Pour Eric Ciotti, président des Républicains, "avoir usé du 49.3 dans la journée du 16 mars à l'Assemblée nationale était un échec mais les députés ne s'associeront à aucune des motions de censure présentées, ni celle de LIOT ni celle du RN. Pour ne pas rajouter du chaos au chaos".
Aurélien Pradié, comme c'était prévisible, après avoir plaidé pour une motion de censure, a manifesté ses réserves à l'égard de cette position officielle et n'exclut pas de ne pas la suivre. Il est possible que plusieurs députés LR - de 6 à 15 peut-être - s'affranchissent, avec lui, des consignes. Mais il est peu probable qu'il y en ait suffisamment pour que la motion de censure LIOT soit adoptée.
Cependant LR ne devrait pas se satisfaire du propos du président de la République, pour encore se donner le beau rôle prêt au sacrifice (pour les autres!), soulignant que "son intérêt politique aurait été d'aller au vote mais qu'il y avait des risques économiques et financiers" rendant nécessaire le choix de ce couperet constitutionnel.
Pourtant, en ce moment capital, LR ne devrait plus faire bande à part et enfin s'engager uni avec les autres groupes, pour tirer les conséquences de cette faillite démocratique ; et plus globalement, des débuts d'un second quinquennat décevant sur beaucoup de plans, avec un président semblant lui-même s'être égaré entre confusion politique et entêtement buté.
D'abord la comédie n'est plus de mise. La solitude de LR, dans son attitude affichée de pragmatisme et de responsabilité, les constitue sans équivoque comme les auxiliaires complaisants d'un macronisme qui ne compte plus que sur eux.
Et sans doute faudrait-il cesser de s'enorgueillir d'une attitude de constance et de sincérité sur les retraites, comme on si on n'avait pas le droit, au prétexte qu'on était favorable à un principe à une certaine époque, de récuser sa concrétisation aujourd'hui demeurée très imparfaite malgré les aménagements qu'on se flatte d'y avoir apportés. Il est dangereux aussi de ne pas tenir compte de l'opposition d'une part importante des citoyens et de ne pas prendre acte du refus du pouvoir d'un authentique dialogue social que la présence de Laurent Berger, au sein d'un syndicalisme si rarement rassemblé, aurait rendu sans doute positif.
Par ailleurs, qui peut s'imaginer que la motion de censure LIOT - celle du RN n'ayant aucune chance de prospérer - n'a pour finalité que de s'attacher à la seule mise en cause de la loi sur les retraites qui aura encore à franchir, si la motion était rejetée le 20 mars, l'écueil du Conseil constitutionnel ?
N'est-il pas clair que ce qui se déroule dans notre pays depuis le mois de janvier dépasse le souci de la retraite et des ignorances fluctuantes du gouvernement sur ses effets, pour mettre en évidence une hostilité à l'encontre de ce pouvoir qui ne parvient pas à convaincre parce que ses résultats et ses méthodes ne suscitent pas un assentiment majoritaire ?
Même si l'échéance décisive est prévue en 2027, il est manifeste que notre pays a des fourmis dans les jambes, comme une sorte de ressentiment et de frustration. L'insatisfaction chronique depuis la réélection d'Emmanuel Macron, résulte d'une campagne sans souffle, avec une majorité relative due aux élections législatives et la déception causée par un pouvoir présidentiel qui continue à écouter aussi peu que dans le passé.
LR est-il si cohérent que cela en prenant une loi sur les retraites pour le tout alors qu'elle n'est tout au plus qu'une partie et que, sur les plans national et international, il serait difficile de soutenir que la France est en pointe ?
Les citoyens qui ont du mérite à espérer encore en ce groupe présidé à l'Assemblée nationale par Olivier Marleix doivent-ils être traités avec condescendance parce qu'ils aspirent à une opposition sans équivoque et qu'ils en ont assez, avec Eric Ciotti, chef de parti discuté, de voir passer à tout coup sous la table démocratique leurs députés ?
Il paraît que ceux-ci auraient peur de la dissolution mais il me semble que depuis les élections législatives, leur attitude politique et parlementaire est précisément ce qui pourrait causer leur déclin si de futures élections avaient lieu. À force d'être angoissés par une dissolution hypothétique, ils en ont oublié de se comporter avec la netteté et le courage qu'on attendrait d'une droite républicaine qui ne soit pas tentée par le mirage macronien.
En réalité, si on peut en effet craindre l'amplification d'un chaos de plus en plus organisé, avec des blocages et des reconductions de grèves, à la suite de cette honteuse péripétie parlementaire et de la nasse dans laquelle le pouvoir et le gouvernement se trouvent, il en est un autre qui menace. Celui d'un total dérèglement politique et d'un paysage de plus en plus obscur et bouleversé.
Sans paradoxe, si LR votait le 20 la motion de censure, cela rendrait le futur, qui pour l'instant est brouillard et décomposition, plus lisible et plus conforme à la réalité du pays. Je ne voudrais pas que LR se trompât de chaos. Le plus grave n'est pas celui qu'on croit.
LR ne peut pas en permanence être effrayé par son ombre.
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