Participant récemment à un colloque sur la réforme de la justice, j'ai senti une forte adhésion du public lorsque j'ai dénoncé le corporatisme des magistrats et souhaité un régime de responsabilité accrue pour eux, pour nous. Outreau a permis à ce discours hier très minoritaire de devenir non seulement audible mais respecté.
J'en veux pour preuve que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dont les jours sont comptés, je l'espère, dans sa composition actuelle, a éprouvé le besoin de publier un recueil des 201 sanctions prises depuis depuis 1959, dont les deux tiers depuis le début des années 90. Le nombre des procédures a nettement augmenté depuis 2001, année à partir de laquelle le droit de saisine a été élargi du garde des Sceaux aux chefs de cour d'appel.
Ce qui m'intéresse, ce n'est pas la nature des sanctions disciplinaires mais le fait qu'aujourd'hui, le CSM a tellement peur d'être taxé de faiblesse à l'égard d'agissements professionnels contestables qu'il prend les devants et se justifie en présentant son bilan.
Cela me fait plaisir. Non par une sorte de masochisme qui me ferait souhaiter à notre encontre des fourches caudines toujours plus contraignantes, ni par sadisme, à cause du bonheur pervers de voir réprimander des collègues. Je suis ravi, au contraire, de cette avancée du CSM qui rend hommage à l'intense débat qui se déroule depuis des mois, depuis plus longtemps même puisque c'est Nicolas Sarkozy qui l'a véritablement lancé après la terrible mort de Nelly Cremel.
La magistrature si lente à réagir, si rétive en d'autres circonstances, a fait du chemin. Elle a même approuvé la création d'une commission chargée d'examiner de nouvelles modalités de responsabilité, notamment au regard de la grossière erreur d'appréciation. Elle a sans doute compris que son pouvoir se devait d'avoir sa contrepartie.
Il me semble que je suis suffisamment exigeant à l'égard de mon monde professionnel pour pouvoir dire que, sur ce plan capital, je suis fier de lui. Certes, il avait tant de retard que son mérite peut sembler bien mince.
A juste titre, on n'a cessé de réclamer des magistrats qu'ils rendent des comptes au cas où ils auraient failli. Ceux-ci ne discutent plus la légitimité de cette obligation qui pèse sur eux. Ils attendent.
D'ailleurs, une question, juste une. Les politiques qui ont échoué, les intellectuels qui se sont gravement trompés, les chefs d'entreprise qui ont démérité, les journalistes qui se sont fourvoyés, si je ne m'abuse, sont toujours en place, tiennent le haut du pavé. Dans le pire des cas, on ne leur demande que de reconnaître qu'ils ont fauté. Un petit coup de télé et c'est vite effacé.
Alors, qu'au moins ce procès-là, on ne le fasse pas à la magistrature. Pour la responsabilité, elle n'a de leçons à recevoir de personne.
Pour une fois, elle est en avance sur la société.
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(Monsieur Reffait, s'il me plaît de poster un commentaire, je vois mal en quoi cela devrait constituer un problème. Je ne vois nulle part de règle qui stipule que chacun doive se limiter à un commentaire unique et que celui-ci devrait porter uniquement sur le billet d'origine.
Je crois qu'il n'y a qu'une seule personne pour pouvoir édicter de telles règles céans, c'est l'auteur du blog. Or celui-ci ne semble pas enclin à censurer les commentaires et couper court aux discussions qu'il initie)
Sur votre 1 : Ceux ayant réfusé la défaite ne furent qu'une poignée - n'est pas de Gaulle qui veut. Je crois que nul historien décent vous dira que la France n'était pas largement pétainiste en 1940 (à l'exception de quelques esprits d'analyse supérieurs comme Charles de Gaulle ou Marc Bloch). Pétain reçu les pleins-pouvoir par la voie tout à fait légitime. Etre pétainiste en 1940 n'a rien à voir avec le fait d'être maréchaliste en 1941, 1942...
Sur votre 2 : Les magistrats ayant réalisé l'épuration légale ne l'ont pas fait contre la volonté de la résistance mais on été globalement validés par la résistance. Si ces magistrats avaient été d'infâmes cloportes, aurait-ils était sélectionnés (sujet abondement déblayé dans Bancaud (Alain), « Une exception ordinaire, les magistrats et les juridictions d'exception de Vichy » in La justice des années sombres 1940-1944, Paris, 2001) ?
