Depuis le 12 juillet, je suis en vacances où il m'est difficile de disposer d'Internet régulièrement. Avant mon retour à Paris le 23 août, je ne pourrai pas malheureusement pour moi -et, peut-être, pour vous! - soutenir le rythme habituel de la publication de mes notes. Je ne résisterai pas, cependant, à ce que l'actualité même ralentie pourra m'offrir. Vous voudrez bien pardonner mes lentes réactions à l'égard de vos récents commentaires souvent pertinents et excitants. Je tenais à vous en donner la raison.
Le monde a fait paraître le 8 juillet, sous la signature de Nathalie Guibert, une analyse intitulée : Le prix de la justice. Cet article, qui m'avait beaucoup intéressé, me semble pouvoir être associé à une nouvelle que le même quotidien nous a communiquée une semaine plus tard et qui se rapporte à la création d'une conférence des procureurs de la République. Le but de ceux-ci est de préserver leur identité et leur principale opposition a trait à la volonté de plus en plus manifestée de diviser le corps judiciaire en deux entités distinctes et autonomes, soumises chacune à une autorité politique différente.
Cette attitude collective - largement représentée, puisque le 15 juillet, 80 chefs de parquet sur 180 avaient déjà adhéré à la Conférence - est tout à fait respectable mais, sur le fond, elle me semble être inspirée par un corporatisme de mauvais aloi. Elle défend une fonction au lieu de privilégier des valeurs. Elle vise à sauvegarder un "pré carré" quand la considération des principes appellerait, à mon sens, une autre position plus ouverte, moins frileusement classique. Elle ressemble à celle qu'ont toujours majoritairement adoptée les juges d'instruction campés sur leur situation acquise et leur pouvoir installé quand le bien de la justice aurait pu et dû leur faire oublier l'horizon immédiat de leur tâche.
L'analyse de Nathalie Guibert, très documentée, nourrie quantitativement par beaucoup de chiffres, met en évidence d'une manière plus réussie qu'à l'ordinaire la crise des moyens et les problèmes financiers et budgétaires qui affectent le fonctionnement de l'univers judiciaire. A ce titre, elle s'inscrit dans un argumentaire qui, pour n'être pas original, mérite d'être pris en compte. Qui pourrait nier, sauf à être taxé d'une grave légèreté et d'une imprévoyance coupable, la nécéssité bonne en elle-même d'accroître le budget et de multiplier les disponibilités humaines et matérielles de la justice? C'est d'ailleurs la revendication permanente des syndicats qui ne sont à l'aise que dans la logique du "toujours plus" au lieu de se préoccuper aussi de ce que les magistrats doivent à la société. Ils demandent sans cesse mais ne se soucient pas de donner aux citoyens.
En ce sens, je crains que le propos même convaincant sur "le prix de la justice" détourne de l'obligation d'une "justice de prix". Dans un monde qui serait surabondant en moyens et couvert d'or, le problème de la qualité de la justice continuerait à se poser. Faute d'aborder le coeur de l'échec ou du succès de l'acte judiciaire et qui tient au mélange réussi ou défaillant du savoir technique et de la capacité d'humanité, nous serons condamnés à affronter de nouveaux risques de sinistres et des catastrophes sans doute moins cataclysmiques qu'Outreau mais fortes tout de même.
Cette alliance de la compétence et de la morale, qui constitue le magistrat en grand professionnel, dépend, à mon sens, bien moins d'un terreau financier et matériel amplifié que de l'aptitude, pour chacun, qu'il y ait crise des moyens ou non, à nouer un rapport vigilant et concentré, sur le plan du coeur et de l'esprit, avec ce que la charge judiciaire lui apporte quotidiennement. C'est à chacun de ne pas baisser la garde, c'est à chacun de tenter d'inventer son île d'excellence en dépit de la qualité médiocre ou acceptable de l'environnement.
