Dans le Monde du 19 juillet, nous avons appris que la Commission de déontologie avait critiqué les conditions d'audition du rescapé de l'accident du transformateur EDF dans l'affaire de Clichy. Selon ce quotidien, les policiers ont été "sévèrement tancés".
La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), qui avait été saisie par le député socialiste Claude Evin a en effet rendu un avis très négatif sur les modalités ayant présidé à l'interrogatoire de Muhittin Altun à l'hôpital Beaujon, le 28 octobre 2005.
Il n'est pas de mon intention, ne connaissant pas le détail du dossier, de formuler une appréciation sur le bien-fondé de l'appréciation formulée par la CNDS. Je constate seulement que, s'agissant de la vérification de la manière dont une procédure a été respectée, cet organisme a rempli son rôle en pointant les insuffisances, les lacunes et les négligences. Demain, si le pouvoir politique et la représentation nationale le souhaitent, la bureaucratie procédurale, qui pèse trop lourdement sur la mission policière, pourra être allègée. Mais, pour l'instant, les formes et les garanties d'aujourd'hui se doivent d'être respectées au risque, parfois, d'une efficacité réduite. Il est bon que la CNDS ait, avec pédagogie, rappelé les règles et souligné les principes. Je ne doute pas une seconde que les policiers concernés, aidés dans cette prise de conscience par leurs chefs, sauront y trouver matière à réflexion et à amélioration.
Je suis d'autant enclin à vanter ce contrôle qu'on ne se trouve pas dans une situation où l'abstraction de la loi vient prétendre apposer son sceau sur le vivant d'une confrontation où la police est aux prises avec un individu ou un groupe rien moins que décidés à se laisser appréhender. La plupart du temps, rien ne me semble plus choquant, parce qu'infiniment décalé, que cette volonté de contrôle théorique sur la violence à laquelle sont soumis quotidiennent les policiers. On exige d'eux qu'au beau milieu d'une action difficile, ils s'arrêtent, réfléchissent, scrutent leur conscience et arbitrent en faveur de la poursuite de l'interpellation ou de l'abstention. Ce serait ridicule si des fonctionnaires n'étaient pas, quelquefois, traînés en correctionnelle parce que des moralistes en chambre ont voulu donner des leçons à des actifs en réalité.
La CNDS, elle, a su dispenser une leçon utile.
A Marcel Patoulatchi:
Merci,Marcel. Mais vous m'avez mal lu: intervenant après avoir visité le site de la CNDS, et pris connaissance des rapports téléchargeables sur le site, synthèses annuelles effectivement très intéressantes, ma question était: et les rapports d'enquêtes de la commission, tel celui évoqué -forcément en quelques lignes, au risque d'un certain schématisme- dans cette chronique et dans l'article du Monde, sont-ils également rendus publics?
Par ailleurs, il me semble que le commentaire d'Alain Schrinke ramène le problème à ses justes proportions, en rappelant les limites très étroites des attibutions de la commission: formuler des avis sur la façon dont les textes en vigueur sont appliqués, en se limitant volontairement à une approche éthique: mission qui, loin d'empiéter sur celle des tribunaux, touche à un domaine différent. Autrement dit, l'essentiel du rôle de la commission est d'élaborer, dans un privé qui leur garantisse une certaine sérénité - et dans des termes qui ne seront pas forcément ceux que les principaux intéressés auraient choisi: c'est sur ce point que semblent porter la plupart des reproches qu'on leur fait, mais ça ne me semble pas une si mauvaise chose- des questions qui ont vocation à être discutées ailleurs, par exemple au Parlement.
Regardant la composition de la commission, je n'ai pas le sentiment que le passé professionnel de ses membres ait pu les rendre indifférents à des questions telles que la recherche d'efficacite dans l'application de la loi ou "l'obligation de résultats" qui s'impose aux forces de police, on pourrait plutôt s'attendre au contraire...
Rédigé par : Rolland Barthélémy | 23 août 2006 à 14:22
Tout d'abord, je m'excuse pour ce post sans accents. Les vacances en pays anglo-saxons ont quelques inconvenients...
Alain Schricke, vous avez raison de souligner qu'il est toujours utile de tirer "a froid" les consequences deontologiques des activites policieres.
Le probleme, c'est que rien n'indique que les membres de la CNDS soient competents en la matiere. Un seul a ete policier. Les autres sont des parlementaires, des juges, des sociologues, des medecins, des responsables associatifs. Pourtant, les autres instances chargees du controle deontologique en France (conseils de l'ordre, etc.) sont composees de professionnels du secteur concerne.
Je ne crois pas que les membres de la CNDS aient une veritable competence pour determiner si tel menottage a ete deontologique ou non, par exemple.