Sur votre 3 : Sauf erreur de ma part, Bousquet n'était pas fonctionnaire de police mais secrétaire général de la police de Vichy. Il n'était donc pas plus policier que, par exemple, un membre d'un cabinet du ministre de l'Intérieur. Par ailleurs, si Bousquet fut acquité de l'accusation de trahison, il fut déclaré convaincu du crime d'indignité nationale.
Sur votre 4, 5 : Bien sur, comme en d'autres domaines, la part de résistants et de collaborationistes est mineure.
Sur votre 7 : En partie, en ce domaine et comme en d'autres, mais pas uniquement.
L'histoire est peut-être têtue mais jamais assez simple pour les formules clefs-en-main et les accusations à prix de gros. Je suis également historien de formation, mes recherches portaient sur cette période en particulier (mais pas ce sujet).
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 13 mai 2006 à 10:13
@ Patoulatchi vs/ Reffait
Je pense que l'on ne peut radicalement pas mettre sur le même plan la magistrature de Vichy avec celle existante sous la V° République pour la bonne et simple raison qu'à l'époque la séparation des pouvoirs avait été assez largement supprimée. Notamment, et si ma mémoire est bonne, une loi de juillet 1940 avait aboli l'inamovibilité des magistrats. De même et surtout, il ne faut pas perdre de vue non plus que l'épuration a aussi sévi au début de la guerre et au profit du nouveau régime.
L'histoire est effectivement têtue.
Rédigé par : GL | 13 mai 2006 à 07:53
j'invite tous les intervenants à frequenter les bancs des facultées de droit; les auditeurs libres sont acceptés et ainsi chacun pourra se faire une opinion.tout le monde pourra effectivement s'apercevoir que l'humilité,la culture du doute,le rejet des a priori sont enseignés et repetés.en outre chacun pourra egalement s'apercevoir que ce monde(les professionnels du droit en general) est bien plus heterogene qu'il n'y parait.a tel enseigne que dans mon groupe(fac) l'on peut rencontrer des salariés qui reprennent leurs etudes, des etudiants classiques ou bien encore des etudiants salariés.. erratum: le doyen jean carbonnier a ecrit "on fait son droit comme on fait ses dents de sagesses".
Rédigé par : aspasie | 12 mai 2006 à 12:29
Bonjour, Voici une image pour répondre à la question "pourquoi être toujours plus exigeant à l'égard de la magistrature qu'à l'égard de tous les autres métiers"
Parce que lorsqu'il y dérive, dans le cas des autres métiers on se trouve dans la situation du conducteur d'une voiture qui peut faire une manoeuvre pour redresser la situation.
Avec la magistrature, on se trouve plutôt dans le cas du passager d'un avion qui va s'écraser et qui ne peut rien faire parce qu'il n'a pas accès aux commandes.
Je suis l'un des 50 dossiers et j'ai dénoncé l'impensable.
Rédigé par : Mm | 11 mai 2006 à 10:34
Bonjour.Je reprend un article
Eric de Montgolfier :
"Mon crime, avoir attenté au corporatisme"
Propos recueillis par Fabrice Lhomme le 22 septembre 2002
Accusé dans un rapport de l'Inspection des services judiciaires d'avoir relayé des "ragots" sur l'existence de réseaux occultes au tribunal de Nice, le procureur estime que l'on veut "ternir (sa) réputation". Il évoque une "vengeance" de francs-maçons et déplore le silence de sa hiérarchie.
Je crois que l'on pourra être enthousiaste si l'on a la certitude que le Csm épingle dans son rapport les comportements de la magistrature que le justiciable connaît, mais aussi l'autre qu'il ne connaît pas (magistats des cabinets, inspections, directions, services, organismes ...)
Rédigé par : Mm | 10 mai 2006 à 21:13
Je ne suis pas un spécialiste de ces questions, j'ai donc sur ces sujets l'avis d'un simple homme de la rue.
Alors plus que la responsabilité des juges, c'est la responsabilité de la justice qui m'intéresse.
Les grandes organisations et la justice en est une sont des entités à évolution lente.
Le problème est maintenant de voir nos sociétés se transformer de plus en plus rapidemment alors que nos institutions ancrées dans l'histoire peinent à changer et lorsqu'elles le font, s'exécutent dans l'urgence sous une forte contrainte médiatique.
Nous sommes les premiers coupables, par notre acceptation collective, des budgets insuffisants de la justice, des conditions pénitentiaires détestables, des compromissions médiatiques entre les médias et les enquêtes judiciaires.
Nous ne savons pas dire de façon claire quelle justice nous voulons.
Rédigé par : Jean-Marc Bondon | 10 mai 2006 à 00:07
Je ne suis pas convaincu par votre enthousiasme.
