Il y a quelques jours, "Le Monde" a évoqué, dans un article sous les signatures de Gérard Davet et Piotr Smolar, "l'audition mouvementée de M.Huchon à la brigade financière". Si la teneur de ce texte est exacte - et je n'ai aucune raison d'en douter -, le comportement de Jean-Paul Huchon constitue une régression au regard du principe d'égalité entre les citoyens.
Jean-Paul Huchon, entendu dans les locaux de police, s'est prévalu de son statut, menaçant les fonctionnaires présents de représailles en disant avoir de la mémoire pour les personnes qui le traitaient mal.
Cette attitude a été dénoncée au procureur de la République de Paris qui avait déja fait bénéficier M.Huchon d'une bienveillance particulière, ce dernier n'étant pas placé en garde à vue et pouvant regagner son domicile entre les auditions.
Cette mansuétude procédurale aurait du conduire Jean-Paul Huchon à plus de retenue.
Mais sa situation, cette volonté clairement manifestée de ne pas être perçu et traité comme un citoyen ordinaire fait réfléchir bien au-delà de lui-même.
D'abord, alors que Jacques Vergès est invité dans les émissions les plus prestigieuses pour soutenir, contre l'évidence d'aujourd'hui et en raison même des affaires qu'il mentionne, qu'il y aurait "une justice contre les pauvres", l'absurdité d'une telle attaque ainsi systématisée risque d'être battue en brèche par la contradiction pitoyable apportée par M.Huchon.
Ensuite, en dehors des quotidiens le Monde et le Parisien du 4 avril, force est de constater que cette affaire, dont au reste il ne faut pas surestimer l'importance, n'a fait l'objet d'aucune autre mention ni relation critique, sauf à avoir manqué une autre information sur le même sujet. A-t-on le droit de s'interroger sur ce qui se serait médiatiquement produit si cette triste aventure avait impliqué un homme ou une femme de droite ? J'ose espérer que son exploitation n'aurait pas été plus virulente.
Enfin, et c'est le plus important, lorsqu'on ressasse, pour culpabiliser policiers et magistrats, que notre justice est une justice de classe, que les riches gagnent quand les pauvres perdent, alors que la réalité et l'expérience démontrent sinon l'absolue fausseté d'une telle affirmation du moins son caractère aujourd'hui partiel et partial, il faut admettre cette dure certitude que certains puissants portent avec eux la conscience d'une supériorité, se croient investis d'une qualité d'essence qui interdirait qu'on les mélangeât avec le commun des justiciables et des gardés à vue (si Jean-Paul Huchon l'avait été !). Contre les faiblesses et les dérives de nos institutions, on peut se battre.
Contre l'arrogance humaine qui sévira même dans un univers idéal, pourquoi ne pas tenter de mobiliser les citoyens ? En tout cas, il est inadmissible de les passer sous silence au prétexte qu'elles seraient inévitables.
La démocratie réside souvent dans les détails.
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La justice contre les pauvres aura toujours le dessus puisque, aujourd'hui, les juges ont des comptes bancaires et des intérêts personnels. Comment pourraient-ils condamner ceux qui sont si "généreux" envers eux, lorsque ceux ci sont accusés.
(cf) Banques populaires et affairisme d'état
http://francejustice.aliceblogs.fr/blog
http://corruptionfr2009.aliceblogs.fr
http://franchiseactu.aliceblogs.fr
Rédigé par : helgen | 12 mars 2009 à 11:38
Pas mal de commentaires suite à ton billet, je ne suis pas seule à vouloir réagir ! :)
Rédigé par : Manaudou | 15 janvier 2008 à 15:57
Marc, au nom de quoi la Justice devrait-elle se départir du volet de l'application des peines ? Peut-on juger sans se poser de question sur ce qui se passe après, à refiler le plus dur à d'autres ?
Le « bien connu » est-il souvent vrai ? Parce que c'est « bien connu », peut-on faire l'économie de la charge de la preuve lorsqu'on déclare que « La justice n'étant [...] qu'un filet à petite maille, ne laissant filer que les gros poissons » ?
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 09 avril 2006 à 12:37
Une question, naïve (?), me vient à l'esprit en lisant votre note sur l'audition mouvementée de cet homme politique : ceux que l'on appelle "les puissants" sont-ils, selon vous (et par vous), traités comme les autres justiciables lorsqu'ils sont confrontés au système judiciaire ?
Celui qui vole pour 150 euros de marchandises dans une grande surface est-il traité comme celui qui fraude 10.000 euros d'impôts ?
Je n'ai ni votre expérience ni le même point d'observation que vous. Inspecteur du travail depuis bientôt deux années, j'ai régulièrement l'occasion de voir comment le système judiciaire traite de manière très différente la délinquance en col blanc des autres types de délinquances, et notamment de la délinquance visible de voie publique.
