Rédigé le 22 janvier 2021 | Lien permanent | Commentaires (16)
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Dans "Bilger les soumet à la question", un entretien avec Marion Maréchal en ligne le 22 janvier à 8 heures.
Rédigé le 21 janvier 2021 | Lien permanent | Commentaires (6)
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Le maire d'Etampes a mis les moyens de sa mairie au service de l'organisation d'une marche blanche demandée par une famille qui venait de perdre deux de ses membres : deux frères, Samir et Nordine, au lourd passé judiciaire, notamment pour trafic de drogue, qui avaient pris l'autoroute à contresens pour échapper à un contrôle de gendarmerie et dont le véhicule avait heurté un camion, au chauffeur heureusement indemne.
Premier mouvement : l'indignation devant une telle initiative apparemment choquante (CNews)
Deuxième phase : le maire vient courageusement donner ses justifications sur cette même chaîne dans l'émission de Pascal Praud et l'un des chroniqueurs, Jean-Claude Dassier, ne mâche pas ses mots et lui dit vertement ce qu'il pense de lui qui a osé favoriser une marche blanche à l'égard de tels personnages.
Le maire invoque l'amitié qu'il avait pour cette famille, qu'il n'était pas juge, qu'en quelque sorte la mort effaçait tout et que la concorde municipale devait prévaloir. Pour se défendre de tout clientélisme dans une ville à la forte communauté musulmane, il souligne qu'il s'agissait de son dernier mandat.
Je ne suis pas convaincu mais je voudrais placer le débat sur un autre terrain.
Si j'avais mauvais esprit, je ferais allusion à la condamnation de ce maire LR en 1997 et au fait que Mediapart l'accusait, en 2020, d'avoir mis en place un système mafieux. Il est vrai qu'en 1999 il avait aussi suscité une polémique en voulant supprimer les aides pour les familles avec des enfants condamnés.
Au-delà de ces considérations qui pourraient nourrir la suspicion, il me plaît davantage de mettre en évidence la grossière erreur du maire confondant l'amitié avec son devoir municipal. Comme ami, il pouvait se rendre évidemment aux obsèques privées de cette famille mais il n'avait pas à accéder à la demande d'une marche blanche et surtout, d'une certaine manière, à la financer et à la faciliter.
Le maire, en acceptant ce qui aurait dû relever de la seule sphère familiale, avec la douleur compréhensible de ceux qui étaient privés de Samir et Nordine, oubliait son rôle et l'image qu'il avait à donner, se trompant radicalement de registre. Deux délinquants échappant à un contrôle de gendarmerie et qui auraient pu aussi engendrer le pire pour les autres n'avaient pas, avec l'aval officiel, à bénéficier d'une telle consécration.
Le message adressé à la communauté d'Etampes était délétère : le maire validait des comportements antisociaux, légitimait des passés infiniment imparfaits et octroyait un honneur à une famille quand deux de ses membres ne l'auraient clairement pas mérité de leur vivant.
Comme il y a les deux corps du roi, Franck Marlin aurait dû réfléchir à l'obligation de respecter les deux corps du maire.
Il a tout simplement fait fi de ses devoirs.
Rédigé le 21 janvier 2021 dans Actualité, Justice, Médias, parole, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (37)
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Alain Finkielkraut, Daniel Cohn-Bendit et LCI ont été réunis ces derniers jours d'une étrange manière.
Le premier, qui y était chroniqueur hebdomadaire, a été renvoyé dans des conditions précipitées et choquantes. Contestant cette décision, il a choisi, pour défendre sa cause, l'excellent avocat Michel Laval.
Le second y débat, chaque dimanche soir, face à Luc Ferry dans l'émission "En toute franchise" d'Amélie Carrouër.
Le 17 janvier, à plusieurs reprises, sans que Luc Ferry puisse l'interrompre, Daniel Cohn-Bendit (DCB) a assimilé Donald Trump à Hitler.
Cette absurdité - on ne va pas le renvoyer pour cela ! - est révélatrice d'un triple dévoiement d'autant plus insupportable qu'il est le fait d'une personnalité bien en cour depuis des années, ayant table ouverte médiatique et influence politique, au plus haut niveau paraît-il.
D'abord d'une dégradation du langage. Puis d'une indécente banalisation historique de la part de quelqu'un donnant beaucoup de leçons sur ce plan. Enfin d'une dénaturation de la pensée. Pour résumer, il s'agit du propos d'un homme incapable d'ajuster son esprit et son verbe à la réalité qu'il dénonce, la réduction à Hitler étant la manifestation éclatante de la pauvreté de l'analyse.
Si seulement ceci devait être reproché à DCB, on pourrait vite arrêter la discussion. Il n'est pas le seul à enfler les mots par paresse et facilité !
Mais depuis quelque temps, heureusement, l'indulgence n'est plus de mise.
Grâce au livre lucide et intelligent de Vanessa Springora sur la complaisance honteusement octroyée par le milieu médiatique et littéraire à Gabriel Matzneff. Christian Giudicelli, parfois son compagnon asiatique pour le pire, est par ailleurs toujours membre du jury Renaudot.
Grâce au livre de Camille Kouchner, porte-voix de la douleur de son frère "Victor"et de la sienne propre en raison de l'inceste reproché à Olivier Duhamel - qu'il a qualifié lui-même "d'affreux" au début de ce mois.
Même si la formule est ressassée, il y a une formidable libération de la parole.
Caractérisée notamment par l'afflux de témoignages après la création de #MetooIncest.
La conséquence de ce dévoilement nous confronte aux journaux intimes de Matzneff où il s'affiche très fier de ses turpitudes asiatiques, notamment avec son ami Christian Giudicelli toujours dans le jury Renaudot. Nous sommes également replongés dans ce passé éloigné qui jette plus que des ombres sur DCB et ses positions d'alors sur les jeunes enfants et la pédophilie.
J'éprouve une forme de nausée face à certains propos de DCB en 1975 et le 23 avril 1982 lors de l'émission Apostrophes où, sous les rires à la seule exception de Paul Guth autant moqué que l'avait été Denise Bombardier, il proclame que "la sexualité d'un gosse c'est absolument fantastique...entre 4 et 6 ans, on se fait des papouilles...quand une petite fille de cinq ans et demi commence à vous déshabiller, c’est fantastique, c'est un jeu absolument érotico-maniaque"...
En 1975, dans son livre "Le Grand Bazar", il écrit "Il m’était arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances, mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais : 'Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble, pourquoi m’avez-vous choisi, moi, et pas d'autres gosses ?' Mais s’ils insistaient, je les caressais quand même".
À chaque fois, des quotidiens - en particulier le Monde et Libération - minimisaient, évoquaient le contexte et soulignaient que DCB n'avait jamais commis d'actes de pédophilie.
Celui-ci, notamment en 2001, a admis que ce passé était honteux mais qu'il fallait tenir compte de l'époque.
Pour compléter ce tableau, on ne peut passer sous silence le communiqué de 1977 - DCB n'est pas signataire - qui a été signé avec "enthousiasme" par 77 personnalités, très peu dans cette mouvance ayant refusé, dont Marguerite Duras. Parmi les signataires, Jack Lang et Bernard Kouchner. Pour défendre judiciairement les auteurs d'atteintes sexuelles sur mineurs commis sur trois enfants de 13 à 14 ans, ce communiqué dénonçait au fond la criminalisation de la pédophilie.
C'est cette lassante apologie - toujours la même - que je voudrais discuter.
D'une part nous avons le droit aujourd'hui de nous ériger en juges parce que ces pulsions scandaleusement libertaires, sans considération de l'enfance, sont heureusement étrangères à une majorité d'humains, de tout temps et nous serions prêts par ailleurs à valider contritions et repentances si ces graves pécheurs ne continuaient pas à tenir le haut du pavé.
D'autre part, quand Jack Lang questionné avec pugnacité par Sonia Mabrouk - au point qu'il fait plus que s'énerver - se contente d'invoquer une "connerie" pour le communiqué de 1977, il montre bien le tour de passe-passe qui consiste à déguiser une défaillance morale en erreur intellectuelle (Europe 1).
Cette référence paresseuse à l'esprit soixante-huitard constitue en fait un réquisitoire impitoyable contre cette période. Alors qu'à l'évidence on aurait pu sauver, en elle, des avancées dont on peut encore ressentir les bienfaits de nos jours.
Je n'ai jamais compris cette argumentation qui pour DCB et sans doute d'autres croyait être convaincante quand elle renvoyait à un contexte, une atmosphère, un climat de laxisme, une vision de l'enfance qui aurait eu droit à une sexualité sans que l'adulte à son égard ait à radicalement s'abstenir.
Ressassement qui s'égare. Comme si, dans la vie de chacun, dans le passé comme aujourd'hui, quelles que soient les options philosophiques et politiques, il ne devait pas y avoir une frontière infranchissable préservant le caractère sacré de l'enfant et sa totale dépendance, donc son extrême faiblesse, face aux pulsions indignes d'adultes dévoyés. Le fait de savoir qu'il y a des êtres auxquels on ne touche pas ne dépend pas de la conjoncture mais d'une intangible et permanente éthique.
La tragédie d'alors, qui a des racines encore dans aujourd'hui malheureusement, est d'avoir laissé sombrer le caractère absolu de la morale dans le relativisme des moeurs.
DCB demeurera, malgré tout, à LCI, mais Alain Finkielkraut, avec lequel j'ai eu une seule divergence d'appréciation ciblée, voir mon billet "Alain Finkielkraut débat-il trop ?" en a été immédiatement chassé.
Cherchez l'erreur !
Rédigé le 20 janvier 2021 dans Actualité, Education, Justice, Livres, Médias, parole, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (112)
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Je réunis Eric Zemmour et Régis de Castelnau parce que le premier - dans le Figaro - a vanté le livre du second, "Une justice politique", en approuvant sa thèse centrale que l'on pourrait résumer ainsi : depuis les années 90, il y a une montée du pouvoir des juges dont "l'activité judiciaire récurrente aurait été la chasse au politique...avec la chasse au Sarkozy après son élection en 2007, aggravée avec François Hollande et organisée avec soin comme outil politique décisif au service d'Emmanuel Macron".
Les magistrats, avec leur émancipation, n'auraient eu de cesse que de se "payer" les politiques tout en étant, si j'ai bien compris le livre touffu et dense de Régis de Castelnau, soumis à eux. Cette explication a le mérite de la simplicité mais je n'ai pas dénoncé le corporatisme des juges pour accepter une vision si peu complexe, une ligne trop basique de la réalité judiciaire.
J'ai conscience, compte tenu de l'ignorance ou de l'idéologie de ceux qui jugent l'histoire judiciaire, de mener un combat perdu d'avance tant aujourd'hui il convient d'affirmer péremptoirement des idées fausses ou approximatives sur la Justice.
D'autant plus quand elles sont proférées avec talent par Zemmour et souvent avec savoir par Castelnau.
Si j'ai droit à un zeste d'ironie, je me sens démuni quand Régis de Castelnau rend un vibrant hommage au début de son ouvrage à Anne-Sophie Chazaud (qui a écrit par ailleurs un excellent livre, "Liberté d'inexpression") qui lui retourne son compliment en louant "le brillant réquisitoire de Régis de Castelnau".
Qu'oser dire face à ce double enthousiasme qui semble ne pas laisser d'autre choix qu'un nouvel hommage ?
Eric Zemmour dont j'apprécie la vivacité, le courage intellectuel, la culture et son acceptation de tous les débats m'a permis de constater, à deux reprises sur CNews, à quel point il tenait à une interprétation dépassée de la Justice. Elle offrait le mérite, pour ses téléspectateurs en hausse, de flatter un populisme certes ennobli par son verbe et sa dialectique mais cependant limité et approximatif. Le populisme anti-juges de l'élite est le pire !
Mettant de la globalité là où il n'y en a pas et du partisan systématique quand il n'est pas le ressort fondamental des pratiques judiciaires. Eric Zemmour ne cesse de rappeler au soutien de sa thèse fustigeant la "politisation de la justice", la harangue en effet scandaleuse d'Oswald Baudot, mais qui date de 1974... La Justice a avancé mais EZ demeure concentré sur ce passé lointain et ne cesse de fustiger le présent au nom de ce qui n'existe plus - et j'intègre dans mon raisonnement le lamentable Mur des cons enfin achevé par la Cour de cassation : un Himalaya syndical et politique accouchant d'une souris pénale !
Zemmour et Castelnau ont cette faiblesse, qu'ils prennent sans doute pour une force, de plaquer sur l'histoire de la Justice une grille à tonalité marxiste : le premier l'a admis face à moi et le second a été longtemps au parti communiste, défenseur de la CGT et il a quitté le barreau depuis très peu de temps. Il est donc naturel que la conjonction de ces données aboutisse au désir d'une perception judiciaire éliminant tout hasard, offrant seulement l'implacable logique d'un enchaînement délétère et répugnant à tout ce qui, dans cette histoire de la Justice, viendrait victorieusement contredire leur thèse. Leur politisation a besoin d'une justice politisée et ils s'en donnent à coeur joie.