L'expérience m'a prouvé - et ce n'est pas propre à la magistrature - qu'il existe des gens honnêtes et des opportunistes.
Les seconds, très nombreux, exhibent toujours les premiers, trop rares, pour arriver à leur fins.
Vous ne pouvez pas ignorer que la France est la pays des apparences. Elle y a d'ailleurs perdu son âme, ce qui peut - peut être - expliquer cette morosité qui la caractérise.
Nous verrons bien ce que la commission parlemantaire va proposer. Nous serons fixés si les apparences l'emportent toujours sur la conscience.
Rédigé par : Qwyzyx | 09 mai 2006 à 23:01
Aïe ! Quel besoin, lorsqu'on a donné son avis sur la note de Philippe Bilger, de revenir à la charge pour faire un commentaire de commentaire. On devrait avoir tout dit, non ? surtout, lorsque comme notre ami Marcel Patoulatchi, on ne fait pas dans le concis !
1. Un juge, le juge Didier, a refusé la prestation de serment à Pétain en 1940. Comble du cynisme : les 3 magistrats de la Haute Cour qui jugea Pétain ainsi que les deux suppléants avaient prêté serment à Pétain... On n'en avait pas trouvé de plus propres.
2. l'épuration légale fut menée par des magistrats qui avaient prêté serment à Pétain.(Voir le résultat au point 3)
3. L'épuration de la police : dois-je rappeler Bousquet, qui en fut le chef et qui fut acquitté ? On épura singulièrement en fonction de règlements de compte interne à la police et des collusions avec les mafieux des polices spéciales.
4. Les résistants policiers existèrent mais furent, comme dans le reste du pays, bien minoritaires. Le flic de base arrêta des juifs, des résistants et les livra, sans enthousiasme certes, aux nazis.
5. Pour mémoire, les autorités allemandes attendaient 22000 arrestations au Vel d'Hiv' et il n'y en eu que 9000... 9000 tout de même.
6. Le général de Gaulle n'a pas eu le choix. Pour faire obstacle aux projets américains d'administration directe, il lui a fallu s'appuyer sur une institution judiciaire qui avait massivement collaborée.
7. Il y a des lois pour juger des responsabilités du monde économique. Il n'y en a pas pour juger des responsabilités d'une institution qui, par essence, provient du peuple.
Ce n'est pas moi qui affirme, c'est l'Histoire qui est têtue à mourir. Et j'ai la malédiction d'être historien de formation, j'ai donc quelques munitions, en effet.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 09 mai 2006 à 20:47
Bonjour. Certains n'appellent-ils pas corporatisme, ce réflexe
bien naturel qui consiste à se défendre d'accusations que l'on n'a pas à supporter ?
Peut-on en vouloir aux magistrats
- d'appliquer une procédure que le législateur impose
- d'accepter les conclusions des experts auxquels il ne peuvent pas se substituer, n'étant pas omniscients
- à qui la partie n'a pu fournir la preuve absolue (et d'expérience ce peut être d'une difficulté extrême, ou même impossible)
- des délais et lourdeurs que les justiciables subissent tout comme eux par manque de budget ou de personnel ?
- pour une décision qu'il n'ont pas prise seuls, mais de manière collégiale
....
Si l'on dressait la liste de ce que l'on ne doit pas reprocher à un magistrat en particulier, y aurait -il encore mobilisation générale contre la magistrature ?
Ne reste-il pas simplement à exiger
- pour quelques uns seulement : une condamnation à la hauteur des fautes commises
- pour tous : une qualité accrue dans le traitement des dossiers, psychologie pour mieux comprendre les personnes venant de milieux défavorisés , formation commune avec les avocats pour mieux collaborer, collégialité pour la transmission du savoir-faire,....
(et une procédure améliorée, et des moyens ...)
Rédigé par : Mm | 09 mai 2006 à 14:34
Monsieur Reffait, vous affirmez beaucoup... Mais quelles sont vos sources ? Je prend un exemple parmi d'autres. Vous dites « Les juges assermentés de Pétain furent les juges de la Libération, idem pour les pandores ». Que répondez vous à l'article de Jacques Delarue publié dans la revue l'Histoire (n° 29, décembre 1980), décrit par ladite revue comme « historien, ancien commissaire divisionnaire et ancien résistant » lorsqu'il écrit « La profession de policier fut sans doute, avec celle de journaliste, celle qui fut l'objet de la plus forte épuration. Les chefs les plus compromis des polices spéciales furent condamnés à mort et executés. Tous les fonctionnaires de police, sans exception, virent leur dossier examiné par une commission d'épuration. Les plus exposés furent déférés à la justice et jugés. Ceux dont le zèle avait été moindre furent révoqués, ou rétrogradés. [...] ».
