Dans le Figaro d'aujourd'hui, Nicolas Sarkozy précise que 30% des étrangers en situation irrégulière dont les enfants sont scolarisés bénéficieront d'une régularisation. Cette appréciation "au cas par cas" rejoint le point de vue d'une majorité de citoyens, toutes tendances politiques confondues (Le Figaro du 22 juillet).
Laissons de côté le rôle d'Arno Klarsfeld qui nous avoue ingénument qu'il a proposé ses services au ministre d'Etat et que celui-ci les a agréés. Même les bonnes volontés, me semble-t-il, mériteraient sinon d'être discriminées du moins évaluées à leur juste compétence. Là n'est pas l'important mais dans une décision rendue le 20 juillet par le Conseil constitutionnel. Certes, je suis persuadé que pour les juristes de haut niveau qui connaissent par coeur la jurisprudence des juges constitutionnels, elle n'apporte rien de fondamentalement nouveau sous le soleil démocratique. Il me semble tout de même qu'elle énonce, de manière particulièrement nette, deux principes à partir desquels une politique à la fois généreuse et efficace peut être élaborée.
Le premier souligne que les étrangers ne sauraient invoquer "des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national". Le second précise quels sont "les principes républicains régissant la vie normale en France" et donc applicables à ceux qui désirent nouer avec notre pays un pacte de confiance et d'intégration : monogamie, égalité de l'homme et de la femme, respect de l'intégrité physique de l'épouse et des enfants, respect de la liberté du mariage, assiduité scolaire, respect des différences ethniques et religieuses, acceptation de la règle selon laquelle la France est une République laïque.
J'apprécie que cette décision, s'insérant clairement dans notre débat républicain, avec la légitimité de la haute juridiction qui la rend, mette à bas une double argumentation apparemment libérale mais en réalité irresponsable.
Accueillir des étrangers sur son territoire n'est pas, par essence, un cadeau qui serait fait à l'Etat et devant lequel il n'aurait qu'à s'incliner. J'aime qu'il y ait une révolte contre la démagogie ambiante qui voudrait nous faire croire que n'importe quel autrui étranger est une chance et une richesse. On a le droit de recevoir avec circonspection et retenue, de vérifier, d'ouvrir ou non les bras et le coeur, de limiter ou d'élargir, de fixer des conditions ou de refuser la venue. Evidence, dira-t-on, mais dans l'atmosphère étrange qui sévit et qui mêle les pires souvenirs historiques aux empoignades de notre actualité politique, il est excellent de la rappeler.
Pour demeurer en France, on ne saurait enfermer les pouvoirs publics dans une générosité et un sulpicianisme abstraits qui leur interdiraient, à proprement parler, toute possibilité d'une politique, celle-ci devant être entendue, y compris dans ce domaine hautement sensible, comme l'alliance la moins mauvaise possible de l'idéal avec les contraintes du réel. Au fond, le coeur a le droit d'être intelligent et lucide et l'esprit, attentif à autrui et ouvert. Les conditions si justement rappelées par le Conseil constituent le socle minimal à partir duquel on peut espérer une intégration réussie dans notre pays. Sans l'existence de ce socle dont l'authenticité doit être contrôlée, l'étranger en France sera forcement indésirable pour notre démocratie et ne fera que nourrir une haine et un ostracisme dont seront victimes ceux qui, respectueux de nos lois et conscients de leurs devoirs et donc assurés de leurs droits, nous honorent de leur présence.
Entre l'angélisme et l'absurde et d'ailleurs impossible rigueur, il y a, une nouvelle fois, la voie d'un humanisme, mais pas niais ni lunaire. Rien de plus choquant, à cet égard, que les procès faits par certaines associations, notamment RESF, qui confondent honteusement, pour une polémique facile, un passé à l'inhumanité incommensurable avec un présent difficile mais géré de manière républicaine et qui se la "jouent" en feignant de croire que leurs actions sauvent de l'enfer alors qu'elles se contentent de violer la loi sous le regard d'un pouvoir bienveillant.
