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26 novembre 2005

Commentaires

Avi

J’avoue n’avoir pas réussi à lire cet article dans son intégralité, étant donné la méconnaissance du rap dont vous faites preuve et le nombre d’arguments réactionnaires pour ne pas dire « Vieille France » que vous avancez. Juste quelques précisions : comme l’a souligné un forumeur précédemment, le rap est né dans des vœux de paix ! De plus, vous mettez tout le monde dans le même sac, plus par ignorance que par mauvais esprit je pense. Si il est vrai, que certains (mauvais) rappeurs avides de célébrité misent tout sur la provocation (vous allez dans leur sens, en leur proposant l’indignation outrée qu’ils cherchent à provoquer), d’autres adoptent des discours construits et posés. Enfin, que vous n’aimiez pas un style musical (j’avoue ne pas aimer le rap non plus), par pitié évitez de dire que tous ceux qui s’inscrivent en son sein sont d’affreux pyromanes, qui vont mettre le feu à nos banlieues ! De plus je doute fortement que des textes même super agressifs poussent les jeunes (dont je suis !!) à passer à l’acte. Désolé mais bien qu’ayant une orthographe déclinante, nous avons un minimum d’esprit critique. Je ne sais si vous avez des enfants ou des ados, mais je pense que eux pourront vous former sans forcément faire de vous un fan invétéré de Tupac Shakur, aux finesses du rap.
Amicalement

Judge Dread

Cette action en justice initiée par Mr Grosdidier aura au moins eu le mérite malheureux de relancer le débat sur le rap, forme musicale issue d'un mouvement culturel plus large, le Hip-Hop. J'aimerai tout simplement rappeler la devise originelle des pionniers de ce mouvement, la Zulu Nation, qui tenait en trois mots : "Peace, unity, love and having fun", message d'union aux antipodes de l'idéal-type du rappeur belliqueux et assoiffé du sang des anciens colons...Parler de "rap" est déja un abus de langage : de la même façon que les groupes de rock dits "sataniques" n'empêchent pas les groupes de rock chrétiens d'exister et même de prospérer, le postulat de départ du "rappeur" masque l'extrême diversité des paroles véhiculées par ce type de musique. Ainsi, quand Booba se fait le chantre de la délinquance et de l'argent facile, les rappeurs comme Fabe (qui, comble du ridicule, fait partie des artistes attaqués !) voient leurs messages constructifs, et dont la seule violence réside dans leur lucidité et la tristesse des réalités dépeintes, complétement enterrés.
Cette volonté de jeter l'opprobre sur tout un mouvement musical ravive le souvenir des souffrances infligées aux premiers jazzmen et bluesmen, ainsi que celles dont les "artistes dégénérés" furent l'objet.
Quand on veut se débarrasser de son chien, on dit qu'il a la rage...Et quand on veut se débarrasser de la liberté d'expression et d'un "excès" de démocratie, les artistes sont toujours en première ligne. Raison de plus pour que les citoyens s'en émeuvent.
NB : pour plus d'informations sur le rap lui-même, voir l'excellent ouvrage du philosophe Christian Béthune, "Le Rap, une esthétique hors-la-loi", coll. Mutations, éd. Autrement, septembre 2003.

DavidLeMarrec

Il est vrai que les textes de rap sont parfois à la frontière de l'incitation à l'infraction ou à la haine. Par principe, je ne serais pas favorable à les pourchasser, mais ça peut se discuter bien entendu.

C'est sur le plan esthétique que j'aimerais réagir. En tant qu'amateur d'opéra, je suis sceptique sur la caractérisation du rap comme un non-art. Certes, le rap médiatique français au sirop ne vaut pas trois clous de mon point de vue, mais certaines choses (surtout américaines, certes, mais il doit aussi y en avoir en français, j'imagine) sont assez réussies sur le plan de l'exaltation prosodique.

Il y a là une recherche de mise en valeur du texte qui s'apparente assez au récitatif d'opéra, ou à la psalmodie du plain-chant.
Certes, les codes en sont simplifiés, mais c'est assez similaire à ce que fut la chanson populaire par rapport aux formes lyriques savantes : l'harmonie et la versification en sont simplifiés, mais ce peut être un terreau avantageux pour une création artistique plus complète. De Dvořak à Kurtág, le fonds populaire a eu une telle importance !

Je pense qu'on peut tirer parti de ce désir prosodique, de ce goût du texte que manifeste le rap.


Ensuite, pour les problèmes judiciaires, c'est une autre affaire sur laquelle il est encore plus délicat de se prononcer.

Edouard

@Eolas : Cher Confrère,

Certes l’usage veut que les magistrats ne soient que collègues, mais la fraternité qui les unit face aux milles adversités qui sont leur quotidien méritait peut-être une entorse à la règle.