S'il serait naïf d'ignorer que de Gaulle, celui qui donna lui-même la légion d'honneur dont vous parlez (cd Jean-Marc Berlière in l'Histoire, 179, juillet-aout 1994, p. 19), le fit dans une démarche de réconciliation nationale, parce que la France ne pourrait être un pays (du camp des) vainqueur sans la moindre cohésion, en faisant le choix délibéré d'occulter certains faits, il serait parfaitement simpliste de prétendre pour autant que cette histoire passée ne se résume qu'à ces faits occultés. Vous avez raison quand vous dites que la nécessité de continuité institutionnelle impose une certaine complaisance, notamment à l'égard des exécutants. Mais vous oubliez que les juges, en l'occurrence, furent les Libérateurs, dont de Gaulle ; un maintien en position d'un certain personnel n'implique pas de continuité de la politique suivie. Vous avez tort quand vous suggérez que tout est affaire de complaisance, que les yeux furent fermés sur tout et n'importe quoi, que les actes de résistance tardif (on notera qu'un acte de résistance pouvait difficilement être de notoriété publique avant la période tardive de la Libération) étaient probablement hypocrites. A ce sujet, on ne peut que donner raison à Berlière lorsqu'il écrit « les "non-lieux de mémoire" abondent pour la période de l'Occupation. L'histoire de la police constitue en elle-même un défi et une gageure tant elle a été manipulée ».
Par ailleurs, lorsque vous suggérez que l'impunité relative des institutions judiciaires leur est spécifique, vous vous trompez lourdement. Je ne crois pas qu'il reste encore à démontrer que le monde économique lui aussi bénéficia d'une grande complaisance, pour des raisons pragmatiques évidentes. Mis à part quelques cas de collaboration (collaborationisme ?) trop flagrants comme celui de Renault, il n'était pas question de faire la chasse à l'appareil économique. Votre idée d'exception liée à la continuité du pouvoir est donc bien vague, car il existe de multiples continuités nécessaires, dont la continuité économique, indépendantes des régimes. Ne peut-on de nos jours acheter des Mercedes, comme la voiture du Furher, ne peut-on rouler en BMW, comme les moteurs des bombardiers nazis, ne peut-on voir circuler des Volkswagen, des voitures conçues pour le confort du Volk du triptique « eine Reich, eine Volk, eine Furher » ?
Sur un plan idéologique, la période de Vichy ne fut pas non plus sans conséquence. Je ne crois pas me tromper en disant que sa fin marque l'apparition dans le domaine pénal de la sanction d'actes négatifs (la non-assistance à personne en péril) et la responsabilisation des individus qui obéissent à des ordres manifestement illégaux. S'il y a eut une continuité partielle des institutions (tout de même purgée bien plus que la moyenne nationale), cela ne s'est pas fait sans remises en question ; admettez que la responsabilisation d'actes qui peuvent être l'execution d'ordres douteux est d'importance pour ce sujet, car il s'agit de la substitution d'une culture d'obéissance imbécile (stricto sensu) par celle d'une culture d'obéissance raisonnée.
Fondamentalement, avez-vous l'impression qu'en procédant ainsi vous donnez un exemple de marche à suivre pour rendre une bonne justice ? N'est-ce pas ces idées préconçues et ces simplifications qui amènent à des condamnations lamentables ? Vous n'avez pas tout à fait tort lorsque vous évoquez ces silences pragmatiques, mais il est d'importance de ne pas se laisser piéger à croire que comprendre un bout d'un vaste phénomène permet facilement de le comprendre dans son ensemble. L'histoire est toujours complexe, même dans son éventuelle simplicité. Lorsqu'on veut sortir de grandes théories avec son appui, il vaut mieux ne pas manquer de munitions.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 09 mai 2006 à 12:57
depuis outreau ce qui me rend mal à l'aise est cette espece de position manichéenne qui resulte des discours politiques,mediatiques,des sondages etc..les opinions se font plus royalistes que le roi. il me semble que s'engager dans la magistrature procede d'une reflexion murement reflechi.a ce titre le doyen jean carbonnier a ecrit dans sa preface(introduction au droit) que "les etudes de droit se font comme les dents de sageesse.."(sauf erreur de ma part). ce que je veux dire c'est qu'il ne faut pas reduire les juges à de simples individus usant du pouvoir qui leur est donné,faisant la pluie et le beau temps au gré de leurs envies, se protegeant contre les mauvais coups du sort dans un espece de corporatisme occulte.on ne s'engage pas dans cette voie pour des raisons futiles,superficielles. en outre evoquer la responsabilité des magistrats est une notion bien précise,qui fait appelle à des fondements eux aussi bien précis.d'ailleurs malgré ce qui a été dit plus haut,il n'est pas si simple que ca d'engager celle des autres professionnels du droit. alors evidemment il semble necessaire de la depoussierer, de l'adapter au monde actuelle, mais cessons de faire croire que la justice est un monde archaique incapable de se remettre en question. enfin, ou se trouvent les voix qui s'elevent pour evoquer ses aspects positifs.(les moyens mis à la disposition des justiciables, son application..)