Une femme s'est immolée par le feu pour protester contre le renvoi de son compagnon en Arménie (qui finalement n'a pas eu lieu).
Il faut évidemment être dans un grand état de détresse pour en arriver à de telles extrémités.
Mais je suis aussi choqué par la récupération politique ignoble qui en est faite de ce tragique épisode par certains représentants de la gauche :
"L'inhumanité commence à se banaliser et à s'installer comme quelque chose de régulier. Cela suffit : on ne peut plus continuer comme ça", a dénoncé Julien Dray. Le président du MRAP, Mouloud Aounit, a fait part quant à lui de son "effroi" et appelé "à un urgent sursaut des consciences". Les Verts de la Sarthe ont dénoncé la "logique sécuritaire et protectionniste déshumanisée" du gouvernement, tandis que SOS Racisme a regretté "la multiplication des gestes désespérés induits par une politique du chiffre aveugle en matière d'expulsions", etc., etc.
Le compagnon en question a été relâché, samedi soir, sur avis médical, du centre de rétention de Rennes pour être assigné à résidence dans la Sarthe où il a été pris en charge par la communauté arménienne.
Selon la préfecture, Henrik Orujyan purgeait au Mans deux peines d'emprisonnement de 6 et 9 mois pour faits de violence avec armes, et violence sur sa concubine.
(source : actualités orange, donc AFP)
Rédigé par : Laurent Dingli | 19 octobre 2008 à 18:13
Jean-Dominique,
Si je vous suis, le fait qu'existe une immigration clandestine prouverait qu'elle soit positive. J'aimerais vous croire. Je m'explique mal, pourtant, que des clandestins vivent dans des squatts, si la preuve était faite que la France peut accueillir tous les individus qui pensent que leur sort sera meilleur en France que dans leur pays d'origine. Vu les disparités dans le monde, vu la pauvreté dans le monde, on devrait en déduire qu'au moins 2 continents, sinon 3, devraient voir 98 % de leur population migrer en Europe et en Amérique du Nord. Le niveau de vie occidental est incomparable.
Pourquoi pas me direz-vous ? Parce qu'on est loin d'être certain de pouvoir garantir à tous une place ici, sachant qu'on n'est pas foutu d'en trouver une pour tous déjà à l'heure actuelle. Lorsque Coluche avait crée les restos du coeur, c'était temporaire. Auparavant, en 49, lorsque l'Abbé Pierre s'est lancé dans l'aventure Emmaüs, c'était aussi avec le voeux d'apporter une solution, avant d'en venir en 54 à « l’insurrection de la Bonté ». Alors, que peut-on promettre ?
Lorsque vous dites que la France fera du pillage de cerveaux, on nage en plein délire. La France ne va pas subitement se mettre à embaucher plus d'ingénieurs qu'auparavant ; cette immigration choisie n'est qu'une manière de dire qu'il faudrait désormais ouvrir l'immigration à ceux qui auront des facultés d'intégration sur un plan économique. Mais il ne s'agit pas -ou bien j'ai rêvé éveillé- d'annoncer une grande campagne de recrutements des élites des pays d'émigration. C'est facile d'un coté s'insurger du scandale de nos banlieues immondes et de l'autre faire tout pour leur persistance, en favorisant une immigration qu'on est pas capable d'assimiler dans de bonnes conditions.
Ce serait si simple si la France était un réel Eldorado. Mais il faut vraiment souvent détourner le regard en se promenant dans nos grandes agglomérations pour y croire.
