démontrée par son dialogue avec L'Humanité. Il aurait été hors de question pour lui de s'en tenir à une conviction ferme et de l'opposer à ses questionneurs: il convenait au contraire qu'il s'adaptât à eux pour qu'il puisse jouir de ce qui le comble le plus : aller vers l'autre pour être aimé et applaudi dans l'instant.
Ce n'est pas seulement sur ces sujets que le président alterne d'un jour à l'autre. Pour la vie internationale, il n'a pas lésiné pour faire entendre ici ce qu'on avait envie d'écouter et là, dès le lendemain, son contraire parce que l'environnement avait changé. Il lui était impossible de s'en tenir à une seule vision qui aurait impliqué une sincérité et une constance qu'il n'a jamais eues et surtout de faire le deuil de cette perversion l'incitant à proférer oui quand il pressent le oui, ou non quand il prévoit le non.
Quand le oui et le non sont nécessaires s'ils résultent d'une conviction qui ne flotte pas au gré des vents et des rencontres.
Le président n'invente pas, il s'adapte et se coule dans le moule. Il met ses mots au service, autant qu'il le peut, du journal communiste. Pour L'Humanité, on a eu droit au Macron de gauche, enfourchant les poncifs et les idées progressistes qui convenaient. Avec Valeurs actuelles, assurément, on aurait eu l'inverse. Ce narcissisme et ce cocon dont il s'entoure - ce qui n'interdit pas une dureté par ailleurs - demeureraient critiquables, mais sans effet majeur, s'ils ne débordaient pas de son périmètre personnel.
En réalité ils sont dévastateurs quand on relève à quel point le verbe présidentiel entrave la mission du Premier ministre qui, lui, n'a que le tort d'avoir une pensée stable, une conviction solide et une expression lucide.
En effet, comment ne pas approuver Gabriel Attal quand il énonce cette double évidence à la fois républicaine et pragmatique, que l'arc républicain est pour lui tout l'hémicycle ? En même temps vérité constitutionnelle et démocratique et affirmation empirique qui pourra lui permettre d'engager des débats et de favoriser des compromis avec des forces qui seraient peu enclines à dialoguer si par principe et absurdement on les excluait de l'arc républicain.
Il est clair que le président n'a cure de cette justice républicaine ni de cette morale parlementaire.
Qu'il rende plus difficile la tâche de son Premier ministre lui importe peu.
Puisque séduire L'Humanité était sa vérité du moment.
Bernard Cazeneuve (BC) s'interroge en le déplorant (Le Point) :" Que s'est-il passé pour que, tout à coup, être avocat devienne problématique au point de devoir en justifier ?".
Cette question qu'il se pose et dont je reconnais la pertinence de la part d'une personnalité dont la lucidité et l'esprit critique sont indéniables, me comble sur le plan intellectuel et judiciaire.
Elle rejoint chez moi l'acharnement, voire l'obsession avec lesquels depuis toujours, magistrat en activité puis honoraire, citoyen passionné par l'actualité judiciaire et les débats de société, j'ai défendu la magistrature face au barreau, mis en évidence la grandeur et la plénitude de la première face à la noblesse fragmentaire de la seconde, tenté de démontrer, parfois dans le désert, que la modestie et la frilosité du magistrat, comme mû par une sorte de masochisme, étaient insupportables face à l'éclat narcissique et médiatique de l'avocat, surtout dans le domaine pénal.
Si j'évoque le registre médiatique, ce n'est pas par hasard. En effet, c'est d'abord à cause de cette curiosité quasi exclusive des médias pour le barreau que la magistrature s'est trouvée reléguée dans la conscience publique. Elle a mis des années pour rattraper ce retard. Je ne suis pas persuadé que cette focalisation ait changé, tant le journaliste judiciaire s'abandonne plus au réflexe de solliciter l'avocat que le magistrat, de chercher auprès du premier des leçons décisives sur la Justice, les pratiques et l'institution judiciaires plutôt qu'auprès du second.
Cette constante inégalité qui privilégiait le rôle capital mais partiel du barreau - il est une partie dans une globalité qui relève de la magistrature - m'a interpellé. Comme si à la fois la discrétion personnelle et la réserve professionnelle du juge ou du procureur constituaient des obstacles à une pleine compréhension du monde judiciaire.
Comme je mesure la justesse de cette obligation de justification dont se plaint BC !
Être avocat ne va plus de soi. Il ne suffit plus de s'afficher tel pour que d'emblée le respect soit attaché à la fonction, pour qu'elle entraîne nécessairement révérence, considération et adhésion.
Comme si, en réalité, était enfin dévoilé que la beauté du métier d'avocat repose sur une dépendance brimant toute liberté. Que ce n'est jamais l'honneur d'une conviction personnelle qui vient présider au choix d'une cause mais seulement ce que distribue le hasard, la défense ou la partie civile, c'est selon. La cause vient vers l'avocat et la plupart du temps il n'hésite pas à l'appréhender, façonnant son argumentation pour aboutir à la soumission la plus complète par rapport à l'injonction de son client.
Cet inévitable lien, si contraignant, entre ce que le fil des jours va offrir à l'avocat et le discours qui va lui être dicté, quelles que soient les subtils variations et infléchissements suscités par son talent, est aujourd'hui la raison fondamentale du discrédit de la fonction de défense. Les vertus de liberté, de conviction et de sincérité sont aux antipodes de ce qu'exige la pratique de l'avocat. En effet, il s'assume et n'est pas gêné quand, contre vents et marées, toutes les évidences des débats et des condamnations confirmées, il conteste encore et toujours avec cette seule prescription : mon client n'a pas commis ce qu'on lui reproche.
