Dans le JDD d'aujourd'hui, je relève que plusieurs associations de défense des droits de l'homme et des syndicats de gauche ont réclamé le 10 décembre un "contrôle extérieur et permanent "des prisons. "On ne sait pas ce qui se passe à l'intérieur des prisons, ce qui alimente les suspicions", a souligné Benoît Narbey, représentant l'Action des chrétiens contre la torture.
Je ne suis pas persuadé que je serais sur la même longueur d'onde que ces groupes respectables si nous nous mettions à débattre de la nature et de la rigueur des peines, de la nécessité de l'enfermement ou de la responsabilité des délinquants. Probablement une vision angélique et sulpicienne s'opposerait à la mienne qui propose un humanisme vigoureux aux antipodes de la compréhension molle qui fait fureur aujourd'hui, si j'ose un tel contraste de langage, dans les milieux dits éclairés. Il est vrai que, comme moi, ils ne vivent pas dans des lieux où la morale abstraite est une offense pour ceux qui aspirent à la sûreté la plus élémentaire.
Je n'en suis que plus à l'aise pour approuver l'instauration d'un tel contrôle extérieur et permanent sur l'univers pénitentiaire. Seul un tel regard, assuré à la fois de la fraîcheur et de la légitimité, sera susceptible d'abord de constater l'irrécusable sur les plans humain et matériel puis d'imposer les réformes, les aménagements au pouvoir politique. Une institution d'ordre et d'autorité se verrouille et ne supporte d'être éventuellement mise en cause et transformée que par des mécanismes qui ne lui donneraient pas l'impression d'être visée de l'intérieur.
Le pouvoir lui-même, confronté à une demande qu'il ne pourra évacuer d'un revers de sa main puissante au prétexte qu'elle émanerait d'un corporatisme interne, devra tenir compte des exigences formulées à partir du moment où celles-ci sauront, en même temps, s'attacher aux deux mondes : celui des surveillants et celui des détenus.
Cette surveillance permanente créera, au sein de la prison, une inquiétude positive qui fera prendre conscience que tout n'est pas permis de la part des gardiens et qu'on doit respecter ceux-ci qui assurent, en notre nom à tous, une mission éprouvante et difficile avec une population rien moins qu'aisée à gérer.
Je suis d'autant plus sensible à cette proposition qu'elle me semble, techniquement, susceptible de s'appliquer à toutes les forteresses à métamorphoser dans leur ensemble ou dans des détails. J'espère que, pour Outreau, avec les obligations qui incombent aux inspecteurs et l'étendue de leur tâche qui sera inutile si elle n'est pas menée de haut en bas, on ne sera pas déçu à cause de cette démarche venant de l'intérieur du judiciaire pour juger celui-ci. Certes, une commission est créée à l'Assemblée Nationale et ses conclusions, le moment venu, autoriseront des comparaisons.
Le pénitentiaire comme le judiciaire ne se réformeront jamais de l'intérieur par une sorte de bonne volonté qui serait admirable si elle était possible. Les chapes de plomb et de silence, les dysfonctionnements et les injustices, l'indignité matérielle, le mal-être des uns et l'inutile souffrance causée aux autres, on les lèvera, on les nommera, on les réparera, on les consolera parce qu'un citoyen viendra dire : j'ai tout vu et c'est inadmissible.
Ce n'est pas une question d'idéologie mais un problème de démocratie. Plus le contrôle sera vigilant, moins le procès fait aux lieux clos du pouvoir et de la contrainte légitimes et nécessaires sera inéquitable.
La justice devrait accueillir ses juges sans avoir peur.
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Vous parlez de ses pauvres prisonniers,qui sont en nombre trop important dans une cellule, ou d'autres problemes concernant la prison!!
Moi je pense aux victimes qui ne retrouveront jamais la vie qu'elle avaient avant, car traumatisées par une personne qui se croyait au dessus des lois, une personne qui n'a pas ou plus peur de ces lois, des personnes qui ont l'excuses d'un passé douloureux, pour excuser leurs actes presents ou futurs.Heureusement que l'incarceration existe pour limiter ces personnes car autrement...
Rédigé par : soleil eric | 04 janvier 2006 à 10:18
La publication au journal officiel de ce jour de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infracions pénales vient démontrer , s'il en est besoin , que l'emprisonnement reste et demeure pour le législateur la reine des sanctions ...
Il est vrai que "l'opinion "réclame avant tout de la sûreté , de la punition et de l'oubli mais ignore cependant qu'en l'état déjà , 60% des personnes incarcérées - quel échec - retournent un jour en détention et en ressortent sans emploi ni domicile ni soutien effectif .
Alors puisque la prison est LA SOLUTION , donnons lui au moins du sens et un contenu .Aujourd'hui , le temps penitentiaire est vide et la journée carcerale totalement inactive ou presque .Aucun "travail" sur la question de la " faute " n'est entrepris avec le condamné : quel regard porte-t-il sur les infractions qu'il a commises , comment les explique-t-il , comment veut-il se projeter dans l'avenir , pour quelle vie ?
Puisque l'on persiste à penser que la prison est le seul moyen d'agir sur le délinquant et de l'amener à respecter la loi , garantie de la paix civile , il convient alors dans cette perspective - qui est moins de punir que de relever - de créer des liens systématiques entre les milieux fermés et ouverts , de prévoir que toute période d'écrou , avant de s'ouvrir sur la liberté totale , comportera une étape obligatoire d'accompagnement en milieu ouvert ou en semi-liberté pour un apprentissage de l'autonomie et des responsablités .Nombreux sont les jeunes détenus récidivistes qui expriment la solitude , le dénuement qui les ont habités une fois passé le court instant d'euphorie qui suit toute libération .
Les lendemains sont souvent difficiles pour ceux , encore une fois , qui n'ont ni emploi , ni domicile , ni soutien affectif .
Rédigé par : parayre | 13 décembre 2005 à 10:04
Monsieur,
Je découvre aujourd'hui votre blog et tiens à vous féliciter de cette initiative "citoyenne"
Il y a un malaise entre les citoyens de ce pays et leur Justice, puissiez-vous contribuer à le diminuer par l'enseignement et l'explication.
Belle démarche de votre part.
Merci
je mets un lien avec vous dans mon propre blog, dans le "FilBlog" et la rubrique "Amis d'ailleurs".
Rédigé par : jlhuss | 12 décembre 2005 à 16:18
Bonne idée d'engager un débat sur la prison à l'approche de 2006 !
A cette occasion, souvenons-nous des principes de 1789 qui ont donné naisssance à la prison républicaine en bannissant les châtiments corporels et la cruauté légale .
Souvenons-nous également des principes humanistes du siècle suivant qui ont parié sur la prison pour améliorer l'homme.
Souvenons-nous enfin de la réforme AMOR de 1945 née dans l'élan de la victoire sur la barbarie .
Il y a eu depuis bien des réformes mais ...peu de progrés .
Alors avancons encore et rappelons-nous que l'existence de prisons respectueuses des droits de l'homme , de tous les droits de l'homme est une garantie pour la démocratie .Les pays qui bien souvent n'ont pas d'établissements pénitentiaires dignes de ce nom n'ont pas non plus de principes constitutionnels clairement établis .
Imaginons les prisons du 21° siècle susceptibles de garantir la sécurité des citoyens mais également "d'éduquer" ceux qui y sont incarcérés c'est à dire étymologiquement " exducere " : LES CONDUIRE DEHORS !
Rédigé par : Parayre | 11 décembre 2005 à 20:35