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18 février 2006

Commentaires

Aubin

Je trouve que vous expliquez très bien, cela m'aide pour ma recherche.
Merci et bonne soirée.

Goupil

Lu dans le Monde de ce jour

Colère contre le procureur général de Paris
LE MONDE | 02.03.06 | 14h17


La présidente du procès en appel de l'affaire d'Outreau, Odile Mondineu-Hederer, a évoqué avec colère la conférence de presse tenue par le procureur général de Paris, Yves Bot, dans la salle de la cour d'assises de Paris, juste après le réquisitoire prononcé par Yves Jannier, le 30 novembre 2005.


"Nous avions eu une audience particulièrement émouvante. Pour la première fois de ma carrière, j'avais entendu un avocat général faire des réquisitions qui étaient une démonstration d'innocence. A la suite de cette intervention, le procureur général, Yves Bot, a pris la parole, dans le cadre de ses réquisitions. Là, je n'avais rien à dire. Puis j'ai levé l'audience jusqu'au lendemain matin. Alors que je revenais dans la salle, quelle n'a pas été ma surprise d'y voir le procureur général et la presse ! J'étais abasourdie. La salle d'audience, c'est le président qui en est le maître, l'accusation n'a pas à se l'approprier (...). C'est une question de déontologie et de respect des jurés. Le lendemain matin, les jurés étaient extrêmement troublés par ce qu'ils avaient entendu au "20 heures". Ils se demandaient s'il était encore nécessaire qu'ils décident. Je les ai réconfortés, je leur ai dit que la décision était entre nos mains seules et ils ont rendu leur verdict en toute indépendance


Question : aurait-il eu quelque chose à se faire pardonner ce Pocureur Général ?

Goupil

@Voltigeur

Vous parlez de ce Charles, grand démocrate chef de ce Michel ex amateur de bazooka et de pays réel / pays légal), qui a déclaré à sa conférence de presse du 31 Janvier 64 : "Il doit être évidemment entendu que l'autorité indivisible de l'Etat est confiée tout entière au Président par les peuple qui l'a élu, il n'en existe aucune autre, ni ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire, qui ne soit conférée et maintenue par lui…" faisant dire au constitutionnaliste A. Hauriou "Trois versions et presque trois constitutions nouvelles sont sorties l'une de l'autre pendant onze années (commentaire personnel : plutôt six années ?) à la manière de ces poupées russes qui s'emboîtent les unes dans les autres et au milieu desquelles on finit par trouver le noyau de bois dur : la constitution de 58, la constitution de 62, la constitution qui s'est affirmée à partir de la conférence de presse du Président de la République du 31 janvier 1964".

Je crois deviner ce que vous suggérez dans votre invitation à aller voir de près ce qui se passe dans la justice du quotidien.

Vous avez tout à fait raison mais je n’ai pas compris que Yves Michaud dans sa prise de position se désintéresse de ce que le citoyen pourrait ressentir face à cette justice du quotidien.

Quant au CSM et à ses rapports, faut il pleurer ou en rire quand on voit comme hier dans le Monde le Professeur Rousseau donner des leçons au Professeur Michaud en particulier sur le contrôle des magistrats.

Peut être verrons-nous dans les semaines à venir qu’Outreau n’était pas le sommet de ce que l’institution judiciaire nous réserve en terme de dysfonctionnement et de dérapages de ses membres.

Et ces dérapages, c’est le citoyen qui les vit en direct et la démocratie qui se fait piétiner (voir les divers procès politiques de ces dernières semaines…).


Voltigeur

@ Goupil :

Montesquieu a certes inspiré les articles 6,14 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, et Locke son article 2. Mais aucun des deux n'a inspiré les articles 64 à 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, qui doit plutôt à la volonté d'un certain Charles, à la compétence juridique d'un certain Michel et de quelques conseillers d'Etat. Le peuple français, ce souverain véritable, a approuvé le projet de Constitution de 5ème République par referendum du 29 septembre 1958 à la majorité de 79,25% (soit 17 668 000 voix environ), avec une abstention de 15,6%.

Plutôt que de lire les rapports du CSM, l'honorable professeur de la faculté de philosophie de Rouen emploirait mieux son temps à parcourir un manuel de droit constitutionnel et à fréquenter quelques audiences du Tribunal de Grande Instance de la même ville. Il pourrait ainsi mesurer l'écart qui existe entre enseignement de l'histoire des idées politiques en faculté et pratique du droit en juridiction judiciaire.