Cette démarche jusqu'auboutiste au point de devenir pathétique est à mon sens le signe distinctif d'une profession qui, à force de nier l'incontestable, ne parvient plus à être crue quand elle formule la vérité et défend une cause juste.
Au risque de mécontenter encore davantage BC, avec l'évolution de ces dernières années je considère qu'il est sain et normal de questionner l'exercice de la défense, la légitimité et l'utilité de l'avocat et de soupçonner que derrière l'admirable façade médiatiquement célébrée, il y a des coulisses, des mystères, des arrangements, des compromis et des occultations qui défigurent la transparence de la Justice.
Je suis d'autant plus sur cette ligne négative que j'ai perdu, en si peu de temps, de chers amis avocats chez lesquels éthique, compétence et talent s'accordaient, notamment Jean-Louis Pelletier, Pierre Haïk et Hervé Temime.
J'admets avoir beaucoup changé sur le barreau. Après l'avoir loué en gros, je l'ai apprécié au détail.
Et je l'ai connu.
Il arrive de plus en plus souvent qu'à la tragédie de la mort d'une personnalité illustre et remarquable, s'ajoutent des incompréhensions qui projettent comme une ombre.
Ainsi pour Robert Badinter (RB) et la volonté de sa famille d'écarter de l'hommage national le RN et LFI. Marine Le Pen a pris acte de cette exclusion et s'est abstenue. LFI s'est fait représenter par deux de ses députés.
L'hommage national rendu au ministère de la Justice a eu beaucoup d'allure et sa dignité a été exemplaire. La panthéonisation de RB a été annoncée et, selon mon mauvais esprit habituel, j'ai immédiatement songé à tous les citoyens qui ne l'auraient pas souhaitée pour lui. Même si, évidemment, avec la propension de notre président à multiplier cette suprême consécration républicaine, on ne pouvait pas soutenir qu'il ne la méritait pas par rapport à d'autres.
Si je n'approuve pas Jean-Luc Mélenchon dénonçant le fait qu'un hommage national, par principe, ne doit exclure personne - chaque famille de disparu est libre de ses choix et il est décent d'en prendre acte sans les transgresser -, il n'en demeure pas moins que la splendide et austère ordonnance de la cérémonie de deuil en l'honneur de RB autorise quelques interrogations, sans irrévérence.
D'abord celle au sujet du verbe présidentiel, que l'allocution ait été rédigée par une "plume", comme c'est certain, et qu'elle ait été revue et relue par Emmanuel Macron lui-même, comme c'est sûr. On ne peut nier qu'elle a été de qualité, avec de la pompe, de l'ornement, avec des bonheurs d'expression tellement recherchés qu'ils en devenaient proches de l'enflure à force de lyrisme surjoué sur la mort, la guillotine, les camps... C'est la principale faiblesse des discours présidentiels, dans ces moments forts, dramatiques où le regret, l'admiration et les leçons pour le futur viennent se poser sur des vies brisées. En ne se méfiant pas assez de la surenchère dans le culte des belles phrases dont se délecte celui qui les prononce, avec pourtant une authentique tristesse.
Je me suis toujours gardé en cour d'assises d'une forme d'émotion pléonastique, d'intensité redondante par rapport à l'extrémité tellement explosive, suffisante à elle seule, du réel criminel dont il était question. Malgré le caractère incomparable de cette pratique et la noblesse de cet hommage national, ma critique me semble cependant justifiée, du moins acceptable.
Au-delà de cette gêne, j'avoue être en général mal à l'aise face à ces étouffements funèbres qui à force d'hyperboles ne sont pas loin de faire perdre au mort ce qu'il avait eu de formidablement vivant - sa grandeur, sa richesse, ses pulsions, ses colères, ses contradictions et son humanité précisément, toute de lumières incontestables et de quelques ombres inéluctables.
Je mesure bien les contraintes d'un hommage de cette sorte mais je ne suis pas persuadé qu'embaumer RB par le verbe lui rende justice et qu'une approche moins confite mais évidemment fidèle, digne et respectueuse ne l'aurait pas rendu plus plausible, au-delà de ses très proches accablés par le chagrin, en tout cas pour l'immense cercle de tous ceux qui ont pu le connaître, avec ses divers visages et manières d''exister, au cours de l'accomplissement de ses nombreuses missions.
Il y avait un RB pour sa famille, pour la famille politique de gauche, pour les progressistes qui n'en revenaient pas de voir exprimer avec tant de force une philosophie de faiblesse et des principes de désarmement social, pour les humanistes de tous bords qui approuvaient l'abolition de la peine de mort, si largement préparée par un François Mitterrand longtemps partisan des hautes oeuvres mortelles puis revenu courageusement à résipiscence...
D'ailleurs il faut bien considérer que la suppression de la peine de mort - pour des raisons que j'ai déjà expliquées, je ne l'aurais jamais requise, même si un dossier m'en avait imposé l'éventualité - ne relève pas de la politique ni de la politique pénale mais d'une conception de la transcendance, d'un humanisme à tout prix, et de la vie en société, de sorte qu'on peut célébrer RB sur ce plan. Sans pour cela stigmatiser les adversaires de l'abolition qui subissent une double peine : les élites les méprisent et ils n'ont jamais pu donner leur avis !