Ils oublient une donnée essentielle : s'il y a eu les juges du pouvoir, il n'y a aucun gouvernement des juges. c'est un fantasme. Leur pouvoir, s'il existe, est infiniment fragile et donc à défendre plus qu'à stigmatiser.
Non pas que le livre de Régis de Castelnau soit médiocre, bien au contraire. Il a des qualités indéniables dont j'ai la faiblesse d'avoir trouvé sur beaucoup de points des prémices dans mon propre livre "Le Mur des cons", aussi bien sur la typologie des juges que sur le Mur des cons, les péripéties fondamentales de l'asservissement puis de la libération des juges et la parenthèse du massacre judiciaire de la victoire programmée de François Fillon.
L'auteur est doué pour la limpidité pédagogique et dans ses meilleures pages il expose l'évolution législative avec un savoir et une clarté qui pourraient être utiles même au profane. Tout n'est pas à jeter dans ses dénonciations et ses propositions finales même si le caractère systématique et orienté des premières leur fait perdre beaucoup de crédibilité. Pour les secondes, j'approuve en particulier son souhait partagé par certains de voir divisé le corps judiciaire en deux structures, Siège et du Parquet, celle qui juge et celle qui poursuit.
Mais à côté de ces richesses, que de partis pris et de simplisme, que de contradictions avec une volonté forcenée d'apposer sur l'imprévisibilité du réel une grille dogmatique cousue de fil idéologique !
D'abord pourquoi réduire l'univers pénal à sa part "politique" comme si l'ordinaire estimable et majoritaire des pratiques ne pesait pas face à cette dernière ?
Si Castelnau sait faire des portraits dévastateurs et à mon sens justifiés (Eva Joly, Eric Halphen), il est en revanche haineux et répétitif à l'encontre de Serge Tournaire et n'éprouve de l'indulgence, selon un seul critère, que pour des magistrats ayant, totalement ou partiellement, bien traité Nicolas Sarkozy.
À l'égard de la multitude des procédures engagées contre Nicolas Sarkozy, il se fait son défenseur systématique et prétend les démolir toutes juridiquement avec une indignation dont on a le droit de se demander d'où elle provient.
À le lire, on a l'impression que malicieusement la magistrature a inventé de son propre chef tout ce qui, durant son mandat puis dans les années suivantes, a conduit à soupçonner Nicolas Sarkozy de diverses infractions dans des affaires dont certaines ont déjà abouti à des non-lieux, d'autres à des renvois et à un délibéré, une dernière à une enquête sur "ses millions russes" (Mediapart).
Ce travers est généralement le fait de ceux qui reprochent aux procureurs leurs initiatives procédurales à l'égard des politiques comme si elles résultaient d'un dessein préétabli et partial de leur part alors qu'elles sont la conséquence d'éléments qui leur ont été communiqués et qui appellent vérifications, enquêtes ou informations.
Fureur de Castelnau en l'occurrence d'autant plus étrange qu'à aucun moment, lui si soucieux de l'état de droit, si impitoyable à l'encontre de pratiquement tous les magistrats, tellement obstiné à soutenir sans nuance la cause des avocats, il ne fait la moindre allusion au dévoiement radical, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, du traitement des affaires "sensibles" ou "réservées" : quelques magistrats domestiqués par un pouvoir sachant user tactiquement de toute la gamme des pressions, des influences et des tentations.
Aussi comment ne pas sursauter quand Castelnau croit dégager une ligne de force qui serait "les avocats voilà l'ennemi" alors qu'on pourrait lui opposer son hostilité lassante et monomaniaque "Les magistrats, voilà l'ennemi" !
Par ailleurs, son analyse de la crise des Gilets jaunes et de son appréhension policière et judiciaire est caricaturale - bien sûr focalisation sur les seules violences policières, sans distinguer l'usage de la force légitime des rares violences illégitimes.
Le plus grave à mon sens dans son approche d'une prétendue politisation globale de la Justice tient à une contradiction fondamentale. Après avoir mis en cause la validité, parfois même la légalité, des procédures concernant Nicolas Sarkozy, il égrène, pour accabler François Hollande et Emmanuel Macron, un certain nombre d'affaires disparates mais qui toutes ont pour dénominateur commun d'avoir été engagées, soumises à des enquêtes, pour certaines à des instructions, d'autres certes bénéficiant d'un classement, quelques-unes n'étant pas encore clôturées par une décision : ce qui démontre qu'au moment même où il dénonce la politisation des juges tout en fustigeant l'emprise du pouvoir, il dresse un inventaire qui pour le moins infirme son constat qui se serait voulu accablant.
Je pourrais continuer pour rendre compte de ce livre riche, intelligent, infiniment discutable, décelant des malfaisances sous les incuries, les négligences, les lenteurs et parfois peut-être les erreurs de droit, la main présidentielle derrière les aléas contrastés et imprévisibles du cours judiciaire.
Pour réunir Eric Zemmour et Régis de Castelnau dans une même démarche unilatérale et donc imparfaite et fragmentaire.
Mais je préfère arrêter là avec cette conclusion : l'un et l'autre font de la politique sur la Justice.
Rédigé le 18 janvier 2021 dans Actualité, Justice, Médias, parole, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (72)
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Rédigé le 16 janvier 2021 | Lien permanent | Commentaires (23)
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Alain Finkielkraut (AF) est indigné parce que LCI l'a "viré" après ses propos sur Olivier Duhamel à l'émission de David Pujadas (24 heures Pujadas) dans laquelle il était un chroniqueur hebdomadaire. Il a déclaré que "son éviction est d'une incroyable goujaterie, que LCI le bâillonne et qu'il est sous le choc" (Le Parisien).
Je partage son sentiment : LCI n'aurait jamais dû prendre cette décision à son encontre. Elle est absurde.
AF est un grand esprit, un authentique philosophe et a toujours su faire preuve d'une liberté intellectuelle qui a du prix, émanant de lui. Son rôle est trop important dans l'espace de la pensée et médiatique pour qu'on ne s'attache pas à l'analyse de ses commentaires du 11 janvier et à ce qu'ils révèlent sans doute de sa personnalité.
Ses propos, à bien les lire, sont plus complexes que ce qu'une approche sommaire a résumé. Ils mêlent des évidences à une interrogation provocatrice.
Pour les premières, il s'agit d'une réflexion pertinente sur la Justice en général et sur les précautions à sauvegarder dans la matière des crimes et des délits sexuels avec les enfants pour victimes. Notamment rappel de la présomption d'innocence, refus des condamnations médiatiques sans rien savoir. Il n'y a rien dans ces considérations qui puisse choquer.
Pour la seconde, en revanche, il me semble que AF commet une grave erreur de perception quand sur l'affaire dont la victime est "Victor" Kouchner, il s'interroge sur le possible consentement de ce dernier âgé de 14 ans (ce ne serait plus un enfant mais un "adolescent") et sur l'existence peut-être d'une réciprocité qui aurait relativisé, si on comprend bien, les agissements d'Olivier Duhamel.
La qualification pénale retenue étant : viols et agressions sexuelles par personne ayant autorité sur mineur de 15 ans.
AF fait preuve d'une grave méconnaissance de la réalité de ces transgressions en occultant le phénomène d'emprise, sur un adolescent de 14 ans tétanisé, exercée par un adulte admiré, séducteur, beau parleur et surtout titulaire d'une indiscutable autorité. Il est aberrant de prétendre plaquer, sur une inégalité objective et forcément subie, l'apparence d'une liberté de part et d'autre alors que ces relations délictuelles et/ou criminelles résultent naturellement de la domination de l'un sur l'autre, de l'évidence d'un pouvoir sur un adolescent pris au piège de l'affection et de la confiance sans qu'il soit même nécessaire d'évoquer la notion de contrainte.
Il serait offensant, pour une personnalité de la trempe d'AF, d'imaginer un désir personnel d'apologie d'Olivier Duhamel.
Il faut en effet aller chercher ailleurs les ressorts de cette polémique.
Ils relèvent à mon sens de l'hostilité que AF paraît toujours avoir éprouvée face à des indignations unanimes, trop consensuelles, pour être honnêtes, acceptables en quelque sorte. Comme s'il résistait en permanence à la tentation de mêler sa voix, même, comme souvent, équilibrée et raisonnable, aux hurlements avec les loups. Il y a là comme un désir, chez lui, de nous mettre en garde, de nous alerter, de nous inciter à des nuances et à de la subtilité ; mais à force de se méfier de l'ordinaire, il lui arrive de tomber, comme en l'occurrence, dans la confusion qui peut au moins troubler.
Je persiste : LCI, sans délicatesse, a cru bon de chasser AF de son plateau. Comme si une erreur d'analyse, un point de vue perçu comme provocateur et gravement inexact appelaient l'exclusion, une expulsion, en effet très indélicate. . Avec de tels critères, les plateaux pourraient devenir des déserts et les débats des monologues.
AF, philosophe de qualité et académicien français, devrait toutefois s'abstenir de s'impliquer sans cesse dans les médias, en se plongeant dans l'écume, l'anecdotique, le superficiel et le contingent. Je sais bien que la mode d'aujourd'hui est de faire participer des philosophes réels ou prétendus à des échanges, sortes de coachings du riche, dans des quotidiens ou magazines. Au mieux ce sont des banalités, au pire des afféteries.
Mais de grâce, pour AF, plus lui, plus ça !
Rédigé le 14 janvier 2021 dans Actualité, Justice, Médias, parole, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (167)
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Le terme "gloire" est peut-être excessif. Il va bien pour le titre. Je pourrais parler de célébrités, de ces personnalités connues et médiatisées dans divers secteurs de la vie: politique, culturelle, artistique, judiciaire ou évidemment médiatique.
Par "fausse" j'entends par là que pour qui les a regardées, écoutées, vues à l'oeuvre, il y a un hiatus considérable entre la lumière superficielle et abusive projetée sur elles et leur réalité concrète. Un gouffre entre leur affichage et ce qu'il en est de leurs mérites objectifs.
Les médias ont une incoercible propension à se tromper sur ce plan parce qu'ils vont systématiquement puiser dans un immense vivier empli par d'innombrables promotions, hyperboles, approximations, clientélisme, flagorneries, et parfois - il faut en convenir - par des vérités et des appréciations fondées.
J'ai en horreur la vanité ; non pas l'affirmation de soi qui est positive, mais l'exhibition de soi, et le refus qu'à cette idolâtrie personnelle se mêle la moindre critique, la plus petite nuance.
Ce qui est insupportable, c'est la mise sur le pavois de professionnels au sujet desquels on est réservé. Comme si une injustice se commettait et qu'un aveuglement les gratifiait de ce qu'ils ne méritaient pas.
Il convient de distinguer. Il y a la subjectivité de notre goût, nos appétences intimes, notre conception de l'art et de la culture, notre définition de l'intelligence qui certes nous autorisent des discriminations, des hiérarchies, des rejets ou des admirations mais on les sait fondés sur notre seule intuition. Leur gloire nous semble fausse parce que nous ne comprenons pas pourquoi on les a fait sortir à ce point du lot. Notre décret est impérieux et n'a pas besoin d'être justifié, de se justifier. Royal est notre égoïsme, seul maître de ses dilections ou de ses rejets.
J'ai pu choquer par le ressassement à l'encontre de Claire Chazal, personnalité très estimable, mais qui n'a jamais su faire des interviews politiques dans la définition que j'en donne. Je suis apparu sans doute injuste pour certains mais cette perception ne prêtait pas à conséquence : elle n'émanait que de moi et compensait d'une manière infime l'encens médiatiquement et abusivement déversé.
Ainsi quand Eric Neuhoff, avec esprit, écrit que "Isabelle Huppert est la plus mauvaise actrice du monde", on devine qu'il force le trait et se plaît à jeter le trouble, un peu moins de complaisance et d'adoration dans un monde tout entier dans le ravissement !
Rien ne nous oblige, sur ce terrain où nous avons droit à une autarcie absolue du jugement - qui n'interdit pas d'y mêler des considérations objectives qui viendraient compléter notre perception - à faire amende honorable à quelque moment que ce soit. Si on mesure que là où je suis sévère, un autre pourrait vanter.
Il y a des célébrités discutables pour chacun d'entre nous dans la société du divertissement largement entendue. Et nous avons chacun notre humeur, notre empathie ou déplaisir pour nous guider.
C'est autre chose, évidemment, quand dans le milieu professionnel qu'on connaît, on est confronté à des surestimations médiatiques plus ignorantes que perverses. Je les ai souvent relevées, en matière judiciaire, de la part de médias qui confondaient la lumière apparente d'une "grosse" affaire (grosse pour plusieurs raisons) avec une aura qui tomberait mécaniquement sur son titulaire.
Cette dérive, malheureusement, peut sévir de manière interne quand les hiérarchies ont si peu de lucidité qu'elles s'appuient sur des critères biaisés et tombent malheureusement non sur les plus remarquables mais les plus visibles. Ceux qui font du bruit.