Voltigeur

@ Jean-Marie Lemaire :

Cher Monsieur,

Vos souvenirs d'études vous trahissent. Vous mélangez les procédures civile et pénale, mais encore les adages latins avec les règles de droit.

Présenter le malmenage du juge Burgaud comme la juste sanction de ses erreurs commises durant l'instruction, c'est commettre une double erreur de raisonnement. D'une part, l'intervention de la loi et du juge répressifs ont précisément pour objet de se substituer à la vengeance privée. La justice n'est pas une vendetta menée par la victime, mais l'application de la loi à une situation de violation de manière à recréer un lien social entre l'auteur et la victime de cette violation. La justice est rendue au nom de la cité (dikê), du "peuple français", et non pas au nom d'un hypothétique chef de clan ou père de famille (thémis). La différence entre les deux, c'est l'intervention d'un tiers incarnant la loi, initialement exclue de la situation justiciable du fait du comportement d'une des parties. D'autre part, le juge n'est pas sur un pied d'égalité avec les parties au procès. Ici encore, là où la vengeance conduirait conduirait à jeter à son tour en prison un juge qui se serait trompé, le droit prévoit des recours contre la décision (et non son auteur) : appel, cassation; et le régime de responsabilité personnelle du magistrat est strictement limité à deux hypothèses : faute lourde ou déni de justice (L.781-1 Code de l'organisation judiciaire). Si vous permettez que la responsabilité personnelle d'un magistrat puisse être engagée pour la moindre petite erreur d'appréciation commise, la sienne ou celle de son greffe, les magistrats ne rendront plus leurs décisions en application de la loi, mais en considération du risque d'engagement de leur responsabilité personnelle. Et là, les citoyens lambda risquent fort d'avoir de très sérieuses raisons de se plaindre.

Le sacrifice du juge Burgaud serait une régression grave de l'état de droit en France. La commission parlementaire commence, semble-t-il, à s'en rendre compte.

Goupil

Un témoignage de qualité dans le Monde d'hier : celui du philisophe Yves Michaud qui parle haut et fort.

Je ne puis qu'applaudir sa conception de la démocratrie.

Une justice sans contrôle et sans limites ?, par Yves Michaud
LE MONDE | 23.02.06 | 13h53 • Mis à jour le 23.02.06 | 13h53


ors de son audition par la commission d'enquête parlementaire, le juge Burgaud, venu avec deux avocats de crainte de commettre une bévue qui pèserait sur son sort administratif futur, ne fut à aucun moment capable de s'élever à la moindre réflexion sur la pratique judiciaire, y compris quand une grosse perche lui était tendue.



Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) adopte la même attitude défensive et butée, l'arrogance en plus, quand il invoque aujourd'hui pompeusement "les principes fondamentaux de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire" pour dénoncer le travail de cette même commission, en s'adressant à un chef de l'Etat qui, pour être son président, est peut-être assez mal placé pour exemplifier la probité.

Le fameux principe de la séparation des pouvoirs sert aujourd'hui si souvent d'argument pour défendre le droit de la magistrature à s'autogérer sans égard à sa responsabilité sociale ni aux comptes qu'elle a à rendre aux citoyens qu'il est bon de rappeler quelques points de théorie politique et juridique qu'apparemment on n'enseigne plus aux magistrats.

La doctrine de la séparation des pouvoirs est fondamentalement politique. Elle concerne, chez Locke (philosophe anglais, 1632-1704) comme chez Montesquieu, l'organisation des rapports entre les pouvoirs législatif et exécutif. On la retrouve plus tard sous le même jour chez des juristes comme les constitutionnalistes français Duguit ou Carré de Malberg (au tournant des XIXe et XXe siècles).

