Outreau 1, Outreau 2, c'est comme un film catastrophe sauf que ce n'est pas un film !
On va encore devoir payer longtemps cette tragédie collective ?
Outreau 2, un acquittement, six condamnations à deux ans d'emprisonnement pour corruption de mineurs. Une cour d'assises qui rend un verdict clément après que l'accusation a abandonné les charges les plus graves. Mais ensuite ! Des accusés qui crachent sur la justice, leurs avocats qui dénoncent, un avocat des parties civiles qui critique l'instruction, des médias qui crient au scandale.
L'avocat général aurait dû requérir l'acquittement, le jury de douze personnes a tort, forcément tort. Seuls ont raison les accusés qui ont interjeté appel, leurs avocats et les journalistes. Maître Berton, l'un des avocats courroucés, se voit offrir une tribune choquante par le JDD d'aujourd'hui et se permet de qualifier l'arrêt "d'inique". La justice va bientôt devoir justifier son existence, devancer les désirs d'acquittement, accepter d'être vilipendée. Son visage couvert de cendres et de honte.
Les accusés condamnés ont nécessairement raison. Ils sont plus impartiaux que les juges. Les avocats voient forcément juste. Ils sont moins partisans que les jurés. Les médias sont évidemment plus équitables puisqu'ils n'expriment qu'un point de vue jamais soumis à critique et à débat.
De qui se moque-t-on ? Cette agitation à laquelle plus personne n'ose résister donne le tournis à l'Etat de droit qui ne sait plus où il se trouve et dans quelle étrange démocratie.
Et la hiérarchie judiciaire se tait obstinément. Tétanisée, elle attend que ça se passe. Mais si cela allait durer toujours ?
Ce qui me choque, ce n'est pas la procédure avec son histoire, ses rebondissements et ses inévitables contradictions. C'est le tintamarre parasitaire et protestataire qui vient se greffer sur elle pour la dénaturer et nous détourner de l'essentiel. L'acquittement, les condamnations, l'attente de l'appel. Cette contestation bruyante d'une décision de justice, avant que la suivante l'infirme ou non, émane de surcroît de ceux qui prétendent rappeler sans cesse les magistrats à leurs devoirs !
Un cauchemar. Et si tout recommençait comme pour Outreau 1 ? Les menaces, les intimidations, la démagogie, les avocats en force dans les médias, les médias à l'écoute exclusive des avocats, les acquittements médiatiques puis, conséquence obligée, judiciaires. Un zeste de repentance, un brin de contrition. Et ainsi de suite.
Si on n'arrête pas cette course erratique où Outreau 1 va servir en permanence à délégitimer la justice, celle-ci va sombrer alors même qu'elle a compris - sans avoir, sur ce plan, de leçons à recevoir d'autres institutions - que sa responsabilité est gravement engagée dans ce désastre.
La justice n'est pas dans Outreau mais, si on n'y prend pas garde, Outreau va la tuer.
A cause du silence des uns, de la parole surabondante et inopportune des autres.
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Que les déclarations de certains de mes confrères m'ont agacé... ! Les jurés auraient voulu "sauver la maison Justice". Mais qu'est-ce qu'ils en ont à f..., les jurés, de la "maison Justice" ? La veille, ils étaient peinards dans leur pavillon de banlieue, outrés par Outreau, et le lendemain, ils fonderaient leur verdict sur un réflexe corporatiste d'une corporation à laquelle ils n'appartiennent pas ? Est-on véritablement certains que cette bande de demeurés goguenards (désolé, ce n'est pas charitable, mais tout de même, à les regarder sourire dans le box et poser devant la Cour...) ne méritait pas amplement la peine infligée ? Une peine qui, au demeurant, les assurait de ne pas retourner en prison.
Rédigé par : koz | 19 avril 2006 à 12:13
telle la loutre je suis moi aussi de plus en plus outré :
d'outre-tombe , rider ou pas , les mémoires vacillent , non ?
je suis vieux loin de toute porte judiciaire :
je dois avouer , monsieur que je reste contre la robe et pour la mini juppe,héé si chère à Mary Quant !
pour rester dans le contexte sérieux :
"Quand c'est fini, ça recommence!"
je ne puis que sous-citer Francis Cabrel chanteur philosophe :
ENCORE ET ENCORE !
bien à vous j'avoue et je "vous" voue mon admiration
( pas de tu ; de plus le je tue il alors UT SEMENTEM FECERIS ...ITAS METES ???!!!!!!!!!! )
Rédigé par : cactus Kat Goethe sous PissTroiGüt | 18 avril 2006 à 19:02
De toutes ces affaires médiatiques, suivies ou non, que les chaînes de télévision - que je n'ai pas d'ailleurs - nous servent, je me suis étonné d'une chose. Ces drames, sous l'éclairage des projecteurs semblent perdre totalement cette caractéristique commune à tous les procès pénaux : ce sont des drames !
Je ne ris pas en entendant les accusés d'Outreau II qui s'expriment, je ressens une gêne en me disant que cela m'intéresse. Que ces personnes soient coupables ou non, je peine à comprendre l'intérêt de leur explication devant les journalistes, devant moi en fait.
De la décence, c'est ce qui manque le plus dans le traitement médiatique de la justice, selon moi.
Je suis jeune, aux portes d'une carrière judiciaire, je dois avouer que les constats que vous nous offrez, Monsieur, n'incitent pas à prendre une robe.
Au demeurant, Merci.
