Il y a des humains qui plaident pour l'humanité, des magistrats qui font honneur à la magistrature. Jean-Yves Monfort, président du tribunal de grande instance de Versailles, est de ceux-là. Interviewé dans l'Express paru aujourd'hui, il ne craint pas de prendre à rebrousse-poil la pensée dominante sur Outreau, le juge Burgaud et la détention provisoire.
Je ne voudrais pas qu'on me reproche de faire des promesses qui n'engageraient, selon la formule consacrée, que ceux qui les reçoivent. Mais sollicité à plusieurs reprises pour intervenir le 8 février et participer à des débats, je crains fort de devoir m'en abstenir à cause d'une session d'assises dont l'organisation, scandaleusement, n'a pas tenu compte de l'actualité médiatico-judiciaire ! Il me semble que dans ces conditions, stimulé par mon collègue Montfort, je peux m'autoriser quelques réflexions qui chasseront les fourmis que j'ai dans l'esprit sur ces sujets que le fil des jours ne rend pas moins brûlants. J'ai d'autant plus la faiblesse de tenir à ce qui me préoccupe que mon estime intellectuelle pour Montfort ne va pas, en l'occurence, jusqu'à accepter l'enseignement général qu'en bonne logique on devrait tirer de ses propos.
En effet, si je l'approuve absolument lorsqu'il dénonce le lynchage dont notre collègue Burgaud a été longtemps victime et si j'adhère à la thèse des responsabilités partagées dans la gestion du dossier d'Outreau - celles des avocats comprises -, je ne partage pas, en revanche, la globalisation qu'il opère et qui consiste à mettre tout dans un même sac où société et justice seraient enfermées, la seconde n'étant qu'un reflet de la première.
Il y a deux manières de se tromper au sujet de ce cataclysme. Ce n'est pas préjuger que l'étiqueter comme tel : il l'est déjà. Deux manières,donc : l'aveuglement ou la généralisation. La justice n'a rien à se reprocher ou tous coupables. Dans le premier cas, l'arrogance et l'absence de lucidité qui en est la conséquence disqualifient le corps. Dans le second, noyer la spécificité judiciaire dans la diversité sociale et le désordre moderne revient à l'absoudre. Nous serions tous - et seulement - le reflet d'une société qui doute. Immédiatement, j'aurais tendance à rétorquer que nous serions plutôt le reflet d'une société qui ne sait plus douter et qui assène, avec autant de vigueur à chaque fois, des convictions formées dans l'instant et vite dissipées. Plus profondément, à supposer que notre société doute, le problème est que précisément, dans Outreau comme dans d'autres affaires, la justice a répugné à douter, n'a pas douté. Je ne crois donc pas à la pertinence de cette assimilation et je crains fort qu'elle ait, au contraire, un effet négatif.
En effet, de cette analyse brillante qui , en accablant les citoyens, exonère peu ou prou les magistrats, se dégage un tableau dont le pessimisme est la tonalité principale. Les politiques ne savent pas ce qu'ils veulent, la société est trop soumise à ses émotions et la commission parlementaire n'aboutira à rien. D'une part, le constat qui est fait me semble excessif dans la noirceur et surtout, s'arrêtant à la pure et sombre contemplation de ce qu'il énonce, il ne peut pas servir d'amorce à l'action. Il la dissuade même, puisqu'il refuse d'identifier des responsabilités particulières et n'est pas loin de déboucher, en définitive, sur une sorte " d'à quoi bonisme" risquant de décourager les élans et de favoriser une lucidité triste.
Cette critique est évidemment sans rapport avec la politique remarquable mise en oeuvre par Montfort à Versailles. Le fait qu'un magistrat de sa qualité, avec un courage qui est trop rare dans notre monde pour qu'on ne le salue pas, s'engage tout de même dans une voie qui n'offre aucune perspective est révelateur de la morosité d'une institution. Celle-ci n'est plus capable de comprendre que son seul remède devrait être l'action sous l'autorité de chefs exemplaires, eux-mêmes choisis avec soin, et de répudier tout ce qui la renvoie à elle-même. Pour ne se consacrer qu'au service public.