Dans la théorie lockienne, le judiciaire est juste l'attribut général de l'Etat. Il ne fait jamais l'objet d'un traitement séparé, hormis quelques remarques sur l'honnêteté attendue des juges. Montesquieu parle, lui, de pouvoir judiciaire, mais sa doctrine de la séparation des pouvoirs est avant tout tournée contre le despotisme des princes et, comme l'a noté Carré de Malberg, elle a en fait été créée en vue des monarchies. La Déclaration des droits de l'homme, en son article 16, vise de la même manière l'organisation de l'Etat et non spécialement l'indépendance du pouvoir judiciaire. Ce n'est donc pas parce qu'une formule commode est devenue un lieu commun qu'elle doit être détournée de son sens. Il faut plutôt rappeler à nos hauts magistrats, dont on se demande s'ils sont en l'affaire ignorants ou malhonnêtes, que pour Locke, pour nombre de ses prédécesseurs et successeurs, y compris ceux qui ne sont pas partisans de ladite séparation des pouvoirs, le judiciaire doit naturellement être indépendant et probe, non partisan, connu et autorisé. Autant de qualités qui nécessitent le contrôle des citoyens. Montesquieu est encore plus explicite en recommandant que la puissance de juger, "qui peut détruire chaque citoyen par ses volontés particulières", ne soit pas donnée à un Sénat permanent mais "exercée par des personnes tirées du corps du peuple, dans certains temps de l'année, de la manière prescrite par la loi, pour former un tribunal qui ne dure qu'autant que la nécessité le requiert" (De l'esprit des lois, XI-6).

Il ajoute que la terrible puissance de juger ne doit être attachée ni à un certain état ni à une certaine profession. On se frotte les yeux en pensant que l'Ecole de la magistrature, qui forme notre caste magistrale, est située dans la ville natale de Montesquieu. Encore heureux que le juge Burgaud ne sorte pas d'une promotion baptisée de ce nom éminent...

S'il y a une préoccupation au coeur de la doctrine de la séparation des pouvoirs chez Locke comme chez Montesquieu, c'est celle de leur équilibre : les Constitutions doivent être ainsi faites que les différents pouvoirs se limitent entre eux. Si l'on devait donc invoquer à toute force la séparation des pouvoirs, ce serait pour dire que le problème gravissime auquel nous confrontent des dérives judiciaires du type de celle d'Outreau est celui d'une absence de contrôle et de limitation du pouvoir judiciaire quand il n'est limité que par lui-même - quand il n'y a pas balance des pouvoirs.

Quelle que soit la dignité dans laquelle se drape le Conseil supérieur de la magistrature, on doit aussi lui faire valoir quelques autres arguments embarrassants. La composition dudit Conseil et les procédures de nomination de ses membres (nomination pour l'essentiel par le pouvoir présidentiel) autorisent-elles sans rire à parler d'indépendance ? Ne faut-il pas manquer de pudeur pour revendiquer la plénitude d'une autonomie à laquelle on a accédé dans de telles conditions ?

D'autre part, les rarissimes décisions disciplinaires prises par ledit Conseil (6 radiations en cinq ans pour une population de 7 500 magistrats) témoignent d'un corporatisme protecteur que l'on ne tolérerait d'aucune profession normale. Je renvoie là-dessus aux données publiées par le rapport annuel d'activité du CSM, quand il existe et qu'il ne se perd pas en verbiage.

Il faut surtout rappeler que, dans une démocratie, il y a, Locke l'a dit et Rousseau redit, un pouvoir supérieur, celui des citoyens ou du peuple. C'est l'âme ou l'esprit de l'Etat. Je sais bien que la Constitution de la Ve République donne la prééminence à l'exécutif, qui n'est lié au peuple que par le fil grossier et distendu de l'élection présidentielle au suffrage universel. On a vu en 2002 sur quelle farce cela pouvait déboucher.

A travers la commission d'enquête parlementaire sur Outreau, la représentation nationale a manifesté à nouveau sa dignité éminente et, finalement, sa prééminence. C'est un petit début, mais il serait bon que nos juges comprissent qu'ils sont au service des citoyens et pas de leur "état" ni de leur profession à eux, pour user des termes de Montesquieu, ici pertinents.


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Yves Michaud est philosophe et fondateur de l'Université de tous les savoirs.

