"Le Parisien Aujourd'hui en France" du 5 février dernier a publié les résultats d'un sondage sur la justice en titrant sur sa première page : Justice- Les Français n'ont plus confiance. Est-ce si sûr, ou plutôt, convient-il de s'étonner d'un tel constat ?
Pour ce qui se rapporte à la justice elle-même, détachée du contexte d'Outreau, 65% des Français, contre 35%, auraient peur d'elle s'ils devaient y avoir recours. 42% la jugent impartiale tandis que 54% formulent un avis contraire. 79 % considèrent qu'Outreau met en cause l'ensemble du système judiciaire, contre 17% privilégiant les responsabilités individuelles. Enfin, sur le plan des dysfonctionnements généraux, la justice se voit reprocher des lenteurs infinies, des décisions incompréhensibles et la déshumanisation de son univers.
D'abord, au regard du cataclysme d'Outreau, on ne peut manquer d'être étonné par l'amplitude relative de son incidence sur les résultats du sondage en plus ou en moins : de 8 à 12 %.
Ensuite, au risque de surprendre, j'observe que les positions minoritaires sont tout de même suffisamment importantes pour qu'on puisse les percevoir comme un socle substantiel en vue d'une action de réforme et de progrès. Cette donnée est d'autant plus significative que la justice, dont j'accepte volontiers qu'on la qualifie de ce beau terme de service public, appartient à un genre très particulier. On vient vers elle, non pas volontiers mais en fin de parcours, lorsqu'en situation d'échec, confronté aux possibilités juridiques que l'institution offre, on espère qu'une ultime solution sera trouvée à des difficultés que la vie non contentieuse n'a pas permis de résoudre. Autrement dit, on ne va pas vers le juge comme on prend l'autobus. Il y a d'emblée une tristesse structurelle qui habite le citoyen obligé d'en arriver là. Il espère gagner mais le simple fait de devoir gagner de cette manière-là affecte son attitude.
Que dire, par ailleurs, de celui qui a perdu son procès et qui est naturellement mécontent, de même que celui qui a obtenu gain de cause, mais jamais suffisamment ? Cela devrait nous conduire à relativiser les déceptions que les sondages traduisent mais qu'on ne met pas assez en perspective .
Le citoyen qui, médiatiquement, est de plus en plus informé - je ne dis pas : bien informé - sur le processus judiciaire trop souvent réduit à quelques affaires dramatiquement spectaculaires, porte un regard intéressé, parfois passionné, exaspéré souvent, en tout cas jamais neutre sur l'institution et son action. Il est bien évident que les médias, ne consacrant leur sollicitude professionnelle, selon un pertinent poncif, qu'à ce qui va mal, adoptent le même point de vue à l'égard de la justice qui n'est connue que pour ses erreurs et les fautes que son humanité, même au comble de la compétence, créera inévitablement . Mais le tout est de ne pas présenter celles-ci comme si elles étaient l'ordinaire. Cette tendance est aggravée par l'atonie de la hiérarchie judiciaire qui ne cherche pas à redresser dans l'opinion publique une image aussi absurdement tordue, pas plus qu'elle ne se met en branle pour défendre les bons magistrats injustement attaqués ou pour prendre de la distance à l'égard des mauvais. Avec de telles carences, aussi bien médiatiques qu'internes, faut-il vraiment s'étonner que la confiance entre le citoyen et " sa " justice relève de la tâche impossible et de l'illusion ?
Reste que nous avons, en dépit de ce bonheur interdit, d'immenses travaux à accomplir. Trop lente, trop hermétique encore, pas assez humaine, la justice n'a pas d'autre choix que de tenter de susciter de l'estime, du respect grâce à ses actions, aux tragédies qu'elle console, aux coupables qu'elle châtie et aux mille situations dont elle assure la bonne administration.
