Si on n'avait pas Eric Zemmour (EZ) dans l'espace intellectuel et médiatique, certains n'hésiteraient pas à l'inventer pour s'installer dans un ciblage confortable, paresseux.
Pour ma part, si j'ai approuvé sur des thèmes importants son parler-vrai, voire brutal, si j'ai de l'amitié pour lui, je n'ai pas voté en sa faveur, tant la mise en oeuvre de son programme radical et sans nuance venant confirmer ses globalités parfois offensantes, aurait mis le pays à feu et à sang.
Cette attitude n'est pas contraire à ma passion des empoignades vigoureuses sur les plateaux médiatiques dès lors qu'une élémentaire courtoisie est respectée.
Aussi quelle n'a pas été ma triste stupéfaction quand j'ai lu ce que Pascal Bataille (PB) avait déclaré sur Sud Radio : "(EZ) a un discours clairement raciste, antimusulman et anti-arabe et il faut le mettre hors d'état de nuire sur le plan médiatique et juridique".
Je n'ose pas croire que PB, animateur sur C8, soit jaloux du talent médiatique d'EZ. Pour l'élément juridique, on ne peut pas dire qu'on a été économe des procédures à l'encontre du président de Reconquête! ! PB devrait au moins être à moitié satisfait.
Mais il veut plus en s'abandonnant à une forme de délire éradicateur. Il faut mettre EZ "hors d'état de nuire"... PB a-t-il eu conscience de ce que son extrémisme est bien pire que celui qu'il prête (sans l'expliciter) à EZ ? Là où celui-ci propose des convictions, aussi contestables qu'elles puissent apparaître (mais ce serait à démontrer), PB suggère tout simplement de faire sortir du champ médiatique et juridique le locuteur qu'il abhorre.
Comme ce serait commode - et d'une pauvreté insigne - de procéder de la sorte en ostracisant brutalement tous ceux qui n'ont pas l'heur de plaire à PB !
Ce dernier aurait dû écouter la chronique d'Elisabeth Lévy, ce matin 5 décembre, dans la matinale de Patrick Roger sur Sud Radio. Il aurait appris que la liberté d'expression ne doit pas servir seulement à la formulation de ses propres convictions mais qu'elle a pour fonction et comme honneur de laisser parler ceux qui ne pensent pas comme nous. Il était important d'énoncer cette évidence qui l'est de moins en moins dans un monde qui préfère la certitude péremptoire au doute enrichissant, le monologue sûr de soi au dialogue incertain et imprévisible.
Je ne croyais tout de même pas que Jean-Michel Aphatie aurait un successeur du même acabit, lui qui s'est fait une spécialité obsessionnelle de vouloir exclure EZ d'un univers où, essayiste comme hier et politique aujourd'hui, il fait de l'ombre à tout le monde et d'abord aux professionnels des médias.
La contradiction est déjà insupportable en soi mais quand le talent l'habite, c'est véritablement du lèse-conformisme, une atteinte à la volupté de questionner et parler pour ne rien dire...
Cette dangereuse exigence de prétendue pureté rendrait les controverses impossibles sauf à les vouloir aseptisées, les confrontations inutiles sauf à les souhaiter formelles, l'appréhension du réel insupportable sauf à l'embellir par déni.
Qu'on ne croie pas que mon modeste combat ne s'attache qu'à PB et à EZ. Je pourrais développer peu ou prou la même argumentation non pas pour défendre Jean-Luc Mélenchon mais pour refuser qu'on noie ses propos, scandaleux pour beaucoup, sous l'opprobre globalisant d'antisémitisme.
Puis-je, en tout cas, suggérer à PB d'adopter un autre comportement que ces injonctions comminatoires adressées aujourd'hui à EZ ? Et demain à qui ? Je donne ce conseil à tous ceux qui préfèrent supprimer la parole que la contredire ou l'affiner.
EZ serait raciste ? Libre à vous, PB, d'aller le démontrer face à lui.
Il serait anti-arabe et anti-musulman ? Libre à vous, PB, de lui opposer votre contradiction.
Mais, de grâce, évitez la honte de vous faciliter la tâche en demandant la suppression de l'adversaire !
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