Je me souviens avoir lu dans un rapport de la CNDS une severe critique contre le GIPN de Marseille qui avait maitrise par la force une forcenee. La CNDS ayant estime que le dialogue eut ete preferable. Il m'apparait incroyable que quelques personnes sans aucune connaissance de ce type d'intervention tres risquee critiquent l'aspect technique d'une operation menee par l'elite de la police nationale. Je ne dis pas qu'il faut donner un blanc seing aux unites d'intervention. Mais je dis qu'il ne faut pas non plus se prendre pour un specialiste de la maitrise d'individu dangereux. C'est comme si un groupe de politiques et d'associatifs se mettait a dire aux juges comment rediger un acte...
Enfin, vous dites que "les critiques adressées à la CNDS ressemblent fort à celles qui visent les organismes chargés d'apprécier la discipline ou la déontologie des magistrats".
De quels organismes parlez-vous? Prennent-ils la presse a temoin? Sont-ils composes quasiment uniquement de non-magistrats?
Rédigé par : basba | 08 août 2006 à 23:14
Alain,
Affirmer qu'existe un manquement à la déontologie dépasse la simple réflexion. Envisager que bafouer la déontologie puisse ne correspondre à aucune faute est de toute évidence une démarche de lâcheté du législateur ou de l'auteur du règlement, qui veut bien dire mais surtout pas faire, qui veut bien proclamer des bonnes intentions mais qui en aucun cas ne veut garantir des actes.
D'une manière générale, je vois mal où se trouve la leçon et où se trouve sa légitimité. Si c'est pour améliorer l'efficacité des procédure, cela est du ressort des services internes de formation de la police. Si c'est pour contester les méthodes d'actions, à ce moment là c'est au Parlement que cela doit se discuter, et non dans une énième commission.
GL,
Lorsque vous dites que « un Organisme créé par la Loi ... qui doit donc être respecté par tout démocrate se prétendant comme tel » voulez-vous dire qu'un démocrate à pour devoir d'aimer tout ce que peut faire la démocratie ? La démocratie, c'est une mode de partage du pouvoir parmi un groupe d'individus - si tout le monde devait toujours être d'accord, les lois deviendrait définitives et irrémédiables.
Ne vous déplaise, cette commission n'est pas un point constitutif de la France.
Vous dites que « si les textes législatifs et règlementaires avaient été respectés dans la lettre et dans l?esprit comme on peut l?attendre de tout fonctionnaire de police, la Commission de déontologie n?aurait jamais dû voir le jour », comme si cela prouvait de sa légitimité. Est-ce à dire que vous donnez au pouvoir législatif le droit de former un jugement pénal et disciplinaire, que sa décision de créer des commissions vaudrait jugement, serait l'incarnation de la manifestation de la vérité ?
Quoi qu'il en soit, ce que vous dites appuie mon propos initial : si cette CNDS doit faire ce que vous lui demandez, cette CNDS dépossède la Justice de ses missions. A vous de voir si cela est bon, si la CNDS est bien qualifiée pour affirmer, pour avant procès déclarer et tenir pour vérité des accusations de fautes disciplinaires et/ou pénales.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 05 août 2006 à 18:21
C'est justement parce qu'ils doivent réagir dans l'urgence à des situations techniquement très délicates, humainement très lourdes, physiquement très dangereuses, que les agents de la Force Publique ne peuvent que tirer bénéfice d'une réflexion menée "à froid" sur la déontologie de leurs pratiques .
Bien qu'elle se nourrit de cas particuliers réels, cette réflexion, uniquement destinée à faire évoluer la pratique générale de l'institution, ne doit pas être confondue (par le public ou par l'organisme de déontologie) avec une "condamnation" pénale ou disciplinaire qui viserait individuellement des agents .
C'est pourquoi le respect de la procédure et la bonne foi des agents (notamment le fait qu'ils auraient procédé à l'audition après avis conforme médical) ne font pas obstacle à une réflexion critique sur l'opportunité de cette audition, pour en tirer des "leçons" utiles .
A noter que les critiques adressées à la CNDS ressemblent fort à celles qui visent les organismes chargés d'apprécier la discipline ou la déontologie des magistrats .
Rédigé par : Alain Schricke | 01 août 2006 à 10:27
Rolland,
Sur le site de la CNDS, on peut trouver moultes rapports.
Le plus intéressant est celui de 2004, puisqu'il joint aux courriers envoyés par la CNDS (recommandations etc) les réponses des destinataires. Il est ainsi très instructif de constater qu'une partie énorme des recommandations très affirmatives de la CNDS sont poliment ignorées par les destinataires qui ne partagent par l'avis de la CNDS sur les faits et que les rares cas d'accord sont souvent déjà validés par la Justice pénale.
