À peine ai-je eu envie de nous plonger dans un passé lointain pour déplorer cette journée de commémoration en hommage à l'innocent emblématique qu'était le capitaine Dreyfus - comme si l'Histoire ne l'avait pas réhabilité depuis longtemps - que je me suis senti saisi par le présent.
Notamment par cette adresse du président de la République, invité surprise pour les dix ans des "Jeunes avec Macron", les assurant "qu'il faudrait compter avec lui dans cinq ans, dans dix ans" (Europe 1).
J'avais immédiatement tweeté pour souligner qu'il restait un peu plus de deux ans avant la fin de son second mandat et qu'on attendait seulement de lui qu'il assumât le moins mal possible les tâches de cette période.
J'ai constaté avec plaisir qu'un ministre issu de sa propre majorité avait jugé cet engagement "indécent" en affirmant "qu'avant de se projeter en 2032, il faudrait peut-être penser à laisser le pays dans un meilleur état que celui dans lequel on l'a trouvé..."
Ce qui ne serait déjà pas admissible de la part de présidents ayant été battu comme Nicolas Sarkozy en 2012, ou n'ayant pas pu, comme François Hollande, se représenter en 2017, le serait encore moins du fait d'Emmanuel Macron qui a eu la bonne fortune de pouvoir bénéficier de deux mandats - et il ira au bout du second - avec toute latitude pour mener à bien ce qu'il avait projeté ; ou ce à quoi il a dû s'adapter en raison de fluctuations dont il a été en grande partie responsable.
Si je devais faire preuve de compréhension, j'en userais au bénéfice du président socialiste qui tenaillé par la frustration d'avoir sinon un mandat, du moins une candidature "rentrée", n'a de cesse de tenter de persuader la gauche que son retour ne serait pas qu'un bonheur personnel.
Emmanuel Macron, lui, ne peut plaider que ses échecs ne dépendent pas de lui. S'il n'a pas été médiocre en matière de politique étrangère avec l'inconvénient, pour demeurer seul en majesté sur la scène internationale, de s'être privé d'un ministre d'envergure, ses insuffisances sur le plan régalien, malgré ses voltes tardives et à cause de choix ministériels contrastés et aberrants, ne sont imputables qu'à lui seul.
Aucune session de rattrapage n'a à être prévue en 2032 et il est de mauvais goût de laisser croire à un désir de lui au-delà du terme normal. Et de faire semblant de penser que l'exercice de son pouvoir, sur dix ans, aura été tellement gratifiant pour nous tous qu'une envie irrépressible de le voir revenir plus tard nous habitera.
Derrière ces péripéties, ces espérances trompeuses, qu'on veut faire passer pour les nôtres, cette volonté de mettre dans nos têtes la plausibilité d'une renaissance, il y a le syndrome de Charles de Gaulle, la mythologie du recours. Pour calquer cet épisode historique unique et exceptionnel, n'importe quel politique d'abord joue à se placer dans le sillage du "plus illustre des Français" puis se pique, sans qu'on l'ait sollicité, de se présenter en instance d'appel, en voie de recours, en seconde ou triple chance.
Mais le citoyen n'est pas dupe. Avant l'heure, c'est trop tôt. Après, c'est trop tard.
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