Le Canard enchaîné de mercredi dernier appellera de ma part une série de notes sur le fonctionnement de la justice. Mais cette semaine a proposé à notre réflexion un rapprochement que l'actualité malicieuse se plaît à inventer. D'une part, c'est la demande de poursuite formulée auprès du garde des Sceaux, par 152 députés et 49 sénateurs, à l'encontre de certains groupes ou chanteurs de rap pour provocation à la haine et à la violence - selon le sens commun. D'autre part, c'est l'annonce le 23 novembre par le MRAP de poursuites pour incitation et provocation à la haine raciale, visant Alain Finkielkraut (AF) à la suite d'une longue interview au quotidien israélien Haaretz du 18 novembre. De plus, il est demandé au CSA d'ordonner son "retrait" de France-Culture, une radio publique. Rien que cela!
Que je n'aime pas le rap, que son rythme soit déja une éructation, presque une violence, est sans importance. Demeure que certaines paroles charrient clairement une haine, une envie de destruction et un mépris de la communauté nationale qui auraient du alerter depuis longtemps, au-delà d'AF lui-même, de parlementaires et de quelques journalistes clairvoyants, les autorités chargées de vérifier, en notre nom, si les droits que la démocratie accorde ne sont pas détournés ou dévoyés. Dans un Etat de droit sûr de sa force et de sa légitimité, pas une de ces outrances suintant un mélange de sexe vulgaire et de détestation française - comme si, parlons net, la France et ses citoyens devaient être violés pour être châtiés, mais de quoi ? - n'aurait pu échapper à la vigilance juridique. Mais je sais bien, à partir de mon expérience de 5 ans à la section de la presse et des libertés publiques à Paris, qu'un contrôle au jour le jour est impossible et qu'il faut compter sur la conscience civique. Mais pourquoi l'heureuse initiative de ces 201 parlementaires qui ont alerté la Chancellerie n'a-t-elle pas été prise, d'emblée, par cette dernière?
D'abord, c'est l'absence de courage politique. Lorsque certaines minorités ont acquis une telle capacité d'intimidation qu'elles abolissent toute volonté étatique, même fondée sur la loi, on n'est guère étonné par cette étrange disparition de l'autorité là où elle serait la plus nécessaire. Le Pouvoir - en dehors d'un ministre, toujours le même - est tellement effrayé par les remous que pourrait entraîner une application pas même sévère mais normale des textes répressifs, qu'il préfère rendre les armes avant même d'avoir combattu. Il lui reste la ressource de déguiser sa retraite ou pire, sa déroute en les baptisant "gestion consensuelle et décrispée". Mais c'est à force de ne pas appliquer la loi que celle-ci s'use et devient une sorte d'idole vide de sens que personne ne respecte plus.
Ensuite, il y a la part du snobisme, le culte aberrant de la modernité et une conception de l'art tellement élargie qu'elle devient tout et n'importe quoi - donc plus rien. On a tellement peur de manquer le train qui passe qu'on accepte tout au prétexte que c'est d'aujourd'hui, que le présent impose sa domination et que l'acquis nous plie sous son emprise. Il n'est plus question de prétendre résister à l'écoulement mécanique et neutre du temps puisqu'il porte en son sein le vrai et l'INDISCUTABLE. Ainsi, nul motif pour discriminer, séparer le bon grain de l'ivraie, ne pas mélanger Mozart et le rap puisque tout se vaut et que si on ne mélangeait pas le pire avec le meilleur, on risquerait de manquer le pire. Qui oserait, dans ces conditions, venir protester en affirmant haut et fort que tout ne se vaut pas et que le rap virtuellement meurtrier, réellement haineux doit être sanctionné? Quelle volupté aussi que de se fondre dans le mouvement, qu'on croit inéluctable, d'une société ! L'impuissance et la démission offrent des fraternités comme le courage. On se réchauffe comme on peut dans un monde trop froid. La violence serait insupportable, même dans les chansons, si on l'écoutait en face. Lâchement, on en fait tout au plus une ritournelle de la modernité.
