Dans le Monde, le député socialiste Arnaud Montebourg met en cause la télévision qui offrirait " un débat politique misérable sur le service public". Le divertissement cultivé, la médiocrité des animateurs, réduiraient la politique à presque rien et selon Montebourg, "être téléspectateur et citoyen est devenu incompatible".
Ce député auquel, en sa qualité d'avocat, j'ai été opposé lors du procès fait à l'assassin de René Bousquet, a l'art de la polémique et ses diatribes ne sont pas toutes marquées du sceau de l'évidence. Il faut reconnaître que la question qu'il soulève, cette fois-ci, est pertinente puisqu'elle demande aux citoyens si la télévision n'est pas une machine de futilité contre la démocratie. Peu importe qu'il la formule après une déconvenue personnelle lors d'une émission de grande écoute sur Canal Plus. Sa réflexion le dépasse.
Avant tout, il serait inconcevable de prétendre, aujourd'hui, interrompre les noces que la politique entretient avec la télévision. La première ne se privera plus de la formidable caisse de résonance qu'est devenue, depuis longtemps, la seconde. Je ne sais quel homme politique a ouvert cette voie et cédé le premier à la tentation de l'apparente lumière. Lionel Jospin, en chantant "les feuilles mortes"?
Toujours est-il que le processus est irréversible et qu'il convient seulement de se demander si un téléspectateur citoyen relève de l'utopie, comme le soutient Montebourg.
L'opposition entre la télévision et la politique, entre le téléspectateur et le citoyen semble tellement évidente qu'on ne cherche pas à l'expliquer, voire à l'élucider. Immédiatement, le citoyen compte sur soi, conteste, pense, questionne, s'indigne, bouge, s'anime et se projette. Le téléspectateur jouit de la passivité que lui procure la seule satisfaction de son regard et l'assoupissement de ses facultés fonctionnant au ralenti. L'un refuse de mettre en parenthèses sa vie, sa liberté et son être tandis que l'autre s'enchante de voir la télévision prendre la place de son individualité. Le premier résiste contre vents et marées alors que le second rend confortablement les armes. Pour être sommairement exposé, ce contraste n'est pas faux qui semble renvoyer, en effet, à une incompatibilité de principe entre une vision dynamique et un repos facile.
Pourtant, des solutions existent.
Le première consiste, pour le politique, à ne plus accepter les règles qu'on lui impose, même s'il consent à participer au jeu médiatique auquel on le convie. Je ne vois pas au nom de quoi le médiatique imposerait son pouvoir dans le choix des modalités alors qu'à l'évidence, même sans évoquer un Nicolas Sarkozy, une personnalité politique apporte plus, en l'occurrence, qu'elle ne reçoit, en particulier par l'apparence de légitimité qu'elle donne au divertissement qui ne rêve que de sérieux mais le détruit. Hors de question, donc, pour les politiques, quel que soit leur statut, d'être intercalés entre une promotion de film et la dénonciation ridicule d'un scandale prétendu, entre l'insignifiant et le vulgaire, entre le rire gras et la pensée basique. Faute de refuser de tels amalgames, ils mettront la main et l'esprit dans cette dérive redoutable où tout se vaut, les imbéciles et les lucides, ceux qui savent et ceux qui ignorent , le mineur et le majeur, le dérisoire et l'important. On sait bien ce qui gagne à l'issue d'un tel mélange, d'une telle bouillie. La démocratie, la politique perdent à tout coup.
Les politiques doivent affirmer avant : ce sera comme cela et pas autrement.
Le seconde condition se rapporte au débat médiatique lui-même. Traités séparément comme les invités de marque par Mireille Dumas, débarrassés des faire-valoir genre Carlier et Baffie qui rassurent ceux qui espérent que rien de pertinent et de grave ne pourra s'échapper de la médiocrité générale, les politiques n'auront plus d'excuse et ne pourront plus compter que sur eux-mêmes. Confrontés à des animateurs capables de questionner et de contredire, si la démagogie et la complaisance demeurent au coeur de leurs réponses, ils en assumeront la responsabilité, et le téléspectateur citoyen le leur fera payer. S'ils s'esclaffent devant une inquisition intime au lieu de se révolter, ils seront jugés. Il serait triste de devoir admettre qu'aujourd'hui, nous avons peut-être la télévision de nos politiques et les politiques de notre télévision.
