J'aime bien le Journal du Dimanche ( JDD) que je lis chaque semaine. La chronique de Michèle Stouvenot me fait rire, elle a de l'esprit.
Et puis il y a celui d'aujourd'hui. Avec un très bon article sur l'acharnement d'Elisabeth Borrel, qui est parvenue à surmonter presque tous les obstacles, obligeant la justice à sortir de ses sentiers battus commodes et frileux. La vérité sur la mort de son mari est, semble-t-il, enfin découverte et des mandats d'arrêt ont été décernés grâce à la Chambre de l'instruction de Versailles.
Dans ce même numéro, venons-en au ridicule avant d'aborder le pire.
Le ridicule, c'est la licence accordée à Christine Angot - pourquoi à elle seule ?- de continuer la célébration d'elle-même. Elle n'est pas sur la liste des prix et ce serait un drame pour le monde parisien. Pour ma part, j'avais déjà été stupéfié par le dithyrambe de Josyane Savigneau dans le Monde alors que Gilles Martin-Chauffier, dans Paris Match, avait régalé ceux pour lesquels la littérature est une chose trop belle et trop sérieuse pour être abandonnée à certains écrivains. Sa charge avait sonné clair et fort dans cet univers où les connivences paraissent peser plus que les goûts.
Le pire enfin, malheureusement. Une enquête (?) sur les Mureaux par une " envoyée spéciale" qui s'appelle Garance Le Caisne. Elle a signé l'article mais sa démarche professionnelle me semble emblématique d'un journalisme qui ne se pose plus du tout la question de sa responsabilité. En quelque sorte, il ne veut pas regarder plus loin que le bout de son objectif immédiat et prétend nous restituer une réalité brute partielle, parcellaire, détachée de la réflexion d'ensemble dans laquelle elle devrait être insérée.
Parce qu'au fond cette enquête - qui n'a consisté qu'à rechercher et rapporter un certain nombre de témoignages soigneusement discriminés et orientés - n'est destinée qu'à donner la parole sans contradiction à, par exemple, Kader, toxicomane conduisant sans assurance et qui a refusé de se plier à un contrôle routier, à Rabah qui indique "qu'il a fait son boulot en jetant des pierres" contre la police, et à "une poignée de jeunes" vitupérant le raid policier très médiatisé de mercredi dernier. Qu'on ne vienne pas soutenir qu'il était fondamental, comme pour respecter un équilibre qui n'a pas lieu d'être, de braquer les projecteurs sur une catégorie de jeunes gens, ou en fuite comme Kader ou inspirés par une haine de la police et de ses contrôles, qu'elle effectue dans des conditions de plus en plus difficiles. Qu'on ne prétende pas non plus, selon une argumentation ressassée, que le journaliste décrit seulement le réel et qu'il n'est pas responsable de sa substance.
On sait bien, pourtant, que la réalité n'est jamais présentée dans sa globalité et sa plénitude, qu'il y a des choix et que le professionnel de l'information est davantage un créateur du réel que son commentateur. D'autant plus, comme en l'occurrence, lorsque la vision imposée et les propos tenus ne sont accompagnés d'aucune nuance ni pensée critique. On nous balance un fragment de vie sociale lesté de tout ce qui existait par avance dans la tête de la journaliste et qui consistait, peu ou prou, à favoriser une forme de complaisance pour ces "jeunes" si tranquilles mais harcelés par une police naturellement malfaisante !
Les médias se réfugient trop souvent dans un débat contradictoire absurde entre le bien et le mal, le transgresseur et sa victime, la police et ses agresseurs, l'ordre juste et le désordre violent. Je ne suis pas persuadé que le lecteur, l'auditeur ou le téléspectateur se sentirait privé, si lui étaient épargnées de si choquantes confrontations.
Combien, comme moi, auront été indignés à cause de ce tableau faussement objectif, combien, sans doute infiniment plus nombreux, le seront à cause de l'attitude policière prétendue et dénoncée ! C'est l'Etat de droit qui sera touché dans ses profondeurs.
Loin de représenter un journalisme responsable où le professionnel n'oublierait pas le citoyen, où la compétence et la déontologie du premier se mêleraient intimement à la morale et à l'inquiétude du second, une telle démarche jette de l'huile sur le feu et favorise la bonne conscience de ceux qui, traités en victimes, finissent par oublier qu'ils sont les fauteurs de troubles. Après un tel article, quel sentiment peut habiter Kader ou Rabah, sinon celui de son importance et de sa légitimité à fuir ou à agresser puisque c'est "un boulot" ?
Enfin, ce n'est pas parce que, dans la page qui précède, le JDD donne à Nicolas Sarkozy l'occasion de "se justifier" sur les Tarterêts, Les Mureaux et Cachan qu'un journalisme responsable serait ainsi restauré. Le mal ou le bien est accompli, sans pouvoir être rattrapé, dans chaque page.
Les médias informent la société, ils en font partie aussi et sont jugés par elle. Le journalisme sur le feu, c'est le pompier pyromane ou le magistrat injuste.
Kader, qui est en fuite et que la journaliste a rencontré, reviendra, s'il le désire, comme un héros.
Aujourd'hui, cactus, c'est vraiment l'automne et le gros temps. Est-ce possible de rallumer votre cheminée pour une nouvelle recette ?
Rédigé par : Véronique pour cactus | 22 octobre 2006 à 17:59
Véronique, par rapport à votre dernier commentaire,
La prison peut arriver par accident, comme une mauvaise chute, insistez-vous ? Sauf à croire que des erreurs judiciaires sont commises perpétuellement et quotidiennement (si c'est le cas, qu'on retourne à l'âge de pierre et qu'on supprime complètement la Justice, alors), la prison ne tombe pas du ciel. Et je pense que l'idée que cela peut arriver à « n'importe qui » est encore moins vraie : j'observe que les erreurs judiciaires impliquent très souvent un mis en cause incapable de comprendre son intérêt et de manifester ses sentiments de manière communicative (Patrick Dils est un exemple manifeste - aveux, réitérés à de multiples reprises, devant des personnes différentes, silence lors des procès). On peut certes trouver dommage que la Justice ne parvienne à pas défendre des gens ayant ce profil à leur insu, il faudra bien admettre que l'exercice est périleux.
Concernant Nourredine, vous concluez en disant que la décision de placement en détention devrait être prise en fonction de ce qu'on croit savoir de l'état des prisons. C'est exactement l'esprit qui me semble le plus inacceptable dans la fonction publique : l'idée de certains fonctionnaires qu'ils ne peuvent se fier à d'autres fonctionnaires, et prennent des décisions sur la base de cette absence de confiance, et non pas l'intérêt social avant tout. Il y a peu de temps, on m'avait demandé ce que je pensais de certaines mesures de reconduite à la frontière qui peuvent paraître a priori peu humaine : ma réponse fut de dire que je fais confiance aux préfets décidant de cette reconduite pour agir selon l'intérêt commun, en conformité avec la volonté commune exprimée par la loi. Cela peut paraître naïf mais tout ne doit tenir qu'à cela. C'est cette idée naïve qui fait que les lois ont un sens. C'est cette idée naïve qui fait qu'un policier, par exemple, ne se pose pas en juge de l'individu qu'il interpelle : il fait confiance au magistrat pour prendre la bonne décision dans l'intérêt commun, dans l'esprit des lois, dans l'esprit de justice, concernant l'interpellé. Si le policier cesse d'avoir confiance en la Justice, alors il pourra être tenté de gifler abusivement un interpellé, avec dans l'idée de compenser ce qui ne sera pas fait ensuite. Ou bien, il se sentira simplement inutile, démotivé, et ne fera plus rien de constructif. Il y a là le terreau des pires dérives. Un serviteur de la Nation doit a priori faire confiance aux autres serviteurs de la Nation pour tenir leur rôle, faute de quoi il ne devient qu'un maillon défaillant, quelqu'un justement indigne de confiance. Ca ne veut pas dire qu'il ne faut pas souligner ce qui ne va pas quand on l'observe, mais ça veut dire qu'on doit persister à agir en confiance a priori ; ou bien démissionner.
Vous auriez libéré Nourredine sur la base d'un manque de confiance en l'administration pénitentiaire. C'est grave. Tout le monde sait que les prisons sont imparfaites (comme tous les autres services publics et privés, comme toutes les entreprises humaines), on doit assurément se battre pour que la peine d'emprisonnement soit une réelle peine d'emprisonnement (ni plus ni moins), mais pas contourner le problème, pas chercher de médiocres dérivatifs.
Je n'irais même pas juste qu'à vous demander si vous pensez qu'il aurait risqué la mort en prison, mort qu'il a trouvé en liberté. Et j'espère que nul n'aura le culot de dire qu'un passage en prison aurait fait de lui un délinquant, vu qu'assurément il n'avait nul besoin de prendre des cours pour cela.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 22 octobre 2006 à 15:59
Véronique,
Lorsque vous dites que je m'identifierais plus à une chose qu'à une autre, il s'agit de psychologie à la petite semaine. Doit-on impérativement s'identifier pour tenter de faire preuve de sympathie ? En la matière, on peut estimer que vous m'attaquez personnellement en m'accusant d'une identification coupable (s'identifier à une victime qu'on prend soin de détacher de la société, c'est s'identifier à quelqu'un qui subit, et non qui agit...), comme si cela expliquerait mes positions. En d'autres termes, au lieu d'attaquer mes positions pour ce qu'elles sont, il s'agirait d'attaquer sur ce qui me suggère ces positions.
Il me semble sain de contester une idée pour ce qu'elle est, quand on la trouve contestable, plutôt que de disséquer ce qu'on croit des motivations de ceux mettant ces idées sur la table.
Je vous ai déjà dit ce que je pensais de la distinction entre victime et société, j'ai détaillé en quoi cela prenait sens dans une affaire pénale de considérer qu'il y a d'une part une partie civile victime concrète de l'infraction, d'autre part une partie publique victime par principe de l'infraction (quel serait le sens des réquisitions d'un procureur, s'il ne pouvait agir et défendre au nom de la société, que ce soit à charge ou à décharge du mis en cause ?). Il est inutile d'aller y chercher des identifications.