Comment oublier, également, que le rap appartient à cette immense théorie des "artistes" d'aujourd'hui ? Ceux qui sont déclarés, se décrètent artistes au début du parcours pour ne pas être recalés à sa fin. J'ai longuement parlé avec mon ami Gaccio, dans notre livre, de ce problème qui me préoccupe et, parfois, m'indigne. L'obsession de faire du transgressif, du décalé et du dégoûtant, par nature, le fondement de l'art véritable, qui devrait tout faire bouger en nous, sauf l'esprit et le coeur. Alors que le transgressif n'a de sens que si l'artiste parvient à en faire, en dépit de tout, le lieu de l'universel. Mais pour les imbéciles qui croient "créer" et les consommateurs de cette "création", quelle aubaine que ce nivellement qui constitue le plumitif comme un grand écrivain et n'importe quel chanteur ou acteur pour non seulement un Artiste mais en plus, aujourd'hui, un Penseur ! Le malheureux Depardieu qu'on contraint sans cesse à réfléchir au lieu de le laisser jouer et jouir de la vie ! Ce n'est pas là, de ma part, la plainte lancinante que la nostalgie des sources adresse à l'espérance, le passé à l'avenir, l'archaïsme à la modernité. Ce qui ne laisse pas de m'inquiéter pour aujourd'hui, c'est que si une oeuvre exceptionnelle, sous toutes formes, venait dans notre espace socio-médiatico-culturel, je ne suis pas persuadé que nous parviendrions à la reconnaître parce que notre boussole a été mise hors d'usage. Nous n'avons pas de température parce que nous avons égaré le thermomètre. Nous n'avons plus d'art parce que nous avons oublié comment le jauger et le juger.
Enfin, si les paroles de certains rappeurs sont indiscutablement un concentré de haine et de violence, il restera toujours, contre la lettre, le recours à l'esprit et contre le réel, la référence au symbolique. Notre société a en permanence, dans ses recoins, un juriste de service ou un intellectuel pétrifié à l'idée d'être démodé qui viendra nous expliquer qu'on a tort de s'émouvoir et qu'il faut savoir prendre de la distance. Que c'est de l'art, du rap, des chansons, un film, de la représentation, quoi ! En des temps calmes, une telle argumentation est déja hautement discutable mais après trois semaines d'émeutes et de destructions, elle est inacceptable. Quand la vie quotidienne démontre la charge explosive d'un texte et que celui-ci, par sa puissance haineuse, nourrit une quotidienneté déja enflammée, que faire de la distinction trop subtile entre la lettre et l'esprit et du sort fait au symbolique pour échapper au sens malheureusement univoque de certains "morceaux" ? Dernier refuge que les indulgents à tout prix - il faut du courage, même pour analyser durement le réel - se trouvent pour ne pas voir et ne pas entendre. Les rappeurs seraient une avant-garde qui, dotée d'une formidable intution, aurait prévu les drames humains et matériels de trois semaines d'enfer pour les honnêtes gens de ces banlieues. Autrement dit, la haine c'était pour hier, pas pour demain !
Que décidera la Chancellerie ? Fera-t-elle céder, comme je le souhaite - le garde des Sceaux n'est pas un pleutre intellectuel -, l'opportunité politique devant l'exigence impérieuse d'une loi enfin appliquée ? En tout cas, pour AF, elle n'aura pas à intervenir puisque le MRAP a mis ou va mettre en branle les poursuites. Dans ce domaine infiniment sensible de la liberté d'expression, les associations bénéficient d'un pouvoir étendu et dangereux, trop grand selon moi.