Une nouvelle fois, au risque de lasser, je remets dans le débat l'exigence de l'honneur judiciaire. Il n'y a nulle incompatibilité avec la lucidité qu'appelle le sondage que j'ai évoqué et qui ne devrait pas nous désespérer. Pour avoir envie de satisfaire le citoyen de toutes nos forces, il faut, d'abord, non pas nous aimer nous-mêmes mais porter haut la fierté d'être magistrat.
Pour paraphraser Chamfort, c'est bien d'être effacé mais il ne faut pas en abuser.
Le mal de la justice est le mal du siècle, victime du terrorisme, la loi n'est plus appliquée, la paix sociale a fait place à la préservation personnelle.
Comment expliquer que les professionnels du droit ignorent la loi en rendant des jugements iniques, qui ne peuvent que mécontenter les justiciables
Comment expliquer cette discrimination envers le justiciable
Comment faire croire à un jugement impartial quand on est sujet à déconsidération
Comment expliquer que les tribunaux lieu de justice soient devenus lieu d'escroquerie,
Les monopoles tout simplement qui ne génèrent que des dérives, monopole de représentation par avocat, qui supprime l'accès au droit, une minorité peut rétribuer un avocat, l'aide juridique arrive beaucoup trop tard, là encore discrimination du justiciable au profit de l'avocat.
Encombrement des tribunaux ? quel mauvais argument, s'il n'y avait pas autant de passe-droit, d'erreurs (une erreur de jugement coûte cher à la société, si l'on compte le nombre de recours qu'il génère). Exemple personnel : un jugement de liquidation judiciaire, sans avoir été assigné régulièrement, a engendré trois ans de procédure, une trentaine d'audience et ce n'est pas fini car la corruption est un mot interdit qui a été remplacé par : erreur.
Soyons sérieux, un mauvais ouvrier a toujours de mauvais outils.
La loi est très simple et tout le monde la connaît, les règles de procédure ne sont là que pour faire vivre les professionnels du droit.
Sans parler de la gestion des dossiers, car on passe presque autant de temps à renvoyer un dossier qu'à le traiter, les renvois d'affaires devraient être exceptionnels comme il y a 25 ans…
Etc. etc.
Comme toute entreprise, problème de gestion et de corruption + corporatisme de mauvais goût, etc.
Je pense même que 75% de mécontents est un chiffre sous-évalué.
Invraisemblable tous ces gens qui ont peur que le ciel leur tombe sur la tête, et ne veulent pas sortir du rang…
Rédigé par : Muriel | 18 février 2014 à 20:52
Citoyens, Citoyennes ! Ainsi vous prétendriez clamer le soulèvement du peuple pour étouffer la Cour ?
Mais votre Cour n'est faite que de petits marquis venus droit du peuple ...
Quoi de plus normal pour votre mandataire de mettre à l'ouvrage en son étude principale l'épouse du parquetier principal, en son étude secondaire éloignée d'une bonne journée de cheval, l'épouse de votre autre parquetier résidant dans votre autre tribunal ?
Vous avez su par cette manoeuvre mettre le vrai peuple à terre ...
Il gronde, il gronde, mais ce ne sera que pour mieux soutenir le premier d'entre eux et élargir les derniers de ceux de ceux qui se cachent dans leur pourpre ...
Rédigé par : Tronchet de Sèze | 29 mars 2006 à 12:03
assez d'accord avec Roynard sur la primauté de la conformité au droit. Quant à la confiance des français en la justice, que penser de leur goût pour les procès au civil
Rédigé par : brigetoun | 24 février 2006 à 21:35
On trouve toujours beaucoup de gens, y compris parmi les magistrats, pour évoquer le juste ou l'injuste plutôt que la conforme ou le non conforme au droit. Ca se comprend pour le profane, mais c'est plus inquiétant de la part de magistrat, car si le juste doit de toute évidence avoir une part dans leur office, le respect du droit doit en avoir encore davantage, y compris et surtout la primauté de la règle ou du principe supérieur sur la norme inférieure ou l'instruction administrative ou gouvenementale. Par ailleurs, je ne pense pas qu'il faille "avoir la foi" en la justice comme institution mais avoir le droit comme valeur fondamentale, ce qui est fort différent, en théorie et plus encore en pratique.