Rédigé par : aspasie | 09 mai 2006 à 12:10
Dans une démocratie, toute institution doit être responsable devant le peuple. Le pouvoir politique, réunissant le législatif et l'exécutif, est responsable devant le peuple. Le pouvoir judiciaire est le seul à n'être pas responsable devant le peuple, ayant hérité des attributs royaux et quasi-divins d'une justice qui a substitué la formule "au nom du peuple Français", à celles d'ancien régime, "Au nom du roi" ou "au nom de Dieu" sans modifier la structure même de l'institution. Les autres catégories professionnelles que vous citez n'appartiennent pas aux institutions et ne sont comptables que devant la loi et non devant le peuple.
L'histoire de France est remplie d'exemples de responsables politiques ayant assumé de gré ou de force leur responsabilité : jacqueries, assassinats politiques, exécution de Louis XVI, mais aussi quantités de carrières politiques arrêtées nettes par la force du scrutin. La responsabilité politique existe depuis bien longtemps et se paie parfois très cher.
Je ne connais pas d'exemple de juges ayant subi le même sort pour une raison simple : tous les pouvoirs, y compris les pouvoirs révolutionnaires, ont besoin d'assurer la continuité de l'ordre public. Les juges assermentés de Pétain furent les juges de la Libération, idem pour les pandores. On alla même jusqu'à octroyer collectivement à la police parisienne la légion d'honneur en raison de son engagement tardif dans la libération de Paris, en oubliant la rafle du Vélodrome d'hiver et toutes les arrestations arbitraires dues à cette police qui collabora massivement avec les nazis.
Bras armé du pouvoir politique, l'institution judiciaire était couverte par celui-ci. En échange de cette protection insensible aux évolutions politiques ou morales, les magistrats étaient aux ordres des uns puis des autres. Fouquier-Tinville fut un bon magistrat royal avant de devenir, à son corps défendant, le procureur de la Terreur. (Je tiens mon exception : Fouquier-Tinville fut effectivement sanctionné. J'en cherche vainement un autre.)
Mais à partir du moment où les magistrats entendent s'émanciper de cette protection politique, la réponse du berger à la bergère est "Assumez également vos responsabilités". Or depuis plus de vingt ans de cette indépendance accrue, les magistrats ont toujours fui leur responsabilité, réclamant le beurre et l'argent du beurre. Cette fuite de la responsabilité a été rendue possible par la médiatisation de juges-justiciers qui s'interposaient entre l'opinion publique et le pouvoir politique, lequel se trouva paralysé. Les manquements à la procédure et à la loi se justifiaient par le besoin d'échapper à la pression politique. C'est par la contrainte que cette responsabilisation arrive et encore, en trainant les pieds. On ne peut pas parler d'une posture d'avant-garde.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 09 mai 2006 à 10:42
désolé :-(
pas Mam ni Mum ni M'Nm mais : "Mm"
que vive la pédagogie pour éviter une confiance perdue , alors !
Rédigé par : cactus sous Mm et pas Mam | 08 mai 2006 à 22:46
vous aurez des difficultés à nous convaincre,justiciables en puissance, de la baisse du niveau de corporatisme du ministère de la justice.Un élément , un seul: les personnels sont regroupés à 100% dans des syndicats corporatistes (USM, SM).C'est un peu dur à dire, mais ce que je ressent fortement, c'est que les magistrats devraient sortir de leur bulle et venir voir ce qui se passe dans le "bas peuple".Adhérez à des syndicats "ouvriers", mesdame messieurs les juges, voilà l'avenir..;-)sérieusement.
Rédigé par : Patrick Falcou | 08 mai 2006 à 21:48
Pourquoi ne pas utiliser dans un but pédagogique, et pour montrer que les francais ont tort de réclamer en permanence la tête de leur juge,les 50 dossiers de personnes se disant victimes d'injustice et dont la commission Outreau a été destinatrice, transmis à la Chancellerie ?