Ainsi, c'est donc AF qui va devoir passer à la moulinette du "politiquement et du socialement correct". Les dissidents de l'intelligence - avec lui, Murray, Kouchner, Bruckner, Lançon, Gauchet et d'autres - sont insupportables qui prétendent non pas seulement s'ajuster au réel mais aller au plus profond pour le montrer nu et aveuglant. AF, intellectuel souffrant et pertinent, pâtit d'une surabondance médiatique qui lui donne le statut un tantinet ambigu d'un Savonarole choyé. Mais quels courage et liberté que les siens, notamment lors du dernier Ripostes, si brillamment animé par Serge Moati le 20 novembre ! Tout seul contre tous, la tête plongée dans ses pensées et pourtant présent, en le voyant et en l'écoutant, on se disait qu'il faisait honneur à l'indépendance d'esprit ! Pour qui suit son parcours intellectuel, on devine bien qu'à force de faire entrer de plus en plus une réalité ostensible et dévastatrice dans son être, il est conduit à emprunter un chemin qui l'entraîne loin du troupeau bienséant. Il devient réactionnaire, littéralement. De plus en plus sombre, avec une lucidité qui gratte les plaies et ne permet pas de les oublier. Il ne guérit pas, il fait encore plus mal. Il y en a tant qui nous endorment ! Il ne s'adapte pas à la réalité, il la démasque.
C'est lui, pourtant, qu'on décide de poursuivre. Si respecter la liberté d'expression, c'est demander en permanence à la justice d'avaliser et de légitimer le lit douillet de ses pétitions de principe, il est clair qu'AF n'aura aucune chance devant le tribunal. On peut espérer que le Procureur qui sera présent ne respectera pas la grande tradition judiciaire qui veut que plus il y a à dire, moins on parle. On a le droit de supposer que la loi sera rappelée et que ne seront pas mélangées, dans la même opprobre intellectuelle, la dénonciation vigoureuse d'une réalité sociale et nationale et les vitupérations outrancières et méprisantes d'esprits sommaires. Ce que la loi autorise et ce que la loi ne permet pas. Surtout, comprendra-t-on un jour que la pensée, la parole et l'esprit libres relèvent d'un permanent défi qui fait osciller l'intelligence entre le provocant, le singulier, le neuf d'un côté, et l'inadmissible de l'autre. La nuance est mince mais fondamentale entre le beau risque d'une indépendance d'esprit et le dévoiement de pratiques à peine intellectuelles. Il n'y a pas, il n'y aura plus de liberté d'expression si les associations elles-mêmes ne prennent pas conscience de l'inévitable marginalité et dissidence qu'entraîne une pensée décidée d'aller au bout d'elle-même. Si la parole et l'écrit ne risquent jamais rien, c'est qu'ils n'auront jamais rien dit ni signifié. L'anti-racisme, s'il demeure un label, sera en perpétuel décalage avec ce qu'exige sur ce plan une authentique démocratie. S'il devient une morale, il saura choisir, arbitrer et discriminer.
Il n'osera plus évoquer, à propos d'AF, "un texte d'une violence raciste inouïe..." ni reprocher à cet intellectuel d'avoir lancé un appel contre "des ratonnades anti-blancs", comme si c'était une honte. Il ne l'accusera plus d'avoir décrit, dans l'intervievv, avec la cruauté de l'observateur et l'indignation du moraliste, ce que sans doute beaucoup ont perçu mais n'ont pu dire. AF a été, est leur porte-voix, leur porte-parole, même si probablement il ne le souhaite pas. Comment contester que devenir mécaniquement français ne vous met pas la France, son histoire et sa fraternité au moins rêvée dans la tête, le coeur et les tripes ? Comment nier alors qu'on puisse brûler des écoles et saccager l'éducation de demain parce que ce ne sont pas VOS écoles? Est-il honteux de révéler l'arrière-réalité comme il y a des arrière-pensées ? Le MRAP va-t-il pousser jusqu'à son terme cette procédure qui, aboutie, aggraverait encore davantage la caporalisation des esprits?
AF n'a pas toujours compris que, dans son combat pour la liberté d'expression, aussi scandaleuse que puisse lui apparaître la comparaison, il devait accepter des compagnonnages qui lui répugnent. Dieudonné s'est vu à plusieurs reprises jugé et, à chaque fois, il a été relaxé, en première instance et en appel. AF n'a jamais protesté contre ces dévoiements dus à une outrancière judiciarisation des écrits et des paroles. Qu'il me pardonne : la liberté a passé par Dieudonné comme elle passe par lui et pas par certains rappeurs.