Non, être téléspectateur et citoyen n'est pas incompatible. Pour que l'un et l'autre se réunissent dans un même élan et une égale exigence, sans doute faut-il que chacun apporte à ce qu'il est un supplément d'âme et d'esprit.
Rien n'est fatal. Déserter le médiatique serait, pour la politique, tourner casaque et fuir. Il y a un combat à mener.
Et à gagner. Avec l'aide des citoyens téléspectateurs.
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Je suis heureux de vous voir d'accord - même en partie - avec mon ami Arnaud Montebourg... Je suppose que vous appréciez ses qualités oratoires et son sens de la formule... Qu'il se soit laissé piéger quelquefois dans des émissions trash, cela arrive à tout le monde. Je crois qu'il navigue entre une méfiance d'expérience et une utilisation de la puissance du médium que lui autorise parfois sa vitesse de réaction... Mais Arnaud a à peine cinquante ans. Personnellement je le trouve prometteur, et je sais que ses indemnités de député lui rapportent environ trois fois moins que ses ex-honoraires d'avocat. Pour moi, c'est un signe. C'est sans doute pour ça que des crapules comme Duhamel essaient de le salir en écrivant des chroniques dignes de "Minute" comme "Montebourg, le Bel-ami du PS", en insinuant qu'il doit sa carrière à sa fréquentation de femmes de plus en plus riches... Consultez les archives de Libé. Il n'y a pas que la télévision qui avilit la politique.
Rédigé par : Jean-Yves Bouchicot | 17 août 2010 à 14:14
Personne n'a imposé aux politiques de participer à des émissions de divertissement. Deux raisons à cela : leur volonté d'être dans les émissions à la mode, pour faire "dans le coup" et celle de toucher les gens qui ne regardent jamais les émissions purement politiques. Les écrivains sont condamnés, ou se condamnent, au même traitement. Ils vont chercher les télespectateurs là où ils sont. Les débats sur LCP sont de qualité, mais qui les regarde ? Bonne continuation.
Rédigé par : Bastien | 14 avril 2006 à 11:53
Ne soyons pas sévère avec notre époque et ses pratiques : le genre humain est ainsi fait.
Caligula se mit en scène dans des courses de chars au cirque, il paraissait vêtu en femme, il donnait des jeux et des combats de gladiateurs et le peuple l'adulait. Néron se prit pour un poète, il chantait ses odes en s'accompagnant à la lyre et son début de règne fut un enchantement pour le peuple romain.
Précédant Villepin en baignade à La Baule, Henri IV allait nu, avec son fils le futur Louis XIII, se baigner dans la Seine sous le regard attendri du peuple qui en fit son souverain préféré. Le jeune Louis XIV fut ce roi danseur qui se donnait en spectacle à la cour. Les super-corrompus Richelieu ou Clemenceau sont tellement plus populaires que l' austère Turgot ou le technocrate Colbert.
C'est ainsi, il n'y a pas d'amélioration à attendre. Avec ou sans télévision.
Je vous prie de noter ceci : tous les mammifères évolués vivent en petits groupes restreints. Lions, tigres, chimpanzés, gorilles. L'homme a ainsi commencé puis son "intelligence" l'a conduit vers un autre modèle : celui des zébus, des moutons, des vaches ou des fourmis, à savoir vivre dans une société nombreuse. C'est une règle de la nature qui veut que le grand nombre soit nécessairement idiot. En empruntant, contre notre nature première, de suivre le modèle social des vaches, nous nous condamnons à vivre comme des vaches.
