Admiration, en effet, pour ces magistrats qui, dans des conditions difficiles, notamment à Bobigny, portent haut l'honneur de notre corps. Les statistiques du nombre d'affaires et de comparutions immédiates - procédure à juste titre privilégiée - rendent mal compte de ce que doivent être l'épuisement et la tension de ces collègues en première ligne. Il suffit d'avoir regardé certaines images à la télévision, en particulier aux abords d'une salle d'audience à Bobigny, pour percevoir comme il a du être difficile, au cours de ces débats interminables, de résister à la pression de la masse, de l'entourage et des amis des prévenus et de rendre justice pourtant en toute équité. Il me semble qu'on a trop rarement l'occasion d'un consensus pour ne pas, une seconde, faire taire les antagonismes et laisser simplement s'exprimer l'estime. La vertu cardinale, en ces circonstances, est le courage et ceux dont je ne connais même pas les noms n'en ont pas manqué dans ces tribunaux périphériques. Ils ont participé, comme les policiers, les CRS, les pompiers, à ce front du refus. Le refus de la violence et de la dévastation. Un refus par principe, par morale. Une fois l'accord fait sur cette absolue interdiction, on pourra discuter des causes. J'espère que les syndicats qui s'étaient heureusement tus durant un moment ne vont pas recommencer à gémir ou à protester.
Au moment où j'inaugure ce blog - Dieu sait que les émeutes de ces derniers jours peuvent susciter la peur mais aussi la réflexion -, je pense à cette phrase du ministre Azouz Begag, telle que rapportée par les radios. Les banlieues ont plus besoin de l'ascenseur social que de CRS. Certes ! Mais si l'ascenseur ne monte pas ou plus, on fait quoi en attendant ? De la même manière, quelle étrange idée d'opposer en permanence prévention et répression, nécessaires l'une et l'autre et qui n'ont absolument pas le même rythme. Entre la conception de la prévention et sa réalisation, à supposer qu'elle règle tout, il faut du temps, beaucoup de temps. Dans cet intervalle, la répression a malheureusement et naturellement sa place. La prévention prépare peut-être des lendemains qui chanteront. La répression s'occupe, elle, de l'immédiat difficile et des comportements anti-sociaux.
Ceux qui réagiront à mes propos comprendront aisément que ma condition de magistrat me contraint à ne pas laisser publier une réponse que je n'aie validée moi-même. Pour trois raisons. La premiére, c'est que sur ce blog aucune transgression de la loi ne sera tolérée. La deuxième, c'est que n'étant pas avocat mais magistrat, je n'ai pas le droit de donner la moindre consultation. La dernière, c'est un souci de précaution et de déontologie. Je ne veux pas échanger avec qui pourrait se retrouver un jour dans mon espace judiciaire. Pour le reste qui demeure considérable, j'attends avec impatience vos observations et réponses.
Bravo. Je suis publicitaire, marié, papa de quatre enfants, quarante quatre ans.
J'ai été abandonné par mon père juste aprés ma conception...j'ai été élevé par une grand-mère, sur un terrain familial avec pour toit des cannices ( une paillotte de 30 m2 ). Les fins de mois, qui commençaient le 10, étaient plus que difficile. Je trouvais sur les décharges publiques du cuivre que je revendais pour acheter du lait, du pain...
Dés que j'ai eu la possibilité de travailler je me suis jeter a corps perdu dans le business.
Je suis profondément révolté contre ces jeunes qui se parrent de certains termes afin de mieux refuser leurs responsabilitées. La souffrance humaine n'a rien a voir avec cette jeunesse de banlieu.
Rédigé par : henri | 25 novembre 2005 à 16:33
Que ces propos sont justes.
Vu d'ici, la Suisse, ces évènements n'ont pas semblé extrêmement différents que d'habitude (sauf erreur, en France, c'est 100 voitures par jour/nuit qui brûlent "habituellement"). Alors deux ou dix fois plus, on se dit que ces actes sont portés à leur firmament.
Les jeunes crient (brûlent) leur colère au travers des biens de leurs voisins et de leur infrastructure et il faut les comprendre; ils n'ont pas de travail et ne voient rien venir.
