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13 décembre 2005

Commentaires

Mathieu

la mort "encore plus lente" : (si je puis me permettre)
http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,[email protected],0.html

Gilbert

Qu'espériez-vous de "Terminator" ?

ALCYONS

eh bien, quel débat ! je suis émerveillée par l'enthousiasme (= dieu intérieur) qui s'exprime ici dans la recherche d'une punition appropriée pour les crimes les plus écoeurants. malheureusement la mort du criminel, qu'elle soit physique ou sociale, n'appaise jamais la douleur des parties civiles. du côté du criminel, l'enfermement durable sous sédatif est-il préférable à la guillotine ? à mon sens, le mieux pour ne pas avoir à choisir est d'améliorer la prévention des crimes.

Jean-Baptiste

C'est Alain qui écrit : "si la justice existait, les hommes n'auraient pas besoin de la faire".

Voilà seulement pour répondre aux références à une prétendue "justice absolue", que les hommes ne pourraient pas atteindre. Il n'est de justice qu'humaine. L'humanité n'est donc pas un critère pertinent pour disqualifier la peine capitale.

Jean-Baptiste

A lire la note de José, qui abonde dans le sens de P.Bilger, on a l'impression que des hommes condamnent d'autres hommes suivant des avis tout à fait subjectifs. C'est oublier que c'est la Loi que le peuple s'est donné librement qui condamne, et non le libre arbitre de particuliers.
La loi est une valeur supérieure pour le citoyen à toute croyance ou tout dogme : rien n'empêche par conséquent qu'elle ordonne la mort. Platon fait-il dire autre chose à Socrate lorsque celui-ci est condamné à la peine capitale? Même condamné injustement, Socrate affirme pourtant qu'il doit se soumettre aux Lois, car il leur doit tout, y compris sa vie ("Allons, Socrate, ne mets pas ta vie au-dessus de la justice"). C'est cela, la démocratie originelle.

parayre

Heureux les affamés de justice , ils ne seront jamais rassasiés !

"Philosopher" , c'est penser sans preuves , mais point penser n'importe quoi(penser n'importe quoi , d'ailleurs , ce ne serait plus penser ), ni n'importe comment .La raison commande , comme dans les sciences , mais sans vérification ni réfutation possibles .Malheureusement ces mêmes sciences ne répondent à aucune des questions essentielles que nous nous posons , ni même à celles qu'elles nous posent .

Merci donc à Philippe Bilger de nous ouvrir un espace pour exposer nos philosophies , c'est à dire un ensemble d'opinions raisonnables , souvent contradictoires mais se voulant toutes justes .

Or , qu'est-ce qu'être juste ? C'est tenter de mettre sa force au service du droit , et des droits et décréter en soi l'égalité de tout homme avec tout autre , malgré les inégalités de fait ou de talents , qui sont innombrables ...En somme , instaurer un ordre qui n'existe pas mais sans lequel aucun ordre jamais ne saurait nous satisfaire .

Eolas

@ Billy : Philippe Bilger a également précisé que votre note le touchait de près, vous compare à Léon Bloy, vous gratifie d'une "remarquable intelligence qui par fulgurances vise juste", et a précisé que votre indignation était parfois la sienne. Je note avec plaisir que ces passages n'ont pas eu l'air de vous déranger, puisque vous n'en faites pas état dans votre plaidoirie pro domo.

Histoire de lever un peu le voile judiciaire, et quitte à trahir les recettes du maître de céans, il nous offre là un exemple typique de son talent : quand il requiert, il ne manque jamais de prendre la défense de l'accusé. Technique redoutable, puisqu'il sort ainsi de la caricature du procureur-machine répressive, et coupe l'herbe sous le pied de la défense, qui aura bien du mal à être meilleur que lui dans cet exercice.

Si pour l'amour du débat, je regrette de ne jamais avoir été face à vous, Monsieur Bilger, j'en ressens parfois un lâche soulagement.

José@La e-Cité

J'interviens de nouveau et je n'ai pas fait beaucoup d'études et n'ai probablement ni l'éducation ni la culture de nombre d'intervenants ici mais j'essaie de m'exprimer avec ce simple bon sens qui caractérise la "sagesse populaire" et parfois les débats me semblent si élevés qu'ils le perdent.

La Justice en France comme dans quasiment toutes les démocraties s'en remet au Peuple pour sa souveraineté. C'est donc à lui qu'incombe la responsabilité des peines infligées dans les affaires criminelles.