Je ne voudrais pas que le prix de la justice soit l'alibi constant de notre impuissance ou de notre manque d'enthousiasme. Il y a le prix de la justice et, à côté de lui et sans lien avec lui, il y a la justice de prix. Le premier relève du quatitatif quand la seconde dépend de nous. Nous ne pourrons jamais faire l'impasse sur ce que nous devons exiger de nous-mêmes.
Pour finir sur une note humoristique et qui rappelle, en toute immodestie, la parabole de Saint-Simon, la justice de prix n'est pas non plus proportionnelle au nombre de magistrats. Ce qui compte le plus pour faire fonctionner le mieux possible un Palais de justice, c'est davantage d'assistants de justice et, surtout, d'appariteurs de qualité. Si on acceptait un jour de se pencher sur l'apparemment dérisoire, on verrait à quel point, dans nos juridictions, la communication et les dossiers circulent mal et trop lentement, comme le sang dans un corps mal irrigué. On constaterait comme la substance même du travail quotidien, son efficacité et son rythme sont déterminées par ces fonctions d'aide et de transport. Plutôt de remarquables auxiliaires en plus que des décideurs à n'en savoir que faire.
Il faudrait avoir le courage de scruter les petites choses. Leur délabrement, comme le prix de la justice, peut jouer le rôle d'alibi. On n'est coupable de rien puisque cela va mal ailleurs, autour de nous.
Je suis désolé mais nous sommes en première ligne. Responsables et, si nous ne tentons rien seconde après seconde et sur tous les plans, coupables.
Veronique, je suis content que nous nous soyons compris. Je partage votre point de vue concernant l'abus régulier de l'argument du manque de moyens. C'est vrai, souvent, il est avancé pour éviter de poser certaines questions sur la gestion de moyens existants. Je tenais néanmoins à souligner qu'il ne faut pas non plus aller jusqu'à croire que tous les manques signalés ci et là sont tous fictifs, des vues de l'esprit - ce qui est aussi, d'ailleurs, un discours dominant aussi néfaste que le premier.
J'ai pu observer à plusieurs reprise la conjonction des manques de moyens avec la mauvaise gestion (voire un gaspillage monstrueux, notamment à propos des sites internets et tout ce qui touche les nouvelles technologies) des moyens existants. Ces deux problèmes recouvrent régulièrement une certaine réalité.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 23 août 2006 à 15:25
Pour conclure la discussion.
Marcel, je retire de mes propos l' expression « lieux communs » que je regrette.
J’étais un peu en colère car, selon votre expression à vous:
« Pour autant, il ne faut pas oublier les spécificités des missions publiques et clamer qu'on peut se contenter de l'absence de moyens. ».
J’avais le sentiment qu’écrivant cela, vous caricaturiez à votre tour ce que j’avais pu écrire au sujet de la Fonction Publique.
L’énorme souci concernant les performances des fonctions publiques, c’est ce discours dominant qui fustige sans cesse « l’absence de moyens ». Ces moyens existent. Ils sont, le plus souvent, sous-exploités et mal exploités.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 23 août 2006 à 05:43
Je crois, Véronique, qu'il serait souhaitable dans vos commentaires de nous (nous ?) épargner le dérapage sur ce qui serait selon vous un sujet digne d'intérêt ou pas. Chacun à ses intérêts, ce qui passionne les uns quelquefois indiffère les autres. L'écrit donne ce pouvoir enfantin de zapper ce qui déplait. D'ailleurs, il est particulièrement osé de reprocher à quelqu'un d'avoir eu l'outrecuidance de signaler que vous lui avez prêté des propos qui n'ont jamais été tenus.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 21 août 2006 à 15:29
Je crois, Marcel, qu'il serait souhaitable dans vos commentaires de nous épargner les lieux communs. Ce qui me paraît très intéressant dans la note de Philippe Bilger, c'est précisément la place qui a été faite à l'importance des auxilliaires pour un bon fonctionnement d'un palais de justice. Ce regard circulaire et cette aproche fine des métiers sont rares dans la fonction publique. Une façon de déserrer des conformismes .