Meuhhh !
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 12 avril 2006 à 21:08
Ce qu'oublie de dire Arnaud Montebourg, c'est que les politiques en promo pour un bouquin ne méritent aucun plateau de télévison (ni people, ni littéraire) car la plupart n'ont pas écrit les livres dont ils sont publiquement les auteurs. C'est un des secteurs de l'édition où les «nègres» ne chôment pas. Peut-être ont-ils au bout du compte leur place chez Fogiel, Denisot et les autres, puisqu'ils font du spectacle en jouant le rôle de;;; l'auteur. Mais certainement pas dans les émissions littéraires.
Que de petits mensonges entre amis se jouent devant le candide téléspectateus !
Rédigé par : Bulle | 12 avril 2006 à 16:18
Toute personnalité politique qui a une actualité litterraire devrait s'efforcer à refuser toute promotion lors d'émission chez Ardisson ou Fogiel, amuseurs publics, où la discussion est coupée dès qu'elle devient un peu complexe, jugée ennuyeuse par l'animateur. Le format de la TV ou plutôt ces émissions de grande écoute ne permettent pas à la pensée de se développer, ni à assurer une contradiction entre deux personnes. L'animateur joue le rôle du contradicteur, ou plus exactement de "démolisseur"de l'Homme politique, sans aucun argument de poids, sans connaissance des dossiers de fond. On mélange les genres, en invitant les hommes politiques, à coté d'acteurs, chanteurs, sportifs, sympas, cool, de manière à donner une image plus posée de la personne publique.
Toutefois, je ne pense pas que les responsables politiques doivent déserter les plateaux TV, mais devraient mieux les sélectionner (ex: Guillaume Durand, F.O Giesbert; Yves Calvi; Serge Moati, Frédéric Ferney). Il existe des émissions de qualité. Comment comprendre qu'un homme politique comme Jack Lang participe à des émissions "trashs" comme la Méthode Couet!!! Un scandale. Tout ça pour donner l'apparence de modernisme, et de jeunisme.
Les blogs sont un autre canal d'information, auquel l'homme politique peut entrer en communication avec les citoyens, tout comme la presse écrite, la radio.
Cela me semble assez évident. Peut être que je me trompe. Peut être pas.
Rédigé par : jerome | 11 avril 2006 à 18:47
Il me semblait vous avoir vu chez Ardisson?
Rédigé par : raph | 11 avril 2006 à 00:13
Soyons grands ! C'est à la télévision que l'on doit, pour tout au moins quelques uns visitant ce blog, de vous avoir connu.
Mais ceci étant dit, si l'écran de télévision prend les dimensions de l'écran de cinéma, le contenu est de plus en plus petit… Avec la complicité des animateurs, des politiques et de leurs amis chanteurs, acteurs ou sportifs. Le trio proche de la caricature, c'est Drucker, Reno et Sarkozy qui font du vélo ensemble et qui nous le glissent ici ou là. Si c'était les seuls dont la connivence est inquiétante…
Cordial reproche : vous étes un grand habitué des plateaux de télé et vous en étes alors peut-être un peu trop l'avocat… Mais ouf, je ne sais pas encore avec qui vous jouez à la pétanque ni avec qui vous faites du pédalo.
Rédigé par : Bulle | 10 avril 2006 à 18:59
Bonjour,
Télespectateur et citoyen ? : l’avenir en ce domaine n’est pas vraiment engageant.
La télévision est devenue un pouvoir (P. Péan : "TF1 un pouvoir"). Un pouvoir par lequel passe le pouvoir traditionnel, les politiques l'ont bien compris : Sarkozy tutoie Jean-Michel Colombani, Berlusconi personnalisant l'archétype du proto-homomédiapoliticus etc... Le problème du 5ème pouvoir, c'est qu’il n’a aucune légitimité. Le PDG de TF1 n’est pas élu. Or que dit ce dernier ? « TFI aide Coca-cola à faire du business, TF1 met à disposition du temps de cerveau humain » (Le Monde) : demandez le programme !
