Lorsque Bruno Gaccio et moi avons écrit, sous forme de dialogue, notre livre sur la liberté d'expression, sa nécessité et ses limites, je me souviens d'échanges très vifs sur la religion et le catholicisme. Pour être franc, ce n'était pas seulement la dérision dont usait mon interlocuteur qui me mettait mal à l'aise, c'était aussi ce que je découvrais en moi et qui me mettait en état de fragilité. J'ai tenté, alors, d'approfondir les raisons de cette crispation qui nous faisait sortir de la joute intellectuelle pour nous faire entrer dans un monde infiniment plus obscur. Je ne suis pas parvenu à tirer des leçons décisives de cette expérience. J'ai seulement perçu, à cette occasion, l'obligation de ne pas tout mettre sur le même plan et de savoir distinguer, en particulier, l'idée de la croyance.
Il m'a toujours semblé que la finalité d'une idée était non seulement d'être exprimée mais d'être éventuellement discutée, voire contredite. Une idée perd son sens si elle ne s'insère pas dans un espace qui lui permettra de s'affronter au feu de l'intelligence d'autrui. La liberté de l'esprit, de la parole et de l'écrit est naturellement consacrée à ce type de controverse. Une idée, cela se discute. Une croyance, c'est une conviction qui est composée d'impalpable et de mystère, elle ne vous place plus dans le champ de la rationalité mais vous constitue de manière si forte et si intime que la mettre en cause, c'est vous attaquer vous-même dans votre être, dans vos profondeurs. Une croyance, cela se laisse tranquille.
Il n'empêche qu'au regard de la liberté d'expression qui ne peut pas s'assigner des limites qui tiendraient seulement aux subjectivités souffrantes et blessées de telle ou telle communauté, aux offenses faites à la foi de ceux pour qui la religion devrait demeurer intouchable, à l'abri de la critique, de la moquerie et du sarcasme, il faut bien accepter que les religions elles-mêmes soient passées au crible du scepticisme moderne et soumises à la dérision contemporaine.
Je reconnais que j'aurais pu plus aisément soutenir cette thèse qui, dans la pureté des principes, me semble cohérente si je n'avais pas senti longtemps que l'offensive anti-religieuse ne s'attachait qu'au catholicisme et au pape, alors que les religions juive et musulmane étaient épargnées. Cette exclusivité de l'agression venait sans doute aussi du fait que la hiérarchie catholique, par sa tolérance revendiquée, ne faisait peur à personne et même appelait l'attaque à cause de cette tendance qui conduit à s'en prendre volontiers à la faiblesse au lieu de la laisser en paix. Les temps heureusement ont changé et le catholicisme se rebiffe !
Il est normal que les religions se servent des règles de l'Etat de droit pour défendre leur honneur, ce qui les fonde et ce qui les fait respecter. Un certain nombre de procédures ont été engagées parce qu'en telle ou telle circonstance, une communauté de croyants s'est sentie avilie et méprisée. La loi est précisément l'outil qui permet la conciliation entre le principe nécessaire de la liberté d'expression pleinement entendue et les éventuelles souffrances causées à telle partie de la société. La loi est une arme de pacification et de restauration.
Les protestations dans le monde arabe, à la suite de la publication de douze caricatures du prophète Mahomet, dépassent, et de très loin, les polémiques habituelles. J'ai pu voir ces caricatures et je ne me prononcerai pas sur le fond de la doctrine. Je note tout de même que des esprits autorisés affirment que l'Islam n'interdit pas la représentation du prophète et que ces caricatures, si elles peuvent apparaître blessantes, sont sans commune mesure avec l'indignation internationale que les tenants de cette religion propagent. Pour des raisons à l'évidence politiques.
Ce n'est plus le droit qui est une arme même si d'aucuns, tardivement, songent à l'utiliser. La religion, elle, est devenue l'arme suprême et c'est parce que ce combat nous entraîne bien au-delà du débat classique sur la liberté d'expression qu'il convient, pour les démocraties, de présenter un front uni et une solidarité sans faille. Ce qui se cache derrière ces fureurs apparemment religieuses, c'est une volonté politique de détruire ce qui donne sens et légitimité à nos sociétés. J'ai l'impression qu'à intervalles réguliers, on cherche à tester nos forces, notre capacité de résistance et la qualité de notre adhésion à nos propres valeurs. Sans cesse, on cherche à voir jusqu'où on peut aller trop loin. Si la démocratie recule dans cette lutte capitale, si elle affaiblit son discours par une compréhension qui altérera la vigueur de sa position, elle perdra. Il y en a assez de ces démocraties, ce régime le plus exemplaire qui soit, qui s'excusent d'être ce qu'elles sont.
