La commission parlementaire en a presque fini. Elle va devoir maintenant proposer et inventer. Dans la période politique qui est la nôtre, avec cette volonté apparente d'action mais cette attente fébrile de l'élection présidentielle, il est clair qu'elle ne pourra aller au-delà d'aménagements procéduraux imposés par le constat qu'elle n'aura pas manqué d'établir et, je l'espère, par le bon sens. Ce n'est pas une révolution clé en main qui nous sera offerte, mais quelques réformes qui, pour ne pas subir le sort habituel - effervescence puis routine - seront à "cibler " avec une pertinence particulière, sans démagogie ni frilosité .
Rien n'est gagné puisque le syndicalisme n'a rien appris. La preuve en est cette manifestation prévue pour le 14 mars qui, à nouveau, va associer l'Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature pour une série de revendications vagues et défaitistes à proclamer en robe sur les marches du Palais de justice de Paris. Je crains fort que ce rassemblement à contretemps dégrade autant notre image que la bronca avec jets de codes devant le ministère de la Justice en 2003.
Pour en revenir à la Commission, force est d'admettre que peu de pistes nouvelles ont été ouvertes, sans doute parce que l'essentiel était de chercher une explication à des comportements qui ne renvoyaient pas seulement à des problèmes de structure mais aussi à l'inévitable perversion de l'excellence par une quotidienneté surchargée, donc moins vigilante.
Cette difficulté d'analyse était aggravée par le fait que certaines des interventions les plus remarquables - je pense notamment à celle du Conseiller Mariette - étaient parfois gangrenées par une idéologie qui déplaçait le débat sur un terrain inapproprié. Ainsi, ce n'est pas le tout-sécuritaire absurdement dénoncé qui expliquait l'acharnement médiatico-judiciaire contre la pédophilie mais un mouvement plus profond, moins politique que lié aux inquiétudes d'une société. Une société qui ne sait plus où donner de l'angoisse, dans un mélange de réalités justement craintes et de phantasmes qui s'en nourrissent et les font naître. La justice suit, sans rester à l'abri de ces troubles mélangés.
Il est cependant manifeste qu'ont été mis en évidence des points de fixation et des possibilités de progrès. Avant de les examiner, il convient d'évoquer la formation des futurs magistrats et avocats.
Pour les premiers, si on reste fidèle au modèle de la grande Ecole professionnelle, reste toutefois à désenclaver l'enseignement de tout ce qui amplifie le corporatisme et l'ubris - la démesure dans l'exercice du pouvoir. Cela signifie que non seulement les meilleurs d'entre nous doivent être conviés pour cette pédagogie dans une pluralité intellectuelle qui en garantirait la richesse mais qu'une infinité de personnalités extérieures à notre monde - et dans tous les secteurs - viendrait y faire souffler l'air libre de la société. L'apprentissage technique est fondamental mais à condition qu'il soit élargi à ce qu'on pourrait appeler le principe d'humanité. Celui-ci n'a pas vocation à être enfermé dans la sphère du coeur mais doit devenir une composante importante de l'appréciation professionnelle. Il faut en finir avec cette irruption dans l'espace judiciaire de jeunes gens à la pensée pauvre, au langage étriqué, à la culture réduite et à la politesse minimale. C'est la faiblesse de cette conjonction qui constitue le préoccupant déficit d'humanité. En même temps, il ne s'agit pas de faire de l'auditeur de justice le doute et l'hésitation incarnés. Une phrase comme celle prononcée par le directeur de l'ENM - "Il ne faut pas que les juges pensent détenir seuls la vérité " - est ravageuse. Bien sûr qu'ils doivent penser détenir cette vérité mais cela ne signifie pas que dans leur alchimie intime ils aient à oublier, pour irriguer l'intelligence, la contradiction qu'on leur apporte ou qu'ils se donnent ! Enfin - et je ne prétends pas être provocant - aucun magistrat ne devrait pouvoir être nommé à son premier poste sans faire l'objet d'un véritable contrôle psychologique qui, à la fois, aiderait au choix des fonctions et permettrait d'écarter les quelques "malades" de la personnalité décelés trop tard dans notre système.
Les avocats : ils bénéficient depuis Outreau d'une cote d'amour en contraste avec l'opprobre collectivement épandu sur la magistrature. Il m'apparaît que cette sanctification n'est pas plus pertinente que la diabolisation à laquelle elle prétend s'opposer. Ce n'est pas mon propos aujourd'hui de mettre en lumière tout ce qui profondément distingue magistrats et avocats, notamment sur le plan du rapport à la vérité et de l'intérêt social. Pour ma part, je considère que ce serait une grave erreur de méconnaître ces différences en faisant confiance au seul barreau pour la description des dysfonctionnements - dont la responsabilité, comme par miracle, ne lui incombe jamais - et pour les propositions sur les pratiques de la magistrature. Je sais bien que l'avocat, parce qu'il défend, est revêtu par les naïfs d'une aura qui résiste à tout tandis que le magistrat, parce qu'il est nécessairement inférieur à l'idéal de justice, se laissera trop volontiers décrier.
Comme il est raisonnable - et souhaitable - de prévoir que la place du contradictoire, donc de l'avocat, sera amplifiée dans les projets à venir, la formation verra son importance accrue. En effet, à côté d'avocats excellents voire exceptionnels, que de comportements qui ne laissent pas bien augurer d'une période où les pouvoirs de la défense seraient augmentés ! La procédure la plus cohérente perdrait tout sens si elle ne confrontait que des professionnels discutables d'un côté et de l'autre. Or, le barreau est trop volontiers satisfait de lui-même sur le plan technique. Il n'hésite jamais à s'offrir la facilité de prendre la magistrature comme bouc émissaire de ses propres carences.
Les évolutions clairement positives, dont la Commission a déjà laissé entrevoir la nature, tiennent à la prescription de délais et à l'exigence de publicité.
Le code de procédure pénale prévoit la gestion du temps et la rapidité des réponses à apporter, notamment aux demandes de mise en liberté. Mais de plus en plus le magistrat instructeur et les chambres de l'instruction se trouvent confrontés à une bureaucratie complexe qui détourne de l'essentiel : une administration à la fois efficace et humaine de la justice. Les délais nouveaux auxquels on songe offriraient le mérite d'imposer un regard régulier sur des pratiques qui actuellement dépendent trop de la plus ou moins grande passivité du mis en examen et de l'initiative du juge d'instruction. Cette instauration de rendez-vous judiciaires obligatoires contraindrait le magistrat à rendre compte des raisons de son action ou inaction et à justifier le plus important : la durée des détentions provisoires. Elle serait un formidable outil pour favoriser un vrai contrôle et freiner le cours interminable de certaines procédures. Au fond, pourquoi ne pas l'avouer ? On passerait d'une volonté de protection du justiciable à l'ère du soupçon à l'égard du juge. Celle-ci serait gage de progrès parce que tout ce qui conduit à justifier l'exercice d'un pouvoir et l'accomplissement d'une activité va dans le bon sens .
Pour compenser, il serait bienvenu d'abolir les inextricables embarras qui résultent par exemple du fait qu'un mis en examen a la faculté de déposer autant de demandes de mises en liberté qu'il le souhaite sans être tenu d'attendre l'issue de chacune. De telle sorte que les cabinets d'instruction et les chambres du même nom sont encombrés par un entrelacs absurde qui n'est pas loin de les détourner d'une approche sérieuse des dossiers, même si l'article 148 alinéa 3 du code de procédure pénale permet dorénavant de répondre par une seule décision à plusieurs de ces requêtes . Il n'empêche que l'approfondissement du travail et de l'analyse qu'on exige des magistrats se doit d'avoir pour inévitable contrepartie un allégement des formes et de la surabondance procédurales .Les garanties sont moins une affaire de papier qu'une confrontation de visages, qu'une parole et qu'une écoute. Puissent les politiques percevoir que sur ce plan, depuis longtemps, quelle que soit la philosophie inspiratrice, on a étouffé le souffle de la justice sous les contraintes de bureau !
Les avantages de la publicité ne sont plus discutés aujourd'hui. La justice se montrant est naturellement moins suspectée. Elle se révèle aux citoyens, aux médias et rend d'autant plus respecté le secret nécessaire aux développements de certaines procédures. Elle favorise également la qualité professionnelle de chacun, qui est transcendée, si on sait ne pas succomber à l'histrionisme, grâce au regard porté sur le fonctionnement de l'institution. Les audiences des chambres de l'instruction et l'activité juridictionnelle du juge d'instruction devront se plier à cette exigence. Le secret demeure toujours la pierre angulaire de notre système parce qu'il rassure par l'autorité solitaire ou collective qu'il permet. La justice préfère marcher à reculons vers l'ombre plutôt que s'avancer vers la lumière qui est l'audience . Les mentalités, sur ce plan, méritent d'être métamorphosées autant que les procédures. On n'a pas à se cacher du citoyen. Au contraire, tout démontre que le jugement de la société est d'autant plus équitable sur notre service public que celui-ci sait présenter sans tricher ses grandeurs et ses inévitables faiblesses, se félicitant des premières et s'excusant sans barguigner pour les secondes .