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 24 juillet 2006 à 18:11
Véronique, je n'ai pas dit que la multiplication des fonctionnaires est une solution magique. Je constate, par contre, un exemple parmi d'autres, que le fait qu'il n'y ait plus d'infirmières dans les collèges n'est pas toujours sans conséquence. La quantité ne fait pas tout, elle est parfois néanmoins un prérequis pour avoir la qualité.
Il est important de remettre en question certaines plaies de la fonction publique (notamment le fait de ne pas pouvoir licencier des incompétents manifestes, de ne pas récompenser l'efficacité). Pour autant, il ne faut pas oublier les spécificités des missions publiques et clamer qu'on peut se contenter de l'absence de moyens.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 22 juillet 2006 à 19:37
Ce qui serait naïf , Marcel, c’est de croire que la multiplication des fonctionnaires soit la seule réponse à apporter pour une meilleure efficacité et qualité des services publics . Je peux vous assurer qu’une réelle gestion des ressources humaines serait un gage non seulement de bonne administration mais aussi d’épanouissement des personnes. Et que l’un ne peut pas aller sans l’autre. Car en l’absence d’objectifs précis et un peu exaltants, on entretient cette petite désespérance qui agit comme un acide sournois dans le quotidien et l’ordinaire du travail. . Les fonctionnaires c’est aussi une " foule sentimentale " .
Je ne suis pas sans ignorer l’indigence des moyens matériels propre à certains services publics, la justice en premier. Mais quand bien même on y pallierait - et je suis convaincue de cette nécessité impérieuse -, je ne peux pas m’empêcher de penser très fort qu’une remise en question des fonctionnements, des méthodes de travail et des pratiques reste indispensable.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 21 juillet 2006 à 06:03
Cet article reprend les conclusions de la commission Terré en 1987 publiée à la documentation française.
-->François Terré a été chargé par le garde des Sceaux d’une mission sur la justice et la formation des magistrats et avocats (1986-1987).
Quant aux moyens comparés, la France ne compte pas deux fois moins de magistrats par habitants qu'en Allemagne mais trois fois moins.
L'Etat de Droit ? Les grands groupes industriels sanctionnent l'incompétence en réglant eux mêmes leurs litiges par des clauses de conciliation ou d'arbitrage qui excluent le recours à la Justice. Ca veut tout dire...
Que la France ait une justice de pauvre se comprend, elle n'intéresse pas les riches.
Rédigé par : Qwyzyx | 20 juillet 2006 à 18:51
Quand j'entends parler de « caractéristique des fonctionnaires : plus d’argent sans toucher ni au statut ni à la manière de travailler. », je dirais que je suis le premier outré de voir l'attitude et la mentalité de certains fonctionnaires, qui assurement correspondent à cette description. Mais je reste sans voix devant l'insulte faite à tant d'autres qui ont choisi la fonction publique par conviction, par volontarisme, alors qu'il aurait pu aller dans le privé et recevoir 2 fois de plus de salaire et reconnaissance pour le même travail.
Ce genre de généralisations honteuses, de déclarations imprécises non basés sur des faits vérifiables et quantifiables, ne font pas honneur à ceux qui les développent.
Quant à l'idée de privatiser les greffes, on retrouve là une idée évidemment fausse qui voudrait que la privatisation crée de la rentabilité. Cette supercherie oublie tout d'abord que l'efficacité dans le privé ne s'établit que selon des critères financiers, ce qui n'est presque jamais vrai pour les services publics. Mais cette supercherie ne se vérifie pas non plus dans les faits. Certes, une entreprise privée bien organisée fonctionnera mieux qu'une entreprise publique désorganisée, mais rien n'impose de maintenir les entreprises publiques dans un état de désorganisation. Et la loi des appels d'offre ne permet pas de s'assurer qu'à la clef il y aura une entreprise organisée. Dans beaucoup de cas, la privatisation du service s'accompagne de contrat avec le moins-disant, ceci ayant pour résultat que, certes, on dépense un peu moins, mais la qualité est aussi médiocre, voire bien pire (je connais des structures publiques, non-françaises mais internationales, qui en reviennent, de ces privatisations à tout va).