Votre interprétation du droit d’auteur me semble quelque peu limitée. Figurant en tête du titre relatif à l’œuvre protégée, L. 112-1 rappelle que les conditions d’accès à la protection que la loi confère (doit ?) aux créations revêtues de « l’empreinte de la personnalité de leur auteur » ne doivent jamais porter sur les qualités artistiques de celle-ci. Bien plus que de protéger contre une atteinte au monopole, la règle a trait à l’existence même de celui-ci.

Elle protége donc en amont la création elle-même contre l’arbitraire du juge, en tant que reflet de son temps. Faut-il alors permettre que d’autres textes portent atteinte au respect dû à l’œuvre ou à la qualité de l’auteur (L. 121-1) en faisant de lui un délinquant, et de sa création une « œuvre délictuelle » ?

Quant à l’ami Joey, si je me souviens bien, se sont ses frasques (notamment cassage de singe, mais pas d’un gorille ; appel à la haine, mais pas dans une œuvre) et non ses créations qui ont été soumises à l’appréciation des tribunaux. Sur les vertus de ces comportements en termes marketing, je crains que l’on s’éloigne du propos…

manur

Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris, votre texte est ardu. Vous souhaitez que les rappeurs incriminés soient condamnés pour la violence de leurs textes, mais Finkelkraut laissé en paix car ayant usé d'une naturelle liberté d'expression ?

pookicat

on peut reprocher un peu tout et n'importe quoi au rap, comme on l'a déjà fait par le passé pour le rock, le jazz, le reggae, et j'en passe.

et pourtant il existe à mon sens certains morceaux pleins de bon sens (petit frère d'IAM, afrique tolérance de démocrates D, et sans doute de nombreux autres) et qui n'encouragent pas vraiment
"une haine, une envie de destruction et un mépris de la communauté nationale qui auraient du alerter depuis longtemps".

Il faut aussi voir que le rap, qui existe déjà depuis une vingtaine d'années en France, a subi ces dernières années une forte médiatisation (et forcément, si c'est vendeur, on n'en parle).

je trouve qu'il est regrettable d'amalgamer ainsi un genre avec certains de ses textes, comme amalgament certains hommes politiques rapidement des populations avec certains de leurs représentants.

à lire les paroles de la marseillaise (cf http://fr.wikisource.org/wiki/La_Marseillaise), notre hymne national, on peut aussi s'interroger sur certaines de ses paroles.

pour éviter toute polémique, je laisse à chacun le soin d'en relire quelques couplets.

et pourtant, qui songerai à changer d'hymne ?

(http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Marseillaise)

Eolas

Sur le fond du billet lui même :

En tant qu'avocat, je n'ai évidemment pas la même perception, déformation professionnelle sans nul doute mais aussi je pense vraie question de valeurs.

Punir un chantre, je trouve ça par principe absurde et dangereux. Un poète même talentueux ne manipule pas les foules : il ne peut que faire reposer son effet sur un fonds pré-existant. Ce n'est pas Ronsard qui a inventé l'amour, et il n'émeut que ceux qui aiment ou ont aimé. La violence des propos tenus par nos rappeurs, que je ne compare pas à Ronsard, n'est que le reflet d'une colère sourde qui parfois devient assourdissante, mais elle n'en est pas la cause ni même un facteur aggravant.

Voilà pour le principe. Maintenant, je réserverai mon opinion face à des exemples concrets de textes haineux. Si une provocation à la haine raciale, ou à commettre des délits ou des crimes est caractérisée, que la loi passe. Mais gare à l'effet de victimisation.

Notre ami Joey Starr est un habitué des prétoires, et pas que de la 17e de Paris (NdA : qui juge les délits de presse) et n'a jamais vu sa carrière entravée par ses frasques, au contraire.

Et s'il est une chose pire qu'une justice impuissante ou passive, c'est bien une justice instrumentalisée.

Didier

> Edouard, vous pensez bien que votre commentaire m'a fait bien rire rapport à la chanson de Brassens, preuve supplémentaire qu'un message passe encore mieux avec de l'humour, car votre message est clair. Que Ph.B se rassure, il n'y a pas de gorille en liberté à Paris et si il a besoin, ce dont je doute, ses amis blogueurs seront là pour le protéger -:))

Eolas

Edouard : l'amant involontaire du primate de Brassens était un collègue de notre amphytrion, le terme de confrère n'étant employé qu'entre avocats, et notaires.

L'article L.112-1 du CPI que vous citez ne fait pas obstacle à l'application de la loi du 29 juillet 1881 sur les délits de presse : il proclame simplement que même les œuvres provoquant l'ire de notre hôte sont protégés contre la contrefaçon et le plagiat.