L'acte d'un être humain, fut-il aussi radical et ignoble qu'un meurtre ou un assassinat, même s'il est définitif et en ce sens "absolu" (notez bien les guillemets) ne constitue d'aucune façon un acte souverain mais un acte particulier même s'il est effectué en association dans une entreprise criminelle ou terroriste. Dans le cas d'assassinats prémédités résultant d'institutions policières ou militaires ce sont d'autres notions comme les crimes de guerre, contre l'Humanité ou génocides qui interviennent. Mais revenons au cas qui nous intéresse, il oppose à un crime particulier une sanction en nom collectif émanant d'une souveraineté.

En France, et ce peut être un corollaire à la laïcité, aucun pouvoir ni institution n'est intemporel et absolu. Aux États-Unis les témoins, les autorités, les institutions s'en remettent à Dieu donc à un pouvoir intemporel, divin et absolu. Ils considèrent donc que leur justice est absolue et en vertu de ce fait s'autorisent des sanctions absolues, c'est une forme de réciprocité. Ils témoignent devant Dieu, jugent devant Dieu et agissent selon Dieu jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir. Ils appliquent donc en quelque sorte la loi de Dieu (même si c'est plus nuancé que cela). En France ce n'est pas le cas, la Justice n'est que le reflet des hommes, de la sagesse populaire. Mettre à mort un homme sous la responsabilité d'un souverain c'est lui donner un caractère absolu, une capacité de jugement définitif et absolu dont il serait censé être le dépositaire, ce qui est contraire eux principes même de nos institutions. On doit toujours pouvoir reconnaître ses erreurs et revenir en arrière tout simplement parce la Justice est celle des hommes et donc faillible. Il ne s'agit pas ici d'interdire une quelconque position religieuse ou métaphysique mais de savoir si elles sont conformes à nos institutions. Et force est de constater que l'esprit dans lequel elles ont été élaborées, c'est celui de retirer justement l'absolu de toute intervention de l'État. Quant aux croyants, ils s'en remettront toujours au jugement de Dieu et à leur conscience, mais l'État n'a rien à faire là dedans. L'État n'a pas de conscience, pas de morale mais un souverain qui est le Peuple. Les hommes peuvent agir selon leurs conscience ou leurs principes moraux mais pas les institutions. Elles ont un mode de fonctionnement qui exclut ces considérations parce que subjectives. Pour être juste, il faut impérativement être capable de reconnaître les erreurs des autres mais surtout de pouvoir rectifier les siennes le cas échéant, ce qui n'est pas le cas d'une "divinité" qui ne se tromperait jamais. Une justice absolue, une sanction irréversible excluent cette possibilité, c'est là le fondement de l'abolition de la peine de mort. L'absolu ne relève pas de l'État mais du choix de chaque individu, tout simplement, et le criminel n'agit pas au nom de l'État mais en son nom propre, même s'il évoque une influence. Par contre l'État, lui, agit au nom de tous les Français.

Le Peuple, et lui seul, est le seul souverain que l'État connaisse. Je suis désolé de me répéter mais à moins d'admettre le caractère absolu du Peuple donc des hommes, on ne peut pas exercer de justice absolue.

Billy

Je ne sais pas si M. Bilger a lu mon commentaire ou celui d'un autre. J'ai beau lire et relire mon texte, j'ai du mal à y retrouver toutes les caractéristiques dont il est affublé : apocalyse du fond, paroxysme de la forme, horrible caricature de la réalité, définition exclusivement doloriste et criminelle...

Je sais bien que M. Bilger n'est pas seulement magistrat, mais aussi romancier; je découvre qu'il est également psychanalyste : détail signifiant ( de quoi, mon Dieu ?), frénésie de la généralisation terrifiante avec une sorte d'allégresse amère, obsession sécuritaire, idéologue de férocité (!!), jubilation amère et suspecte de la mort des autres, et j'en passe et des meilleures.

J'ai vraiment du mal - et peut-être aussi ceux qui me connaissent - à me reconnaître dans le portrait de ce monstre autiste et froid, prisonnier de ses obsessions et, ce qui est peut-être encore plus vexant, proprement demeuré qui est ici présenté.

Il est vrai que je n'ai pas décrit une réalité rose ( que j'aurais d'ailleurs pu illustrer de bien d'autres cas de récidive meurtrière bien connus de cette année ), mais je pensais que le débat portait précisément sur la criminalité et pas sur les écoles maternelles ou la fête du 14 Juillet.

