Je tiendrai l'engagement que je me suis fait à moi-même. Sur ce blog, je ne tenterai une analyse globale d'Outreau qu'à la fin des travaux de la commission parlementaire et une fois que nous aurons une idée des conclusions qu'elle présentera.
Reste qu'une tragédie, même heureusement terminée, vient nous rappeler qu'on ne peut arrêter artificiellement le cours d'une réflexion. La vie ou la mort sont impérieuses qui viennent sonner à nos coeurs.
Tout suicide est une énigme, toute tentative de suicide est un appel mais aussi un mystère.
Qui oserait affirmer péremptoirement l'existence d'un lien exclusif de causalité entre Fabrice Burgaud et le décès de François Mourmant , entre ce magistrat, le cataclysme judiciaire, des problèmes préoccupants intimes et la dernière atteinte qu'Alain Marécaux a voulu encore s'infliger ?
Mais cette interrogation même est déjà de mauvais goût. On n'en est plus là. A ceux qui demeurent rétifs aux leçons de l'intelligence et aux intuitions de la sensibilité, je recommande seulement de sentir.
De sentir cette odeur de désastre.
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38 ans d'expérience judiciaire m'ont donné quelque expérience et pourtant depuis 20 ans je tente désespérement de faire entendre une voix, celle d'une juriste pour plaider en faveur de ceux qui ont besoin de nous...des citoyens des pères, des mères des enfants des déchirés de la vie; en tant qu'avocat j'ai réussi , en tant que mère j'ai pallié aux besoins , en tant que magistrat j'ai donné tout ce que ma science pouvait apporter, mais la sensiblité n'est pas une qualité, la condition féminine est un obstacle, le refus de plier un rejet , la hiérarchie le droit du prince.
alors le système est-il voué à l'échec, je pense que non, le juge d'instructione est une magnifique institution : il faut des hommes et des femmes matures , anciens avocats si possible, qui ont eu du mal à s'imposer, à se faire reconnaître, à accepter de gagner le tiers de leurs honoraires pour s'abstenir de calculer la rentabilité et se donner à fond à la défense des plaideurs et rendre la justice au nom du peuple français.
Mais la hiérarchie est-elle prête à entendre, doit-elle risquer une carrière déjà arrêtée par ses amis , ceux qui peuvent d'un simple coup de fil métamorphoser leur destin ;
la cour des princes ou les "tenanciers des cours" chacun dispose de sa conscience ...si Dieu existe il reconnaîtra les vraies valeurs, les carrières sont sujettes à des interprétations ; le magistrat est tenu au droit de réserve, il n'est pas possible de manifester une protestation ou un questionnement qui ne soit pas interprété comme une "critique portée à sa hiérarchie, fut-elle du siège"....beaucoup à méditer , dans l'optique européenne.
Rédigé par : perrot | 15 mars 2006 à 22:15
je repense souvent ces jours à Bruay-en-Artois !
tout fut-il révélé ?
de se contenter d'aller ainsi hooo de petits juges en petits juges , ne risque-t-on pas de tourner autour du (jack)pot ?
si coupable à chaque fois :
QUEL COUPABLE ?
( est-ce vraiment le sujet consterné imposé et offert en pâtures à des médias par de telles mauvaises odeurs toujours alléchés ? )
le doute m'habite en ce consensus mou qui se répète à chaque "nouvelle affaire " ( et donc " bonnes affaires" pour la presse ! )
Rédigé par : Cactus Joe | 13 février 2006 à 16:31
Dominique Wiel est un homme dont la capacité d'analyse devrait inspirer parlementaires et journalistes… Avec ce qu'il a écrit, on peut éviter deux ou trois débats TV sur la commission et la présence des «accusés» d'Outreau. Cet homme, pourtant victime du système, est plein d'un bon sens qui manque de plus en plus à l'Assemblée et dans les salles de rédaciton.
Pourquoi je n'assisterai pas à l'audition du juge Burgaud, par Dominique Wiel
LE MONDE | 28.01.06 | 13h56 • Mis à jour le 28.01.06 | 15h52
'ai été surpris de la rapidité de la réponse donnée par le président André Vallini et le rapporteur Philippe Houillon à la demande présentée par Karine Duchochois de pouvoir assister à l'audition du juge Burgaud. Il me semble que cette réponse demandait un débat préalable avec les autres membres de la commission d'enquête parlementaire. Son caractère spontané m'a paru davantage guidé par l'émotion soulevée par les propos des acquittés que par la réflexion.
Or, ce que j'ai regretté à Saint-Omer, c'est justement l'ambiance désastreuse des débats dans l'enceinte de la cour d'assises. J'ai assisté à un véritable "dégueulis" — et je pèse mon mot — d'émotions, dont j'ai souffert pendant neuf semaines. Je désirais que l'on se situe au niveau des faits, ce fut rarement le cas.
J'imagine le juge Burgaud seul face à la commission, avec, dans son dos, la pression des treize acquittés témoins muets devenus à leur tour jurés. Cela me met mal à l'aise. Bien sûr, ces images vont réjouir les metteurs en scène, mais c'est trop beau pour être tout à fait sincère.