L'éclatement de la magistrature en deux corps distincts et indépendants l'un de l'autre est, aussi, de plus en plus évoqué. Je partage ce sentiment pour plusieurs raisons. Il ne suffit pas, d'abord, de crier que nous sommes tous magistrats, parquet et siège, pour répondre à l'éclatante contradiction de nos démarches intellectuelles . Elles n'ont rien de commun, l'une se réfugiant dans des vertus de neutralité et de réserve et l'autre acceptant un engagement, une implication de bon aloi. Ensuite, notre solidarité née d'une formation commune et d'une proximité professionnelle constante crée une connivence institutionnelle qui interdit de tirer le meilleur profit de la pluralité des regards. La plupart du temps, un regard domine les autres et, dans Outreau, on a pu constater à quel point la symbiose entre le Parquet et le juge était devenue calamiteuse. Autrement dit, la seule manière sans doute de redonner du sens à la contradiction et au débat au sein de la magistrature est de nous faire appartenir, les uns et les autres, à des structures sinon antagonistes du moins différentes et reflétant le contraste de nos missions. Pour ma part, si une loi organique venait à modifier nos statuts, je n'en serais pas marri et y verrais un grand avantage pour la clarté de nos rôles et la lisibilité de la justice. Ce qui m'amuse, c'est de voir qu'on a fait grand cas de cette proposition quand elle a été formulée par la présidente de la cour d'assises d'appel pour Outreau. J'avoue avoir mieux compris, alors, certains comportements qui semblaient vouloir anticiper sur une réforme encore virtuelle . Combien de fois, en effet, ai-je pu sentir chez quelques magistrats du Siège une hostilité à l'égard du Parquet et une bienveillance toute particulière à l'égard des avocats !
On pourrait encore, dans le cadre du système existant, mentionner telle ou telle modification utile. Je ne veux faire réference qu'à une seule, dont la prescription me semblerait de bonne justice, abolissant ainsi un contentieux la plupart du temps dérisoire . La défense a heureusement le droit de demander certains actes au juge d'instruction. Cette excellente disposition oblige le conseil à assister correctement son client et à s'investir dans le dossier. Combien d'avocats se plaignent aux assises de carences qu'ils n'ont rien fait pour pallier avant ! Trop de juges, il est vrai, refusent presque à tout coup d'accéder à ces requêtes par une sorte de susceptibilité mal placée, dépensant en définitive plus d'énergie pour justifier leur refus qu'ils n'en mettraient à accomplir les diligences souhaitées. Pourquoi ne pas rendre obligatoires celles-ci qui sont rarement absurdes, parfois importantes, jamais nocives ?
Enfin, une réflexion de haute volée devrait être menée au sujet d'hypothèses de travail qui, bien exploitées, pourraient aboutir à d'heureuses conséquences. Ne faut-il pas tenter d'élaborer un grand partage procédural, non pas entre les affaires simples ou complexes mais entre celles où l'aveu est judiciairement confirmé et les autres ? Il est absurde, aujourd'hui, de ne tirer aucune conséquence du fait que certains dossiers pourraient voir leur instruction simplifiée pour aboutir très vite à l'audience ?
L'une des faiblesses de la procédure d'instruction est la mise en examen dès la présentation au juge, alors qu'opérée comme une conséquence des investigations, elle aurait plus de poids. Une modification en ce sens appellerait des changements substantiels mais elle aurait le mérite de faire échapper le magistrat à la tentation de s'inscrire tout de suite et durablement dans une veine "à charge " .
Serait-il également concevable de songer à l'instauration d'une collégialité authentique, qui pourrait être saisie pour chaque décision importante de l'instruction : mise en examen, détention provisoire, discussion de l'ordonnance de renvoi ? Je ne suis pas persuadé que le principe d'impartialité serait violé par une juridiction unique se prononçant à des stades différents sur le cours d'une procédure.
On le voit, rien ne sera facile pour la Commission jusqu'au 7 juin. Cela le sera d'autant moins qu'Outreau aurait pu ne pas être .
Dans la procédure pénale avant Outreau, il y avait tout pour échapper à Outreau. Le cataclysme n'était pas inscrit dans la loi et il aurait suffi d'autres comportements individuels et collectifs, d'un contrôle plus affirmé, pour qu'Outreau tombe dans la justice ordinaire. Mais les acquittés ont été si nombreux qu'on n'a pas pu ne pas les voir. Outreau est devenu le tragique prétexte pour une réflexion politique et collective, c'est déjà cela. La justice mise à la douleur du jour et à la portée de tous.
Mais Outreau et ses conséquences ne vont pas nous boucher l'avenir. On a le droit de mettre en examen, de détenir, de condamner après Outreau. La pédophilie continue d'exister, et d'autres crimes, et une infinité de délits. On ne va pas regarder passer le train judiciaire, l'esprit et les bras ballants.
Ce qui fait peur fondamentalement, c'est qu'Outreau est sorti, terrible, d'un défaut d'excellence à tous les niveaux. Ce sont les professionnels qui ont failli. Pas la loi. Pour Outreau, c'étaient eux.
J'espère que demain, ce ne sera pas moi .
Il n'y a pas de problème à « énoncer le simple droit [...] de pouvoir défendre son innocence ». Le problème c'est de croire la presse lorsqu'elle prétend que ce droit est bafoué alors que ce n'est manifestement pas le cas.
Pour le reste, je crois que cela fait plusieurs siècles que l'arbitraire est aboli par principe. Je veux bien entendre qu'il existe des problèmes, des imperfections, des « travers ». Ceci étant dit, je crois que ces travers sont loin de toujours affecter les avocats et de ne jamais les concerner.
Il y a quelques semaines, l'avocat de Cyril Ferez proclama que son client à fait l'objet « d'un passage à tabac pendant un temps important par une quinzaine de CRS ». Cette semaine, dans Télérama, un avocat prétend que « la vérité a été étouffée » concernant les deux jeunes morts après être rentré dans un transformateur en refusant d'obtempérer aux ordres de représentants de la force publique.
Au nom des droits de la défense, on a vite fait de prendre une posture accusatrice qui ne s'encombre guère de présomption d'innocence - voir de tout simplement étayer l'accusation. On a vite fait de se servir de la presse dans une démarche anti-contradictoire pour servir son client... et ensuite de proclamer que les droits de la défense sont mal défendu.
Aussi, on peut se demander dans quelle mesure il est positif de vouloir donner plus de pouvoir dans une procédure judiciaire à des gens qui prétendent normal qu'une avocate signale à des clients l'imminence d'une opération de police les concernant.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 10 avril 2006 à 08:34
M Patoulatchi,
je ne connais pas grand chose au système judiciaire et il est vrai que c'est dans la presse que j'ai pu lire les comptes rendus des audiences mais pourquoi parler d'état d'âme alors que j'énonce le simple droit ,me semble t'il fondamental, de pouvoir défendre son innocence?
Je suis d'accord avec vous sur les emmerdeurs qui mettent en péril les intérets de leur client alors qu'ils sont censés les défendre, mais ils n'ont parfois pas le choix, et les propos de Me Verges sont relayés par d'autres comme l'avocat de Patrick Dils. Les médias peuvent avoir un rôle néfaste, c'est leur déontologie qui est en jeu, pas celle de l'avocat qui ,face à l'arbitraire, et en attendant la grande réforme promise par les politiques, a la possibilité de dénoncer les travers d'un système.Il fut une époque où l'on parlait de Glasnost avec louanges, la transparence est elle nuisible à nos institutions?
Rédigé par : Lallouette Joelle | 08 avril 2006 à 16:08
Lallouette, que savez-vous du temps de parole dont les concernés ont disposés ?
Je vous pose la question puisque j'ai déjà en tête une réponse plausible.
Avez-vous cru certains journalistes qui suggèrent que lors de ce second procès, les accusés n'ont pu « s'épancher sur leur vie », taisant les examens de personnalités qui ont eu lieu au début des audiences ?
(J'évoque cela à http://riesling.free.fr/20060405.html )
Concernant les déclarations de Me Vergès, comme tout le monde j'ai eu tendance à considérer sa simple invocation comme un argument d'autorité valide. Après tout, il a osé tout défendre : des terroristes du FLN, Klaus Barbie, Roger Garaudy, des membres d'Action Directe, Omar Raddad, Carlos, Slobodan Milosevic, etc.
Il semble s'être engagé en défense si fortement, et doit probablement être tenu pour efficace pour que tant de célébrités (si j'ose dire) aient fait appel à lui, pour que son nom inspire le respect.
Pourtant, depuis quelques années, je me demande s'il n'y a pas supercherie. Il est de toutes les émissions où le thème est de proclamer que la Justice fonctionne mal. Mais lui, que fait-il ? Est-il si efficace pour qu'un « Omar m'a tuer » soit effectivement condamné ? Dans quelle mesure crédibilise t-il la Justice ? Plus le temps passe et plus j'ai l'impression que sa notoriété est un prétexte pour critiquer la notion même de Justice sociale.
Ce n'est qu'un avis, bien entendu.
Néanmoins, je vous invite vous aussi à oublier qui il est lorsqu'il s'exprime, à juste écouter ce qu'il dit vraiment. Vous aurez peut-être des surprises.
Dans le cas présent, pensez-vous que l'un avocat s'honore à faire quitter le débat judiciaire de l'audience, à jouer des médias pour influer le déroulement d'une procédure ? N'est-ce pourtant pas le jeu des médias qui semble provoquer tous les emballements ?
A t-on besoin « d'emmerdeurs courageux » plus que d'honnêtes praticiens ? Ca sert à quoi, un « emmerdeur » sinon à faire du bruit là où peut-être il y aura quelque chose à bâtir ?