Il est vrai aussi que je n'ai évoqué que l'Etat face aux criminels et aux victimes, mais je pensais que tel était le sujet et non pas l'ordre public, la défense nationale, l'éducation ou la sécurité sociale, autres fonctions de l'Etat en vertu du contrat social. Oui, l'Etat est le garant de l'intérêt social et d'un certain nombre de valeurs sociales : la sécurité des biens et des personnes me paraît tout à fait faire partie de l'intérêt social dans ce domaine et quelle valeur peut-elle être placée plus haut que la justice ?

Bilger

Je m'étais pourtant promis d'arrêter là ce dialogue, en tout cas de demeurer le témoin ravi et passionné des échanges des autres. Mais Jean-Baptiste me fait à nouveau réagir.
D'abord où voit-il, en tout cas de ma part, de la condescendance et du mépris à l'égard des partisans de la peine de mort puisqu'au contraire j'ai précisé qu'ils avaient, autant que les abolitionnistes, droit à la pensée et à la parole, même si le débat en France est sur ce plan d'école?
Ensuite j'attendais cet argument sur la cruauté de l'enfermement à perpétuité qui serait pire que celle, irréversible, qu'implique la peine de mort. En général cette allégation provenait de ceux qui, après la disparition de la peine de mort,voulaient la mort de la peine, de toute peine. Je trouve cette démarche discutable qui prétend comparer deux situations qu'on sait incomparables, l'irréversible et son point final avec la durée d'une vie en prison (au moins 30 ans pour les crimes les plus graves) mais précisément avec de la VIE. Une vie même réduite et amputée vaut mieux sur le plan de mes principes qu'une mort décidée de sang-froid pat l'Etat.
Enfin, il me semble que c'est vous qui faites preuve d'un léger mépris envers l'abbé Toulat en tournant en dérision ses notions de justice et de sanction absolue. Vous vous en moquez en affirmant que si on veut la peine de mort et si on la mérite, il n'y a qu'à l'édicter, c'est tout. Mais c'est précisément au nom de cette inévitable et heureuse (que serait une justice de robots ?) imprefection et humanité de la justice que le questionnement de savoir si on va l'édicter ou non se pose. Pour certains, peut-être pour beaucoup, se tromper, même rien qu'une fois, c'est ce qui permet de tenir face à l'indignation de l'instinct qui réclame une exécution radicale.

Jean-Baptiste

Pourquoi ne serait-elle pas légitime?! Il y a dans le discours tenu par les partisans de l'abolition comme un arrière-fond d'idéologie présomptueuse, pour ne pas dire de démagogie ou de morale bien-pensante, qui est agaçant : il est de bon ton de s'opposer à cet acte, il est vrai, violent et terrible ; donc, sûr d'être dans le camp du Droit, de l'Humanité et de la Justice, l'on dédaigne de considérer une seule seconde sérieusement la thèse adverse. Oserais-je rappeler qu'elle a pourtant compté des philosophes illustres, des penseurs des Lumières, rien moins qu'humanistes? Sans prendre nécessairement parti (je ne me range pas moi-même parmi les partisans de cette peine),je voudrais seulement qu'on cesse de regarder ce débat comme tout réfléchi, et les partisans de la peine de mort comme des passéistes, des fachos ou pire encore. La question est et reste problématique, quoi qu'en disent les idéalistes et les naïfs.

Par ailleurs, l'argument jésuitique de l'abbé Toulat me paraît bien faible, s'il faut parler franchement. Ce n'est pas parce que les hommes sont faillibles qu'ils doivent renoncer à rendre la justice. Si la peine de mort est légitime (ce que je n'affirme pas, mais ce qui peut se défendre), alors il faut avoir le courage de l'exercer. Tout jugement engage une responsabilité et un risque : sous prétexte qu'il est lourd de conséquences, on devrait s'abstenir de le rendre? Ce serait se dérober lâchement.

Quand je lis le syllogisme de P. Bilger : "une sanction absolue exige une justice absolue ; or la justice des hommes ne l'est pas ; donc il faut abolir la peine capitale", je suis un peu choqué. Le magistrat qui condamne un homme à la prison à perpétuité, ou même à vingt ans d'enfermement, considère donc cette peine comme plus humaine? L'enfermement à perpétuité, ce n'est pas absolu, ça ne pose pas de cas de conscience? Etrange conception de l'humanité... L'argument des abolitionnistes est donc, si je le comprends bien, une forme de scepticisme commode : prononcer un jugement, mais ne pas vouloir en assumer la responsabilité, en ordonnant seulement un simulacre de peine, dans le doute.