D'abord, nous ne savons pas qui il est, ce qu'il a accompli, ce qu'il a manqué. Il s'est si peu expliqué. Attendons le 8 février. Je suis persuadé que la commission, sous la présidence éclairée et équitable d'André Vallini et l'exemple de Dominique Wiel entraînant peut-être d'autres absences, saura faire de ces moments si attendus un modèle de justice et de démocratie. La réalité décrite et expliquée.
Surtout, tout en sachant qu'il est très à la mode depuis longtemps, de Kennedy à Cohn-Bendit, de s'assumer symboliquement pluriel, je refuse, pour l'instant, cette généralisation facile. Qu'on imagine, dans l'opinion publique, la conséquence d'une telle déclaration ! Est-il bien nécessaire, avec une justice assaillie et fautive au premier degré, de "faire" dans le second ?
Nous ne sommes pas tous des juges Burgaud. Mais le risque existe en chacun de nous de trahir l'image que nous voudrions donner de nous-mêmes grâce à notre pratique.
En face du" comité des erreurs judiciaires" créé par Denis Seznec, j'aimerais créer - pour l'instant, il n'y aurait pas foule ! - une association pour l'honneur judiciaire. Elle ne serait pas contradictoire avec la première, l'intégrerait mais rappellerait aux magistrats qui auraient tendance à l'oublier qu'ils exercent un grand métier, une belle mission. Qu'ils cessent de s'en excuser.
Je ne me sens pas du tout être "un juge Burgaud". Que l'on dise que l'on peut tous potentiellement endosser le manteau de la victime ou du coupable, du faible ou du puissant, soit.
Mais cet autisme et cette inclinaison du "tous coupables" dont ce juge à fait preuve face aux multiples appels des accusés-victimes a frôlé l'ubuesque. Rappelons que la présomption d'innocence a été écrasée dans ce procès. Et surtout le manque d'excuses face à ces détruits... (dans n'importe quel boulot on doit assumer ses erreurs) Et dans de nombreux procès les juges montrent au supposé ou à la supposée coupable qu'il ou elle doit au minimum montrer tête basse. Et qu'est-ce qu'une excuse d'un juge en comparaison de ces gâchis de vie ? Qui doit montrer justement l'exemple ? On a encore malheureusement l'impression du "suivant que l'on soit puissant ou faible deux poids deux mesures.." Alors si on ne veut pas "la mort du petit cheval" qu'au moins un juge quel qu 'il soit se montre dorénavant moins arrogant vis-à-vis des prévenus. Espérons que cela puisse servir de leçons... aux juges etc.
Rédigé par : le guetteur | 12 août 2008 à 13:23
Certes, vous n'êtes pas "tous" des juges Burgaud.
Pour autant, en même temps que l'on a vu ces dernières années l'inflation des affaires de pédophilie portées devant la justice (un progrès véritable me semble-til, au plan de l'amélioration des moeurs dans notre société), on a assisté simultanément à la révélation de nombreuses erreurs judiciaires.
Non pas que ces erreurs de jugement fussent plus ou moins nombreuses qu'autrefois.
Mais notre système est tel - aujourd'hui - qu'il met en lumière plus massivement les dysfonctionnements.
C'est le pouvoir des medias.
Et je dois vous dire que je m'en réjouis. Même si, comme vous le faites pour votre corporation, je n'élude pas les emballements de la presse. Prompte à condamner un jour, pour innocenter le lendemain... Mais, pour être tout à fait honnête, reconnaissez que les journaux n'écrivent que ce qu'on veut bien leur donner à écrire, à un instant "t". La vérité d'aujourd'hui n'est pas forcément celle de demain : alors, nous, journalistes (puisque j'en suis un), sachons raison garder.
Cette précision étant faite, j'en reviens à mon premier propos. Vous dites "nous ne sommes pas tous des juges Burgaud" et j'entend bien.
Mais combien, M. Bilger, de petits Outreau insignifiants au quotidien ? Où des enfants sont séparés de leur père ou de leur mère par un juge des affaires familiales... Où des "mis en examen" placés en détention préventive se suicident, accablés par l'indignité de se retrouver en prison...