Ce n'est pas un effet de mon humeur. Mais de la loi. Et de la démocratie.
J’avoue n’avoir pas réussi à lire cet article dans son intégralité, étant donné la méconnaissance du rap dont vous faites preuve et le nombre d’arguments réactionnaires pour ne pas dire « Vieille France » que vous avancez. Juste quelques précisions : comme l’a souligné un forumeur précédemment, le rap est né dans des vœux de paix ! De plus, vous mettez tout le monde dans le même sac, plus par ignorance que par mauvais esprit je pense. Si il est vrai, que certains (mauvais) rappeurs avides de célébrité misent tout sur la provocation (vous allez dans leur sens, en leur proposant l’indignation outrée qu’ils cherchent à provoquer), d’autres adoptent des discours construits et posés. Enfin, que vous n’aimiez pas un style musical (j’avoue ne pas aimer le rap non plus), par pitié évitez de dire que tous ceux qui s’inscrivent en son sein sont d’affreux pyromanes, qui vont mettre le feu à nos banlieues ! De plus je doute fortement que des textes même super agressifs poussent les jeunes (dont je suis !!) à passer à l’acte. Désolé mais bien qu’ayant une orthographe déclinante, nous avons un minimum d’esprit critique. Je ne sais si vous avez des enfants ou des ados, mais je pense que eux pourront vous former sans forcément faire de vous un fan invétéré de Tupac Shakur, aux finesses du rap.
Amicalement
Rédigé par : Avi | 16 février 2007 à 18:45
Cette action en justice initiée par Mr Grosdidier aura au moins eu le mérite malheureux de relancer le débat sur le rap, forme musicale issue d'un mouvement culturel plus large, le Hip-Hop. J'aimerai tout simplement rappeler la devise originelle des pionniers de ce mouvement, la Zulu Nation, qui tenait en trois mots : "Peace, unity, love and having fun", message d'union aux antipodes de l'idéal-type du rappeur belliqueux et assoiffé du sang des anciens colons...Parler de "rap" est déja un abus de langage : de la même façon que les groupes de rock dits "sataniques" n'empêchent pas les groupes de rock chrétiens d'exister et même de prospérer, le postulat de départ du "rappeur" masque l'extrême diversité des paroles véhiculées par ce type de musique. Ainsi, quand Booba se fait le chantre de la délinquance et de l'argent facile, les rappeurs comme Fabe (qui, comble du ridicule, fait partie des artistes attaqués !) voient leurs messages constructifs, et dont la seule violence réside dans leur lucidité et la tristesse des réalités dépeintes, complétement enterrés.
Cette volonté de jeter l'opprobre sur tout un mouvement musical ravive le souvenir des souffrances infligées aux premiers jazzmen et bluesmen, ainsi que celles dont les "artistes dégénérés" furent l'objet.
Quand on veut se débarrasser de son chien, on dit qu'il a la rage...Et quand on veut se débarrasser de la liberté d'expression et d'un "excès" de démocratie, les artistes sont toujours en première ligne. Raison de plus pour que les citoyens s'en émeuvent.
NB : pour plus d'informations sur le rap lui-même, voir l'excellent ouvrage du philosophe Christian Béthune, "Le Rap, une esthétique hors-la-loi", coll. Mutations, éd. Autrement, septembre 2003.
Rédigé par : Judge Dread | 13 décembre 2005 à 13:26
Il est vrai que les textes de rap sont parfois à la frontière de l'incitation à l'infraction ou à la haine. Par principe, je ne serais pas favorable à les pourchasser, mais ça peut se discuter bien entendu.