Ce serait si simple s'il suffisait d'avoir du coeur. Vous évoquez ces parents d'élèves qui se mobilisent. Ils se mobilisent, ils ont du coeur, car ils agissent au cas par cas, à l'individu, dans l'individuel. Mais, c'est vous qui le dites, cette approche ne saurait constituer une politique. Il est facile de faire du cas par cas dans des cas où l'on ne voit que le sentiment, sans prendre le problème dans globalité complexe. Il est facile de faire du bon sentiment lorsqu'on ne voit pas les contreparties du sujet, lorsqu'on ne se sent pas concerné par ses aspects fâcheux, au point qu'on se met à croire qu'ils ne sont qu'une vue de l'esprit, que de Michel Rocard à Nicolas Sarkozy, ils sont tous tombés sur la tête à ce propos.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 21 août 2006 à 15:18
Véronique, je ne cherche pas à avoir le dernier mot mais je précise juste que je suis parfaitement d'accord avec vous : Ramener Vichy dans ce débat est indigne et je me méfie toujours des références magiques à des événements passés, magnifiés ou diabolisés. Et je ne voudrais pas que, par l'usage d'arguments aussi peu convaincants que l'amalgame, on vienne à dénaturer la justesse d'une cause qui mérite des arguments positifs.
Pour réagir au propos de notre ami Marcel Patoulatchi, que j'ai malencontreusement zappés, je réponds que oui, une politique de l'immigration sans discrimination est possible. C'est même la seule qui soit réaliste. Les étrangers ne sont pas fous et les flux migratoires répondent à une intelligence collective qui comprend les capacités d'absorbtion. Qu'on me donne un chiffre, un seul, qui démontre qu'actuellement l'immigration, légale et clandestine confondue, a des conséquences néfastes sur l'économie française. Le jour où la France ne serait plus attractive, les étrangers iront ailleurs. C'est une politique qui se fonde sur :
1. La préparation à l'émigration, l'apprentissage de la langue et des usages civils, en s'appuyant par exemple, sur les réseaux de consulats et d'Alliance Française.
2. L'accueil de tous les enfants et jeunes qui sont scolarisés en France, et cela, sans nécessité que ce séjour scolaire devienne un séjour permanent car...
3. ...car une politique d'immigration doit s'accompagner d'une politique de développement, s'appuyant notamment sur les jeunes qui auront été scolarisés en France ! Nous avons pris la sale habitude de former des ingénieurs mais que vont faire ces ingénieurs au Mali, sans usine, sans contremaitre, sans ouvriers spécialisés ? Ne vaut-il pas mieux former des BEP, des agriculteurs, des bons menuisiers, des aides-soignants, que sais-je ? Toute cette expertise de base manque cruellement et c'est ce public qui émigre.
L'immigration choisie est un concept néo-colonialiste et doit être rejeté parce qu'il est dangereux pour tout le monde. Un exemple :
L'Algérie forme aujourd'hui ses propres ingénieurs, ses propres médecins, à un niveau qui n'a rien à envier à nos grandes écoles. Et ces personnes n'émigrent pas, sauf dans des périodes de guerres civiles. Que demain, nous mettions en place une filière d'émigration de ces publics, par des mécanismes financiers attractifs, et c'est le pillage des cerveaux que nous organisons. Certes nous aurons des cadres de bonne qualité en grand nombre. Mais le déséquilibre créé sur place engendrera une augmentation encore plus importante de l'émigration clandestine des plus pauvres. Ce concept est non seulement injuste, il est con.
Philippe, nous ne sommes pas si éloignés du propos de votre blog et qu'un magistrat-citoyen lance une "querelle" sur ce sujet montre à l'évidence que rien de ce qui constitue notre société n'est indifférent à la notion de justice, institutionnelle ou élargie.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 15 août 2006 à 17:27
Pour conclure la discussion.
Jean-Dominique, à vous lire l’hiver, le printemps, l’été, et je vous lirai l’automne, je ne suis pas convaincue que le cynisme et le démagogie vous conviennent tant que ça. Au fil de vos commentaires, je vous ai perçu comme un esprit sincère, passionné, mais aussi exigeant, libre et indépendant.