YVES MICHAUD



Lemaire Jean-Marie

Monsieur l'Avocat Général,

Ne ressort-il pas de ce procès à Outreau et de cette audition publique télévisée, une chose que tout le monde semble avoir oubliée :"Actio incubit probatio!" ? C'est pourtant bien le principe de Droit qui devrait prévaloir et qui, il me semble, ne fait que passer en second lieu. On nous parlera de l'intime conviction du juge, preuve "juris tantum", si mes souvenirs d'études ne me trahissent pas! Sous-latent : "Le doute profite à l'inculpé, le suspect, l'accusé" Appelez-le comme vous voulez!.
Autre chose à propos du juge Burgaud, il se plaint d'avoir été "malmené" par cette commission d'enquête, alors qu'il a commis des erreurs avérées dans son instruction!OK, et lui n'a-t-il pas malmené, sans guillemets, les inculpés, il les a envoyés en préventive pour de longs mois, "Nemo auditur propriam turpitudinem allegense!".Il ne devrait pas se plaindre de ce qu'on lui inflige, lorsqu'il a infligé la même chose, en pire , aux autres
Voilà ce qu'un citoyen lambda pense de tout ceci
Je vous remercie pour la patience que vous avez eue à me lire et vous présente mes salutations les plus respectueuses

Voltigeur

@ Eolas :

Cher Maître,

Les enregistrements audiovisuels des procès que vous mentionnez l'ont tous été dans un but de constitution d'archives audiovisuelles de la justice (loi n°85-699 du 11 juillet 1985, aujourd'hui codifiée sous les articles L.221-1 sq Patrimoine), et non de diffusion immédiate pour information de l'opinion publique. J'étais jeune à l'époque, mais je ne me souviens pas avoir vu des extraits de l'audience du jour ou de la veille aux informations du journal télévisé. Je pense que le problème posé par l'enregistrement et la diffusion en léger différé de l'audition du juge Burgaud était assez similaire : la commission parlementaire n'a-t-elle porté atteinte au bon déroulement des débats en autorisant les media à enregistrer et retransmettre en léger différé ?

Quoi qu'il en soit, bien ou mal menée, l'audition a eu lieu. J'espère surtout que la commission parlementaire sortira d'une certaine ambiguïté sur le sens de sa mission.

Cordialement,

Eolas

@Voltigeur : la magistrature, et même l'instruction étaient représentées au sein des parlementaires, et ma profession ne l'était pas moins, pour que nos députés ne s'en laissent pas compter sur le secret de l'instruction. Or au lieu de cela, le président, dès son intervention liminaire, a offert cette echappatoire au substitut Buraud (il n'est plus juge depuis longtemps), sans doute par souci de ne pas refaire le dossier. Peine perdue, puisqu'il a été refait et abondamment critiqué par les autres membres de la commission, le juge ayant le choix d'esquiver toutes les questions par de vagues "il y avait d'autres éléments au dossier". Cette audition était faussée d'entrée, d'où une certaine amertume. La commission Vioux a à mon avis rendu un rapport sur la base du dossier mais du seul dossier. Je ne crois pas qu'il soit publié hélas.

Et le procès Barbie n'est pas le seul à avoir été filmé : celui de Maurice Papon et celui de Paul Touvier l'ont été également.

Parayre

Robinson Crusoe nous a enseigné que " le plus haut degré de la sagesse humaine est de savoir plier son caractère aux circonstances et de se faire un intérieur calme en dépit des orages extérieurs . "

Face au " cataclysme " d'Outreau , pour reprendre l'expression qui vous est chère , il faut "raison garder " , ouvrir les yeux non sur les scories de l'accessoire mais , sur la lave déferlante de la démocratie , tendre l'oreille vers les cris des humbles et des souffrants que symbolisent les " acquittés " de Saint-Omer et de Paris .

Le corps judiciaire , au lieu de se montrer une nouvelle fois et a piori , avant même qu'elle soit arrêtée ou décidée , rétif à toute réforme , doit accepter la mise en cause par"la représentation nationale " de ses modes de pensée et outils traditionnels .

S'il n'entend pas mourir vieux et arthritique , contesté dans sa légitimité et raillé sur ses démarches comme sur les résultats de son action , il convient qu'il accepte , même dans leurs excés inévitables , les regards extérieurs et mette à profit ces derniers pour réviser ses auto-jugements comme ses définitions empreintes de certitudes .

Ainsi , il verra vrai autour de lui et en lui .

Chacun des ses membres , en cette période " d'orage " , me semble appelé à l'effort de se placer dans une société de mouvement cruelle pour les aveugles et pour les sourds , pour ceux qui avancent vers le futur , les yeux fixés sur le rétroviseur ,qui refusent d'entendre les voix de ceux qui les questionnent avec plus ou moins de mesure sur leur fonctionnement .