C'est sur le plan esthétique que j'aimerais réagir. En tant qu'amateur d'opéra, je suis sceptique sur la caractérisation du rap comme un non-art. Certes, le rap médiatique français au sirop ne vaut pas trois clous de mon point de vue, mais certaines choses (surtout américaines, certes, mais il doit aussi y en avoir en français, j'imagine) sont assez réussies sur le plan de l'exaltation prosodique.
Il y a là une recherche de mise en valeur du texte qui s'apparente assez au récitatif d'opéra, ou à la psalmodie du plain-chant.
Certes, les codes en sont simplifiés, mais c'est assez similaire à ce que fut la chanson populaire par rapport aux formes lyriques savantes : l'harmonie et la versification en sont simplifiés, mais ce peut être un terreau avantageux pour une création artistique plus complète. De Dvořak à Kurtág, le fonds populaire a eu une telle importance !
Je pense qu'on peut tirer parti de ce désir prosodique, de ce goût du texte que manifeste le rap.
Ensuite, pour les problèmes judiciaires, c'est une autre affaire sur laquelle il est encore plus délicat de se prononcer.
Rédigé par : DavidLeMarrec | 12 décembre 2005 à 15:57
@Eolas : Cher Confrère,
Certes l’usage veut que les magistrats ne soient que collègues, mais la fraternité qui les unit face aux milles adversités qui sont leur quotidien méritait peut-être une entorse à la règle.
Votre interprétation du droit d’auteur me semble quelque peu limitée. Figurant en tête du titre relatif à l’œuvre protégée, L. 112-1 rappelle que les conditions d’accès à la protection que la loi confère (doit ?) aux créations revêtues de « l’empreinte de la personnalité de leur auteur » ne doivent jamais porter sur les qualités artistiques de celle-ci. Bien plus que de protéger contre une atteinte au monopole, la règle a trait à l’existence même de celui-ci.
Elle protége donc en amont la création elle-même contre l’arbitraire du juge, en tant que reflet de son temps. Faut-il alors permettre que d’autres textes portent atteinte au respect dû à l’œuvre ou à la qualité de l’auteur (L. 121-1) en faisant de lui un délinquant, et de sa création une « œuvre délictuelle » ?
Quant à l’ami Joey, si je me souviens bien, se sont ses frasques (notamment cassage de singe, mais pas d’un gorille ; appel à la haine, mais pas dans une œuvre) et non ses créations qui ont été soumises à l’appréciation des tribunaux. Sur les vertus de ces comportements en termes marketing, je crains que l’on s’éloigne du propos…
Rédigé par : Edouard | 28 novembre 2005 à 21:01
Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris, votre texte est ardu. Vous souhaitez que les rappeurs incriminés soient condamnés pour la violence de leurs textes, mais Finkelkraut laissé en paix car ayant usé d'une naturelle liberté d'expression ?
Rédigé par : manur | 28 novembre 2005 à 11:43
on peut reprocher un peu tout et n'importe quoi au rap, comme on l'a déjà fait par le passé pour le rock, le jazz, le reggae, et j'en passe.
et pourtant il existe à mon sens certains morceaux pleins de bon sens (petit frère d'IAM, afrique tolérance de démocrates D, et sans doute de nombreux autres) et qui n'encouragent pas vraiment
"une haine, une envie de destruction et un mépris de la communauté nationale qui auraient du alerter depuis longtemps".
Il faut aussi voir que le rap, qui existe déjà depuis une vingtaine d'années en France, a subi ces dernières années une forte médiatisation (et forcément, si c'est vendeur, on n'en parle).
je trouve qu'il est regrettable d'amalgamer ainsi un genre avec certains de ses textes, comme amalgament certains hommes politiques rapidement des populations avec certains de leurs représentants.
à lire les paroles de la marseillaise (cf http://fr.wikisource.org/wiki/La_Marseillaise), notre hymne national, on peut aussi s'interroger sur certaines de ses paroles.
pour éviter toute polémique, je laisse à chacun le soin d'en relire quelques couplets.
et pourtant, qui songerai à changer d'hymne ?