Il ne s'agit pas tant pour moi de critiquer ici cet état de fait (à moins que des avis différents sur la question s'expriment) que d'avoir votre point de vue sur la question posée plus haut.
Rédigé par : Xavier HAUBRY | 09 avril 2006 à 10:09
Bonsoir,
Monsieur HUCHON devait sans doute penser qu'il béneficierait de la même "désobéissance" des policiers chargés par la Justice de faire une perquisition chez Monsieur Tiberi, l'ex maire de Paris.
Esperons seulement que ces comportements, pour le moins douteux, qui avaient permis à Monsieur Tiberi de passer à travers...la perquistion, ne se retrouvent plus aujourd'hui. Il serait temps qu'enfin la police judiciaire le soit totalement et devienne indépendante de la place Beauvau. Il serait temps aussi que l'Administration pénitentiaire ne dépende plus de la Justice, mais devienne enfin indépendante pour pouvoir mieux axer sa politique de reinsertion. Ce n'est effectivement pas notre illustre ministre actuel qui proposera une telle "révolution", puisque son épouse, Laure de Choiseul ne doit pas l'y inciter, dernier poste occupé oblige.
Quant au terrible Môsieur Pasqua, inutile de se faire du souci pour lui. Ce n'est pas demain la veille qu'on l'attrape. La justice n'étant et c'est bien connu, qu'un filet à petite maille, ne laissant filer que les gros poissons.
Bien sincérement
Marc Fievet
Rédigé par : Marc Fievet | 08 avril 2006 à 22:32
Naiveté, la page suivante devrait répondre à vos interrogation :
http://www.fonctionpublique.public.lu/travailler/fonctionnaires/droits_devoirs/reserve/
Peut-on dire qu'exprimer un avis sur une affaire comme celle d'Huchon « pourrait porter atteinte à la dignité de ses fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public », je ne trouve pas.
Il est vrai qu'une certaine lecture du devoir de réserve, notamment sa lecture militaire, puisse être très restrictive, en allant jusqu'à proscrire le droit de grêve.
Il y a néanmoins un problème à demander aux fonctionnaires et magistrats de la Nation de cesser d'être citoyens, de perdre le droit d'avoir une opinion.
De fait, il parait donc légitime d'encadrer strictement le devoir de réserve, interdisant les propos qui nuisent à l'honneur de la fonction (on comprendrait mal un fonctionnaire de X ou Z service qui exprimerait des vues qui semblent contradictoire avec l'intérêt même de ces services, avec les principes fondamentaux de notre démocratie) tout comme les propos qui trahirait le secret professionnel.
Dans cette perspective, le fait de faire un blog n'est pas choquant du tout.
Maintenant, il faut garder à l'esprit que tous ne sont pas du même avis sur le droit des fonctionnaires et magistrats à s'exprimer en tant que citoyens.
Ainsi, depuis mars, le « Met » (Metropolitan police ; la police de Londres) a mis en place des règles restrictives, interdisant notamment à ses agents et officiers toute critique de son fonctionnement sur des blogs.
http://news.bbc.co.uk/2/hi/technology/4799994.stm
Cette évolution me semble personnellement abusive. Si je trouverais tout à fait normal que l'on sanctionne un policier qui exprimerait des vues racistes sur son blog (ce qui témoignerait d'une non-adhésion aux lois qu'il est censé faire respecter), je trouverait scandaleux qu'on joue à « la grande muette » et que l'on se permette d'interdire à des policiers d'exprimer des points de vues qui ne sont nullement contradictoire avec leurs devoirs professionnels, tout simplement pour donner une image propre mais mensongère des services.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 08 avril 2006 à 11:15
Quelque chose m'étonne dans le principe même de ce blog : n'êtes vous pas tenu au devoir de réserve ? au secret professionnel ? au devoir de discrétion professionnelle ? à l'obligation de neutralité ? entre autres.
Rien à voir avec Huchon (ou tout autre), c'est le principe même de voir un magistrat, qui plus est du parquet, se présentant comme tel, ouvrir un blog et y parler de ce qui constitue son activité professionnelle, qui m'étonne, disons. Sans plus.
Rédigé par : Naivetés | 07 avril 2006 à 22:49
Je reviens sur Outreau. Moi, j'ai entendu certains acquittés qui sont restés sans avocat pendant l'instruction et ont même été convoqués par le Juge d'instruction hors présence d'un avocat. Est ce parce qu'ils n'avainet pas les moyens de se payer un avocat et donc étaient forcé de passer par celui qui était de garde ?