Rédigé par : Mm | 08 mai 2006 à 19:08
Bonjour.Pour restaurer une confiance perdue, un premier pas a été fait avec la publication du bilan du Csm. Un second pas consisterait en un bilan complémentaire sur une cinquantaine de dossiers de personnes qui se disent victimes d'une injustice, dont la commission Outreau a été destinatrice et transmis à la Chancellerie.
(AFP 12 avril confirmé par Philippe Houillon sur le chat www.lemonde.fr le 13 avril)
Rédigé par : Mm | 08 mai 2006 à 17:30
"Bonjour
Vous ne pouvez pas mettre les magistrats sur le même plan que les politiques, les chefs d'entreprise ou les journalistes." dit Mam un peu plus hooo là là !
"j'ai senti une forte adhésion du public lorsque j'ai dénoncé le corporatisme des magistrats ...." nous dit si bien P.Bilger !!!!!
avouez , avouez que l'on ne peut qu'adhérer , Mam .
Rédigé par : cactus | 08 mai 2006 à 16:26
Bonjour
Vous ne pouvez pas mettre les magistrats sur le même plan que les politiques, les chefs d'entreprise ou les journalistes. Les magistrats sont nécessairement au dessus de tous, puisqu'ils ont le pouvoir de tous les juger. Il est inenvisageable de subir les erreurs de ceux qui sanctionnent celles des autres, et il est inenvisageable qu'un petit coup de télé les efface.
En conséquence, pour éviter d'avoir à faire un procès récurrent à la magistrature, j'attend de celle ci qu'elle traque et dénonce en permanence ses erreurs, et qu'elle prouve sa perfectibilité et sa transparence. C'est ainsi que sera restaurée la "confiance que les tribunaux se doivent d’inspirer aux justiciables dans une société démocratique”
Rédigé par : Mm | 08 mai 2006 à 11:28
« Des exemples récents, j'en ai quelques dizaines à votre disposition. », nous dit Marc.
J'ai trouvé très intéressant que, répondant aux résultats d'un sondage sur la Justice, l'actuel Garde des sceaux déclara qu'il n'était guère surpris qu'une majorité (un peu plus qu'une personne sur deux) des gens ayant été confronté à la justice n'en ont pas bonne opinion. Rappel d'une évidence souvent oubliée, un procès, qu'il soit civil ou pénal, rend généralement une partie mécontente, voire plusieurs. Par conséquent, il est naturel qu'à peu près la moitié des gens ayant été confronté à la justice estiment que leur bon droit ne fut pas respecté - sinon, il n'y aurait pas eu procès, mais transaction, que sais-je.
Alors on peut bien trouver « des dizaines d'exemples » pour prouver que la Justice est une entité simple et homogène selon l'expression « énorme machine à broyer ».
On va ainsi se faire plaisir à regarder un « faites entrez l'accusé » (hier soir sur France 2) qui parle de l'affaire Ranucci sous l'angle unique de l'innocence. On partira du postulat que les jurés étaient forcéments abrutis, ou faibles d'esprit, et on fait de multiples récits unidirectionnels à propos du procès. On raconte que le comportement arrogant et incompréhensible de l'accusé est forcément si extravagant qu'il est celui d'un innocent. On raconte que tel témoin à décharge s'est perdu, qu'il n'a pas réussi, sans expliquer pourquoi, à rendre son témoignage qui devait dire des choses très simples compréhensible. On nous nage dans des questionnements parfois intéressants, parfois purement anecdotique... mais on oublie surtout de nous parler de pièces matérielles comme le fameux pantalon aux tâches de sang (selon les experts, d'artères, est-ce bien cela ?) appartenant à l'accusé, et lorsqu'on nous parle du couteau du meurtre, on évoque des décalages d'horaires sur des procès-verbaux de gendarmes et de policiers, comme s'il s'agissait de la preuve d'une erreur (alors qu'elle peut tout simplement attester d'un certain manque de rigueur d'un ou deux fonctionnaires - ce n'est pas bien ; mais est-ce que cela change un procès du tout au tout ?), sans nous dire si le couteau a été examiné pour y trouver d'éventuelles empreintes digitales. Bref, on nage dans un flou concernant toutes les pièces à charge, on monte en épingles quelques erreurs manifestes (accusé reconnu hors tapissage par un témoin oculaire), on disserte sur des anecdotes, on raisonne toujours selon une seule et même hypothèse de travail : l'innocence de l'accusé. Car ces éléments tels que le fait que le témoin à décharge se perde littéralement, où que l'accusé soit arrogant, peuvent expliquer une erreur de jugement tout comme ils peuvent appuyer la thèse de la culpabilité ; il faut avoir un parti-pris exacerbé pour n'envisager qu'une des deux hypothèses.