Puisque qqn citait Chamfort plus haut, voici (hélas) un de ses aphorismes hélas toujours d'actualité, plus de 2 siècles après :
« L'Anglais respecte la loi et méprise l'autorité. Le Français, au contraire, respecte l'autorité et méprise la loi ».
On en a eu une illustration récente dans une affaire Köbler c Autriche devant la CJCE (arrêt du 30 sept 2003, affaire C -224/01) où le gouvernement français a défendu le respect à l'autorité de la chose jugée contre la prééminence du droit.
D'un côté donc, la "justice" n'est qu'autorité et moins qu'un pouvoir, et de l'autre côté cette autorité peut faire écran à la prééminence du droit. Dans les deux cas, c'est au profit du "pouvoir" (le vrai), et au détriment des simples individus. Et si la majorité des personnes n'ont pas toutes accès à cet arrêt Köbler de la CJCE où s'étale en pleine lumière la conception nationale dominante (y compris chez la majorité des juges, hélas !), elles comprennent bien, à d'autres signes, que la prééminence du droit reste en France un idéal, parfois atteint mais souvent bafoué.
Je tenais à donner à mes lecteurs l'occasion de se convaincre par les dires mêmes des pouvoirs publics français devant la CJCE de la validité de mes dires.
Rédigé par : ROYNARD | 18 février 2006 à 09:17
Cher Monsieur Bilger,
Votre billet m'évoque un aspect de la Justice peu évoqué en ces temps de débat sur la présomption d'innocence et qui me paraît pourtant important à aborder.
Je veux parler du travail des Juges pour Enfants.
Je suis enseignant au Collège, ma compagne éducateur spécialisé, et nous avons, par des approches très différentes, le témoignage régulier des conséquences des décisions prises par ces Magistrats.
Il se trouve que nos modestes expériences nous confirment la description que fait Maurice Berger dans "CES ENFANTS QU'ON SACRIFIE... AU NOM DE LA PROTECTION DE L'ENFANCE". Il est toujours délicat de donner une référence, on peut ne pas être d'accord avec l'auteur sur l'ensemble de ses conclusions, mais ici, il se base sur des cas concrets qu'il a lui-même vécu en tant que pédopsychiatre, aussi la lecture de son ouvrage me paraît important.
Il remet en cause une petite partie des Juges des Enfants (pour Enfants?), dans le cadre de décisions de placement en cas de maltraitance.
Parfois mettant en balance intérêt de l'enfant et intérêt des parents (alors que seul l'intérêt des enfants devrait être concerné), parfois cédant à la croyance que seule la cellule familliale peut, à terme, permettre l'épanouissement de l'enfant, ces Juges décident ou ne décident pas des mesures qui ont des conséquences dramatiques, parfois fatales, pour l'enfant.
Je ne vais pas décrire les cas bouleversants, où ajoutant au traumatisme que subit déjà l'enfant maltraité, ces Juges par des motivations naïves ou par des manques de courage, non seulement ne sauvent pas ces victimes, mais les enfoncent encore plus laissant des séquelles qui ne laissent place à aucun avenir.
La confiance entre Justice et Citoyen passe aussi par ce que peut faire la Justice pour nos enfants, victimes ou pas.
Force est de constaté, là encore, la lourdeur, le retard par rapport à nos voisins anglo-saxon, l'aveuglement de l'Institution. Cette attitude bien française chez nos élites (dont je fais parti) qui consiste à imposer une confiance de statut plutôt qu'une confiance de fait.
La remise en question permanente, l'humilité, et la capacité à assumer ses décisions, qualités contradictoires qui vous caractérise cher Monsieur, et vers lesquelles j'essaie d'avancer, sont tellement étrangères à ces fonctionnaires, mais également à la plupart des spécialistes, journalistes et acteurs du système, que la notion de confiance est totalement dépassée. Le pragmatisme est de mise si l'on veut trouver des solutions malgré le système et les hommes..