(En matière de cohérence, on notera que la victime réelle d'un vol de moto n'a que peu à craindre de la récidive de l'acte, étant donné qu'il n'a plus de moto et que ce serait un manque de chance qu'on lui revole la nouvelle qu'il achèterait éventuellement. C'est plutôt la société qui craint cette récidive et les risques du cheminement délinquant de l'intéressé)
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 21 octobre 2006 à 00:26
Pour conclure:
Pour ce qui est de ma possible formulation maladroite de mon commentaire de 12h54, j’ai dit ce que j’avais à vous dire dans mon commentaire de 18h58
" Ainsi, la prison, ça tombe du ciel et ça arrive à n'importe qui, alors ? Ca n'arrive pas qu'aux autres, ce serait donc une sorte de fatalité, un peu comme un accident d'automobile, quelque chose de probable et imprévisible, dont on n'est pas tout à fait responsable ? "
Oui, Marcel, la prison PEUT arriver ainsi. Je ne vous rappellerai pas un événement passé et désastreux qui a aussi eu pour effet de faire comprendre à beaucoup que, oui, la prison ça peut arriver à n’importe qui.
Pour évoquer une dernière fois votre cas concret, je pense que la décision du magistrat de ne pas envoyer Nourredine en détention provisoire a pu être aussi motivée par ce qu’il connaît de la réalité d’une maison d’arrêt. Cela m’aurait fait terriblement hésiter et en dernier lieu, c’est bien cela qui aurait emporté ma décision.
Quant à mon goût immodéré pour le délinquant . Qui s’intéresse, même un tout petit peu, à l’humaine condition, passe inévitablement par la case du mystère du mal , par l’imbécillité, l’irresponsabilité, la cruauté mais aussi par la souffrance de celui qui a fait le mal et par la douleur capitale de celui à qui on a fait du mal.
Dit de cette façon, vous avez raison, Marcel, ce ne sont pas seulement nos conceptions de la société qui sont irréconciliables mais nos conceptions de l'humain tout court qui le sont.
Rédigé par : Véronique pour Marcel | 20 octobre 2006 à 22:42
Au sujet du commentaire de LEFEBVRE : 14h53
" Marcel, dans la contrainte de l’aspect forcément réducteur d’un commentaire:
Il me semble que vous avez tendance à confondre la société et la victime. "
14-10 08h17
Voici donc ce que je répondais à Marcel le 14-10 dernier.
Dans mon commentaire de 12h54, je regrette une formulation maladroite et ambiguë. Je n’ai souhaité reprendre dans ce commentaire que ce que j’avais déjà exprimé auparavant au sujet de la position de Marcel.
Ce que j’ai voulu dire: ce qui a été défendu par Marcel me fait envisager que sur une discussion sur la justice et la mise en détention provisoire , il a tendance à confondre la victime (le concept en général) avec la société (le concept en général).
Il va de soi que dans ce que je peux écrire à certains, et à Marcel en particulier, je ne m’autoriserais aucun mot, ni aucune allusion sur ce qui constitue la vie ou l’intimité des personnes si elles-mêmes ne l’ont évoqué de leur propre initiative sur ce blog.
D’autre part, et soyez-en plus que certain, s’il devait y avoir dans mes mots quoi ce soit qui , de quelque manière que ce soit, pourrait gêner, mettre mal à l’aise ou même faire souffrir une personne. je préférerais très nettement cesser toute discussion avec cette personne.
Enfin, je précise que je ne connais personnellement aucun commentateur, ni l'hôte de ce blog. Il va également de soi que si c’était le cas, j’aurais, je crois, je suis sûre, le discernement, la délicatesse ou même le bon sens de pas évoquer ici ce qui pourrait avoir trait à leur vie et qu'ils n'auraient pas exprimé ici.
Je crois aussi que vous voulez absolument voir en moi le défenseur du « tout psychologisant« . Si vous saviez à quel point ces approches à mon goût sommaires, ennuyeuses et étroites restent éloignées de mes goûts et de mon imaginaire.
Rédigé par : Véroique pour LEFEBVRE et Marcel | 20 octobre 2006 à 18:58
Veronique,
(Je ne dirai rien sur vos attaques ad hominem, je n'aime guère les querelles de personnes et il me semble que Lefebvre a déjà tout dit à ce propos. Libre à vous de fantasmer)
"La prison ça n'arrive pas qu'au autres" diriez-vous ?
Ainsi, la prison, ça tombe du ciel et ça arrive à n'importe qui, alors ? Ca n'arrive pas qu'aux autres, ce serait donc une sorte de fatalité, un peu comme un accident d'automobile, quelque chose de probable et imprévisible, dont on n'est pas tout à fait responsable ?
A ce stade, j'ai bien peur que notre vision de la société soit irréconciable. Apparemment, le seul humain qui vous intéresse est le délinquant.
Je ne vois pas en quoi une discussion sur l'état et le fonctionnement actuel des prisons permettrait d'invalider le concept même d'emprisonnement, d'autant plus que les solutions de secours efficaces ne sont pas foule.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 20 octobre 2006 à 16:14
Lefebvre pour Véronique,
Je ne connais pas Marcel ni sa vie, je pense que nous devrions certes continuer de polémiquer, c'est plaisant, la confrontation d'idées est utile de surcroît. Porter un jugement de valeur sur l'intime de quelqu'un et ramener sa pensée à son vécu est réducteur, l'être humain étant d'une complexité bien plus riche que le nouveau préjugé pseudo-analytique qui est venu remplacer le religieux dans l'erreur. Je ne suis pas ici pour juger Marcel, Véronique ou moi-même, mais pour le débat de société. Respectons les histoires de chacun.
Je pense que dans la problématique actuelle, la victime et la société ne sont qu'un car nous débattons sur la banalisation et l'ampleur de la délinquance sur notre territoire. La victime a besoin de la société et elle semble parfois anormalement sourde. La société devient la victime car son plus grand nombre est agressée, ses valeurs démocratiques et de fonctionnement également. La plus forte humanité est de s'occuper d'abord de celui qui a eu son voleur volé, puis du fonctionnement de la société et enfin de l'agresseur. Hors, il est devenu de coutume de ne plus se soucier que du voleur.
Rédigé par : LEFEBVRE | 20 octobre 2006 à 14:53
Pour Marcel et LEFEBVRE
Les titres du jour du Monde nous annoncent une édition où il sera pas mal question des prisons. Oui, je sais, Le Monde, sûrement trop chic, trop maniéré, trop pensée unique.
En attendant 16 h, un livre intéressant:
" La prison, ça n’arrive pas qu’aux autres ", P. Zoummeroff, N. Guibert (2006). Oui, je sais, N. Guibert, c’est Le Monde.
Savez-vous que P. Zoummeroff est un ancien chef d’entreprise, donc le pragmatisme, l'efficacité, les objectifs et leur validation, je pense qu’il connaît.
Et aussi que la lecture de ce livre est assez utile pour envisager ce que Nourredine aurait compris à son incarcération provisoire dans une maison d'arrêt.
Quant à la victime du vol de scooter, cher Lefebvre, ne serait-il pas plus judicieux d’interroger Marcel ?
Mis à part son souci que je crois de bonne foi , de nous protéger des récidives, je crois aussi que dans l’affaire qui nous oppose, ce qu’il avance me laisse entrevoir l’idée qu’il s’identifie plus à la victime qu’à la société.
La question:
Nourredine en prison, Marcel est-il apaisé et réconcilié DURABLEMENT ?
Rédigé par : Véronique pour LEFEBVRE et Marcel | 20 octobre 2006 à 12:54
Comme je suis d'accord avec vous, Marcel. Bien sûr, je ne suis pas de bois et l'idée de mettre un homme en prison donne un sentiment désagréable. C'est dur de dire à un autre être humain : Prends ton sac car tu pars pour plusieurs années dans un lieux clos où ce n'est même pas toi qui décide quand une porte s'ouvre. Toutefois, je pense que la sanction doit exister et être dissuasive, qu'il faut avant tout penser à la personne lésée et à la sérénité de la société. Je suis attaché également à l'idée que l'éducation, la pauvreté... servent de rationalisation aux délinquants. Il y a de nombreuses personnes qui ont eu une enfance dramatique et qui font justement de merveilleux adultes dont on pourrait envier les enfants.
Rédigé par : LEFEBVRE | 20 octobre 2006 à 00:01
Véronique,
Vous avez raison quand vous dites que « le glissement de sens » me « laisse froid, imperturbable ». Parce qu'en l'occurrence, ce qui me perturbe et ne me laisse pas froid, dans l'affaire, c'est qu'on a laissé un jeune homme sur la voie de la délinquance, qui lui fut fatale et qui de toute évidence ne fut pas sans conséquence pour les victimes des vols.
Vos questions :
Sur le plan préventif, en effet on n'est jamais certain qu'une période de détention empêche la récidive. Seul l'intéressé dispose du pouvoir de décider de la récidive ou de son absence. Je pense toutefois qu'une réponse pénale rapide, un éloignement de la zone de commission des infractions, aurait pu constituer une période profitable de réflexion, pourquoi pas aurait pu être l'occasion d'apprendre un métier. En tout cas, ça on le sait maintenant et évidemment on ne le savait pas avant, il n'en serait probablement pas mort et quelques motos de plus n'auraient pas été volées. C'eut été un petit profit, un profit tout de même.
Sur le plan répressif, je crois que Nourredine savait très bien quels faits lui étaient reprochés et aurait sans doute compris qu'on l'empêche physiquement de récidiver, puisque son maintien en liberté lui parut comme l'occasion d'une récidive. Je ne crois pas qu'il n'aurait rien compris à une mesure coercitive temporaire en attendant jugement. J'ai l'impression en tout cas qu'il a compris de son maintien en liberté qu'il avait carte blanche pour continuer, l'essentiel étant de ne pas se faire attraper.
Je vous pose maintenant une nouvelle question, tenant compte de votre réponse. Vous dites que vous auriez souhaité « autre chose oui, mais pas ça ». Quoi, par exemple ?
