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26 mai 2006

Commentaires

Alain Robert

Que Guy Drut ait pu susciter l'admiration lors de son exploit, passe encore mais d'ici à lui valoir "la reconnaissance de la France" ... Réservons-la plutôt, entre autres, à ces milliers d'immigrés qui ayant travaillé sur les chantiers d'un pays à reconstruire se voient aujourd'hui rogner leurs pensions retraite s'ils regagnent leurs pays et survivent dans des conditions misérables dans notre indifférence.
Le Président de la République a perdu encore une once de son honneur. Drut ne l'a pas reconquis pour autant et son aura de champion s'abîme dans la plus méprisable compromission. Merci de persister dans cette salutaire indignation.

Bledou Yves

Guy Drut, clearstream. ce sont des non evenements.
ce sont des dossiers, ni fait ni a faire. En effet sur le fond, il y rien de méchant derriere tous ça !Guy Drut est un intime du chef de l'Etat il ère dans les sphères de la republique, il a fonctionné comme de coutume dans ces milieux.Il n'a rien inventé.Je suis donc surpris des réactions des politiques, s'offusquant de cette histoire...
Clearstream. pourquoi les politiques sont choqués ? pas de detournement d'argent ! pas de comptes bancaires !pas d'histoire. c'est juste une histoire de barbouze qui a mal tourné.Mais sur le fond, il n'y a rien. Alors calmons nous! merci

Marcel Patoulatchi

Jean-Dominique, je sursaute mais il ne faudrait néanmoins pas que nous perdions de vue que nous sommes probablement d'accord sur l'essentiel, comme tous les commentateurs, à savoir que cette amnistie est un acte lamentable.

Je ne suis pas convaincu que l'on puisse dire que c'est un simple point technique qui fait que dans un cas on considère cadre d'activité politique normal que les biens d'un magistrat se confondent avec les biens de la cité alors que dans l'autre on considère cela comme corruption. Ce qui caractérise l'asservissement du bien public est bien différent. Aujourd'hui, on ne demande plus aux élus de financer la vie de la cité, les jeux, l'approvisionnement, l'équipement militaire, avec au besoin leurs deniers. On le proscrit. Pourquoi ? Parce que nous vivons dans une démocratie ou le plus modeste citoyen devrait pouvoir être élu. Or selon la logique romaine, cela serait parfaitement impossible. Dès lors qu'on ne demande plus aux élus de faire bénéficier la cité de leurs ressources personnelles, il devient intolérable qu'ils bénéficient des ressources de la cité pour leurs affaires personnelles. C'est pour moi bien plus qu'un simple point technique, c'est une conception de la vie politique différente, principalement différente parce que la Rome antique était une oligarchie alors que la France est une démocratie au moins théorique.

Concernant la « hiérarchie patoulatchienne des délits », c'est celle du droit pénal français, c'est à dire « l'échelle des peines ». Le degré de responsabilité n'interfère pas sur le fait qu'en droit français, on peut dire qu'une contravention de 4ème classe infraction faisant encourir une amende est moins grave qu'un délit faisant encourir l'emprisonnement, lui même moins grave qu'un crime faisant encourir la réclusion criminelle. Cette classification n'est pas un vague « a posteriori » mais un fondement omniprésent tant sur la procédure que sur le droit lui-même.

Que la loi et la morale peuvent ne pas se rejoindre, c'est un fait, et mon exemple autoroutier abonde dans ce sens, puisque je ne suis pas convaincu que l'on protége un intérêt moral en sanctionnant certains excès de vitesse, mais plutôt une conception administrative et économiquement non dépourvue d'intérêt de la circulation routière. Pour autant, il est exagéré de dire que loi et morale ne poursuivent jamais les mêmes buts, alors que certains lois ont un fondement éminemment et avant tout moral, notamment celles relatives à la prostitution ou encore certains lois anciennes et révolues depuis comme celles portant sur le suicide, l'avortement ou l'homosexualité. En poussant un peu le raisonnement, on peut aussi dire que c'est notre vision morale des droits de chacun, des droits de l'homme, qui nous poussent à réprimer l'esclavage, les viols et toutes autres atteintes au droit de chacun à vivre en paix. La morale ayant cours dans certains autres pays, notamment les pays islamistes, offrent des lois tout à fait différentes, permettant dans certains cas extrêmes à un enfant de tuer sa mère parce qu'elle se serait rendue sur la place du marché du village non-accompagnée d'un homme de la famille.