Or ne pourrait-on pas retourner l'argument avancé? A savoir : le crime commis est absolu ; il appelle donc une peine absolue ; la Justice doit donc s'appliquer, même si le jugement est sujet à caution (c'est pourquoi il existe des lois et des règles, une jurisprudence). C'est ce que dira Kant : l'on ne peut condamner un assassin qu'à la mort, sinon la sentence sombre dans une appréciation quantitative arbitraire (10,15,20 ans) qui n'a plus de rapport de nature avec l'acte commis.

La question reste entière à mon avis. Et la réponse est loin d'être évidente. Je m'interroge et j'avoue que je ne suis guère convaincu par les argumentations qui sont proposées jusqu'à présent.

Bilger

Pour pertinentes qu'elles soient, vos interrogations, Jean-Baptiste, n'éclairent guère notre chemin. Je persiste à penser que la notion de justice métaphysique, qui renvoie à une sanction absolue donc impossible dans notre espace humain, demeure opératoire. Par ailleurs, l'alternative entre la réintégration et l'exclusion se rapporte précisément à ce sur quoi nous nous interrogeons: la mort est-elle un moyen d'exclure honorable, légitime et de NOTRE ressort?

Jean-Baptiste

"Le débat sur la peine de mort, nous le savons tous, est aussi interminable que stérile."

Gérard Lenne a tout à fait raison de dire que le débat sur la peine de mort est interminable : des siècles de littérature et d'affrontement l'attestent, et les partisans comme les opposants avancent des arguments et comptent des penseurs à l'envi. Débat toujours recommencé, précisément parce qu'on l'aborde toujours, comme M.Philippe Bilger, sous l'angle métaphysique. Ainsi l'on ne peut aboutir à une vérité positive comme en science, mais à une conviction affirmée avec plus ou moins de force.

Pourtant il est frappant de voir que les uns et les autres se prononcent pour ou contre la peine de mort, sans poser une seule fois la question de sa raison d'être. Ce n'est pas en évoquant des notions aussi vagues que grandiloquentes ("l'humanité", "la Justice") que le débat peut avancer, à défaut d'aboutir. Commençons par nous poser, à la manière de Michel Foucault dans "Surveiller et punir", des questions élémentaires. Pourquoi punit-on ? Pour sanctionner le crime ou le délit déjà commis ? Ou pour ne pas qu'il se reproduise à l'avenir ? Pour faire un exemple ? S'agit-il de réintégrer le criminel dans l'ordre social, ou au contraire de l'en exclure ?
Suivant que l'on se tourne vers le passé ou vers le futur du criminel, la peine de mort change de statut et aussi de pertinence. Loin de toute métaphysique, et de l'affirmation croisée de convictions toutes personnelles, voilà les interrogations auxquelles j'aimerais qu'on réponde.

Par où l'on voit que si le débat est interminable, il n'est peut-être pas stérile...

parayre

"Humanas actiones non ridere , non lugere , neque detestari , sed intelligere ". Spinoza .

"Ne pas tourner en dérision les actions des hommes , ne pas pleurer sur elles , ne pas les détester , mais en acquérir une connaissance vraie ."