Une démocratie a le devoir de se battre. Elle a le droit de se défendre. Elle peut le faire sans se renier. Les démocrates n'ont pas vocation à être des moutons. Dans l'arme de la religion, il faut voir l'arme.
Bonsoir,
Vous voyez juste, je suis également d’avis que la religion est devenue un outil qui sert les intérêts politiques de certains leaders de ce monde. Que l’on songe aux discours patriotiques à saveur judéo-chrétienne de George Bush ou à ceux des islamistes radicaux qui diabolisent les «mécréants» que nous sommes. Lorsque la ferveur religieuse se soude à une idéologie politique, c’est une arme très puissante puisqu’elle ravive la ferveur des croyants, s’arroge les passions des plus désœuvrés et justifie tous les moyens pour arriver à ses fins.
La communauté internationale n’est pas sortie indemne de l’intimidation qu’elle a subit par des groupes islamistes en colère à travers le monde. Elle sait maintenant que la ligne est mince entre le fondamentalisme religieux et les débordements du fanatisme.
Triste bilan pour la liberté d’expression lorsque l’on constate qu’au terme des dérapages qui ont suivi la publication des caricatures de Mahomet, des artisans de la presse écrite et télévisuelle ont été limogés pour avoir fait leur travail de communicateurs. Ce fut le cas de Jacques Lefranc, directeur de publication à France Soir, du rédacteur en chef de l’hebdomadaire jordanien «Shihane» qui mettait en parallèle les caricatures de Mahomet et les images de l’exécution d’un otage par un islamiste, ou des journalistes de la télévision nationale algérienne qui ont présenté les caricatures controversées à l’écran lors d’un journal télévisé.
Dans son commentaire, monsieur Klein a soulevé un point important concernant les différents groupes identitaires qui forment la communauté musulmane. Il existe non pas une minorité mais une majorité de musulmans laïcs, paisibles et bien intégrés dans nos sociétés d’accueil. Ces derniers se sentent tout aussi menacés par la mouvance intégriste à travers le monde. C’est d’ailleurs avec les musulmans dits modérés qu’il serait le plus important de soutenir le dialogue, car ils connaissent le potentiel que représente «l’arme de la religion». Ils ont connu les pressions sociales et religieuses dans leur pays d’origine et savourent tout comme nous la liberté de conscience et d’expression.
Marie-Elaine Roy, Montréal Canada
Rédigé par : Marie Élaine Roy | 04 avril 2006 à 04:30
Je tenais à vous remercier pour les propos et votre ton : respectueux, clair, fin ferme sans être strict, sensible aussi, responsable, critique et ne succombant pas aux modes (aux pressions...?), démocrate et républicain, soucieux d'informer lucidement les citoyens sur la justice sans corporatisme, tout en rappelant la noblesse et la nécessité d'une justice.Votre dernier article est aussi courageux. J'aurai aimé que des politiques, en nombre, défendent la démocratie qui est attaquée quand la liberté d'expression est aussi malmenée qu'en ce moment. En ces temps d'incertitudes, d'attaques de notre démocratie, il est bon de rappeler à une certaine vigilance et que rien n'est jamais acquis, que le souci de vérité, de ne pas se voiler la face, au dela d'une simple vigilance de bon aloi, est aussi un devoir qui peut coûter...
J'ai découvert votre blog tôt ce matin et j'ai lu tout vos articles d'une traite. Je ne sais pas s'il a déjà été écrit mais eu égard à vos fonctions, vos compétences, et votre souci civique (sans tout le caramel mou traditionnellement associé à ce terme...) de mieux faire comprendre ce qu'est la justice et "favoriser une communication judiciaire citoyenne et civile" pourquoi ne rédigeriez vous pas un " La justice expliquée à mes petits-enfants" (Rose va vite grandir...).
Je connais mal la justice, je dois l'aborder avec mes élèves au collège (en ZEP, zone sensible, etc...) quels conseils me donneriez-vous de lecture pour approfondir ma connaissance de cet univers .Vous l'évoquez mais je n'ai pas trouvé-sauf erreur de ma part- de bibliographie, hormis vos livres que je vais lire prochainement pour commencer. Avez-vous déjà mené des actions vers le milieu éducatif pour instruire, sensibiliser des élèves (des enseignants aussi) à la justice? En avez-vous le temps et l'envie?
Encore merci pour ce blog et les renvois que vous avez indiqué (le blog d'un avocat). Respectueusement.
