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24 mars 2006

Commentaires

aspasie

monsieur bilger,j'aimerai savoir si vous permettez parfois aux bloggeurs de vous poser des questions. comme vous avez pu le lire sur mon premier message,je suis etudiante en droit.ma demande ne concernerait nullement mes cours mais porterait sur la profession de juriste et, pour faire court, la necessité d'etre objectif. j'ai essayé de susciter des reflexions sur des forums juridiques mais force est de constater que les réponses n'ont guere afflué. je comprendrais tout à fait que cette demande puisse vous incommoder en raison de vos responsabilités professionnelles etc..vous remerciant de m'avoir lu

aspasie

je souhaite simplement exprimer mon enthousiasme.en effet,je suis venue par hasard sur ce blog(mais aussi sur ce site) et quelle n'a pas été ma surprise.(une etudiante en droit)

Jean-Dominique Reffait

Bel effort, Philippe, que de renoncer dans ce bel exposé, à évoquer le risque du sophisme, premier constituant cependant de l'art oratoire politique ou judiciaire. Socrate, maître du dialogue, de la parole échangée, s'est constamment opposé aux sophistes, maîtres du discours, de la parole univoque.
C'est d'ailleurs une mécanique intellectuelle révélatrice qui vous a fait passer de Barella et des relations avec les politiques au thème de la parole, comme si le conflit évoqué reposait sur la légitimité respective de la parole, sur sa différence de nature profonde.
Il est parfois nécessaire de parler pour ne rien dire, non pas tant pour occupper l'espace que pour éviter que le silence soit plus lourd de sens que la parole. Je me méfie de l'éloquence, sans doute parce qu'on m'en prête et que j'ai toujours la crainte de convaincre par la seule forme et non par la force du fond. Mais le fond tout nu n'est pas convaincant, il lui faut un smoking pour séduire l'esprit. Car, au delà de tout, il s'agit de convaincre. La difficulté réside dans ce funambulisme : convaincre sans falsifier, sans forcer le trait. Conduire l'autre vers la découverte de l'évidence, dont il ne pourra plus se passer car, autant il retournera le propos dans tous les sens, il n'y trouvera aucune escroquerie intellectuelle.
Autre chose : notre époque est bien méfiante et c'est maintenant devenu une tare que d'être éloquent : embobineur, manipulateur. Le silence, les cris, les larmes sont devenus plus crédibles qu'une parole qui se développe dans la raison.

Marcel Patoulatchi

mike, à quoi évalue t-on la disparition de « la parole donnée » ? L'histoire, la grande comme la petite, n'est-elle pas truffée de grandes et petites trahisons ?

didier, je n'ai pas le sentiment que monsieur Bilger propose que « l'espace devant nous doit être utilsé pour un retour à ce qui se faisait dans le passé » mais exprime là un certain optimisme volontariste. Pour reprendre vos termes, il me semble que l'idée exprimée est celle que « l'espace devant » ne tient qu'à nous, tout simplement.

Sinon, c'est sympathique de rêver d'un âge d'or, d'un apogée de la pensée, en évoquant les salons de l'époque moderne. Mais il ne faudrait surtout pas oublier que ce furent des micro-phénomènes dans la vie de la société française. Ils n'ont certainement pas plus rempli les têtes d'idées que notre monde contemporain. Les têtes qu'ils ont remplies l'étaient d'avance.

Voltigeur

Monsieur l'Avocat Général,

Ce qui est à l'agonie, c'est seulement une certaine conception de la rhétorique, centrée sur l'ethos et le pathos et recherchant l'édification des âmes. Ce paradigme classique de l'éloquence, qui est né avec la Réforme et l'essor de la science au XVIème siècle et qui a longtemps interdit à la rhétorique de se soucier du logos, a vécu. En restituant en 1958 une place soigneusement délimitée au logos - le champ du vraisemblable, Perelman et Toulmin ont ouvert la voie à un rééquilibrage des trois dimensions constitutives de toute rhétorique. Je suis à peu près certain que le bâtonnier de Paris et la plupart de ses confrères présents à ce colloque n'ont pas mesuré l'évolution.


Même la parole médiatique n'est pas absolument nouvelle. La médiatisation oblige seulement à distinguer désormais l'ethos effectif de celui qui parle - qui n'est plus forcément l'orateur - et l'ethos projeté par l'auditoire sur celui qui parle, ce dernier ne coïncidant pas exactement avec le premier.

La rhétorique a toujours été, est encore et sera toujours une parole en recherche d'efficacité. L'éloquence classique ne constitue qu'un paradigme limité et aujourd'hui dépassé par les tentatives récentes de formulation d'une définition enfin unifiée de la rhétorique et de l'argumentation.

Si j'étais culotté, je signalerais à votre attention qu'à côté de votre ouvrage sur le droit de la presse se trouvent sur le même rayonnage en librairie deux autres ouvrages, les n°2087 et n°2133, où tout cela est fort bien expliqué. Oserai-je ? Non, je n'ose pas.