Les médias sont coupables, la plupart du temps, de cet exaspérant décalage entre les gloires qu'ils sélectionnent, parfois fausses, rarement justifiées, et la vérité des coulisses, l'objectivité des pratiques et des comportements. Entre ce qu'on vante sans tout savoir et ce qu'on sait sans pouvoir en parler. Rien n'est plus pénible, douloureux, de devoir s'abstenir quand on est au fait, qu'on connaît les ombres et les failles mais que cela n'empêchera pas des portraits configurés sous le soleil éclatant de l'ignorance.
Il y a en effet des fausses gloires, des célébrités ridicules à force d'être déconnectées de l'authentique valeur.
Un ressort expliquant fondamentalement ces simulacres, dont certes on peut se désintéresser, mais je n'ai jamais péché par indifférence, provient des étranges critères avec lesquels les périphériques de l'action, les observateurs de la scène principale, notamment les journalistes, jugent les protagonistes. Je témoigne que dans les débats médiatiques on se retrouve confronté parfois au même constat. L'intelligence est trop négligée, on n'attache pas suffisamment d'importance à l'aptitude ou non à savoir se dégager des poncifs, des banalités tellement incontestables qu'il est inutile de les proférer.
L'intelligence véritable est celle qui ajoute de l'imprévisible, de l'inventif, du nouveau, du non pensé ou du non dit - le contraire du commentaire et de la paraphrase - au socle qui nous est indivis, à notre disposition avec ses vérités toute faites, ses évidences toute mâchées et ses consensus si confortables. L'intelligence est ce qui éclaire autrement un chemin déjà beaucoup battu.
Les fausses gloires sont celles dont on s'émerveille et qui jouissent d'être traitées pour ce qu'elles ne sont pas.
Les vraies, les célébrités devant lesquelles on s'incline ont pour dénominateur commun d'échapper profondément à l'arbitraire médiatique, d'être promues et vantées par le citoyen, aimées par le peuple. Un Jean-Jacques Goldman durablement au faîte en est le meilleur exemple.
Rédigé le 12 janvier 2021 dans Actualité, Justice, Médias, parole, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (96)
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Il m'est arrivé de débattre avec Olivier Duhamel. Je l'ai aussi beaucoup entendu dans les médias. Je n'ai jamais douté de sa position éminente dans certains lieux de pouvoir et de son influence auprès de beaucoup de décideurs, voire de son aura mondaine. Est-il besoin de rappeler Sciences Po et sur un autre registre Le Siècle ?
À chaque fois que j'ai eu l'opportunité, directement ou indirectement, de mesurer ce qu'il était, son intelligence, son savoir, son assurance voire parfois son arrogance (si sûr d'être supérieur !) étaient incontestables et souvent la pertinence de ses propos (où la gauche n'était plus un obstacle à l'adhésion) indiscutable.
Il est hors de question que je me permette d'examiner le fond de cette affaire complexe, douloureuse et sur un si long cours. Une enquête a été ordonnée par le parquet de Paris à la suite de la publication du livre écrit par Camille Kouchner, "La Familia grande" et du remarquable article fouillé du Monde écrit par Ariane Chemin, que ses explications médiatiques ultérieures ont bien complété (France 5).
Pour ma part, je m'en tiendrai plutôt à une perception de la périphérie de cet univers au sein duquel il paraît que tout le monde "savait". Mais quoi ? Et ensuite que faire ? Ce sont les questions que j'ai envie de me poser grâce à ce billet. Comme si je m'examinais moi-même.
J'ose espérer que l'impact intense, immédiat, politique et médiatique de ce récit de Camille Kouchner - il ne m'a pas plu autant que d'autres, par exemple celui de Vanessa Springora - n'est pas dû au fait que son auteur est l'épouse du président du directoire du Monde comme ce quotidien a eu l'honnêteté de le mentionner.
Sans préjuger, la révélation sur les ombres d'Olivier Duhamel, dont lui-même a tiré sur-le-champ les conséquences, m'a évidemment stupéfié. Cette déflagration l'a conduit d'emblée à anticiper sa mort sociale, universitaire, politique. Il y a du courage dans cette précipitation.
Pour parler net, j'ai éprouvé davantage d'indignation envers l'entourage de Gabriel Matzneff ; à cause de ses Journaux, tous publiés et souvent admirés, où il se flattait ostensiblement de sa criminalité et pour lesquels il était ensuite fêté malgré - ou à cause de ? - cela. J'ai trouvé dérisoires les mises en cause des coupables de cette indécence, des responsables de cette odieuse complaisance qui, au prétexte littéraire, validaient l'ignoble.
Rien n'a changé d'ailleurs puisque ceux qui l'avaient encensé et d'une certaine manière légitimé n'ont pas subi d'opprobre. Le prix Renaudot, si on excepte le départ de Jérôme Garcin, est demeuré fidèle à sa composition initiale qui a permis de primer Matzneff, grâce à un complice de ses turpitudes, assumé et connu, en son sein.
Pour Olivier Duhamel, il paraît que "tous savaient".
Mais quoi ?
On a décrit suffisamment le snobisme élégant, provocateur, libertin, débridé, sans retenue sexuelle, ne préservant rien même pas l'enfance (photographies d'enfants nus dans une sorte de consentement généralisé et d'enthousiasme festif) pour ne pas tomber de saisissement face à l'atmosphère qui régnait à Sanary, quand un monde se réunissait et qu'homogène dans ses appétences et sa permissivité, il battait son plein. Je n'aurais pas voulu vivre dans un tel climat et on pouvait d'ailleurs s'en retirer. Luc Ferry y est allé une fois mais n'y est jamais retourné. Toutefois, même au pire de son expression, quand on y restait, on ne devenait pas forcément complice d'intolérables transgressions, d'infractions pénales. Puisque, de bonne foi, on ne les connaissait pas.
Acceptons l'idée que tout le monde savait, ce qui n'est pas sûr du tout avant 2011, la période du classement sans suite après l'audition de "Victor" Kouchner, qui n'a pas voulu déposer plainte. Cette audition a été effectuée après l'enquête sur la mort de Marie-France Pisier - qui a eu, tout au long, un comportement impeccable - et la découverte de cette affaire par la police en inspectant l'ordinateur de la comédienne.
Et après évidemment, qu'y avait-il à faire ?
Je suppose que les jumeaux Camille et Victor ne criaient pas sur les toits, la première ce qu'elle savait, le second ce qu'il avait subi. Certains qui auraient pu deviner que le lien d'Olivier Duhamel avec son épouse (qui l'aimait, l'admirait et le protégeait) et ses beaux-enfants (qui sous emprise, l'aimaient, l'admiraient et le protégeaient) occultait un comportement incestueux, auraient-ils dû, toutes affaires cessantes, se rendre à la police ou dénoncer les faits au procureur ?
Facile à dire dans la pureté des principes, mais dur à trancher. Au moment d'un tel choix, d'un arbitrage aussi lourd de sens à opérer, on trouve aisément des motifs d'abstention : le refus obstiné de porter plainte de Victor, le classement sans suite en 2011, et puis cela ne peut pas être vrai de la part d'une personnalité comme celle d'Olivier Duhamel, et la paix des familles, cela compte !
Frédéric Mion, qui avait à la fois un compagnonnage officiel, amical et éclairé avec Olivier Duhamel, a été un artiste dans cette rhétorique : pour lui, rester est courageux. Comme on est indulgent avec soi !
Même pour le père de Victor, à l'égard duquel je serais enclin à moins de compréhension, j'accepterais d'entendre sa justification. Tout est si simple en l'occurrence avant d'avoir à décider si concrètement on doit être un citoyen exemplaire ou un père, une épouse, un ami, fiable et fidèle. Qu'on se plonge une seconde dans ce tragique embarras, on admettra que savoir et se taire ne fera pas de vous forcément un humain indigne.
J'aime que des êtres aient racheté tous les autres. J'ai déjà évoqué Marie-France Pisier. Je songe aussi à Patrick Rotman qui, dès qu'il a eu vent de l'inadmissible, a coupé court à toute relation avec l'univers d'Olivier Duhamel.
Je voudrais, pour finir, aller plus loin. J'ai commencé par Matzneff et le procès d'une passion de la littérature excusant toutes les ignominies.
Certes ce n'est pas du tout sur le même registre, mais j'ai le droit de m'interroger sur cette appétence pour le pluralisme contingent, le trouble, l'équivoque, l'atypique, la dilection pour le sulfureux et l'interdit, la dénaturation de l'enfance, la haine des normes (déconnectés du choix libre, par chacun, de ses orientations sexuelles) qui conduit, par exemple, toujours au nom de la littérature et d'une vie se voulant offense à l'infinie bêtise prétendue des équilibres, à un portrait dithyrambique d'Hervé Guibert (M le Magazine du Monde).
Si on relie tout, ce que la loi interdit, ce que le progressisme libéré suscite, ce que la modernité porte aux nues, il y a un dénominateur commun: rien ne doit être net, limpide, transparent, d'une belle normalité, sans équivoque affectée.
Notre monde est incapable de comprendre que les seules ombres positives ne sont pas celles qui ostensiblement s'affichent mais celles qui enrichissent les fors intérieurs.
Rédigé le 10 janvier 2021 dans Actualité, Justice, Livres, Médias, parole, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (250)
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Le seul mérite qu'il a eu est de n'avoir jamais dissimulé qu'il ne respecterait pas les résultats de l'élection s'il était déclaré perdant: parce que pour lui, ils seraient alors nécessairement truqués.
Il l'a dit, il l'a répété, il l'a martelé. Et il n'a cessé, au fur et à mesure que la judiciarisation forcenée qu'il avait mise en oeuvre pour contester l'incontestable ruinait ses espérances, de demeurer pourtant dans le même registre.
On était prévenu mais on n'osait pas penser qu'il irait aussi loin, au point de délibérément fragiliser le socle démocratique américain, le Capitole, symbole et lumière.
Certains de ses partisans républicains, fanatiques et irrespectueux, chauffés à blanc par lui, ont pris à la lettre ce que Donald Trump continuait à proférer, malgré l'élection de Joe Biden : menaces et volonté sadique de battre en brèche une tradition et une civilité démocratiques trop honorables et honorées.
Quatre morts et plusieurs blessés dans les marges de cette incroyable irruption collective contre laquelle la police du Capitole, pas assez nombreuse malgré les alertes, n'a pu faire preuve de suffisamment de résistance.
Je n'ai pas eu tort de défendre certains aspects de la politique de Donald Trump sur le plan national - l'économique et le social au meilleur jusqu'à la calamiteuse gestion de la Covid-19 - et dans le domaine international où son caractère atypique, imprévisible, a su faire bouger des lignes qu'on croyait intangibles. Il a retiré son pays de théâtres guerriers même si évidemment il a porté atteinte à un multilatéralisme qui s'était accordé sur certains points fondamentaux comme le climat.
Je me doutais qu'il serait mauvais perdant mais pas à ce point. Son refus obstiné d'admettre sa défaite ne relevait plus du combat légitime qui autorise le vaincu à user de toutes les ressources de la loi pour voir reconnaître ses droits, mais de l'expression caractérielle d'un tempérament incapable de supporter l'humiliation suprême de cette déconfiture.
Il est clair qu'en ayant incité ses partisans à investir le Capitole, Trump a commis une faute gravissime, offensante pour la démocratie américaine et qui va cliver encore davantage le parti républicain entre pro et anti Trump.
Ensuite il a calmé le jeu : c'était bien le moins. À cause sans doute de la réprobation des anciens présidents américains et de la semonce européenne sur sa déplorable attitude.
Même si tout au long de son mandat Trump a été victime de l'opposition systématique des médias et d'un opprobre politique qui méconnaissait même ce qu'il avait accompli de bien, il serait faux de prétendre que cette hostilité générale a engendré le Trump caricatural, souvent aux limites du déséquilibre, inquiétant même si parfois lucide dans ses intuitions et ses analyses. C'est sa personnalité qui a créé la détestation dont il a été l'objet.
Mais il faut raison garder : ce n'est pas la fin du monde et encore moins celle de la démocratie américaine même si je partage le sentiment de beaucoup qu'avec ce Capitole envahi, c'est un peu de notre rêve américain qu'on nous a volé. Un trésor intouchable a été violé.
Il n'empêche que rien ne m'est apparu plus inutilement mélodramatique que l'intervention de notre président en pleine nuit avec le drapeau américain derrière lui. Je sais que les Français adorent se mêler des affaires des autres et en particulier, pour les Etats-Unis, choisir leur président à leur place et généralement se tromper. Mais l'exhibition de ce drapeau était choquante et provocatrice comme si nous étions devenus coresponsables de la vie politique américaine, de ses grandeurs et de ses failles.