Lefebvre,
En effet, on comprend que la comparution immédiate ne soit pas imposée puisqu'elle ne laisse qu'un temps très court à la défense pour se préparer. Peut-être, cependant, devrions-nous appuyer le champignon sur le volet célérité de la Justice et estimer qu'un délai d'un mois maximum devrait intervenir entre la décision du parquet de faire juger l'affaire et l'audience correctionnelle. On estimerait que si le délai est intenable matériellement (agenda du tribunal plein), alors qu'il convient d'embaucher le personnel (que ce soit administratif ou des magistrats) pour que ce soit possible. L'assurance d'un jugement rapide permettrait de plus facilement laisser en liberté des individus interpellés pour de tels faits en sachant que leur préoccupation immédiate sera leur procès. Dans le même esprit, on devrait imposer la mise à exécution immédiate des peines d'emprisonnement, ne pas laisser repartir libre du tribunal des individus condamnés à des peines d'emprisonnement, on ferait l'économie au niveau policier en terme de recherche d'individus en fuite, on ferait sur un plan humain le choix d'éviter de mettre en taule au bout de 2 ans un condamné laissé libre depuis son jugement, un type qui pendant 2 ans ne peut rien entreprendre sur la durée.
Et si la quantité d'établissements pénitentiaires ne suffit pas, on en construit.
Tous les jours dans l'actualité, on apprend que notre Nation dilapide des millions d'euros ci et là, pour créer des agences de machin-truc, des offices de truc-bidule, pour aider tel pays du monde qui apparemment est encore plus dans la panade que nous. Il est temps que les deniers publics passent immédiatement et prioritairement dans les dépenses utiles à l'application même de notre législation.
Je m'éloigne un peu du sujet mais je pense que ceci ne desservirait pas les magistrats dans la problématique que nous abordons, sous condition de volontarisme.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 19 octobre 2006 à 13:48
Pour LEFEBVRE
Je m’efforcerai de vous répondre sur AG et BHL, comme: " moteurs de la pensée unique ", ainsi qu’à votre question sur la victime.
J’ai juste besoin de temps. Les réponses à Marcel, l’air de rien, c’est un peu prise de tête.
J’aime beaucoup notre théâtre d’ombres et…de lumières. Mais d’autres devoirs m’appellent aussi
.
A très bientôt, donc.
Rédigé par : Véronique pour LEFEBRE | 19 octobre 2006 à 12:56
Il existe la comparution immédiate, c'est une proposition,pas une mesure imposée.
La détention provisoire ne dépend que du fait divers marquant.
Il y a eu des accusés à tort qui se sont trouvés en provisoire, ce n'est plus à la mode. Au premier violeur ou meutrier qui sera dehors dans l'attente de son jugement et qui récidivera de façon sordide, la détention provisoire sera à nouveau appliquée. J'englobe tout en un bloc donc je me trompe, mais il y a de cela.
Si le Nourredine en question tue avec un nouveau scoot volé ou prend conscience entretemps les données changent. Ce qui me semble certain, c'est que c'est à lui d'être sanctionné. Dans les situations actuelles, les auteurs ne sont non seulement pas toujours sanctionnés, mais en plus, c'est la société qui paie ses méfaits et culpabilise. A quel moment avez vous, Véronique, une pensée pour celui qui s'est fait voler son scooter, il fait comment pour s'en racheter un en attendant que Nourredine soit jugé? Comment fait-il pour rester serein avec l'autre dehors? Pourquoi ne jamais faire passer la personne lésée d'abord ? Où est le mal ? Pourquoi n'aurait il pas des difficultés supérieures à celles de celui qui l'a volé ? Qui se soucie réellement de lui ? Pourquoi le délinquant devrait-il d'ailleurs avoir un passé qui le mène là ? C'est parfois très lucratif et très peu fatigant de voler, ce peut être un choix.
Rédigé par : LEFEBVRE | 19 octobre 2006 à 02:08
Je ne suis pas d’accord . Le choix d’un mot , c’est très important. Sans cette différenciation de base , c’est le chaos. Non, Marcel, je n' échangerai pas le mot de répression avec celui de prévention. Ces deux mots ont deux sens distincts, c‘est tout.
Volet prévention: Au stade où nous en sommes, notre jeune homme n’est, je vous cite , qu’ " accusé de recel de vol de scooter (…) ". Y a-t-il eu violences, mise en danger d’autrui ?
Le magistrat chargé de la décision de son éventuelle mise en détention provisoire peut effectivement envisager que d’autres délits de vols ou de recels peuvent être commis . Il peut également envisager que ces mêmes délits ne seront pas commis. Cette alternative , est-ce , au stade de l’affaire, son seul débat et doit-elle être le cœur de son débat ? Si la réponse est oui, de quelles mesures autres dispose t-il dans son catalogue?
Volet répression à présent: Nourredine n’est, je vous cite à nouveau , qu‘ " accusé de recel de vol de scooter (…) ". Je ne vois pas au nom de quoi , un magistrat peut décider d’une mesure punitive contre lui, puisque nous ne parlons ni de procès, ni de condamnation.
" Pour qu'elle (une sanction) ait une chance de convaincre le condamné de ne pas renouveler les faits, il faut, quelle que soit la sévérité de la peine, qu'il soit convaincu d'être traité en tant que citoyen soumis à la loi de la cité ."
Je suis d'accord avec ce qu'écrit M. Schricke. (11-10 - 19h31)
Sur quelle loi de la cité repose cette mise en détention ?
Dans une mise en détention provisoire de Nourredine , ce dont vous avez besoin, Marcel, c’est d'une satisfaction immédiate apportée par la promesse du répressif, c’est-à-dire une sanction ou une punition. La prison, naturellement. A des personnes comme moi vous présentez cela comme de la prévention dans le sens de protection de la société, la mienne, celle des autres. Et vous êtes , je crois, sincère, mais le glissement de sens vous laisse froid, imperturbable et ne vous questionne pas. Si un mot ne me convient pas, qu'à cela ne tienne, il suffit de le changer par un autre.
Mes questions :
Volet préventif: quelle garantie me donnez-vous pour être sûre que la détention provisoire suite à un recel de vol de scooter puisse empêcher de récidiver, dans un mois, dans un an, dans dix ans . Car, ce qui est certain c’est que ces jeunes gens sortent de prison, provisoire ou non.
Volet répressif: qu' aurait compris Nourredine d'une telle décision ?
Pour votre question, Marcel, ma réponse est NON. En regard des éléments que vous me donnez, je n’aurais pas souhaité pour ce jeune homme une détention provisoire. Autre chose oui, mais pas ça.
Rédigé par : Véronique pour Marcel | 18 octobre 2006 à 23:48
Véronique,
Vous écrivez « Malgré mes lacunes en droit, je ne crois pas qu’une décision de mise en détention provisoire ou non, soit UN JUGEMENT. »
Ce n'est pas une condamnation pénale, en effet. Quoi qu'il en soit, c'est une décision de justice, prise par un ou des magistrats, ce qui m'apparaît comme être une forme de jugement. A un moment donné, on s'est demandé si dans ce cas de figure cet individu pouvait et devait être remis en liberté, on a décidé que oui, on a jugé que oui.
Vous persistez à vouloir faire de cette discussion politique une discussion d'ordre juridique. On pourra ensuite dans cet esprit chercher à savoir si l'absence d'écrou était imposé par la loi ou par le choix d'un magistrat. Ce faisant, à mon sens, on passera encore à côté de l'essentiel : on ne répondra pas directement à la question posée, aurait-il fallu écarter Nourredine de la société, pour son bien et celui d'autrui, ou non ?
Vous écrivez aussi « Je crois savoir qu’entre une interpellation et un jugement (procès) , il y a une période d’enquête et d’instruction. Cette période-là accompagnée ou non de détention provisoire relève t-elle de la répression et du répressif ?
Si la réponse est oui, pourquoi s’embarrasse t-on d’une comparution ? Avant d’être jugé, notre jeune homme est déjà dans la phase de la sanction et son délit dans celle de la répression. »
Je ne pense pas que la nature des faits nécessitait l'ouverture d'une information judiciaire - je ne crois pas qu'il y en ait eu une (ce qui n'est pas évidemment sans implications sur la possibilité de détention provisoire, si on veut vraiment s'amuser à faire un catalogue du présent). Quant à l'enquête, je pense qu'on peut dire qu'elle devait déjà être close puisque la date de l'audience au tribunal correctionnel était déjà arrêtée.
Là encore, je ne vois pas l'intérêt de chipoter sur des détails techniques.
Est-ce vraiment le terme répressif qui vous gêne ? Remplaçons-le par préventif alors, ça fera plus chic mais ça ne changera absolument rien au fond.
Jeux de mots mis à part, je constate que vous n'avez pas dit ce que vous auriez estimé bon. Comme je suis un peu têtu, j'attends toujours une réponse sur un exemple concret qui m'intéresse toujours plus que des querelles théologiques sur le sens des mots (qui ne sont pas inintéressantes, certes, mais qui me semblent secondaires - doit-on s'amuser à préciser que telle ou telle décision est un arrêt, une ordonnance etc ?). Je n'ai rien contre les débats d'experts dont le but serait de définir quel terme serait le plus approprié pour décrire quelque chose. Mais le sujet d'actualité, à mon sens, ce n'est pas de savoir quel terme importe dans l'état actuel du droit, c'est de savoir si le droit dans l'état actuel des choses est bien appliqué et, si oui, s'il est suffisant pour éviter que des Nourredine récidivent sans cesse jusqu'à y trouver la mort. Dans ce débat, l'expertise ne peut servir qu'à pointer du doigt le fonctionnement actuel des choses, certainement pas à déterminer comment il devrait idéalement fonctionner, ce vers quoi il devrait tendre.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 18 octobre 2006 à 13:20
"…auparavant accusé « de recel de vol de scooter, délit pour lequel il devait être jugé en septembre. "
"…A votre avis, a t-on bien jugé ce jeune homme très bien connu de la police pour des vols de moto lorsqu'on a décidé de le laisser en liberté en attendant sa comparution ?"
"…Pour moi, ça n'a pas été bien jugé, avec lucidité. A mon sens, il y a une erreur."
Je vous cite Marcel.
Avant d’aller plus loin dans notre discussion. S’il vous plaît, précisez-moi.
Nous parlons d’un jeune homme accusé de recel de vol de scooter qui doit comparaître en septembre pour ce délit. Entre son interpellation et sa comparution il a été laissé en liberté. Vous appelez donc jugement la décision qui a été prise de ne pas l’incarcérer.
Jusque-là, ai-je bien résumé les choses ?
Si la réponse est oui. Malgré mes lacunes en droit, je ne crois pas qu’une décision de mise en détention provisoire ou non, soit UN JUGEMENT.
"…N'aurait-il pas été judicieux, dans ce cas-là, d'avoir été plus répressif ?"
