Le hasard fait que la vie mondaine récente m'offre une parfaite illustration de la conciliation difficile entre la rançon de la gloire et la volonté de discrétion. J'ai toujours estimé qu'une personnalité exposée au feu médiatique et à la curiosité des citoyens ne pouvait à la fois jouir des avantages de la célébrité - en faisant souvent dans l'exhibition - et revendiquer par tous moyens de justice les bienfaits de la discrétion. L'exemple de Claire Chazal est éclairant : elle n'a jamais hésité à poursuivre les publications dans lesquelles, en d'autres circonstances, elle dévoilait sa vie personnelle et amoureuse. J'avais fini par croire impossible la mise en oeuvre d'une conception sereine et tranquille du bonheur public. Je pensais que nous étions condamnés à subir, de la part de nos artistes préférés, soit une médiatisation ciblée soit une occultation méprisante. Comme s'il n'y avait qu'une manière d'être populaire, qui passait nécessairement par l'élitisme et la discrimination. Les privilégiés et les autres, tous les autres.
Daniel Auteuil nous a démontré qu'il y avait, pour un grand acteur, une manière populaire d'être populaire. Je m'en tiens au reportage de Paris Match de cette semaine qui, mêlant photographies et texte, donne de son mariage en Corse une image sympathique et chaleureuse. Daniel Auteuil a très bien posé la problématique de ce type d'événement en disant :" Faites ce que vous voulez mais faites de bonnes photos... J'aime le succès, j'aime que mes films soient vus et aussi qu'ils soient appréciés par la presse". Donc, en un mot, médias et public : même combat. Au lieu de se faire voler un bout d'existence, il l'offre et refuse le partage obscène, pour une vedette de son niveau, entre ceux qui ont l'honneur de participer et ceux, nombreux, qui demeurent au seuil.
Le contraste est total avec la relation faite, par le Dauphiné Libéré de ce jour, du mariage de Jean Reno aux Baux-de-Provence. Apparemment, la société conviée a été séparée du commun des villageois et des commerçants par une organisation quasi militaire. Le résultat est que beaucoup de ceux-ci se sont plaints et ont vécu cet épisode heureux comme une source de désagrément et une offense. Il paraît que nous pourrons voir dans Gala le détail de ces péripéties festives.
Rien de tout cela n'est dérisoire puisque se trouve en question le rapport de la gloire éclatante avec le secret bienfaisant. Il me semble que la démarche réfléchie de Daniel Auteuil enlève à la curiosité ce qu'elle peut avoir d'aigre et de malsain et conduit chacun à se réjouir d'un bonheur qui vise à rassembler plus qu'à exclure.
Je sais bien que l'actualité internationale sollicite bien davantage nos sensibilités que cette comparaison que j'ai établie entre Auteuil et Reno, entre le mariage populaire de l'un et le mariage médiatique de l'autre. Même sur ce terrain, la démocratie peut servir de guide.
Les commentaires récents