J'ai été frappé, lors de l'audition du juge Burgaud de ce chiffre énoncé par un député, que je vous rapporte à la louche : plus de 500 (cinq cents !) années de prison cumulées, par des détenus en préventive innocentés par la suite. Rien qu'en 2003. Consternant et effrayant.
Comment voulez-vous qu'un citoyen garde sa totale confiance en la justice de son pays ? Quid de la présomption d'innocence ?
Je reconnais bien volontiers que la justice n'est qu'humaine, avec ses travers. De même, les juges réalisent un travail formidable au quotidien, et, pour beaucoup avec une grande humanité.
Mais, en toute honnêteté intellectuelle pouvez-vous m'assurer qu'aujourd'hui les juges d'instruction instruisent systématiquement à charge ET à décharge. Qu'ils sont suffisamment expérimentés (humainement s'entend) pour instruire et "juger". Qu'ils sont totalement indépendants des parquets. Totalement indépendants tout court.
Je me doute, in fine, vous allez me renvoyer l'argument des "moyens" de la justice et me dire d'aller raconter tout cela au législateur.
Moi, je m'interroge. Plutôt que de lancer "pas tous des Burgaud", j'ai plutôt envie de vous demander : "Combien de Burgaud ?". Et peut-on y remédier ?
Rédigé par : phil | 10 février 2006 à 17:20
je vous suggère de lire l'éditorial de ce jour écrit par le journaliste Jean-Paul Busnel auquel je suis abonnée.
PS.- Voici le message de ce jour :
"DESASTRE
Il n’est jamais bon de s’acharner sur un homme à terre. Mais force est de reconnaître que l’audition, hier , du juge Burgaud n’a en rien servi la vérité, ni redonné un peu d’humanité à une Instruction qui, décidemment, aura été « bâclé » jusqu’au bout. Certes, le jeune magistrat aura reconnu des doutes et « peut-être », selon ses propres termes, « des erreurs d’appréciations », mais il n’aura...
Je vous invite à retrouver, comme chaque matin, la suite de cet édito sur :
http://jpbusnel.over-blog.com/
ou sur
http://jean-paulbusnel.skyblog.com/
ou sur
http://www.jean-paulbusnel.skyblog.com
Vous pouvez aussi, bien sûr, demander à être désabonné."
Rédigé par : Dromas | 09 février 2006 à 17:04
J'ai découvert que la déposition Burgaud avait été planètaire, toutes ces chaînes françaises qui l'ont diffusée se retrouvent au grè des bouquets satellitaires un peu partout dans le monde. Et comme cela avait des airs de télé-réalité, l'audience mondiale a dû être remarquable. Un homme à terre. Et les premiers titres lus ce matin ne sont guère cléments…
Le peuple a voulu des jeux, on lui en a donné hier soir, l'arène était au Palais Bourbon. Je n'ai pas très bien compris à quel sujet (l'affaire en général ou sur une de ces facettes), le minsitre Clément a parlé d'une émotion «formidable» hier soir chez PPDA;
Et le peuple veut la tête du juge et on lui donne sur un plateau… de télé !
J'ai la nausée. Madame Duchochoy n'a pas supporté d'entendre le juge Burgaud, elle est donc sortie de la commision. Soit, cela se comprend. Mais ce qui me donne la nausée, Mais en sortant de la commission, elle a fait un saut immédiat sur le plateau de TF1 pour nous donner ses impressions alors que la commission siégeait encore ! Y aura-il un avertissement pour TF1 et un autre pour madame Duchaussoy ?
D'autres acquittés en duplex ou en différé se sont associés à madame Duchochoy, pour dire que le juge Burgaud faisait semblant d'être mal, faisant semblant de compatir, et que de toute façon, si c'était vrai, c'était trop tard, etc. A les écouter, on aurait presque crû que le juge Burgaud s'était passé un peu de poudre pour être pâle ! Arrêtons la mascarade, arrêtons de répéter qu'on n'était pas là pour juger le juge mais pour comprendre, arrêtons de faire semblant nous aussi de ne pas connaître l'impact des images, le bafouillement qui vous fait perdre trois points, le temps de réflexion qui vous fait passer pour un indécis, etc. Pour passer à la télé et bien passer les politiques prennent des coaches !