Je ne crois pas une seconde que le futur démocratique sera obéré par cette catastrophique fin de mandat. En effet, de même que sa singularité imprévisible a eu parfois des effets positifs pour le monde et son pays, il est permis de considérer qu'elle ne pourra jamais être imitée pour le pire, puisqu'il n'y aura jamais qu'un Trump pour présider ainsi et terminer de la sorte.
Demain, sans que je sois enthousiasmé par Joe Biden - qui semble rajeunir à proportion des déroutes successives de Trump -, on est tout de même persuadé qu'avec lui une forme de normalité reprendra ses droits. Elle ne sera sans doute pas géniale mais reposante.
Il nous rendra à sa manière un peu du rêve américain.
Juste une conclusion sur la France. J'ai souvent douté de la qualité et de la force de notre démocratie. Mais suis-je naïf d'estimer que, si Marine Le Pen l'emportait en 2022, mille manifestations se dérouleraient dans la rue mais son adversaire battu ne contesterait pas le résultat de l'élection et n'inciterait pas ses soutiens à investir l'Elysée.
Nous aurions d'autres drames et affrontements mais nous aurions au moins cette consolation.
Rédigé le 08 janvier 2021 dans Actualité, international, parole, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (174)
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Philippe Juvin aurait dû faire partie de la promotion de la Légion d'honneur mais Matignon se serait rétracté à son sujet (L'Express).
Si c'est vrai, c'est une vilenie.
Je devine bien quels sont les ressorts, tous médiocres, de cette offense personnelle.
Je n'imagine pas que le Premier ministre, qui a d'autres chats à fouetter et qui estime, je présume, Philippe Juvin, soit derrière cette mauvaise manière. Ils étaient peu ou prou de la même famille politique.
J'ose espérer que le président de la République, même s'il avait glissé il y a quelques mois une acidité contre Philippe Juvin en laissant entendre qu'il était plus dans les médias que dans son service à l'Hôpital Pompidou - accusation injuste et mensongère - n'est pour rien dans cet épisode navrant.
Ne reste que le ministre de la Santé qui critiqué de toutes parts n'a pas pu tout le temps bénéficier de la comparaison confortable avec Agnès Buzyn, qui l'avait précédé.
Paul Morand a écrit que la pire des jalousies est celle qui se développe dans le même milieu professionnel.
On imagine très bien que les analyses, les recommandations et les critiques de plus en plus vives de Philippe Juvin, représentant éminent du corps médical et disposant d'une liberté de parole à cause de sa carrière politique, aient sans doute à la longue irrité Olivier Véran et que ce dernier ne soit pas étranger à ce coup fourré.
La compétence, le talent, une liberté d'esprit, une réussite reconnue et incontestable à la tête des urgences de l'hôpital Pompidou, autant d'insupportables dispositions pour quelqu'un qui, comme Olivier Véran, se bat contre l'épidémie en étant contraint de nous dire que les manques et les carences était délibérés et qu'on faisait mieux que les autres.
Bassesse politique aussi.
Philippe Juvin est maire de La Garenne-Colombes, il a été député européen, il est un proche de Nicolas Sarkozy et si celui-ci avait été réélu en 2012 ou avait réussi son retour en 2017, Philippe Juvin aurait été son probable ministre de la Santé.
Le professeur Juvin a même laissé entendre qu'il aurait pu être candidat à la primaire de la droite et du centre...
Par ailleurs, ce qui rend cette existence encore plus éclatante, Philippe Juvin a accompli des missions humanitaires dangereuses en tant que médecin militaire en Afghanistan.
C'est sans doute trop dans un univers qui supporte l'éclat mais grisailleux, la dénonciation mais feutrée, le courage mais virtuel. Trop brillant à l'évidence, trop entier, Philippe Juvin n'avait pas droit à cette distinction puisque plus que tout autre il y avait droit. Il y a des qualités qui sont des handicaps et des insuffisances qui sont des garanties.
La Légion d'honneur a été souvent donnée à des personnalités qui ne la méritaient pas, à cause d'un clientélisme forcené.
Si on la retire dorénavant, par décret d'autorité et de jalousie, à des lumières pour qu'elles ne fassent pas d'ombre à ceux qu'elles indisposent, où ira-t-on ?
On pourrait qualifier ces péripéties de dérisoires. Mais rien de ce qui concerne l'honneur ne l'est.
Rédigé le 06 janvier 2021 dans Actualité, international, Médias, parole, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (96)
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Du vendredi 31 décembre 2020 au 3 janvier 2021, la bêtise et la violence ont frappé encore plus gravement que d'habitude.
À Lieuron et à Aulnay-sous-Bois dans la cité des 3 000.
Ici une free party dispersée seulement au bout de 36 heures. Un énorme matériel. Une organisation programmée, structurée. Des gendarmes blessés, de la drogue, au moins 2 500 personnes se moquant des précautions sanitaires et de diffuser le virus, l'arrogance de l'un des organisateurs se disant prêt à recommencer, un seul individu déféré au parquet de Rennes contre lequel, paraît-il, une instruction ouverte, la détention sera requise.
Bref, un scandale de laxisme et d'impuissance.
Là, deux motards de la CSI 93, effectuant un contrôle routier, sont gravement agressés par une bande d'une quinzaine de voyous. Avec, entre autres, ces injonctions : "nique ta race, shoote dans la tête" ! Les policiers sont hospitalisés. Leur hiérarchie a exprimé son soutien - quel baume pour eux ! - et les agresseurs, dont l'un a déjà été interpellé, sont recherchés (BFM).
Ces deux épisodes sont caractéristiques d'une France dévoyée. La sécurité et le civisme sont au rancart, relégués, abandonnés. Il est impossible de demeurer indifférent face à ces scènes de la vie que j'ose qualifier d'ordinaire.
Sans doute, magistrat, ai-je trop plaidé en faveur de l'Etat de droit quand la société le permettait encore. Aujourd'hui, le monde le rend vain, presque ridicule. C'est une abstraction sur des réalités épouvantables. Le débat ne peut se contenter de se situer au niveau de la lutte contre le terrorisme puisqu'en amont, la France n'est même pas capable d'assurer la sécurité ordinaire de ses citoyens et de ceux qui sont chargés d'y veiller, de faire respecter ses lois partout et tout le temps.
Qu'on me pardonne mais je devine par avance ce qu'on va me répliquer et qui ne doit plus avoir cours. Non, la société n'est pas coupable, non, la jeunesse n'est pas une catégorie d'âge qu'on doit mépriser à force de complaisance aveugle, non, les cités ne doivent pas être traitées à part, non, cela ne change rien qu'ils soient Français ou étrangers, en situation régulière ou illégale, non, Mediapart n'aura pas raison en affirmant que la police était coupable et les jeunes de Leurion des révoltés, non, il n'y a pas une fatalité de l'air du temps qui rendrait inefficace toute action, non, l'autorité de l'Etat n'est pas impossible à instaurer ou à restaurer, non, la France ne devrait pas être impuissante face à sa part dévoyée, non, l'humanisme n'est pas forcément une bénédiction octroyée à ceux qui le foulent aux pieds.
Ce qui a suscité mon exaspération est d'une part la honte que chacun de nous doit éprouver face à la lenteur faiblarde et vaudevillesque ayant tant bien que mal mis fin à la free party et d'autre part la certitude, si on demeure dans nos chemins usuels, d'un hiatus déprimant, infiniment long, mollement répressif (dans le meilleur des cas) entre ces réalités insupportables et leur traitement judiciaire.
Mes mauvaises pensées se rapportent surtout à ce dernier point. Monte en moi une aspiration à l'ordre, une volonté de gestion expéditive, un désir de manu militari qui, pour Lieuron par exemple, n'auraient même pas nécessité cette multitude bureaucratique d'amendes mais l'expulsion immédiate de tous ces transgresseurs irresponsables et contents d'eux. J'entends bien que d'une certaine manière la France devrait s'inventer moins précautionneuse, plus ferme, plus assurée de son bon droit et de ses devoirs, plus réactive face à ce qui la trouble ou qu'elle attend (les vaccins), moins soucieuse des formes et des garanties qui au fond donnent bonne conscience à son impuissance.
Il est insupportable que les délinquants gagnent à tout coup. Parce que nos réponses sont trop douces et limitées pour des malfaisances ne s'assignant aucune limite.
Quand on aura appréhendé, si on y parvient, la plupart (tous, ce serait inconcevable !) des voyous d'Aulnay-sous-Bois, il y aura les dénégations, la mauvaise foi, les dissimulations à cause des difficultés de la preuve individuelle (au lieu de revenir au bon sens d'un collectif solidairement fautif), la lenteur des investigations, la phase judiciaire, le temps qui passera, un ou deux mis en cause, en définitive et au mieux, renvoyés devant le tribunal correctionnel, de faibles sanctions parce que l'effervescence indignée d'Aulnay en date du 3 janvier sera devenue une tiède et molle dénonciation, presque un oubli.
Alors que ces délinquants, dans tous les cas, méritent autant d'énergie pour leur appréhension qu'on en met dans des affaires médiatiquement et politiquement signalées, un traitement urgent, non bureaucratique, des évidences de leur implication, un jugement à la hauteur de la gravité intrinsèque de ce qu'ils auront perpétré en bande et une exécution de leur peine jusqu'au terme avec moins de pleurs sur la prison que d'obsession de sauvegarder, grâce à elle, policiers, citoyens, honnêtes gens.
Rien n'est encore perdu. On peut toujours arracher l'humanisme des mains de ceux qu'il protège injustement, abusivement, pour en faire don à une démocratie métamorphosée qui n'aura plus peur de sa force puisqu'elle la saura légitime.
Rédigé le 05 janvier 2021 dans Actualité, Justice, Médias, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (97)
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Je l'admets, je ne sais si c'est une faiblesse ou une force mais je ne me lasserai jamais d'aller chercher dans les tréfonds d'un être, en l'occurrence notre président de la République, les raisons d'une incompréhension, voire d'une désaffection.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que sa psychologie singulière m'intéresse puisque dans le livre où je le faisais monologuer (Moi, Emmanuel Macron, je me dis que...") j'abordais déjà, en ayant osé me placer dans son esprit, un certain nombre de pensées et de problématiques qui me semblaient essentielles à son sujet.
En particulier, celle d'un Emmanuel Macron préférant une approche culturelle de la vie à l'appréhension simplement naturelle de celle-ci.
Il ne s'agit pas de discuter ses choix politiques, son rapport avec l'écologie.
Pas davantage que je n'ai l'intention de me pencher sur la réalité de sa culture littéraire et philosophique que certains, avec trop de mépris, lui dénient en la réduisant à sa proximité avec Paul Ricoeur et à ses travaux pour lui.
Ce n'est pas de cette culture banalement et classiquement entendue que j'ai envie de débattre mais de la profondeur d'une personnalité qui éprouve, malgré ses efforts, beaucoup de mal à franchir le mur la séparant d'une authentique empathie avec les citoyens, à instaurer une véritable relation avec le peuple.
Il a beau l'évoquer, l'invoquer et je ne suis pas de ceux qui tournent en dérision cette volonté chez lui. Le drame, à mon sens, est que justement cette empathie tant recherchée se dérobe parce qu'il y a dans son tempérament quelque chose qui crée de la distance, un obstacle qui bloque une adhésion sinon enthousiaste du moins large, à ce qu'il montre, à sa façon ostensible de tenter d'aller quérir ce qui lui est refusé. Plus cette appétence de sa part est éclatante et parfois même courageuse, plus l'élan vers lui paraît faire défaut. Il faut considérer que le souci vient de la perception qu'on a de ses attitudes. De la fabrication, un manque de naturel ?
Comme si on sentait instinctivement que ce n'est pas lui qui se présente dans sa vérité, dans son intégrité, mais une construction qu'il a édifiée, mettant en évidence une posture artificielle plus qu'une naturelle connivence. EM, sur ce plan, se distingue nettement de Nicolas Sarkozy et de François Hollande.
Un article récent dans M, le Magazine du Monde, "L'ombre des pères" n'a fait qu'ajouter une pierre importante à mon analyse tendant à déchiffrer un EM fuyant l'instinct pour se réfugier dans le "réfléchi" vécu comme une protection, une éclatante singularité. Avec lui, rien comme tout le monde !
Pour reprendre les situations de FH et de NS, on relève que, quelles qu'aient été les difficultés, les irritations suscitées par leur père, ils n'ont jamais totalement déserté leur famille au profit d'une autre. Alors que EM a d'une certaine manière abandonné la sienne. L'interrogation peut porter sur le rôle de son épouse ou sur sa propension à quitter les chemins ordinaires de la nature pour un éloignement inventif. Comme si la culture, ici aussi, l'avait détourné de la norme.
Pour écrire mon livre, j'avais notamment parcouru beaucoup d'entretiens que le ministre puis le candidat Macron avait accordés aux médias. J'avais été particulièrement frappé par une réponse sur les familles recomposées. Bien sûr il ne les accablait pas mais il allait même jusqu'à soutenir qu'elles valaient mieux, qu'elles étaient plus riches, plus intenses que les naturelles, ce qui paraît significatif d'une vision de rupture, d'une obsession de faire passer, pour tout, la culture avant la nature.