Bilger

J'ai tenté de répondre directement ou par commentaires à ceux qui ont exprimé une position favorable à la peine de mort. Je voudrais faire un sort spécial à la longue intervention de Billy qui me touche de près sur le plan intellectuel même si l'apocalypse du fond et le paroxysme de la forme me laissent surpris.
D'abord, c'est un détail mais signifiant, c'est Alphonse Allais qui a dit : Que messieurs les assassins commencent !, et non pas Dutourd. Derrière la boutade, je sens que Billy n'est pas hostile à l'idée de mettre sur le même plan le comportement criminel et l'autorité légitime de l'Etat, comme s'il n'y avait pas une différence de nature entre les deux qui fait toute la démocratie.
Dans ce texte qui ressemble à du Léon Bloy déchaîné, j'ai trouvé des intuitions, des révoltes et des indignations qui ne sont pas loin des miennes. Là où je me sépare de Billy, c'est que je connais au moins partiellement la réalité sur laquelle il écrit et que je dénonce comme lui, et d'autres avec nous, les aberrations, pour ne pas dire plus,de certaines décisions.
D'une part, il fait grimacer la réalité dans une horrible caricature, et ce n'est pourtant pas un naïf qui le dit ! La perception sociale, judiciaire et pénitentiaire de Billy ressemble à un cauchemar qui n'est pas ce que même les plus pessimistes peuvent constater. Il croit décrire la réalité mais au fond il ne décrit que l'obsession sécuritaire (je suis pour l'exigence de la sécurité) qu'il appose sur elle.
Par ailleurs, les terribles évenements qu'il évoque (Bodein par exemple) ne sont que des exceptions dévastatrices qui, outre qu'elles révoltent tout le monde et vont appeler notamment la définition d'une nouvelle responsabilité des magistrats - et j'en suis heureux -, ne constituent en aucun cas une image authentique et globale de la dure réalité à laquelle magistrats, policiers et prisons doivent s'affronter. Dans cette remarquable intelligence qui par fulgurances vise juste, il y a tout de même une frénésie de la généralisation terrifiante avec une sorte d'allégresse amère. Non, Billy, la société n'est pas encore le cauchemar que vous décrivez et les prisons et la justice sont loin de représenter cette apothéose du sombre.
On dirait que votre perception sociale et politique ne s'articule que sur la description d'un monde qui mettrait seulement face à face l'Etat et les victimes. C'est une définition exclusivement doloriste et criminelle de la réalité. Je ne partage absolument pas votre sentiment sur ce plan. Même s'il y a des paroxysmes d'horreur, tout n'est pas de cette aune criminelle et, pour moi, le monde dans lequel je vis et dont je souhaite autant que vous la tranquillité est composé de mille éléments, d'une pâte infiniment plus complexe.
Autre désaccord, encore plus sérieux peut-être. Bien sûr qu'il y a un contrat social implicite ou explicite mais l'Etat ne le noue pas qu'avec les victimes. Où avez-vous vu que l'Etat ne serait que le représentant des victimes ? Sur le plan qui vous préoccupe, il est le garant d'un intérêt social, d'une volonté de vivre ensemble et d'un certain nombre de valeurs fondamentales sans lesquelles on ne peut plus parler de société civilisée. Ces principes bien sûr s'appliquent aux victimes mais plus généralement aux citoyens parmi lesquels se trouvent aussi les gens que je fais condamner et que je déteste autant que vous pour leurs crimes. Sortez, je vous prie, de la prison où vous vous trouvez et qui réduit l'univers à presque rien, à de la violence pure et nue.
Vous voyez que je ne discute même pas de votre position sur la peine de mort. J'ai écrit que tous ses partisans n'étaient pas des sanguinaires. Mais vous maniez avec une sorte de jubilation amère et suspecte la mort des autres, comme les criminels arrachent la vie des innocents. Pardon, Billy, mais il n'est jamais neutre d'éprouver une telle fascination pour l'exécution, même avec la bonne conscience d'une sensibilité indignée. Que vous le supportiez ou non, ces êtres malfaisants ne sont pas sortis du cercle de l'humain et vous n'êtes pas Dieu et la justice n'est pas absolue.
Au fond, vous êtes un idéoloque qui ressemble comme un frère à l'idéologue adverse. L'idéologue pour moi est celui qui n'accepte pas de voir le réel mais préfère le construire avec le seul matériau tiré de lui-même et de ses obsessions. Il y a des idéologues de la mansuétude et vous êtes un idéologue de la férocité. Vous fonctionnez sur le même registre à la nuance près que votre sympathie va plus vers ceux qui sont offensés que vers ceux qui offensent. Sur cette prédilection - dévoyée en noir, en tragédies-pâte - je ne peux pas vous blâmer.
Ce qui me choque de la part d'un être comme vous dont encore une fois je perçois les fulgurances intellectuelles, c'est que précisément de l'intellectuel vous refusez la distance et le regard critique. Contrairement à moi qui veux répondre à l'attente et au sentiment populaires, vous, vous les devancez dans une surenchère gênante. Au fond, vous vous facilitez la tâche.
Comme il est trop difficile de tenir les deux bouts de la chaîne - rigueur et sélectivité des pratiques d'un côté et humanisme et Etat de droit de l'autre -,vous avez décidé de vous passer de l'humanisme dont j'ai une conception aux antipodes de la compassion bêlante et de pousser au fer rouge la rigueur souhaitable en certaines affaires.
Billy, je vous propose d'avoir des convictions même si vous savez ce qu'a écrit Nietzche là-dessus mais de mieux regarder. Les journaux et la télévision ne sont qu'un filtre grossier du réel.
Au risque de vous choquer, ce n'est pas parce que j'ai évoqué la brutalité irréversible de la peine de mort que vous devez fuir, dans une telle caricature indigne de ce que je sens en vous, la nuance et l'ambiguïté. C'est à ce prix que nos convergences ne seront pas brisées par ce qui nous sépare.