Cela va renforcer la focalisation naturelle des médias. On gardera l'image dramatique de l'institution face à ces acquittés devenus "ses" juges. Le juge Burgaud deviendra le bouc émissaire désigné au peuple responsable de toutes les insuffisances de l'institution judiciaire.
Ne nous faisons pas d'illusions : cette image inespérée sera chassée des esprits au prochain fait divers atroce relaté par les médias, et tout espoir de réforme avec.
Enfin, que gagnerons-nous, nous les acquittés, à ce face-à-face muet ? Nous en sortirons encore plus meurtris, car le juge sera identique à lui-même tel que nous l'avons subi à Saint-Omer. C'est de mon point de vue une souffrance inutile. Il y en a eu suffisamment pour ne pas en rajouter.
Cette commission parlementaire est une chance pour responsabiliser les juges, elle est une chance pour les députés de rééquilibrer le pouvoir du Parlement face à l'exécutif et au judiciaire. Elle est une chance pour nos élus, auxquels on reproche d'être tellement loin de leurs administrés et qui peuvent trouver là une occasion magnifique d'être à l'écoute et d'être nos porte-parole. Ne gâchons pas ces chances pour satisfaire un désir trouble de revanche !
Dominique Wiel
Rédigé par : Bulle | 29 janvier 2006 à 07:56
> F. Lamourette : soyons précis. La personne n'a pas dit qu'elle venait à l'audition sous contrainte mais que la lettre de convocation indiquait que des sanctions pouvaient lui être appliquées en cas de refus. Ce à quoi le Président Vallini a clairement dit devant tout le monde qu'il avait précisé à la personne concernée par téléphone que cette formulation était standard et que bien sûr un refus de sa part n'impliquerait aucune recherche de sanction de la part de la commisssion.
Rédigé par : Didier | 26 janvier 2006 à 19:15
Je suis peut-être hors propos, et je m’en excuse d’avance, d’autant que la retenue de vos propos me touche beaucoup.
Mais tout cela me fait penser à l’introduction d’un petit précis de droit criminel. En 1939, Paul Cuche consacre classiquement quelques développements - très intéressants - à la fonction de la peine. Il y écrit ceci : « Et il est non moins vrai que, de nos jours, où la préoccupation utilitaire de la prévention du crime paraît dominer dans nos systèmes répressifs, nous ne pouvons méconnaître que la peine conserve une coloration morale et satisfasse plus ou moins complètement un obscur besoin de vengeance ou un sentiment inné de justice. Ne parle-t-on pas de la « vindicte publique » ? Ne dit-on pas (à l’époque) après une exécution capitale que « justice est faite » ?
Je ne parle pas ici d’Outreau en soi, mais de l’après, de cette volonté collective – et peut-être pas individuelle – de désigner du doigt un juge en criant « voilà le coupable ! ». L’opinion publique veut se venger.
Si je me permets de tels propos, c’est seulement par réaction aux paroles de l’une des acquittés, qui fut obligée, sous contrainte, à venir témoigner devant la commission. Elle voulait seulement oublier ; elle sera obligée d’offrir un coupable à l’opinion publique.
Et ce phénomène n’est pas anodin, ni isolé. Je pense notamment à cette pratique de la Cour de cassation, contra legem, de reculer sans cesse le point de départ de la prescription, pour qu’il n’y ait plus prescription. Or l’un des fondements de cette dernière, il me semble, est l’idée d’oubli, condition du bien être social.
Rédigé par : Frédéric Lamourette | 26 janvier 2006 à 13:23
N'est-ce pas une raison douloureuse d'espérer quand même? Notre pays a souvent démontré que le désastre était parfois la condition nécessaire à sa grandeur.
Si vous partez pour Londres, je vous accompagne!
Merci d'être là.
Rédigé par : Jean-Luc Masquelier | 26 janvier 2006 à 11:53
Autre commentaire sur le "le Retour de l'Inquisition, en France"(BBC 20/01/2006) ainsi ont nommé nos humoristiques voisins les Anglais, la fameuse commission d'enquête.
Ce qui est triste dans cette funeste masquarade, c'est qu'un tout petit juge est en train de se faire lyncher, alors que ce n'est pas "lui" qui est en cause, mais TOUT le système!
"Système" sans éthique, bordélique et sans vergogne, qui refuse éhontément d'affronter ses erreurs et et reconnaitre son opacité franc maçonne , ses failles, compromissions, incompétences, préfèrant broyer le premier premier bouc-émissaire venu! Ensuite, parmi les acquittés, TOUS sont LOIN d'être innocents et certains sont même de VERITABLES coupables, mais qui s'en soucie? Reviendra-t-on sur le verdict ? JAMAIS! Ce serait mettre en doute la "justice francaise" !
Par contre, les enfants, qui EUX sont les SEULES VRAIES VICTIMES, que fait-on de leur parole? D'ailleurs que sont-ils devenus ? ou sont-ils ? Le savez vous? Qui le sait? Qui s'en soucie ?