J'ai honte qu'en mon nom aussi on fasse tout et n'importe quoi !! Un député était très fier que l'Assemblée soit le siège de la commission avec une belle théorie sur la maison du peuple… Non, je ne suis pas de ce peuple-là ! Par ailleurs, certains députés ont posé des questions au juge pour qu'il condamne tout sa profession. C'était étrange. Et s'il hésitait, on lui proposait la conclusion : méthode qu'on reproche à Fabrice Burgaud face aux accusés d'Outreau !
Je suis choquée que sur le plateau madame Duchochoy nous dise que Monsieur Burgaud est un menteur. Il n'y a plus qu'une seule parole, qu'une seule vérité, celle des acquittés d'Outreau et de leurs avocats. Le doute, ai-je appris hier soir est une attitude salutaire, alors… je doute. Et je ne sais pas encore au bénéfice de qui… Dur métier que de juger…
De sa voix suave, PPDA avait annoncé votre présence au journal quand je suis tombée par hasard sur TF1 et la diffusion de la commission. Bon, parfait comme la plupart du temps, mais on avait l'impression que c'était un peu à la sauvette qu'on vous avez enregistré.
Vous savez ce que j'ai fait après ? Mais si vous savez, j'ai éteint la télé !
Rédigé par : bulle | 09 février 2006 à 08:35
On parle beaucoup du juge Burgaud, de l'institution judiciaire, mais absolument pas du rôle des médias, qui sont à mon sens les premiers coupables de ce naufrage qu'est le procès d'Outreau.
Si je me rapelle bien, les JT traitaient les accusés de "notables" et y voyaient des coupables en puissance. Ils ont ensuite retourné leur veste lorsque l'accusation s'est écroulée pour se lancer à corps perdus dans la célébration et la course à l'émotion autour "d'innocentes victimes". Exit les notables. Maintenant, après avoir bien usé la corde de la compassion, on passe au lynchage du juge. Toujours de l'émotion, de préférence forte, avec des images et des personnages typés. Que pensez vous, Monsieur le Procureur Général, de cette présence des médias autour des affaires de justice? On ne peut pas décemment arguer du droit à l'information pour permettre aux médias de faire ce qu'ils veulent et parasiter ainsi le cours de la justice.
Rédigé par : Authueil | 07 février 2006 à 10:28
@ Pascal B : il suffit de lire le blog de Jean-Dominique Reffait pour se rendre compte que ce n'est pas la magistrature qui est aigrie...
En même temps, il illustre sans le vouloir le danger d'une responsabilité trop importante des magistrats pour leurs actes juridictionnels. L'acte de juger entraîne nécessairement un mécontent, puisqu'il consiste à trancher entre deux versions différentes.
Rédigé par : Gascogne | 05 février 2006 à 21:38
Je ne voudrais pas m'en faire une spécialité, mais je souhaite une fois encore réagir à l'intervention de Jean-Dominique Reffait. L'image qu'il présente de magistrats aigris, avocats ratés, baignant dans une ambiance intellectuellement pauvre, dirigés par des médiocres qui sélectionnent les médiocres, semble tout droit sortie d'un mauvais feuilleton télévisé des années 70, mais ne correspond en rien à la réalité. Cette réalité, j'y vis depuis une vingtaine d'années et des magistrats, j'en ai sans doute rencontrés quelques centaines. J'ai aussi accueilli bon nombre de stagiaires extérieurs, étudiants ou jeunes professionnels, qui, toujours, me disaient combien ils étaient frappés de découvrir un univers professionnel beaucoup plus vivant, humain et ouvert sur le monde qu'ils se le figuraient.