Rédigé par : christophe | 16 février 2006 à 09:19
reproduire l'image des prohètes est pour nous musulmans interdite; je dis bien tous les prohètes y compris jésus; maintenant cette interdiction concerne les musulmans et reprocher à d'autres de le faire ça n'a pas de sens puisqu'ils n'ont pas à respecter nos interdits.
ce qui me choque dans ces caricatures c'est l'assimilation islam terrorisme;
de la même manière je serais choqué par toute caricature qui qui assimile l'ensemble des allemands à des fils de nazis, des français à des fils de pétainistes où plus proche de nous tous les américains à des évangélistes où tous les juifs à des colonialistes.
cette assimilation est amplifiée par tous ceux qui considèrent que la seule réaction des musulmans est celle violente de personnes qui agissent influencées par d'autres considérations géopolitiques.
la réaction majoritaire des musulmans serait plutôt celle-ci:
"si la liberté d'expression permet de me blesser gratuitement elle m'autorise aussi à dénoncer cela et à demander à ce que cela ne se reproduise plus."
Rédigé par : hachicha | 13 février 2006 à 11:39
Moult gens arguent qu’il faut garder poire ou plus d’une pour la soif. Qu’un tenu vaut mieux, il est clair, disent-ils, que deux ou trois (ça fait déjà un panel) chats échaudés qui craignent l’eau froide. Mais nous les gens sans-terre, nous pouvons, nous autres qui sommes d’ici, et même qui sommes d’ailleurs, nous pouvons, disions nous en substance à Maître Philipe Bilger, Avocat Général près la Cour de Paris, en l’occurrence défenseur ardent d’un homme qui se voulait critique, nous passer, et à grande nage saine, de ces proverbes qui en disent comme d’une éloquente montagne d’énoncés, d’énonciations, d’énonciateurs. Mais creux ceux-là et muets derechef comme il va de soi aux sourds.
Cependant, grâce à une Hiérarchie (veilleuse d’anciens parapets) qui reprend les rênes du Bon Sens et montre des éveils prometteurs pour les plus faibles, ce jeune homme est peut-être en train de devenir un Homme après tout, et après coups, de s’apercevoir, de comprendre même (prendre avec) que la LOI ne peut pas s’appliquer que d’un seul côté.
Le comportement unilatéral des personnes qui possèdent par le hasard des circonstances un moindre pouvoir et qui l’applique sans vergogne, sans état d’âme sur des êtres dont ils savent (ben oui, ils savent) être sans défenses est quand même navrant. Pour le dire plus près, nos nez collé à nos vitres, mettre à chaque instant à mal la bonne foi, d’un citoyen, serait-il lambda ou non, est vraiment et véritablement affligeant.
Cela frise l’injure à la personne. Le discriminatoire. L’outrage à la personne et l’honneur s’y blesse et saigne longtemps. Songez alors que ces personnes subissant ces choses graves deviennent comme de grands réduits tristes que toutes les bourrasques traversent.
Comment alors, tôt le matin, rencontrant dans les rues, dans les gares, dans les trains, partout où vivent les hommes, nos semblables, pourrions nous consentir à ne plus jamais pouvoir dire autre chose et sans honte, en notre âme et conscience : Bonjour, comment allez-vous, qu’à des hommes d’infortunes, humiliés, traversés de souffrances et défaits de leurs espérances. Cela n’est pas tenable. Et les proverbes nous font même terriblement pleurer. Il fallait y opérer.
On opère. Le Droit Français y retrouve ses Clartés. Et la Maison de Justice ses justes Poids et Mesures. Là, l’Idée se dispute à bonne science. Ici, la Croyance redore sa tenue de tranquillité. Quand à nous, les sans notoriétés, nous ne sommes pas candidats à jeter les premiers cailloux, mais bien plus promptement, et avec grande force, à souhaiter l’harmonie, la régularité, l’équilibre dans les villes et les campagnes du monde.
Rédigé par : Alain Baudemont | 11 février 2006 à 18:22
Bonjour,
C'est amusant de lire ces mots "religion", "démocratie" sans se souvenir, se rappeler que chacun d'eux correspond à un changement de paradigme. Je m'explique. (J'écarte la notion de démocratie chez les grecs et je l'utilise selon l'acception moderne.)
Le problème que la "religion", au sens général du terme, n'a jamais su outrepasser ou alors bien difficilement fut ce changement de paradigme de la "re-naissance" dont l'image, le symbole est le déplacement du centre vers la périphérie. C'est le soleil qui est au centre non pas la terre.