Rédigé par : jgerard | 26 janvier 2006 à 09:36
Le dernier commentaire selon lequel la justice ne condamnera à l'avenir que des innocents me fait penser à cette réaction d'un avocat à Toulouse, qui suite à la décision du tribunal correctionnel siégeant en collégiale, indique qu'à Outreau, c'est un magistrat seul qui s'est trompé, et là, trois, la preuve que d'être plusieurs ne changent rien. Il réfléchit, plutôt que de faire appel, à porter plainte contre les juges. Et donc, sous le prétexte d'Outreau, on suspecte le juge dès que sa décision contrarie.
En effet, bon courage la justice !
Rédigé par : Emmanuel | 26 janvier 2006 à 08:51
Mais en fait qui nous a mis dans une telle situation si ce n'est une certaine Myriam et sommes nous en droit de nous demander : quand dit elle la vérité ? Quand a t elle dit la vérité ? Quand ment elle ? Elle seule le sait et peut être dans plusieurs années apprendrons nous des choses intérêssantes. Peut être plus que nous le révèlera cette commission d'enquête qui s'embourbe un peu. Par moment on se demande si ce n'est pas à une deuxième enquête policière que se livrent nos députés. Chacun y met du sien pour trouver un mobile aux accusations portées contre les personnes mises en cause. Je me répète, nous sommes, en l'absence de connaitre dans le détail l'ensemble de la procédure, et vous le savez très bien, incapables de porter un jugement sur les tous les protagonistes de ce feuilleton qui profite à qui, aux médias et surtout à la télévision. Laquelle, Mr ELKABBAAH dixit, se soucie de savoir où placer les caméras pour avoir le meilleur angle de vue sur l'accusé numéro un. L'affaire OUTREAU sera la référence des références pour de longues années et vous n'avez pas fini d'en subir les conséquences. Vous n'allez, à l'avenir, ne condamner que des innocents. Une nouvelle religion est en marche. Bon courage.
Rédigé par : aracde | 26 janvier 2006 à 03:26
En écoutant les auditions devant la commission parlementaire avec la passion que seule l'émotion peut nous donner, c'est la vie des hommes qui se montre. Sans faire de philosophie de bistrot, je vois bien que nos vies sont une tragédie mais je ne peux me résoudre à penser que nous ne pouvons rien y faire.
Sans vous "mettre la pression" comme disent certains, sans flagornerie pour vous que je ne connais que par vos écrits ici sur ce blog, et en toute franchise, j'espère que vous pourrez éclairer notre chemin de citoyen.
Rédigé par : Didier | 25 janvier 2006 à 23:44
En spectateur attentif des séances de la commission d’enquête, j’ai relevé pour ma part à ce stade de ses travaux mêmes avec quelques censures plusieurs données lourdes :
- La faiblesse du système probatoire français notamment la place disproportionnée accordée au témoignage, à l’aveu, aux expertises faites par certains experts (à St Omer) qui étaient plus préoccupées par la marche normale de leur cabinet que par les audiences de la cour d’assise.
- La complaisance du Barreau de Boulogne vis-à-vis de certains de ses membres s’agissant du niveau d’exigence en matière d’assistance des pauvres et des diligences. Ajoutons à cela l’absence de tous sens critique (à quelques exceptions près) des avocats par rapport à l’exercice de leurs professions.
- L’enfermement des magistrats de Boulogne à l’époque dans la religion de la certitude en raison notamment de la gravité des faits.
- L’inexistence dans notre législation actuelle de droits de la défense au stade de l’enquête et notamment au stade de la garde-à-vue.
Rédigé par : Pierre | 25 janvier 2006 à 23:30
Sentir, ressentir...
Ce qui s'impose plus que jamais, depuis hier, c'est le terrible sentiment de l'irréparable.
Rédigé par : Gérard Lenne | 25 janvier 2006 à 20:27
Monsieur Bilger,
Votre texte: "Une odeur de désastre" me fait penser à la réaction de Georges Pompidou interrogé sur Gabrielle Russier:
"Je ne vous dirai pas tout ce que j'ai pensé sur cette affaire. Ni même d'ailleurs ce que j'ai fait. Quant à ce que j'ai ressenti, comme beaucoup, eh bien,
Comprenne qui voudra !
Moi, mon remords, ce fut
la victime raisonnable
au regard d'enfant perdue,
celle qui ressemble aux morts
qui sont morts pour être aimés.
C'est de l'Éluard. Mesdames et Messieurs, je vous remercie".
J'ai le sentiment qu'il ya en vous à la fois une vraie compassion pour l'ensemble des acteurs de ce drame et, en même temps une grande retenue.
Merci pour votre texte
Alphée
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 25 janvier 2006 à 20:19
En vous lisant , avec estime comme toujours , je pense à La Bruyère qui dans " Caractères " ( Du coeur , 48 ) a su écrire : "S'il est vrai que la pitié ou la compassion soit un retour vers nous-mêmes qui nous met en la place des malheureux , pourquoi tirent-ils de nous si peu de soulagement dans leurs misères ? "
" Sentir " , j'ajouterai : " compatissons et faisons ce que nous devons ..."
Rédigé par : Parayre | 25 janvier 2006 à 14:04