Gérard Lenne

Je reviens seulement, non pour m'élever contre les très archaïques arguments de M.Billy, mais pour remercier "José" de son commentaire concis et fort. Le débat sur la peine de mort, nous le savons tous, est aussi interminable que stérile. Pour préciser encore ce que dit José, ou le dire autrement, rappelons seulement le risque de l'erreur judiciaire, devenue en effet IRREVERSIBLE. N'y aurait-il qu'un innocent condamné sur un million d'exécutions, cela suffirait pour abolir la peine de mort. Et ne dites pas, M.Billy, que ça n'arrive pas.

jlhuss

Merci de cette note!
J'ai fait une erreur dans le dernier commentaire : adresse!
Je mets un lien dans mon blog au "FilBlog"

jlhuss

Merci Monsieur pour cette note d'une très grande humanité. Je suis tous les jours un peu plus heureux de venir sur votre blog.
Encore merci.
Je mets un lien sur le mien dans mon "FilBlog"

Billy

Je ne répondrai pas à tous les adversaires de la peine de mort, par le mot de Jean Dutourd, je crois : "Que Messieurs les assassins commencent !" Ce serait trop facile, mais il est aussi très facile de se montrer généreux quand on n'est pas directement concerné par un crime, comme c'est le cas de toute la société, à l'exception des proches de la ou des victimes. Je crois profondémént que l'abrogation de la peine de mort traduit aussi une insensibilité très réelle aux souffrances des victimes parallèlement à une très curieuse et croissante sensibilité au sort des criminels.

Je trouve également que les partisans américains de l'abrogation de la peine de mort ont choisi avec Tookie, malgré son amendement méritoire en détention. On ne me fera pas croire que le fondateur et chef du gang le plus violent que la Californie ait connu n'était pas de quelque manière responsable des dizaines ou peut-être même des centaines de morts dont ce gang s'est rendu coupable, même s'il n'était peut-être pas directement mêlé à l'assassinat des trois victimes, pour lequel il a été exécuté. On peut sans doute reprocher au système californien l'extraordinaire lenteur de la décision finale...

Mais, en France, il me semble que la situation est bien pire. Après l'abrogation de la peine de mort, on a pratiquement abandonné aussi la perpétuité sous le prétexte invraisemblable que de telles peines ne permettraient pas de maintenir l'ordre dans les prisons. Curieusement, la perpétuité est appliquée strictement par exemple aux Pays-Bas sans, me semble-t-il, que les prisons y soient moins sûres. Chez nous, on préfère libérer à partir de la moitié de la peine, éventuellement pour bonne conduite dans une prison évidemment sans femmes ni enfants, des assassins de femmes et d'enfants, comme récemment Pierre Bodein, qui s'empressent bien entendu de récidiver. Tant pis pour les nouvelles victimes, c'est la faute à pas de chance, l'essentiel est d'accorder aux criminels la chance de se réinsérer, comme on dit.

Je crois que, dans ce débat sur la peine de mort, on a complètement oublié que la société dans laquelle nous vivons ne peut pas décider n'importe quoi. Il y a un contrat social implicite qui seul donne sa légitimité à l'action de l'Etat. Celui-ci ne doit pas rendre la justice de manière abstraite au nom de principes généraux mais de manière très concrète rendre justice aux citoyens qui ont été victimes de crimes et qui demandent justice, c'est à dire punition et réparation. Dans ce contrat social implicite des sociétés non totalitaires, les individus ont renoncé à leur droit primitif de se faire justice eux-mêmes pour établir une procédure judiciaire collective plus objective. Mais le transfert de ce droit fondamental des individus ne demeure légitime que si l'Etat ne perd pas de vue qu'il n'agit que par délégation des victimes, ce qui implique qu'il puisse prononcer toutes les sentences possibles, y compris, dans les cas extrêmes sans doutes réels et sans circonstances atténuantes, la peine de mort. Seuls les proches des victimes, et non pas même le chef de l'Etat, devraient alors pouvoir accorder éventuellement la grâce. A cela s'ajoute bien évidemment dans le contrat social implicite d'une société évoluée l'obligation impérieuse pour l'Etat d'assurer à titre préventif la protection de tous les citoyens contre des crimes potentiels, avant tout souci de rééducation ou de réinsertion de criminels avérés.