Maintenant imaginons que dans un avenir proche ou lointain il y ait un nouveau de changement de paradigme et que ce dernier entraîne une reformulation plus ou moins profonde de certaines de nos idées et de nos croyances.
Comment réagirons-nous ? Quel système politique, scientifique, religieux, etc en découlera ?
Dans cette affaire des caricatures, on réduit la "religion" au seul fait politique voire social : liberté d'expression contre son contraire. Et, nous oublions, qu'en fait, c'est moins la religion en elle-même qui nous intéresse mais plutôt le, les systèmes politiques qui l'utilisent pour asseoir autre chose qui n'a rien à voir avec la religion en tant que système, conception du monde selon un paradigme bien défini.
La principale régression est donc bien là : oublier que le fait religieux est un paradigme, qu'il peut être remplacé par un autre et que, même ce dernier, sera, peut-être, remplacé par un nouveau paradigme à plus ou moins long terme.
Donc, ce qui nous préoccupe : ce n'est pas une rflexion sur une conception du monde ou sur la manière dont notre monde peut être pensé mais dans ce fait que les deux seuls paradigmes existants aujourd'hui sont réduits à une pure expression politique et, comme la plupart d'entre-vous l'ont compris, c'est bien une question de régime politique dont il s'agit ici.
C'est cette réduction qui est gênante parce que nous ne sommes de moins en moins capables de nous positionner par rapport à une conception générale du monde mais uniquement par rapport à une conception politique du monde.
La question à se poser reviendrait à ceci : quel est l'intérêt d'un monde, d'une société qui déplace le paradigme d'une conception générale du monde vers une conception uniquement politique ?
Rédigé par : jean-marc | 10 février 2006 à 17:49
Un petit coup de griffes, et sans méchanceté, à notre ami Pascal B. lorsqu'il écrit : "La défense de la liberté d'expression justifie t'elle de ne pas prendre en considération d'autres valeurs qui elles aussi sont d'importance ? Par exemple, le respect de l'autre, la recherche de la paix... En quoi ces caricatures ont elles permis de progresser dans le domaine des idées ou dans le dialogue nécessaire entre les hommes ?"
Hum... Est-ce à dire que la caricature de Le Pen en nazillon raciste serait irresponsable au prétexte qu'elle blesserait les électeurs du Front National ?
Vouloir à toute force défendre la paix face au "côté obscur de la force", cela porte un nom : l'esprit munichois. Philippe a un langage mesuré mais qui ne dissimule pas la vigueur de son idée: derrière l'arme de la religion, il faut voir l'arme, et celle-ci n'est pas faite pour nous caresser. L'intégrisme religieux, singulièrement musulman, menace principalement l'écrasante majorité des musulmans qui sont d'adorables personnes. Mon épicier voisin (Nota : Doctorat de sciences-eco, mais avec son nom, pas de poste, donc épicier, le gâchis républicain ordinaire...)est marocain et croyant sans excès. Et hier, il plaçait Charlie Hebdo en devanture de son rayon journaux. Quand arrivait un de ses corréligionnaires, il l'enlevait pour le replacer après son départ. Il éprouve une honte indicible de ces hordes sauvages lancées à l'assaut des ambassades.
Donc, non, pas de respect pour une opinion sous le prétexte d'apaiser les barbares, pas de Munich bien-pensant, "pas de liberté pour les ennemis de la liberté" (St Just)
NOTA : Le gouvernement français n'a pas donné de consigne de rapatriement aux français résidant en Syrie considérant que l'état d'esprit de la population n'était pas celui de quelques milliers de manifestants. Je connais la Syrie et les syriens : peuple pétri de culture, le moindre paysan a dans sa cahute 2 ou 3 monnaies romaines qu'il recueille dans ses champs, l'un d'eux m'avait offert le thé sur sa table basse qui n'était autre qu'un chapiteau corynthien, et si l'armée syrienne n'a jamais gagné une seule petite bataille contre Israel, c'est que ces gens détestent se battre, détestent la guerre et qu'ils aiment avant tout accueillir les étrangers.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 09 février 2006 à 09:39
j'avoue être désarmé là :-(
( et sans voie , aucune )
Rédigé par : Cactus Joe | 08 février 2006 à 22:32
Après avoir vu votre blog régulièrement mentionné sur d'autres que je lis (Eolas,...), je ne regrette pas d'avoir fait le saut et d'avoir trouvé ce billet qui me semble fort pertinent.