Je crois savoir qu’entre une interpellation et un jugement (procès) , il y a une période d’enquête et d’instruction. Cette période-là accompagnée ou non de détention provisoire relève t-elle de la répression et du répressif ?
Si la réponse est oui, pourquoi s’embarrasse t-on d’une comparution ? Avant d’être jugé, notre jeune homme est déjà dans la phase de la sanction et son délit dans celle de la répression.
Marcel, si la réponse est oui à mes deux questions, alors, moi (Véronique) citant Jean-Dominique " réprimer sans juger " et modifiant " sans réellement juger ", je ne pense pas avoir tout faux pour ce qui est du résumé de votre position.
Ou alors ce sont les mots " juger " ou " jugement ", " réprimer " ou "répression " qu'il convient que nous redéfinissions ensemble pour que nous soyons assurés de parler de la même chose.
Rédigé par : Véronique pour Marcel | 17 octobre 2006 à 19:51
je profite de cet article sur le journalisme sur le feu pour entrer dans le feu :
deux recettes en fait !
prendre un camembert - dans une boîte en bois uniquement - !
le tremper dans du jaune d'oeuf et saupoudrer le tout de biscotte écrasée en 2.006 morceaux , pour rester dans le sujet traité , avant de le mettre 10 minutes à la braise :
c'est divin !
( doit se boire accompagné d'un bon vin rouge justement !)
remarque : on peut au préalable , dans la même braise , mettre un saucisson à cuire dans un papier spécial cuisson que l'on a auparavant empli de beaujolais : c'est divin rouge là aussi - cuisson 20 minutes -! )
vous m'en direz des nouvelles : faites vite car l'hiver approche !
Rédigé par : cactus donne donc sa recette | 17 octobre 2006 à 17:08
Lefebvre pour Véronique,
Avec BHL et AG, je suis pile dans les moteurs de la pensée unique, à commencer par leur titre : Les nouveaux philosophes, qui tue déjà toute vélléité d'un autre modernisme . Ceux qui suivent comme par exemple Onfray ou Bruckner sont quoi alors ? Ce sont eux qui ont commencé à imposer une pensée totalitaire sur fond de culpabilité, ils nous ont imposé un anti-américanisme primaire, un anti-capitalisme, la critique systématique de celui qui gagne de l'argent, à part eux bien sûr. Ils nous ont imposé qui étaient les bons et les méchants dans le monde, mais aussi en politique intérieure. C'est tout de même depuis eux qu'il y a cet énorme cliché : homme de gauche, intelligent, humaniste contre homme de droite idiot et vénal. Gentil délinquant incompris contre gros con de CRS. Ils ont même imposé cette ineptie que l'intelligence et la bonté étaient liées. La pensée qui rejette le passé n'est pas mal non plus comme si l' Homme depuis huit mille ans avait été idiot, dans l'erreur, non-sophistiqué et qu'en Mai 1968, il s'était soudain éclairé. Regardez aujourd'hui dans par exemple les médias ou le cinéma, si vous n'êtes pas riche, de gauche, avec cette pensée unique qui défend le romantisme et l'excuse sociale du voyou et décide par avance qui est le bon, le con, le méchant... Nous vivons l'absence de diversité idéologique, la non-reconnaissance de la différence, le mensonge "bien-pensant si vous ne voulez pas voir cela, je ne vous oblige pas. J'ai, personnellement envie de regarder tout ceci, je m'autorise une opinion.
Pour l' Islam et la délinquance, ce n'est pas toujours lié, mais ça l'est parfois et l'enjeu est si fort qu'il mérite d'être signalé. Lorsque ils ne sont pas liés, ils échappent tout de même à une critique pour la même cause : L'unipensée qui refuse de voir ce qui est contraire à ce qu'elle a décidé. Or la réalité se fiche de la bienséance, elle n'appartient pas à un dogme, qu'il soit culturel ou religieux. Vous rendez-vous compte qu'un tas d'individus refuse le racisme anti-blanc ou le minimise parce qu'il n'entre pas dans une logique victimaire. Nous restons bloqués dans le rôle des méchants colons blancs qui exploitent les pauvres immigrés. Ce n'est plus souvent vrai.
Rédigé par : LEFEBVRE | 17 octobre 2006 à 15:38
L'actualité ne semble pas vouloir laisser ce fil tranquille.
L'autre jour, je signalais les réserves que suscitent en moi la vision de policiers municipaux armés.
Aujourd'hui, on apprend que « le préfet de Seine-Maritime désarme la police municipale de Notre-Dame-de-Gravenchon [...] après plusieurs dérapages présumés ».
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 17 octobre 2006 à 12:30
Veronique,
Avant tout, il est bon de n'user de guillemets que pour citer. Mettre entre guillemets un propos qui n'a pas été tenu, c'est soit de la fainéantise, soit de la malhonnêteté, soit encore de l'inattention. C'est de la fainéantise lorsqu'il s'agit d'employer un mot à l'emploi délibérément discutable pour ne pas faire l'effort de chercher le mot qui conviendrait. C'est de la malhonnêteté lorsqu'il s'agit de faire comme si on citait autrui alors qu'on ne fait que réinterpréter ses paroles, les réécrivant comme si une authentique citation ne suffisait pas. Je ne pense pas que cela ait été intentionnel de votre part, je vous invite à vous méfier de ce piège de l'usage de guillemets pour autre chose que des citations, usage courant qui donne à celui qui en abuse la sensation de comprendre le propos qu'il discute alors que pourtant il le réinvente à sa manière, manière forcément biaisée puisqu'en contradiction avec le propos discuté.
En d'autres termes, je ne revendique pas de « réprimer sans REELLEMENT juger » et je vous mets au défi de prouver le contraire. Mes mots sont généralement pesés. Vous avez le droit de ne pas partager mon point de vue, mais pas de le détourner ou de le résumer. Il est préférable que vous détaillez le vôtre et que vous me laissiez résumer le mien.
Ceci étant précisé, je crois avoir suffisamment détaillé mon point de vue. Venons-en au vôtre, histoire de dialoguer.
Qu'est-ce que « réellement juger » pour vous ? Je ne vous demande pas de détails juridiques précis. Les détails juridiques sont des formes, des méthodes. Restons-en à du politique, c'est à dire à la construction civique. Comment « réellement juger » un voleur de voiture multirécidiviste ? Pour bien juger, doit-on éviter la répression ? Pour bien juger, doit-on compter sur l'adhésion du délinquant ? Et si cette adhésion, on ne l'obtient manifestement pas parce qu'il récidive dès le lendemain, que fait-on ?
Prenons un exemple concret, venons-en à l'humain (il est toujours dommage en droit d'en rester à des abstractions, je pense qu'on passe vite à côté de l'essence même de l'ensemble), l'affaire que j'évoquais sur mon blog en mai dernier de « Nourredine, 18 ans, jeune modèle « gentil, qui rigole tout le temps » « qui cherchait du travail » -selon sa famille-, mort après avoir « percuté un muret avec une moto volée », en roulant « sans casque », auparavant accusé « de recel de vol de scooter, délit pour lequel il devait être jugé en septembre » » (http://riesling.free.fr/20060522.html).
A votre avis, a t-on bien jugé ce jeune homme très très bien connu de la police pour des vols de moto lorsqu'on a décidé de le laisser en liberté en attendant sa comparution ? Moi je constate que ce choix a fait que les vols ont persisté et que le jeune homme surpris en flagrant délit s'est tué en adoptant un comportement qui aurait pu faire d'autres victimes (puisqu'il a roulé avec la moto volée au guidon de laquelle il est mort en commettant de multiples infractions - un piéton est généralement perdant face à une moto lancée à 80 km/h).
Pour moi, ça n'a pas été bien jugé, avec lucidité. A mon sens, il y a une erreur. Ce qui fait que cet homme a été maintenu en liberté, que ce soit l'action d'un magistrat ou tout simplement la législation actuelle, a failli à préserver l'intérêt de la société en général tout comme l'intérêt de l'intéressé (puisque ce maintien en liberté a signifié pour lui la persistance de son comportement délictueux, comportement qui évidemment lui valu d'avoir maille à partir avec la police).
N'aurait-il pas été judicieux, dans ce cas là, d'avoir été plus répressif ? Peut-être que cela n'aurait pas, in fine, stoppé l'évolution délinquante du jeune homme (encore que ! 50 % de récidive en sortie de prison, c'est déjà ça de gagné), mais au moins les fonctionnaires de police du coin auraient pu avoir la satisfaction d'avoir protégé les motos des citoyens environnants pendant une durée qui dépasse celle du placement en garde à vue.
Il y a là une question d'ordre politique. N'importe quel citoyen à le droit de se saisir de cette question, de ce type d'exemple. Dans un État de droit qui est aussi une démocratie, c'est le citoyen qui dit comment on juge. Le magistrat n'est pas censé disposer d'un pouvoir arbitraire, au contraire, c'est un des apports majeurs de la Révolution française que d'avoir mis à terre cet arbitraire, au moins dans le principe à défaut que ce soit dans les faits. C'est d'ailleurs là la raison même de l'institution des Assises, héritage de cette révolution. L'indépendance des magistrats, des juridictions de jugement, n'a de sens que pour garantir qu'ils jugent sereinement selon l'esprit des lois. Ce n'est pas pour leur donner carte blanche à l'arbitraire et les autoriser à rendre des jugements au nom de la Nation qui ne soient pas conformes à la volonté de la Nation, volonté exprimée par les lois (et non pas les sondages). L'indépendance de juridictions de jugement importe pour que chaque citoyen soit jugé seulement en fonction de la loi, pour qu'il n'y ait pas d'interférence : mais toujours en fonction de la loi, rien que de la loi. Et la loi, c'est nous, les citoyens, pas les magistrats (où alors les magistrats en tant que citoyens).
Le droit est un outil. Pas une finalité. On ne fait pas du droit pour la beauté du geste, mais pour mettre en oeuvre des accords sociaux décidés par le Parlement.