En revanche, on aura le droit de lui reprocher d'avoir mis en place, avec une ou deux avancées, à coups de suppressions et d'adoucissements dangereux, les bases d'une mansuétude pénale désastreuse dont les effets délétères sont encore en cours dans certains programmes et idéologies et qui pourrait se résumer par : la société est plus coupable que le criminel ou le délinquant, d'ailleurs surgis de ses flancs. Il n'y a pas loin du Badinter compassionnel au Macron alternatif...
Lorsque le respect tourne à l'idolâtrie, on élimine la multitude qui n'était pas séduite par le parcours exceptionnel d'un RB, soit parce qu'elle le connaissait très mal, soit parce qu'elle ne l'appréhendait qu'au travers du prisme de l'avocat plus acharné à combattre le risque de mort qu'encouraient ses clients qu'indigné par les crimes de ceux-ci, soit, enfin, parce qu'elle était rétive à l'ambiguïté de cette personnalité, ayant été à la fois sénateur socialiste et étiquetée sublime conscience de gauche (qui en manquait, il est vrai).
Ces réserves pèsent peu et ne réclament que le droit à leur expression, dans le respect que RB - dont le destin fut à la fois tragique, un miracle d'intelligence et de réussite, une consécration officielle, un exemple pour la lucidité juridique et le droit international, l'énergie et l'obstination d'un militant pour une social-démocratie paisible et civilisée, en résumé un être superbement brillant et profondément humain - inspire évidemment à beaucoup. Quels que soient les controverses et les dissentiments.
On accepte l'immensité des éloges si on ne nous prive pas de quelques piécettes de dénonciation.
L'idolâtrie le statufie. Alors qu'il va bouger longtemps dans l'esprit et le coeur de ceux qui l'aiment, l'admirent ou le discutent. Dans tous les cas il sera vivant pour toujours.
Le vendredi 9 février, le jour de la mort de Robert Badinter, le président de la République est à Bordeaux et il prononce un discours devant 459 auditeurs de justice, une promotion historiquement élevée (Le Monde), à l'Ecole nationale de la magistrature dont l'ancienne avocate qui la dirige, Nathalie Roret, n'est pas dénuée d'idées pertinentes et d'actions valables.
Alors que j'analyse son rapport général avec l'institution judiciaire et la Justice comme un mépris à peine dissimulé et une récupération assumée, il y a tout de même dans son allocution des propos qui ne peuvent que me réjouir puisque je n'ai cessé de réclamer du service public de la justice rapidité et efficacité. Au service précisément du public.
Quand EM affirme que "nous devons diviser les délais de notre justice par deux d'ici à 2027 ; ce n'est pas un objectif, c'est un impératif...cette rapidité est source de légitimité...Si la justice ne gagne pas en efficacité, en proximité, en célérité, alors, qu'on se le dise, chacun trouvera toujours d'autres moyens de juger les litiges, chacun les trouve d'ailleurs déjà : par l'opprobre médiatique, par le bannissement social, au mépris de la présomption d'innocence", il a évidemment totalement raison.
Le citoyen doit être notre juge bien davantage que la bureaucratie administrative et ministérielle qui inspire, domine et étouffe.
Mais cette lucidité ponctuelle est gâchée par sa vision structurelle du monde judiciaire et surtout de la magistrature elle-même. Comment peut-on être un bon berger quand, par mille signes, actions, abstentions ou nominations, on manifeste qu'on n'estime pas son troupeau ? Comment ce dernier pourrait-il être convaincu par un enseignement diffusé par un président avec si peu d'empathie ?
Le président de la République a évidemment célébré Robert Badinter, en particulier pour son rôle capital dans l'abolition de la peine de mort en 1981, grandement facilité par un François Mitterrand à la fois provocateur (il avait beaucoup fait décapiter sous la IVe République) mais repentant.
En respectant le délai de décence, j'ai moi-même salué d'emblée sur CNews, Europe 1 et Valeurs actuelles cette personnalité exceptionnelle disparue, en rappelant ses brillantes et diverses activités notamment avec les postes prestigieux qu'il a occupés, mais on peut aussi critiquer sa politique pénale comme l'a très bien fait Georges Fenech (JDD). Ses principaux éléments ont tous favorisé - à l'exception de l'heureuse abolition de la peine de mort - un laxisme porté par une idéologie très hémiplégique. Il suffit de relever qu'elle a été constituée essentiellement par des suppressions et des adoucissements. Il a fallu ensuite tenter de rattraper la rigueur perdue ! La société était moins à protéger que les principes d'une gauche si sûre d'elle-même...
Bien sûr, le président ne pouvait pas être négatif mais un accord profond se laissait toutefois deviner entre cette philosophie pénale emplie de mansuétude et la faiblesse régalienne depuis 2017 malgré quelques voltes fluctuantes et sur le tard moins naïves.
Je ne peux non plus éluder - même si j'en ai déjà trop parlé - la nomination provocatrice d'un remarquable avocat d'assises comme ministre, mais dont la particularité était d'avoir toujours dénigré le monde professionnel dont il aurait la charge. Maintenu lors du changement de gouvernement, mis en examen, relaxé par la CJR sans qu'un procureur général frileux tire par un appel les conclusions d'une décision juridiquement incohérente, renouvelé sous Gabriel Attal, son parcours manifeste le peu de crédit que EM a attaché à la Justice. Son seul souci étant d'exprimer le sentiment condescendant que la magistrature lui inspirait et de n'être évidemment pas gêné par un Dupond-Moretti sur la même ligne, avant.