La religion est tellement meilleure lorsqu'elle porte à la contemplation! Mais la contemplation, c'est tout sauf de la facillité, alors on préfère faire la baston comme un vulgaire soir d'OM-PSG. Les catholiques, d'ailleurs, ont effectivement des défenses immunitaires assez faibles, puisque la souffrance peut prendre un sens rédempteur.
Nos démocraties semblent avoir aussi des défenses immunitaires un peu faibles : on a laissé brailler sans trop élever la voix. Nos sociétés sont-elles trop différentes pour avoir encore des valeurs communes mobilisatrices? Ou trop habituées à ce que la liberté soit garantie comme l'eau coule dès qu'on tourne le robinet? L'intervention ferme des dirigeants n'en est alors que plus nécessaire... je trouve qu'ils ont un peu tardé à hausser le ton.
Encore bravo pour ce billet... il va falloir que je lise les autres maintenant!
Rédigé par : Nelly | 07 février 2006 à 21:20
assez d'accord Imbemol sur les deux derniers paragraphes. Mais quant aupremier : il peut ne pas y avoir croyance
Rédigé par : brigetoun | 07 février 2006 à 21:15
Le problème de ces fameuses caricatures c'est d'être de très mauvaises qualités ! Bref elles ne sont même pas drôles et sont d'un goût très douteux.
Je trouve pour le coup qu'il y a une certaine gêne à défendre cette extraordinaire idée qu'est la liberté d'expression en usant de ces médiocres dessins comme des porte drapeaux de la capacité de l'occident à l'autodérision ! Triste époque...
Rédigé par : Eric Nicolier | 07 février 2006 à 16:46
Vous dites :"Une idée ça se discute, une croyance, c'est une conviction qui est composée d'impalpable et de mystère"
Oui. Et c'est essentiel.
Là, Monsieur, vous avez résumé de façon magistrale les limites que chacun doit respecter, croyants et non croyants, ce qui est mon cas. Associer une croyance à une idéologie extrémiste qu'elle quelle soit, (fascisme, islamisme...) est intolérable.
le reste de votre billet et les nombreux commentaires ouvrent un débat d'idées, une controverse et c'est très enrichissant !
vous concluez "Une croyance cela se laisse tranquille". J'adhère totalement
Rédigé par : La Vieille | 07 février 2006 à 15:24
Un point, Philippe, est absent de votre point de vue : l'opinion et sa liberté, qui se distingue de la liberté d'expression. Accepte-t-on qu'une opinion se forge, dans l'intérieur d'une réflexion, lorsque celle-ci ne converge pas avec l'Opinion, souvent religieuse aujourd'hui, mais qui fut aussi dominatrice dans les anciens pays communistes.
Pour entrer dans un pays arabe pourtant laïque comme la Syrie, il y a un formulaire qui vous demande votre religion. Vous pouvez indiquer celle que vous vous voulez sauf que l'athéisme n'est pas prévu. Tout est admissible plutôt que de n'avoir pas de croyance. Pour un religieux, la croyance ne ressort pas du domaine de l'opinion et ne peut donc pas être mise en balance avec des opinions politiques, sociales ou culturelle. Soyez communiste, capitaliste, maoiste, pro ou anti BHL, tout ce que vous voulez mais soyez croyant. L'incroyant est un malade, son absence de foi n'est pas une opinion mais une tare et toute expression de cette tare est une apologie de la maladie mentale qui le touche. Récemment, notre ministre de l'intérieur s'est fait l'écho de cette tendance, en assimilant vie spirituelle et foi religieuse, comme si, en dehors de la croyance, une vie spirituelle ne pouvait exister. Il s'agit d'un glissement de la notion de laïcité : d'un Etat qui n'a aucune religion, on passe dangereusement à un Etat qui adopte toutes les religions, considérant alors que le fait religieux ne relève plus de l'opinion.
Lors de l'hommage aux victimes de l'accident d'avion qui a touché nos compatriotes martiniquais, il y avait là le chef de l'Etat, qui est demeuré silencieux. La parole a été confisquée intégralement par les religieux, jusqu'au moindre groupuscule protestant ou shintoiste. A-t-on donné la parole à un représentant de l'athéisme ou de la liberté de conscience ? Non, cela n'a traversé l'esprit de personne comme si l'hommage national ne pouvait revêtir que la forme religieuse, la croyance étant au dessus de toute opinion.