Moi j'ai entendu les avocats parler de ces problèmes d'argent devant la Commission. Je ne veux pas verser d'huile sur le feu ni tomber dans des opinions extrêmes, mais combien "coute" Maitre Spiner ou Maitre Berton ?
Allez demander à celui qui tient le blog monputeaux.com combien sa défense contre la Mairie de Puteaux lui a couté et pourquoi il a fait appelà la solidarité des blogueurs ? Il parait que la Mairie de Puteaux a depense près de 40 000€ dans son mauvais procès au citoyen Grebert.
Rédigé par : Didier | 07 avril 2006 à 22:28
Cher Monsieur,
je suis désolée pour le hors sujet mais puisque vous parlez du journal Le Monde, avez-vous lu l'article de ce journal vous classant parmi les 15 blogs leader d'opinion.
bravo! votre blog est récent mais déjà vos propos font leur chemin.
continuez à nous ouvrir nos horizons et à forcer nos méninges à fonctionner.
et encore merci !
Rédigé par : vanverde | 07 avril 2006 à 19:01
Cette mésaventure me rappelle furieusement un de mes billets - naturellement moins lus que les vôtres - dans lequel je comparais le sort de Gaymard à celui de l'ancien bras droit de Rocard. Si ça vous tente de le lire...
http://s.huet.free.fr/dotclear/index.php?2005/03/05/370-deux-poids
Rédigé par : SH | 07 avril 2006 à 16:38
Effectivement, Google Actualités ne retrouve que très peu de liens sur cette "affaire Huchon", bizarre...
J'avais également été très choquée de cette attitude déplorable. Les VIP étant déjà généralement traités avec plus de considération que le citoyen lambda par la police, sans qu'il y ait plus d'indulgence, heureusement, c'est d'autant plus impardonnable.
Quelqu'un qui se réclame d'un parti égalitaire, abolissant les privilèges, voulant faire de mars 06, un juillet 1789 2.0, ne devrait-il pas plus que tout autre se montrer humble et ordinaire ??
Heureusement qu'il y a aussi de bonnes nouvelles dans la vie ! Toutes mes félicitations pour votre nomination dans la liste des 15 blogueurs les plus influents (Le Monde). :)
Rédigé par : Delphine Dumont | 07 avril 2006 à 14:52
Imaginons que les propos de G. Frèche eussent été tenus par un élu de droite, idem pour Gremetz. Les propos de l'un sur les harkis et de l'autre sur les africains sont autrement plus graves que les locutions "karcher" ou "racaille". Il faut toujours s'excuser de ne pas être de gauche et d'avoir la parole impure.
Rédigé par : all | 07 avril 2006 à 09:09
Quelle arrogance et quelle suffisance! Voila typiquement le comportement qui a le don de m'ulcérer de la part de nos politiques (du moins de la part de ceux qui s'y abaissent). C'est un comportement digne de Berlusconi.
Rédigé par : nicolas | 07 avril 2006 à 08:54
Pour autant que cet épisode grotesque soit confirmé, c'est aussi choquant qu'inadmissible et la mansuétude du procureur de la République vis à vis d'un élu (Officier de la Légion d'Honneur, Chevalier de l'Ordre du Mérite et Commandeur du Mérite Agricole) devrait avoir désormais atteint ses limites.
Ceci étant, et pour autant qu'ils aient regardé sur Arte mercredi soir le très remarquable documentaire "Berlusconi, l'affaire Mondadori", ces "élites" politiques frondeuses, arrogantes et impudentes, ont pu constater qu'il leur restait une marge de progression substantielle avant d'arriver au niveau d'excellence de M. Berlusconi et de l'ineffable avocat Ministre Previti.
http://www.arte-tv.com/fr/histoire-societe/les-mercredis-de-l-histoire/cette-semaine/101106.html
Rédigé par : JYG | 07 avril 2006 à 08:42
Philippe,
"l'audition mouvementée de M.Huchon à la brigade financière". Si la teneur de ce texte est exacte - et je n'ai aucune raison d'en douter -"
Gérard Davet a déjà été condamné pour diffamation.
Rédigé par : José@La e-Cité | 06 avril 2006 à 21:31
Soit, mais M. Huchon aurait il seulement echappé à la garde à vue.. s'il n'avait pas été M. Huchon justement?
Rédigé par : Set | 06 avril 2006 à 20:59
Et ce pôvre Charles Pasqua, cité sur le Figaro ce jour :
"Le juge Courroye n'en a tenu aucun compte. Il instruit à charge, le reste ça ne l'intéresse pas ", a-t-il conclu.
Encore un intouchable "par essence"...
Rédigé par : Jean Pierre Chaume | 06 avril 2006 à 20:23