La manière dont RESF et d’autres ont fait référence à Vichy me déplaît définitivement. La finalité d’une action n’autorise pas l’approximation, voire la malhonnête intellectuelle. On n’utilise pas de cette façon une honte et une indignité nationales. On n’agite pas, par le biais d’amalgames extravagants, le spectre d’une histoire maudite. Cela peut suffire pour discréditer les éléments d’une démonstration.
Et demain, pour d’autres causes, d’autres souvenirs hideux seront recyclés pour « réveiller les consciences », « éduquer » et culpabiliser une opinion qui, je le crois profondément, sur le sujet de l’immigration, est disposée, aujourd’hui, à accueillir et à intégrer, mais dans le cadre d’un vrai débat démocratique serein et d’une nécessaire politique d’immigration.
Je suis acquise à votre manière de défendre ces enfants qui peuvent être l’argument et la promesse d’une intégration réussie. Je suis acquise à votre style à vous, mais pas au leur.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 13 août 2006 à 07:04
Véronique, je précise que je ne me détermine jamais sur les éruptions convulsives de l'opinion publique, versatile et veule dans la majorité des cas. Et peu me chaut que telle ou telle organisation ou groupe organisé s'empare d'un problème pour le traiter à sa manière. A l'heure du tapage médiatique, on sait que si on ne tape pas dans les casseroles, si on s'adresse à la raison plutôt qu'à l'émotion, on n'obtient rien. Et si RESF n'avait pas ameuté les médias, à sa manière, M. Sarkozy n'aurait jamais assoupli sa position de départ. C'est un fait : la démagogie est un outil de pouvoir, y compris pour défendre des principes moraux populaires ou non. Je suis cynique, cela ne me plait guère, mais je n'ai pas le choix, l'époque dicte les conduites.
Oui la priorité est double : le rétablissement de la dignité d'immigrants contraints par de multiples causes de quitter leurs pays et l'équilibre social et culturel de notre pays face à cette immigration.
Dans ce cadre, rien ne me semble plus prometteur que d'avoir, dans nos écoles, des enfants qui vont suivre une scolarité apaisée, sérieuse et régulière. Il ne s'agit pas d'accueillir des délinquants, des voyous, des intégristes, mais des jeunes qui travaillent pour obtenir un diplôme. Les français savent très bien faire la différence et, hormis quelques xénophobes irréductibles dont on n'a pas à flatter les bas instincts, vous constaterez que les parents d'élèves se mobilisent régulièrement pour sauver la scolarité d'un jeune menacé d'expulsion. Nul populisme là dedans : du coeur et de la raison suffisent. le fait que 70% des français se soient déclarés favorables à un traitement au cas par cas montre en fait que 70% des français veulent que des jeunes scolarisés sérieusement dans notre pays puissent continuer à y demeurer. Et rien n'indique nulle part que 70% des français soient favorables à l'expulsion de 70% des étrangers comme l'a annoncé le gouvernement : si 80%, 90% des jeunes scolarisés sont sérieux et réguliers dans leur travail, il apparait que 70% des français souhaitent que ces 90% restent en France. Ce que ne veulent pas les français, et on les comprend, ce sont les tricheurs, les délinquants qui sèchent l'école, les faux étudiants. Il n'existe aucun risque de rejet pour des étrangers qui bossent et s'intègrent. Je le constate avec mes enfants, scolarisés dans des établissements standards : aux anniversaires, il y a toujours l'africain de la classe, le petit ou la petite arabe et c'est par ces enfants ordinaires que les parents s'intègrent.
Et notre intérêt dans tout ça ? Deux exemples :
1. Le Canada, il y a quelques années, a investi dans la scolarisation de nombreux africains et arabes, en usant de l'argument linguistique (vous étudierez en français et en anglais). Ces jeunes sont ensuite retournés chez eux, certains techniciens, d'autres médecins ou ingénieurs. Lorsqu'un appel d'offres se présente un jour, que croyez-vous qu'il arrive ? Le Canada taille des croupières aux entreprises françaises en Afrique grâce à ce réseau d'anciens écoliers et étudiants qui pensent canadien, qui ont étudié à la canadienne sur des machines canadiennes et qui le jour venu, choisissent une entreprise canadienne...