Ainsi on voit mieux ce qui gratte les religieux : que la liberté d'expression confonde opinion et croyance dans une même pratique. Ils acceptent la liberté d'expression des opinions, étant entendu pour eux que la croyance n'en fait pas partie.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 07 février 2006 à 12:30
Il me semble qu'il y a quelque chose d'assez juste dans ce que dit Imbemol. Vous évoquez dans votre billet l'arme de la religion. Il n'est pas improbable qu'une partie (disons ceux qui ne sont pas instrumentalisés, et j'ai peur qu'ils soient minoritaires) des musulmans qui s'opposent à nous dans ce débat perçoivent notre laïcité comme une arme contre leurs valeurs.
Rédigé par : pikipoki | 07 février 2006 à 09:44
La dissociation de la croyance et de l'idée est plaisante d'un point de vue conceptuel, mais comme le dit Bulle, vraisemblablement difficile à mettre en pratique : les secondes imprègnent souvent les premières, qui tempèrent parfois elles-même l'absolu inhérent aux secondes (c'est vrai, c'est pas clair, mais pour l'instant j'ai pas mieux comme formule).
Sur le fond, je ne suis pas certain de comprendre votre propos :
Revient-il à dire, si je vulgarise à l'extrême, que la position de nos démocraties devrait être : "quand bien même la publication de ces caricatures serait un coup médiatique pour un organe de presse moribond, ne vous offusquez pas de ce qui paraît chez nous, démocrates, car c'est ça, la liberté d'expression, car c'est ça, la démocratie", au lieu de demander à ceux qui se sont sentis agressés de nous pardonner nos offenses, si j'ose dire ?
Le cas échéant, je ne suis pas vraiment choqué qu'une démocratie s'excuse des excès commis par certains de ses citoyens. C'est là que réside sa force : assurer l'exercice des libertés individuelles et être capable d'en reconnaîte les abus, lorsqu'ils surviennent. En revanche, user de ces libertés comme d'une arme, fut-ce contre celle de la religion, j'ai comme l'impression que cela revient à adopter les pratiques que l'on dénonce, en substituant les valeurs démocratiques aux valeurs divines dans le rôle du bras armé... mais je vous ai sans doute mal compris.
Rédigé par : Imbemol | 07 février 2006 à 07:04
Deux journalistes jordaniens ont osé publier les caricatures que la presse danoise et française considère comme un «test» à la liberté d'expression. Les deux Jordaniens ont été arrêtés puis libérés et seront jugés prochainement. Ils ont dû s'excuser publiquement en reniant ce qu'ils ont fait.
En Jordanie, le roi se dit le descendant du Prophète… On peut craindre que la justice divine se confonde avec celle des hommes … La mobilisation pour ces deux fous de liberté, sera-t-elle, aussi puissante que celle provoquée par quelques «fous» de Dieu.
Leurs photos sur toutes les places de l'Hôtel de ville de France et du Danemark, cela aurait de l'allure, non ?
Rédigé par : Bulle | 07 février 2006 à 05:57
Monsieur l'avocat général,
Quoiqu'en accord avec la conclusion de votre billet, je ne suis pas certain d'en saisir l'ensemble du raisonnement.
Considérez vous que ce qui justifie le front uni des démocraties, c'est l'excès de réaction dans les pays à majorité religieuse musulmane ? Ou bien est-ce plus généralement la nécessité de contester toute atteinte contre la liberté d'expression, de quelqu'obédience religieuse qu'elle émane ?
Par exemple, considérerez vous qu'un mouvement d'agitation déclecnhé par l'AGRIF pour la sortie d'un film, par exemple, suppose lui aussi un front uni sinon des démocraties, du moins des démocrates de notre pays ?
Evidemment, ma question n'est qu'à moitié naïve...
Rédigé par : Frédéric Rolin | 07 février 2006 à 02:42
Etant protestante, je ne m'explique pas le besoin des catholiques et des musulmans de "Justifier, expliquer, comprendre ou condamner " comme dit "ail" des caricatures qui ont toujours été, de tous temps, le moyen devant être choisi dans une société démocratique pour exprimer sans effusion de sang les sentiments d'aversion, de sympathie, d'amusement, de révolte ... qu'inspirent les agissements d'autrui. Pourquoi donner tant d'importance à de simples dessins alors qu'ils sont, par nature, appelés à être éphémères ? soit leurs auteurs poursuivaient le but de s'exprimer sans intention hostile et il faut leur ficher la paix, soit leur but était de mettre le bazar que l'on observe maintenant et les autorités compétentes doivent les condamner à des travaux d'intérêt général pour qu'ils retrouvent des réflexes plus civilisés.
Rédigé par : ALCYONS | 07 février 2006 à 02:06
Inhabituel. Le ton et le vocabulaire guerriers de votre conclusion (se battre, pas vocation à être des moutons, arme) : vous homme de justice vous voilà déja dans la logique de l'affrontement ?