Et dans cet esprit, je ne suis pas du tout d'accord pour dire que « l'organisation des sociétés humaines n'entrent pas dans la catégorie du bien ou du mal », je pense au contraire que c'est le fondement social de définir l'acceptable de l'inacceptable, de distinguer le bien du mal. Qu'est-ce sinon qu'un regroupement civique s'il ne tend pas à réguler les agissements des uns envers les autres ?

Donc, non, la médiatisation ne crée pas seule le problème moral. Le problème moral existe dès lors qu'un corps civique se dote de règle floues pour laisser de la latitude aux acteurs politiques dans l'intérêt commun et qu'ils utilisent manifestement cette latitude contre les intérêts de la cité. Le problème moral est d'ailleurs sans limites, car il ne s'agit pas que d'un simple abus, il s'agit aussi d'un désaveu public des institutions alors que l'on est incapable d'affirmer qu'elles ont mal fonctionné.

Peut-être qu'au lieu d'interdire toutes amnisties comme le proposent certains devrions-nous étendre la définition de la trahison...

Hormis cela, comment donner tort à Edmond ? Nous sommes effectivement dans une démocratie de droit, il ne tient donc qu'à nous théoriquement de faire du ménage. Le plus inquiétant, c'est que, toujours théoriquement, l'absentéisme devrait décupler nos voix... Pourtant il n'en est rien, semblerait-il.

gambrelle

Ne connaissant en rien le cas de Guy Drut je n'ai pas d'avis sur ce sujet;

Mais si je prends part au débat c'est que j'ai la sensation qu'en France les malversations financières sont jugées plus inacceptables que les malversations ou les erreurs ayant provoqué la mort.

Car enfin, le cas Battisti montre que Mitterand a pratiqué une forme de grâce présidentielle.

Et le fait qu'Edmond Hervé soit toujours maire de Rennes donne moins à débat que les cas de Mellick,Balkany, Carignon, etc. Pourtant il y a eu une décision spécifique à la France conduisant à la mort de masse car le taux de mortalité des hémophiles, proche me semble t il du taux inimaginable de 90% a été dix fois supérieurs à celui de l’Angleterre ou à celui de l’Allemagne : ce résultat désastreux ne tient pas à la technique ( chauffage ou non) mais si j’ai bien compris la presse que j’ai lu attentivement durant plusieurs années au fait que le cabinet du ministre a répondu qu’il fallait éviter des stigmatisations négatives à la demande formulée par l’administration de la santé d’arrêt de la collecte de sang auprès des personnes à risque, comme le faisait à l’époque l’Angleterre.

Il me revient aussi que le ministre a bénéficié d’un traitement judiciaire propre à sa fonction qui a fait moins débat que celui du président, alors même que le jugement a été pleinement politique, absout par les siens, condamné par ses opposants politiques heureusement minoritaires.

Ce désintérêt pour la responsabilité se retrouve aussi dans l’affaire Tchernobyl, où un préfet de l’un des départements d’Alsace invitait devant les caméras sur un marché à consommer des produits locaux, alors que de l’autre coté du Rhin l’Etat protégeait la population et lui demandait d’éviter de sortir : j’ai pu en ces jours où le nuage passait voir les parcs allemands déserts, et la France vivre comme si de rien n’était. A l’époque Jacques Chirac venait d’être nommé premier ministre, mais son attitude partagée avec celle de Mitterand, ne lui vaut pas de fortes critiques sur ce sujet encore aujourd’hui.

Cette différence d’émotion entre les sujets financiers et les sujets vitaux ne laissent pas de m’intriguer, je pense qu’il s’agit d’une permanence du goût français pour Saint-Just contre Danton, une forme peut être dangereuse de puritanisme français.

sdl

merci pour ce billet net et précis. 100% d'accord.

Jean-Dominique Reffait

Marcel Patoulatchi, le fait que vous sursautiez à chacune de mes interventions vous rapproche des performances sportives de Guy Drut et vous me remercierez bientot de votre médaille d'or du sursaut vous permettant d'accéder à la clémence présidentielle...

Erreur de votre part : le plaidoyer pro domo de Cicéron est justement ce qui lui a permis d'emporter une cause qui semblait mal engagée, preuve que les arguments de ce plaidoyer ont porté fortement dans l'esprit des sénateurs-juges, parce que, justement, l'argument moral était ancré chez eux. Ce que vous dites du contexte politique romain est juste mais vous confirmez ainsi ce que je dis : quelque opinion politique ait pu avoir Cicéron et ses concitoyens, la nature de la Res Publica n'avait pas changé avec l'instauration du principat (que nous appelons à tort Empire).