Si un Etat ne respecte plus ces principes élémentaires du contrat social et a fortiori s'il pratique une politique judiciaire de plus en plus laxiste, les citoyens pourraient bien considérer un jour qu'il a rompu le contrat social et qu'il redevient légitime de se faire justice soi-même. Il me semble que l'angélisme sociétal pourrait engendrer le risque d'un retour à la justice privée.

José@La e-Cité

Pour moi, athée, la seule raison qui vaille contre la peine de mort est de simple bon sens et est la suivante : c'est l'irréversibilité. Avec la peine de mort, on ne peut revenir en arrière. En ce sens c'est donner un caractère définitif et absolu en une institution qui en l'occurence est la Justice. Or, la Justice, si noble soit-elle, ne saurait être absolue. Elle est souveraine bien que temporelle mais pas absolue. En vertu de ce simple principe, aucune sanction qu'elle inflige ne peut l'être. Le simple fait de ne pouvoir revenir en arrière puisqu'évidemment on ne peut rendre la vie mais seulement réhabiliter rend une telle sanction absolue.

Zouille

J'ai simplement un mot à dire à propos de la majorité de citoyen soutenant la peine de mort en France au moment ou elle a été abolie.
D'après un sondage et non d'après une élection, une majorité de citoyen s'était déclarée attachée à la guillotine, c'est vrai. Mais quelques mois auparavant, une majorité absolue de citoyen avait porté M. Mitterrand à la présidence alors qu'il était clairement inscrit dans son programme qu'il abolirait la peine de mort et qu'il avait à plusieurs reprises confirmé cette volonté à des journalistes.
D'autre part, la constitution de la 5ème république n'accorde pas aux citoyens le droit de s'exprimer par référendum sauf pour les questions relatives à la constitution.
Enfin, une opinion publique cela fluctue: qu'un crime épouvantable soit commis, et le soutien à la peine de mort augmente. Qu'un innocent injustement condamné soit libéré, il diminuera.Où en est le soutien à la peine de mort après Outreau?

koz

Mon "histoire familiale" est plutôt favorable à la peine de mort ou, en tout cas, défavorable à ce que certains perçoivent comme de l'angélisme dans l'opposition à cette peine.

En ce qui me concerne, je voudrais fixer un principe supérieur qui est le respect de la vie et l'interdiction pour l'homme d'y porter atteinte.

Comme vous le dîtes, Monsieur Bilger, ceci relève de la conviction intime et de la métaphysique.

Ce cas, bien que très différent, me rappelle celui d'un français dont j'ai très bien connu le petit-fils, Jacques Fesch, l'un des derniers français exécutés.

Un jeune homme, très privilégié, qui, pour des motivations obscures et semble-t-il peu enthousiasmantes (il aurait eu besoin d'argent pour acheter un voilier, un yacht - à confirmer) a commis un braquage. Poursuivi par des policiers, il en a tué un d'un coup de revolver. Sa famille soutient que le tir était accidentel, qu'il ne savait pas le revolver chargé, qu'il était en train de grimper à une échelle et qu'il ne portait pas ses lunettes, ce qui fait qu'il n'a pas pu viser délibérément le policier. Je ne veux pas ni ne peux rentrer dans ces considérations.

En prison, il vit une parfaite conversion et rédige un journal dont les dernières lignes sont éloquentes : "dans cinq heures, je verrai Jésus... "

Il sera guillotiné, à l'âge de 27 ans.

Comparer Tookie Williams et Jacques Fesch est très certainement une aberration (le second n'a jamais été chef de gang et n'a pas nié son acte) mais j'ai pensé à lui ces derniers jours, à sa famille et, intimement, je ne peux accepter que des hommes infligent la peine de mort.

Ceci, c'est pour l'intime. Pour la conviction, je me réfèrerai à vos derniers paragraphes, Monsieur Bilger, qui confortent la mienne.

Didier

Appréhender un sujet comme celui là par le biais d'une situation personelle comme le fait AD ne m'apparait pas le bon. La souffrance et l'émotion emportent tout de ce que chacun d'entre nous porte de Raison.
La regarder dans une approche comparative - sanction absolue vs. justice absolue - ou bien sur un autre plan efficité de la sanction - pays appliquant la peine vs. ceux qui ne l'appliquent pas - ne me parait pas non plus la bonne manière.

