Je ne suis pas gêné pour évoquer la loi Perben 2 et plus généralement toutes les dispositions législatives qui ont rendu plus efficace l'action du Parquet en ne portant pas atteinte aux libertés. J'approuve qu'on donne à la démocratie les moyens de se défendre et elle peut le faire sans se renier. Il n'y a nulle fatalité à ce que l'humanisme soit condamné à demeurer mou et inconsistant. Ce serait triste de penser que la morale et la générosité seraient vouées, par nature, à la stérilité. Au contraire, on attend de la politique qu'elle sache tenir les deux bouts de la chaîne et qu'elle ne soit plus hémiplégique.
Pour en revenir précisément à Perben 2, j'apprécie que cette loi ait amplifié le mouvement vers le système accusatoire, avec la disparition programmée du juge d'instruction, et ait innové en créant un "plea bargaining" à la française. Décriée avant même d'avoir été mise en oeuvre, cette innovation à l'usage s'est révélée un remarquable outil pour traiter la moyenne délinquance. Je regrette seulement que le Parlement, par timidité et pour le symbole, ait jugé nécessaire de faire avaliser par le juge un échange qui aurait pu se limiter heureusement au procureur, à l'avocat et au prévenu.
Cette nouveauté est encore trop lourde et complexe pour ce qu'elle voulait avoir d'immédiat et de pratique. Mais quel progrès tout de même!
Bonjour Monsieur BILGER, bonjour à tous - Le blog devient un instrument imprévu de démocratie directe et çà ne sera que mieux; qui, en effet, aurait eu idée d'écrire à un avocat général pour lui demander avis et éclairage sur la Justice? Une requête, cependant: vous vous adressez - Monsieur BILGER et commentateurs - à des profanes, aussi faites œuvre de pédagogie et d'indulgence et succès sera alors assuré.
Rédigé par : unaut'air | 21 novembre 2005 à 10:52
"Je regrette seulement que le Parlement, par timidité et pour le symbole, ait jugé nécessaire de faire avaliser par le juge un échange qui aurait pu se limiter heureusement au procureur, à l'avocat et au prévenu."
Juridictions d'accusation et de jugement doivent être maintenues séparées au moins pour garantir au prévenu un minimun de droits.
Que le procureur soit à la fois juge et partie me paraît inacceptable.
Rédigé par : themis | 20 novembre 2005 à 18:48
Dans le même sac que ce dont a parlé avec justesse Eolas: le projet de loi proposé par quelques Sarkozystes: Le fait de ne pas quitter un rassemblement de personnes susceptibles de troubler l'ordre public constituerait un délit! Vous ne voyez donc rien? Sous pretexte d'efficacité ou sous couvert d'actualitée (provoquée?) on vous prépare une dictature molle!
Avec un gouvernement responsable, il n'y a pas de problèmes, mais avec d'autres?
Toute manifestation trouble l'ordre public, je vous le rapelle.
Rédigé par : Boulgakof | 20 novembre 2005 à 18:04
@ Gérard Lenne : Vous prêtez à l'avocat plus d'influence qu'il n'en a dans le "plaider coupable" (le terme officiel étant CRPC, Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité). L'accord sur la peine n'est pas une discussion de marchands de tapis. A Paris, cette phase est très rapide, puisque les CRPC sont utilisées essentiellement dans le cadre des comparutions immédiates. La plupart du temps, c'est du "à prendre ou à laisser". Le rôle de l'avocat est de s'assurer que la peine proposée est de l'ordre voire légèrement inférieure à ce que son client pourrait se voir infliger à l'audience du tribunal (il faut donc connaitre la jurisprudence habituelle de la 23e chambre, qui à Paris juge les comparutions immédiates), ou si on fait une contre proposition, l'argumenter solidement (négocier l'abandon de la peine d'interdition du territoire en justifiant que son client est susceptible d'être régularisé rapidement). Toute difficulté au niveau de la "négociation" de la peine aboutit à ce que le procureur renonce à la CRPC et cite le prévenu devant le tribunal.