Autre erreur, la notion de corruption n'a pas varié, c'est son contenu technique qui a évolué avec l'évolution des techniques de gourvernance. Vous le dites d'ailleurs vous-même : "Il s'agit dans la plupart des cas d'asservir l'intérêt public à des intérêts privés, il s'agit donc d'actes éminemment immoraux en ce qu'ils constituent une trahison de la Nation." Lire ou relire Lysias, Isocrate, Cicéron : ils ne disent pas autre chose.

Soudain, vous devenez souple (on ne vous reconnait plus !) et vous créez une hiérarchie patoulatchienne des délits, considérant que rouler à 150 à l'heure est moins grave qu'un délit de corruption. Vous avez tort car si, au lieu de prendre votre seule appréciation comme instrument de mesure, vous preniez la loi qui s'impose en chaque cas d'espèce, chaque contrevant est fautif à 100% de sa loi de référence. Seule l'échelle des peines crée une hiérarchie, a posteriori. Par l'absurde, pour démontrer la nécessité de bien choisir son instrument de mesure, Guy Drut est totalement innocent au regard du code de la route !
Vous admettrez que la norme patoulatchienne, aussi vénérable soit-elle, ne saurait s'imposer à tous sans débat.

Mon seul propos, et vous le confirmez malgré tout par touches successives, était de démontrer que loi et morale ne sont pas liées consubstantiellement, que la loi poursuit des buts qui ne sont pas ceux de la morale, quand bien même croiserait-elle parfois les intérêts de celle-ci, que la morale collective qui serait l'addition des comportements moraux individuels est un concept creux, que l'organisation des sociétés humaines n'entrent pas dans la catégorie du bien ou du mal, enfin que la médiatisation crée seule le problème moral, l'application de la loi n'entrant pas dans ce cadre.

GL

Il y a bien longtemps que je ne me fais plus d’illusions sur les compétences, les vertus et surtout la moralité de l’individu qui est à la tête du système des copains-coquins.
Dans moins d’un an, il rentrera dans l’histoire à la place qui lui revient. Je crains malheureusement que d’ici là il ne trouve encore plusieurs occasions de faire du mal à la France.

Rolland Barthélémy

Il est un peu tôt pour dire que l'amnistie offerte à Guy Drut n'aura pas d'incidence sur sa carrière.
Est-il d'ailleurs si sûr qu'il retrouve automatiquement ses fonctions au sein du CIO? A vrai dire, la seule chose qui m'ait vraiment choqué,dans cette affaire, c'est une phrase prononcée, lorsqu'il s'est "expliqué" sur la question, par Jacques Chirac; il semblait implicitement tenir cette réintégration pour acquise, et même considérer que cette réintégration allait justifier a posteriori l'effacement de la condamnation... d'où lui vient cette certitude?

L'impact de "l'affaire " sur l'opinion française est une toute autre question.
Ce que la réélection de Balkany, de Mellick ou de Carignon prouve, ce n'est pas que "les élécteurs ne savent pas user de leur pouvoir": quand ils en ont réellement assez d'un élu, ils savent bien le lui montrer. Ce que cela prouve, c'est, beaucoup plus simplement, que dans ces affaires, le public n'a pas eu, des faits qui ont été portés à sa connaissance lors des procès de ces élus, la même perception que les magistrats: soit il les a considérés avec plus d'indulgence (il semble que ç'ait été le cas pour Balkany), soit il n'a pas été convaincu que la réalité des faits reprochés ait été établie (on entend encore parfois de vieux Niçois jurer leurs grands dieux que Jacques Médecin a été victime d'une cabale), soit encore il ne les a pas jugé repréhensibles du tout ("à sa place on aurait fait la même chose, non?" disent bien des Béthunois à propos de Jacques Mellick).
L'inverse peut aussi se produire: souvenons-nous de la chute spectaculaire de la popularité de Jacques Chaban-Delmas après la publication de sa déclaration de revenus, dont il ressortait simplement qu'il avait usé d'une disposition légale destinée à simplifier l"imposition des possesseurs d'actions, ce qui lui avait permis, comme à plusieurs milliers d'autres contribuables à qui cette disposition s'appliquait, de ne pas payer d'impôt. Ce qu'il avait fait n'avait strictement rien d'illégal, tout le monde en convenait, mais avait été jugé immoral par un nombre significatif d"électeurs: de grand favori de l'élection présidentielle, il en était du jour au lendemain devenu l'outsider.