Un exemple déterminant de cette hostilité est le changement radical que le président a opéré sur la volonté initiale de faire démissionner les ministres mis en examen, avant d'effectuer un revirement manifesté par l'apparent culte de la présomption d'innocence. Comme si celle-ci ne relevait pas du seul plan judiciaire à gérer dehors par le mis en examen. Alors que son maintien, au contraire, mettait à bas sa légitimité politique et sa crédibilité dans l'action à l'égard des concitoyens.
Il n'était pas très républicain d'assurer de sa confiance systématiquement tous les politiques et ministres de son bord mis en cause. Comme s'il faisait forcément l'impasse sur ce qui pouvait leur advenir judiciairement.
Il n'était pas non plus d'une grande élégance de reprocher aux magistrats de vouloir composer, faire ou défaire les gouvernements comme si ceux-ci, saisis de soupçons de transgression de la part de certains ministres, avaient un autre choix que d'instruire sur eux. La circonstance que quelques-uns ont été relaxés n'infirme pas mon argumentation. Il y a eu des appels pour François Bayrou et pour Olivier Dussopt (pas reconduit comme ministre) et on a vu ce qu'il en était pour Dupond-Moretti. "Les prévisions de culpabilité" démenties, dont EM se félicite, peuvent demain être révisées à charge.
Il est pertinent de conclure que la violation de la sage "jurisprudence Balladur" - mis en examen, le ministre doit démissionner - révèle chez EM, plutôt que l'apparent souci de la présomption d'innocence, la volonté de tenir pour rien, sur le plan politique, les décrets d'un univers judiciaire moqué par le président et son conseiller le plus proche, Alexis Kohler (Le Figaro).
Louis Hausalter dans cet article du Figaro a raison quand il écrit que "depuis qu'il est au pouvoir, le chef de l'Etat ne tient pas les magistrats en haute estime". Emmanuel Macron a de la chance d'être en partie protégé par un double bouclier : celui des outrances politisées du Syndicat de la magistrature et celui de la passivité étonnante du corps judiciaire face à ce qu'il faut bien considérer comme un scandaleux discrédit présidentiel.
Cette approche présidentielle, entre mépris et récupération, pourrait être aisément récusée par cette justice honorable et travailleuse dont elle se moque mais qu'elle prétend pourtant stimuler.
En effet, citoyens, ces magistrats dédaignés ne pourraient-ils pas retourner le compliment à ce pouvoir tel qu'il est présidé en dénonçant sa légitimité à les juger quand lui-même serait évidemment condamné dans le cadre d'un procès équitable !
Quelques semaines avant sa mort, Christian Bobin (CB) a écrit cette phrase magnifique : "Quelqu'un s'en va, nous quitte, s'embellit de nous échapper" (La Croix).
Il y a des pensées splendides sur la mort à venir, qui valent toutes les allégresses de la vie.
Je n'ai jamais pensé qu'il convenait de faire silence sur notre finitude obligatoire. Cela dépend des personnalités et des caractères.
Pour les uns, libérer sa parole sur cette tragédie de la disparition banalise cette dernière et nous habitue à l'appréhender comme une issue certes inéluctable mais familière à force d'être évoquée. Elle se fait une place dans notre existence et on n'est jamais lassé de l'accueillir avant l'heure grâce à notre verbe et à notre émotion.
J'ai toujours compris, sur un mode mineur, la manière dont Georges Brassens a fait la nique à la mort dans plusieurs de ses chansons en se moquant de la peur qu'elle nous inspirait.
D'autres au contraire ne supportent pas qu'on y fasse allusion comme si prononcer son nom et réfléchir sur elle allaient avancer le moment fatal.
À l'évidence Christian Bobin ne relève pas de cette catégorie frileuse et nous offre, avec sa vision originale, une approche qui se distingue du fait de prier pour les morts, selon la croyance chrétienne, ou de prier les morts, selon cette belle intuition de François Mitterrand.
Combien de fois ai-je éprouvé la justesse de celle-ci, me sentant protégé par ceux qui m'avaient quitté !
Que nous dit CB ? Que c'est celui qui part qui s'allège, qui s'embellit et qui, se détachant de nous, prend une force, une identité et une liberté supérieures. Cette conviction est évidemment indissociable de la lumière de la transcendance, de la certitude, pour beaucoup, que les limites de notre monde ne seront pas irréversibles mais qu'elles seront prolongées dans un au-delà qui sera, pour le disparu, une félicité singulière : il nous aura quittés pour mieux se retrouver.
Je n'aurais pas été aussi admiratif de cette fulgurance de CB s'il ne l'avait pas complétée par la véritable angoisse qui devrait, à son sens, nous saisir : "La mort dans la vie. Les conventions. Les fleurs en plastique de l'intelligence raisonneuse".
Une vie après la mort, oui, mais la dénonciation de cette mort, parfois, dans la vie de chacun.
Je suis profondément convaincu par cette assertion qu'il y a de multiples morts qui sur tous les registres peuvent nous atteindre de notre vivant. Quand précisément on oublie de vivre entre l'enfouissement dans le passé et l'angoisse toute d'incertitude sur l'avenir.
CB, mort, nous aide à mieux vivre.
François Bayrou (FB) a refusé d'être ministre des Armées ; et pour l'Education nationale, "faute d'accord profond sur la politique à suivre", il n'entrera pas au Gouvernement.
Je perçois comme un ouf de soulagement du Premier ministre...
On peut deviner que la philosophie éducative de FB l'aurait conduit vraisemblablement à être plus souple et moins réactif que l'ancien ministre Gabriel Attal.