2. Une vieille étude du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) montrait il y a déjà 20 ans que pour 1 Dollar prêté ou donné au Tiers-Monde, l'Occident en récupérait 10 ! Pas étonnant que l'on puisse se permettre d'effacer certaines dettes, elles ont été payées autrement 10 fois ! Pas étonnant non plus que ces populations demeurent misérables face à ce pillage d'un nouveau genre.
Je conclus ce très vaste sujet en répondant maintenant à Philippe : oui à une vraie politique de l'immigration, construite, prévisible et surtout, réaliste. Est-ce qu'un traitement du cas par cas peut être appelé une politique ? Certes non.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 10 août 2006 à 19:22
Jean-Dominique, vous désirez « une politique d'immigration, mais pas sur la base de la discrimination ». Détaillez ce que ça peut bien vouloir dire ? Est-ce que cela veut dire que vous êtes favorable à la suppression des frontières et à l'interdiction faite aux Nations de réguler les flux migratoires ?
Si ce n'est pas le cas, il y aura forcément une discrimination qui devra être opérée.
Si c'est le cas, j'aimerais savoir ce qui vous rend si certain que notre pays, qui ne parvient nullement à réduire, à défaut d'éradiquer, la pauvreté en son sein, pourra « s'assurer que tous les immigrants soient capables d'être à l'aise en France ».
A vous lire, on croirait que la France a des moyens sans limites. Pourtant, ce n'est jamais ce que disent les élus, toutes tendances confondues. Proposez-vous donc de mener une politique vouée à l'échec faute de moyens, sans que l'on sache à terme quel sera le prix à payer ? Il me semble difficile de vous suivre et de ne pas, plutôt, s'intéresser à ceux qui proposent des solutions certes moins grandioses et généreuses mais sans doute plus sérieuse. L'idéologie ne peut pas tout, l'absence des moyens n'est jamais neutre - et les victimes de cette absence de moyens sont généralement les plus pauvres, ceux au nom de qui on prétend oeuvrer. L'enfer est sans nul doute pavé de merveilleuses intentions.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 05 août 2006 à 18:05
L’ennui, Jean-Dominique - et c’est que Philippe Bilger pointait également dans sa note -, c’est que les principes auxquels vous êtes très attaché, un autre populisme, celui-là sous un vernis séduisant , les détourne pour un profit qui n’est pas celui des écoliers brillants et de ceux qui le sont moins.
Je déteste, tout comme vous, je crois, les terroirs et les castes « de droit naturel et immuables ».
Mais je ne veux pas qu’on utilise des détresses humaines pour des desseins qui sont autres que la protection de ces hommes et de ces femmes. Je ne veux pas qu’on joue avec la conscience que je peux avoir et avec ce que je peux ressentir face à certaines situations d’extrême précarité. Je ne veux pas que, par inconséquence , on excite les virtualités de rejet de mes concitoyens. Il y a des alliances invisibles entre les extrêmes qui me préoccupent. Le courage et la responsabilité politiques, c’est aussi , me semble-t-il savoir résister à cela.
Dans mon commentaire sur « l’immense » événement des mariages estivaux, j’avais encore dans la tête vos écoliers. Évoquant Willy Ronis, je pensais au jeune garçon de Belleville qu‘il a été, un merveilleux produit de l’immigration. Comme il a su , dans ses photographies , avec beaucoup d’autres et, mieux que tout Français de ou par hasard que nous sommes tous, aimer notre pays et nous le faire aimer !
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 04 août 2006 à 07:41
En vérité, Véronique, j'ai eu tort de dire que j'étais d'un avis diamétralement opposé à celui de Philippe Bilger mais j'avoue que je suis très ulcéré par cette histoire stupide des enfants scolarisés qu'on expulse. Je comprends très bien son point de vue et le partage dans la mesure où Philippe n'évoque pas de seuil mais uniquement une méthode permettant de transformer l'immigration en chance partagée.