Puis-je aborder un registre délicat qui m'a conduit, dans mon dernier chapitre, à faire monologuer EM sur sa relation avec son épouse et sur l'histoire de leur amour. Je suis persuadé que, outre le culot discutable d'avoir emprunté le "je" de EM, celui-ci, s'il m'a fait l'honneur de me lire, n'a pas apprécié cette audace de prétendre élucider une intimité et un lien fort à sa place, à leur place, avec une démarche sans doute jugée intempestive.
Pourtant j'ose persister. Entre la tradition officiellement convenable de nos présidents mais leurs libertés périphériques, et la normalité d'un amour conjugal classique, il me semble qu'EM et son épouse s'adonnent à une entente d'un troisième type. Ils vivent une relation totalement hors norme. Je ne fais pas allusion à la différence d'âge mais, pour leur union, à son caractère exclusif, fusionnel, mêlant une sociabilité obligatoire à un repli, une incroyable autarcie sentimentale, un monde à deux artificiel à force d'être dénué de la pente classique qui tolère contradictions, critiques, mises en cause ; un amour qui en appelle plus, malgré l'inévitable lumière publique n'interdisant pas d'ailleurs comme une mièvrerie repliée, à la culture d'une forteresse qu'à la nature d'une expansion.
On perçoit ce que la nature, l'instinct, la spontanéité ont de globalement dangereux pour EM : ils sont là, immédiats, trop évidents, pas maîtrisables, ils ne peuvent pas être "travaillés", détournés, dénaturés justement.
Peut-être le citoyen ressent-il qu'il est présidé par un homme intelligent chez qui la nature que nous avons tous en partage est privatisée par une culture qui le met à distance, loin de nous ?
Rédigé le 03 janvier 2021 dans Actualité, Justice, Livres, Médias, parole, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (83)
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À l'approche de cette nouvelle année qui sera forcément meilleure que la précédente, c'est une joie pour moi de vous présenter mes meilleurs voeux de santé et de bonheur, pour vous et vos familles.
J'espère que vous continuerez à visiter ce blog ou à commenter mes billets. Si le premier a une certaine réputation et que les seconds sont lus, rien ne serait possible sans l'enrichissement qu'au quotidien vous apportez.
Puis-je juste suggérer qu'on tente de ne jamais dépasser une longueur de quelques paragraphes, en tout cas moindre que les posts concernés !! Et que dans la mesure du possible on ne confonde pas mon blog avec un forum...
Bien amicalement à vous tous.
Rédigé le 01 janvier 2021 dans Actualité, Education, parole, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (82)
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"La curiosité est un vilain défaut" : j'ai toujours considéré que ce précepte d'une éducation à l'ancienne avait ses limites et en particulier était contradictoire avec l'ouverture d'esprit.
J'en suis d'autant plus persuadé au début de cette nouvelle année où, projetant un regard rétrospectif sur la précédente, il me semble que celle-ci, dans beaucoup de domaines, a manqué de cette belle vertu de curiosité pour s'abandonner à un narcissisme singulier et collectif.
L'ignorance assumée n'est pas grave. Ce qui l'est, c'est de croire qu'on sait ou, pire, d'être gangrené par l'arrogance d'un prétendu savoir. Démarche et prétention qui vous situent à mille lieues de la curiosité. Avec elle, on ne sait pas, on cherche à savoir, on écoute, on lit, on doute, on va voir, on ne déteste pas par principe.
La curiosité ouvre des pistes quand on a pour obsession de les clôturer.
Je me souviens de ces moments sombrement magiques en cour d'assises où avant toute autre disposition d'esprit et d'âme j'étais d'abord habité par la curiosité. Quel être, quelle personnalité allais-je rencontrer ? Quel accusé aurais-je à découvrir ?
Se laisser dans l'existence, dans la multitude de ses facettes intellectuelles, politiques, culturelles, médiatiques ou intimes, la chance de pouvoir être surpris, l'opportunité de laisser une place à l'inattendu, à l'idée encore virtuelle, à l'opinion encore dans les limbes, avoir l'élégance de fuir le péremptoire, le sommaire. Comme s'imaginer telle une petite encyclopédie du tout et du rien, s'installer en soi comme dans une forteresse et récuser toute curiosité d'autrui et du monde parce qu'elle serait dangereuse, en effet nous ne serions plus à l'aise dans nos pénates humaines !
Nous avons moqué, pour la Covid-19, le pluralisme échevelé et contradictoire des médecins, professeurs et experts, les certitudes scientifiques qui nous étaient assénées et nous conduisaient d'un bord à l'autre de l'esprit, ces joutes médiatiques d'où on sortait en état de malaise parce qu'il n'était personne qui ne s'estimait pas sachant, irrécusable, infiniment légitime.
Et ceux qui espéraient voir leur curiosité satisfaite, leur ignorance sinon comblée du moins atténuée, n'étaient pas pris au sérieux puisqu'il convenait principalement de faire semblant de savoir, chaque citoyen miraculeusement pourvu d'un bagage de spécialiste !
La curiosité apparaissait tel un aveu de faiblesse au lieu d'être une force.
Quand, pour ne pas sombrer dans une tolérance intelligente, une approche nuancée, équilibrée, on crache sur un tweet, sur un billet, sur un article, sur une oeuvre, on se vante de s'être privé de toute curiosité, on formule des décrets expéditifs pour se faire plaisir et ressembler à de misérables petits Robespierre du quotidien, notre France se rengorge ! Elle est fière d'elle puisqu'elle a récusé la curiosité qui au fond n'est que la liberté de se donner le droit d'évoluer, de changer d'avis.
Être curieux, ce n'est pas être lâche mais le contraire ; se sentir suffisamment assuré pour aller vers ce qu'on n'est pas, vers des territoires qui devraient nous manquer puisqu'on ne les a pas encore fréquentés.
Lorsque, obstinément, quoi que fasse ou ne fasse pas un président de la République, on campe dans le même fixisme hostile, dans une inaltérable haine pour ne pas tomber dans le péché de l'attente, du suspens, de l'incertitude, on méprise la curiosité. Elle vous ferait trahir le soi impérialiste s'imaginant capable de tout dire et et de tout connaître sans avoir besoin de se rendre aux sources.
Quand Éric Dupond-Moretti affirme qu'il aurait fallu interdire le RN, il s'attire les suffrages de la démagogie faussement humaniste qui ne serait pas gênée de supprimer 20 à 25 % de la France démocratique. Mais surtout, derrière cet affichage provocateur, il démontre qu'il se préfère à la curiosité et n'a pas envie de savoir pour stigmatiser, de s'informer pour éradiquer !
Difficile de passer sous silence "la tempête dans un verre de vin" qu'a suscitée le déjeuner entre Bruno Roger-Petit (BRP) et Marion Maréchal ! Parce que le premier avait une visée politique et que la seconde serait paraît-il infréquentable, il convenait de s'indigner au-delà de toute mesure d'une convivialité française qui n'aurait même pas dû avoir se justifier ou alors seulement par la référence à une curiosité légitime et naturelle. A moins que le syndrome de guerre civile qui parfois menace la France ait atteint la restauration et qu'il faille dorénavant déjeuner "décent" ! Certaines réactions au sein de LREM ont été grotesques, par exemple celle d'Hugues Renson : à l'entendre, BRP avait commis un crime ! Quand un parti use de la foudre pour presque rien, c'est qu'il va mal pour l'essentiel.
Je pourrais prendre mille exemples, en 2020, de cette dérive, de cette propension à faire fi d'une vertu de moins en moins courtisée par un monde qui répugne à se nourrir d'autres lumières.
Puis-je faire un sort à ces condamnations qui relèvent de cette "culpabilité par accusation" qui a pourri notre climat judiciaire et médiatique et fait d'une inquisition dévoyée le nec plus ultra de la justice ? Ce qui fait défaut à ce paroxysme indécent est précisément de s'arrêter juste avant le moment où la curiosité devrait se mettre en branle. Englué dans un connu approximatif pour échapper à un inconnu qui serait déstabilisant ; sans curiosité, un confortable mais déplorable assoupissement !
Avec plus de curiosité individuelle et collective, la mauvaise foi diminuerait, la haine se réduirait, le mépris serait moins virulent, le langage se civiliserait et un système démocratique pervers ne tiendrait plus le haut du pavé !
Rédigé le 01 janvier 2021 dans Actualité, Justice, Médias, parole, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (57)
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Consacrant un billet à certains tweets, j'exclus évidemment ceux qui sont d'une grossièreté permanente et exclusive et permettent à des malades ou à des sectaires pathologiques de se défouler sur Twitter, qui la plupart du temps malheureusement ne bronche pas.
J'ai eu envie de traiter ce sujet quand j'ai lu qu'un jeune de 22 ans avait été écroué pour apologie de terrorisme à la suite de tweets où il se félicitait de l'attentat de la basilique Notre-Dame de l'Assomption de Nice en date du 29 octobre (La Nouvelle République).
S'il est déclaré coupable, il encourt cinq années d'emprisonnement et la juridiction ne négligera pas le fait que cette personne était surveillée depuis plusieurs semaines par la police.
Un tweet, c'est rien et c'est tout.
En quelques secondes, n'importe qui, motivé par je ne sais quelle inspiration, peut écrire un message en ayant le sentiment qu'une telle démarche est anodine, si facile à accomplir, d'une irresponsabilité confortable, quand en plus elle se masque sous un anonymat lâche. Pour peu que le rédacteur du tweet soit impulsif dans sa bêtise ou sa méchanceté, il est inévitable que le tweet lui apparaisse comme rien, insignifiant, l'expansion fortuite et rapide d'une humeur qui ne prête pas à conséquence. 280 malheureux caractères, il n'y a vraiment pas là de quoi fouetter un chat !
Mais c'est le paradoxe du formidable et désastreux essor de ce réseau social. Il permet, il libère, il transmet, il éructe opinions, convictions, dénonciations, justifications ou comme en l'occurrence, apologies.
Le tweet alors est tout. Il se fait aussi le messager du pire et peut-être demain son auteur sera-t-il condamné pour un délit qui dans nos temps tragiques est estimé à sa juste gravité.
C'est ce décalage entre la facilité du rien et l'importance du tout qui égare des esprits incapables de comprendre qu'on ne peut pas, qu'on ne doit pas écrire et communiquer n'importe quoi n'importe comment. Comme si la brièveté du tweet impliquait nécessairement la dénaturation de la langue, son incorrection, sa vulgarité.
Je n'exclus pas aussi que le simplisme et l'ignorance rendent certains inattentifs au fait que l'apologie de crime, du terrorisme soit répréhensible.
Au-delà de ces possibles lacunes, il y a surtout cette dérive qu'on peut constater dans tous les secteurs et qui constitue le tweet comme un message révisable, qui peut être supprimé du jour au lendemain, révocable, contingent : il suffit qu'on l'efface ou qu'on s'excuse et le tour est joué !
Je n'en suis pas spécialement fier mais je n'ai jamais cédé sur ce plan. Non par arrogance mais parce que je ne voyais pas au nom de quoi j'aurais eu à me repentir de certains tweets ou à en supprimer d'autres. Les insultes qui prétendaient m'accabler le lendemain ne tuaient pas ma vérité, ma sincérité de la veille. Il y a du ridicule dans ces voltes pusillanimes suscitées par des aboiements dont le nombre ne garantit pas la pertinence.
Je ne sais quel sera le sort judiciaire de cet accusé. Il me semblerait difficile d'oublier ce qu'il y a de bêtise et presque de désinvolture ludique dans certains tweets. Mais aussi de malfaisance.
Je continue à penser que Twitter, donnant la parole à n'importe qui, souvent anonyme, est certes souvent un fléau mais nécessaire, pas fatalement un cloaque. Un outil formidable surtout, contre les dérives et l'extrémisme duquel il faut se battre sans fuir. Mais résister, tenir et répliquer.
L'abjection ne passera pas.
Rédigé le 30 décembre 2020 dans Actualité, Education, Justice, Médias, parole, politique, Religion, Société | Lien permanent | Commentaires (60)
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Une fois qu'on a expliqué que Jean Castex, qui n'était pas désiré, a succédé à Edouard Philippe, qui l'était encore, le mystère demeure.
Une fois qu'on a admis que le président de la République a changé de Premier ministre sans être compris par l'opinion, tout n'est pas devenu limpide.
Ce qu'Alexis Kohler, l'alter ego du président,lui aurait déconseillé (M magazine du Monde).
Ce que je nomme l'injustice de la grâce ou l'implacable inégalité des auras, sert d'abord à m'éclairer sur le fait que certaines erreurs de l'un - Edouard Philippe - ne pèsent rien face à l'extrême bonne volonté infiniment dévouée de l'autre - Jean Castex.
Le premier est au zénith quand le second se traîne dans les sondages.