Dans l'exemple que je donne, quel aurait été le bon jugement ? Pour moi, le bon jugement aurait été de placer en détention provisoire Nourredine et de le juger à délai plus rapproché. Je ne sais pas pourquoi le jugement fut autre : peut-être était-ce le choix délibéré d'un ou plusieurs magistrats, peut-être était-ce une contrainte matérielle, peut-être était-ce une contrainte légale. Mais nous ne sommes pas tenus par tout ceci, tout ceci ne tient à qu'à nous pour l'avenir (on ne refera pas le passé), c'est à nous de dire ce qu'on estime qui aurait dû se passer. Je viens de dire ce que j'aurais estimé bon, ce qui aurait valu jugement pour moi, c'est maintenant à votre tour, Véronique. Rien de précisément juridique là-dedans, qu'aurait-il fallu faire de Nourredine après sa précédente interpellation ? Rien de juridique, vous n'êtes pas tenu par le présent, qu'il soit matériel ou juridique, dites juste ce que vous attendez de la Justice en tant que citoyen.
Une fois que chaque citoyen se sera exprimé, il ne restera plus au Parlement qu'à faire de ces voeux une réalité légale (c'est ainsi qu'une démocratie représentative devrait fonctionner), que ce soit un changement d'ordre matériel ou procédural (ou bien l'absence de changement, si une majorité de citoyens estime que tout a fonctionné correctement).
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 17 octobre 2006 à 12:23
Pour LEFEBVRE
Je crois que sur 2 points de votre intervention, vous faites fausse route:
AG et BHL ne rentrent pas dans la catégorie de ceux qui fustigent en traitant de fachos ceux qui s’inquiètent pour leur sécurité ou de la montée des violences. L’un et l’autre ont été ces nouveaux philosophes qui, il y une trentaine d’années, ont fait exploser dans notre pays des conformismes de pensée unique bien présents à ce moment-là. On peut penser ce que l’on veut de ce qu’ils écrivent, mais l’un et l’autre ont eu un parcours intellectuel bien plus contrasté que ce que vous pensez.
Je ne crois pas qu’il soit toujours pertinent de tout lier ensemble: par exemple, les intégrismes religieux et les problèmes de sécurité. Si l’un peut avoir des correspondances ou des convergences avec l’autre, il n’en demeure pas moins que ces deux questions restent, à mon sens, des problématiques distinctes. Les amalgamer systématiquement génère aussi une forme de pensée unique.
Quant aux policiers, je suis d’accord avec vous pour défendre absolument leur travail. Mais il me semble aussi que la question doit être abordée avec sérénité et par des approches pragmatiques: par exemple, plus nombreux là où il est nécessaire, avec la volonté d‘une véritable mise en œuvre d’une réelle gestion des ressources humaines.
Pour les 2 à 5, les samedis, n’ayez aucun regret. Ce jour-là et à ces horaires, je travaille !
Rédigé par : Véronique | 17 octobre 2006 à 11:01
Lefebvre pour Véronique,
Je n'ai pas pensé à vous pour ces termes excessifs employés, ce n'est pas votre rhétorique et vous avez grandement raison de ne pas tomber là-dedans. Je pensais à des individus comme Renaud, Bernard- Henri
Lévy,Glucksmann, Daniel Cohn-Bendit qui voient des fachos partout et qui clouent le bec de leurs opposants ainsi, c'est aussi une des raisons de la pensée unique.
Comprenez-moi bien s'il vous plaît, c'est justement pour éviter qu'un ordre nouveau, qu'il soit théologique ou nationaliste, se mette en place que je prends ces positions. Quel va être le résultat de cet abandon collectif, pensez-vous, si les autorités en place ne réagissent pas fermement ?
La démocratie, la tolérance et une certaine liberté sont fragiles, il y a des moments d'histoire qui doivent être pris à temps. La tolérance ne peut pas être de laisser s'imposer l'intolérance sinon elle disparaît. La phrase devant le couteau ne vaut pas lourd. Il faut parfois savoir défendre ses valeurs avec un fusil car il n'y a pas toujours d'autres choix. Je suis un peu osé de dire que les policiers et les juges doivent être plus fermes pour que nous puissions être plus libres. Je maintiens que c'est la meilleure solution que d'avoir une justice et une police qui fassent peur, le reste, nous essayons depuis trente ans et voyez honnêtement ce que cela donne aujourd'hui. Si par abandonnisme, nous nous retrouvons avec JMLP ou Ramadan, je pense que nous perdrons beaucoup à cause de notre lâcheté collective.
Il faut savoir parfois prendre des positions impopulaires pour éviter le pire. J'ai lu récement le Coran, la Sunna, la bio du prophète et j'ai compris beaucoup de comportements qui sont liés à ces écrits, je suis allé également sur le site du FN, ce n'est pas séduisant non plus croyez-moi. Je pense que si nous sommes amenés à en demander plus, il faut que nous leur en donnions plus, à commencer par notre soutien, notre gratitude. Les policiers sont aussi des hommes, des pères de famille, des fils, n'oublions pas cela. Il est anormal que depuis des années, ils ne puissent plus travailler, qu'ils puissent être traités ainsi. C'est grace à eux si nous pouvons tout de même émettre des positions divergentes, être différents. J'ai le droit aujourd'hui d'être athée, d'aimer les lettres et la philosophie, de changer de métier, de circuler librement, de manger ce que je veux, d'avoir une pensée libre, de me réjouir que je puisse enseigner à mon fils d'éviter la superstition, de chercher à s'améliorer, de réfléchir par lui-même, à aimer, à se défendre... la liste est non exhaustive, mais je suis viscéralement attaché aux bonheurs que j'ai su me construire et je perçois que nos libertés se réduisent comme peau de chagrin et qu'elles sont aujourd'hui déja menacées, regardez bien.
Je vous propose que nous n'oublions pas cette conversation et que nous la reprenions après avril 2007.
Pour le salon de 2 à 5 heures, ne me tentez pas, je n'ai jamais su dire non aux bons aspects de la vie.
Bien cordialement
Rédigé par : LEFEBVRE | 16 octobre 2006 à 20:00
Marcel, je pense vraiment que ce dont nous parlons, on ne peut pas l’aborder avec précision et fermeté dans ses idées en ignorant beaucoup de ce qui a trait à la justice et au monde judiciaire. Cela demeure un handicap.
Je ne peux m'en tenir qu'à des positions de principes. Dans ce que vous nous dites, j’y comprends ce que Jean-Dominique écrit au sujet de la note " Un tribunal populaire ? ": " réprimer sans juger ". Je tempère pour ce que je perçois de votre position: " réprimer sans REELLEMENT juger ".
Pour ce qui est de l’hyper-relativisme. Concernant des sujets que je maîtrise, je me sens tout à fait en mesure d’avoir des prises de position claires et nettes. Car je peux les argumenter dans l’ordre, avec la conviction de pouvoir me faire comprendre au mieux et au plus proche de ce que je veux exprimer.
Pour conclure, en matière de justice, je me suis toujours demandé comment faisaient ceux qui n’avaient pas les mots suffisants pour pouvoir s’exprimer . Je sais bien que les avocats les assistent , mais l’épreuve de la justice doit être redoutable. Il y a un très grand livre sur ce sujet qui s’appelle " Le Liseur ". L’auteur, Bernhard Schlink est allemand et magistrat.
Rédigé par : Véronique | 16 octobre 2006 à 19:34
Veronique,
Je trouve triste que vous pensiez que ce dont nous parlons est question de « culture judicaire ». Rien n'est plus triste que lorsque les citoyens s'abandonnent aux experts. Rien n'est plus triste que lorsque les citoyens perdent de vue que la Loi n'est que la cité. L'expertocratie n'est pas une véritablement méritocratie et est l'antithèse de la démocratie. J'ai souvent pu le constater, y compris dans des domaines qui n'ont rien à voir avec le droit.
Quant à l'hyper-relativisme, je crois qu'il est aussi cet art que je trouve dangereux du refus de juger. Ca paraît chic, j'ai même un frère que j'aime beaucoup qui ne supporte pas qu'on juge (lorsqu'il voit des procureurs dans des documentaires, ça lui file des boutons), pour lui c'est la marque d'une absence de compréhension des circonstances profondes. Ca paraît chic mais je hais cet art de dire que l'honneur ne vaut pas plus que l'infamie, que la victime n'est pas plus innocente que l'agresseur. Ca paraît chic mais c'est la défaite de la pensée que de refuser de jauger, de juger, d'évaluer. C'est l'hyper-relativisme qui fait le négationnisme en histoire, cet art de croire que tout se vaut, même le plus absurde et le plus indéfendable. L'hyper-relativisme, c'est dire que du fait que la définition du blanc et du noir est relative, le blanc serait indifférent du noir mais aussi du gris. L'hyper-relativisme est une forme d'extrémisme, d'idéologie, peut-être plus pernicieux que les autres encore. Quant tout se vaut, rien ne vaut plus rien, et il ne reste plus qu'à se coucher. L'hyper-relativisme se veut compréhension du monde sous toutes ses facettes, il ne propose que l'incompréhension en niant tous repères communs à l'homme.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 16 octobre 2006 à 12:35
Marcel, je vous assure, concernant ce qu’écrit M. de Scudéry - l’autre nom possible de notre hôte, et je lui suis reconnaissante de pouvoir converser chez lui, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit - j‘ai un problème " d’hyper relativisme ".
Pour ce qui est de votre vision à vous, je pense avoir bien saisi ce que vous souhaitez nous dire.
Très honnêtement, et c’est un regret, je n’ai pas suffisamment de culture judicaire pour pouvoir vous contredire aussi fermement que je le souhaiterais.
S’il y a des pointures en matière judiciaire dans le salon…
Rédigé par : Véronique pour Marcel | 16 octobre 2006 à 10:47
Pour LEFEBVRE
Je crois que si dans votre existence vous avez vous-même vécu des situations différentes dans des environnements différents, vous avez alors une perception riche, sensible et sophistiquée de notre société qui peut apprendre beaucoup sur les autres à d’autres.
Je veux vous dire que ce vous nous dites de vous et de votre traversée de la nuit me touche.
Également que je n'envisage pas une seconde de vous traiter de " nazi " ou de " beauf " . Le premier qualificatif , je le réserve à ceux dont il est question dans le livre de J. Littell. Le second , je m’efforce de le mettre au ban de mon vocabulaire car, comme vous, j’ai eu à traverser différentes situations dans ma vie qui m’ont appris que rien, jamais, n’est simple ou facile et qu’on ne résout rien à enfermer les autres dans des représentations qui confortent d'abord notre vision des choses et nous empêchent de la questionner.