Souvenons nous : François Léotard ministre de la culture dans la première cohabitation (milieu années 80) avait mis en avant le « mieux-disant culturel » pour justifier la privatisation du service public de l’audiovisuel.
Toutes les entreprises de presse aujourd’hui appartiennent à des grands groupes qui ont leurs propres intérêts : où peut être leur indépendance ? Souvenons-nous du dernier « Droit de Réponse » de Michel Polac, viré de TF1 par ce que dans son émission il avait dénoncé les pratiques douteuses de Bouygues lors de la construction du Pont de l’Ile de Ré. Image prémonitoire de ce qui allait se passer….
Cette dernière émission du trublion fut une démonstration nette et remarquable qu’un média possédé par un pouvoir économique était un média muselé et non indépendant.
Comme l’a très bien expliqué Pierre Péan dans son ouvrage précité, le pouvoir d’informer est passé des mains du Pouvoir Politique aux mains des plus grandes entreprises. Le premier avait au moins le mérite de prétendre représenter l’intérêt général, sûrement pas le second.
Alors que s’éteint doucement la presse écrite nationale que va-t-il nous rester au titre de la liberté d’expression ? Internet, les blogs ?
Là c’est la jungle, rien n’est balisé, tout est possible et s’y retrouver là dedans est bien plus compliqué qu’acheter son journal chez un kiosquier.
Comment sauvegarder la liberté de la presse face aux pouvoirs économiques et financiers instrumentalisant les grands médias. Voilà la question !!
Coluche disait « dans les pays de l’est, la télévision est dans toutes les chambres, mais là c’est elle qui vous regarde ! ». Comment en sortir ?
De la même façon que la vie politique est désormais financée par l’Etat, la presse nationale devrait peut-être l’être aussi. Sinon quelle autre solution ?
Rédigé par : Louis Kulicka | 10 avril 2006 à 16:41
coren, il reste à prouver que la politique est une produit de marché (et en passant pourquoi pas un rabin, un prètre ou un iman dans ce genre d'émission). Ceci dit le cher Arnaud a accepté, sous prétexte de faire connaître nos (je suis de son courant) positions de participer à ce genre d'émission alors qu'il est évident que rien de l'ordre de la pesée ne peut s'y maintenir. Du moins je crois, je n'ai pas et ne veux pas de télévision
Rédigé par : brigetoun | 10 avril 2006 à 15:55
Je me souviens du président Giscard d'Estaing passant à la télévision, je crois chez, déjà, Michel Drucker, jouant de l'accordéeon.
Il me semble que c'est antérieur aux Feuilles mortes de Lionel Jospin.
Rédigé par : Eolas | 10 avril 2006 à 11:27
Je n'y crois pas. Ce n'est pas ce que le citoyen attend.
Les gens que vous cités sont à leur place car ils l'ont gagnés. C'est ce que le "citoyen" dont vous parlez veut.
Il ne vous arrive jamais de rire dans une conversation sérieuse ? Le shéma top-model suivi d'un politique suivi d'un humoriste est basé là dessus.
Et il marche bien. La télé a muté avec la société, elle n'était pas comme cela avant. Elle fait comme tous les marchés : elle réponds à un besoin, et elle évolue avec celui-ci.
C'est une lutte qui a déjà été mené, et nous en sommes les perdants. Seul internet nous permets de nous en sortir, puisque le choix existe, les bloqueurs de pubs également ^_^
Rédigé par : Coren | 09 avril 2006 à 21:59
Je crois plutôt qu'aujourd'hui nous avons une télévision et des politiques qui ressemblent aux français. Si TF1 est la chaîne qui a le plus d'audience c'est parce que les Français la regardent et si Jacques Chirac est président, c'est parce qu'ils l'ont élu et réélu. Je le regrette mais je suis bien obligé de le constater.
Rédigé par : Yannick | 09 avril 2006 à 21:59