N'est-il pas évident que lorsqu'on se pose en « emmerdeur », on a toutes les chances de rompre le contact avec ceux ont est censé travailler ? C'est bien beau qu'un avocat joue « l'emmerdeur », ça lui donne une belle posture publique, médiatique : c'est un rebelle (et ça marche dans d'autres professions). Mais sert-il celui qu'il défend en se plaçant en opposition frontale à la Justice au lieu de se placer en défense du mis en cause dans le cadre de la Justice ? Ce prestige médiatique ne se construit-il pas aux dépends des mis en cause ? N'y a t-il pas là un fort risque de contreproductivité, aggravant le mal qu'il soigne en théorie ?
Au final, on peut même aller jusqu'à se demander si, parmi ceux qui font appel à ces avocats « emmerdeurs », certains ne recherchent pas une victoire médiatique sachant la victoire judiciaire impossible.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 06 avril 2006 à 10:59
Merci de l'intelligence de votre propos et de vos suggestions.Raison et humanisme semblent manquer à ce pays et pas seulement dans le domaine judiciaire mais celui ci est essentiel, comme disait M.Houillot, c'est notre liberté qui est en jeu.
Donc que penser de cette surprenante deuxième affaire Outreau?Il ne s'agit pourtant pas du juge Burgaud. En revanche on constate la présence d'un magistrat expérimenté,lui,le procureur Lesigne.Face aux avocats de la défense, la réaction du président semble logique, la justice doit servir la manifestation de la vérité.Mais que ne l'a t'on cherché avant cette vérité? Après mûre réflexion il me semble que le bât blesse du fait des relations privilégiées entre le juge d'instruction et le procureur,comme vous le dites et j'espère avoir compris, mais aussi avec les services de police, un trio qui travaille à charge:ainsi apparait une sorte de noeud gordien qui enserre ceux qui sont, tout de même,dans notre démocratie,présumés innocents.Que penser du peu de temps de parole dont ces gens ont pu disposer? N'a t'on pas le droit de défendre son innocence?Quant aux droits de la défense,Me Verges déclarait qu'un avocat devait faire une conférence de presse si ces droits n'étaient pas respectés;mais tous ne bénéficient pas de la médiatisation de M Verges. Quel avocat, en dehors des ténors du barreau chargés de grosses affaires, prendra le risque de conpromettre ses futurs procès et sa carrière pour dénoncer le traîtement subi par son petit client dans une petite affaire? Et quel journaliste s'y interessera?C'est pourtant la justice au quotidien, celle qui touche de nombreuses personnes.Cet avocat sera peut être,pardonnez moi l'expression, un emmerdeur courageux. Il faudrait certainement plus d'emmerdeurs courageux en France.
Merci de votre attention
Rédigé par : Lallouette Joelle | 05 avril 2006 à 16:48
Vous imaginez la surprise du lecteur moyen ce matin …
«Outreau 2», «Outreau le retour» … au détail prêt que cette affaire bis (et, semble-t-il, avec la même personne dénonçant ses voisins que dans la première) n'aurait pas été suivie par le même juge d'instruction.
De quoi réfléchir sur tout ce qui a été dit sur le juge Burgaud… sans qui commençait-on à croire il n'y aurait pas eu d'Outreau 1
Rédigé par : Bulle | 29 mars 2006 à 11:19
Philippe, vous mêlez très justement la raison et le sentiment dans votre premier "debriefing" de l'après-Outreau. Je ne ferais pas le catalogue de mes accords ou nuances (je n'ai pas de désaccords de fond sur ce que vous écrivez). Je veux relier tout cela et cela prend du temps.
Vous placez la formation des magistrats au centre : en vérité, je ne crois qu'à cela. C'est une manie humaine de vouloir réformer les structures lorsque ce sont les hommes qui les bousillent. Les mêmes hommes bousilleront les nouvelles structures avec la même tranquille assurance. Des aménagements, sans doute, mais que diable, croit-on une milli-seconde qu'un juge incapable, chapeauté par une hiérarchie ajoutant de la passivité à cette médiocrité, rendra une bonne justice dans un autre système ?
Quand on veut éviter les bavures policières, on ne désarme pas les policiers, on recrute à un plus haut niveau et on vérifie, comme vous le suggérez, que le flic de base est apte psychologiquement à porter une arme.
Le juge est armé, on doit donc s'assurer qu'il ne dégaine pas n'importe comment. On doit également s’assurer qu’il est conscient du danger qu’il peut représenter : le tabou de l’erreur judiciaire doit être levé jusque dans sa formation pendant laquelle j’imagine que l’erreur judiciaire puisse devenir une matière à part entière.
Ce sont les hommes qui se jugent entre eux, les concepts, les réformes, les structures, les systèmes sont des cache-misère : dans le système idéal, M. Burgaud et ses accolytes trouveraient encore le moyen de se planter. Je dirais même que c'est au volant d'une Ferrari qu'un chauffard est le plus dangereux car la perfection de la mécanique dissimule l'incurie du conducteur.
Or nous voulons des juges qui sachent conduire, que ce soit une Ferrari ou une vieille 2CV. Nous voulons des juges qui voient le danger arriver et qui l'évitent plutôt que de foncer dedans avec l'assurance du crétin : "J'ai priorité, je passe". Nous ne voulons ni des héros, ni des Zorros, ni des zéros : nous voulons des gens aptes mentalement, capables techniquement et dotés d’un minimum de scrupules.
Il y aura toujours beaucoup plus de juges médiocres que de bons : c'est une règle humaine qu’aucune réforme ne vaincra. Admettons cette misère humaine plutôt que d'imaginer, avec une réforme cosmétique de plus, parfaire la nature humaine. Tous les dieux de l'humanité s'y sont essayés sans succès, c'est peine perdue.
L'impartialité du juge ? Quelle sottise ! Son job est jugement d'être partial, dans le cadre de l’impartialité du fonctionnaire d’Etat : sa méthode est impartiale, sa décision ne l’est pas. Faisons donc en sorte que cette partialité soit à équidistance des autres partialités d'un dossier. Il s'agit plutôt que, de la dialectique équilibrée de tous les intervenants dans un dossier, chacun dans un rôle étayé sur le rôle du voisin, jaillisse une décision qui corresponde vaguement à la justice.
Le juge n’est pas démiurge, certaines vanités dussent-elles en souffrir : il ne fabrique pas la vérité et elle ne lui appartient pas. Elle émerge seule, ou non, d’une alchimie d’autant plus complexe que l’est l’affaire en cause. Le juge peut être l’un des accoucheurs, parmi d’autres, de cette vérité. Mais un accoucheur n’est pas qu’un technicien, il aime le bébé qui nait. Ce qui a manqué à Outreau, et qui manque dans d'autres affaires, c’est l’amour de la vérité.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 16 mars 2006 à 09:31
@ Voltigeur : je ne sais si je suis sous l'emprise de ma "passion" pour les travaux de la Commmission, mais je constate que ses travaux interessent la fameuse opinion publique. La retransmission sur LCP nous permet de nous faire notre propre opinion. Tout cela va jouer dans le climat pré électoral actuel. La Commission le sait. Ceux qui nous répètent sans cesse et avec raison que les pouvoirs du Parlement sont à renforcer sont au pied du mur. Je partage votre avis, la "vraie sanction" sera électorale.
Rédigé par : Didier | 16 mars 2006 à 09:11
@Marcel
Parce que ça permettrait de décharger les tribunaux, de donner un relais local et accessible à la justice et enfin d'humaniser le traitement de la petite déliquence, entre assistance sociale et sanction. Mais ce n'est pas mon blog alors je vais en rester là.
Rédigé par : Boulgakof | 16 mars 2006 à 01:10
L'avenir d'Outreau me paraît soudain très sombre, comme en témoignent cette interférence d'actualités, toutes datées d'aujour'hui.
1) le Conseil d'Etat consacre l'étude de son rapport annuel 2006 aux rapports entre sécurité juridique et inflation législative, en prenant notamment pour exemple les lois intervenues en matière de sécurité. Les parlementaires accepteront-ils d'entériner les propositions faites pour remédier à l'excès des lois ?
2) les considérations politiques reprennent le dessus dans les préoccupations exprimées par les membres de la commission-parlementaire-sur-l'affaire-dite-d'Outreau. La montagne parlementaire oserait-t-elle accoucher d'une souris en guise de rapport ?
3) comme pour allumer un contre-feu, le Président de l'Assemblée nationale, qui affirme devant micros ne pas croire à l'utilité du travail de la commission, commence à parler d'une session doublement extraordinaire en juillet prochain, simplement pour parler de justice sans voter aucune loi.
4) dans le procès des HLM de Paris, les représentants du ministère public ont requis 41 peines d'emprisonnement avec sursis; et les avocats des parties civiles ont plaidé que les principaux protagonistes politiques n'étaient pas renvoyés. Quelle décision va bien pouvoir rendre la 11ème chambre du tribunal ?
Je veux bien croire que la justice sera un thème de la campagne présidentielle. Mais je commence à douter sérieusement qu'une réforme utile puisse être engagée. Pour reprendre l'expression du maître de ces lieux, la "période politiquement utile" de l'actuelle législature semble toucher à sa fin.
Personnellement, j'ai tendance à penser que la meilleure sanction possible du bon ou mauvais travail des élus politiques est la sanction électorale...
