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14 janvier 2006

Commentaires

constance

Bonjour

Avez-vous lu :
"Outreau la vérité abusée"
12 enfants reconnus victimes
de MCGryson-Dejehansart (éd.Hugo et cie)

Le commentaires récurrents : "enfin un ouvrage qui remet les pendules à l'heure sur cette affaire"

Qu'en pensez-vous ?

Michèle Moreno-Bilger

Bonsoir Monsieur,

Je trouve, aujourd'hui, le moyen de vous faire part de ma satisfaction après l'écoute de l'émission, diffusée dernièrement, sur France Culture, à laquelle vous avez participé.
Nombre de questions que j'aurais pu vous poser, ont été traitées, et je dois dire, que l'institution judiciaire, qui m'est totalement étrangère (étrange), a été un temps soit peu, éclairée par vos propos.
J'ai particulièrement apprécié votre professionnallisme quant aux "attaques" nécessitées par le dialogue avec votre interlocuteur, dialogue par là même, capable de d'éclaircir la forêt touffue d'informations déversées en continu, traitant les procès actuels.
Je suis tout particulièrement sensible à l'honnêteté intellectuelle dont vous faites preuve; elle se marie heureusement avec une rigueur que je qualifierait de généreuse, considérant le poste que vous occupez.
Je n'ai pas le privilège de vous connaître; il se touve que nous portons le même nom, (j'ai conscience de ne pas être la seule) et j'ai plaisir, ce soir de signer des mêmes lettres que les vôtres.
Je ne puis que vous encourager à poursuivre vos écrits afin de nous familiariser un univers abscons qui parfois entretiens la méfiance, du fait d'expressions énigmatiques pour les néophytes que nous sommes.
Je vous remercie.
Michèle Bilger

Philippe

J'avais promis un commentaire à Pascal.Le voici.Non seulement la division de la magistrature en deux entités distinctes,indépendantes l'une de l'autre,pourrait rendre la justice plus lisible-on ne verrait plus la connivence du quotidien,la confusion des rôles-mais la procédure pénale elle-même serait sans doute davantage respectée dans son esprit et sa lettre. Ce qui aujourd'hui crée une extrême difficulté, en dépit de la bonne volonté des participants à l'oeuvre de justice, c'est que la contradiction qu'elle implique est mise en oeuvre par un corps unique qui a du mal à proposer un double regard. Naturellement,le siège et le parquet devenus autonomes n'auront plus aucun mal pour vivre leur fonction sans complaire l'un à l'autre.
J'en profite aussi pour répondre rapidement à ceux qui ont pris trop au sérieux ma note d'humeur non pas sur Thuram mais sur ceux qui sont sollicités par les médias et qui n'ont pas la modestie pour se taire.Sportif en chambre, j'ai la plus grande admiration pour le footballeur qui tranche dans le milieu. Citoyen,il peut dire ce qu'il veut,ni plus ni moins que les autres, sa célébrité ne lui apportant pas un supplément d'esprit sur les domaines qu'il ne maîtrise pas. Il n'y a nul mépris de ma part dans mon appréciation mais une tentative de résistance à l'encontre de l'immense salmigondis qui met tout sur le même plan et tous les savoirs aussi sur le même plan.Je n'ai pas voulu non plus discuter du fond des choses et de la politique contrairement à ce que certains commentaires ont semblé me reprocher.

Pascal B

Créer deux entités autonomes, en séparant le siège et le parquet ? Je ne partage pas votre avis sur ce qui me parait être une fausse bonne idée.
L’unité de la magistrature rendrait peu lisible pour le citoyen les missions de chacun ? Je ne suis pas convaincu qu’une réforme scindant la magistrature en deux améliorerait la compréhension de l’institution judiciaire, quand on voit que bon nombre de nos concitoyens, y compris dans les milieux éduqués, ne parviennent pas à distinguer les rôles du magistrat et de l’avocat, ou la justice pénale de la justice civile. Vous craignez par-ailleurs la connivence susceptible d’exister entre magistrats du siège et magistrats du parquet, du fait de leur appartenance à un même corps. N’oublions pas que bon nombre de magistrats ont été avocats dans un premier temps de leur vie, avant d’intégrer la magistrature sur dossier ou par le biais d’un concours complémentaire. A t’on constaté chez eux, pour autant, une quelconque connivence avec leurs anciens confrères avocats dans le traitement des contentieux qui leur sont confiés ? Absolument pas. Ils ont la même indépendance d’esprit, la même impartialité que tout autre juge. Pourquoi, dès lors, un juge qui aurait été magistrat du ministère public dans le passé n’aurait il pas ces mêmes qualités ? L’apport de plusieurs expériences professionnelles ou fonctionnelles est au contraire une source d’enrichissement intellectuel qui contribuera à éviter à la magistrature (ou “aux magistratures”...) de s’enfermer dans des fonctionnements corporatistes. Un magistrat du Parquet qui a été dans le passé juge du siège comprendra plus facilement les exigences de celui-ci. A l’inverse, un juge du siège qui aura été magistrat du parquet dans le passé aura une connaissance plus pragmatique des flux de délinquance, de la sélection des dossiers, des réalités de terrain. Et puis, au delà de ces arguments fonctionnels, le retrait du ministère public du corps des magistrats aboutirait nécessairement à une fonctionnarisation de ce métier. De ce fait, le ministère public ne serait plus le défenseur de l’intérêt général, mais le défenseur des intérêts de l’Etat. Si les deux domaines se recouvrent souvent, il existe aussi des hypothèses où ils ne se confondent pas (et pas seulement dans les affaires politico-judiciaire).
Si l’on doit raisonner en terme de lisibilité, il me parait plus lisible d’expliquer que magistrats du siège et du parquet font partie d’un même corps, parce qu’ils sont les uns et les autres, avec des rôles différents, à la recherche de l’intérêt général dans le respect de la loi, que de devoir expliquer que seuls les juges du siège sont dans cette logique, alors que les “agents” du ministère public auraient pour rôle de soutenir devant la justice les dossiers de la police et de défendre les intérêts de l’Etat.