Rédigé par : Eolas | 20 novembre 2005 à 11:24
Je n'ai pas du tout étudié la loi Perben 2 mais comme ça, vu de l'extérieur :
- J'imagine que son intérêt doit être un désengorgement de la justice, un remède à sa légendaire "lenteur".
- Mais le danger du "plea bargaining" n'est-il pas son caractère moins démocratique (qui a les moyens de se payer un meilleur avocat ayant plus de chances d'obtenir un meilleur marché) ?
Rédigé par : Gérard Lenne | 19 novembre 2005 à 21:56
Je voulais bien sûr écrire exécutif et judiciaire...
Rédigé par : Boulgakof | 19 novembre 2005 à 19:38
Ayant manifesté contre la loi Perben 2, je me permets d'apporter le point de vue d'un avocat. Là où je me sépare de mes confrères, c'est que je n'ai jamais demandé le retrait intégral de cette loi, qui contient beaucoup de dispositions ne prêtant pas à polémique (je pense à la réforme de l'application des peines, par exemple, ou le mandat d'arrêt européen). De même, je n'ai rien contre le « plaider coupable ».
Par contre, les dispositions sur la lutte contre la criminalité organisée avait provoqué mon ire. Pas par le rôle prédominant qu'elle donne au parquet, mais par les pouvoirs exorbitants qu'elle donnait à la police.
En cas de bande organisée, définie rappelons à l'article 132-71 du code pénal comme étant « tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions », ce qui n'implique pas nécessairement du grand bandistisme, puisque deux personnes qui vont acheter un marteau pour casser une vitre afin de commettre un cambriolage sont une bande organisée, sont permises les perquisitions de nuit, placement de micros, la garde à vue passe à 4 jours, l'intervention de l'avocat étant repoussée à 48 heures (était-ce bien nécessaire, Monsieur l'avocat général ?), et.
Et surtout cette disposition scandaleuse de l'article 706-104 :
" Le fait qu'à l'issue de l'enquête ou de l'information ou devant la juridiction de jugement la circonstance aggravante de bande organisée ne soit pas retenue ne constitue pas une cause de nullité des actes régulièrement accomplis en application des dispositions du présent titre " ; disposition qui a heureusement été invalidée par le conseil constitutionnel qui écartait toute nullité de procédure quand bien même il s'avérait qu'il n'y avait aucune bande organisée.
En somme, il suffisait pour la police d'utiliser les facilités ouvertes par la procédure d'exception pour toutes les procédures, aucune sanction n'existant. 96 heures de garde à vue, dont 48 sans avocat, quel soulagement !
Cette menace de nullité existant désormais, mais pas grâce au législateur, la police sera contrainte de recourir à ces moyens que quand elel sera sure d'elle. C'est une garantie considérable, parce que le critère de la bande organisée me semble bien trop vague pour en faire la frontière des libertés.
Rédigé par : Eolas | 19 novembre 2005 à 19:37
En quoi la disparition du juge d'instruction vous parait-elle une bonne chose ?
Rédigé par : Laurent GUERBY | 19 novembre 2005 à 13:44
(hors sujet) je vous signale le blog d'un autre membre de l'institution :
http://www.paxatagore.org/
Rédigé par : Laurent GUERBY | 19 novembre 2005 à 13:30
Dommage. J'éspérais un réquisitoire sur les autres aspects de cette loi, qui pour moi donne des moyens juridiques à un éventuel gouvernement de droite dure.
J'ai l'impression que l'humanisme est traité à toutes les sauces en ce moment. La mollesse et l'inconsistance? Peut-être, mais la bonne réponse est-elle la brutalité et le productivisme, pour quelque chose d'aussi important que la justice?
C'est bien dangereux de mélanger l'exécutif et l'exécutif. Justice à deux vitesses, arbitraire de la police...
J'avais beaucoup aimé le travail de Guigou, qui a malheureusement été stoppé en chemin. J'ai été révolté par les loi Perben.
Rédigé par : Boulgakof | 19 novembre 2005 à 01:42