Rédigé par : Voltigeur | 15 mars 2006 à 19:44
Boulgakof, moi non plus je ne comprends absolument pas pourquoi on pourrait vouloir donner au délinquant le droit de valider ou pas l'autorité qui le juge.
La délinquant viole la loi pénale, il mérite sanction pénale et en aucun cas liberté de choix de la juridiction de jugement.
Goupil, peut-être serait-il bon de prendre un peu de recul. Les individus ont parfois l'impression de vivre un moment historique. Ou pas. Mais nous n'avons pas de quoi être certain qu'il y aura un avant et un après Outreau, que ces moments soient réellement historiques. Il n'y a pas de quoi non plus préjuger de l'interprétation que fera l'historiographie plus tard d'un rapport qui n'est pas encore sorti.
Exemple : au moment du 11 septembre 2001, certains parlaient d'avant et d'après 11 septembre. Vrai en terme de politique intérieure aux USA. Absolument erroné en terme de politique étrangère.
Autre exemple : au moment des dernières élections présidentielles françaises, entre le 1er et le 2ème tour, il y avait selon certain un cap franchi. Rien de tel n'apparaît flagrant quelques années plus tard.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 15 mars 2006 à 13:27
revenant sur l'intervention de Goupil, serait-il possible en france que de hauts magistrats français en exercice, exercent volontairement une entrave à la recherche de la vérité sur des dossiers de meurtres et de disparitions, en gardant secret le rapport de l'ancien procureur de Toulouse Michel Bréard ? ceci es- il seulement envisageable au seul titre que le rapport du procureur Bréard mettrait gravement en cause le magistrat Bourragué toujours en exercice lui aussi ? Si Outreau révèle de l'incompétence, Toulouse semble révèler une "intention coupable" . Il ne vous aura pas échappé que pour le code pénal cette différence est de taille. Qu'en pense le haut magistrat que vous êtes ?
Rédigé par : jouin | 15 mars 2006 à 12:10
Monsieur Bilger, vous évoquez notament la publicité des débats même à certains stades de l'instruction.
J'ai pour ma part donné mon point de vue suite aux propos du Procureur général de Paris devant la Commission.
Je ne fais pas un copier coller, ca se trouve la:
http://asteroid257.free.fr/?p=17
Rédigé par : asteroid257 | 15 mars 2006 à 00:03
Les médiateurs-juges seraient à la fois juges et parties car représentant la collectivité, certes.
Le rapprochement avec la médiation vient du fait que l'autorité qui prononce la sentence a été choisie par les deux parties. Son autorité est donc plus grande, ainsi que sa connaissance de l'accusé. Je continue à croire que cela pourrait être bon pour le petit pénal, pas pour le civil, bien sûr.
Pour info, PhiB n'est pas fan du tout.
Rédigé par : Boulgakof | 14 mars 2006 à 22:57
Non, Monsieur Bilger,il n'y aura pas un "avant Outreau et un après Outreau".
Outreau ce n'est rien par rapport à ce que nous allons vivre.
Il y aura un avant "la connassance du rapport Bréard" et un "après le rapport Bréard".
L'article de samedi dernier du Figaro magazine laisse présager un scandale sans précédant car, malheureusement pour l'institution judiciaire, l'association "Stop à l'Oubli" a recueilli des témoignages gravissimes relativement au fonctionnement de la justice.
C'est un Outreau à la puissance 100 qui nous attend dans les prochains mois...à moins que le verrouillage des médias continue.
Je vous livre cet article.
Les 37 «oubliés» de l'affaire Alègre
PAR AZIZ ZEMOURI
11 mars 2006, (Rubrique Figaro Magazine)
Après le scandale toulousain, le cas de plusieurs dizaines de personnes, surtout des jeunes femmes, disparues ou «suicidées», demeure sans explications... et sans enquête. Leurs proches demandent des comptes à la justice.
Dans son journal intime, la jeune femme avait noté un rendez-vous avec «Pat» au café de Flourens, contigu au lac où Patrice Alègre avait l'habitude de pêcher. L'endroit, agréable, fait le bonheur de tous les amoureux du coin et des enfants. C'était le 16 août 1989 : Hélène Loubradou, 26 ans, ne donnera plus jamais signe de vie. Hélène se reposait à la clinique d'Aufréry, sur la commune de Balma, à moins de dix kilomètres de Toulouse. Elle se remettait lentement d'une dépression : son petit ami l'avait quittée quelques mois après la naissance de leur fils. Alerté fortuitement le lendemain, Gabriel Loubradou, le père d'Hélène, avec l'aide de la gendarmerie, remue ciel et terre pour la retrouver. On présente une photo au serveur de la brasserie. Il reconnaît Hélène et affirme qu'elle était accompagnée d'un homme dont la description physique correspond à Patrice Alègre. Gabriel Loubradou informe le colonel de gendarmerie, qui n'ordonne pas d'enquête. Aucune audition ne sera retranscrite sur procès-verbal. Le dossier, classé une première fois en novembre 1989, est rouvert quelques mois plus tard à la demande du garde des Sceaux de l'époque, Pierre Arpaillange. Gabriel Loubradou reprend espoir et le chemin du tribunal, documents en main. Las, le dossier est refermé sans plus d'éléments. L'ombre d'Alègre plane toujours. Enseignant, Gabriel Loubradou est muté à la Réunion. Il continue néanmoins de demander des comptes à la justice. En vain. Tout change cependant quand la cellule Homicide 31 est créée, en juin 2000. Ce groupe de gendarmes enquête sur 191 cas de meurtres, disparitions, «suicides» et agressions sexuelles commis entre 1986 et 1997 et restés sans solution. En trois ans, la cellule aboutit à six mises en examen de Patrice Alègre. Le plus ancien meurtre avéré du tueur en série remonte à 1987. La cellule Homicide 31 résout en trois ans un crime laissé sans réponse depuis quinze ans.
Un dossier vide
C'est alors que Gabriel Loubradou entre en contact avec l'adjudant de gendarmerie Michel Roussel, qui dirige les enquêtes au sein d'Homicide 31. « Je l'informe de mes démarches précédentes. L'adjudant m'agaçait, se souvient aujourd'hui Loubradou. Il me faisait répéter ce que j'avais déjà dit aux gendarmes. La première enquête datait de 1989, tout de même ! C'est alors que Roussel, excédé, me montre enfin mon dossier : il était vide. J'étais stupéfait. Toutes les pièces que j'avais fournies ainsi que les témoignages avaient disparu. Je commence à comprendre qu'on s'était moqué de moi pendant tout ce temps-là. Je me rends compte aussi que mon cas n'est pas isolé : d'autres dossiers de "disparitions" ou de crimes maquillés en suicides ont subi le même sort que le mien. Leur point commun : des défaillances au sein de la justice toulousaine.»
Gabriel Loubradou se constitue partie civile, une information judiciaire est ouverte. Dans le carnet d'adresses d'Hélène, les enquêteurs retrouvent une personne qui fait figure de suspect au même titre que Patrice Alègre. Un gendarme auditionne le conducteur de la navette qui effectue le trajet entre la clinique d'Aufréry et le centre-ville de Balma. Il reconnaît en Alègre un «visiteur» régulier de la clinique. Le gendarme établit un procès-verbal. Quelques jours plus tard, cet enquêteur reçoit un appel de sa hiérarchie qui lui ordonne de réintégrer sa brigade d'origine, qu'il avait quittée deux ans auparavant pour rejoindre Homicide 31.
« On a demandé à entendre Alègre, sans succès jusqu'à aujourd'hui», s'indigne Gabriel Loubradou.
Le professeur à la retraite crée Stop à l'oubli, qui regroupe au départ une vingtaine de familles qui vivent depuis trop longtemps le parcours judiciaire semé d'embûches des victimes présumées de Patrice Alègre. Elles réclament justice. Pas vengeance. Elles souhaitent que toute la lumière soit faite sur des dizaines de cas.
Comme celui de Hadja Benyoucef, retrouvée chez elle, le 30 novembre 1987, un couteau en travers de la gorge, une corde au cou, une couche-culotte pliée en huit dans la bouche. Suicidée ! En 2005, un suspect a été mis en examen. Ou encore Edith Schleichardt, disparue le 19 septembre 1990 et retrouvée sur le bord de la route, jupe relevée, une bombe lacrymogène entre ses cuisses. Suicidée ! Une autopsie a révélé pourtant «six dents cassées et un éclat d'émail dans sa gorge», évoquant une probable «mort violente avec intervention d'une tierce personne».
Un substitut souvent présent
Des anomalies ou des dysfonctionnements dont Michel Bréard, ancien procureur de la République à Toulouse, aujourd'hui en poste à Bordeaux, s'est fait l'écho dans un rapport (sous la référence 8PG05 à la chancellerie) remis en janvier 2005 au ministère de la Justice et à Michel Barrau, procureur général de la cour d'appel de Toulouse ; 93 annexes étayent le propos du magistrat. Que dit cette enquête interne ? Elle vise nommément Marc Bourragué, ancien substitut du procureur, chargé des affaires financières au tribunal de grande instance de Toulouse. Le haut magistrat s'étonne de le retrouver régulièrement en travers des procédures qui mettent en cause Patrice Alègre. Michel Bréard fait notamment état des témoignages de trois policiers qui ont reconnu l'ancien substitut comme étant le magistrat présent, avant l'arrivée de la police, sur les lieux du meurtre de Line Galbardi en 1992, crime dont Alègre est suspecté. Marc Bourragué a toujours démenti. Mais l'ancien procureur de Toulouse rapporte qu'en niant par écrit ces faits, Marc Bourragué pourrait être inquiété pour «un délit d'attestation faisant état de faits matériellement inexacts». On retrouve encore le nom de Marc Bourragué dans le dossier de la disparition d'Hélène Loubradou. Lorsque le lieutenant-colonel de gendarmerie se saisit de l'affaire, qui informe-t-il ? Marc Bourragué, spécialisé dans les affaires financières au parquet de Toulouse. Michel Barrau, procureur général, interrogé par l'AFP, a précisé que «ce rapport n'a révélé après examen aucun fait de nature à entraîner des poursuites disciplinaires ou pénales» contre le magistrat mis en cause.
