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06 juillet 2006

Commentaires

Véronique Raffeneau

Monsieur Patoulatchi, le mot " louer " un verdict continue de ne pas me convenir. Je veux vous dire à nouveau que des verdicts, quand ils sont implacables peuvent susciter, chez certains, dans la compréhension intime qu'ils en ont, un clivage violent. Oui,on peut être à la fois convaincu de leur justesse et en même temps, éprouver quelque chose de proche de l'effroi. C'est en ce sens que les mots d'un réquisitoire doivent se situer dans une exceptionnelle gravité et dignité. Parce que, ce qu'ils promettent, c'est d'abord la nuit. Je veux également vous dire que concernant le réquisitoire du procès en appel d'Emile Louis, j'avais adressé un message à Monsieur Bilger que je vous retranscris:

" Il y une autre satisfaction que je pensais être la vôtre hier soir mais vous en parler m’apparaissait , à ce moment-là , hors de propos et déplacé. Je conviens également que le mot satisfaction est totalement inapproprié mais j’ai cherché, et je n’ai pas trouvé le mot qui pourrait convenir le mieux. J’ai lu, ici ou là, quelques mots de votre réquisitoire dans le procès en appel d’E. L. Ils sont à l’exacte hauteur de ce que j’espérais . Je voulais vous le dire mais je ne sais pas si on peut dire cela à un avocat général. Car le pouvoir et les conséquences de ces mots sont à ce point gigantesques, que j’ai du mal à les évoquer avec sérénité et détachement. J’ai lu dimanche le très beau texte qu’Aragon avait écrit à la mort de Reverdy. Il parlait de la rancune inconsolable de Reverdy. Cette rancune inconsolable, en dépit du pire que représente E.L, je pense qu’elle le concerne un peu. Je crois que c’est bien et juste d’avoir dit qu’il était un malade criminel. Peut-on remercier un avocat général d’avoir dit cela ?
(pour la bonne compréhension, pour l'autre satisfaction, je pensais au 3-1 merveilleux de France-Espagne)

Vous voyez, remercier un avocat général, je m'étais déjà posé la question. Mais louer ou féliciter, ça, je ne m'en sentais pas capable.

Marcel Patoulatchi

Proposer aux jurés un acquittement ou une condamnation à 30 ans de réclusion donne l'impression de se trouver dans un casino. Les jurés vont-ils proclamer « banco ! » à l'issue du délibéré ?

L'avocat général est-il un journaliste spécialement convoqué pour donner son avis ? Peut-on parler de réquisitoire, lorsque justement on requiert à la fois rien et à la fois le maximum possible ? Peut-on parler de réquisitoire alors que l'auditoire reste incapable de savoir ce qui est requis au nom de la société ? La sanction est-elle indifférente à la société ?

Vous dites justement que de telles réquisitions paraissent pencher pour l'acquittement. En effet, si l'avocat général envisage l'acquittement et s'y trouve indifférent, c'est que lui-même doute assez de la culpabilité des accusés. Mais si l'avocat général penchait en faveur du doute, que n'a t-il franchement requis en ce sens, pas par chemin de traverse mais très franchement et directement ?
Peut-être est du aux circonstances. Peut-être est-ce un égarement passager. Ou peut-être que l'avocat général ne vit pas sa profession comme une part de sa nature, un peu comme certains enseignants qui aimeraient être amis de leurs élèves ou certains policiers qui aimeraient être des entraîneurs de football. Les métiers d'autorité, les métiers qui demandent d'incarner, ne sont certainement pas à la portée de ceux qui se heurtent intérieurement dès lors qu'ils doivent porter un jugement au nom d'un groupe. Ces métiers sont assurément incompatible avec le voeux d'être aimé. Non pas que ceux qui incarnent l'autorité ne peuvent être aimés. Mais ils ne peuvent être aimés de tous, et certainement pas de ceux contre qui se fait le jugement - du moins à l'heure du jugement. N'est pas Créon qui veut, on en revient régulièrement à ce problème là.

Véronique, pour ma part je veux bien, sans problème, louer le verdict tombé dans l'affaire Emile Louis. Dans d'autres aussi. Une peine juste, aussi dure soit-elle, est une peine nécessaire. Je veux bien sacrifier la liberté et le confort de quelques individus lorsqu'ils ont fait montre d'une cruauté et d'une ignominie sans nom à l'encontre d'innocents ayant eut la malchance de croiser leur chemin.
A un degré moindre, je me dit qu'à force de ne pas condamner tôt lorsque des gamins dérapent, lorsqu'ils commettent des peccadilles, c'est comme si on les attendait au tournant, qu'on attendait qu'il fasse quelque chose de grave avant de leur donner une claque magistrale. Peut-être devrions-nous apprendre à nous féliciter de quelques justes sanctions, de quelques limites posées donnant au fautif la possibilité de se recadrer lorsque c'est encore possible.

Véronique Raffeneau

Quand la justice condamne lourdement, il me semble délicat de " louer " un verdict. Car si le citoyen peut être d'accord avec celui-ci, dans le sens où une condamnation exprime l'échelle des valeurs et les interdits d'une société, mais aussi sa responsabilité et son devoir d'autoprotection , ce même citoyen sait que les années d'emprisonnement, et pour certains cas, les périodes de sûreté, ce sera aussi de la souffrance et une traversée des ténèbres. On peut intellectuellement et moralement être d'accord avec les réquisitions d'un avocat général. On peut aussi, quand le verdict tombe, être bouleversé par sa radicalité, car l'avenir, pour quelqu'un, quelque part, est pour longtemps, très longtemps clos . Féliciter alors la justice, non, on n'a pas vraiment le coeur à ça. En revanche, ce qu'on souhaiterait parfois exprimer , ce peut être une sorte de reconnaissance quand l'avocat général, sans rien céder sur le terrain de ses certitudes et de son évaluation de la peine, habille ses réquisitions de dignité. Je pense, par exemple, aux paroles prononcées par l'avocat général du Grand-Bornand. Je souhaiterais, par l'intermédiaire de votre blog, remercier ce magistrat pour certains de ses mots. Un article remarquable de P. Robert-Diard, dans Le Monde, les a évoqués.
Oui, un avocat général doit choisir et défendre son camp, non pas pour lui-même mais pour ce qu'il représente. La mission d'un avocat général n'est pas, me semble t-il, celle d'un énième juré. Face à la culpabilité,l'innocence ou le doute, une société , par l'intermédiaire d'un réquisitoire, se positionne, dit haut et fort son choix et l'assume. Reste cette très mystérieuse alchimie que j'ai un mal fou à comprendre ou à me représenter: comment un tout seul (ou une toute seule) peut-il représenter les intérêts d'un tout ensemble, avec ses multiples et ses infinies diversités ? Mais cela est une autre histoire...

sbriglia

...Tel Buridan partagé ,comme son âne,entre sa soif de justice et sa faim d'ordre ... si vous retrouvez votre pusillanime collègue à la buvette du Palais ,puis-je vous conseiller de commander d'emblée le menu plutôt que de lui laisser le choix de la carte!...

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