Amitiés,
Marc
Rédigé par : Marc | 18 février 2006 à 08:36
J'aime la Justice, surtout depuis que j'enseigne la procédure pénale, ce droit merveilleux, constant équilibre entre l'intérêt de la société et la protection des libertés de chacun.
J'aime la Justice comme idée, parce qu'elle est utile, nécessaire même, intelligente et que l'homme a réussi à l'instaurer.
Mais j'ai peur de la Justice. Je n'ai pas attendu Outreau pour cela ; il m'a suffi d'imaginer une privation de liberté, une vie sans autre but que de réparer en se privant. Alors j'ai eu peur que cela m'arrive. Et je ne suis pas d'accord avec celui d'entre-vous qui dit que cela n'arrive pas à tout le monde. A-t-il déjà conduit une voiture ?
Et je sais aussi que cette peur est utile...
Jean-Dominique parle de cet entretien avec Badinter. A un moment, ce dernier dit qu'il n'aurait jamais pu priver quelqu'un de sa liberté, qu'il n'aurait pu être juge. Je le rejoins sur ce point. Jean-Dominique, quant à lui, n'a jamais porté plainte. Je le rejoins aussi. Pourtant je me souviens du mal ressenti après un cambriolage. Ce n'était pas une atteinte à la propriété pour moi, ce n'était pas un vol ; c'était plus une atteinte à mon intimité, et elle a fait mal.
Alors, abstraitement, c'est très beau de dire qu'on ne portera pas plainte, mais peut-être faut-il penser au mal que peuvent ressentir les autres face à de telles atteintes.
Ce qui ne signifie pas que je porterais plainte... L'homme est ambivalent, comme la procédure pénale, et comme... la Justice.
Rédigé par : Frédéric Lamourette | 15 février 2006 à 13:18
Tant que l'on ne condamnera pas fermement cette mentalité française du "il n'y a pas de fumée sans feu", celle-là même qui fait de tout prévenu un condamné, la Justice Française devra compter en décennies le temps qu'il faudra pour réparer les heurts causés par la vindicte populaire.
Certes, celle-ci ne s'exprime qu'insidieusement par le jeu des "meurtriers présumés" disséminés ça et là dans la presse, par l'ostracisme social organisé autour des prévenus, par le simple regard du quidam qui réagit plus qu'il ne réfléchit.
La Justice se doit d'être l'ultime rempart du raisonnement et de l'objectivité car le facteur humain si impérieusement nécessaire, risque d'être la cause de trop nombreuses erreurs judiciaires et partant, de la décrédibilisation de l'institution judiciaire.
L'objectivité, la "droiture" passe aussi par des magistrats juste et accessible, en d'autre termes ni distants, ni froids, ni proches, mais "à l'écoute".
En effet, si la presse s'autorise les lynchages médiatiques au mépris de la présomption d'innocence, si les forces de police aiment trop souvent jouer les bras vengeurs, si la population se laisse trop guider par ses instincts primates, il ne reste que le Tribunal pour faire éclater la Vérité et préserver la dignité humaine.
Mais que la tâche du magistrat devient ardue, si "seul" contre le poids des pressions extérieures.
C'est pourquoi il incombe de condamner fermement et sans réserve cette presse, ce flic et ce quidam car c'est universellement qu'il faut rappeler que "Tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit déclaré coupable", art.9 Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Rédigé par : Nemo | 15 février 2006 à 13:05
Heureux de vous compter parmi les chameliers.
Rédigé par : Jean-Luc Masquelier | 15 février 2006 à 08:39
Merci Philippe pour votre blog qui fait réfléchir…Notamment, la question de l’inégalité des citoyens face à la possibilité de saisir les tribunaux m’interpelle particulièrement en ce moment…Elle rejoint les témoignages que j’ai relevés dans plusieurs blogs, comme celui de Christophe Grébert ou celui de Bruno de Beauregard sur la manière dont certains élus abusent des moyens à leur disposition (pouvoir + argent des contribuables) pour se construire une immunité juridique « quasi-imparable » qui remet en question l’égalité des droits des citoyens, au fondement même de la démocratie…
Rédigé par : Marianne | 15 février 2006 à 00:52
Je voudrais relever le passage d'un commentaire qui semble laisser entendre que la judiciarisation est un "mal" de notre époque, n'est-ce pas plutôt parce que les gens, le tout venant, mr et mme tout le monde, ont appris à se saisir justement de cette justice que nos tribunaux sont débordés?