Stop à l'Oubli regroupe aujourd'hui les familles de 27 victimes et a pris en charge dix dossiers supplémentaires. Selon ses fondateurs, l'association compte 700 adhérents et a recueilli 8 000 signatures pour sa pétition «Justice égale pour tous au TGI de Toulouse». Suffisant pour être entendu, par exemple, par une commission d'enquête parlementaire ?
Votre avis ?
Rédigé par : Goupil | 14 mars 2006 à 18:40
Boulgakof, un procès pénal n'est pas, comme vous le remarquez, un procès civil. Ni dans son fonctionnement, ni dans son sens. Alors qu'au civil il est souvent question de trouver un arrangement entre deux individus s'étant mal compris, dont l'idée qu'il existe un médiateur permettant d'arriver à une transaction, au pénal, il est question de trouver une sanction à l'encontre d'un individu s'il apparaît qu'il a commis une infraction (généralement envers un autre).
En ce sens, la justice n'est pas qu'un médiateur entre deux individus, c'est aussi la voix de la société qui s'exprime et qui peine l'auteur d'un acte défendu par la loi.
Dans ce cas de figure, on imagine mal que le prévenu puisse avoir le choix de qui le jugera. L'idée de médiation est hors-sujet. La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dite plaider coupable, a contrario, prend en considération la dimension pénale de la question.
Dire que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est attentatoire à l'égalité devant la justice « cf USA » (vous disiez « de chance » - je ne sais pas si en la matière cela est bien correct) me semble exagéré. Selon moi, l'égalité devant la justice aux USA est diminuée par le fait que les procédures complexes ou graves sont dans une logique du tout accusatoire, où le mis en cause ne peut compter que sur son avocat pour sa défense (avocat dont l'efficacité pourra largement être conditionnée par sa rémunération). Mais le "plea bargain" n'est pas un soi la marque d'une injustice, c'est un mode d'action du "DA office" qui fait gagner du temps. Le mis en cause est libre ou pas de le refuser, le fait qu'il soit riche ou pauvre est sans effet.
Il est vrai que le "plea bargain" n'est sans défaut non plus. Ainsi, il est vrai qu'un innocent pourra être tenté d'accepter un "plea bargain" le disant coupable pour une modique condamnation, pour éviter le risque d'une condamnation plus lourde s'il s'avérait que son innocence n'éclate pas (ie : s'il y a une foule d'indices matériels contre lui, en dépit de son innocence réelle), ce qui n'est pas dans l'esprit de la bonne justice.
Donc, s'il est vrai que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité n'est sans doute pas parfaite, il serait étrange de s'en priver par religion. A mon avis, une telle procédure à un rôle à jouer au coté de la comparution immédiate.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 14 mars 2006 à 10:42
"Mais les acquittés ont été si nombreux qu'on n'a pas pu ne pas les voir"... Votre phrase me fait mal. Par ce qu'elle révèle.
D'habitude, on voit les coupables, toujours, encore. Comme s'il en pleuvait. Il en pleut, c'est vrai. Mais il y a aussi des innocents. Votre phrase est tristement juste. La Justice, dans son ensemble, les politiques, les médias, le peuple français s'est mis à hurler au loup pourquoi ? Parce que le nombre était trop fort pour être passé sous silence. Un mini-Outreau par-ci, un mini-Outreau par là, seuls, misérables, cachés entre deux vraies horreurs, avec des vrais coupables. Les magistrats qui s'occupent de ses affaires, qui s'occupent d'eux aujourd'hui ? Qui se posent les questions avec eux de la justesse de l'instruction ? Personne. Seuls, toujours seuls, surchargés, avec leurs erreurs humaines, leur compétence. La Commission se réunit et rien n'est fait en attendant. A quand la prochaine commission pour un autre Outreau ? La Commission est importante, mais elle n'a pas de réponse à "l'humain". Elle me fait penser à ces trois singes, qui se bouchent les oreilles, les yeux et la bouche. Même si elle entend, que pourra-t-elle dire ? Même si elle dit, qui l'entendra ? Les magistrats ont une formation toute différente à avoir. Changer les rôles, faites tourner les hommes. Qu'il y ait des remises en cause personnelle, que l'humain qui décide de la vie d'autres humains soit "obligé" à la réflexion, à un exercice de style intellectuel qui le fasse passer d'accusateur à défendeur. Alors peut-être, dossier après dossier, il prendra cette habitude de toujours chercher à faire la preuve du contraire de ce qu'il vient de démontrer.
Vous parlez des avocats... ils ont cette habitude. Je vois, je connais des avocats qui, en passant de la défense à la partie civile, d'un procès à un autre, ont cette formation intellectuelle. Ils sont parfois, en tant que défendeur des parties civiles, plus cruels, plus tenaces que les avocats généraux. D'un côté ou de l'autre, ils vont au bout, ils épluchent tout. Mais, et vous savez quel est mon trouble concernant notre Institution Judiciaire qui a détruit ma famille et continue de le faire, force est de convenir qu'ils ne gèrent pas 80 dossiers en même temps, qu'ils ont pléthore de secrétaires, et, sans entrer dans le débat des "honoraires de femmes de ménages", ils ne touchent pas les mêmes salaires.
Ils sont "auxiliaires" de Justice, ce qui veut tout dire. Ils ne sont pas Juges. Leur erreur ne pourra pas leur être reprochée, elle sera toujours reprochée aux enquêteurs. Donnez aux avocats le pouvoir de "contre-enquête", et là, ils seront à leur tour responsables, tout comme les policiers et les magistrats. Mettez la Justice à égalité de droits, mais aussi de devoirs et de responsabilités.
Rédigé par : Armell | 14 mars 2006 à 00:39
Monsieur l'Avocat général,
Quelques piste de réflexion différentes des vôtres…
La "perversion de l'excellence par une quotidienneté surchargée" appelle avant tout des moyens matériels et humains supplémentaires : des locaux; une informatique moderne, sécurisée et connectée en réseau entrez toutes les juridictions et les professionnels du droit qui le souhaitent; des greffiers, et enfin des magistrats. Accessoirement, de la formation continue.
La "société qui ne sait plus où donner de l'angoisse, dans un mélange de réalités justement craintes et de phantasmes qui s'en nourrissent et les font naître" appelle une intervention politique claire et ferme. A l'opposé des pratiques actuelles. On verra bien en juin prochain si la commission parlementaire sur l'affaire dite d'Outreau a choisi de se retrousser les manches ou de déconsidérer un peu plus la classe politique.
Pour la formation des magistrats, une année supplémentaire de formation sous forme de trois ou quatre stages ferait le plus grand bien à nos chers auditeurs de justice. Un stage obligatoire en greffe pour tous, un autre comme observateur en commissariat ou en brigade de gendarmerie, un troisième en service juridique ou comptable d'entreprise ou en cabinet de profession juridique réglementée (avocat, avoué, notaire, huissier). Les auditeurs y apprendraient, avec le mode de pensée et le langage des auxiliaires de justice et des justiciables, une certaine humilité et un certain sens du concret qui ne s'apprend ni dans les polycopiés, ni dans les manuels, ni dans les codes. Le déroulement de ces stages permettrait également de procéder chemin faisant à une évaluation psychologique des auditeurs.
Lorsqu'il est "général", l'avocat défend encore une thèse contre une autre, et des intérêts – ceux de la société – contre d'autres. Il n'est pas un commissaire du Gouvernement. Comment le processus judiciaire pourrait-il aboutir à autre chose que consacrer la thèse seulement la plus vraisemblable parmi celles qui sont dans le débat ? Les magistrats ont trop souvent tendance à croire que la solution de leurs maux se trouve en la personne de cet adversaire supposé de la vérité que serait l'avocat. C'est faux. L'avocat n'est qu'un rouage nécessaire parmi d'autres. Et un avocat gagne désormais mieux et plus aisément sa vie à conseiller qu'à représenter.
Pour faciliter le travail de tous les professionnels du droit et la lisibilité de la loi (objectif de valeur constitutionnelle), un Code de procédure pénale simplifié et refondu, notamment quant aux formes & délais de procédure, serait bienvenu. Le rapport de la commission Delmas-Marty de 1990 pourrait constituer une bonne base de départ pour le travail d'une commission de réforme du CPP, composée de quelques : parlementaires, universitaires spécialistes, magistrats d'en haut et d'en bas, avocats, et représentants des corps de fonctionnaires concernés par cette réforme (greffiers, surveillants de prison, OPJ, travailleurs sociaux, etc.).
D'accord dissocier plus clairement le siège et le parquet, pour généraliser l'institution du bureau des enquêtes pour toutes les affaires simples ne nécessitant qu'une enquête préliminaire ou une procédure rapide (comparution immédiate), pour placer les OPJ sous la seule autorité hiérarchique du parquet et pour instaurer une collégialité d'exception pour les décisions les plus graves d'une instruction.