Ceux qui prédisaient qu'à tout prix il participerait à ce gouvernement qui n'en finit pas d'être inachevé en sont pour leurs frais.
Je n'ai jamais vraiment apprécié le FB faiseur de président puisqu'il est clair que, sans lui, Emmanuel Macron n'aurait jamais été élu en 2017, si on ajoute la calamité judiciaire qui a amoindri François Fillon.
Je n'ai pas davantage aimé l'auxiliaire dévoué et fidèle du macronisme, qui, malgré quelques accès surjoués d'indépendance, n'a jamais dérogé à une ligne qui me l'a rendu quasiment étranger par rapport à la personnalité que j'avais croisée puis connue et saluée au cours d'une période où il avait eu un rôle décisif de vigilance durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Sans oublier une direction vigoureuse du parti centriste qu'il avait sorti de la tiédeur et de l'équivoque constante.
Comme je me doute que beaucoup, dans tous les cas, s'en prendront à lui en glosant sur son âge, son incroyable bonne fortune judiciaire - y aura-t-il appel ou non ? -, son ambition jamais rassasiée, son obstination à ne pas sacrifier toute espérance présidentielle pour 2027 et sur son faible bilan lors de son passage rue de Grenelle (de 1994 à 1997), comme on va insister sur les ombres du personnage, sur la plaie de sa longévité dans notre monde politique, je voudrais au contraire, avec nostalgie, rappeler la chance qu'il a été et les lumières projetées par une destinée singulière, entêtée, courageuse et tolérante à une certaine époque.
Je n'oublie pas, je n'oublie rien.
À chaque université d'été du CDS, il avait la délicatesse de me proposer d'intervenir en me garantissant une totale liberté. Il l'a toujours respectée et je n'ai jamais perçu, chez lui, la moindre inquiétude face à un discours imprévisible, désaccordé d'avec les rails du centrisme classique, parfois provocateur. J'ai pu ainsi vérifier sa sincérité dans l'affirmation de ses valeurs et la validité de ce que bien plus tard il a déclaré : quand tous pensent la même chose, on ne pense plus rien.
Quand Nicolas Sarkozy était président de la République, ses avertissements sur le déficit, le scandale de l'arbitrage Sarkozy-Tapie-Lagarde, une pratique du pouvoir ne brillant pas par l'allure et la dignité, ont rassuré plus d'un citoyen. Il a représenté alors une forte espérance et dans l'ensemble de ses interventions et actions, sa vision de la politique, caractérisée par une volonté de dépassement de la droite et de la gauche et par un humanisme social, n'était pas sans anticiper ce qu'Emmanuel Macron a exploité par la suite.
Sa propre campagne présidentielle en 2002 n'a pas été médiocre et s'il n'est pas parvenu au second tour, les thèmes qu'il a développés ont marqué l'opinion ainsi que telle ou telle de ses réactions impulsives, par exemple sa petite tape à un gamin qui voulait le voler.
François Mitterrand qui était aussi impitoyable sur les autres que complaisant avec lui-même, avait toujours été impressionné par l'effort et la constance dont FB avait dû user pour vaincre son bégaiement.
Ce serait se tromper sur lui que de l'appréhender seulement au regard de ses expériences ministérielles (l'une de très courte durée place Vendôme) et de sa traversée du désert (très relatif) avec le haut-commissariat au Plan durant l'attente de l'issue judiciaire le concernant.
Maire de Pau, je crois savoir qu'une majorité des habitants est satisfaite de ses orientations et de son action.
Tourner en dérision cette personnalité parce qu'elle serait depuis trop longtemps dans notre espace démocratique serait faire fi d'un homme politique qui n'a jamais fait honte à la République, d'un homme que l'humanité n'a jamais déserté et peut-être d'un futur candidat qui n'a pas dit son dernier mot.
Pourquoi la cause et le combat des agriculteurs ont-ils suscité un tel soutien, une telle adhésion de la part d'une immense majorité de nos concitoyens ?
Parce que d'abord leurs revendications étaient légitimes.
Mais surtout à cause du fait que beaucoup se retrouvaient dans leur dénonciation des normes, de la bureaucratie et de l'étouffement de notre liberté et de notre indépendance par une Union européenne prête à faire se déliter notre identité nationale à force d'abstractions déconnectées du réel (Le Parisien).
Cela fait longtemps qu'à mon modeste niveau, et nous n'étions pas nombreux à assumer ce point de vue, j'ai mis en cause l'institution judiciaire dans son registre pénal - aussi bien pour les enquêtes que pour les instructions - pour sa propension à la bureaucratie procédurale. Elle n'a cessé de s'accroître ces dernières années (voir mon billet du 21 avril 2020 : "La bureaucratie: un pouvoir sans éclat).
J'ai déploré que la police et la gendarmerie soient ligotées par un formalisme et un pointillisme stérilisants, ce qui les a conduites à consacrer beaucoup moins de temps aux investigations, dans les délais légaux qui leur étaient impartis, qu'à une paperasserie et à des mentions et vérifications que j'ai toujours considérées comme inutiles, voire superfétatoires. Il faudrait tenir compte de la présence obligatoire de l'avocat, du contrôle et de la contradiction qu'elle permet, pour alléger le poids des normes et de la forme.