Rédigé par : PissTroiGüt | 18 avril 2006 à 14:46
@Marcel Patoulatchi : je me suis sûrement mal exprimé ...
J'ai simplement relevé que le parquet a oralement abandonné les qualifications criminelles - qui justifiaient seules la compétence de la Cour d'assises - et requis uniquement des sanctions pour les délits connexes ...
Je pense qu'il aurait donc pu , au niveau de son réquisitoire écrit , constater que les charges étaient insuffisantes pour les viols et requérir en conséquence le renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel .
Quant à la Cour , elle a effectivement suivi partiellement l'avocat général et prononcé des acquittements pour les crimes et condamné les accusés pour certains desdits délits .
Il est de l'honneur du ministère public de ne pas être un simple accusateur aveugle - verbalement ou par écrit - et de savoir , à tous les stades du cursus judiciaire , constater l'insuffisance des charges et de ne pas s'entêter à soutenir un dossier improbant .
Je ne souhaitais pas exprimer autre chose .
Rédigé par : Parayre | 18 avril 2006 à 08:24
Papayre, Jean-Dominique, suggérez-vous que lorsque des soupçons qu'un crime fut commis existent, la bonne attitude consiste à envisager un renvoi devant une chambre correctionnelle ne pouvant connaître de crimes ?
Jean-Dominique, prétendez-vous que les 12 membres du jury « d'Outreau II » sont des inconscients ? Cela ne vous interpelle pas, qu'ils osent condamner alors que tout le monde proclame ci et là qu'il faut circuler, qu'il n'y a rien à chercher à comprendre. Vous est-il impossible d'envisager qu'il y a une réelle culpabilité, qu'ils ne se plantent pas nécessairement ?
Où est la démonstration qui permettrait de proclamer qu'il y a là un scandale ? Autant pour « Outreau I », on pouvait noter que le contexte médiatique poussait à condamner peut-être à tort. Le contexte « d'Outreau II » est à l'opposé : il n'y a pas de la part du jury suivisme de l'esprit du temps.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 17 avril 2006 à 17:05
Quand le vin est tiré, il faut le boire ! Et en l'occurrence, Outreau 1 et 2 sont du même tonneau avec la madone Badaoui dans le rôle de maître de chais. Ira-t-on jusqu'à délocaliser l'appel à Paris pour s'assurer d'un jury plus subtil ?
Une chose que prouve incontestablement Outreau 2 : Burgaud n'est pour rien dans cette deuxième affaire dans laquelle des dizaines de charges sont tombées, laissant quelques miettes pour justifier la détention provisoire (Ce serait un point d'étude à rajouter à votre précédent billet). Où il est donc démontré que c'est bien un système qui tousse.
La médiatisation fait partie de ces deux affaires depuis le départ. Pourquoi s'arrêterait-elle quand le tonneau n'est pas encore vide ? Ne laissez pas sous-entendre que les acquittements d'Outreau 1 n'ont été que la conséquence d'une intimidation médiatique : ces gens là étaient innocents, avec ou sans média. Les médias se contentent d'amplifier et, partant, de déformer.
Je ne sais pas, Philippe, si la justice n'a pas de leçon à recevoir mais, au cours des vingt dernières années, elle en a tellement donné à toute la société que la porte lui revient dans la figure. Je vous invite à regarder de près certains arrêts délirants de la chambre de l'instruction pour comprendre que vous n'êtes pas au bout de vos peines.
Je ne me réjouis pas de cet hallali : c'est la démocratie qui trinque quand une de ses institutions se plante. Mais la crise doit aller à son terme, les coups de pieds au cul qui ont trop attendus doivent être administrés. On n'arrête pas un accouchement au premier cri de la mère.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 17 avril 2006 à 12:09
Vous n'ignorez pas , je pense , l'attention et l'estime que je porte aux billets éclairés que vous publiez depuis six mois sur votre " blogue " ...
J'apprécie notamment l'indépendance d'esprit dont vous faîtes preuve , votre volonté de ne pas sombrer dans le corporatisme , vos qualités de pédagogue et votre évidente capacité à vous élever au-dessus de la mêlée pour tenter de contribuer à l'amélioration souhaitable du fonctionnement de l'institution judiciaire ...
Votre note de ce jour , relative à Outreau II , est de la même veine mais laisse transpirer une lassitude que je partage certes mais qui me semble devoir être dépassée .
Il m'apparait utile , avec vous je le sais , que la Justice soit querellée : un pouvoir - ou une autorité qu'importe - ne doit pas craindre d'être contestée alors même qu'elle est investie de pouvoirs considérables .
Le verdict critiqué , au regard des chefs d'accusation initialement retenus par le parquet et le magistrat-instructeur comme des détentions provisoires subies , pose tout de même question et laisse à penser qu'il est constitutif d'une volonté de " sauver " les apparences , de légitimer les incarcérations ordonnées et donc de prévenir toute requête en indemnisation de ces dernières .
Comment expliquer que l'abandon des qualifications criminelles ait été si tardif et ne soit pas intervenu au moment du réglement qui aurait manifestement dû tendre à un renvoi devant le tribunal correctionnel ?
Ne pensez-vous pas que la correctionnalisation aurait évité les commentaires qui vous heurtent aujourd'hui ?
N'estimez-vous pas que le ministère public aurait mieux fait de réquérir par écrit ce qu'il a fini par requérir verbalement ?
Rédigé par : Parayre | 17 avril 2006 à 00:01