C'est tout de même effarant que l'on en arrive à être si peu ambitieux que l'on croit que privatiser soit une solution magique, comme si on était incapable d'être imaginatif et efficace, comme si on était obligé par exemple de persister à refuser d'évaluer l'efficacité des fonctionnaires ou de sanctionner les mauvais magistrats.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 20 juillet 2006 à 15:55
N'arrivant pas à mettre un lien, je copie ici un article de l IFRAP
La vérité sur la justice :
ce ne sont pas les moyens qui manquent
Hervé Lehman, ancien juge, aujourd’hui avocat, fait le procès, dans un petit livre (Justice, une lenteur coupable, PUF, 2002) du fonctionnement de notre système judiciaire. Par rapport aux nombreux ouvrages déjà parus sur le même sujet, celui-ci fait figure à part : il n’est pas question de manque de moyens, de nombre de fonctionnaires et de budget en baisse ; il s’agit plutôt de plus de travail, d’une meilleure répartition des effectifs, de l’évaluation et de la "débureaucratisation" de la justice. Pour entrer dans le détail des dysfonctionnements du système judiciaire, Nicolas Lecaussin l’a rencontré dans son cabinet situé avenue Victor Hugo.
Société Civile : Votre ouvrage a attiré tout de suite notre attention par l’approche originale que vous faites de notre justice. Vous dénoncez dès les premières pages, à travers de multiples exemples, une lenteur inadmissible et un manque de volonté pour réformer. Quelles en sont les causes ?
Hervé Lehman : Je crois d’abord qu’il y a vraiment un dogme qui est de dire que si la justice ne fonctionne pas bien c’est qu’il y a un manque de moyens. Ca fait 23 ans que j’entends cet argument. J’ai alors décidé de regarder de plus près les chiffres et j’ai découvert trois courbes statistiques qui sont très claires : le nombre de juges et de fonctionnaires de justice est en constante augmentation (+ 25% en dix ans), le nombre d’affaires reste stable et pourtant les délais augmentent. La réalité est donc différente. On a de plus en plus de juges mais pas plus d’affaires. Cela veut dire concrètement qu’on a une baisse de la productivité du système.
SC : Même quelqu’un comme Thierry Jean-Pierre soutient que la justice manque de moyens alors que par ailleurs il dénonce dans plusieurs ouvrages notre administration obèse.
HL : En effet, car Thierry Jean-Pierre et d’autres juges ou anciens juges sont dans le moule du système. C’est en fait le discours officiel du Syndicat de la magistrature.
SC : En quoi consiste cette "lenteur de la justice" ?
HL : Tout le monde sait - et en particulier ceux qui sont directement concernés - que la justice est lente. Mais ce que j’ai voulu montrer dans mon livre c’est que la situation est encore beaucoup plus grave qu’on ne le croit car c’est une lenteur ahurissante. Dès qu’on sort d’une affaire simple, on se retrouve dans une procédure qui dure 5, 10 ans, sinon plus. C’est insupportable car vous avez un décalage de plus en plus grand entre le rythme de la vie et celui de la justice. C’est une justice du temps de la voiture à cheval.
SC : Ceux qui disent qu’il faut plus de moyens pour la justice, considèrent aussi qu’elle doit "prendre son temps pour régler les affaires". C’est intéressant car les politiques, par peur de réformer, disent la même chose. Alors qu’en politique il faut agir vite. C’est pour ça qu’on est élu.
HL : C’est ce que j’appelle la "culture de la lenteur". Les juges sont convaincus que le contraire de la justice expéditive est la justice très lente. Ce n’est pas vrai. Une justice expéditive est une justice bâclée mais on peut très bien juger vite et bien. Les juges croient qu’ils n’ont pas de moyens et puisqu’ils n’ont pas de moyens, ils n’essaient pas de faire mieux. Ils attendent les moyens mais ils ne remettent pas en cause leur travail comme on le fait partout dans la société civile.