L'image perceptible des magistrats est celle, nécessairement figée, qu'ils donnent d'eux-mêmes à l'audience, un lieu ritualisé où tout est formel et théatral. Mais cette phase publique n'est qu'un aspect parmi d'autres de leur métier. Ceux qui les connaissent, qui les fréquentent, savent que pour la plupart, ils n'exerceraient un autre métier, non par soif de puissance ou par goût morbide des situations tragiques, mais tout simplement parce qu'ils aiment ce métier rude, difficile, exigeant, dans lequel il faut allier à chaque moment l’approche personnelle et humaine d’une situation et la hauteur de vue qu’impose le respect de la Loi. Alors bien-sûr, on peut toujours souhaiter que toutes les femmes et tous les hommes qui composent ce corps soient des sortes de héros, dont l'excellence intellectuelle ne rivaliserait qu'avec la grandeur d'âmes et l'intelligence des situations humaines. On peut aussi rêver qu'ils aient un don inné qui leur permette de découvrir la vérité de situations complexes en quelques heures, en tout cas, avant le journal de 20 heures, pour livrer chaque soir à une opinion publique en mal d'émotion quelques visages de "coupables" qui ne se révèlent pas innocents par la suite. Mais nous ne sommes pas dans un monde de demi-dieux, seulement parmi des hommes. Les hommes et les femmes qui rendent la justice sont faillibles et le seront toujours, tout comme les hommes politiques, tout comme les médecins, tout comme les journalistes. En faire le constat ne doit pas conduire à renoncer à améliorer l’organisation de la justice, mais permet au moins d’éviter les jugements à l’emporte pièce et la dévalorisation systématique d’une institution qui fonctionne plutôt bien, compte tenu des moyens qui lui sont alloués.
Rédigé par : Pascal B. | 03 février 2006 à 13:57
je comprenais mal que la commission ait décidé de juger à huit clos. Les réactions à l'audition des "accusés" me le font comprendre. Quelle est la part de voyeurisme, de jouissance devant la douleur, de plaisir de juger que l'on aurait été tellement plus juste et humain que les juges, dans les commentaires scandalisés et quelle est la part de réflexion sur ce que devrait être la justice (alors que nous extérieurs à son fonctionnement en sommes bien incapables). C'est oublier un peu vite avec quelle avidité, du même ordre, l'"opinion publique" se jette sur toutes nouvelles concernant ce genre de drame et prend partie.
Quant aux journalistes ils ne se remettront jamais en cause.
Et si le père a une attitude impeccable, que penser de la décision des chaines de télévision de retransmettre l'audition du juge. Peur de perdre des parts de marché au profit de LCP ?
Un peu peur aussi que l'on saute sur l'occasion pour se débarrasser du juge d'instruction, sans remettre en cause le durcissement de la garde à vue
Rédigé par : brigetoun | 02 février 2006 à 21:00
Je ne suis ni juge, ni avocate mais après avoir entendu pas mal d'avocats faire le procès du juge Burgaud et (quelques fois avec des arguments semblant pertinents), J'ai une question sur les avocats pour les avocats de la défense : que pensez-vous de ceux qui ont abandonné leur client quand ils étaient les «accusés» d'Outreau ? Les avocats les auraient-ils jugés avant le juge ?
Rédigé par : bulle | 02 février 2006 à 11:12
Le "lynchage" du juge Burgaud est un épiphénomène qui touche un homme peu estimable au regard de son travail et de ses déclarations. J'ai un peu de mal à pleurer sur son sort s'il se prend la porte dans la figure. Toutefois, plus que le juge Burgaud, plus que tout autre juge, plus qu'une énième réforme des codes de procédures, ce sont les hommes qui sont en cause, ce qui fait qu'un jeune étudiant en droit veut devenir magistrat : pourquoi ? Comment ? Avec quel bagage humain et éthique ? Dois-je m'en tenir à deux exemples proches : une amie a commencé par être magistrate. Déçu par ce boulot d'abattage dans une ambiance intellectuellement pauvre, elle est devenue avocate et ça marche pour elle. Une autre amie était avocate, mais par manque de talent ou de mordant, elle ne bouclait pas ses fins de mois et elle est devenue magistrate... L'une comme l'autre, qui ne se connaissent pas, disent la même chose : le monde judiciaire fonctionne trop souvent suivant la règle terrible de la sélection des médiocres par les médiocres. Ce n'est pas propre à la fonction judiciaire, mais les conséquences en sont plus dramatiques que dans tout autre corps.