Cette divergence entre le droit et la morale est-elle si surprenante, compte tenu des conditions dans lesquelles naissent l'un et l'autre?
Le droit naît d'une construction intellectuelle, son élaboration est publique, s'il faut le remanier ce n'est qu'à grand effort; la morale, elle, est sécrétée par les collectivités humaines comme le corail par les colonies de madrépores, on ne sait pas trop quels ingrédients entrent dans sa composition, on s'aperçoit un jour en la regardant de plus près qu'elle a tant changé qu'on ne la reconnaît plus.
Le rôle des tribunaux étant de dire le droit, pas la morale, le fait qu'une décision de justice ne remporte pas l'adhésion unanime du public ne devrait pas être considéré comme une preuve de l'affaiblissement du sens civique. Ne serait-il pas plus inquiétant que, lorsqu'une personne qui a été frappée d'une condamnation assortie d'une période d'inéligibilité d'une durée fixée par la loi se présente, au terme de celle-ci, de nouveau devant les électeurs, ceux-ci se croient obligés de lui infliger une sorte de "double peine"?

Marcel Patoulatchi

Jean-Dominique, cela va finir par devenir une habitude, mais je ne parviens pas à ne pas sursauter en lisant votre commentaire.

Vous déclarez que « ce type de services entre amis est aussi ancien que l'humanité [...]. Cela ne relève pas d'une aggravation du sens moral en politique mais, au pire, d'une continuation de pratiques millénaires. Cicéron s'en offusquait déjà ».

Parlons de Cicéron. Cicéron vivait dans une société qui n'a jamais fondé de distinction entre les biens d'un magistrat (c'est à dire du détenteur d'un pouvoir politique, judiciaire et religieux ; c'est ce qu'étaient les magistrats romains) et ceux de la cité, la res publica (le bien commun). Poser le problème de la corruption comme une permanence pluri-millénaire est une gageure dans la mesure où la notion de corruption a fait l'objet de multiples évolutions au fil des temps et désigne au fil du temps des pratiques sans rapport. De fait, à Rome le clientelisme était érigé en mode de fonctionnement normal, cohérent dans une société où droits et devoirs restaient très largement lié au fait d'être membre de la nobilitas ou pas, d'être issu d'une importante gens. Si être magistrat à Rome imposait d'avoir une bonne fortune, c'est parce qu'il était aussi attendu que l'on fasse usage de cette fortune dans le cadre de ses fonctions (que ce soit militaires ou civiles - notamment l'organisation de jeux du cirques ou d'approvisionnement alimentaire... panem et circenses). Les affaires de corruptions liées à la ville de Paris désignent des actes qui à Rome auraient été perçus comme normaux, attendus.
Si Cicéron, comme de multiples autres grands orateurs, avait tendance à gloser sur une dérive des temps, comme nous le faisons souvent nous même, c'est lié au fait que l'observateur attentif de la société dans laquelle il vit peut difficilement s'en satisfaire, étant donné que l'homme n'a encore jamais produit de société parfaite. Le ravi serait en quelque sorte l'innocent du village. Mais cela ne signifie pas que toutes les sociétés humaines ont les mêmes traits et que toutes les critiques adoptent le même angle d'attaque. Barrès et Zola ne faisaient pas figure de satisfaits, par exemple, on ne saurait pourtant les décrire comme d'un même courant.
Cicéron, lui, regrettait la disparition d'un modèle de régime politique de constitution « mixte tempéré », il regrettait le bouleversement des structures oligarchiques romaines ayant pavé la route du principat, c'est-à-dire de la domination d'un homme placé au-dessus de tous en auctoritas, cumulant notamment imperium domi et militiae, bien que prétendant ne pas avoir plus de potestat que ses collègues (dixit Auguste dans sa res gestae). Mais pendant la période que nous appelons principat, les Romains n'ont pas cessé eux de parler de res publica, de persister à adhérer à l'idée d'un bien commun, sans voir de contradiction entre l'idée de bien commun et la présence à tous étages du princeps, de la confusion entre bien commun et ses biens privés... tout d'ailleurs comme ils (par exemple Tite-Live, Claude...) parlaient aussi de res publica à propos de la période archaïque.
Si Cicéron est l'auteur du fameux plaidoyer pro domo, c'est bien que le mélange des genres entre intérêt de la cité et intérêt privé n'était pas alors si sulfureux.