Bref, on voit l'oeuvre le mauvais zèle, celui qui pousse certains à travailler entièrement à charge ou à décharge.
On voit l'oeuvre du mauvais zèle qui impose d'oublier qu'une bonne démonstration est censée prendre l'ensemble des arguments contredits dans leur intégralité, pour les démonter successivement.
Et là où je veux en venir, ce n'est pas conclure sur la culpabilité de tel ou tel individu, où m'accrocher au fait que tel individu fut reconnu coupable. Là où je veux en venir, c'est que lorsqu'on nous présente une affaire criminelle comme une erreur judiciaire évidente, lorsqu'on prétend refaire le procès avec la certitude qu'on doive arriver à une autre conclusion, sans pourtant disposer d'éléments nouveaux, on impose de croire que les jurés et les magistrats qui ont jugé sont des abrutis ou des malfrats.
Cela peut s'envisager. Mais l'accusation est lourde et nécessite une lourde charge. Et tant que cette charge n'a pas été prouvée, n'apparaît pas manifeste, au lieu d'accepter de jouer le jeu de la défaite de la rigueur qui consiste à s'abreuver de ce qu'on nous raconte, parce que ça nous flatte quelque part (ais-je rêvé les manifestes références à l'abolition de la peine de mort dans ce documentaire de France 2, laissant penser que parfois le symbole de la peine de mort est l'objet réel de la polémique ?), et parce que c'est facile aussi (nul effort à produire, il suffit de se laisser bercer), il convient d'aussi essayer de comprendre le jugement, il convient aussi d'envisager l'hypothèse que ceux qui ont jugé n'étaient pas idiots.
Lorsqu'on prend cette hypothèse, on est conduit à écouter tout ce qu'on nous raconte aussi sous l'angle de la culpabilité de Ranucci (j'ai bien dit "aussi"). Et on se rend vite compte qu'il y a plusieurs interprétations possibles aux éléments brandis comme preuve d'innocence par, notamment, ses anciens avocats. Avocats qui ne diront jamais pourquoi, devant un journaliste, ils arrivent à trouver une affaire simple, une innocence évidente, et s'avèrent incapable de rendre éclatante cette innocence et simplicité.
Certes, certes, ils parlent de l'opinion publique. C'est vrai que la population française ne semble pas fine dans sa majorité. Mais doit s'étonner que la majorité de la population n'aime pas les violeurs d'enfants et prenne parti ? Que dirait-on si ce genre d'affaire se produisait dans l'indifférence absolue ? Qui viendrait une fois encore insulter une masse aux contours mal défini pour justifier sa propre incompétence professionnelle ?
Car si le cas était aussi simple que ces messieurs le disaient sur France 2, alors ils l'étaient, incompétents.
Alors Marc, si vos dizaines d'exemples sont du même tonneau - imposent de supposer qu'on détient la vérité évidente que pourtant plus de dix personnes n'ont pas su voir-, on pourrait sans doute en trouver une centaine d'autres.
Je crois qu'un bon indicateur pour savoir si on doit devenir méfiant face à un discours qui nous est tenu, c'est lorsque ce discours postule, directement ou non, l'idée de complot fomenté par une masse d'individus que l'on ne peut rationnellement penser suffisement organisée pour cela, lorsque ce discours impose de penser que l'on nous apporte la lumière évidente que pourtant nul n'a su la voir jusque là.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 08 mai 2006 à 10:39
Bonjour. Pardonnez-moi mais vous avez toujours des opinions très tranchées (c'est un des plaisirs de ce blog) et je vais donc aujourd'hui faire preuve également de certitudes. Dire que la magistrature est en avance, pour une fois, sur la Société serait risible si cette affirmation ne venait de vous. Disons qu'elle sent le vent venir et qu'elle tente une évolution en douceur afin de ne pas oerdre plus. Bien entendu, je peux me tromper mais je crois que, pour une fois, vous aurez du mal à faire partager votre point de vue parmi vos lecteurs. Ceci dit, je reviendrai bien entendu pour vous lire. Chacun est libre de s'exprimer...
Rédigé par : olafjv | 08 mai 2006 à 08:51
Bonsoir,
Votre optimisme quant aux progrès de la magistrature pourrait nous laisser penser, à nous pauvres justiciables, que l'énorme machine à broyer serait devenue enfin responsable et plus humaine.