(http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Marseillaise)
Rédigé par : pookicat | 28 novembre 2005 à 11:33
Sur le fond du billet lui même :
En tant qu'avocat, je n'ai évidemment pas la même perception, déformation professionnelle sans nul doute mais aussi je pense vraie question de valeurs.
Punir un chantre, je trouve ça par principe absurde et dangereux. Un poète même talentueux ne manipule pas les foules : il ne peut que faire reposer son effet sur un fonds pré-existant. Ce n'est pas Ronsard qui a inventé l'amour, et il n'émeut que ceux qui aiment ou ont aimé. La violence des propos tenus par nos rappeurs, que je ne compare pas à Ronsard, n'est que le reflet d'une colère sourde qui parfois devient assourdissante, mais elle n'en est pas la cause ni même un facteur aggravant.
Voilà pour le principe. Maintenant, je réserverai mon opinion face à des exemples concrets de textes haineux. Si une provocation à la haine raciale, ou à commettre des délits ou des crimes est caractérisée, que la loi passe. Mais gare à l'effet de victimisation.
Notre ami Joey Starr est un habitué des prétoires, et pas que de la 17e de Paris (NdA : qui juge les délits de presse) et n'a jamais vu sa carrière entravée par ses frasques, au contraire.
Et s'il est une chose pire qu'une justice impuissante ou passive, c'est bien une justice instrumentalisée.
Rédigé par : Eolas | 28 novembre 2005 à 10:20
> Edouard, vous pensez bien que votre commentaire m'a fait bien rire rapport à la chanson de Brassens, preuve supplémentaire qu'un message passe encore mieux avec de l'humour, car votre message est clair. Que Ph.B se rassure, il n'y a pas de gorille en liberté à Paris et si il a besoin, ce dont je doute, ses amis blogueurs seront là pour le protéger -:))
Rédigé par : Didier | 28 novembre 2005 à 10:17
Edouard : l'amant involontaire du primate de Brassens était un collègue de notre amphytrion, le terme de confrère n'étant employé qu'entre avocats, et notaires.
L'article L.112-1 du CPI que vous citez ne fait pas obstacle à l'application de la loi du 29 juillet 1881 sur les délits de presse : il proclame simplement que même les œuvres provoquant l'ire de notre hôte sont protégés contre la contrefaçon et le plagiat.
Rédigé par : Eolas | 28 novembre 2005 à 10:11
« Notre société a en permanence, dans ses recoins, un juriste de service ou un intellectuel pétrifié à l'idée d'être démodé qui viendra nous expliquer qu'on a tort de s'émouvoir et qu'il faut savoir prendre de la distance. Que c'est de l'art, du rap, des chansons, un film, de la représentation, quoi ! »
Un juriste de service pourrait rappeler les dispositions de l’article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel « les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ». Défense est donc faite au juge d’apprécier les qualités artistiques d’une œuvre ; j’en déduis que dans votre billet, l’homme est dissocié de sa fonction.
Oiseau de mauvais augure, le récit des aventures d’une autre bête titille ma cervelle de moineau :
« Mais, par malheur, si le gorille / Aux jeux de l'amour vaut son prix,
On sait qu'en revanche il ne brille / Ni par le goût, ni par l'esprit.
Lors, au lieu d'opter pour la vieille / Comme l'aurait fait n'importe qui,
Il saisit le juge à l'oreille / Et l'entraîna dans un maquis ! (...)
