Dans la sauvegarde des diplomates, je mets tant d'idées et de sentiments qui ne me sont pas naturels dans le monde tel qu'il est aujourd'hui.
La mesure, le refus du rapport de force, le dialogue, la patience, la cohérence, le respect des instances internationales, la priorité absolue donnée à la possibilité de paix plus qu'à la tentation de la guerre. D'une certaine manière, plutôt le caractère tranquille d'une Europe qui n'est pas impulsive que les accès et les coups de boutoir de grandes puissances et de leurs responsables se vantant d'être libérés des règles communes.
Le simplisme me guette ; j'éprouve une joie à la fois mauvaise et compréhensible face à tout ce qu'accomplit Israël depuis le 7 octobre 2023, la légitime défense au sens très large que ce pays lui donne a mon agrément malgré les terribles dégâts humains et matériels à Gaza et en Iran et les retombées épouvantables sur lui. Je ne peux m'empêcher de considérer que l'État hébreu se bat pour nous tous, je refuse toutefois de me laisser aller à une acceptation sans limite, à une partialité sans frein.
Parce que l'intervention américaine m'a paru inévitable et, je l'espère, décisive à la fois pour éradiquer le risque nucléaire et mettre à bas le régime des mollahs, je me réfrène et pour rien au monde je ne voudrais tomber dans cette démagogie inéluctablement fascinée par le "il n'y a qu'à" et le "faut qu'on".
Car la guerre, depuis l'invasion de l'Ukraine et l'action violemment et prétendument pacificatrice de Donald Trump, n'est pas loin d'être devenue non seulement la continuation de la politique par d'autres moyens, selon Clausewitz, mais plus encore le mode quasiment banal de règlement des conflits. Comme si les phases préparatoires que l'Histoire a connues étaient frappées d'obsolescence au profit, d'emblée, d'attitudes belliqueuses.
J'ai conscience que rien ne se serait pire, pour un univers totalement dérégulé, que cette adhésion mécanique à ce débridement d'hostilité internationale quand il conviendrait au contraire de ne pas rejeter, sur ces incendies fiers de leur cruelle spontanéité, la maîtrise d'intelligences et de réflexions capables de voir plus loin que le bout de leur fureur.
Sur ce plan, on peut moquer Emmanuel Macron tant qu'on voudra mais, pour ma part et Dieu sait que je n'en ai pas abusé, il me semble toutefois que de manière ponctuelle, pour l'Ukraine, pour Israël et à l'égard de l'Iran, le président n'a pas été indigne de ce qu'on pouvait attendre de lui. Son avertissement, en l'espèce, "qu'une situation strictement militaire" ne sera pas garante d'un futur apaisé ne manque pas de pertinence.
J'ai conscience que certains précédents sont dévastateurs et notamment la coupable faiblesse de nos démocraties face à Hitler. Mais il ne faudrait pas que cette mauvaise conscience lucide mais inutile et rétrospective nous mît sans cesse sur le pied de guerre. Nous ne sommes plus face au nazisme et il serait tragiquement incongru de faire preuve, par réflexe, d'une violence sans le moindre espace pour délibérer du présent et ménager l'avenir.
Je serai heureux le jour où le magnifique peuple iranien sera enfin libéré de sa dictature théocratique et de ses chaînes ignominieuses.
Mais avant, pendant et après, il faut sauver les diplomates.
Contre la mort, quand ils sont à la hauteur, ils portent l'espoir, une dernière chance.
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