Pour le travail des juges d'instruction - certes l'ouverture d'informations s'est beaucoup réduite - il est miraculeux que le carcan procédural, les délais stricts, le byzantinisme et la sophistication des règles dans lesquels on les a enfermés, n'aient pas abouti plus souvent à des catastrophes au détriment de la sauvegarde de la société. Il est impossible - ce sera également vrai pour les juridictions de jugement, notamment les cours d'assises - de se libérer de ces entraves prétendument nécessaires à l'État de droit pour offrir au justiciable, au plaignant, à la partie civile, au prévenu ou à l'accusé une justice humaine, une confrontation des visages et des paroles, un échange des regards, un dialogue authentique. Il est effarant - je l'ai parfois constaté dans ma vie d'avocat général - de relever que la médiocrité de certaines présidences a été aggravée par l'enfouissement dans des dossiers et la vigilance tatillonne. Non pas pour mieux appréhender le fond ou écouter plus attentivement mais pour ne pas risquer de transgresser une disposition d'intérêt très secondaire.
Il faut débureaucratiser la Justice dans toutes ses dimensions en plaçant au premier plan la relation de confiance avec les citoyens. Comme la politesse n'est plus d'actualité, il conviendrait d'imposer toujours et partout une réponse aux demandes et aux courriers des justiciables. Mon expérience d'ancien magistrat et de citoyen engagé m'autorise à dire qu'il y a là une béance, un vide, un manque dévastateurs.
Quant aux Cours européennes, si elles cessaient d'énoncer des obligations qui relèvent de banalités - délai raisonnable, égalité des armes, etc. - ce serait à saluer. De même qu'on leur saurait gré de ne pas, au nom d'abstractions aussi généreuses que stériles, empêcher nos pays d'exercer en leur sein une véritable autorité régalienne efficace et à la fois respectueuse des droits élémentaires.
Débureaucratiser, c'est enlever de la graisse et de l'inutile partout.
Contre l'obésité et l'impuissance.
L'équipe d'Irlande a broyé l'équipe de France à Marseille pour le premier match du Tournoi des Six Nations.
La communication des joueurs et de l'entraîneur Fabien Galthié, en prenant acte de la déroute, l'a minimisée, affirmant qu'on allait l'analyser et qu'on ferait mieux la prochaine fois. Bon courage contre l'Écosse le 10 février !
Ce n'est pas parce que je suis seulement un sportif en chambre que je n'aurais pas le droit de tirer du sport tous les enseignements qu'il prodigue. Cette activité, quand elle se dispute au plus haut niveau, montre à quel point certaines de nos banalités convenues sont inadaptées à la réalité de beaucoup d'échecs ou de réussites.
La leçon capitale de cette récente défaite est que, si les cimetières sont peut-être remplis de gens irremplaçables, il existe cependant, dans le cours de l'existence, des personnalités irremplaçables. Au sens propre, des êtres dont l'absence sera absolument préjudiciable et rendra beaucoup plus difficiles, voire impossibles les victoires d'hier.
Antoine Dupont est irremplaçable et, sans désobliger son successeur Maxime Lucu, celui-ci l'a démontré par sa dernière prestation.
Je ne vois pas pourquoi cette constatation serait déprimante. Elle est une évidence pour moi et si elle est refusée la plupart du temps, c'est à cause d'une volonté parfaitement artificielle de laisser croire à une égalité entre tous. Cette occultation se piquant d'être progressiste est démentie par mille exemples qui se rapportent aux activités humaines, du divertissement à la politique, de la pensée à l'Histoire.
Contre le démenti qu'apporte à ce poncif l'indiscutable éclat de la singularité indépassable de quelques personnes, on est contraint de proférer que nul ne se distingue jamais, que seul vaut le travail en équipe, que le pluriel l'emporte sur le singulier et que chacun apporte sa petite pierre à l'édifice. C'est une ânerie. Elle a le mérite de nous donner bonne conscience et de créer en nous l'illusion que nous sommes à la même hauteur que les plus brillants dans les exercices de la vie, du sport, de la justice, de la politique, de l'art ou des médias.
On confond le caractère unique de chaque être humain avec le refus d'admettre que tel ou telle est clairement au-dessus du lot. Il ne faut pas s'en plaindre mais s'en féliciter.
Antoine Dupont est irremplaçable dans le XV de France et il a tout à fait le droit de vouloir gagner un titre olympique avec le rugby à sept. Sa délicatesse qui le conduirait à me contredire n'y changerait rien. Mais qu'on ne fasse pas semblant de tenir pour rien ce départ : il va être dévastateur.
Qui peut nier la lucidité de cette intuition que, ici ou là, des personnalités irremplaçables ont illustré ou illustrent notre humanité ? Si elles n'avaient pas existé, le monde aurait été orphelin.
Un Jacques Anquetil n'a jamais été remplacé. Un Charles de Gaulle non plus. Un Noureev pas davantage. Une Callas encore moins. Un Gérard Philipe pas du tout. Un Jean-Paul Sartre, contre la splendide fin des Mots, reste unique. Alain Finkielkraut ne peut aujourd'hui se voir substituer personne. Fabrice Luchini, dans son genre, est inimitable. Je pourrais citer quelqu'un dans mon univers médiatique mais son authentique modestie en souffrirait.
Les cimetières pleins de gens irremplaçables ? Sans doute. Mais on ne cesse de les regretter. Leur disparition laisse une béance là où ils sont passés.
Demain, le plus tard possible, certains nous priveront de la magie de leur apport fondamental à tout ce qui sollicite notre curiosité, notre admiration artistique, notre passion citoyenne, notre goût de la compétition...