Simplement je pense, et en toute virtuelle correspondance, qu’il y a dans vos mots la tentation d’une espérance d’un " Ordre nouveau ", comme d’autres ont espéré ou espèrent encore un " Grand soir ". Dans les deux cas, l’itinéraire me semble très hasardeux. Il console un temps, c’est tout ce qu'on peut en attendre.
J'aurais souhaité vous dire cela un samedi de 2h à 5h. Grâce a vous, car j'ai recherché, j'ai appris que Mlle de Scudéry recevait dans son salon de conversations le samedi de 2h à 5h.
Rédigé par : Véronique pour LEFEBVRE | 16 octobre 2006 à 07:45
Véronique,
Je vois mal le rapport entre le fait de considérer la victime comme maillon de la société et les formes de la procédure judiciaire permettant d'établir la vérité.
Je ne trouve pas qu'en règle générale "il y a ce qui est écrit et ce qu’un lecteur peut y lire" - en tout cas si ça veut dire qu'on peut lire n'importe quel phrase dans n'importe quel sens. Par exemple, quand j'écris "Rappeler la raison qui fait qu'une société institue des magistrats n'implique pas réduire la Justice à cette raison. Cela implique que cette raison ne devrait jamais être mise entre parenthèse, mais cela n'interdit pas le zèle lorsqu'il est emprunt d'humanité", assurément ça ne veut pas dire, en Français dans le texte, que "le rôle [du magistrat] ne serait que [cette raison]". Je ne crois pas que l'histoire personnelle permette de complètement détourner le sens des mots, au point de prétendre que dire "ceci est essentiel" reviendrait à dire "rien d'autre que ceci ne doit exister".
Je dois reconnaître que je ne suis guère hyper-relativiste. Je crois qu'il serait vain de communiquer s'il était exagéré de croire que le sens des mots puisse avoir des références communes.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 16 octobre 2006 à 01:45
dab, mon idée
"pour protéger leur statut de haute sécurité professionnelle exposent les Kader et les autres à encore plus de précarité".
Votre réponse:
" De tous temps, la protection des avantages professionnels a été la priorité de ceux qui en jouissaient et ça ne se traduisait pas nécessairement par la mise à la précarité d’autrui. "
Ce que je souhaiterais, pour nous départager, c’est un commentaire et le point de vue sur cette question de, par exemple, M. Pierre Bilger (son blog est à proximité).
Si, bien entendu, mon souhait rejoint le propos ou une des problématiques posées dans la note de notre hôte.
Rédigé par : Véronique pour dab | 15 octobre 2006 à 10:23
Marcel,
Il y a une véritable dérive je pense d'une idéologie des années soixante dix qui, si belle et humaniste qu'elle fut s'adaptait à une période venant de l'affreuse guerre. Il y avait peu de violence, une grande place pour l'ouverture d'esprit, la critique sociale. Les idées de cette époque sont totalement devenues obsolètes de par notre situation actuelle. Le problème majeur est devenu la violence et les solutions proposées qui sont totalement inadaptées.
Cette réalité est si vraie qu'effectivement le Droit des victimes et celui de la société sont entièrement liés. Au moment où je rédige ce post plein d'empathie, j'apprends que trois policiers ont eu leur voiture bloquée par un guet-apens à Epinay, ils furent gazés, passés à tabac, l'un d'eux a même pris une pierre à la mâchoire. Ce fait n'est pas un incident marginal. Que vient faire la misère sociale servie en excuse par des déconnectés comme Renaud, Ardisson... Les agresseurs ont de quoi se payer des voitures, des portables 3G pour filmer, des armes, de la came...? La véritable misère, je l'ai croisée sur les bancs de la gare de l'Est, sur les quais de Seine, dans les corons du Pas de Calais, jamais dans les cités. Je n'ai jamais milité pour aucune cause auparavant, estimant que mon Pays se portait bien, n'était pas en danger, que nous vivions dans un confort privilégié. J'ai signé ces derniers temps plusieurs pétitions en faveur de Redeker et envoyé plusieurs mails de soutien à divers syndicats policiers parce que cela me soulève le coeur, me met en colère et m'inquiète quant à notre devenir. Nous allons encore constater une absence de réaction pour ces faits honteux ou alors tièdasse et de grandes manifestations à la première bavure. Les médias, une certaine opinion se trompent gravement par cette attitude veule. Je maintiens que la seule solution possible reste une répression , des sanctions très fortes qui découragent. Les policiers ne doivent pas renoncer à pénétrer dans les quartiers, le dialogue qui est entendu par la voyoucratie comme de la permissivité doit être rompu. Les mots n'ont aucun poids devant le couteau. Il y a des populations vulnérables à protéger, un nécessaire rapport de force à rétablir, des mentalités mafieuses à combattre. J'ai vécu dans des endroits très riches de notre France, d'autres de toutes conditions. Pour des raisons peu communes et complexes, je me trouve aujourd'hui dans un de ces lieux de vie. Cette semaine, il y a eu un incendie criminel au premier étage de mon immeuble. J'habite au troisième avec ma compagne et notre petit garçon de 2 ans. Douze familles furent légèrement intoxiquées, la mienne incluse. Deux camions de pompiers furent nécessaires et vous imaginez la conséquence auprès de laquelle nous sommes passés. Ce ne fut même pas indiqué dans les journaux locaux, les quelques gendarmes enfermés dans leur poste grillagés n'ont fait qu'une brève apparition pour ne pas provoquer les fameuses suceptibilités, jusque le Saint Nicolas et son âne qui se font lapider car ils sont une provocation lorsqu'ils défilent. Vous voyez jusqu'où va l'inconscience des agresseurs, celle des élus qui s'obstinent à cacher. Je ne me plains pas, j'ai la chance d'être bardé de diplômes, d'avoir de la ressource et j'attends une somme d'argent confortable en sus qui va me permettre de rejoindre la civilisation, je suis compatissant par contre pour les petits vieux, les jeunes couples en difficulté sociale, la somme de braves gens qui vont silencieusement continuer de vivre cela jusqu'à peut-être la fin de leurs jours. Je vois en bas, le défilé de BMW et autres Mercedes dernier cri, alors la misère sociale et l'exclusion comme rationalisation, vous devinez ce que j'en pense. Le plus absurde est qu'il nous est proposé de ne plus voir ce que l'on voit, de ne plus entendre ce que l'on entend comme solution à cette plaie grangrenée donc prolifique. Je déteste cette régression au sein de l'Europe qui n'a cessé de s'humaniser, de progresser idéologiquement. La bienséance actuelle est bien différente de celle proposée par madame de Scudérie. Le pitoyable est aussi qu'il y a une multitude de gens prêts à traiter de nazis, de beaufs ceux comme vous et moi Marcel qui voyons la réalité sans fard et prenons le risque de réagir, de ne pas être populaire alors qu'ils sont les collaborateurs de l'infâme par lâcheté. Qui sont les plus humains ? Je viens d'avoir mon premier point enlevé pour 53 km/h au lieu de 50 km/h alors que je vois des fous les frôler en quad sans casque impunément, que je connais des histoires de notables protégés... mais ne nous laissons pas gagner par la colère, il y a effectivement moins de morts sur les routes et c'est une très bonne nouvelle et j'étais bien à 53km/h au lieu de 50km/h alors j'ai bien commis un petit impair, j'aurais du lever un peu plus le pied pour rester dans cet effort collectif pour une route plus sûre que j'approuve malgré mon amour de la vitesse.
Rédigé par : LEFEBVRE | 14 octobre 2006 à 23:03
Je partage tout à fait vos conclusions, Lefebvre. Les exemples que vous donnez dans votre dernier paragraphe sont les abandons de poste que j'avais à l'esprit.
Il semblerait que dans notre monde, certains veulent faire aimer la justice, la police, l'enseignement, pour ce qu'ils ne sont pas censés être. C'est tout à la fois en demander trop et en demander pas assez. C'est demander de faire du zèle sur le bords de l'absentéisme au centre.
Je suis d'avis qu'au yeux des citoyens, de ceux qui ont des attentes et non un missel à la main pour condamner (je ne parle donc pas des individus pour qui un programme partisan fait figure de toute logique), le respect ne se gagne qu'à cela. Les policiers seront respectés lorsque leur action consistera à faire disparaître la délinquance (pas à jouer au foot pour paraître cool, ni à remplir les caisses de l'état en sanctionnant de manière exagérée des infractions triviales telles que des petit excès de vitesses - on s'etonne que ceux pronant une politique de tolérance zéro en la matière circulent dans des véhicules de fonction roulant systématiquement bien au-delà de ces limites, ce qui ne me choque pas en soi mais ce qui indiscutablement met en péril l'idéologie du moment qui voudrait que la vitesse soit le mal absolu indépendamment des circonstances). Les magistrats n'auront plus à s'apitoyer sur leur sort, à nous parler à tort et à travers de l'indépendance de la justice (comme si cette indépendance qui est juste et sensée dans le cadre de l'application des lois pouvait rendre la justice indépendante des lois, de l'esprit des lois, qui pourtant doivent s'imposer à eux - un juge ne doit pas recevoir d'instruction sur la manière de résoudre une affaire, mais un juge n'est pas libre d'estimer que son point de vue sur des faits est plus judicieux que l'esprit des lois réprimant ces faits), lorsqu'il auront la certitude d'avoir fait tout ce qui est leur possible pour le mieux de la société (ce qui inclut de mettre à l'écart les individus dont la récidive est probable - que ce soient des mineurs ou des criminels sexuels condamnés à perpétuité). Les enseignants n'auront plus à se sentir incompris lorsqu'ils se mettront à fonctionner en corps, en cessant de moquer leurs collègues qui n'arrivent pas à gérer des classes avec 10 élèves impossibles sur 30 mais en leur portant assistance, ou encore lorsque, alors que leur véhicule sera dégradé, leur supérieur fera immédiatement appel à la police (qui de son côté interviendra, au lieu d'estimer qu'elle a trop à faire en contrôles routiers) au lieu de jouer à l'enquêteur de bas-étage et de laisser au final le délit impuni.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 14 octobre 2006 à 11:20
Marcel, dans la contrainte de l’aspect forcément réducteur d’un commentaire:
Il me semble que vous avez tendance à confondre la société et la victime.