Détenteurs de pouvoirs considérables sur leurs semblables , il est naturel , c'est un euphémisme , que les magistrats en répondent et qu'ils acceptent la critique . Comment pourraient-ils récuser cette dernière , alors que , apparente banalité mais unique fondement de leur légitimité , ils n'agissent , jugent , condamnent ou absolvent " qu'au nom du peuple français" et par une délégation INDIRECTE d'une portion de sa souveraineté ?

Selon un sage proverbe indien , " c'est dans le silence qui suit l'orage , et non dans celui qui le précède , qu'il faut chercher la fleur en bouton . "

Or , à mon humble avis , l'éclosion de celle-ci ,ne pourra qu'être favorisée par l'engrais de la querelle actuelle faite aux juges qui , en somme , n'est qu'une forme de combat pour le droit à laquelle il leur appartient , bien evidemment et par essence , de participer.

Jean-Dominique Reffait

Je suis en accord total avec vous, y compris sur le fait qu'il ne convient pas non plus d'aplatir l'amour-propre des magistrats, pas plus que celui des plombiers polonais. Des trois pouvoirs institutionnels, le pouvoir judiciaire est le seul à n'avoir aucune légitimité démocratique, c'est un choix de base. De ce fait, cette légitimité est exercée par l'expression de souveraineté populaire qu'est le Parlement et, sauf à prétendre que la justice est au dessus de la souveraineté populaire, celle-ci se trouve tout naturellement sous le contrôle de la représentation nationale et les magistrats, comme tous les fonctionnaires, y sont soumis. Ils rendent des comptes devant le peuple parce qu'ils rendent la justice en son nom.
Cela dit je crains une crispation corporatiste pouvant osciller entre la grève du zèle et l'autisme renforcé de magistrats. J'ai bien entendu les syndicats de magistrats avant les auditions de MM Burgaud et Lesygne : ils se voient bien dans le rôle de ceux qui savent ce qu'il faut réformer, ils n'ont pas de mots assez durs pour les politiques. Mais sitôt qu'un des leurs est mis en danger, foin des réformes, on resserre les rangs et on reprend les vieilles habitudes des coups de mentons.
Je crains en effet que dans la justice quotidienne, on n'assiste à un durcissement : "vous ne nous aimez pas, alors nous ne vous aimons pas, et comme nous tenons le manche, c'est vous qui trinquerez." Simpliste ? Pas tant que ça : qu'est ce qui a changé dans la détention provisoire depuis Outreau ? Rien, on continue d'embastiller au mépris des principes de la loi. La tentation peut exister de démontrer que ce ne sont pas les juges mais les politiques qui sont responsables des dysfonctionnements : manque de moyens, inflation répressive. Je dois instruire à décharge ? Ca prendra six mois de plus, et tant pis pour les dossiers qui attendent. Pas content ? Allez voir votre député, je n'y suis pour rien.
On en peut nier que certains avocats-députés tiennent une forme de revanche mais n'est-ce pas aussi la réponse à des décennies de suspiscion de la défense par ces mêmes magistrats ? Un jour, la facture se présente et elle est salée.

Nota : Le CSM est très sélectif dans ses indignations. Dernièrement un avocat général a déclaré à l'attention d'un assassin : "Je vous maudis en ce moment pour ce que vous avez fait, et la société que je représente aussi". Quel est ce langage d'inquisiteur dans la bouche d'un fonctionnaire impartial ? Depuis quand un magistrat de la République invoque-t-il la damnation éternelle ?

Eric Nicolier

Autant j’étais inquiet au démarrage des travaux de cette commission, et en particulier l’audition du Juge Burgaud, autant je suis agréablement surpris de la manière dont tout ceci se déroule finalement. Certes on peut constater des dérapages ici ou là, mais tout ceci pourrait être tellement pire !

Et voilà que débarque un beau matin l’argument de la « séparation des pouvoirs », brandi comme une sorte de carton rouge en direction d’une commission qui franchirait les limites de l’admissible. Que l’on me permette d’appeler à la rescousse ce brave abbé Dinouart : « il vaut mieux se taire lorsqu’on n’a rien à dire qui vaille mieux que le silence ». Que diable, il n’a jamais été interdit à la représentation nationale de s’interroger sur le fonctionnement d’une institution !