Vous globalisez dangereusement en parlant de "l'indignation internationale que les tenants de cette religion propagent" en faisant semblant d'ignorer qu'il y n'y pas une réaction unanime dans l'univers arabo-musulman. Loin de là !
Un manque de nuance face à une réalité nettement plus complexe qui vous fait jeter dans le même sac des millions de musulmans, quelques centaines de manifestants exaltés ou manipulés et des terroristes dont ce genre de rejet fait le jeu.
Rédigé par : Gilles Klein | 07 février 2006 à 00:59
Ce très cher Voltaire a souvent raison.
Je pense en effet que la croyance n'est pas de l'ordre du discutable.
Mais contrairement à vous, je crois que si la religion catholique était plus attaquée, ce n'était pas parce qu'elle était plus dépourvue de défense, mais parce qu'elle avait été ici longtemps dominante et assez souvent oppressive
Rédigé par : brigetoun | 06 février 2006 à 23:56
Je m'autorise à faire appel à Meredith (I ) , Camus(II ) et Freud( III )pour illustrer votre propos :
I ) L'écrivain britannique a pu écrire au XIX ° que " de tous temps , l'arme la plus efficace fut et reste l'arme spirituelle ."
II) Notre prix Nobel soutenait lui que " ceux qui prétendent tout savoir et tout régner finissent par tout tuer .Un jour vient où ils n'ont d'autres règles que le meurtre , d'autre science que la pauvre scolastique qui , de tout temps , servit à justifier le meurtre ."
III) Quant au fondateur de la psychanalyse , il affirmait : " Il faut qu'une religion , même si elle s'appelle la religion d'amour , soit dure pour ceux qui ne lui appartiennent pas .Au fond , chaque religion est bien une telle religion d'amour , pour tous ceux qu'elle englobe et chacune tend vers la cruauté et l'intolérance à l'encontre de ceux qui ne lui appartiennent pas ."
J'ajouterai avec sir Karl Popper ( La société ouverte et ses ennemis aux éditions de Seuil ) que si l'on est d'une tolérance absolue , même envers les intolérants , et qu'on ne défende pas la société tolérante contre leurs assauts , les tolérants seront anéantis , et avec eux la tolérance ."
Rédigé par : Parayre | 06 février 2006 à 22:17
La défense de la liberté d'expression justifie t'elle de ne pas prendre en considération d'autres valeurs qui elles aussi sont d'importance ? Par exemple, le respect de l'autre, la recherche de la paix... En quoi ces caricatures ont elles permis de progresser dans le domaine des idées ou dans le dialogue nécessaire entre les hommes ? Si l'exercice d'une liberté ne conduit qu'à l'humiliation et à la haine, c'est que celui qui en a usé ainsi n'a pas su prendre en compte d'autres valeurs qui méritaient aussi d'être sauvegardées. Il ne s'est sans doute pas situé dans le champ de l'illégalité, mais certainement dans celui de l'irresponsabilité.
Rédigé par : Pascal B. | 06 février 2006 à 12:45
Bonjour,
Un journal indépendant et des croyants qui se considèrent bafoués par des représentations de leur prophète : Voila un affaire qui appartient à la sphère privée et ne devrait que se régler à l'amiable ou devant les tribunaux nationaux.
La seule prise de parole sur le sujet par les plus hautes autorités de l'état est déjà une faiblesse : Justifier, expliquer, comprendre ou condamner une telle affaire ce n'est pas le mandat que nous leurs avons donné. Or hélas c'est l'usage de ne prendre en compte que l'opinion de ceux qui la clament haut et fort ; l'incendiaire existe plus que le tranquille, le premier se produit à la télé et le deuxième est transparent, ordinaire et vieux con.
Jamais vu de ministre dans les cimetières catholiques profanés. Ni dans les églises brûlées. Jamais entendu le premier d'entre-eux s'exprimer sur un caricature anti-chrétienne, et pourtant il y en a eu de féroces, un avis sur le sujet paraîtrait incongru.