Pourtant celui-ci a fait des efforts et accepté une médiatisation familiale que j'ai trouvée chaleureuse et sympathique alors que son prédécesseur est parvenu à toujours y échapper. Je ne peux pas m'empêcher en même temps de ressentir une forme d'adhésion pathétique à propos de ce reportage où Jean Castex se donne à fond, montre tout, met en scène son bonheur conjugal et familial authentique alors que probablement il n'a pas avancé d'un pouce dans l'estime et la confiance des Français (Paris Match).
Je sais bien que le rituel politique, de droite comme de gauche, doit faire croire que noblement masochiste, on se passe d'un assentiment populaire quand on ne l'a pas mais que seuls comptent le soutien du président de la République et la conscience de ses propres devoirs.
Il n'empêche que dans les tréfonds de Jean Castex doit exister une sorte de lassitude énervée, face non seulement à la moquerie sur sa voix rocailleuse et sa manière de scander ses discours mais surtout à la sous-estimation constante de ses efforts et de ce qu'il accomplit depuis qu'il a été nommé par le Président.
Il est sans doute dur pour lui d'accepter que tout ce qu'a touché son prédécesseur, aussi imparfait que cela ait été, est sublimé quand son énergie et ses réussites sont au mieux contestées, au pire tournées en dérision.
En effet, à bien y regarder, que ce soit notamment pour Notre-Dame-des-Landes, pour les Gilets jaunes et leur mobilisation initiale, pour l'aggravation du projet de loi sur les retraites, pour la réduction de la vitesse à 80 km/h, l'ancien Premier ministre a été directement responsable de l'incompréhension ici et de la révolte là.
On l'a oublié. Dans son bilan il est exclusivement crédité du talent, de la sérénité modeste et pédagogique, de cette gravité sans lourdeur et de cette élégance à la fois rassurante et empathique avec lesquels il a su parler aux Français. En fuyant le mode de l'injonction pour adopter celui d'une réflexion qu'il partageait avec tous, en montrant qu'il passait par les mêmes doutes et les mêmes interrogations.
Certes les circonstances sanitaires et économiques n'étaient pas les mêmes que celles que doit affronter Jean Castex mais peu importe : Edouard Philippe a, au sein du pire, eu ses instants de grâce quand son successeur, toutes proportions gardées, ne quitte pas un chemin de croix.
Cette injustice tient, avant même les choix politiques et au verbe pour les faire connaître, à l'emprise des singularités et des apparences sur la conviction que se forgent les citoyens.
Un Obama imparfait sera toujours béni alors qu'un Sarkozy efficace manquera de ce dont il n'est pas responsable : l'allure et une forme de légèreté qui sont plus impressionnantes, à tort ou à raison, que le sillon qu'on creuse avec obstination et sérieux chaque jour.
Un Jean Castex appliqué et travailleur n'a pas fait oublier un Edouard Philippe ayant su se composer un personnage à la fois libre et dépendant, désinvolte mais à l'écoute, ambitieux mais discret, "absent très présent" (Le Parisien). Il est partout tout en prétendant n'être nulle part, toujours accompagné par Gilles Boyer qui s'est fait une spécialité de parler à sa place.
J'imagine combien cette attitude jouant sur les deux tableaux de l'ombre et de la lumière doit irriter Jean Castex sans cesse au charbon, sans que quiconque attache le juste prix à son action. Il faut même le Président pour venir à sa rescousse en le soutenant avec un zeste de condescendance...
Tous ces Français qui sont coupables de cette discrimination irréfutable mais mystérieuse et favorisent cette injustice de la grâce, je les comprends d'autant mieux que, malgré les explications de ce billet, j'en fais partie.
Rédigé le 28 décembre 2020 dans Actualité, Livres, Médias, parole, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (123)
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Le président de la République a donné un entretien exclusif et long à L'Express, excellemment questionné par Laureline Dupont. L'hebdomadaire a présenté en couverture ces échanges sous le titre "Emmanuel Macron - Ce qu'il n'a jamais dit des Français".
Malgré l'intérêt exceptionnel de ce dialogue où Emmanuel Macron en pleine forme intellectuelle, alors qu'il vient d'être atteint par le coronavirus, se livre de manière beaucoup plus approfondie que dans certaines interventions antérieures, je relève, paradoxalement, la tonalité de dérision et de condescendance avec laquelle il a été accueilli.
Paradoxalement ? Sans doute pas. Le regard est souvent d'autant plus sévère sur l'expression du pouvoir quand on est à mille lieues de pouvoir l'égaler.
Quand j'ai entendu parler de "mélasse" au sujet de cet entretien (France Inter) ou que je me suis trouvé en désaccord avec Françoise Degois (Sud Radio, les Vraies Voix) qui le réduisait à des "banalités scolaires", j'ai eu envie d'en défendre la qualité et la richesse.
Non pas que tout y soit d'une originalité foudroyante et dénué de visées politiques cousues de fil présidentiel. En particulier le lien qui est fait entre Jean-Pierre Chevènement et Nicolas Sarkozy qui avait choisi le mauvais mot d'identité nationale mais dont l'idée était bonne. Emmanuel Macron tient à nous montrer son souci de tenir les deux bouts d'une chaîne. Le "en même temps", dont on a tort de se moquer sauf à valider la mutilation de la réalité, va lui servir de fil directeur dans tout l'entretien.
Et à contredire un grief dont on devine qu'il l'a heurté : avoir été dit "multiculturaliste" alors qu'il promeut seulement une France plurielle qui ne jugerait pas incompatible une adhésion républicaine forte avec des appartenances singulières qui enrichiraient au lieu de séparer.
On peut bien sûr moquer cette volonté de s'installer en permanence sur le fil du rasoir et de refuser un totalitarisme imposant une vision hémiplégique de notre vie nationale. Ainsi évoque-t-il aussi le Pétain de 1917 puis mentionne-t-il Charles Maurras pour souligner la détestation de ses idées antisémites mais l'absurdité de ne plus vouloir "le faire exister".
C'est une forme de courage de s'en tenir à cette approche qui bat en brèche le simplisme de notre monde, l'appétence qu'a notre psychologie collective pour le "victimaire et l'émotionnel", le recul de la raison et, donc, le prurit de cette "société de l'indignation" qu'il récuse.
Cet entretien est d'abord un bel exercice intellectuel où EM est à son meilleur, parce qu'il analyse son propre passé présidentiel et ausculte le coeur de la France. Rien de ce qu'il affirme n'est indifférent et j'aime qu'il mette en évidence certaines dérives de notre pays, les grandes lignes de tendances qui sont de nature à l'affaiblir si on n'y prend garde.
C'est la société française qui est son sujet et s'il prend des risques - comme sur le privilège de l'homme blanc - ils sont calculés. Sur ce sujet il peut apparaître provocateur mais à bien le lire, il me semble que son point de vue échappe de justesse à la racialisation du débat, même s'il ne met pas suffisamment en exergue les difficultés économiques et sociales de certaines populations.
À côté de ces propos qui ont été discutés, il y a d'autres pensées et dénonciations qui font du bien au citoyen. Quand il pourfend la "trahison des clercs", l'obsession du commentaire, le manque de patriotisme de certaines élites, une vision désincarnée de la France - il a pu encourir ce reproche -, l'écrasement des hiérarchies, la grave faillite d'une extrême gauche qui, encore plus que l'extrême droite, fait fi de l'ordre républicain et légitime les violences, comment qualifier ce dur mais lucide constat de "banal" ?
Le président a décidé, même si cela a été mal compris, de sortir par le haut des impasses dans lesquelles l'avaient enfermé les saillies du début de son quinquennat visant exclusivement les faiblesses des Français. Il en a profité, se corrigeant, pour se mettre dans la catégorie des "réfractaires"... Avec ce dialogue, il a d'une certaine manière généralisé, en veillant à ce que ses considérations ne soient pas offensantes pour le commun des citoyens, une perception de bienveillance éclairée, qui à la fois le rend fier des Français mais lui pèse aussi.
Il est tellement malaisé de les définir, ces Français si complexes, si contradictoires, si rétifs. Le président, par une démarche volontariste - avant 2022, il ne pouvait demeurer dans cet entre-deux à l'égard de ses concitoyens - a décidé de peindre en rose républicain l'âcreté souriante, ironique, parfois blessante de ses aperçus à l'emporte-pièce d'hier.
Il n'empêche que derrière ce verbe apparemment allègre, pointe une sorte de mélancolie démocratique : ce dont il les crédite, ces Français, est aussi ce qui fait de sa tâche présidentielle un exercice épuisant, presque impossible, quasiment un tour de force.
Pas de meilleure démonstration, entre ces éloges contraints quoique sincères d'un côté et cette conscience triste de l'autre, de l'obstination d'EM à se démontrer d'abord à lui-même, en se représentant en 2022 et en l'emportant, qu'il aura réussi quelque chose d'exceptionnel: présider la France.
Rédigé le 25 décembre 2020 dans Actualité, Justice, Médias, parole, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (125)
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Richard Burton, un immense acteur. Mais pas que.
Il ne rêvait que d'être un comédien et détestait la star qu'on a fait de lui à cause, notamment, de son intense et belle proximité amoureuse avec Elizabeth Taylor.
Tant d'acteurs signent des pétitions. Pas lui.
Tant d'artistes nous disent quoi penser. Pas lui.
Tant de vedettes se prennent pour plus qu'elles ne sont. Pas lui.
Tant de gloires oublient leurs origines. Pas lui qui n'a jamais déserté le terreau gallois courageux et modeste d'où il était sorti.
Tant de personnalités dans la lumière font la roue. Pas lui.
Certes il n'était pas parfait. Il buvait comme un trou, en avait conscience et à intervalles réguliers se faisait des reproches. Et il recommençait. Même s'il est mort jeune à 59 ans, sa constitution était solide et supportait ses excès.
Son journal intime, dont on a publié les années les plus emblématiques - de 1965 à 1972 - est formidable.
Repas - il ne nous épargne aucun menu -, rencontres, vie sociale, préparations de rôles, mondanités, beuveries, passion dévorante et critique pour son épouse dont il admirait le talent, voyages, luxe : l'ordinaire d'une existence, de leur vie intensément privilégiée, obsédée par l'art, le théâtre et le cinéma, emplie sans cesse de projets.
Il y a à l'évidence, pour être honnête, un caractère répétitif dans la multitude de ces journées mais sa mélancolie et sa peur de l'ennui avaient besoin de ces distractions qu'on pourrait qualifier de "pascaliennes".
Pourquoi, malgré cela, ce journal intime est-il superbe ?
Parce qu'il s'agit de l'intimité de Richard Burton et qu'elle en vaut la peine.
Parce que Burton n'est jamais vulgaire, il est même délicat et nous épargne le plus souvent les démonstrations concrètes de leur appétence conjugale réciproque.
Parce qu'il porte un jugement très sûr, caustique, ironique, sur son environnement, acteurs, réalisateurs, producteurs, famille, admirateurs, sans illusion mais sans mépris. Avec une lucidité et un humour souvent décapant. Il ne se trompe pas. Ni dans ses goûts ni dans ses sympathies. Il a l'intuition développée.
Parce que le milieu où il gravite lui paraît médiocre et qu'il en souffre, à la recherche d'intelligences que la société artistique et mondaine ne lui offre pas.
Parce que, surtout, il est un lecteur frénétique, pas de jour sans un livre, il est curieux de tout, avec une allégresse sincère quand il a trouvé le texte rare, et une terrible déception quand acéré il a remarqué les faiblesses.
Il lit, il lit, il lit.
Rien que cela enchante, chez cet homme qui est une star internationale et qui a détesté, un jour, qu'une femme l'ait appelé monsieur Taylor.
Il y a quelque chose d'émouvant à admirer puis à savoir qu'on n'avait eu tort sur aucun plan.
Je n'imaginais pas que Richard Burton, avec toutes ses facettes, favoriserait chez moi une inconditionnalité dont quelques films de qualité diverse avaient largement posé les bases - L'escalier, Quand les aigles attaquent, Cléopâtre, Qui a peur de Virginia Woolf ?, La Tunique, La Nuit de l'iguane, La Mégère apprivoisée, Alexandre le Grand, etc.
Ce qu'il était au-dehors, dans son quotidien, révélé par ce journal, la rend incontestable.
Oui, j'aurais bien aimé connaître Richard Burton.
Rédigé le 23 décembre 2020 dans Actualité, Art, Cinéma, Livres, Médias, Société | Lien permanent | Commentaires (44)
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Dans les années 1960, Fernand Raynaud faisait rire avec son sketch "Les gens sont méchants".
Aujourd'hui nous serions obligés d'admettre que la drôlerie d'hier est devenue une plaie épouvantable.
Il suffit pour s'en convaincre, non seulement de constater les terribles attaques antisémites contre April Benayoum (Miss Provence et 1ère dauphine de Miss France) mais aussi les insultes dont Amandine Petit, Miss France 2021, a été victime. La substance, en gros, étant qu'elle serait indigne de représenter la France...