Cette incapacité à admettre qu'au-dessus de la multitude il y a des étoiles et que si elles s'éteignaient, l'univers serait moins riche, a paradoxalement pour conséquence le fait qu'à rebours on banalise les dilections, on applaudit des médiocres, on surestime des vulgaires, on porte aux nues des essayistes, des sociologues, des formateurs et des gourous qui écrivent ce qu'on sait déjà ou prétendent vivre à notre place, on vante des artistes dont le talent relève d'une quête désespérée, on loue des politiques qui sont interchangeables. Comme on répugne à rendre hommage aux êtres irremplaçables, on se rengorge en soutenant que tout le monde est remplaçable.
La vie, toutes les vies, sous quelque forme que ce soit, démontrent le contraire.
Antoine Dupont est irremplaçable. Pour trouver un successeur valable, il convient d'abord d'accepter cette évidence.
Et qu'il y ait des irremplaçables nous honore tous.
Après la lecture du très beau livre d'Alain Finkielkraut, Pêcheur de perles, j'ai eu envie de faire comme lui et de commencer à remplir un cahier avec toutes les citations que, lecteur compulsif, j'aurais le désir de noter. Et d'en élire une pour ce billet.
Parmi toutes celles que j'ai déjà retenues, un propos de Patrick Buisson (PB) a particulièrement attiré mon attention et donc suscité cet écrit.
Même mort, PB est aussi honni aujourd'hui par certains qu'il a été sollicité par beaucoup de son vivant pour ses conseils politiques. Il est évident que ses fulgurances, ses intuitions, ses paradoxes stimulants et sa pensée conservatrice structurée et brillamment assumée ont été d'un grand secours intellectuel, stratégique et tactique pour des personnalités qui avaient besoin d'un éclaireur, d'un débroussailleur pour élucider le maquis du réel.
PB a déclaré un jour : "À droite il n'y a plus que des metteurs en scène" (Le Point, 1er février).
J'interprète immédiatement ce triste constat comme le fait que dans le passé nous avons été mieux pourvus sur le plan de la plénitude et de la qualité partisanes mais que de nos jours nous ne disposons plus que d'artisans, de réalisateurs qui mettent en lumière une représentation sans fond, sans sens parce qu'ils seraient eux-même incapables d'en écrire le texte.
On peut comme moi ne pas désespérer des Républicains, même s'il est éloigné de mes rêves sur ce qu'il devrait être, libre, inventif et courageux, et considérer cependant que ce prétendu moribond toujours en forme n'a en effet à sa tête que des "metteurs en scène".
Pour continuer cette métaphore, il y a des réalisateurs qui sont en même temps de formidables scénaristes, notamment aux Etats-Unis, même si là-bas on a moins de scrupules à confier à d'autres le soin d'inventer des histoires et d'écrire les dialogues.
Il y a aussi des metteurs en scène tellement doués et créatifs que leur réalisation constitue un apport capital pour le scénariste. Elle amplifie et sublime l'élaboration de la fiction. Il y a eu des organisateurs tellement remarquables pour les campagnes et les débats publics qu'ils mettaient quasiment l'esprit et la main dans la substance des discours eux-mêmes et des programmes.
Il y a malheureusement aussi des réalisateurs tellement imbus d'eux-mêmes qu'ils se croient aptes à écrire leur propre scénario et force est de constater qu'assez souvent cette posture aboutit à de mauvais films.
N'est pas scénariste qui veut et les immenses metteurs en scène ne courent pas les rues ni l'univers artistique.
Les metteurs en scène, selon le principe énoncé par PB pour la droite, sont assez nombreux à LR. Il n'y a pas que les trois qu'on mentionne officiellement et médiatiquement : Eric Ciotti, Bruno Retailleau et Olivier Marleix. Il y en a d'autres qui tirent les ficelles ou sont eux-mêmes manipulés, c'est selon.
Dans l'entre-deux, Laurent Wauquiez se montre de plus en plus, Xavier Bertrand est plus discret et Valérie Pécresse n'a pas désarmé.
Mais qui, pour l'instant, écrit l'histoire chez LR, qui invente le scénario, qui impose le style, qui prévoit la configuration de demain, qui offre de la matière aux trois metteurs en scène principaux ?
Quelqu'un qui se piquait d'être un réalisateur-scénariste a trahi pour un plat de lentilles macronistes et lâché ses amis politiques de toute une vie : Nicolas Sarkozy n'est même plus dans les coulisses !
Je songe à David Lisnard qui ne paraît pas pressé, qui bénéficie du formidable avantage d'être sous-estimé et qui est en train d'écrire son propre scénario en aspirant à en faire un jour celui de la droite tout entière. Loin d'être un metteur en scène, il se construit hors de la vanité des apparences, dans une forme de sérénité à la fois ambitieuse et réfléchie.
Si LR ne meurt pas, contre tous les oiseaux de mauvais augure, qui sera, en 2027 et pour la suite, son metteur en scène et à la fois son scénariste ?
Cette question est centrale. Des réalisateurs, on en trouvera toujours mais des personnalités capable d'avoir des pensées pragmatiques, des ruptures opératoires, des courages productifs, du futur et de l'imagination plein leur tête, quelle denrée humaine rare !
Il n'y a aucune raison pour que la droite soit condamnée à perpétuité à faire de mauvais films, au mieux inachevés !
Rien ne me paraît plus faux que de qualifier le Premier ministre Gabriel Attal (GA) de "petit Macron".
D'abord il y a là comme un zeste de condescendance, voire de mépris, et, pour avoir été choisi par le président, pour une fois heureusement inspiré, faut-il considérer qu'il est forcément un clone d'Emmanuel Macron ? Dans une telle dépendance que toute autonomie lui serait interdite ?