Parayre

L'organisation et le fonctionnement de notre Justice reposent sur des fondations et une architecture dépassées appelant ,réflexions , réformes , mutations de la part de ses acteurs - magistrats , avocats , greffiers , fonctionnaires de l'administration pénitentiaire et de la Protection judiciaire de la jeunesse - qui , pour les mener et les accomplir , doivent se guérir du complexe du homard , cher à Francoise Dolto ,dont ils sont atteints comme les adolescents étudiés par la célèbre pédo-psychiatre .

Nous savons qu'au moment de la mue et durant la formation de sa carapace , ce crustacé décapode marin est particulièrement agressif , angoissé et replié sur lui-même ...

J'approuve donc votre souhait " de regards extérieurs " , " de contrôle citoyen " ," de désenclavement " , seuls capables de contribuer à poser un diagnostic objectif et à prescrire une thérapie durablement efficace .

La Justice - autorité ou pouvoir qu'importe - est avant tout confrontée à une transformation générale de la démocratie .

Nous avons assisté , au long des dernières décennies ,à un pragmatisme croissant de l'action exécutive et législative laissant "au judiciaire " les débats sur la normativité ...Les juges seront-ils , eux-aussi , entraînés dans ce mouvement général de sécularisation positiviste qui limite le rôle du Droit à préparer des contrats plutôt qu'à appliquer des lois , à formuler à un moment donné l'état - toujours fragile et temporaire - des équilibres sociaux ?
Il n'est aisé ni de distinguer clairement ces deux lignes possibles d'évolution , ni de choisir entre elles , ni même même d'imaginer leurs relations de complémentarité ou d'opposition .

L'opposition des régles juridiques et des pratiques sociales - plus ouvertes et plus changeantes - est désormais dépassée par une transformation de l'acte judiciaire qui crée et transforme le Droit en même temps qu'il l'applique , qui organise le dialogue entre le représentations sociales et les régles juridiques mais , au prix de de la perte de son unité esentielle puisqu'orienté à la fois par le recours à des valeurs morales et par la définition et le respect de contrats .

Qui , quid , ubi , quibus , auxiliis , cur , quomodo , quando ?

Didier

Au fond, vous acceptez l'idée du "déclin" mais vous le "positivez" en nous fournissant une partie de la réponse : tout viendra de nous. Mais "déclin" par rapport à quoi exactement ? Vivre un malaise, une crise, est ce un déclin ? En un sens, Villepin a raison de moquer les "déclinologues".
Je ne discute pas les points touchant à votre domaine de grande compétence sauf à dire que une intervention mesurée des citoyens dans la Justice me parait une excellente chose. Au spécialiste que vous êtes de nous montrer le chemin.
Par contre, je souhaite revenir sur l'article du Monde 2, du principe même de ce type d'article. Je suis frappé de voir que la presse aujourd'hui "s'amuse" à commenter les commenataires. Car finalement, quelles informations contient cet article exactement ? Je me demande si la psychologie collective ne peut pas être rappocchée de la psychologie individuelle dont chacun sait que lorsque l'on craint quelque chose, il arrive bien souvent que de manière inconsciente, on créé toutes les conditions pour que ce qui est craint arrive, juste pour ne pas se déjuger. C'est sans doute de ce cercle vicieux qu'il nous faut sortir.

Parayre

A-t-on vraiment abandonné la vieille idée d'Helvétius et de Bentham selon laquelle une législation et une justice rationnelles seraient de nature à conduire les hommes vers la vertu et le bonheur ?

Elle me semble pourtant une utopie dangereuse , un roman politique sans issue et empreint d'orgueil .

Notre société est en effet malade ; telle une toupie elle se prouve en tournant : ni le législateur ni les magistrats ne la guériront .

Il faut certes croire en eux mais , avec mesure car ils ne possédent aucun médicament miracle ni potion magique .

La Justice peut tenter de résoudre et d'apaiser les litiges qui lui sont soumis mais , homologuer , pacifier , conseiller , informer -et j'en passe - est-ce son rôle ?

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