La suite serait délectable / Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c'est regrettable / Ça nous aurait fait rire un peu ;
Car le juge, au moment suprême / Criait : "Maman !", pleurait beaucoup,
Comme l'homme auquel, le jour même / Il avait fait trancher le cou. »
(G. Brassens)
Ne nous méprenons pas, je ne vous souhaite évidemment pas le même sort que celui dont fut victime votre pauvre confrère de cette chanson ; je ne la cite que pour rappeler que la violence de l’art – et de l’art seul - n’exclut pas la pertinence des remontrances qu’il exprime. Les mots de cet artiste aujourd’hui consacré, et qui furent en 1953 censurés, condamnaient avec trente ans d’avance la peine capitale : dans combien d’années les difficultés que stigmatisent les rappeurs dans leurs textes, de façon certes moins subtiles que l’illustre auteur, nous inciteront-elles à faire – enfin – une autocritique de notre système d’intégration ? Faudra-t-il attendre encore plus longtemps pour parvenir à ce résultat, parce que nous aurons jugé préférable aujourd’hui de faire taire ces chansons, plutôt que de réfléchir aux raisons qui leur ont donné naissance ? Voir une causalité directe entre des œuvres datant de plus de dix ans et les événements récents en banlieue relève d'un artifice certain, sans plus de valeur que les propos sur la polygamie, et plus largement sur tout ce qui a pu être dit en tant que cause « étrangère » à l’Etat pour expliquer la crise des banlieues, quand c’est au moins autant, sinon exclusivement, à l’évolution d’une politique semi centenaire qu’il faudrait s’intéresser. Même si la tentation est grande, n’est-il pas temps de ne plus expliquer les incendies de voitures et les flambées de violence par des feux de paille ? En d’autres termes, et pour conclure dans un registre animalier, les autruches savent-elles que le fait d’enfouir leur tête dans le sable ne les préserve pas de prendre des coups de pieds au… plumage ?
Rédigé par : Edouard | 27 novembre 2005 à 22:11
M. Bilger, dans une approche "juridique", vous traitez en fait de questions qui sont de mon point de vue hautement politique. C'est dans cette optique que je me permets de commenter vos propos dont je retiens deux points fondamentaux.
Sur le rap, vous nous dites qu'on mélange cette forme musicale avec Mozart, le meilleur et le pire ! Mais qui décide du meilleur et qui décide du pire ? Cette distinction n'est pas acceptable. Je vous raconte une petite ancdocte : il y a une dzaine d'années, le pape Jean Paull II était en visite à Milan et son programme comportait une soirée à la Scala. Lors de son séjour, c'est Cosi Fan Tutte qui était au programme. On a déprogrammé Cosi pour la soirée papale jugeant l'opéra et surtout son livret "scandaleux" (une histoire de couples pas fidèles), le "pire" suivant les règles de l'Eglise. Je n'en dis pas plus.
Vous nous dites que devenus français "mécaniquement", certains n'ont pas acquis les valeurs de notre pays. Outre que hélas beaucoup de Français "bien de chez nous" les ont eux aussi bien oublié voire même jamais connu, suggèrez vous qu'ils en sont incapables ? Je ne cherhce pas à excuser les violences de ces dernières semaines, disons quand même qu'un certain comportement "irrationel" de la part de certains Français ne peut amener que des comportements "irrationnels" de la part de ceux qui font l'objet d'un rejet quasi systématique depuis longtemps. Les termes VOS écoles, VOS gymanses , VOS etc ... n'ont plus de sens dans ce contexte. Dans cet environnement, ce qui me choque dans les propos de AF, c'est qu'il semble partir du point de vue d'un partage "équitable" des responsabilités et qu'en conséquence chaque partie en présence devrait faire les mêmes efforts pour se respecter. Or chacun voit bien que cela n'est pas le cas. C'est cette majorité raciste, n'ayons pas peur des mots, dans le pire des cas, cette majorité moteur d'un rejet non exprimé mais bien réel dans les faits au mieux que AF semble défendre. Or c'est bien à cette majorité de faire le plus d'efforts pour enfin respecter ceux qui doivent l'être. En cela, il verse de l'huile sur le feu. Je crains hélas que beaucoup de nos compatriotes ne soient pas prêts à entendre ce message.
Rédigé par : Didier | 27 novembre 2005 à 10:47
Vous savez bien que tous les textes ne sont pas aussi anciens.J'ajoute qu'il y a des enquêtes en cours sur tel ou tel groupe. La prescription est de trois mois, certes, mais elle peut être suspendue ou interrompue. Il s'agit d'abord à mon sens d'un débat sur un principe. Faut-il ou non assurer l'impunité au bénéfice de rappeurs dont les paroles constituent des infractions?