Cela parle aussi du fonctionnement de la CNDS de constater que lorsqu'elle croit débusquer un lièvre, elle fait des recommandations, comme si son présentiment était forcément fondé, comme si son présentiment pouvait établir des faits, comme si après son examen des faits on pouvait dire que la vérité s'est assurément manifestée.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 25 juillet 2006 à 10:48
Organisme créé par la Loi et qui doit donc être respecté par tout démocrate se prétendant comme tel, la Commission nationale de déontologie de la sécurité est une autorité administrative indépendante qui est née pour les raisons désormais classiques et gouvernant la création de ce genre d’institution : Pallier les carences, inerties, complaisances, voire connivences, qui animent le ou les institutions qui devaient jusqu’alors normalement intervenir dans le champ de compétence octroyé à ladite autorité. Autrement dit, si les textes législatifs et règlementaires avaient été respectés dans la lettre et dans l’esprit comme on peut l’attendre de tout fonctionnaire de police, la Commission de déontologie n’aurait jamais dû voir le jour.
En outre, tant le mode de désignation de cette institution que sa composition actuelle ne sauraient bien facilement être contestés par un corporatisme policier, forme de communautarisme anti-républicain, dont on peut malheureusement mesurer tous les jours les capacité de nuisance envers l’intérêt général.
Rédigé par : GL | 24 juillet 2006 à 18:50
Bien d'accord avec Marcel Patoulatchi!
La police n'a fait que suivre l'avis d'un médecin favorable à l'interrogatoire.
Encore une fois, la CNDS fait preuve d'un culot sans limite en commentant une situation qui la dépasse totalement. Je ne vois vraiment pas en quoi elle peut évoquer un manque de déontologie lors de cette audition quelques heures aprés l'accident. Le fait que la "victime délinquante" (n'oublions pas que le brulé a aussi refusé de se soumettre à un contrôle d'identité et qu'il a violé une propriété privée) ait ensuite été placée en chambre stérile ne signifie pas que son état interdisait précédemment toute audition. On peut penser que c'est le traitement commencé plus tard qui implique l'isolation en chambre stérile, et non les seules brulures.
La vérité, c'est que la CNDS est coutumière du fait. Dans ses rapports annuels, elle n'hésite jamais à critiquer des interventions policières pourtant très techniques.
Et ses conclusions sont toujours d'une banalité déconcertante : "ameliorez la formation", "renforcez l'encadrement", etc.
Franchement, la CNDS ne sert à rien. La déontologie policière pourrait largement être garantie sans elle. Les juges et la hiérarchie policière suffisent amplement. Quand j'observe la composition de la CNDS, je devine beaucoup trop de partialité et une certaine incompétence. Je souhaiterais tellement voir Pierre TRUCHE et Catherine WIHTOL de WENDEN effectuer un contrôle d'identité à Bobigny dans une cité sensible ou tenter de maîtriser un forcené.
Les juges accepteraient-ils qu'une autorité "indépendante" composés de non-magistrats et d'une part importante de non-juristes prenne la presse à témoin pour critiquer leur travail?
Aucune institution autre que la police n'est soumise à un tel contrôle bancal.
Rédigé par : basba | 24 juillet 2006 à 10:52
Sur le site de la CNDS figure une liste des atributions de la commission: rapports, avis ou recommandations aux autorités concernées, saisine des organismes de contrôle des ministères... A quelle catégorie appartient le "sévère tançage" dont il est question ici?
Ces rapports, avis et recommandations sont-ils rendus publics? Et si oui, où peuvent-il être consultés?
Rédigé par : Rolland Barthélémy | 22 juillet 2006 à 21:04
euh!... je lis ,je relis la dernière phrase ,je crois en appréhender la signification ,j'imagine ce que vous avez voulu dire,mais avouez que la chûte est quelque peu obscure...les vacances? (bon ,c'était le moustique taquin de service!)
en d'autres termes ,il est difficile de courir en lisant le CPP !
Rédigé par : sbriglia | 21 juillet 2006 à 14:41
(erratum : il fallait lire « réguler les conflits entre les humains »)
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 20 juillet 2006 à 12:54
Je trouve épatant - triste un peu - qu'un magistrat, surtout de votre rigueur, se satisfasse de l'idée qu'une commission puisse se permettre de s'ériger en juge de l'application des règles de procédures pénales, de la déontologie, sans d'ailleurs pour autant être réellement capable d'arguer de fautes disciplinaires ou pénales.
Ainsi la CNDS serait donc une énième commission dont l'objet serait de se superposer aux lois, de rendre des jugements « de déontologie » ? La CNDS est donc capable de décréter, mieux qu'un médecin, qu'un interrogatoire n'aurait pas du être réalisé, au nom de règles qui ne se trouvent ni dans le code de déontologie de la police nationale ni dans le code de procédure pénale.
Est-ce cela, le contrôle fait par les citoyens sur les activités des institutions, une machine à diffamer, un semblant de tribunal permettant d'accuser sans prouver, une machine à faire des déclarations plus que discutables, au mains de députés et de sénateurs, qui décidement en cumulent des pouvoirs.
Finalement, ce contrôle des Institutions, n'est-ce pas une manière de plus de déposséder la Justice de son droit, de son devoir, de réguler les conflits entre les mains, pour jouer de l'opinion publique sans procès, ou avant procès ?
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 20 juillet 2006 à 12:52