Hier, j'ai pu entendre une partie de l'intervention de Pierre Truche devant la commission parlementaire. Voyant ce magistrat qui est l'un des rares que j'ai profondément estimés dans notre univers, je ne pouvais manquer de laisser monter en moi des souvenirs dont il était le centre.
En particulier, je me rappelais l'affaire concernant Yves Chalier accusé d'avoir détourné des sommes considérables alors qu'il était le chef de cabinet de Christian Nucci, ancien ministre socialiste de la coopération. Ce procès, où j'étais avocat général, s'il avait à l'évidence une tonalité politique, s'était déroulé de manière exemplaire. Pour trois raisons au moins. Le président de la cour d'assises, Henri-Claude Le Gall, a conduit les débats avec une infinie maîtrise. La liberté et la sérénité qui étaient les siennes ont favorablement influencé le jury. Je n'ai plus jamais entendu tant de questions être posées par des jurés, avec une spontanéité et une pertinence qui à l'époque ont impressionné les journalistes. Enfin, j'avais dans la tête un principe que Pierre Truche avait évoqué avant l'audience et qui à l'usage a révélé toute sa sagesse. Traiter les affaires extraordinaires comme si elles étaient ordinaires.
Devant les députés, Pierre Truche a affirmé aussi qu'il était inconcevable que le Parquet s'exprimât médiatiquement en cours de procédure. Cette position de bon sens, apparemment, n'a pas été partagée par le procureur de la République de Marseille qui, avant le procès sur les comptes truqués de l'OM, a fait une déclaration sur l'enjeu que représentait l'équipe de football pour la cité phocéenne. Certes ! Mais est-il nécessaire, si peu que ce soit, de donner le mode d'emploi d'une audience au lieu de laisser celle-ci enseigner sa vérité ?
Le plus difficile, en matière judiciaire, ce n'est pas de parler. C'est de savoir résister à la tentation de la parole. Se taire pour que la justice puisse parler en toute liberté, ce n'est pas une ambition médiocre.
Cela fait quelques années que je n'ai pas rencontré Pierre Truche. L'entendre et le voir à la télévision, c'était de l'espoir à partager. Il y a des personnalités qui seront toujours plus fortes que le discours lucide et pessimiste de leur intelligence. Leur existence est le meilleur argument qui soit.
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c'est, je crois Pierre Truche, qui lors d'un passage à l'ENM a incité les élèves de cette école à la prudence necessaire lors de deux prises de décisions particulièrement importantes:
-la mise en prison
-le placement d'un enfant en foyer d'accueil.
au vu de l'actualité, ce monsieur avait effectivement du nez et de la pertinence.Un grand magistrat.
Rédigé par : patfalc | 02 avril 2006 à 21:58
Pierre Truche est en effet une éminent juriste, ancien premier président de la Cour de cassation.
En revanche, ses prises de position en tant que président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité sont souvent fort malheureuse. J'ai rarement vu un homme de si haut niveau avoir une vision autant sectaire et caricaturale de la police nationale.
Je sais que ma remarque est un peu hors-sujet, mais les éloges de Pierre Truche m'agacent toujours un peu quand je vois à quel point il instrumentalise la CNDS.
Cordialement.
Rédigé par : Basba | 30 mars 2006 à 15:51
Cette Commision d'enquête n'arrête pas d'être une formidable leçon pour le simple citoyen.
Avant sa visite à l'ENM, la Commission n'était pas très tendre avec cette institution, décidemment il y avait beaucoup de choses qui "clochaient" dans la formation des magistrats. De retour de Bordeaux, la voilà tout miel. Ah les jeunes magistrats en formation ne manquent pas de volonté de bien faire, les Maitres y sont très remarquables ! Nos députés sont tombés sous le charme, c'est drôle.
L'audition de M. Truche fut encore une découverte. La Commission jusqu'à maintenant s'était plutôt placée dans une posture "critique" et laissait volontier entendre que les décisions, enfin les propositions de décisions, viendraient d'elle, bref, pour simplifier, sans elle point de salut. Certains magistrats s'en sont émus voire indignés. Et puis voilà le bonhomme Truche qui arrive, qui dit simplement des choses à la Commission, qui ne se soucie guère de savoir ce qu'elle, la Commission, en pense, car lui sait très bien de quoi il parle. Cela se sent, les députés, qui ne sont quand même pas stupides, le sentent et voilà notre Rapporteur et notre Commission tout miel avec Monsieur le Premier Président. Ah quelle leçon !
Rédigé par : Didier | 30 mars 2006 à 09:02
"Traiter les affaires extraordinaires comme si elles étaient ordinaires"
Très joli ! Et certainement un précepte valable en dehors du cadre de la Justice.
Rédigé par : Marc Traverson | 29 mars 2006 à 18:20