Il y a seulement des principes sur lesquels il n'est pas permis de déroger sans altérer la justesse de sa conviction. La France ne se mérite pas, pas davantage qu'une classe sociale dans laquelle on nait par hasard selon que l'on ait ou pas le cul bordé de nouilles. Le système des castes à l'indienne d'où l'on ne sort pas vivant ne me convient pas.
Oui, il faut une politique d'immigration, mais pas sur la base de la discrimination. Oui il faut s'assurer que tous les immigrants soient capables d'être à l'aise en France et pour cela il faut des structures françaises de préparation à l'émigration dans les pays concernés. Et il faut aussi des politiques de développement qui ne soient pas fondées sur l'économie de traite que nous pratiquons aujourd'hui. (Savez-vous que, par contrat, pour vendre son cacao, la Cote d'Ivoire a interdiction de fabriquer du chocolat ? Que le Gabon a interdiction de raffiner son propre pétrole ?). Très vaste problème qui n'est qu'une partie du sujet ici.
Ce que je conteste donc est la première partie de l'avis du Conseil constitutionnel et j'adhère volontiers à la deuxième partie. Car si "tous les hommes sont égaux en droits", comme l'adopte notre constitution,tous les étrangers ont un droit légitime à s'installer en France. Les règles doivent être connues et acceptées, commue n'importe quel habitant de ce pays.
Enfin, ayons les yeux ouverts : l'échec scolaire, la délinquance et la violence de certains jeunes touchent des jeunes français. Il faut refuser l'amalgame qui ferait subir à de jeunes étrangers les soucis que nous causent de jeunes français issus de l'immigration. Le ratage des seconds n'induit pas celui des premiers. Autre temps, autres circonstances, autres aspirations. L'opinion publique ne s'y trompe pas et soutient, à chaque cas isolé, les élèves menacés d'expulsion. Et tous les enfants qui suivent une scolarité régulière en France, je dis bien tous et je dis une scolarité régulière, tous doivent pouvoir rester ici le temps de cette scolarité. Au delà des principes, c'est d'une importance stratégique pour la place de la France dans le monde.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 31 juillet 2006 à 01:31
Accord avec JD Reffait! (Voilà quelques années, je proposais la réintroduction d'artistes en PACA... Projet classé provisoirement sans suite)
Avec une variante d'importance sur sa conclusion: "On finit toujours par être gagnant à être généreux. Mais ça peut prendre TRES longtemps." ;-))
Rédigé par : Fleuryval | 28 juillet 2006 à 21:34
Je lis votre post et ses réactions sans trouver de réponse à mes questionnements sur le problème soulevé.
Ma - trop, semble-t-il - maigre expérience de la vie me dicte plusieurs choses :
- je suis bien chez moi et ai envie d'y rester (bien!)
- le droit d'asile est à protéger (mes propres ancêtres en ont bénéficié)
- l'asile économique n'existe pas (plus ?)
- fermer les yeux ne sert à rien
- fermer les frontières non plus
...
Alors comment concilier tout ça ? Avec une certitude, je ne veux pas être "bien" dans mon camp de consommation.
Je n'ai pas fais avancer le schmilblick me direz vous ? non.
Rédigé par : PissTroiGüt | 27 juillet 2006 à 23:13
Monsieur Reffait, j’ai apprécié l’élégance de votre commentaire. Du reste, j’apprécie toujours de vous lire dans cet exercice. Simplement ceci, Philippe Bilger a raison d’écrire que faute d’une politique de l’immigration et d’une adhésion aux valeurs rappelées par le Conseil constitutionnel, une haine et un ostracisme ne feront que s’amplifier à l’égard de l’étranger et de l’autre différent. Et je crois également que l’opinion, majoritairement, aujourd’hui, fait preuve d’une certaine maturité quant à l’appréhension de cette question.