Ne serait-ce pas plutôt un progrés?
L'accés à sa propre défense étant simplifiée, les dossiers s'en trouvent gonflés et les affaires deviennent de plus en plus lourdes à gérer.
Dans cette affaire d'outreau on voit bien tout de même que les avocats de la défense ont fait leur travail, qu'ils ont étés présents et qu'ils ont tentés de faire bouger les leviers de la justice.
Au 19ème siècle, on imagine bien qu'aucune défense n'aurait existée et que l'affaire aurait été nettement moins volumineuse puisqu'en tout état de fait ces gens auraient été irrémédiablement condamnés.
Il me semble que les plaintes de ce genre relévent plus de la tentative de manipulation des esprits que d'une réalité.
Les gens ont une justice et ils l'utilisent c'est plutôt bon signe!
Rédigé par : strand | 15 février 2006 à 00:11
@Laurent Gloaguen : Le blog de céans s'appelant "Justice à l'écoute", ne vous offusquez pas trop qu'on y parle boutique. Si l'auteur voulait nous entretenir de sa passion secrète pour la Tyrosémiophilie, ce blog s'intitulerait " A l'écoute de Philippe Bilger".
Ne blâmons pas l'auteur de s'effacer derrière le thème qui lui tient à coeur.
Rédigé par : Eolas | 14 février 2006 à 19:12
"Pour paraphraser Chamfort, c'est bien d'être effacé mais il ne faut pas en abuser."
le philosophe ou le chanteur ? :-)
"quiqu'il" soit , il me plait d'après ces écrits non vains là !
ps : si vous vous présentiez aux présidentielles alors je voterais pour vous tant vous me faites rêver ( c'est si rare de nos jours ) !!!!!!!!!!!
jo manchot , pensa !
Rédigé par : Cactus Jo | 14 février 2006 à 17:58
Dimanche dernier, Robert Badinter faisait sur France-Inter une remarque lumineuse : la justice française s'est construite comme une contrainte de l'Etat sur l'homme, elle porte les stigmates de l'arbitraire royal, à la différence de la justice anglaise qui, avec l'habeas corpus, s'est positionnée comme protectrice. Et le système judiciaire français est l'héritier des anciennes juridictions religieuses sur lequel il s'est calqué. Aux formules "au nom de Dieu" ou "Au nom du roi", on a simplement substitué la formule "Au nom du peuple français". C'est moins la méfiance qui est gênante que la peur : nous voici revenu au temps médiévaux où la justice était perçue comme un instrument du pouvoir déshumanisé et dont les verdicts tenait davantage du doigt mouillé.
Autre concept problématique : l'Etat de droit. Beaucoup de dictatures sont des Etats de droit, cela ne constitue pas une vertu en soi. La justice applique les lois, c'est son rôle, mais que peut-on comprendre moralement de décisions condamnant par exemple des faucheurs volontaires d'OGM? Je ne prends pas partie sur le sujet mais je constate que ces lois qui sont appliquées ne protègent que des grosses entreprises. La loi est faite dans l'intérêt général mais il y a un glissement : d'une loi qui doit être bonne pour tous on passe à une loi qui prétend n'être mauvaise pour personne...
La confiance dans la justice, c'est aussi cela : l'inflation législative fout une trouille bleue à celui qui doit s'y confronter et les magistrats n'y sont pour rien.
Enfin, la justice s'est voulue elle-même lointaine et terroriste. Son langage moyen-âgeux digne des médecins de Molière est délibérément construit pour n'être pas accessible au commun. La robe rouge de l'avocat général ou du président d'assises rappelle le pouvoir de requérir ou de prononcer la peine de mort. Cette présence du sang a de quoi terroriser. Que penser de ce débordement d'hermines des rentrées judiciaires qui sont d'un autre temps ?