SC : En fait, on retrouve dans ce milieu une réaction de caste, caractéristique des fonctionnaires : plus d’argent sans toucher ni au statut ni à la manière de travailler.
HL : Il s’agit d’un véritable esprit conservateur. Il ne faut surtout pas changer le système.
SC : Plusieurs pages de votre ouvrage sont consacrées à certains médias qui cultivent cette désinformation à l’égard de la justice. Le quotidien "Le Monde" est particulièrement visé.
HL : "Le Monde" n’a même pas parlé de mon livre et la plupart des journaux ont une approche officielle de la justice : manque d’argent et de fonctionnaires.
SC : Très intéressantes sont aussi les comparaisons statistiques internationales que vous faites dans l’ouvrage. Contrairement aux idées reçues, en France, il y a 3 fois plus de magistrats qu’en Grande-Bretagne.
HL : En discutant avec quelqu’un du Syndicat de la magistrature, je me suis rendu compte que lorsqu’il parle du nombre de magistrats, il ne prend en considération que ceux qui sont issus de l’Ecole de la magistrature, c’est-à-dire environ 6800 personnes. Alors que ceux qui siègent dans les tribunaux de commerce, chez les prud’hommes font aussi partie de la justice. On arrive à un chiffre de 25.000 fonctionnaires, ce qui est largement au-dessus de ce qu’on dit.
SC : Dans ce total, quelle est la part de la "bureaucratie" ?
HL : C’est très difficile de le savoir. Il y a beaucoup de paperasse dans la justice mais très souvent elle est utile, ce qui n’est pas le cas dans les autres administrations. Je pense que la lenteur de notre justice est plutôt due à une absence d’efficacité et non pas à un excès de bureaucrates. Plus que la paperasse inutile, c’est une incapacité à se remettre en cause, à travailler mieux, à se moderniser. La plupart des magistrats rédigent leurs procédures à la main au lieu d’utiliser des ordinateurs ou des dictaphones ; la passation des dossiers se fait toujours à l’ancienne, par courrier et non à l’aide d’internet. C’est une résistance au progrès.
SC : Vous avez été juge pendant des années. Aujourd’hui, vous êtes avocat dans un grand cabinet privé. Quels ont été les grands changements dans votre façon de travailler ?
HL : Il y a des juges qui travaillent et d’autres qui ne le font pas. Ils laissent traîner les dossiers et s’en moquent car, de toute façon, ils ne sont pas sanctionnés. Par contre, l’avocat qui ne fait rien est viré. Et, contrairement à ce qu’on croit, le temps moyen de travail d’un juge n’est pas supérieur à celui d’un autre fonctionnaire. Il y a, en effet, des audiences qui se terminent à 23h mais toutes les autres audiences se terminent à 16h30. Et si le travail était mieux organisé, on ne serait pas obligé de finir à 23h. De plus, chez les juges, il n’y a pas de nombre minimum de dossiers à traiter, de délais, d’objectifs. Aucune évaluation.
SC : Quel est le vrai rôle des syndicats dans les dysfonctionnements de la justice ?
HL : La Justice a une grande particularité car elle n’est pas dirigée par le Garde des Sceaux mais par le Conseil supérieur de la magistrature composé de magistrats qui sont élus sur les listes syndicales. Donc, ce sont les deux grands syndicats (le syndicat des magistrats et l’Union syndicale) les vrais chefs : ils nomment les juges, les présidents des tribunaux, organisent les recrutements, appliquent des sanctions, plus exactement, n’appliquent jamais de sanctions. D’un côté, les syndicats s’occupent de tout et, de l’autre, ils accusent les pouvoirs publics des maux de la justice.
SC : Est-ce qu’une solution de réforme serait la privatisation de la justice ?