Ainsi, en 2006, ce que nous réprimons pénalement comme corruption correspond à des faits qui apparaîtraient normaux dans d'autres sociétés, justement parce que notre société a d'autres caractéristiques et d'autres critères moraux. Donc à vrai dire, nos protestations et étonnements ont une part de singularité, divergent des autres protestations et étonnements de Cicéron et ses semblables, parce qu'elles se font au nom de principes différents. Et si l'on suggère un effritement de des standards moraux, c'est sans doute parce que les principes auxquels nous nous referons n'auraient pas vu jour sans une hausse préalable des standards moraux de notre société.

Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'une bêtise serait très ancienne qu'il faudrait s'y résoudre. La violence elle-même est un fait très ancien, qui semble constant dans les sociétés humaines, en dépit du fait qu'il prend des formes extrêmement diverses. Devrions-nous nous y résigner et tolérer ce fait normal ?

Vous dites aussi que « Cette loi [d'amnistie] a profité à des millions de Français, en faisant sauter nos derniers PV impayés [...] ceux-là mêmes qui ont bénéficié de l'amnistie de leurs petites fautes fustigent l'application de cette même loi ! On ne saurait être plus schizophrène »

D'abord, il serait bon de garder à l'esprit que tous les Français ne se félicitent pas de ces mesures incohérentes.

Ensuite, si notre droit pénal distingue les contraventions des délits et des crimes, c'est bien parce qu'est présente l'idée forte d'une distinction des infractions selon des critères de gravité, distinction incarnée dans la définition des peines encourues.

Je crois qu'on peut affirmer que les délits relatifs à la corruption nuisent directement au fonctionnement normal des rouages majeurs de la société. Il s'agit dans la plupart des cas d'asservir l'intérêt public à des intérêts privés, il s'agit donc d'actes éminemment immoraux en ce qu'ils constituent une trahison de la Nation.
Concernant les infractions routières, l'aspect moral de la répression est plus délicat. On a beau dire, on a du mal à prouver qu'un individu qui roule à 150 sur une autoroute dégagée par beau temps est franchement plus dangereux que celui qui ne respecte pas les distances de sécurité par temps de pluie tout en respectant la limite de vitesse, ou encore à prouver qu'il est moins dangereux que les camions qui circulent sur les routes nationales qui imposent aux automobilistes des prises de risques lors des dépassements normaux et légaux (je parle bien de dépassement aux endroits prévus). On a beau dire, on peut mettre des radars sur l'autoroute pour punir le touriste qui a eu le tort de ne pas être du coin pour savoir à quel moment il s'agissait de piller comme un sagouin, on est obligé à un moment donné de constater, comme l'actualité du jour nous y invite, que ce sont sur les routes nationales que se produisent les accidents les plus graves, impliquant souvent des camions (actualité du jour : trois accidents mortels sur route nationale impliquant des camions) ; j'ai la naïveté de croire qu'interdire les routes nationales aux camions et embaucher des gendarmes, par essence mobiles et donc pouvoir exercer des contrôles plus ciblés, aurait permis une politique répressive plus intelligente que le saupoudrage de radar sur les bords d'autoroutes - par exemple en contrôlant des choses importantes comme le respect des distances, en s'imposant systématiquement à la sortie des parkings de boîtes de nuit pour des alcootests, etc). Bref, en matière d'infractions routières, l'aspect moral du droit pénal est discutable. Il est d'autant plus amusant d'entendre tel policier ou gendarme devoir déclarer que rouler à 5 kilomètre heures de plus que la moyenne crée un danger alors qu'eux même sont bien obligés de reconnaître qu'en urgence ils sont amenés parfois à circuler à plus de 100 en ville et 200 sur autoroute selon leur véhicule. Bien entendu, ils y ont été habilités après apprentissage particulier et examen ; mais l'existence d'une telle habilitation montre bien que finalement la vitesse n'est qu'un facteur relatif. On peut facilement se sentir plus en sécurité à 180 sur une autoroute allemande où cela est autorisé que cerné de bachis-bouzouk en France, à bords de véhicules en lamentable état, qui doublent sur la droite, pillent, roulent sur la file du milieu à faible allure, collent à l'arrière-train, tout en respectant plus ou moins les limites, où il ne s'agit plus d'avoir l'intelligence de la situation mais uniquement de savoir détecter rapidement la présence des forces de l'ordre.