A entendre certains, le fait d'avoir une nouvelle nationalité européenne, un logement, à manger, à boire et surtout, une structure éducative qui est dans le top 10 mondial ne serait pas assez. A la fin, il devrait aussi y avoir un travail et tant qu'à faire, pas un truc ennuyeux et mal payer avec un patron pénible sur les horaires par exemple.
J'ai parfois l'impression que le mot "travail" pour certains vient après le mot "acquis".
Obtenir un travail est quelque chose de difficile et se contraindre à étudier dur pour se donner les chances de l'obtenir l'est encore plus.
Enfin, ce qui me navre réellement, c'est entendre des politiciens dire que "si on fait appel à la répression, c'est que c'est un constat d'échec". Ah bon? Ces 10 dernières années étaient dirigées par une certaine droite et les 14 avants l'étaient par une certaine gauche. Alors ce résultat, cet échec, on le doit à qui?
Cherché un coupable et des solutions et aussi logique qu'appliquer la prévention et la répression.
Mais de grâce, ne tombons pas dans l'assistance infinie car même là, certains se feraient prendre à leur propre jeu.
En Europe, mais surtout en France, on a tendance à viser le bas pour dire que ça va mal alors que dans d'autres pays, on pointe le haut comme objectif.
La résultante de ces deux approches est très différente. Dans l'une on s'apitoie sur son sort, dans l'autre on travaille deux fois plus pour y arriver.
T (un Suisse qui se pose des questions)
Rédigé par : ToTheEnd | 21 novembre 2005 à 13:29
S'agissant, M. Bilger, de votre remarque sur notre "étrange idée d'opposer prévention et répression", qui sont toutes deux nécessaires, il me semble que vous devriez particulièrement apprécier l'analyse des émeutes de banlieue qui est faite sur le site
http://www.ineditspourlenon.com/Et_maintenant.htm#flammedescites
Bravo, en tout cas, pour avoir créé ce blog. C'est une vraie joie. Nous sommes, je crois, nombreux à apprécier
- vos prises de position,
- votre franc parler,
- votre clarté d'expression (autant que de pensée),
- et votre...diction.
Rédigé par : Véronique | 21 novembre 2005 à 13:16
Les français ont la culture de l'indulgence et du laxisme ce qui leur porte souvent préjudice. En matière de répression pénale les chiffres de la proportion des peines réellement effectuées sont désespérants pour ceux qui croit en la justice et qui considère que cette dernière devrait être une priorité nationale.
En France quand on veut instaurer le bracelet électronique pour les délinquants on se soucie des inconvénients pour le délinquant ; Quand on veut répertorier les violeurs et autre pédophiles on s'y oppose car cela serait attentatoire aux libertés individuelles ; Et enfin quand des gangsters mettent le feu aux écoles, aux églises et aux transports en commun pour 500 millions d'euros de dégâts lors d'émeutes il faut les excuser car c'est le ministre de l'intérieur qui les a outageusement provoqué en les traitants de racailles.
Toute initiative vers plus d'ordre et de justice est immédiatement décriée et caricaturée comme fachiste et dangereuse.
Oui la justice a besoin de plus de moyens ; Non la prévention ne s'oppose pas à la répression. La réflexion du ministre Azouz Begag est symptomatique de cette "pensée unique française" qui nous fait tant de mal.
La société française se porterait mieux si on repensait nos priorités et si on concentrait nos efforts sur l'essentiel.
Rédigé par : Philippe | 20 novembre 2005 à 12:48
Vous n'avez pas de trackback (et ne savez peut être même pas ce que c'est ?) alors je me permets de vous signaler ce billet sur mon blog, qui raconte une de ces audiences à laquelle j'ai assistée.
http://maitre.eolas.free.fr/journal/index.php?2005/11/08/221-la-banlieue-dans-le-pretoire
Par ailleurs, si je puis me permettre une petite remarque de forme : pour la lisibilité de vos billets, respectez les règles de typographie. Un espace après les points et les virgules, un espace avant et après les deux points, point-virgules, points d'exclamation et d'interrogation. Cela aère les phrases.
Rédigé par : Eolas | 19 novembre 2005 à 19:07