L'antisémitisme délirant qui résulte de la simple énonciation par April Benayoum qu'elle a un père d'origine israélienne, est malheureusement trop fréquent soit qu'il résulte d'une abjection personnelle soit d'une instrumentalisation du conflit israélo-palestinien. Il s'est conjugué donc, à la suite de cette soirée d'élection des Miss regardée par beaucoup de téléspectateurs, avec une aigreur et des grossièretés déversées sur Amandine Petit.
Comme si cette méchanceté, devenue une qualification presque désuète dans le registre moral, était revenue brutalement au premier plan et qu'elle révélait le besoin de détester, l'envie de salir et de haïr.
Le Parquet de Paris a ordonné une enquête sur les insultes antisémites à l'encontre d'April Benayoum. Mais je ne suis pas sûr qu'il pourra intervenir pour toutes les "méchancetés" ordinaires et, s'il y a plainte, leur appliquer une qualification pénale.
Les gens sont méchants et ne peuvent plus se passer de la virulence de la contradiction et de la grossièreté du verbe.
Le président Macron a fait référence, dans son entretien avec Laureline Dupont, à "la Trahison des clercs", le livre de Julien Benda. Il a raison. Dans tous les espaces de la pensée, de la communication, en particulier sur les réseaux sociaux, beaucoup de clercs négligent les devoirs que leur statut, leur position devraient leur imposer et se vautrent avec délectation dans une fange dont on était pourtant sûr qu'elle leur était étrangère.
Si ces clercs - à mon égard, je songe en particulier à un Arnaud Viviant dérapant sans vergogne - trahissent leurs obligations avec une "méchanceté" gratuite, que peut-on espérer de beaucoup d'autres qui ne disposent ni de culture, ni de langage ni de privilèges ?
Ce mystère ne cesse pas de me troubler qui en totale transparence constitue certains comme des créateurs de malfaisance.
Non pas que cette exigence me mette à l'abri de tout. J'ai connu récemment un incident sur Sud Radio où ma passion exclusive de la liberté et de la vérité ne m'a pas rendu suffisamment attentif à la teneur des propos d'une auditrice.
Mais j'essaie de me tenir le moins mal possible.
Pourtant cette méchanceté qui sans cause ni motif - accordée avec ce constat qu'aujourd'hui chaque Français se définit ainsi : je me plains donc je suis - altère paroles et écrits, rapports et dialogues, s'insinue partout, devenant le premier mouvement de l'esprit, l'humeur initiale, le poison intime, est plus préoccupante que toutes les autres dérives de notre modernité.
Rien à voir avec la richesse de la liberté d'expression, avec la rage de convaincre et le souci d'entendre.
Non, cet humain, mon frère, mon proche, ce citoyen, cet habitant, comme moi, de la Terre, est méchant. Prendre de plein fouet cette certitude déprimante, on n'y peut rien, elle relève des tréfonds, de l'intime, de la pente de chacun, vous met dans un état de désolation, d'impuissance. Et de doute terrible.
Et si on l'était, méchant ?
Fernand Raynaud ne rirait plus.
Rédigé le 23 décembre 2020 dans Actualité, Art, Justice, Médias, parole, politique, Religion, Société, Sports, Télévision | Lien permanent | Commentaires (111)
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Les humoristes professionnels se multiplient et on n'a jamais moins ri. Faut-il croire que notre modernité se piquant d'être drôle manque tout le temps sa cible ?
Parce qu'elle confond les genres et mêle des dispositions et des exercices qui n'ont rien à voir les uns avec les autres ? Parce qu'elle sous-estime les qualités qui permettent à des professionnels du spectacle de vraiment faire rire ? Parce qu'aujourd'hui n'importe qui peut se lancer dans l'espace artistique en étant pourtant largement privé de la culture, de l'oralité et de l'intelligence nécessaires à l'expression d'un authentique esprit ?
Chamfort a répondu à quelqu'un affirmant qu'il "courait après l'esprit", qu'il "pariait pour l'esprit".
J'ai l'impression qu'il pressentait tout ce que l'actualité nous inflige comme prétendus "rigolos" qui sont aux antipodes de la libération d'un rire spontané et admiratif. Parce qu'il n'est pas facile de faire sortir notre humanité, dans ses composantes si contradictoires, de son sérieux, de sa gravité, même de ses angoisses.
André Bercoff, dans "Bercoff dans tous ses états" (Sud Radio) a consacré une émission passionnante le 18 décembre à l'humour et à la répartie.
L'auditeur percevait d'emblée la difficulté, qui crée la confusion, voire l'escroquerie d'aujourd'hui, tenant à la dénaturation de certaines notions. La dérision, la causticité, la polémique, la répartie, la méchanceté ou la partialité se mettent dans la mouvance de l'esprit pour bénéficier de son aura mais échouent souvent lamentablement à en respecter les exigences.
Parce qu'elles imposent des vertus qui ne sont pas communément partagées.
Il faut d'abord si bien maîtriser le langage qu'on peut, usant de lui comme d'un instrument, faire surgir les effets de style, les paradoxes heureux, les traits étincelants, les pensées singulières qui en quelques secondes, en plusieurs minutes, en une heure enchantent. Parce qu'ils ne relèvent pas de banalités s'acharnant en vain à faire s'esclaffer mais d'une approche révélant à la fois la qualité souriante du propos et l'élégance de celui qui le profère.
Ensuite, l'esprit n'a pas pour vocation de se faire rire, soi, il n'est pas destiné à obtenir les suffrages automatiques de ceux qui feignent une hilarité désaccordée d'avec la drôlerie prétendue proposée: qu'on songe, par exemple, dans l'émission de Nagui "La Bande originale" (France Inter), au caractère douloureux de l'écoute d'un Daniel Morin ostensiblement applaudi par la claque des autres chroniqueurs, puis aux brillantes variations d'un Tanguy Pastureau, qui se suffisent à elles-mêmes.
Sans passer sous silence, sur cette même radio publique décidément spécialisée dans de choquants clivages, les interventions aigres d'un Guillaume Meurice incarnation d'un genre qui fait du mépris son ressort fondamental.
Pour diffuser un esprit suscitant un consensus - qui par exemple discuterait celui d'un Sacha Guitry, d'un Jean Poiret, d'un Woody Allen, d'un Edouard Baer ? -, il convient de se garder comme de la peste du péché mignon de se croire indispensable au débat public, de se hausser sur la pointe de la réflexion, mais malheureusement sans résultat. Bien au contraire.
Qu'il est affligeant de percevoir des efforts qui ne pourront jamais être couronnés de succès parce que faire rire n'est pas une mince affaire et qu'il ne suffit pas de cracher vulgairement sur les uns pour plaire aux autres. Le risque est de s'aliéner les deux camps.
Alors pourquoi tant d'humoristes et si peu d'esprit ?
Parce que je ne suis pas loin de considérer que l'humour est une denrée, une richesse, trop précieuses pour être confié à des professionnels et que rien ne vaut son irrigation dans la quotidienneté et la manière dont chacun, presque sans le savoir, offre à l'autre l'immédiateté de ses pointes, de ses saillies. S'efforcer de délivrer de la drôlerie, par obligation, est au fond la pire des méthodes pour tenter de démontrer qu'on en est capable.
L'esprit est liberté, spontanéité, jeu du langage, jeu sur le langage, volonté de s'inscrire dans l'universel en ne s'abandonnant pas à la facilité du partisan ou de l'idéologie - ils sont tous à gauche évidement, nos humoristes d'aujourd'hui ! - ou de la dérision qui n'est que le travestissement mesquin d'une vision privée de souffle. On tente de moquer ce qu'on est incapable d'atteindre, d'égaler.
Il me semble que la controverse est vite tranchée qui interroge sur le point de savoir avec qui on a le droit de rire. Pierre Desproges refusait de le partager avec n'importe qui. Et s'il convenait d'en faire bénéficier tout le monde mais à condition que ce soit drôle ? C'est dorénavant le principal obstacle !
Au fond, et en forçant à peine le trait, les humoristes sont légion, et l'industrie de l'humour prospère, tous sexes confondus, parce que précisément l'esprit est rare.
Rédigé le 20 décembre 2020 dans Actualité, Art, Cinéma, Médias, parole, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (168)
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Pas la moindre hésitation : je connais et je respecte la police qui dans l'immense majorité de ses pratiques est digne de sa mission. Je rends grâce à l'institution policière, gardienne de la tranquillité publique et de la démocratie, et je ne suis pas de ceux qui la vitupèrent sans cesse sauf lorsqu'ils ont besoin d'elle.
J'ai déploré, bien sûr, que le président de la République, par démagogie, sur Brut, ait dénoncé les violences policières comme si elles étaient structurelles et non pas le fait de quelques fonctionnaires de police ayant eu un comportement illégitime.
Il m'est apparu très dangereux de sa part de laisser croire à un parallélisme entre le rôle de la police avec l'usage de sa force légitime et les transgressions de ceux qui s'en prennent compulsivement à elle, par idéologie ou détestation réflexe pour tout ce qui est incarnation officielle.
Un président de la République ne devrait pas avoir un autre discours que de soutien, par principe, à un corps qu'il est essentiel de conforter dans le respect qu'on lui doit et l'obéissance républicaine que l'honnêteté citoyenne majoritaire ne discute pas.
Une telle attitude du président aurait été d'autant plus fondamentale que par exemple une forte proportion de la jeunesse, absurdement, incrimine le racisme de la police (Le Point).
Je ne méconnais pas le caractère purement tactique, le procédé de compensation qui sont à la base de la proposition du Beauvau de la sécurité, pour les élus, les citoyens et la police. Emmanuel Macron a cherché à rattraper ainsi son erreur d'analyse et de communication.
Mais il n'empêche que même contraint et forcé, le président a pris une initiative qui a du sens et je regrette que les syndicats Alliance et UNSA aient d'emblée décidé de lui opposer un refus.
Il me semble que le malentendu essentiel tient à une différence de perception sur la finalité de ce "Beauvau de la sécurité". Son but ne sera évidemment pas de permettre à tous les syndicats policiers de formuler leurs revendications concrètes - le ministre de l'Intérieur reçoit le 18 décembre les représentants de la police et de la gendarmerie pour cela - mais de favoriser enfin l'existence d'un authentique débat démocratique pluraliste.
Il ne suffira pas de le limiter aux policiers, aux élus et aux citoyens mais il conviendra au contraire d'y insérer tous ceux qui directement ou indirectement participent du désarroi psychologique et humain de la police. Les magistrats et les journalistes notamment.
La relation des magistrats avec la police suscite souvent chez elle l'irritation, parfois l'indignation la plus vive. Et la manière dont les journalistes, droite et gauche confondues, rendent compte de la réalité policière, de ce qu'elle affronte et de ce qu'elle subit est infiniment perfectible, surtout en se gardant de cette présomption de culpabilité qu'on attache plus volontiers aux défenseurs de notre société qu'à ceux qui la troublent et la mettent à feu et à sang.
Quand j'étais magistrat, j'étais un partisan convaincu de ce que j'aurais aimé être les états généraux de la Justice et j'ai regretté, à un degré moindre, la disparition des portes ouvertes dans les juridictions. Parce que ceux-là comme celles-ci auraient eu des effets infiniment bénéfiques et éclairants pour la pacification du lien entre la société et le service public de la Justice.
L'utilité du Beauvau de la sécurité, dans tous les cas, bien avant la satisfaction des revendications policières, tiendra à ce rassemblement des discours, des doléances et des protestations pour faire sortir chacune de ces instances, de ces solitudes aigries ou ignorantes, de leur autarcie, de les contraindre à écouter et à apprendre, de constituer cette réunion comme le droit, pour tous, d'exprimer ce qui dans la quotidienneté n'est jamais dit, une hostilité, un désir de reconnaissance, des contradictions qui, libérés, purifieront forcément une atmosphère généralement trop délétère.
Ces rencontres, à partir de janvier, ne seront pas un gadget, un artifice, une manipulation si on n'attend pas d'elles ce qu'elles ne pourront pas donner. Le Beauvau sera une réussite si police, ministère de l'Intérieur, élus, magistrats, juges et citoyens, mêlés, la poussent au meilleur.
Alors, oui au Beauvau malgré tout!
Rédigé le 18 décembre 2020 dans Actualité, Justice, Médias, parole, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (104)
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"Pourquoi un tel engouement pour les faits divers ?"
C'est la question que pose Guillaume de Dieuleveult dans un excellent article du Figaro en date du 27 novembre.
Le hasard de l'écoute matinale fait que dans l'émission "Grand bien vous fasse !" d'Ali Rebeihi, le 15 décembre, le même sujet a été traité (France Inter).
Il m'a semblé que ce thème était si riche, et la passion des Français pour les faits divers tellement majoritaire et consensuelle, que je pouvais me donner le droit d'aller plus avant que je ne l'avais fait déjà dans un billet du 9 février 2018 : "Sang pour cent : le crime, une passion ordinaire..."