Alors oui, s'échappent de temps en temps des talents, des vocations, des hommes et des femmes à scrupules, mais ne sont-ils pas plus rares qu'une majorité informe, conforme à l'informité morale de notre société, pour qui la justice n'est qu'une machine à abattre des arrêts ?
Ce ne sont pas les magistrats qui s'expriment aujourd'hui qui me font peur : ceux-là, comme vous, comme d'autres, doutent, interrogent leur conscience et leur raison. Non, c'est la majorité silencieuse qui m'effraie, indifférente à la raison comme à sa propre conscience et qui se ronge les ongles devant l'opinion publique. De même que l'on a relevé le niveau d'exigence pour le recrutement d'un policier, la magistrature doit attirer l'excellence, et non le dépit, elle doit payer plus cher, elle doit se former communément et non plus en vase clos, elle doit se montrer sélective, très sélective.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 01 février 2006 à 16:56
Je me permets de signaler que la quasi intégralité du texte du Président Montfort peut être lue sur mon blogue à en cliquant ici, celui-ci m'ayant très aimablement permis de le publier in extenso (il me manque que les traditionnelles adresses et salutations finales).
Rédigé par : Eolas | 31 janvier 2006 à 18:44
à éviter quand même :
l'à juger , vendu !!!!!!
non ?
Rédigé par : Cactus Joe | 31 janvier 2006 à 10:40
Quel merveilleux cri d'amour pour l'institution judiciaire ! Vous êtes Monsieur l'Avocat Général comme un amoureux déçu par la conduite de celle qu'il aime. En cela, cette institution réincarnée et souffrante en votre personne, nous ne pouvons que l'aimer nous aussi. Nous avions peur qu'elle ne fut plus vivante, si sensible. Nous voilà rassurer.
Non, vous n'êtes pas tous des Juges Burgaud. Pourquoi croyez vous que l'audience de LCP AN a explosé lors des auditions ? Chacun a bien compris que la responsabilité du désastre était partagée.
Et je suis sûr que vous alez comprendre ce que je vais vous dire : tout comme vous succombez vous même à votre émotion en voyant l'institution que vous servez et aimez avec passion devenir une cible, il est normal que nous soyons tomber dans ce travers car je rappelle qu'au delà de la personne du Juge Burgaud, c'est d'humilation et de destruction de vies (dont une au sens propre du terme) qu'il s'agit et de gens qui n'ont rien fait. Vous le savez et l'avez exprimé mieux que moi.
Rédigé par : Didier | 31 janvier 2006 à 08:26
Bonjour,
Soutien total pour cette association pour l'honneur judiciaire. Si le fait de pas être magistrat n'est pas un handicap, je serai trés heureux de participer à cette association.
Sincérement
Marc Fievet
Rédigé par : Fievet Marc | 31 janvier 2006 à 08:16
Le procès Burgaud a déjà eu lieu. ET c'est bien que quelques voix «autorisées» tentent au moins d'en retenir l'utltime lynchage. Avec peut-être des failblesse mais comme ils semblent y avoir quelques juges et avocats de qualité, le débat sur la responsabilité de la justice et les réformes à y apporter, est atttendu par la profane que je suis. Avec comme règle d'or d'éviter la démagogie.