En revanche, désolé, mais la jurisprudence européenne est très claire sur l'exigence d'impartialité à tous les stades de la procédure. La solution à la difficulté de composer des juridictions impartiales dans les petits tribunaux n'est pas d'apporter un tempérament au droit à un tribunal impartial, mais de refondre la carte judiciaire pour la faire coïncider non plus avec celle des ressorts de compétence territoriale des parlements d'Ancien Régime (cours d'appel), mais avec celle de la répartition géographique effective de la population sur le territoire français; quant aux pôles de compétence spécialisée (financiers, santé publique, terrorisme), ils auraient une compétence territoriale soit calquée sur les régions administratives (comme les cours d'appel) pour pouvoir travailler notamment avec les GIR, soit nationale. Cette réforme de la carte judiciaire vaudrait également pour toute la justice civile, juridictions d'exception comprises. L'organisation régionale et/ou nationale des ordres professionnels d'auxiliaires de justice est déjà largement entamée.
Une procédure pénale qui ne fonctionne correctement que lorsque tous les professionnels du système sont tous à leur niveau d'excellence est une procédure mal faite, taillée seulement pour les services parisiens. Si le greffier moyen commence sa carrière à Paris et se fait souvent muter dès que possible dans sa province d'origine, Paris reste le point d'aboutissement des carrières des meilleurs magistrats et de nombreux autres fonctionnaires. Il ne suffit pas de détacher des conseillers référendaires à la présidence de certaines cours d'appel pour résoudre le problème. Une promotion comme procureur général dans une grosse cour d'appel de province ne vous tente pas, monsieur l'Avocat général ? Vous pourriez notamment former de jeunes collègues aux subtilités de l'accusation aux assises. Malgré certains chefs de compétence nationale reconnus à la cour d'appel de Paris, tous les dossiers particulièrement signalés ne sont évidemment pas instruits et jugés à Paris. La preuve : Outreau.
Rédigé par : Voltigeur | 13 mars 2006 à 23:27
les commentaires sont trop longs : moi qui , de plus , lis entre les lignes , mettez-vous à ma place :-(
par contre la substantifique moelle de monsieur Bilger fait très bien les détours des sujets consternés !
merci à lui !!!
qu'il soit béni ( et je ne dis pas oui oui )!!!!!
Rédigé par : Cactus Jo | 13 mars 2006 à 23:06
Magnifique!
"... une infinité de personnalités extérieures à notre monde - et dans tous les secteurs - viendrait y faire souffler l'air libre de la société."
C'est pur bonheur que d'offrir à l'école bordelaise cette contribution d'air libre:
Le manège jardinier: un manège pour les enfants qui ne peuvent pas monter sur les manèges.
Après avoir pris son billet à la guérite illuminée, on entre par une ouverture taillée dans la ramure d'un saule pleureur, de rire, évidemment.
Puis on s'engage dans un tunnel de glycines blanches et roses que viennent parsemer de touches parmes et lilas quelques clématites luxuriantes.
Au sortir du tunnel, un bouquet de chèvrefeuilles délivre son puissant parfum. On s'arrête un instant, le temps que la machine à caresser la joue vienne vous la chatouiller du bout de ses douces plumes de paons.
On repart, franchissant le pont qui enjambe le bassin dans lequel quelques carpes nagent entre les nénuphars roses et blancs. On admire la naïade de Corinne JOACHIM qui, posée sur son île au milieu des genets, se regarde dans l'eau.
Tournez, petits manèges. En avant!
A droite, croulant sous les roses tendres d'Appel Blossom, la cabane de l'infâme Cramouillard, l'ogre du jardin. A cette heure-ci, il dort. Il faut passer sans bruit. Ne pas le réveiller, sinon...
Tant pis. Un épouvantable vacarme se déclenche au passage du fauteuil ! Il a dû nous entendre. Va-t-il sortir? Nous courir après ? Courage: fuyons!
Le silence revient. Il a du se rendormir. Ouf!
Tiens ?! Sur le banc de bois, la cape de Bonhomme Bisous! Bonhomme Bisous ? Mais si, vous savez bien, ce cavalier masqué qui chaque nuit passe déposer un peu de tendresse aux enfants du monde qui en ont tant besoin. Il a dû faire une pause en passant par ici cette nuit. Il aura oublié son manteau en repartant. Toujours pressé. Mais il a tant de travail...
En avant, comme lui!
On déguste quelques mûres et nous voici à la volière des beaux oiseaux. Un faisan doré course ses deux femelles. Donner du grain, de l'eau. Facile! Le passage du fauteuil actionne les trémies.
Nous entrons sous le deuxième saule et là !!! Un souffleur à bisous nous projette doucement un nuage de pétales de roses qu'on traverse en riant.
On avance en picorant dans la haie des framboises, des cassis, des groseilles. On est tout barbouillé! Du rouge, du rose, du violet...
Un clown triste nous attend. "Envoie-lui un sourire, il ira sûrement mieux.", murmure-t-on quelque part.
On sourit et miracle, le clown sourit aussi et agite sa main pour souhaiter bonne route.
C'était l'Emouvantail. Normal, dans un jardin.
Hommage au grand Marceau.
Si on trouve un secret caché parmi les fraises dans les bacs de la fin, on a gagné le droit de faire un second tour.
Et souvent, des surprises! Un jongleur, un mime, des danseuses, des musiciens, des clowns, des magiciens...
Normal. Ce jardin-là est fait pour les accueillir tous.
Rédigé par : Fleuryval | 13 mars 2006 à 18:29
Bonjour. Comme toujours, c'est très intéressant. Toutes ces propositions nécessitent un changement de mentalités mais aussi et surtout des "sous". Et des sous, il n'y en a plus, ici comme ailleurs. Une fois de plus, c'est une réformette qui va probablement sortir de toutes ces déviances dramatiques. Ou bien une vrai réforme qui ne sera jamais appliquée à cause des réticenses et du corporatisme de certains. Et en plus, cette affaire aura permis aux Avocats de se refaire une santé. Incroyable !
Rédigé par : olaf | 13 mars 2006 à 05:48
Sur le recrutement des futurs magistrats plus ouvert sur le monde...
Une proposition:
Pourquoi ne pas utiliser la médiation au pénal, au moins pour les délits mineurs, comme cela se fait si souvent en matière commerciale, avec tant d'efficacité ?
Les médiateurs seraient alors des personnes dont la moralité serait reconnue à l'échelon local.
L'accusé aurait le choix en tout début de procédure, de selectionner jusqu'à la moitié des juges locaux inscrits sur un registre dont la responsabilité incombe au parquet.
Le parquet a aussi la possilité de choisir jusqu'à la moitié de ces médiateurs pour cette affaire, en aveugle par rapport au choix de l'accusé.
En cas de correspondance entre les choix des deux parties, juge-médiateur tiré au sort.
Si pas de correspondances entre les choix, alors procédure classique.
Enfin, bien sûr, publicité de la décision prise, pas comme en commercial.
Franchement ça me paraît être une meilleure idée que le plaider coupable dont vous faites la pub et qui est à mon avis extrèmement dangereux au niveau de l'égalité des chances face à la justice (CF USA).
Rédigé par : Boulgakof | 13 mars 2006 à 02:27
Petite note : Papayre, vous évoquez les « délais " plus raisonnables " au sens de la CEDH » (enfin de la CESDH surveillé par la CEDH, on se comprend). A vrai dire, il n'est guère besoin de songer à la CESDH pour s'inquiéter des délais que l'on retrouve un peu partout. Délai de procédure, délai de jugement, délai de transcription des jugements, délai d'exécution des peines, on dirait que tout se délaye sans cesse. Il me semble qu'il y a là avant tout une question de moyen et de gestion des moyens existants.
Par ailleurs, vous déclarez que l'existence du juge d'instruction est « le révélateur de la passion inquisitoriale francaise , de son choix d'une procédure pénale privilégiant l'ordre social aux droits de l'homme », je trouve ce propos plutôt douteux. Notre procédure est décrite comme mixte et il est vrai que l'instruction revêt des caractères inquisitoires. Mais la procédure ne se limite pas à l'instruction et on s'explique mal comment l'inquisition pourrait être une passion nationale (pourquoi donc ?). Quant à déclarer que cela privilégie un ordre social aux dépens de la justice, l'accusation grave mériterait de plus solides justifications.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 12 mars 2006 à 16:52
Les troubles qui ont suivi l'incrimination de la "révélation d'information d'une enquête aux auteurs ou complices de l'infraction par un professionnel accédant à la procédure" parmi le milieu avocat ne me donne pas la nette impression que ce milieu puisse être associé au cheminement d'une enquête.
Il est certain que sa présence est désirable à certains moments de la garde à vue, lors de certains actes d'enquête, pour éviter les dénis plus tardifs, pour s'assurer que nul ne passe outre ses pouvoirs.
Mais il me semble franchement naïf de croire que ceux qui, aujourd'hui, estiment qu'ils ne devraient être tenus par aucune contrainte légale puissent, demain, se préter au jeu d'une enquête et ne pas faire de l'obstruction systématique dès lors que l'avancée de l'enquête tend à faire ressortir la culpabilité de leur client.