Edouard

« Notre société a en permanence, dans ses recoins, un juriste de service ou un intellectuel pétrifié à l'idée d'être démodé qui viendra nous expliquer qu'on a tort de s'émouvoir et qu'il faut savoir prendre de la distance. Que c'est de l'art, du rap, des chansons, un film, de la représentation, quoi ! »

Un juriste de service pourrait rappeler les dispositions de l’article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel « les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ». Défense est donc faite au juge d’apprécier les qualités artistiques d’une œuvre ; j’en déduis que dans votre billet, l’homme est dissocié de sa fonction.

Oiseau de mauvais augure, le récit des aventures d’une autre bête titille ma cervelle de moineau :
« Mais, par malheur, si le gorille / Aux jeux de l'amour vaut son prix,
On sait qu'en revanche il ne brille / Ni par le goût, ni par l'esprit.
Lors, au lieu d'opter pour la vieille / Comme l'aurait fait n'importe qui,
Il saisit le juge à l'oreille / Et l'entraîna dans un maquis ! (...)
La suite serait délectable / Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c'est regrettable / Ça nous aurait fait rire un peu ;
Car le juge, au moment suprême / Criait : "Maman !", pleurait beaucoup,
Comme l'homme auquel, le jour même / Il avait fait trancher le cou. »
(G. Brassens)

Ne nous méprenons pas, je ne vous souhaite évidemment pas le même sort que celui dont fut victime votre pauvre confrère de cette chanson ; je ne la cite que pour rappeler que la violence de l’art – et de l’art seul - n’exclut pas la pertinence des remontrances qu’il exprime. Les mots de cet artiste aujourd’hui consacré, et qui furent en 1953 censurés, condamnaient avec trente ans d’avance la peine capitale : dans combien d’années les difficultés que stigmatisent les rappeurs dans leurs textes, de façon certes moins subtiles que l’illustre auteur, nous inciteront-elles à faire – enfin – une autocritique de notre système d’intégration ? Faudra-t-il attendre encore plus longtemps pour parvenir à ce résultat, parce que nous aurons jugé préférable aujourd’hui de faire taire ces chansons, plutôt que de réfléchir aux raisons qui leur ont donné naissance ? Voir une causalité directe entre des œuvres datant de plus de dix ans et les événements récents en banlieue relève d'un artifice certain, sans plus de valeur que les propos sur la polygamie, et plus largement sur tout ce qui a pu être dit en tant que cause « étrangère » à l’Etat pour expliquer la crise des banlieues, quand c’est au moins autant, sinon exclusivement, à l’évolution d’une politique semi centenaire qu’il faudrait s’intéresser. Même si la tentation est grande, n’est-il pas temps de ne plus expliquer les incendies de voitures et les flambées de violence par des feux de paille ? En d’autres termes, et pour conclure dans un registre animalier, les autruches savent-elles que le fait d’enfouir leur tête dans le sable ne les préserve pas de prendre des coups de pieds au… plumage ?

Didier

M. Bilger, dans une approche "juridique", vous traitez en fait de questions qui sont de mon point de vue hautement politique. C'est dans cette optique que je me permets de commenter vos propos dont je retiens deux points fondamentaux.

Sur le rap, vous nous dites qu'on mélange cette forme musicale avec Mozart, le meilleur et le pire ! Mais qui décide du meilleur et qui décide du pire ? Cette distinction n'est pas acceptable. Je vous raconte une petite ancdocte : il y a une dzaine d'années, le pape Jean Paull II était en visite à Milan et son programme comportait une soirée à la Scala. Lors de son séjour, c'est Cosi Fan Tutte qui était au programme. On a déprogrammé Cosi pour la soirée papale jugeant l'opéra et surtout son livret "scandaleux" (une histoire de couples pas fidèles), le "pire" suivant les règles de l'Eglise. Je n'en dis pas plus.

Vous nous dites que devenus français "mécaniquement", certains n'ont pas acquis les valeurs de notre pays. Outre que hélas beaucoup de Français "bien de chez nous" les ont eux aussi bien oublié voire même jamais connu, suggèrez vous qu'ils en sont incapables ? Je ne cherhce pas à excuser les violences de ces dernières semaines, disons quand même qu'un certain comportement "irrationel" de la part de certains Français ne peut amener que des comportements "irrationnels" de la part de ceux qui font l'objet d'un rejet quasi systématique depuis longtemps. Les termes VOS écoles, VOS gymanses , VOS etc ... n'ont plus de sens dans ce contexte. Dans cet environnement, ce qui me choque dans les propos de AF, c'est qu'il semble partir du point de vue d'un partage "équitable" des responsabilités et qu'en conséquence chaque partie en présence devrait faire les mêmes efforts pour se respecter. Or chacun voit bien que cela n'est pas le cas. C'est cette majorité raciste, n'ayons pas peur des mots, dans le pire des cas, cette majorité moteur d'un rejet non exprimé mais bien réel dans les faits au mieux que AF semble défendre. Or c'est bien à cette majorité de faire le plus d'efforts pour enfin respecter ceux qui doivent l'être. En cela, il verse de l'huile sur le feu. Je crains hélas que beaucoup de nos compatriotes ne soient pas prêts à entendre ce message.