HL : Non, je ne le pense pas. Avec la justice, on est vraiment au sein d’une fonction régalienne de l’Etat. Il faut évaluer les juges et surtout leur demander d'être plus ouverts sur le monde extérieur. Il est inadmissible que la plupart d’entre eux traitent des dossiers concernant des entreprises privées et n’aient aucune idée de leur fonctionnement. Par contre, on pourrait privatiser les Greffes qui ont été nationalisés en 1958.
Propos recueillis par Nicolas Lecaussin
du Société Civile N°21
janvier 2003
Rédigé par : copié-collé | 20 juillet 2006 à 09:07
Le manque de moyens pour l'essentiel est d'autant plus déconcertant quand on apprend les budgets dont dispose le superflu. Savez-vous qu'au lieu de payer dignement votre greffière ou de repeindre les honteuses cellules du Palais de Paris dont l'état fait partie de la honte nationale, on subventionne au Grand Palais un catapulte à pianos?
Qu'il y a, pour un élevage de tortues, un brumisateur que je ne peux, faute de "moyens" installer sur mon mamiedrome pour rafraîchir les personnes âgées en pleine canicule?
Justice au repos, c'est bien. Elle aura de l'ouvrage à la rentrée. Bonnes vacances! Et si le coeur vous en dit, mon banc est ouvert ;-)
Rédigé par : Fleuryval | 20 juillet 2006 à 07:48
Véronique, on devra tout de même aussi admettre qu'il est de multiples cas de figures ou les moyens manquent cruellement. Certes, on peut faire beaucoup avec peu, quand on a de l'imagination. Mais on ne peut pas naïvement espérer que l'imagination suffira pour tout, on ne peut pas se contenter de compter sur la performance d'une poignée pour compenser les moyens que l'on ne met pas là où ils sont nécessaires.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 19 juillet 2006 à 19:25
N’ayant rien à voir, ni de près, ni de loin avec le monde judiciaire, je n’ai évidemment aucun élément pour une juste appréciation de votre note. Cependant, ce qui est mentionné pourrait être dit pour bon nombre de services publics. Car ce qui étonne en premier, c’est que d’une façon systématique, dès qu’il y a petit ou grand dysfonctionnement, le discours unilatéral et dominant est de mettre le doigt sur l’absence de moyens et de personnel.
Et on s’aperçoit que pour ce qui est des moyens humains présents, il y a une vraie déperdition des talents et des compétences des personnes . Structurer les charges de travail, les planifier, en contrôler la bonne exécution ne font pas partie de cette culture. On fait semblant et on mobilise beaucoup de temps et d'énergie à vouloir " pacifier " les relations de travail. Cela reste très illusoire car, ce qui est évité et refusé en premier c'est le conflit ouvert et direct entre les personnes , pourtant nécessaire, sain et fertile. Le plus souvent, on ne sait pas travailler ensemble, on sait très peu solliciter, on sait très peu féliciter d'un travail bien fait, on sait très peu évaluer. Cette espèce de carence d’intérêt et d’indifférence pour le travail des personnes ont aussi pour conséquence une vraie souffrance psychologique qui altère durablement le besoin d'être utile, l'estime de soi et l'impératif d'éfficacité.
L’essentiel, je crois, est qu’un service public soit fier de lui-même, et qu'il unifie ses virtualités, ses potentiels et ses volontés pour mieux répondre à l’attente et aux exigences de l’extérieur. Mais le plus souvent, cet Extérieur déroute , apparaît hostile et fait peur.
Et pour revenir à votre monde judiciaire, peut-être faire savoir aux appariteurs que leur mission tient aussi de celle de messagers attendus , de go-between très espérés ou très désirés et qu’elle est éminemment stratégique. Mettre impérativement à leur disposition, au niveau des matériels, le plus performant et le plus pointu, pour leur permettre la légèreté et la fluidité d’exécution. Aériens, en quelque sorte.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 19 juillet 2006 à 08:06