Pourquoi, en effet, une telle dilection, partagée par toutes les classes sociales, pour le sombre de la criminalité, l'extra-ordinaire d'un comportement et d'une tragédie ou parfois, dans un registre moins lourd, l'anecdotique singulier de telle ou telle séquence de vie ?
Les faits sont divers et la curiosité à leur égard unit. Celle-ci n'est pas sordide ni vulgaire, elle ne révèle rien de malsain, elle considère avec une fascination emplie de bonne conscience les épisodes criminels, les incroyables ressources du Mal. Ce dernier ne cesse d'inventer, de sorte qu'hier sera dépassé par aujourd'hui que le futur relativisera.
Il faut demeurer aux aguets puisque la nature malfaisante d'une minorité engendrera, sans se lasser, de quoi combler chez nous ce besoin paradoxal mais incontestable de notre similitude et, à la fois, de notre différence.
Comme l'a pensé la philosophe Simone Weil, certes "les démons sont en nous" mais, la plupart du temps, ils y demeurent et nos fors intérieurs échappent, pour une part, au registre le plus abject, à l'innommable porté à son comble. Si les démons nous habitent, nous ne les accueillons pas tous.
Il y a des crimes qu'on s'imagine pouvoir commettre, aux assises par exemple, j'avais remarqué combien la fausse monnaie bénéficiait d'un préjugé favorable ! Il y en a d'autres tellement étrangers à notre être, par leur singularité cruelle et littéralement inhumaine, que nous les considérons comme un spectacle affreux qui pourtant nous concerne - on le sait, on le sent, puisque leur monstruosité ne les fait pas sortir de notre condition - mais nous place en même temps dedans et dehors : ils sont de la même essence que nous mais leurs actes nous inspirent un sentiment de stupéfaction indignée se résumant dans un "ce n'est pas possible !", euphémisme pour dire l'inexprimable d'un dégoût hors de toute mesure.
Parfois - heureusement il s'agit d'une rareté - chez certains qui ne s'empêchent pas de confondre le crime avec l'homme qui l'a perpétré, surgit presque une fascination pour cette humanité qui a osé la toute-puissance, est allée au bout des extrémités les plus honteuses, les plus sordides. D'ailleurs on peut regretter à ce sujet que, sans discriminer assez, des médias prétendant informer subliment le pire et constituent en héros de misérables destinées.
Outre que les faits divers soient peut-être, mais sans mépris de ma part, un opium du peuple et pour poursuivre la métaphore marxiste, la psychologie d'un monde qui en manque, ils sont aussi la preuve éclatante que les démons sont partout, que nous avons à leur résister ; la liberté n'est pas de les laisser vivre mais de les tuer avant que lâchés ils tuent.
Mon expérience m'a souvent démontré que le crime peut être, pour un homme, le moyen d'administrer par le pire une situation qui le dépasse.
La réflexion sur les faits divers, une pédagogie pour les coupables et les innocents.
Rédigé le 17 décembre 2020 dans Actualité, Justice, Livres, Médias, parole, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (85)
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Le remarquable et équilibré documentaire de Jalil Lespert "Chambre 2806: l'affaire DSK", nous a fait revenir au mois de mai 2011.
Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire International (il a été nommé en 2007), au faîte de ses espérances présidentielles pour la France, l'une des personnalités les plus puissantes et influentes dans le monde, est interpellé dans un avion alors qu'il s'apprêtait à quitter New York.
On peut éliminer tout de suite les prétendues manigances tenant à un complot sarkozyste qui aurait mis en place un piège à New York !
Nafissatou Diallo, femme de chambre au Sofitel, a porté plainte contre lui pour agression sexuelle dans la suite présidentielle qu'il occupait, selon des modalités ne laissant pas présumer un consentement.
L'arrestation de DSK, le processus policier et judiciaire, caractérisé notamment par sa marche humiliante, selon une pratique américaine constante, face à une multitude de journalistes, puis, plus tard, à des manifestantes féministes s'en prenant au "violeur", sa mise en détention suivie de sa libération et de son assignation à résidence très stricte, avec son épouse Anne Sinclair qui l'avait rejoint pour le soutenir et organiser cette nouvelle vie, sont dans toutes les mémoires.
Ces images, ces épreuves, cette procédure ont évidemment impressionné les Français, d'abord à cause de ce hiatus brutal entre un destin de privilégié promis à la gloire et la réalité d'une chute semblant mettre fin à tout et ayant des effets considérables bien au-delà du camp socialiste.
Le documentaire a décrit clairement, à l'aide de séquences déjà vues mais qui rassemblées avaient un impact incomparable, les étapes d'une décision ayant exclu toute poursuite de la part de l'accusateur américain - à cause, selon lui, du manque de crédibilité de la plaignante. La compensation octroyée plus tard à Nafissatou Diallo a atteint la somme d'1,5 million de dollars.
J'ai éprouvé un sentiment d'injustice face à cet abandon de la poursuite et, sans être original, je veux bien croire que la condition de femme noire socialement modeste de Nafissatou Diallo a été le ressort principal de refus du procès.
On est frappé par la persévérance, voire l'acharnement avec lesquels la justice américaine s'est seulement attachée à mettre en évidence les mensonges de la plaignante sur son passé et les motifs de sa venue aux USA, sans cibler ce qui aurait été l'essentiel pour nous : les faits s'étant déroulés dans la chambre 2806 ; avec les traces, indices, preuves et désordre susceptibles de créer ou non l'adhésion au récit de Nafissatou Diallo. L'aurait-on décidé que son sort en aurait été radicalement modifié.
Si Nafissatou Diallo avait été violée en France et si elle avait déposé plainte, une information aurait été obligatoirement ouverte et les charges établies, le mis en examen - DSK, pour poursuivre la comparaison - aurait été renvoyé devant la cour d'assises de Paris.
Lors des débats, il est vraisemblable qu'on aurait pu questionner le passé de la victime, les imprécisions de son discours, le vague de ses propos ou le flou de son récit mais cette vigilance nécessaire n'aurait pas forcément altéré toute sa crédibilité. La cour d'assises aurait dû apprécier si sa qualité de victime était atteinte ou non par certains de ses comportements antérieurs.
Et tout cela dans le cadre d'un procès.
Nafissatou Diallo n'aurait pas été soumise au décret presque arbitraire d'un procureur américain exagérant ses maladresses ou ses mensonges, en les analysant automatiquement comme la démonstration de sa mauvaise foi pour sa narration des agissements qu'elle disait avoir subis.
Nous sommes donc en France.
DSK est accusé et Nafissatou partie civile. Débat passionnant et contradictoire. Avec si possible une présidence de qualité et des jurés exemplaires. Le premier et la seconde questionnés sans complaisance. Et un arrêt rendu après un très long délibéré.
Cette justice-fiction nous aurait fait échapper à un triple malaise.
L'entretien ridicule et totalement dénué de spontanéité entre DSK et Claire Chazal sur TF1 avec seulement l'aveu d'une attitude "inappropriée".
DSK nous annonce qu'il donnera sa version des faits dans un biopic qui sera diffusé dans le courant de l'année prochaine. Je parie qu'il sera question d'argent. Pourquoi si tard ? Ce n'est pas que l'impatience nous tenaille mais tout de même !
Enfin, cet homme intelligent déclare qu'il ne voit pas où serait le problème entre des responsabilités publiques et une vie de libertinage organisé (un euphémisme). Inquiétant sur sa perception des choses. Comme si la morale était divisible !
Nafissatou Diallo certes pleure beaucoup dans le documentaire mais je crois que la justice américaine, en ne la ménageant pas, lui en a donné l'occasion.
Si elle avait été en France, quel changement !
Rédigé le 15 décembre 2020 dans Actualité, international, Justice, Médias, parole, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (105)
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Dans son discours de Harvard en 1978, Alexandre Soljenitsyne (AS) avait énoncé cette pensée forte : "Le déclin du courage est peut-être ce qui frappe le plus un regard étranger dans l'Occident d'aujourd'hui".
Qu'aurait-il dit alors de la France de 2020 ?
On me pardonnera de me glisser tout petit dans l'ombre de ce géant mais cela fait des années que dans toutes mes interventions, spontanément ou en réponse, je souligne que le manque de courage, singulier et/ou collectif, est la plaie fondamentale de notre pays, de ses pouvoirs et de sa démocratie.
Je laisse évidemment de côté l'admirable courage de nos militaires qui risquent leur vie sur des terrains d'opérations où leur présence est nécessaire et, par décence républicaine, indiscutée.
Même avec cette exclusion, il reste tant d'exemples de ce déclin pressenti par AS que je vais me livrer à un inventaire disparate mais qui peu ou prou sera à chaque fois caractéristique d'une faillite de cette vertu capitale.
Un mot sur les mille épisodes de la vie sociale, de la sphère privée où l'invocation de la politesse, de la considération d'autrui et de la tolérance n'est que le masque qui sert à déguiser la faiblesse de la personnalité, son inaptitude à user d'une forme courtoise pour exprimer un fond vigoureux. Il y a une manière, dans nos existences, de dénaturer la courtoisie en la prenant comme prétexte à l'insignifiance.
Mais le vrai, l'authentique courage est de ne pas hurler avec les loups après ou, avant, quand on est assuré d'un soutien majoritaire.
Il est de ne pas systématiquement rétracter son opinion, sa conviction de la veille parce que la polémique, aussi injuste qu'elle soit, vous donne mauvaise conscience et qu'on préfère avoir tort avec beaucoup que raison tout seul.
Il n'est pas d'avoir une liberté à géométrie variable et de l'adapter à la qualité et et à l'importance des contradicteurs, à l'intensité médiatique, à l'emprise de la bienséance, au souci moins de la vérité que de la décence imposée par d'autres.
Il n'est pas de se sentir tenu par l'obligation impérieuse et lâche, pour justifier l'absence de crachat sur le RN, de révéler qu'on ne votera jamais pour lui ou, pour avoir le droit de parler librement de Vichy, de Pétain et de l'Histoire de cette période - comme Eric Zemmour récemment - de montrer patte blanche en précisant, ce qui va de soi pour lui, qu'on n'est ni négationniste ni révisionniste. Le courage est d'oser exister sans filet de sécurité.
Le courage n'est pas de flatter la Justice en la persuadant qu'elle a la moindre légitimité pour trancher les controverses historiques en apposant sur elles les gros sabots d'une législation ayant sacrifié les nuances et la complexité.
Il n'est pas non plus de haïr la personne au lieu de combattre ses idées et de se vautrer dans le sommaire d'un langage appauvri pour massacrer une civilisation du dialogue, de ressasser l'humanisme pour faire l'impasse sur ses exigences concrètes.
Le courage n'est pas de dévoyer le "en même temps", de le faire passer d'un moyen de plénitude intellectuelle à la déplorable rançon d'un esprit qui ne sait pas assumer ses choix et leurs conséquences.
Quand le président de la République, effrayé par ce qu'il a pourtant initié ou déclaré - par exemple pour l'écologie avec la convention citoyenne, contre la police lors de l'entretien sur Brut - dès le lendemain cherche à se sauver la mise, il est aux antipodes du courage. Le Beauvau de la sécurité, qui pourtant en soi n'est pas une mauvaise idée, est gâché parce qu'il est gangrené par la repentance.
Par le désir pusillanime de se renier ou de proposer un événement seulement pour atténuer le choc de la démagogie antérieure.
Le courage n'est pas non plus de prendre, par démagogie, les communautés les unes après les autres - "les jeunes puis le troisième âge..." - et de remplacer l'adresse à la France unie, aussi difficile que soit un verbe rassembleur, par une exploitation de ses "segments" (selon Arnaud Benedetti).
L'autorité de l'Etat, impartiale et digne de ce nom est aujourd'hui une immense béance parce que les coups de menton sans effet servent une frilosité politique qui n'a pas à s'accommoder du réel, encore moins à combattre ce qu'il a de pire. Le courage a ceci de douloureusement honorable qu'il discrimine, stigmatise, sanctionne et n'attend pas forcément l'estime. Il est le contraire de ce dans quoi notre France, notre monde aiment se lover : l'éthique verbeuse, l'illusion de l'action.
Je pourrais continuer à égrener, dans tous ces secteurs, social, politique, médiatique, culturel et judiciaire, les signes d'une démocratie qui non seulement n'essaie même pas, dans une tension éprouvante, de se mettre à la hauteur de cette splendide vertu mais la fuit parce qu'elle exige trop de soi, de nous, de ceux qu'on a élus, de ceux qui nous gouvernent, de celui qui préside.
Soljenitsyne avait tout prévu et je n'ose imaginer la stupéfaction indignée de ce héros du XXe siècle face à l'état de l'Occident, au délitement de la France. 42 années ont passé depuis son discours de Harvard et son pessimisme d'alors est devenu la lumière sombre de notre temps.
Faut-il, pour toujours, faire son deuil du courage ?
Rédigé le 13 décembre 2020 dans Actualité, international, Justice, Livres, Médias, parole, politique, Religion, Société | Lien permanent | Commentaires (94)
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