Mais, le temps que vos écoliers grandissent, j’ai bien peur, que dans cet intevalle, les penchants les moins avouables et les tentations les pires de notre pays ne s’incrustent pour très longtemps et très irrationnellement dans les esprits. Des remakes à répétition du 1er tour de 2002, je ne suis pas vraiment partante.
« On est toujours gagnant à être généreux » Oui, mais « le cœur a le droit d’être intelligent et lucide et l’esprit attentif et ouvert à autrui », je suis aussi très d’accord avec cela. C’est plus compliqué et plus exigeant mais c’est jouable !
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 27 juillet 2006 à 22:06
...enfin Eolas a trouvé son maître...visiblement les vacances qui chez certains anesthésient les neurones ,aiguisent chez vous la réflexion...j'adore l'incise sur le petit diablotin à roller!...doit-on vous souhaiter d'avoir à choisir un jour entre l'île de la Cité et la place Vendôme?...
Rédigé par : sbriglia | 26 juillet 2006 à 16:09
Je suis d'un avis diamétralement oppposé et je n'entre pas pour autant dans l'angélisme décrit.
Je n'ai pas mérité d'être français, je le suis par hasard, je n'en suis pas mécontent mais je n'en tire pas un orgueil démesuré au regard de ce hasard qui m'a fait naitre ici et non au Sahel. Aussi l'idée d'une loterie humaine qui attribueraient aux uns le statut de français par le hasard et aux autres par le mérite m'apparait radicalement contraire au principe de la déclaration des droits de l'homme : les hommes naissent égaux en droit.
A l'heure où nous protégeons de force la migration d'oiseaux, qui viennent à l'occasion mourrir de la grippe aviaire chez nous, à l'heure où nous allons chercher manu militari des ours slovènes pour les répandre de force dans les pyrénées, je crois indécent de montrer à quel point les animaux ont des droits que les hommes n'ont pas. Je suggère d'ailleurs que pour faire face à la désertification de régions rurales en Lozère ou en Ardèche, nous procédions à la réintroduction d'humains en voie de disparition en faisant appel à l'Afrique ou à l'Europe de l'Est. Il est à parier que ces humains réintroduits n'auraient pas le manque de tact de s'en prendre aux brebis égarées dans les paturages comme le font ces ours slovènes si mal élevés (et, disons-le, si peu conscients du grand honneur qui leur est fait de les accueillir chez nous).
Cela pour dire, aussi brièvement que possible, que le sol français n'est pas le Saint des Saints et que, si le fait d'être français relève du hasard pour certains, comme moi et tant d'autres, il n'est pas légitime d'interdire l'accès à ce pays pour qui le souhaite. Je n'ai pas mérité d'être français mais j'ai grandi en acceptant progressivement les valeurs et les contraintes qui fondent ce statut. Tout étranger a droit à vivre en France dans la mesure où il intègre les valeurs et les contraintes de ce pays.
Je précise en outre qu'aucune étude n'a jamais démontré nulle part en Europe l'impact négatif de l'immigration sur les économies nationales, qu'il s'agisse de l'immigration légale ou clandestine. La notion de seuil est évanescente, irrationnelle et répond davantage à des problèmes de concentration et de perception subjective.
Mais, et voici en quoi la possibilité d'accueillir tout le monde rencontre les exigences culturelles. La France est une portion de planète qui a développé sa culture et son modèle. Il ne me semble pas illégitime d'exiger des nouveaux venus qu'ils adoptent spontanément les valeurs qui fondent l'identité française et qui sont rappelées par le conseil constitutionnel. Immigrer en France doit être possible pour tous ceux qui le souhaitent, sans faire l'objet d'un choix de notre part. Mais ce choix de vivre en France s'accompagne des contraintes qui s'imposent à tous les français et je ne suis pas, loin s'en faut, favorable au maintien des traditions du pays d'origine lorsque celles-ci se heurtent aux valeurs de notre pays.