PB

Vous savez bien que tous les textes ne sont pas aussi anciens.J'ajoute qu'il y a des enquêtes en cours sur tel ou tel groupe. La prescription est de trois mois, certes, mais elle peut être suspendue ou interrompue. Il s'agit d'abord à mon sens d'un débat sur un principe. Faut-il ou non assurer l'impunité au bénéfice de rappeurs dont les paroles constituent des infractions?

PF

Monsieur l'Avocat Général, vous qui connaissez si bien le droit de la presse, vous savez mieux que moi que les textes des chansons évoqués par ce groupe de députés ne peuvent plus faire l'objet de poursuites car publiés depuis plus de trois mois pour la plupart.

Pour exemple, les textes du Ministere AMER datent de 1992 !

Quel est donc l'intérêt de ce charivari médiatique, si ce n'est pour ses députés de la majorité, ajouter leur brique de nullité au mur de démagogie que la classe politique française construit depuis quelques années.

Une fois de plus les politiques préfèrent trouver des responsables faciles plutôt que de s'interroger sur les vraies causes du mal qui a envahit certaines villes.

Pour ma part, je doute que des paroles, aussi violentes soient-elles, aient mis à feu et à sang la France.

Que les médias tentent de simplifier le problème, c'est peu surprenant.

Que les politiques le fassent en mettant ces évènements sur le dos de la polygamie, du rap, ou de la hausse du prix de l'essence, c'est énervant.

Enfin, et bien que plus aucun incendie ou acte de vandalisme ne soit plus à déplorer, l'Etat d'Urgence est toujours en vigueur.


Souplounite

Bonsoir, lecteur assidu du Blog d'Eolas, je suis le vôtre, tout récent, avec intérêt. Il est trop tôt pour faire des commentaires.

Concernant cet article, en revanche, j'ai envie de réagir.

On a le droit de ne pas aimer le rap. C'est mon cas. C'est le vôtre aussi semble-t-il. Mais bien que n'aimant guère cette forme musicale, je ne peux la réduire à des flots de haine ou des éructations. Il faut se forcer à écouter les textes, qui sont parfois fort bien écrit et très loin d'une posture simpliste? Le rap décrit souvent le quotidien des cités, des "banlieues" et ce quotidien violent produit - logique - une musique violente.

Le rap n'est pas un appel à la haine. Mais il est un appel. Ecoutons le rap et comprenons qu'une génération entière attend de notre société de les accepter et de cesser de les ostraciser.

Il est écrit dans la déclaration des droits de l'homme qu'il est un devoir de s'insurger quand les droits fondamentaux ne sont plus respectés. Je crains bien que l'on en soit là, et pour ma part la violence qui a eu lieu est légitime. On ne pas discriminer et attendre de ceux qu'on écarte de respecter le système qui les met à genoux. Un peu d'égalité ne ferait pas de mal pour commencer, et puis on verrait pour la fraternité...

On a aussi le droit d'aimer Finkelkraut. Ce n'est pas mon cas. Faire de ce penseur-minute confus et sectaire une victime du politiquement correct me semble réclamer un argumentaire mieux fourni...

Merci toutefois de nous donner votre opinion, j'apprécie les points de vue.

Une réserve générale sur votre blog, que Eolas a déjà souligné : faire plus attention aux règles typographiques, choisir un corps un peu plus gros et faire plus de paragraphes :D

Merci et cordialement.

Souplounite

Droit administratif

"Dans ce domaine infiniment sensible de la liberté d'expression, les associations bénéficient d'un pouvoir étendu et dangereux, trop grand selon moi".

Vous estimez que le droit de saisir la justice pour qu'elle tranche est un pouvoir étendu et dangereux ou aurais-je mal compris ?

S'agissant du rap, je vous invite à écouter MC Solaar, notamment. Vous verrez que l'on peut faire du "hip-hop" sans "éructer", ni appeler à la haine et à la violence.

P.S. : le MRAP a finalement décidé de ne pas poursuivre M. Finkielkraut.

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