Clearsrteam ouvre des gouffres sur le plan politique et sur celui de la moralité publique mais ce n'est pas mon sujet ni l'objet de ce blog.
Ce qui m'importe et me réjouit, c'est la bonne affaire que représente Clearstream pour l'univers judiciaire. L'information, dans laquelle Nicolas Sarkozy s'est constitué partie civile pour dénonciation calomnieuse, suit son cours à un rythme soutenu. Mon impression, à la lecture notamment du Monde et du JDD qui en rapportent les séquences déterminantes, c'est que la justice "revient bien" comme on dirait en langage sportif.
Les deux juges d'instruction Henri Pons et Jean-Marie d'Huy semblent avoir tant de connivence intellectuelle et d'efficacité dans l'action qu'ils parviendraient presque à me réconcilier avec le concept de co-saisine que j'avais tendance à traiter à la légère. Il est vrai que certaines procédures avaient pu me le laisser penser : un juge travaillait et l'autre regardait. Les démarches d'H. Pons et J-M d'Huy, notamment les perquisitions dans des lieux pourtant hautement sensibles, demeurent d'une remarquable discrétion. Leur comportement nous change de quelques médiatisations, en particulier féminines, apparemment dédaignées mais profondément désirées et cultivées. De plus, c'est pour le moment un sans-faute technique puisqu'aucun de leurs actes d'instruction n'a été contesté. Je ne connais pas personnellement ces deux magistrats mais qui s'intéresse à la justice ne peut manquer d'éprouver de la fierté à l'idée que, par une bienfaisante contagion, nous sommes enrichis par leur qualité. L'esprit de corps n'est pas toujours une notion absurde parce que bêtement corporatiste.
Au-delà d'eux, quelle formidable évolution que celle de la justice depuis mes débuts dans la carrière, en 1972. Les juges se sont émancipés et le pouvoir politique ne peut que prendre acte de cette indépendance de plus en plus affirmée. Le garde des Sceaux, depuis quelques années, est obligé de composer avec elle, en espérant seulement qu'elle ne créera pas trop de dégâts. Les magistrats disposent d'une liberté et d'une capacité d'initiative sans commune mesure avec celles dont les professionnels même les plus entreprenants pouvaient disposer à mon époque. Il est évident aussi que les perquisitions dans des ministères et peut-être demain à Matignon appellent une relation de confiance absolue entre les juges et le Parquet, faute de quoi le secret nécessaire à leurs investigations serait vite éventé. Ce pouvoir considérable qu'ont les magistrats est une chance pour la justice, un bienfait pour la démocratie, à condition qu'ils sachent l'exercer avec mesure et équilibre.
Il suffit, pour s'en convaincre, de percevoir à quel point les latitudes nouvelles laissées à l'institution judiciaire ou conquises par celle-ci entraînent en retour, à sa charge, une obligation de qualité et de conscience, une attitude de retenue et de modestie. Pour un magistrat possédé par l'ivresse de sa fonction et ébloui par les conséquences vertigineuses que pourraient avoir certains de ses actes, notamment sur la vie publique, que de dérapages possibles ! La puissance de faire, qui nous est dévolue depuis plusieurs années, impose à proportion des devoirs à respecter. L'orgueil d'accomplir doit étouffer la vanité d'être. Qu'on nous préserve des personnages pour nous laisser des magistrats !
Il me semble qu'avec ces deux juges, la justice revient par la grande porte. Pour ma part, je n'oublie jamais tous les autres qui, partout, dans le silence, en sont l'honneur au quotidien.
Outreau est derrière nous.
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