Le 27 février, ma collègue Anne Morvant a rendu une ordonnance de non-lieu général au bénéfice du docteur Chaussoy et de Marie Humbert, la mère de Vincent. Les motivations sont conformes aux réquisitions du procureur Lesigne qui a formé avec le juge Burgaud l'équipe que l'on sait. Il est bien sûr hors de question de discuter la pertinence de cette absolution mais seulement de mettre l'accent sur une question qui m'est venue à l'esprit en lisant les comptes rendus dans le Figaro et le Monde.
On n'est pas pénalement responsable lorsqu'on a été soumis à une force à laquelle on n'a pu résister. On a considéré que dans cette affaire dramatiquement singulière la contrainte avait été si puissante et si diverse qu'aucune responsabilité pénale ne pouvait être retenue. Pourquoi pas ? Ce qui ne laisse pas de m'étonner tout de même, c'est l'apparition d'une nouvelle forme de contrainte expressément évoquée : la contrainte médiatique.
C'est en effet la première fois qu'on fait entrer dans le champ judiciaire, comme élément d'appréciation de même niveau que les autres envisagés, l'action et la pression des médias, l'agitation et le trouble qu'ils peuvent créer.
Il me semble qu'il y a là quelque chose d'étrange qui vient contredire un constat récent et une vision souvent développée de la magistrature. Qui n'a pas entendu dire que celle-ci se devait non seulement d'être indépendante à l'égard des pouvoirs mais vis-à-vis d'elle-même, de ses préjugés et de tout ce qui était de nature à altérer la liberté et la sérénité de son jugement, en particulier la détestable influence médiatique ? Il était acquis que cette dernière représentait un danger dont il convenait de se préserver et qu'en aucun cas, elle ne saurait servir d'excuse à qui l'aurait subie .
Certes, en l'occurence, ce sont les mis en examen qui bénéficient de cette nouvelle cause d'exonération. La contrainte médiatique, ainsi consacrée, ne risque-t-elle pas d'être mise à toutes les sauces et exploitée abusivement ? On peut craindre une banalisation de ce concept surprenant qui ne laisse plus les médias à la porte du débat juridique mais les laisse entrer avec des conséquences qui seront sans doute redoutables à chaque fois que l'émotion agitera l'opinion publique, les médias et les juges eux-mêmes .
J'aurais, pour ma part, souhaité que même avec les meilleures intentions du monde on laissât les médias où ils étaient : dehors, pour informer et témoigner.
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