L’argument de la séparation des pouvoirs fait d’autant plus sourire lorsqu’ici ou là on lit dans la presse telle déclaration d’un magistrat commentant les orientations politiques prises par un gouvernement en matière de sécurité. On en lit chaque semaine ou presque. Pour ma part cela ne me choque pas, car au contraire c’est ainsi que la démocratie fonctionne. Pourtant ne serait-ce pas ici une forme d’atteinte à la séparation des pouvoirs ?

Il y a quand même dans ce pays plus que des freins à la réforme, mais plus simplement des freins au simple débat public. Outreau le révèle, entre autres choses.

Sur un sujet connexe, j’attends avec une certaine impatience l’audition par la commission de représentants de la presse. Pourtant je m’attends – allez tant pis j’assume le procès d’intention – à une belle démonstration de poncepilatisme, autrement dit de ce syndrome si courant, appelé plus trivialement, le « je-m’en-lave-les-mains » !

Voltigeur

Monsieur l'Avocat général,

Juste deux observations à faire sur votre plaidoyer en faveur de la patience, que j'approuve par ailleurs entièrement :

1. Les députés de la commission parlementaire ne sont pas à cheval sur deux mondes, mais députés à part entière et se sachant parfaitement protégés par leur statut parlementaire.

Député depuis 1993, Houillon n'est plus depuis longtemps placé sous l'autorité disciplinaire d'un quelconque conseil de l'ordre. Il lui serait d'ailleurs difficile de siéger comme juge à la Cour de justice de la République s'il pouvait subir des pressions par l'intermédiaire d'une autorité ordinale. La remarque peut être généralisée à Vallini et à Garraud. Ceci étant, vous avez raison, un politique pur comme Caresche s'est montré prudent dans ses déclarations aux media.

2. Une autre explication me paraît possible à cette volonté des politiques de se mettre à la place immobile et intouchable des juges : récupérer un peu de l'autorité (morale) de ces derniers, alors qu'eux-mêmes ont vu la leur sérieusement écornée par une succession d'affaires... judiciaires, qui ont éclaboussé toute la classe politique : parlementaires, membre du gouvernement, élus locaux, dirigeants de partis politiques. Le meilleur moyen d'obliger la magistrature à en rabattre un peu devant le pouvoir politique n'est-il pas de tenter de salir l'autorité judiciaire ?

Plus fondamentalement, cette tentative des politiques de s'ériger en juges est vouée à l'échec. Pour dire le droit, un juge (du siège) doit s'extraire du litige, prendre de la distance à l'égard des parties. Un politique ne remplit son rôle qu'en faisant l'inverse : il doit fixer et tenir une ligne d'action, quitte à affronter de manière violente et passionnelle le camp adverse. L'ambiguïté de la mission de la commission parlementaire me paraît se résumer à cel. Comme vous, j'attends ses conclusions pour savoir notamment si elle aura adopté le point de vue d'un juge ou celui d'un politique sur l'affaire d'Outreau.

Voltigeur

@ Eolas :

Certes, après l'instruction, en principe secrète, il y a l'audience de jugement, qui est publique. Même publique, l'audience se déroule à l'intérieur d'une juridiction.

La seule audience judiciaire intégralement enregistrée en France à ma connaissance est celle du procès Barbie, enregistrée pour des raisons historiques, et diffusée en différé, c-à-d après l'arrêt définitif de condamnation.

Le juge Burgaud a certes accepté la présence de micros et caméras lors de sa séance d'audition, qui n'était pas une audience judiciaire. Mais le déroulement de celle-ci n'a-t-il été manifestement influencé par cette présence ? Le juge Burgaud n'était-il pas fondé, pour tenir compte de cette présence, à opposer le secret professionnel, ce qu'il a fait sans le dire au moyen de réponses un peu évasives ?

Eolas

@ Bulle : l'invocation du secret de l'instruction me semble saugrenu dans ce dossier. Le secret de l'instruction, comme son nom l'indique, ne couvre que l'instruction, pendant la durée de celle-ci. La justification est double : préserver la présomption d'innocence (on sait ce qu'elle a valu dans ce dossier) et préserver l'enquête, que les autres impliqués n'apprennent pas par la presse où en sont les policiers. Soit. Mais quand l'instruction est terminée, les éléments qu'elle a révélés sont débattus publiquement devant la cour d'assises. Il n'y a plus de secret de l'instruction qui tienne. L'invoquer maintenant est aussi aberrant que le serait invoquer le respect de la présomption d'innocence de ceux qui ont été condamnés dans ce dossier.