Comme le droit pénal vous intéresse bien, pourquoi, si on suit votre raisonnement, la société se donne t-elle la peine d’organiser un procès avec des magistrats, un jury, des avocats, des témoins etc. ? Ce serait plus simple de décréter " allez, ouste... en prison ! " Non ?
Je dois également, par honnêteté, rendre à Philippe ce qui lui appartient. Il semblerait que mon interprétation de la définition et de la mission du magistrat que je lui prête (voir plus haut) soit erronée.
C’est un peu le souci. A le lire, ici ou dans ses livres, je n’arrive pas à le percevoir seulement comme un magistrat dont le rôle ne serait que « d’écarter les éléments nuisibles de la société « .
Comme quoi, il y a ce qui est écrit et ce qu’un lecteur peut y lire en fonction de son histoire, de ses valeurs ou de ses choix. Décidément, c’est très compliqué les mots !
Rédigé par : Véronique pour Marcel | 14 octobre 2006 à 08:17
A Véronique,
Votre réponse appellerait à disserter sur tous ses paragraphes. Je me limiterai à l'avant dernier.
"Raphaël nous parle des policiers à expérience qui sont peu dans le 93"
Il n'y a pas, malheureusement, que dans la police que le phénomène est constatable. C‘est certainement dans la police qu‘il est le plus crucial mais ne sont pas épargnés aussi l’enseignement,la poste, les administrations, les commerces, les services de santé, etc...Ce phénomène n'est pas nouveau, il est vieux d'au moins cinquante ans et je peux le dire pour l'avoir subi par naïveté mais pas très longtemps, en fait une expérience pas vraiment inutile dans la vie d'une personne mais qui marque néanmoins. Une remise à niveau des quartiers difficiles appellerait des solutions à caractère chirurgical, ceux qui sont aux responsabilités mais qui les assument incomplètement ou mal n’ont pas les coudées vraiment franches, parce qu'au fond le problème que pose la décrépitude des cités et la florissance de la délinquance est de savoir,comme dans le phénomène de la poule et de l'oeuf, qui ou quoi est à l'origine de qui ou quoi?C’est à ce niveau que les bavardages devraient cesser.
"pour protéger leur statut de haute sécurité professionnelle exposent les Kader et les autres à encore plus de précarité".
De tous temps, la protection des avantages professionnels a été la priorité de ceux qui en jouissaient et ça ne se traduisait pas nécessairement par la mise à la précarité d’autrui.
Si vous êtes provinciale, comme vous semblez l’avoir laissé entendre, lisez la presse locale et arrêtez-vous bien sur ce qui se passe non pas dans les villes mais dans les villages, même si vous ne les connaissez pas ou si ce qui s’y passe n‘a pas d‘intérêt pour vous. Lisez les nécrologies. Vous découvrirez le cursus des disparus. Vous serez édifiée par le nombre de personnes qui, n’ont pas, à leur époque, parce que courageuses par nécessité sans doute parce que le social y était minimum mais qui auraient du se trouver en situation précaire, comme on l’entend aujourd’hui, à tout moment de leur longue vie avec des familles nombreuses à charge dans lesquelles les enfants à partir de quatorze ou seize ans (plus tard) commençaient à travailler dans des emplois qui n’étaient pas forcément prisés.
Rédigé par : dab | 13 octobre 2006 à 10:38
Merci Marcel, pour ces éclairages et ce point de vue.
Le juge ou le membre du parquet ont cette fonction ingrate de "réparer" la victime, de protéger la société et de sanctionner l'agresseur dans je pense une proportion raisonnable. C'est une mission qui demande une grande responsabilité, qui est toujours lourde de conséquences pour les diverses parties. Mon regard extérieur est assez admiratif pour ces métiers si nécessaires, qui demandent une sacrée abnégation, une sérieuse capacité de rélexion, la force morale de ne pas trahir la fonction par le regard de l'"autre". Le juge à l'instar du policier souffre de la "mauvaise presse" avec son "il est interdit d'interdire" et pourtant poussons la revendication de façon hypothétique et cessons de sanctionner sur le territoire pendant le court délai d'un mois puis posons le constat. Il faudrait parfois savoir traiter l'absurde par l'absurde.
Je suis pour l'optique de revoir une lecture de la justice, de la police, de l'éducation nationale privées d'auto-flagellation, se tenant à nouveau à leur rôle essentiel sans cette volonté de plaire. Je ne demande pas le goulag, comprenons-nous bien,mais bien une juste place retrouvée ce qui serait le mieux pour le plus grand nombre. L'instit qui enseigne Joey Starr à la place de La Fontaine, le flic copain qui fait des parties de foot, le juge qui donne des tickets restaurants et des vacances à la place de la sanction parce que c'est toujours de la faute de la société et de la mère quel que soit l'âge ne fonctionnent pas, cela n'a fait qu'aggraver les problèmes de société depuis trente ans. Nous ne sommes pas assez sages, évolués, responsables pour vivre sans les codes et cessons de mettre du psy et du pathos partout, ce n'est plus que du détournement de la réalité. Pour bien lire le second degré, je suis persuadé qu'il faut non seulement savoir bien lire le premier, mais savoir y revenir souvent. Soyons enfin collectivement garants de cette société libre donc fragile, c'est notre bien le plus précieux.
Rédigé par : LEFEBVRE | 13 octobre 2006 à 05:52
La lecture d'un passage de l'excellent « Pour l'honneur de la Justice » (qui permet de revenir sur des sujets qui ont parfois été évoqués sur ce blog) m'a incité à clarifier un peu mon propos tenu sur la police municipale plus haut. Il ne s'agit pas de décerner des monopoles, de réserver la lutte contre la délinquance à la gendarmerie et police nationale, mais plutôt d'éviter les confusions de sorte que chacun intervienne selon des modalités correspondant à ses compétences et volontés :
http://riesling.free.fr/20061013.html
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 13 octobre 2006 à 03:18
Figurez-vous, dab, que c’est arrivé. Pardon de faire dans l’autobiographique. Je ne sais pas si la personne qui s’est enfuie s’appelait Kader, Pierre, Jean ou Paul. Pas de dégâts corporels mais des dégâts matériels. Il se trouve qu’à ce moment-là, professionnellement, j’étais très vulnérable , je veux dire sans travail. Ma voiture, pas suffisamment réparée s’est cassée. Pendant plus d' un an, je n’ai pas pu la remplacer. Ce qui, en Province, quand on tente professionnellement quelque chose de nouveau est un réel problème et une prise de tête de tous les jours.
J’ai évidemment maudit Kader, Pierre, Jean ou Paul. Mais ma frustration a été de ne pas pouvoir leur dire ce que leur imbécillité et leur potentielle dangerosité impliquaient dans ma vie de tous les jours. Ça les aurait peut-être fait rigoler mais, je veux le croire, ou j‘ai besoin de le croire, peut-être pas tant que ça. Et leur parlant de ça, c'est peut-être un tout petit peu de leur histoire que je leur aurais raconté.
Et comme vous ouvrez la porte sur le destin de Kader. Comme je suis plutôt de sensibilité libérale en matière d’économie, il m’aurait semblé mieux au printemps dernier, qu’on tente quelque chose pour lui, pour que l’accès au travail, même avec peu d‘assurance, lui soit proposé.
Raphaël nous parle des policiers à expérience qui sont peu dans le 93. Je veux également vous parler de ceux qui, pour protéger leur statut de haute sécurité professionnelle exposent les Kader et les autres à encore plus de précarité . Ce sont aussi ces états d’esprit qu’il faut s'employer à changer.
Et par-dessus tout, je ne veux pas qu’on utilise les Kader et tous les autres pour nous convaincre du tout et du n’importe quoi.
Rédigé par : Véronique pour dab | 12 octobre 2006 à 20:07
Raphael,
1. Qu'est-ce qui permet de dire que la peur expliquerait la violence de certaines interventions de police ? Les faits divers récents ne sont-ils pas significatifs quant à la violence habituelle des individus régulièrement interpellés, que ce soit à l'égard des profs, des pompiers ou d'autrui tout simplement ? Existe-t-il une méthode absolue permettant de ne jamais faire usage de la force pour interpeller ces individus ? Pourquoi parler de « peur » à propos de cas d'usage de la force proportionné aux circonstances, lorsque tout indique qu'il s'agit de gestes techniques d'intervention parfaitement maîtrisés ?
2. Connaissez-vous des individus qui veulent habiter en ZEP ? A plus forte raison, ceux qui y travaillent n'ont certainement pas envie d'en plus y vivre. Etre policier en 2006, c'est être prêt au quotidien à se frotter au non-droit, à la jungle des banlieues. Il n'est guère surprenant que ceux qui font ce choix professionnel ne veuillent pas en plus en reprendre une louche dans leur vie privée. Je crois qu'il est douteux qu'un policier considère ces zones de non-droit comme le cadre de vie qu'il voudrait pour lui et ses proches.
3. La police municipale ne fait plus d'ilotage dites-vous ? Quand en a-t-elle fait ? Depuis qu'existe la police nationale, les policiers municipaux ne sont au mieux qu'APJA (agent de police judiciaire adjoint). Concrètement, il ne peuvent décider d'un simple contrôle d'identité. L'étendue de leurs pouvoirs n'est pas de nature à leur permettre de remettre du droit là où il n'existe plus. Ce n'est sans doute pas un mal. On ne mesure jamais assez les dangers qui existent lorsqu'on donne des pouvoirs judiciaires à des individus recrutés et dirigés à l'échelon local (doit-on rappeler l'étrange passage de certains individus du DPS à la police municipale de certaines petites villes du Sud dirigées par l'extrême-droite).
De plus en plus de policiers municipaux sont armés, ces temps-ci. Si je comprends bien qu'autrement ils seraient une cible de choix, néanmoins je trouve cela inquiétant. Plus le nombre de gens en armes est important, plus les risques d'accidents mortels sont importants. Pire encore, je constate que certaines polices municipales choisissent des uniformes entretenant une confusion manifeste avec ceux de la police nationale. Il y a déjà eu des débats à l'Assemblée à ce propos. Pire encore, comme si c'était possible, une ville se targue d'avoir un véhicule non-sérigraphié et des flashball pour sa police municipale : il faudra qu'on m'explique quel usage ils comptent en faire dans le cadre de contrôle de stationnement gênant ou de tapages nocturnes.