Certes, il y a eu des progrès de réalisés depuis quelques années...C'est vrai, mais lorsqu'une institution, fusse-t-elle la JUSTICE, a des années-lumiére de retard...Peut-on réellement parler d'avancée? Non, il y a encore un long chemin à parcourir avant que la JUSTICE retrouve la confiance perdue des citoyens de ce pays.
Des exemples récents, j'en ai quelques dizaines à votre disposition.
Soyons réalistes, notre JUSTICE détient toujours un pouvoir exhorbitant sans aucun réel contre-pouvoir et c'est cela qui est le plus inquiétant. Que le CSM disparaisse dans sa version actuelle ne dérangera personne, excepté peut-être son président actuel qui ne répond de rien et qui semble exonéré de toutes poursuites depuis des décennies.
Je suis amer et terriblement déçu de la JUSTICE de mon pays et ce ne sont pas les quelques frémissements de ces derniers mois qui m'ont poussé à changer ma position.
Toujours bien sincérement
Marc Fievet
Rédigé par : Marc Fievet | 07 mai 2006 à 18:03
« En avance sur la société » ! En matière de responsabilité, la magistrature « n’a de leçon à recevoir de personne » !
Je suis tenté de vous dire que vous allez bien vite en besogne ! A ma connaissance, les textes n’ont pas changé. Seule la pratique du C.S.M. semble effectivement avoir évolué. Ce qui démontre de surcroît que par-delà la réforme annoncée, c’est bien la manière dont cette dernière sera mise en œuvre qui sera déterminante. En outre, seule la durée permettra d’apprécier l’évolution et les éventuels changements de comportement.
Certes, la réflexion à ce sujet semble avoir été sérieusement lancée depuis l’intervention de Nicolas SARKOZY. En vérité, ce dernier n’a fait que relayer la critique récurrente de ses confrères à l’encontre d’une minorité bien trop importante de magistrats qui, pour des motifs parfois d’une certaine bassesse, se vivent comme des irresponsables. Outreau n’est que l’accumulation et le paroxysme de modes de fonctionnement et systèmes de pensées délétères. Très nombreux sont les avocats qui ne sont aucunement surpris par cette catastrophe. Mais, avec plusieurs de vos collègues, vous dites qu’il n’y a pas eu de faute professionnelle ! La situation est donc encore plus inquiétante que cela ne paraît.
Ne vous en déplaise, bien que je partage pour partie votre sentiment, Outreau a surtout eu le mérite d’être médiatisé contrairement à beaucoup d’autres dossiers moins graves et mettant en jeu d’autres matières que le droit pénal.
Le travail de réforme concernant la responsabilité des magistrats sera important et de longue haleine. A ce jour, et pardonnez moi encore une fois de vous contredire, Outreau n’est pas derrière nous. C’est encore trop souvent le quotidien.
La magistrature n’est pas en avance sur la société.
Elle n’envisage, visiblement, que de rattraper son énorme retard. Souvent bâtis de manière prétorienne et surtout en déconnexion totale avec les réalités du terrain (contraintes matérielles, relations avec le client,…), les systèmes de responsabilité personnelles et disciplinaires des avocats, huissiers ou notaires sont autrement plus contraignants que celui annoncé pour les magistrats. Il est vrai que les fonctions sont différentes, mais quand même !
Enfin, je ne vois pas comment vous pouvez, de bonne foi, mettre sur le même plan l’échec des politiques, le fourvoiement des intellectuels ou des journaliste ou le démérite des chefs d’entreprise avec la problématique mettant en jeu la responsabilité disciplinaire et civile des magistrats. Vous mélangez curieusement des données non juridiques avec d’autres qui le sont ou, tout au moins, doivent l’être. Dans le débat qui s’est ouvert, il convient de ne pas tout confondre, sauf à voir celui-ci devenir stérile. La chose ne serait pas déplaisante à beaucoup de magistrats.
Rédigé par : GL | 07 mai 2006 à 11:41
"l'avocat général Philippe Bilger avait provoqué un tonnerre d'applaudissements en dénonçant le «corporatisme effréné» de son milieu et en clamant : «Il faut satisfaire le peuple.»
du sang, du sang !!!!
Rédigé par : Marissé | 07 mai 2006 à 09:26
Les petits chefs de petites entreprises bradées ou liquidées par les Tribunaux de Commerce peuvent avoir un sentiment d'impunité tout relatif...
Rédigé par : Marc JEAN | 07 mai 2006 à 06:55