Notre pays a une forte tradition policière et bureaucratique au point d'en oublier son intérêt. Et son intérêt, c'est d'avoir plein de jeunes scolarisés qui réussissent, qu'ils soient français ou non, qu'ils soient légaux ou non. On est toujours gagnant à être généreux.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 26 juillet 2006 à 00:58
Le diable gît dans les détails. Dans l'expression d'une opinion très équilibrée, que signifie, en parlant d'Arno Klarsfeld,l'incise "sinon discriminer"?
Rédigé par : Jacques Laloum | 25 juillet 2006 à 12:24
Ce qui est d'autant plus troublant, c'est de voir une large part des sympathisants de gauche semblent se rallier à RESF, dont le programme est d'extrême-gauche (la régularisation massive de tous les clandestins n'a jamais été envisagée par le PS - c'est le programme d'extrême-gauche révolutionnaire qui prone la suppression des frontières), avec l'accusation que l'on peut régulièrement lire dans la presse faite à la gauche réformiste de ne plus être de gauche parce que justement elle ne s'afficherait pas pleinement et totalement dans cette démarche (régularisation massive, donc interdiction pour la Nation de contrôler son immigration ; viol des lois choisies par la démocratie au nom d'un programme politique).
Il y a quelques temps, monsieur Bilger nous avait finement parlé de gauche et de droite, de réalisme et d'idéologie. Il se trouve que le sujet précis de RESF, et des courants attenants, est intéressant à cet égard, étant un drôle de condensé entre programme sur-idéologisé et pragmatisme de droite. Je bafouillait à ce propos l'autre jour : http://riesling.free.fr/20060720.html
Ceci étant dit, pour en revenir au sujet initial, on peut en effet se féliciter de la clarté du message envoyé par le Conseil constitutionnel. Nous devrions plus souvent que cela le convoquer ! Notamment dès lors que des olibrius, fussent-ils députés ou sénateurs, nous parlent de désobéissance civique, nous parlent de lois qu'il serait légitime de violer.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 25 juillet 2006 à 10:32
Merci pour ce billet qui remet les pendules à l'heure. J'entends et lis tellement de pseudos-bienfaiteurs qui réclament des régularisations massives sans se soucier des conséquences de celles-ci. C'est le discours à la mode et, comme pour d'autres thèmes, il est récité par des gens qui ne comprennent pas et, surtout, ne veulent pas comprendre.
Notre capacité d'accueil est malheureusement limitée, il est indispensable de la préserver pour ceux qui en ont besoin.
RESF pratique une propagande insultante pour les immigrés en leur faisant croire à la réalité d'une chimère.
Rédigé par : Delphine Dumont | 25 juillet 2006 à 10:04
Il est en effet heureux que le Conseil constitutionnel rappelle sans ambiguïté des principes de référence. A l'instar d'un individu, un Etat se doit d'être construit, défini et positionné par un ensemble de valeurs qui appartiennent au non négociable. C'est ainsi qu'un pays sera le mieux à même d'être ouvert, d'accueillir et d'intégrer l'étranger, l'autre, le différent.
Mais il y a aussi des images qui peuvent hanter. Il y des visages qui brouillent l'approche souhaitable, pragmatique et raisonnable d'une question comme celle de l'immigration clandestine. Ces hommes et ces femmes humiliées et menottées quelque part, il y a quelques mois, dans un bus entre le Maroc et l'Espagne. La violence faite à ces pas encore rescapés de la misère. La colère contre ceux qui entretiennent la promesse d'un eldorado et d'un asile européens. Et moi, dans le souvenir de ces images, j'ai envie de pleurer. A cause d'elles, j'en veux à tous ceux qui, en amont, par défaut d'anticipation et réflexe idéologique, n'envisagent jamais les choses sous l'angle de la responsabilité et du courage politiques.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 25 juillet 2006 à 07:31
Il y a un certain temps que je ne vous l'avais pas dit :
Le ferme humanisme de cette note conforte mon plaisir à vous lire !
Rédigé par : Jean Pierre Chaume | 24 juillet 2006 à 13:51