Rédigé par : PB | 27 novembre 2005 à 09:12
Monsieur l'Avocat Général, vous qui connaissez si bien le droit de la presse, vous savez mieux que moi que les textes des chansons évoqués par ce groupe de députés ne peuvent plus faire l'objet de poursuites car publiés depuis plus de trois mois pour la plupart.
Pour exemple, les textes du Ministere AMER datent de 1992 !
Quel est donc l'intérêt de ce charivari médiatique, si ce n'est pour ses députés de la majorité, ajouter leur brique de nullité au mur de démagogie que la classe politique française construit depuis quelques années.
Une fois de plus les politiques préfèrent trouver des responsables faciles plutôt que de s'interroger sur les vraies causes du mal qui a envahit certaines villes.
Pour ma part, je doute que des paroles, aussi violentes soient-elles, aient mis à feu et à sang la France.
Que les médias tentent de simplifier le problème, c'est peu surprenant.
Que les politiques le fassent en mettant ces évènements sur le dos de la polygamie, du rap, ou de la hausse du prix de l'essence, c'est énervant.
Enfin, et bien que plus aucun incendie ou acte de vandalisme ne soit plus à déplorer, l'Etat d'Urgence est toujours en vigueur.
Rédigé par : PF | 26 novembre 2005 à 22:46
Bonsoir, lecteur assidu du Blog d'Eolas, je suis le vôtre, tout récent, avec intérêt. Il est trop tôt pour faire des commentaires.
Concernant cet article, en revanche, j'ai envie de réagir.
On a le droit de ne pas aimer le rap. C'est mon cas. C'est le vôtre aussi semble-t-il. Mais bien que n'aimant guère cette forme musicale, je ne peux la réduire à des flots de haine ou des éructations. Il faut se forcer à écouter les textes, qui sont parfois fort bien écrit et très loin d'une posture simpliste? Le rap décrit souvent le quotidien des cités, des "banlieues" et ce quotidien violent produit - logique - une musique violente.
Le rap n'est pas un appel à la haine. Mais il est un appel. Ecoutons le rap et comprenons qu'une génération entière attend de notre société de les accepter et de cesser de les ostraciser.
Il est écrit dans la déclaration des droits de l'homme qu'il est un devoir de s'insurger quand les droits fondamentaux ne sont plus respectés. Je crains bien que l'on en soit là, et pour ma part la violence qui a eu lieu est légitime. On ne pas discriminer et attendre de ceux qu'on écarte de respecter le système qui les met à genoux. Un peu d'égalité ne ferait pas de mal pour commencer, et puis on verrait pour la fraternité...
On a aussi le droit d'aimer Finkelkraut. Ce n'est pas mon cas. Faire de ce penseur-minute confus et sectaire une victime du politiquement correct me semble réclamer un argumentaire mieux fourni...
Merci toutefois de nous donner votre opinion, j'apprécie les points de vue.
Une réserve générale sur votre blog, que Eolas a déjà souligné : faire plus attention aux règles typographiques, choisir un corps un peu plus gros et faire plus de paragraphes :D
Merci et cordialement.
Souplounite
Rédigé par : Souplounite | 26 novembre 2005 à 20:44
"Dans ce domaine infiniment sensible de la liberté d'expression, les associations bénéficient d'un pouvoir étendu et dangereux, trop grand selon moi".
Vous estimez que le droit de saisir la justice pour qu'elle tranche est un pouvoir étendu et dangereux ou aurais-je mal compris ?
S'agissant du rap, je vous invite à écouter MC Solaar, notamment. Vous verrez que l'on peut faire du "hip-hop" sans "éructer", ni appeler à la haine et à la violence.
P.S. : le MRAP a finalement décidé de ne pas poursuivre M. Finkielkraut.
Rédigé par : Droit administratif | 26 novembre 2005 à 16:14