Les symboles sont toujours forts dans des situations émotionnelles intenses et la justice semble avoir toujours préférer imposer le respect plutôt que le conquérir. La justice royale se moquait bien d'avoir la confiance des justiciables, elle n'était que le bras séculier de la puissance de l'Etat. En démocratie, nous prétendons que cette justice doit être faite pour les citoyens et non contre eux : il s'agit pour le moment d'une simple pétition de principe dans la mesure où les symboles d'ancien régime n'ont pas disparus, avec les comportements de hauteur qui vont avec.
En vérité je ne pense pas que les français ont moins confiance dans la justice qu'auparavant. Ils vivaient simplement dans l'idée que c'était pour les autres et maintenant ils savent qu'on peut venir les sortir du lit à 6 heures du matin.
J'ai constaté ce changement de mentalité : lors d'un premier procès d'assises qui fut suivi d'une cassation, je pouvais compter les soutiens sur les doigts d'une main : défendre un condamné même innocent, quelle idée!. Trois procès plus tard, notre comité de soutien ne désemplit pas. La cause n'a pas changée mais les gens sont désormais concernés.
PS : je n'ai jamais porté plainte de ma vie, malgré des vols de voitures (vieilles il est vrai) ou d'effets personnels, ayant toujours eu peur d'envoyer mon voleur en prison alors que je me serais juste contenté de récupérer mes affaires.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 14 février 2006 à 09:39
si la justice est un service public, ce blog est une oeuvre de salubrité publique. continuez philippe, votre blog doit devenir un modèle pour tout homme de pouvoir.
si trop d'éloges vous incoforte, n'hésitez pas à ne pas diffuser ce commentaire, dusse votre amour de la liberté d'expression en souffrir ;-)
Rédigé par : lionel | 14 février 2006 à 08:41
@ Parayre
je suis d'accord avec vous mais, pour désencombrer les prétoires des litiges qui pourraient se résoudre amiablement avec un peu de bonne volonté, il faut empêcher lse avocats de pousser à la consommation judiciaire tous ceux qui les approchent.
une solution peut être de rendre obligatoire, au civil, en toute matière, la tentative de conciliation avec le concours d'un médiateur.
qu'en pensez-vous ?
Rédigé par : ALCYONS | 14 février 2006 à 02:38
Je partage votre point de vue lorsque vous considérez que le recours à la Justice s'accompagne nécessairement de la tristesse de ceux qui n'ont plus qu'un espoir.
Il faut être poussé à bout pour saisir les tribunaux, parce que la Justice est - lorsqu'elle concerne le quotidien civil - un luxe. Combien de fois nos (les avocats) sont le premier obstacle pour une personne physique, pouvant lui faire renoncer à faire valoir ses droits, et ce alors même que sa situation juridique est aussi limpide que favorable.
Pourtant, les prix parisiens en moyenne basse sont assis sur un taux horaire compris entre 120 et 180 euros (étant précisé que 50% de la somme est reversée par l'avocat en cotisations et impôts divers, même si - bien entendu - je ne sous-entend nullement que leur suppression, voire leur réduction, suffirait à réduire les prix pratiqués), et - mais je manque par définition d'objectivité - j'ai le sentiment qu'ils correspondent à une rémunération correcte des prestations.
Or, nombre d'agents économiques usent de cette barrière financière en tant qu'arme absolue d'une guerre des nerfs. Naïvement sans doute, je suis convaincu que la défiance d'une partie de la population envers le "légal" et sa mise en oeuvre judiciaire provient aussi de l'atteinte à l'autorité de la loi portée par le fait que la Justice soit nécessairement la dernière chance. Si la saisine d'un juge n'était pas à ce point improbable, l'efficacité des lois n'en serait-elle pas que plus grande ? Par exemple, je suis toujours amusé par l'écart entre la rigueur des dispositions du code de la consommation et son intérêt pratique, puisque bien souvent l'enjeu d'un litige ne correspond même pas à une heure de consultation.