Lors d'un récent débat de télévision l'animateur Yves Calvi qui souffait le chaud et le froid avec une légèreté époustoufflante sur le «psycho-rigide» Burgaud, a demandé à ses invités si on devait faire passer des tests psychologiques au futur juge d'instruction… L'humour manquant, semble-t-il, sur le plateau, aucun n'a suggéré que l'on commence par en faire passer aux futurs journalistes…
Dominique Wolton, tout aussi sautillant qu'Yves Calvi, (deux hyper-actifs pour un psycho rigide!) s'enthousiama pour une commision d'enquête publique et télévisée. Quelle «catharsis», s'exclamait-il, tout au bonheur du spectacle. Mais catharsis renvoie au théâtre, et là nous n'y sommes pas… Et quant à l'effet de la mise en scène d'une tragédie, la purge émotionnelle, cela ne concerne que les spectateurs, pas les acteurs… Les victimes (et il y en a, les enfants), les accusés-acquittés, le bouc émissaire Burgaud n'y trouveront ce qu'ils méritent tout autant que nous, retrouver un peu de sérénité…
Juste une information décaléee de l'actualité française, à l'île Maurice, alors que l'instruction fonctionne sur le modèle anglais entraînant quelques inquiétudes sur le manque de transparence que cela peut provoquer, certains rêvent d'un modèle à la française avec un juge d'instruction… Vite que l'on y voit plus clair en France pour que les Lumières y retrouvent leur lustre d'antan !
Rédigé par : bulle | 31 janvier 2006 à 06:56
Bonsoir,
J'ai mis le début de votre "appel" sur "L'Aviseur déchaîné" avec un clic sur votre site.
Pour celles et ceux qui n'auraient pas lu les déclarations du président Montfort, il est possible de les lire sur "L'"Aviseur" (article du 28 janvier classé dans la catégorie Justice).
Je trouve votre idée de lancer une association pour l'honneur judiciare particulierement bien venue; j'imagine qu'il n'est pas indispensable d'être magistrat pour y participer. Si tel est le cas, je vous prie de bien vouloir, dès aujourd'hui, me compter parmi ses membres.
Sincérement
Marc Fievet
Rédigé par : Fievet Marc | 30 janvier 2006 à 22:41
" Dire que l'homme est un composé de force et de faiblesse , de lumière et d'aveuglement , de petitesse et de grandeur , ce n'est pas lui faire son procès , c'est le définir " soutenait Diderot : la Justice , comme les êtres en charge de la rendre , ne méritent assurément pas d'être définitivement condamnés , de surcroit sans être contradictoirement entendus mais , ne sauraient pour autant se disculper préventivement des faiblesses , "aveuglements " et petitesses dont ils ont , notamment dans l'affaire d'Outreau , fait preuve .
Ils leur appartient - je vous approuve - de ne pas sombrer dans la " généralisation " exonératrice de responsabilité : avec le président Monfort ou Christian Guery ( Le Monde du 27 janvier )je n'oublie certes pas que medias , opinion et politiques réclament régulièrement des incarcérations provisoires ou s'émeuvent de libération avant jugement mais ne se mobilisent guère pour obtenir l'élargissement de certains mis en examen hurlant légitimement leur innocence .
Pour autant, développer le complexe du homard , déjà évoqué par mes soins sur votre blog , me parait , par définition , manquer de maturité et l'aveuglement comme la généralisation soulignés dans votre note , me semblent des traces d'acné tardif dont le visage de notre vieille justice devrait être épargné.
Accepter le regard des autres , d'analyser son comportement , d'en tirer des enseignements afin de prévenir des " récidives " , c'est justement manifester un sens aigu des responsabilités : la Marquise de Lambert , au XVII°, ne disait-elle pas que " l'aveu des fautes ne coûte guère à ceux qui sentent en eux de quoi les réparer " .
La magistrature en est capable !
Rédigé par : Parayre | 30 janvier 2006 à 21:53
"son seul remède devrait être l'action sous l'autorité de chefs exemplaires, eux-mêmes choisis avec soin"
En publicité, on appelle ça du "teasing" !
Et normalement, la pratique s'achève par le début de la campagne (ne me dites pas que vous ne faites pas de publicité, la méthode vaut pour tous les discours, auraient-ils pour seul objet de promouvoir des idées).
Du coup, une prochaine note sur votre conception de la "magistrature du XXIe siècle" (j'en conviens, l'expression est kitch, mais le week-end fut rude) ?
Rédigé par : Imbemol | 30 janvier 2006 à 19:08
Courage! C'est bien parce qu'on en est certain qu'on viens sur votre blog avec passion. Quant aux chefs exemplaires, je crains que leur manque ne se fasse pas sentir que dans la magistrature.
Rédigé par : Jean-Luc Masquelier | 30 janvier 2006 à 18:55