D'un coté la liberté de croyance et de l'autre la liberté d'opinion (et d'expression), toutes deux sous-ensemble de la liberté de pensée, c'est un des piliers de notre démocratie, les tabous religieux ne sont pas opposables à ce principe et accepter de les évoquer quand on est ministre c'est déjà se fourvoyer dans le communautarisme, poison de la nation.
islamiste=1, démocratie=0
Rédigé par : all | 06 février 2006 à 10:35
Bien sûr que je partage votre analyse mais il n'est pas interdit - il est même recommandé - de se poser des questions. On veut nous entrainer dans une voie qui n'est pas la notre, une voie que nous ne voulons pas emprunter, celle du "combat" religieux je dirais "classique" Occident chrétien contre Orient au sens ancien musulman. Recréer un schéma ancien. Sommes nous obligés de répondre sur le même terrain. Tester nos limites comme vous le dites ne constitue pas une obligation pour nous à aller nous "battre" là où on nous attend. Je crois que nous devrions refléchir à cette question tout en restant nous même et fiers de l'être.
Rédigé par : Didier | 06 février 2006 à 06:59
D'abord bel exemple d'examen de conscience par le citoyen Bilger. Et la révélation de cette part obscure de nous, croyant ou incroyant, qui nous révèle de trois manières, soit on s'accroche aux idées en harmonie avec ce qui est ressenti si intérieurement, soit on oublie, on efface ce que l’on ressent, quitte à se renier un peu, pour faire dans un discours en harmonie avec une opinion médiatiquement correcte, soit on dit, comme ci-dessus, que cette part obscure de nous fait tanguer nos idées pour mieux rechercher une ligne de conduite cohérente.
Aux lecteurs du Monde, je les renvoie à une excellente caricature de Plantu «je n'ai pas le droit de dessiner Mahomet». Comme le veut le genre, quelques traits valent un discours. J'avoue aussi avoir souri en voyant la caricature de celui (on peut aussi ne pas le nommer) qui portait un turban en forme de bombe. Parce que comme il l'a été rappelé, certains brandissent l'islam comme arme. Et ce dessin vaut bien un discours…
Les Musulmans, ai-je lu ou entendu, y voient un amalgame… Mais quand on caricature un homme politique corrompu, tous les politiciens pourraient considérés qu'il y a amalgame et l'interdire aussi. A décliner avec tous les corps de métier et tous les profils sociaux !
Par contre, je ne sais qui teste qui dans cette affaire, Je ne vois pas pourquoi ce serait plus le bloc dit musulman qui aurait choisi cette provocante médiatisation. De l'autre côté, on a aussi quelques «desseins» inavouables.
Encore une chose, on se serait bien passé de ce «test» sur «la liberté d'expression». D'abord parce que ces caricatures ont été diffusées dans des pays qui n'en manque pas, voire peuvent en abuser, et que dans les pays où il y a moins (ou pas )de liberté d'expression, les manifestations pourraient tuer d'innocentes victimes…
J'adore Voltaire et on peut ajouter une ou deux phrases du grand homme aux dix commandements mais il a bien essayé de limiter le champ d'expression de Rousseau.
Rédigé par : Bulle | 06 février 2006 à 06:23
Bonjour,
Il me semble qu'au Danemark une plainte avait été déposée par les organisations islamiques et que celle-ci a été classée sans suite.
Tous ces dessins ne sont pas très drôles mais cela me rappelle une citation de Voltaire qui disait " Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire !"
Rédigé par : lausannensis | 05 février 2006 à 23:14
Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut voir l'arme dans l'arme de la religion. Car c'est un fait que la religion ne constitue souvent que le prétexte pour lacher la bride à des instincts peu louables. Seulement, il me semble important, dans le débat qui nous occupe ici, de faire la distinction entre les réactions d'intolérance et les réactions de défense. Si vous m’insultez, cela ne m’autorise en aucun cas à vous menacer, et encore moi à encourager les autres à vous nuire. Mais cela me laisse quand même le droit de vous exprimer ma tristesse et mon indignation, sans être pour autant taxé d'intolérance et de dogmatisme.
Rédigé par : Stéphanie | 05 février 2006 à 22:41
Bien sùr ! Mais il n'y a pas si longtemps, le trimestre dernier, à nanterre un panneau publicitaire a du etre retiré suite à une procédure en référé engagée par des groupes catholiques
Il s'agissait de la fameuse cène de VINCI pastichée qui heurtait sois disant NOS croyants.
Notre justice a déjà ouvert la breche ...
Rédigé par : GUILLANEUF | 05 février 2006 à 20:15
Bonsoir
Merci pour ce billet.
Je passe cette mise au point (premiéres lignes avec lien) sur "L'Aviseur déchaîné" qui a fait un nombre de visites important depuis la mise en ligne de ces fameuses caricatures.
La façon de penser d'Iraniens en exil sur toute cette affaire dans l'article "A qui profite le crime" laisse à réfléchir.
Bien sincérement
Marc Fievet
Rédigé par : Fievet Marc | 05 février 2006 à 16:59