Ce sujet "sale" de l'argent n'est pourtant que la version pragmatique de "l'accessibilité à la Justice" (c'est nettement plus raffiné). Peut-être est-ce par cette porte que devraient débuter les réflexion sur le thème, car comment avoir confiance en ce à quoi on ne peut prétendre ?
Rédigé par : Imbemol | 14 février 2006 à 02:07
Vous parlez beaucoup "boutique", enfin, c'est le sentiment que vous me laissez. J'imagine que votre vie est peuplée d'autres sujets d'intérêt. Je sais comme il est désagréable de se voir infliger des requêtes de lecteurs qui se prennent pour votre rédacteur en chef, cependant, si vous nous donniez quelques billets sur d'autre sujets en votre qualité d'honnête homme, nous serions intéressés. Car, pour tout vous dire, à moins d'être justiciable, les arguties de l'appareil judiciaire ne sont guère passionnantes. "Au risque de lasser", vous dites. Pour le commun des citoyens, les magistrats ne sont que des fonctionnaires parmi d'autres, guère plus enviables, voire respectables, que la guichetière du Trésor public. Parce que l'honneur d'être magistrat, cela nous parait tellement suranné, à qui en incombe la faute ?
Rédigé par : Laurent Gloaguen | 13 février 2006 à 23:06
Question subsidiaire:
Et quid du rapport sur les conditions d'incarceration en France ?
Ca fait un peu moyen-age tout ca.
Enfin, bon, tout le monde (les parlementaire) s'en fout: les braves gens ne vont pas en prison, et ne sont jamais envoyes en depot...
Apres tout, on pardonnerait d'autant mieux l'erreur des juges si les conditions de mise au frais n'etaient pas si indecentes.
Rédigé par : nimbus | 13 février 2006 à 22:19
Au risque de passer pour votre thuriféraire - non rémunéré je rassure les critiques - j'approuve , une nouvelle fois , votre analyse : vous avez raison , notre société doit croire en sa Justice et cette dernière en elle-même .
Ce crédo , cette profession de foi sont toutefois mêlés d'effets pervers et surtout d'illusions : l'excés de justice et de recours à l'institution judiciaire - paradoxal au regard du sondage par vous commenté - me semble , comme à beaucoup , un des maux de notre siècle naissant qui peut devenir un siècle contentieux .
Cessons de penser que la Droit , la Justice , le juge sont des potions magiques susceptibles de guérir tous les maux dont nous souffrons !
Consommons-les mais , avec humilité autant que modération !
Cessons de chercher et de trouver nos repères perdus dans le Droit et de les demander aux juges !
Oublions Outreau et le pénal - vision réductrice de l'institution - et observons , pour une fois , la famille : si le rôle du juge s'y est tant développé , c'est bien que ses crises sont de plus en plus nombreuses , que ses membres , invités par le législateur , préfèrent les soumettre au juge , s'en décharger sur ce dernier afin qu'il apporte la paix chez soi ou avec les autres .
Ironie de la situation , là où la dépendance au droit et au juge est la plus importante , c'est là où les individus se croient le plus libres , dans l'union libre et la famille naturelle : c'est elles qui sont les plus soumises au contrôle judiciaire .
Les amants de la liberté sont pris au piège du droit et du juge comme si l'on trouvait la liberté de l'union libre dans la servitude des lois .
Arrêtons donc , je me répète ,de recourir au droit , au juge .Trouvons en nous -mêmes nos propes ressorts .Le " mal " est en nous : le remède principal est en conséquence en nous .Ni le juge , ni la loi , ni les forces de sécurité ne peuvent se substituer entièrement à nous !
Ainsi , nous aurons une institution judiciaire saisie de situations méritant son intervention et qui pourra enfin , dans un " délai raisonnable " , trancher de vrais conflits relevant de sa compétence .
Rédigé par : Parayre | 13 février 2006 à 21:31