Respectueusement,

Didier

Je n'aime guère la dernière phrase de votre note : "Tout ce dont on déplore la disparition, comme si nous n'y étions pour rien, relève, pour son retour, de notre seule responsabilité. La solution n'est pas derrière nous mais devant."
Proposeriez vous que l'espace devant nous doit être utilsé pour un retour à ce qui se faisait dans le passé ? Je crois que mon inteprétation n'est pas la bonne mais cette phrase est ambiguë.

Parayre parle d'Alembert. Disciple de Mme du Deffand, amoureux transis (voire plus peut être) de Julie de Lespinasse, on en revient à l'esprit des Salons du XVIIIème siècle, haut lieu des idées et de l'éloquence. Au risque de passer moi aussi pour un vieux grincheux, disons que notre époque a rempli les têtes mais que celles ci demeurent néanmoins extrêmement vides. Voilà sans doute une raison pour laquelle, l'éloquence au service des idés est bien rare. Certains blogs me redonnent espoir.

Jean-Luc Masquelier

Paroles... Et la musique, alors ?

Quel dommage qu'on ne puisse vous envoyer par ici quelques paroles sonnantes sur quelques notes trébuchantes! Cela vous aurait fait sourire le Dimanche.
Cette note est excellente. Parole d'auteur.

mike

Vous n'avez pas abordé le sujet du respect de la parole donnée qui semble aussi en train de disparaître. Et cependant que de promesses éloquentes!
Cordialement.

Parayre

" Nascuntur poetae , fiunt oratores " , on naît poète , on devient orateur selon l'axiome prêté à Cicéron ...

Jean d'Alembert , le 19 décembre 1754 , lors de son installation à l'Académie française , a prononcé un discours superbe sur l'éloquence en général et sur celle de son prédecesseur , M. de Surian , évêque de Vence .

Je ne résiste pas au plaisir de vous résumer la teneur de son propos qui rejoint celle de votre note .

Il affirme d'abord que " l'éloquence est le talent de faire passer avec rapidité et d'imprimer avec force dans l'âme des autres le sentiment profond dont on est inspiré . Ce talent sublime a son germe dans une sensibilité rare pour le grand et pour le vrai ; la même disposition de l'âme qui nous rend susceptibles d'une émotion vive et peu commune , suffit pour en faire sortir l'image au dehors ; il n'y a donc point d'art pour l'éloquence , puisqu'il n'y en a point pour sentir ."

Il ajoute que " le sublime doit toujours être dans le sentiment ou dans la pensée , et la simplicité dans l'expression ."

En résumé , pour ce savant encyclopédiste , l'éloquence nécessite de grands sujets : seul ce qui nous élève est la matière propre de l'éloquence par le plaisir de nous sentir grands ...

Boulgakof

Et les muets, comment ils font? Ils n'ont pas de personalité? Plus sérieusement, en remplaçant le mot parole par expression, je suis d'accord en tous points de vue. Et par expression, on inclu les arts. D'ailleurs, dans une conversation, les expressions du visage et du corps vont autant compter que les mots, comme pour la danse ou le théatre.
L'agonie de la parole dont vous parlez me parait être un phénomène bien français. Ecoutez des ploiticiens canadiens parlez, et on pourrait se croire revenus du temps de PMF.
Un élément d'explication: Nous aimons trop les mots, pas assez les phrases. Par exemple, quand on dit "libéral", on y associe immédiatement tout plein de connotations: droite, capital,... pas forcément légitimes, et l'interlocuteur se crispe sur ce mot, alors qu'il n'est pas forcément central dans le message. 1:Ces raccourcis de la pensée peuvent provoquer des court-circuits qu'il est prudent d'éviter. De la prudence à la peur... de la peur à la faiblesse.
2: en un mot, on en dit tellement... c'est si facile alors de cliver, de marquer les esprits...
Peut-être est-ce dû à la faible accentuation du français de France. On ne le chante pas, à moins de passer pour un guignol ou d'être soupsonné de vouloir dramatiser. Il nous est donc plus difficile de souligner un point crucial dans une phrase à plusieurs propositions, ou tout simplement de vivre intensément ce que l'on est en train de dire.

Marcel Patoulatchi

Devant un aussi brillant exposé, il est facile de se sentir petit, se demander si on a la parole et l'éloquence, l'un des deux seulement ou aucun !

Je ne suis pourtant pas adepte de la flagornerie mais il est dur de ne pas être littéralement scotché.

J'ai lu ce billet tantôt, je n'ai depuis rien trouvé de valable à ajouter, pas matière à commenter.

Chapeau bas, donc.

brigetoun

suggérez vous de garder le silence si l'on n'a rien à dire, que l'on sent suffisamment vrai ? Un procès ne pourrait il pas se transformer en rencontre de poissons rouges ?

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