S'il est question d'accroître les pouvoirs des avocats en terme de requêtes d'actes d'enquête (ou même de demande de remise en liberté de mis en examen), l'idée ne peut sans doute qu'être bonne. S'il est question de les associer à tous les actes d'enquêtes, par exemple en assurant leur présence tout au long de la garde à vue (demande souvent relayée en France, inspiration anglo-saxonne sans doute - entendue lors de la commission), il y a de quoi être plus dubitatif.
La procédure pénale doit être un savant mélange entre pouvoirs attribués aux uns et aux autres, dans l'intérêt de tous. Les lois de circonstances ont le fâcheux inconvénient de risquer de supprimer une alchimie qui fonctionnait en général parce qu'elle a failli en un cas particulier. Mais évidemment, on ne peut pas, pour autant, faire la politique de l'autruche et laisser intactes des règles de procédure qui ont été manifestement abusées.
Ainsi, il me semble judicieux en la matière de refuser toute approche révolutionnaire, de procéder par des ajustements mineurs, en se focalisant sur les points les plus problématiques : le placement en détention provisoire ; la lenteur des procédures.
Mais je suis bien conscient que cette approche n'est pas forcément du goût de tous. Non seulement ce n'est pas vendeur en terme politicien (et à l'approche d'élections, ça compte) mais, de plus, ça coûte (des sous ; on aura les hôpitaux, les écoles et la justice que l'on paye).
J'en profite pour signaler un intéressant rapport portant sur l'application de la loi de 2000 sur la présomption d'innocence, rapport qu'on ne peut accuser d'hostilité politicienne à l'encontre du législateur de 2000 :
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/014000812/0000.pdf
La loi sur la présomption d'innocence fait figure à certains égards de petite révolution. Si certains de ses aspects étaient très bon, j'ai l'impression que l'on commence seulement aujourd'hui à mesurer que certaines idées avait aussi leurs limites.
Par exemple, dès lors que l'on décrète que désormais les accusés aux assises ne sont plus tenus de se constituer prisonnier la veille de leur procès, tout en admettant que certains doivent quand même comparaître en tant que prisonniers car on ne peut les laisser en liberté pour diverses raisons, par bon sentiment, avec l'objectif affiché de favoriser la présomption d'innocence, on oeuvre contre cette présomption. Car les jurés vont constater qu'untel fut considéré comme capable de comparaître libre et pas untel autre.
Par ailleurs, le terme de détention provisoire remplaçant le terme de détention préventive à parfois des contours schyzophréniques. Car il donne légèrement l'impression qu'on ne sait pas pourquoi on place en détention, que ce n'est pas comme si on tâchait de prévenir de quelque chose. Or, si tel n'est pas le cas, comment justifier une telle atteinte aux libertés ?
On peut même se demander si l'emploi de ce terme n'incite pas certains magistrats à oublier la gravité de la mesure, qui nécessairement repose sur une forme de jugement, bien que ce n'est pas le jugement pénal.
Le sujet est en fait loin d'être simple, je tentais de creuser la question, il y a deux mois, sans réponse définitive nette :
http://riesling.free.fr/20060207.html
(désolé pour la digression)
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 12 mars 2006 à 12:27
Votre note est dense , très dense même et démontre , ramassée en moins de deux cents lignes , combien la tâche des membres de la commission sera délicate s'ils n'entendent pas sombrer dans la "démagogie" et/ou la " frilosité " par vous craintes que les syndicats , USM comme SM , décidément d'un rare corporatisme conservateur , déclinent eux en instillant dans le débat né d'Outreau , susceptibilité , idéologie , incapacité à participer utilement à l'inéluctable réforme en profondeur qu'appelle notre justice pénale .
La formation des magistrats par vous évoquée et leur recrutement ne sauraient effectivement être éludées :l'ENM , pour simplifier , a été secouée depuis sa création par des " vagues " pédagogiques " successives la faisant passer d'un lieu de débats uniquement théoriques à un institut de formation purement technique mais , laissant toujours aux seuls tribunaux et à leurs magistrats , souvent débordés et toujours impréparés à cette tâche , le soin de l'organisation du stage au long duquel , par l'observation , l'échange , le " choc du réél " , les futurs juges ou substituts , majoritairement issus de l'université , se déniaisent certes à grande vitesse mais surtout acquièrent , par rejet ou adoption , des postures professionnelles qui impressionneront durablement leur exercice futur .
De plus , comme aujourd'hui , doit-on persister à privilégier le recrutement d' étudiants et ainsi se priver d'hommes ou de femmes , dotés d'expériences humaine et sociale les prédisposant à appréhender la complexité des fonctions de " masseur diplômé de la misère du monde " que décline plus qu'avant la magistrature du XXI° siècle ?
Quant aux avocats , ils ne sauraient effectivement détenir le monopole de la clairvoyance dans " l'audit" actuellement mené par les parlementaires et devraient , eux-aussi , apprendre à identifier leurs propres manquements dans la " production " judiciaire en s'interrogeant plus sur leur rôle d'auxiliaire de justice qu'ils mettent en avant ou oublient selon les circonstances .
Au plan procédural , je crois , avec vous , que collégialité , publicité , " fenêtres ", " rendez-vous " périodiques , les appellations importent peu , doivent être organisées afin que la détention provisoire soit , de manière moins formelle qu'aujourd'hui , encadrée par des délais " plus raisonnables " au sens de la CEDH .
Quant à la césure entre le siège et le parquet , j'avoue y avoir été longtemps opposé mais désormais , je suis convaincu de sa necessité tant le rôle du ministère public depuis plus de vingt ans a évolué . Il est , en effet , passé d'un exercice casuistique de l'action publique à un traitement de masse de la délinquance et décline une politique publique , des choix procéduraux , des partenariats l'éloignant , sans que cela soit du reste déshonorant , de la mission d'arbitre de ses " collègues " .
Quant au juge d'instruction sur lequel vous ne revenez pas dans la présente note , n'est-il pas , à entendre les personnes convoquées par la commisssion , le révélateur de la passion inquisitoriale francaise , de son choix d'une procédure pénale privilégiant l'ordre social aux droits de l'homme ?
Nos députés ont l'occasion de façonner une autre justice pénale , de lui donner , outre les moyens de son action , des règles simples , claires favorisant le contradictoire , garantissant la présomption d'innocence , assurant un juste équilibre entre les droits de la société et ceux des individus .
Rédigé par : Parayre | 12 mars 2006 à 11:18
Monsieur l'Avocat Général, autant la fin de votre billet sonne juste, voit clair autant le début est en arrière par rapport à ce que vous nous avez dit avant, dans d'autres notes.
Je me permets quelques remarques.
Vous parlez d'excellence. Quel mot !
Plutôt que d'égratigner les avocats de la défense et leur cote d'amour dans l'opinion, ne serait il pas plus raisonnable de réfléchir au pourquoi de cette cote d'amour ? N'est ce pas parce que ces mêmes avocats se sont emparés de sujets qui auraient du être traités par les magistrats que l'opinion leur en sait gré ?
Je souhaite aussi vous raconter une anecdote significative. Il se trouve que je connais des personnes qui squattent un immeuble appartenant à l'Education Nationale dans le 19ème arrondissement de Paris. Dans une démarche avec un avocat, ils sont allés voir un premier Juge qui leur a interdit l'occupation. Pour je ne sais quelle raison, cette décision a été cassée et un autre Juge, avec le même dossier, a lui autorisé l'occupation pour un temps défini. Le premier Juge n'a pas entendu les arguments "culturels" de la démarche des squatteurs. Le second les a entendu. Pourquoi cette différence ? Ce sont les hommes qui comptent. L'osmose entre la Justice et la réalité de la société est indispensable. Des Juges qui savent détecter cette réalité plutôt que de se cacher derrière des textes. Voilà ce que nous attendons.
Autre remarque : n'est pas parce que les mis en examen n'ont pas confiance dans la procédure qu'ils multiplient les demandes de mise en Liberté ? Interdire la multiplication de ces demandes ne changera rien au problème. Rendez du crédit à l'acte de demande de mise en liberté, voilà qui sans doute en limitera la quantité.
Ne vous cachez pas derrière le politique. Il a son rôle, mais combien de choses peuvent elles être "améliorées" dès maintenant par une simple introspection des magistrats sur leur rôle et le fonctionnement de la Justice tel qu'il est organisé aujourd'hui. Je pense que c'est cela que l'opinion attend, dans son bon sens, ne se faisant pas beaucoup d'illusions sur un nième rapport
Rédigé par : Didier | 12 mars 2006 à 09:48
Bonjour,
Il n'y a rien à ajouter. Vous avez bien perçu l'ampleur des problèmes, notamment en ce qui concerne la formation des magistrats, trop "bêtement" universitaire, et vous donnez plus que des pistes de réflexion. Il ne est de même au noiveau de l'Instruction. Qaunt à votre proposition de bien séparer le siège du parquet, elle s'impose désormais, tant dans les faits que dans les textes.
Bravo pour votre recul.
Jean-Paul Busnel
Rédigé par : Jean-Paul Busnel | 12 mars 2006 à 09:06
Une remarque technique : la loi permet désormais de ne traiter les demandes multiples de mise en liberté comme une seule, tant qu'il n'a pas été tranché dessus (ce qui était d'ores et déjà la pratique antérieure de nombre de magistrats).
Rédigé par : Paxatagore | 12 mars 2006 à 09:03
République des avocats ?