Tout cela pour dire qu'il paraît contestable de dire que celui qui a commis un excès de vitesse raisonnable est comparable à quelqu'un qui a magouillé un marché public pour que son ami se construise une nouvelle piscine aux frais du contribuable.


Alors, y a t-il « dichotomie profonde qui existe entre morale et loi » ? Si l'on restreint la réflexion aux lois ayant une teneur pénale, on peut dire en effet que dans certains cas il y a indifférence à la morale. Et si l'on parle spécifiquement des lois qui proposent des immunités pénales, on peut facilement trouver des cas d'immoralités avérés. La plupart de ces cas ont une justification pragmatique théorique.
Dans le cas de l'immunité présidentielle, certains prétendent qu'un régime politique serait trop fragile s'il permettait au représentant de la Nation d'être confronté à la Justice. C'est un point de vue qui ne me semble pas pertinent car il est l'aveu de la résignation à ne pas croire en une Justice valable où la simple mise en cause gratuite ne saurait avoir de conséquences fâcheuses.
Dans le cas des lois d'amnistie, j'admets leur pertinence aux sortir de guerres civiles comme la II ème Guerre Mondiale et la Guerre d'Algérie (dans les deux cas, des Français se sont battus contre des Français). Les torts causés sont trop lourds, la poursuite de tous les crimes imposerait une lutte judiciaire sans fin (comme dans un commentaire sur un autre billet, je vous renvoie aux questionnements ayant présidé à l'établissement des juridictions de Gacaca à propos du génocide au Rwanda, ou encore aux amnisties en Afrique du Sud voulues par Mandela), une poursuite de la guerre sur un autre terrain. Pour les autres lois d'amnistie, je ne parviens pas à trouver la moindre explication valable.

Marc Fievet

Bonsoir,
Ce magnifique sauteur de haies n'a pas eu à fournir d'efforts particuliers pour sauter les décisions de justice...Le Président l'a amnistié, mais que je sache, l'instruction d'une telle mesure revient à la chancellerie qui donne une position, dit-on, toujours suivie par l'Elysée. Monsieur Laurent Le Mesle aurait-il donné l'accord de la chancellerie pour notre champion, vu les éminents services rendus à la nation...Ce qui m'étonne, c'est que ce même Laurent Le Mesle, à l'époque où il conseillait le Président, n'a pas réussi à présenter mon dossier de grâce présidentielle, pourtant présenté par les Douanes françaises comme la seule solution pour me sortir d'une situation ubuesque. Aujourd'hui, les conclusions de Madame Sophie Clément qui reconnaissent le caractère exceptionnel des services rendus à la nation par l'Aviseur NS55 que je fus et le fait qu'on ne peut retenir contre moi les faits de trafic de stupéfiants, la justice continue à me "triturer" sans aucun bon sens et le Président, ailleurs, n'étant pas de mes "amis", est totalement indifférent à l'injustice que j'ai et que je continue à subir.
L'article paru dans le Parisien et visible par le lien
"http://admin.over-blog.com/admin-article.php?a=2&recherche=&page=20&filtre=&tri=0&Id=2830497&From=1"
permet de comprendre ma situation. Vit-on encore dans une société sensée? J'en doute chaque jour davantage.
Sincèrement
Marc Fievet

PROST Edmond

Tout n'est pas perdu. Cette transgression de la morale publique peut légitimement se retourner contre son bénéficiaire.
En effet, il suffira que les citoyens dont il ne manquera pas de briguer prochainement, sans vergogne aucune, les suffrages le renvoient durablement ....derrière ses haies.
Et le tour sera démocratiquement joué et la morale sauvée.

Mais voilà, j'ai bien peur que mes concitoyens se contentent d'être outrés.
Rappelons-nous le sort réservé par eux à Messieurs BALKANY, MELLICK, CARIGNON, etc...
Ce n'est pas le Président de la République qui doive nous désespérer, ce sont plutôt les élécteurs qui ne savent user de leur pouvoir !

rosario vila

Vous avez raison, bien sûr, de vous étonner (indigner) de cette transgression de la morale; je la partage en tous points.
Depuis quelques semaines, on parle beaucoup de "république bananière" à propos de notre pays; cela fait mal et c'est excessif mais c'est le signe que bien des repères ont été perdus par les acteurs de la vie publique.
On doit s'en inquiéter .

mike

Ne croyez vous pas que l'excès de lois donc de droit a en partie remplacé morale et bon sens?
Droit d'user de son droit et devoir sont parfois antagonistes.
Bien à vous
Mike

eric nicolier

Vous avez tout à fait raison Philippe d'exprimer votre point de vue avec ce sens de la mesure qui à chaque fois vous honore.

