Une fois qu'on s'est habitué à cette épouvantable manie des commentaires durant les échanges des matchs de tennis, une fois qu'on a quitté l'excellent Laurent Luyat qui sur son plateau maîtrise bien les entretiens d'avant ou d'après les rencontres, quel bonheur que le tournoi de Roland-Garros !
Et quel exemple nous donne ce formidable joueur de 19 ans, Carlos Alcaraz !
À dire vrai, on le comparait tellement à Rafael Nadal que d'une certaine manière, si j'étais impatient de le voir jouer, je craignais surtout d'être déçu. J'avais tort d'éprouver cette inquiétude parce que la réputation qu'on lui a faite, avant Paris, était totalement justifiée et que, sinon la nationalité, il n'a rien de commun avec son irrésistible compatriote sur terre battue.
Alcaraz fait plus de fautes sans doute que Nadal mais il a déjà un jeu infiniment plus varié que celui de ce dernier, avec une inventivité rafraîchissante qui lui permet d'user de la palette complète du grand joueur de tennis. Tout y passe et il sait, à bon escient, avec une intelligence tactique sans pareille, offrir à ceux qui le regardent une gamme où rien ne manque : jeu de fond de court, incroyable coup droit, montée au filet, amorties, lobs, fabuleuse défense qui contraint l'autre à une énergie de tous les instants pour gagner le point, résistance physique qui ne fléchit jamais, allégresse pleine de vie sur le court, cela va vite, ne traîne pas, jamais le moindre mouvement d'humeur, sa "bonne bouille" de jeune Espagnol respire seulement la volonté, la détermination et le goût de vaincre.
J'ai pu voir ses trois premiers matchs et notamment le deuxième où contre un compatriote de talent, fin tacticien, il a frôlé la catastrophe, sauvant une balle de match au quatrième set avant d'être mené 3 à 0 au dernier set pour en définitive l'emporter 6 à 4 après avoir réalisé quelques coups inouïs.
Dans l'entretien qui suit avec les vainqueurs, aucune vanité ni arrogance mais du respect pour celui qu'il a défait et surtout pour son entraîneur Juan Carlos Ferrero qui a gagné une fois à Roland-Garros.
Mais tout cela n'est rien par rapport à ce qui me frappe chez lui en comparaison avec les comportements de tant d'autres jeunes joueurs français ou non. Une joie de jouer, un bonheur d'être, de montrer qu'il a 19 ans, qu'il est en pleine forme et que rien ne lui fait peur puisqu'il joue dans un tournoi prestigieux et qu'il n'a aucune raison de faire la tête ! C'est tellement rare de constater cet entrain, cette vivacité, ce contentement non feint, presque adorablement naïf et, en même temps, cette maîtrise de soi, cette tenue exemplaires.
Comme il va affronter bientôt Nadal ou Djokovic, je ne sais pas s'il sera en finale et l'emportera. En revanche il est clair qu'il a déjà marqué son territoire et exprimé son talent d'une manière telle qu'il apparaît à tous comme unique. J'apprécie que bien au-delà du jeu, ce soit son caractère, son tempérament et son allant si sympathique qui le distinguent de tous les autres. Sa concentration ne le rend pas triste mais épanoui. Quelle chance pour nous !
Il y a beaucoup de jeunes pousses qui prennent des adultes comme modèles. Sans paradoxe, Carlos Alcaraz pourrait être un modèle pour beaucoup d'adultes.
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