Eolas

Je ne puis que me désoler de voir ce débat que l'on sait indispensable, et aux enjeux tellement importants, dégénerer en attaques d'opportunité : que les députés interrogent, parfois durement, un magistrat qui a failli et qui est si hésitant, jusque dans son ton, à se remettre en cause, et c'est la séparation des pouvoirs qui est en danger. Que les magistrats s'offusquent qu'un de leurs collègues soit ainsi malmené, et c'est le corporatisme qui seul peut expliquer ce comportement.

C'est à désespérer.

Alexandre

Indépendamment de l'attitude des députés, la retransmission télévisée de ces débats a permis au simple citoyen de se faire une opinion sur ce qui a pu se passer à Outreau, au delà de l'agitation médiatique, nous avons des yeux et des oreilles. Ce débat public me semble plus important que la défense de tel ou tel intérêt catégoriel de politiques ou de magistrats !

Fievet Marc

Bonjour,

Je viens de publier sur l'Aviseur déchaîné, le communiqué de presse du député Jacques Myard traitant du CSM.
Je pense que vous êtes mieux placé que moi pour faire un commentaire à ce communiqué réactif...
Sincérement
Marc Fievet
www.marcfievet.com

MOREL

Merçi pour ce commentaire qui permet de constater le danger de parler au nom d'une institution ou d'une catégorie de la société.Nous avons besoin de temps, mais aussi de silence dans une société qui n'existe que par le bruit et la rumeur.Il y a cependant un point qui pour le citoyen de base apparait de plus en plus flagrant dans les confrontations entre les différents pouvoirs c'est leur éloignement du monde réel et leur impossibilité de plus en plus manifeste d'être des représentants de cette société civile.Les tours d'ivoire nous ignorent!!!!

Félix

Qui met les points sur les i.

Bulle

Constat : messieurs Fenech et Houillon, si on s'en tient à l'impact des questions et des images, ne semblaient guère à l'écoute du juge Burgaud. Ils révélaient leur impatience à voir la fonction du juge d'instruction disparaître. Je ne sais s'ils ont raison ou tort mais on n'attendait pas d'eux à ce moment-là cette position-là. Trop pressés messieurs les députés ! Et c'est le lendemain que le CSM aurait dû réagir. Mais l'audition du juge Burgaud semble avoir anesthésier la France…
Constat : on peut se poser des questions aussi sur la séparation des pouvoirs mais d'une autre manière… Les députés qui siègent à cette commission ont, semble-t-il, pour la plupart été magistrats ou avocats et même Garde des Sceaux. Si leur formation leur donne peut-être une réelle compétence pour saisir les nuances du dossier, ce sont des hommes et des femmes qui ont déjà une opinion forte du judiciaire par leur propre histoire et qui, selon leurs partis, ont déjà des idées pour le réformer. L'audition du juge Burgaud ne semblait intéresser certains députés qu'en fonction de leur agenda politique. Tout était déjà joué avant l'audition.
Question : le juge Burgaud avait évoqué au début de son audition que le CSM lui avait demandé de respecter le secret de l'instruction lors de son audition. Dans sa lettre au Président de la République, le CSM évoque à nouveau ce secret. Qu'en est-il ? Le juge Burgaud pouvait-il dire toute la vérité ?

ALCYONS

Monsieur l'Avocat Général,

Comme d'habitude, vous avez trouvé les mots qu'il fallait pour exprimer tant ce que les politiques de bonne foi et les citoyens de base ont ressenti en prenant connaissance de la contestation de la représentation nationale par des fonctionnaires qui voudraient se gouverner tous seuls parce qu'il ont réussi un concours, que ce dont Philippe HOUILLON, et votre ancien collègue FENECH, d'ailleurs, devraient se souvenir pour ne pas donner du Parlement une image aussi excessive que celle donnée de l'autorité judiciaire par les annonements de Fabrice BURGAUD.
Vous êtes formidablement précieux et si vous n'existiez pas, il faudrait vous inventer pour faire bouger les lignes avec mesure et élégance.

Dromas

Je vous conseille également de lire l'éditorial de Jean-Paul Busnel sur le même sujet sur :
http://jpbusnel.over-blog.com/

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