Cher Monsieur,
Je ne vous «connais» pas depuis très longtemps, depuis le mois de mai dernier seulement, après la parution d’un article dans Le Monde sur l’affaire Moulin. Relire votre dernier paragraphe à la lumière de ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire d’Outreau n’est pas sans saveur ! «… le barreau comme organe politique de pression …», écriviez-vous entre autres – c’est bien toujours d’actualité avec 10 avocats parmi les membres de ladite commission d’enquête, dont les 2 chefs de file, l’un d’entre eux ayant manifestement une vocation rentrée de procureur - au sens péjoratif du terme.
La mode étant à l’appropriation du débat par le citoyen lambda, même sur des questions pointues, je souhaite faire part de quelques commentaires d’un béotien en la matière qui, n’appartenant pas à la basoche, n’aura pas l’outrecuidance de gloser sur votre contribution.
= Le principe de la commission d’enquête est incontestable, le débat est toujours une bonne chose.
= Ceci étant, on peut légitimement considérer que ce devrait être tout sauf un spectacle et la conscience d’une différence nécessaire entre une certaine austérité du rapport écrit et les paillettes de l’audiovisuel m’aurait semblé raisonnable – pour ne pas écrire décente. Les débats auraient gagné à être filmés, enregistrés et diffusés ultérieurement, selon, en gros, le principe qui a présidé au procès Barbie, s’éloignant ainsi de la pression de l’émotion et du ridicule des chaînes de télévision nationales qui n’ont diffusé que la seule audition (partielle) de M. Burgaud, confirmant ainsi dans l’esprit de beaucoup de gens qu’il serait le seul responsable du chaos. Cela aurait également empêché certains députés de faire les paons, à destination première et évidente des téléspectateurs ainsi que de leurs chers électeurs. (Ce n’est pas le spectacle récent du Président de la commission aux côtés de deux rappeurs représentant des minorités visibles dans l’émission abracadabrantesque de M.Bern sur Canal Plus qui militera pour le contraire !).
= La « contrainte médiatique » est terrible, d’autant plus qu’à ce moment de l’affaire nous sommes à fronts renversés. Que malheureusement un crime spectaculaire et sordide survienne, la plus grande sévérité sera réclamée par les médias aux magistrats et la mise en détention préventive du premier suspect venu une obligation impérative, expédiant, au plus tôt, aux oubliettes les positions contraires défendues ces derniers temps.
= Les attaques perfides des membres avocats de la commission, professionnels du droit processuel avant tout - droit qui est devenu, tant au pénal qu’au civil, une arme comme une autre - fondant régulièrement leurs questions sur une pièce particulière d’un dossier de plusieurs milliers de cotes afin de mettre en difficulté l’auditionné s’apparente plus au jeu du cirque qu’à un débat serein. Sans même mentionner l’opportunité à peine cachée de faire le procès des auditionnés.
= Relevée par plusieurs intervenants, la différence fondamentale entre le dossier papier et le débat oral me paraît devoir être vu aussi à l’aune de l’augmentation exponentielle des textes législatifs et réglementaires – votés par le parlement et édictés par l’administration – que le magistrat instructeur et le parquet doivent scrupuleusement suivre à défaut de voir annuler des pans entiers de procédure et qui, dans une affaire complexe, conduit à un volume de papier impressionnant. Dans ce sens là, au moins, pour peu expérimenté qu’il fût, M.Burgaud n’a pas failli.
= La question primordiale des moyens et les rodomontades des députés à cet égard, si elles n’étaient pas tragiques, seraient risibles. J’aimerai voir expliquer comment et par quel stratagème les députés entendent donner plus de moyens à la justice comme ils l’affirment péremptoirement. Le sort réservé aux propositions de loi est bien connu, une rapide recherche d’un étudiant en 1ère année montrerait combien peu sont adoptées définitivement dans une législature (et je ne mentionne pas le temps mis à la publication des décrets d’application, par charité). Evidemment, il faudrait aussi la financer, ce qui obère d’autant la capacité d’action du Parlement avec l’obligation de créer les recettes correspondantes aux dépenses nouvelles. Reste le refus de voter le prochain budget de la justice s’il n’est pas en augmentation substantielle. Le 49-3 n’a pas été inventé pour rien, et, à quelques mois d’échéances électorales majeures, la fronde éventuelle des députés de la majorité n’ira pas jusqu’à la censure, on peut le parier. Les moyens de la justice sont une affaire de gouvernement d’abord, à mettre en perspective avec les impôts, corollaire d’une augmentation significative, et la dette. Les tenants du conservatisme, emmenés par M.Bot, peuvent dormir tranquilles.
= La révision de la carte judiciaire et la généralisation de pôles judiciaires régionaux, imposent, de facto, la fermeture d’un certain nombre de TGI de la France profonde. Cela me paraît être un marronnier, et le député qui voterait la fermeture du TGI de sa petite sous-préfecture aura le sentiment de se tirer une balle dans le pied. Faisons confiance aux lobbies les plus divers pour enterrer une telle tentative de réforme, surtout dans la période qui s’annonce.
= Cette question primordiale des moyens pèse sur un certain nombre de points : nombre de magistrats et auxiliaires, facilités pour une gestion moderne, encombrement des tribunaux, décence des conditions de détention provisoire, etc. Il s’agit logistique, qui dépend de décisions gouvernementales longtemps (et volontairement ?) retardées.
= Au-delà, pour ma modeste part, je constate deux grands dysfonctionnements. (1) La gestion des hommes, il est totalement inconséquent que les services de la Chancellerie aient pu désigner 3 juges d’instruction au Tribunal de Boulogne dont le plus ancien avait 6 mois d’ancienneté de plus que celui dont c’était le premier poste au sortir de l’ENM. (2) Les garde-fous, tant au niveau du JLD que de la Chambre de l’instruction que du Parquet n’ont pas fonctionné correctement.
= La question d’instruire à plusieurs me laisse un peu perplexe. Un juge qui instruit, les deux autres qui suivent l’affaire de plus ou moins près au gré de leur propre charge de travail, souvent excessive. A Boulogne, avec 3 juges, cela aurait voulu dire que tous les dossiers soient instruits collégialement, est-ce réaliste ou bien une telle mesure ne serait-elle que du « window dressing » comme disent les Anglais ?
= Si d’aventure le système passait à l’accusatoire, ce qui me paraît impensable, tant philosophiquement que pratiquement, cela aurait à mes yeux au moins l’avantage de supprimer les experts judiciaires et la dérive dans laquelle beaucoup se complaisent (sauf quand cela tourne mal) d’être juge à la place du juge. Dérive sans doute soutenue par certains magistrats qui considère volontiers les sapiteurs presque comme des confrères.
= Le reproche lié à l’existence d’un esprit de corps, ne me paraît pas valide. Il me semble même attentatoire à l’intelligence et à l’indépendance d’esprit des hommes et femmes de votre corps. Par exemple, l’immense majorité des officiers supérieurs de la Marine nationale sort de l’Ecole Navale, si un officier embarqué, jeune ou moins jeune, commet une bourde grave, le Commandant du navire le sanctionnera, sans état d’âme, même sortant tous deux de la même école. Où est le problème ? Je pense au contraire que cela favorise le dialogue entre juniors et seniors (sauf évidemment si le senior a 6 mois d’ancienneté de plus que le junior) et que la formation dans un vivier commun permet plus facilement d’appréhender les choses de la même manière à Arras, qu’à Draguignan malgré les spécificités locales.
= L’humanisme, le doute, la sagesse, oui, bien sûr. Est-ce que cela s’apprend ? Et où ? C’est un truisme de dire que juger, c’est décider, statuer, trancher et c’est ce que l’on attend des magistrats.
PS : 2 mots de plus pour me présenter rapidement. Je suis ex-commandant de la marine marchande, ayant ensuite participé à la direction de diverses compagnies maritimes et de négoce. C’est ainsi que j’ai été amené à superviser des services juridiques et contentieux. J’ai du apprendre, à marche forcée, quelques rudiments et cela m’a passionné, surtout le contentieux (civil) tant devant les tribunaux de l’ordre judiciaire qu’en arbitrage qui est le mode préféré de règlement des litiges du monde maritime et, depuis une dizaine d’années, je pratique l’arbitrage spécialisé.
Rédigé par : JYG | 12 mars 2006 à 07:57
Monsieur
Nous suivons votre blog en lecteurs silencieux depuis ses débuts ou presque, et tenons à vous remercier. Vous vous exprimez simplement, vous expliquez avec clarté les méandres de l’institution judiciaire, vous ne prenez pas vos lecteurs pour des imbéciles. Pour tout cela, merci.
Voici maintenant vos suggestions de solutions aux problèmes. Toutes paraissent si sensées, si évidentes, qu’on en vient à se demander pourquoi elles ne sont pas déjà, sinon appliquées, du moins défendues par d’autres que vous. Surgit alors un doute : serait-ce pour les raisons par lesquelles vous expliquez une bonne part des dysfonctionnements, et que nous résumerons par : un corporatisme conduisant - là où il faudrait l’excellence - à la médiocrité ?
Il nous apparaît alors que cette question conduit naturellement à une autre, plus générale : que faire pour que cesse la trahison de nos élites ?
Vous en faites partie, pas nous. Nous, nous poussons les wagons, en bas, dans une vie devenue survie. Alors, continuez, Monsieur, et faites-en encore plus ! Silencieux, des lecteurs vous soutiennent, du sourire de leurs yeux heureux d’avoir appris.
Rédigé par : en.marge | 12 mars 2006 à 00:16