Etant plutôt a priori sympathisant de l'UMP et du Président de la République, je n'en suis que d'autant plus outré par cette mesure d'aministie individuelle.

C'est même carrément affligeant et révélateur d'un sens politique bien maigre. On voudrait accentuer le divorce entre les élites politiques et le citoyen qu'on ne s'y prendrait pas autrement...

Jean-Dominique Reffait

Je voudrais seulement dépasser le cas anecdotique du Guy Drut : ce type de services entre amis est aussi ancien que l'humanité, y compris dans les pays anglo-saxons et dans une proportion similaire. Cela ne relève pas d'une aggravation du sens moral en politique mais, au pire, d'une continuation de pratiques millénaires. Cicéron s'en offusquait déjà jusqu'à ce qu'il devint consul et tombe lui aussi dans ces pratiques. Je ne dis pas que c'est bien, je constate que l'humanité est ainsi faite.

Et c'est justement parce que l'humanité sociale est ainsi faite qu'il y a des lois : il n'y a pas de morale sociale naturelle et la société, par ses lois, se contente d'encadrer les marges de manoeuvres de façon à ce que les débordements des uns soient compatibles avec ceux des autres. La loi est une frontière, elle ne contient pas la morale sociale, elle fixe les bornes au delà desquelles la société court un danger collectif.

Et cet épisode est révélateur de nos contradictions : il y a une loi d'amnistie de 2002. Cette loi a profité à des millions de français, en faisant sauter nos derniers PV impayés. Aucune morale là dedans, mais telle n'est pas la mission de la loi : elle consacre un pacte démocratique, rien de plus. Une disposition particulière de cette loi vient d'être appliquée pour Guy Drut et ceux-là mêmes qui ont bénéficié de l'amnistie de leurs petites fautes fustigent l'application de cette même loi ! On ne saurait être plus schyzophrène ! Or cette disposition légale est justement une frontière : le président de la République ne peut exercer le droit qui lui est attribué que dans ce cadre, lui interdisant ainsi d'amnistier tous ses amis qui ne rentreraient pas dans le cadre de la loi. A la lecture de l'article 10 de la loi, je vais même jusqu'à dire que le président de la République avait obligation d'appliquer l'amnistie, le cas de Guy Drut entrant dans sa totalité dans le champs prévu.
C'est le contraire de la république bananière, nous sommes au coeur de l'état de droit, avec ses heurs et malheurs.

En vérité, ce qui nous dérange, et Philippe Bilger insiste là dessus, c'est l'exemplarité morale de cette décision légale due à son exposition médiatique. Ce qui pose problème n'est pas l'amnistie en soi, émanant d'une loi du peuple et appliquée dans les formes prévues, mais le signal politique et moral renvoyé par la médiatisation. Or, doit-on s'interdire d'appliquer la loi au motif que dans un cas particulier, la connaissance publique de cette décision fait débat ? Et est-ce qu'un homme public pourrait ne pas bénéficier de l'universalité de la loi en raison de son seul statut ? Cela reviendrait à dire -j'attire l'attention sur le danger de ce postulat - que l'exigence de moralité des personnes publiques les placeraient de facto au dessus, en dessous ou à côté de la loi commune. Je pense au contraire qu'il nous faut accepter les inconforts de la loi commune.

Et j'invite les contempteurs de cette décision à densément réfléchir sur la dichotomie profonde qui existe entre morale et loi. Nous en avons là une illustration manifeste.

Raphaël

L'article 14 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 (celle qui a été utilisée)- et en particulier sont 4e alinéa- exclue du bénéfice de l'amnistie les délits de concussion, de prise illégale d'intérêts et de favoritisme, ainsi que de corruption et de trafic d'influence.
Alors, comment ce fait-il qu'il ait pu en bénéficier ?

bulle

Faisons beaucoup de bruits pour réveiller les consciences (et pas que la bonne…). Les consciences qui se cachent comme si en avoir nous poussait à entrer dans la clandestinité.
Allez z'enfants de la République, n'oubliez pas celle de Weimar ! Je trouve de plus en plus que nous sommes dans le même climat…
Monsieur Drut a été sportif et ministre de la Jeunesse. Pourquoi voudrait-on que cette dernière se porte bien quand ceux qui sont censés être leurs modèles nous attristent d'un tel spectacle.