Ph.B le dit, c'est affaire de conviction intime. La manière dont nous regardons l'Humanité et le rêve que nous avons de ce qu'elle pourrait devenir. C'est une approche utopique qui se confronte assez mal, je le reconnais avec la réalité. Sans faire de comparaison, la torture de nos ancêtres si longtemps pratiquée et admise, ne fait plus partie de nos moeurs et ce progrès de l'Humanité a mis beaucoup de temps a s'inscrire dans les têtes. La peine de mort n'appartient elle pas au même registre ?

PF

L'idée que la peine de mort est à bannir parce que la justice peut condamner des innocents, me semble un motif inopérant car cela reviendrait à considérer cette peine comme acceptable si la culpabilité était assurée.

A mon sens, la peine de mort est à réfuter en elle-même quand bien même le coupable serait le pire des tortionnaires et aurait reconnu le crime dans toute son ampleur.

La peine de mort est la négation de l'humanité, c'est considérer que l'homme est un bloc de granit insusceptible d'évolution (ou de rédemption pour les croyants).

Le seul combat contre la peine de mort consiste à faire admettre que même les coupables les plus cyniques recèlent encore une étincelle d'humanité qu'il convient de raviver plutôt que d'éteindre.

Bilger

AD,votre commentaire me touche parce qu'il renvoie à l'existence d'horreurs et de crimes parfois abominables. On peut discuter de beaucoup d'arguments contradictoires au sujet de la mort d'un être humain décidée par une institution en application d'une loi. Il n'en demeure pas moins qu'en fin de compte, la position que l'on prend relève d'un choix intime qui engage tout l'être. Pour ma part, je ne l'ai jamais requise. Elle m'est apparue toujours comme de l'ordre du métaphysique (donc, pas de l'ordre de l'humain) plutôt que du technique. Ne croyez pas une seconde que refuser la peine de mort est s'accommoder du crime. En tout cas, ce n'est pas mon cas.

AD

plusieurs points :
- j'invite d'abord les opposants a la peine de mort à regarder en face les photos des victimes : http://www.johnandkenshow.com/archives/2005/12/01/tookie-williams-victim-photos/
- ensuite, en democratie, c'est la majorite qui decide. La peine de mort a ete abolie en France comme dans beaucoup de pays par une minorite socialiste alors qu'une majorite de citoyens y etait toujours favorable.
- si donner la mort est illegal dans une societe, est ce qu'on ne doit pas considerer qu'un assassin se met lui meme en marge de la societe et accepte que ses lois ne s'applique plus pour lui ? Dans ce cas la, contrairement a GroM, je ne peux utiliser le mot assassinat qui ne doit etre utilise que pour les victimes qui acceptent les regles du jeu.
- enfin, il est tres facile de s'afficher comme oppose a la peine capitale. Mais prenez honnetement le temps de considerer le cas de figure suivant: votre fillette de 4 ans se fait enlever, violer, torturer et assassiner. Quelle sera alors votre position ?

Gérard Lenne

Bravo ! D'accord à 100 %.

parayre

Et oui , en 2005 , trois grandes régions du monde continuent à appliquer la peine de mort :la Chine et la plupart des pays asiatiques , le monde arabo-musulman et ...les Etats-Unis .

La Chine - celle qui achète des AIRBUS - y fait recours massivement et pourtant , la flamme olympique a quitté Athènes pour Pékin qui accueillera les Jeux Olympiques de 2008 dans des stades où justement des condamnés sont exécutés !

Aux Etats-Unis ,4000 individus sont dans la situation qu'a connue jusqu'à ce matin , Stanley Williams et cette année , 70 d'entre eux y seront tués .

Le Grand Duché de Toscane et Saint-Marin ont su les premiers abolir la peine de mort en 1786 et 1848 sous l'influence de Cesare Beccaria qui , dans son traité " des délits et des peines " l'a dénoncée efficacement :la peine de mort n'est pas une décision de Justice mais simplement un acte de vengeance légitimant la violence en l'institutionnalisant !

GroM

Tout à fait d'accord avec votre conclusion. Pour tenter une qualification, on peut même sans doute dire que c'est un assassinat (légal): " Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre " (Article 221-1 C. Pénal) "Le meurtre commis avec préméditation constitue un assassinat." (Article 221-3)

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