Suis-je contraint d'appréhender ce couple globalement, alors que j'ai envie de l'évaluer au détail et d'estimer que, si l'un a déçu et relève dorénavant d'une forme de passé, l'autre représente l'espoir ? Dans chacune de ses fonctions, il a su assumer ses responsabilités correctement, et même brillamment. Sa dernière expérience rue de Grenelle a été trop courte mais tellement concluante.
Sa jeunesse ne sera pas perçue par moi comme un handicap. Je me souviendrai de la pensée de Goethe pour qui "si la jeunesse est un défaut, on s'en corrige vite". Et tant plus âgés, à des postes essentiels, notamment celui de Premier ministre, n'ont pas vraiment ébloui...
Aussi, on comprendra pourquoi je n'ai pas eu un réflexe d'opposant global critiquant sans nuance son discours de politique générale, prononcé alors que son gouvernement est loin d'être formé - on l'annonce complet le 6 février ou même plus tard -, avec des manques laissant des secteurs importants dans l'attente.
S'il m'a déplu sur certains points, dans l'ensemble cependant je l'ai senti animé par une juvénilité créatrice, sincère, désireux de faire de ses promesses des actes, un peu intimidé par la posture officielle qu'il avait la charge d'assumer - lire un discours préparé par d'autres alors qu'il est très doué pour l'élan spontané du verbe - mais offrant une fraîcheur, une absence de cynisme, se refusant à tout pessimisme anticipé.
Bref, une intervention de Premier ministre qui n'a déshonoré ni la démocratie ni la France.
Ses faiblesses tenaient à une part de structure obligatoire dans ce type de discours, qui contraint à des banalités et des abstractions nobles. Il ne pouvait y déroger, de la même manière qu'il n'a pas manqué de rendre hommage à quinze reprises au président et de remercier ses prédécesseurs.
Le procès qui lui a été fait de n'avoir pas placé tout son discours sous l'égide de l'agriculture en crise est injuste. Il a sans doute pâti du télescopage avec ses premières propositions aux agriculteurs. Il ne pouvait pas se focaliser seulement sur eux sauf à donner l'impression de tenir pour rien sa tentative initiale de répondre à la contestation agricole.
Quant à la tonalité générale de son propos, il est absurde de la qualifier, comme Jean-Luc Mélenchon l'a fait, "de la plus réactionnaire depuis un siècle". Alors que je ne vois rien à redire à l'analyse de Boris Vallaud qui la dénonce comme "libérale et conservatrice" ; personnellement je m'en félicite...
Si le président a multiplié les fluctuations et les revirements au point d'égarer le citoyen, aujourd'hui GA n'avait pas d'autre choix que d'inscrire clairement son allocution sous le pavillon de la droite. Parce que le réel, d'une certaine manière, impose cette option en accablant la société avec des maux qui n'appellent qu'une rigueur aux antipodes des solutions de gauche.
Il était frappant de constater que les passages les plus applaudis, bien au-delà de Renaissance, tenaient à la formulation d'évidences répressives et d'une fermeté régalienne ne laissant aucune transgression sans réponse.
Il a d'ailleurs cherché à s'attirer les suffrages de "la France qui doute", en s'engageant "à faire respecter l'autorité partout : dans les familles, dans les classes, dans les rues" (Le Monde).
Je ne suis pas crédule au point de m'abandonner sans réserve à une satisfaction citoyenne. Alors que la majeure partie de son intervention avait respecté retenue et correction à l'égard des oppositions, quel dommage que sur la fin, tombant dans la démagogie, il ait dégradé ce ton au sujet du RN en revenant sur sa collusion prétendue, ou en tout cas ressassée sans éléments nouveaux, avec la Russie. On aurait attendu plus de finesse de GA qui n'ignore sans doute pas, au fond de lui, que ces accusations renforcent l'adversaire qu'elles croient combattre.
Je n'ai pas non plus été séduit par l'allusion finale à son homosexualité alors que j'aurais autant apprécié son discours s'il avait été hétérosexuel. Elle était inutile. D'une part la France n'était pas pionnière dans ce domaine à la fois intime et politique et d'autre part j'espère que cette confidence - qui évidemment a suscité l'enthousiasme de ses troupes ! - n'était pas une réponse malvenue à Mediapart qui lui avait reproché honteusement "une homosexualité non ostentatoire".
J'entends bien qu'à prendre l'intervention dans son ensemble, elle apparaît tel un inventaire, avec de multiples engagements et promesses, la relation d'un passé forcément embelli, une profusion de "je" destinée à manifester volonté et liberté, indépendance et énergie. Bien sûr, tout cela demeurera comme un déplorable exercice de style si rien ne vient s'incarner dans le réel pour le réparer, pour le transformer. GA, dans l'avenir, sera véritablement un homme d'Etat ou sera jugé comme un séducteur nous ayant payé de mots.
Est-il possible de conclure ce billet sans stigmatiser une Assemblée nationale qui ne sait pas écouter dans le silence, qui s'exclame ou crie quand l'orateur intervient, qui dans un brouhaha constant donne un si piètre exemple de la vie parlementaire et contraint la présidente à solliciter le calme de manière d'ailleurs trop peu impérative ?
Pour moi, GA n'a pas à s'abriter sous l'aile (bienveillante ou non) d'Emmanuel Macron. Il doit faire politique à part ! Sur ce plan je ne peux que reprendre les termes de mon billet du 7 janvier, quand il était encore ministre de l'Education nationale : "J'ai peur pour Gabriel Attal !"