Goupil

Sans être un inquisiteur, j'aurais aimé comprendre ce que le président JL Kantor avait souligné lors du procès devant l'arrogance et l'inconscience de G. Drut : ses revenus.

13 MF en 1994...

Mais d'ou viennent ces revenus alors que la personne est un élu ?

Je n'ai jamais compris que G. Drut était PDG d'une société du cac 40 ou vedette du cinéma ou de la chanson.

Il était élu du RPR (Répère des Prédateurs Rapaces comme l'appelle avec une ironie féroce Pangloss sur son blog...)...

Il touchait 2,5 MF de dividendes d'une société dirigée par Francis Poullain...connu pour ses magouilles.

Il avait donc un besoin vital de cet argent...
illégal et sa cupididé s'est manifestée dans sa négociation de "départ" alors que ses faux employeurs ne voulaient plus l'engraisser pour rien...

Rien ne me surprend de la chiraquie depuis la dernière semaine des élections présidentielles de 1988 (Libération des otages après 2 ans de magouilles, Ouvéa, libération des faux époux Turenge....)

Cacambo

Rassurez-vous, au moins sur la blogosphère - et même dans les médias - vous n'êtes pas seul à faire du bruit au sujet de cette affaire (voir la référence à quelques commentaires sur http://cacambo.over-blog.net/)... Sur le fond, je partage entièrement votre inquiétude sur l'absence apparente de relations, en France, entre la morale et la politique. Il est de bon ton de se gausser du puritanisme anglo-saxon à cet égard, mais je dois dire qu'à titre personnel, je préfère encore les excès de celui-ci à la situation que nous connaissons à cet égard dans notre pays... N'est-ce pas (aussi) pour cette raison que ces pays ne connaissent pratiquement pas de partis extrémistes ?
Peut-être me rejoindrez-vous pour espérer que le CIO - qui n'est en aucun cas tenu par cette amnistie - ne soit pas aussi indifférent que la France au respect d'une certaine morale...

brigetoun

il me semble quand même qu'il y a eu des indignations exprimées et même une gêne chez un député UMP. Ce qui est affligeant outre le principe de cette impunité "pour service rendu à la France" c'est l'attitude du bonhomme si l'article de mai 2005 repris sur le site de Libération et rendant compte du procès est fidèle. Arrogance, inconscience, totale absence de regret, et il a été ministre chargé de la jeunesse je crois, et il nous représente. Zut

Marcel Patoulatchi

Non, ce n'est pas rien.

Cela fait quelque temps que certains pensent que notre régime présidentiel n'a plus de sens. Il semble faire désormais figure d'un catalogue de droits étranges peu innocemment appelés régaliens que l'on croirait échappés d'un autre siècle - peut-être même d'une légende. Les résidus du passé ont parfois besoin de biens des abus pour qu'on accepte de finalement les enterrer, en dépit d'un état de putréfaction manifeste avéré de longue date.

Quant au CIO, on ira bientôt en Chine comme on allait autrefois à Berlin. Sans se poser trop questions. L'important n'est-il pas de participer... toujours plus haut et plus fort ?

Certains en effet sautent les obstacles sans difficultés. Sans difficulté pour eux. Le résultat de ce magma douteux se mesure les jours d'élections, au poids des absents.

jerome

Navrant!
Quelle spectacle désolant d'un système démocratique arrivant à bout de souffle!
Sans juger sur le fond, ce que le Tribunal correctionnel a fait, l'affaire Guy Drut témoigne d'un système de copinage, et de république bananière, dont les français ont de plus en plus horreur. Quelle image de la politique! Même si le texte prévoit la possibilité d'amnistie pour des personnes s'étant distinguées par leurs actes au nom de la France, les citoyens vont garder l'image du:"on se serre les coudes en cas de coup dur", "on fait profiter quand il est encore temps nos proches en politique".
J'ai bien peur que les extrêmes se renforcent. Ajouté à l'affaire Clearstream, et vous avez un mélange détonnant de la "maldémocratie" et de la déliquescence de nos institutions politiques.

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