On ne peut pas d'un côté demander plus d'encadrement de la police nationale et de l'autre se féliciter de l'accroissement du pouvoir de la police municipale, sur laquelle, évidemment, il est plus dur d'exercer un contrôle, puisque son commandement dépend très directement d'un pouvoir local.
A ce sujet, l'actualité récente à fourni deux exemples (notamment en région lyonnaise) de comportement inadaptés (voire illégaux) de policiers municipaux créant des troubles immédiats pour la police nationale.
4. Pour la question du manque d'encadrement au sein de la police nationale, je vous suis. Les faits graves mettant en cause plusieurs fonctionnaires de police d'une compagnie de CRS de région parisienne impliquent uniquement des gardiens de la paix (aucun gradé) ayant tous moins de 30 ans. Des faits similaires mettant en cause un commissariat de région parisienne impliquaient aussi des équipages constitués de gardiens de la paix stagiaires (non titularisés) et d'ADS (adjoints de sécurité, aucune qualification judiciaire).
Je pense qu'il est important de ne pas tout mélanger. Le problème d'encadrement entâche d'une manière générale l'image de la police nationale et montre que la politique actuelle de réduction du nombre des postes est sans doute inadaptée.
Néanmoins, quelques méfaits commis par une vingtaine d'individus n'entachent pas l'ensemble des faits et gestes de 120000 fonctionnaires. Et toute trace de violence n'est pas pour autant marque d'abus. La sagesse populaire dit qu'on ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs, ce n'est pas tout à fait faux.
La violence n'existe pas parce qu'existe de la violence. Si c'était aussi simple, elle n'aurait jamais existé. Il faudra bien admettre que certains individus commettent des actes violents sans pour autant pouvoir se prétendre vengeurs et eux-même victimes de violence.
Véronique,
Rappeler la raison qui fait qu'une société institue des magistrats n'implique pas réduire la Justice à cette raison. Cela implique que cette raison ne devrait jamais être mise entre parenthèse, mais cela n'interdit pas le zèle lorsqu'il est emprunt d'humanité.
Vous dites que pour vous la Justice est un tiers, vous vous étonnez de la dualité dans mon propos entre le délinquant et la société.
Je dois reconnaître que je n'ai guère le goût du droit civil. Non, le droit pénal me parle plus. Le droit pénal, ce n'est pas l'affaire d'une justice tierce personne qui règle un conflit entre deux individus pour le mieux. Le droit pénal, c'est l'affaire d'une justice qui règle un conflit entre un individu et la société. Bien sûr, la plupart des procès au pénal ont une dimension civile, lorsque la victime se constitue partie civile. Mais le coeur de l'affaire lorsqu'on parle de délinquance, ce n'est pas de faire une médiation (pour reprendre votre terme) entre deux parties civiles, c'est de peiner un individu qui a bravé les règles que la société a mis en place pour s'ordonner et s'harmoniser et tâcher de l'empêcher de récidiver.
La justice est un tiers dans le sens où elle n'a pas d'intérêt personnel à défendre. Sa neutralité ne devrait donc pas être entachée, elle devrait être en mesure de jauger sans être trop passionnée.
Dans cette discussion, nous ne parlons pas d'affaires particulières : lorsqu'on parle des victimes de la délinquance, on en parle en général, on parle donc de la société. La société, ce sont les hommes, c'est une abstraction certes, mais c'est aussi une réalité. Cela n'aurait aucun sens de condamner au nom de la société si la société n'était qu'une abstraction.
Considérant que la société correspond aux individus s'étant « alliés » en formant un code de lois communes, fournissant à la fois la victime, la société comprend en son sein la victime réelle et toutes les victimes potentielles de la récidive. Bravant les règles sociales, donc les règles de l'alliance, le délinquant s'oppose à la société. Il ne paraît donc pas choquant d'opposer assez simplement délinquance et société.
Alain,
Vous dites que « La sanction est utile contre "le mal délinquant" si elle a un effet pédagogique et si elle est comprise [...] Cette appréciation de la sanction utile est incompatible avec une vision simpliste, trop souvent (pas toujours) entretenue par les médias, du prévenu "ange ou démon" ».
Ce faisant, je pense que vous illustrez parfaitement ce que je disais plus haut. Cette vision de la délinquance repose sur l'idée que le délinquant est un enfant qui devrait découvrir les interdits sociaux. L'étymologie même du terme pédagogie est particulièrement explicite. On ne peut pas, on ne doit pas, employer ce mot par hasard.
Vous pouvez bien vous prétendre plus fin que les autres en refusant de diaboliser ou d'idéaliser. Il y a tout de même dans votre discours un postulat qui rend incapable de saisir le sens de certaines récidives.
L'individu de 16 ans déjà interpellé une vingtaine de fois ignore-t-il la loi ? Ignore-t-il qu'il cause du tort à autrui en frappant ou en détruisant ? Est-ce un enfant qui manque d'instruction ou est-ce un individu qui tout simplement vit selon ses envies, ses impulsions, et se moque parfaitement et totalement de la souffrance et du souci causé à autrui ? Selon votre propos, c'est forcement le premier cas.
Pour ma part, je ne dirais pas le premier cas impossible. Mais je trouve particulièrement dangereux de ne pas envisager la seconde hypothèse. C'est important de refuser les simplifications outrancières. Mais si ça rime à nier qu'il puisse avoir un bien et un mal, un tout à fait bien et un tout à fait mal, c'est aussi un simplisme tout à fait outrancier.
Si des magistrats français ne sont pas persuadés que brûler la voiture de son voisin est un mal, un mal tout court, peu importe que par ailleurs le prévenu soit charmant et amical, ces magistrats faillissent à protéger la société contre les éléments qui lui nuisent.
C'est un droit que chaque citoyen a d'estimer quel devrait être le rôle des magistrats et de la justice. Comme tout service public, comme tout service social, la justice est instituée par la société, il revient à la société de définir son rôle.
Certains magistrats manifestement auraient voulu être éducateurs, profs. Qu'ils fassent comme Gerard Klein dans « l'Instit », qu'ils changent de boutique ! Les magistrats qui jouent aux apprentis pédagogues imposent aux profs de jouer aux apprentis policiers. A chaque fois qu'un maillon social se met à vouloir faire le boulot d'un autre, il abandonne son poste. Et si les abandons de postes flattent sans doute l'ego des concernés, ils n'améliorent sans doute rien à l'ensemble.
Je suis d'avis qu'il est temps de rappeler aux magistrats qu'ils ne sont pas des pédagogues. Qu'une peine puisse avoir une vertu pédagogique n'est pas un mal - mais une peine est aussi et avant tout une peine. La pédagogie à un sens dans le registre pénal lorsqu'elle donne des gages supplémentaires contre le risque de récidive. La pédagogie peut être un plus dans le domaine pénal. Mais la pédagogie ne saurait remplacer le pénal.
En d'autres termes, c'est bien si la justice parvient à faire comprendre à un délinquant le tort qu'il a causé et parvient à le faire s'amender. C'est très bien. Mais c'est inacceptable qu'elle n'écarte pas le délinquant de la société si elle ne dispose pas de gages sérieux laissant penser qu'il n'y aura pas de récidive. C'est bien si le délinquant comprend son erreur et s'amende. Mais la justice doit être aussi capable de protéger la société lorsque le délinquant manifestement ne comprend pas et ne s'amende pas. Et il semblerait que de ce côté, elle soit assurément très faillible ces temps-ci. Peut-être serait-il temps que certains magistrats réalisent que leur sympathie, leur empathie, ne va pas être une baguette magique changeant du tout au tout la mentalité d'une certaine délinquance, certaine délinquance qui en a déjà fait voir des vertes et des pas mûres au monde enseignant qui lui aussi pourtant était animé de bonnes intentions et n'est pourtant pas parvenu à des résultats miracles.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 12 octobre 2006 à 19:54
J'ai lu cet article, et j'ai trouvé que Garance Le Caisne écrit très bien. Et j'ai pensé comme vous d'abord. Que Rabah et Kader ne sont pas des gardiens de la morale, et que leur parole est un acte de défi. Que s'attaquer à des flics n'est pas très responsable, surtout quand on est vingt contre quatre. Que la violence engendre la violence, et que si un jeune a été appréhendé avec une certaine violence comme le dit Rabah, c'est parce je crois sincèrement que les flics, les cognes, les condés, les bourres, les poulets, les policiers, ont peur. Et le rapport de Pierre Truche sur les violences policières montre une chose: les plus gradés ne veulent pas habiter en banlieue. Les jeunes policiers sont peu encadrés. Et c'est vrai, la police municipale ne va plus faire de l'ilotage. Plus de gentil flic à képi.
Les jeunes policiers sont livrés à eux-mêmes, débordés par des jeunes délinquants aussi peureux qu'eux. Et ce qui doit arriver arrive. Ces deux inexpériences, ces deux différences se heurtent à un mur d'incompréhension. C'est cela que l'on sent dans l'article de Garance Le Caisne. Pas de héros, juste des êtres humains.
Rédigé par : Raphaël | 12 octobre 2006 à 17:39
Pour LEFEBVRE
" Il y a ce lien dans les billets de Philippe Bilger qui, il me semble, dénonce la malhonnêteté intellectuelle, la complaisance, le manque de courage, l'absence de réflexion, l'apathie. "
Et c’est pour toutes ces raisons que nous l’aimons beaucoup votre frère d’armes, Philippe.
Mais cela ne doit m’empêcher de vous dire, à lui , à vous, et à d’autres que votre " chemin difficile " peut m’apparaître, parfois, comme étant un peu dangereusement monochrome.
" L’inceste " , c’est précisément un des livres de C. Angot que je n’ai pas lu et je ne veux pas lire.
Vous me dites que je vous fais la critique que vous lui faites. Je ne crois pas. Mes quelques lignes d’hier n’étaient qu’une hypothèse.
Si vous connaissez mon métier, vous savez alors que nous ne sommes que de très maladroits généralistes de tout donc, des spécialistes en rien. C’est notre limite. Mais un peu aussi notre liberté.
Rédigé par : Véronique pour LEFEBVRE | 12 octobre 2006 à 13:14
A Alain Schrike
Suite votre intervention du 11 oct - 19:31
"" - Pour qu'elle ait une chance de convaincre le condamné de ne pas renouveler les faits, il faut, quelle que soit la sévérité de la peine, qu'il soit convaincu d'être traité en tant que citoyen soumis à la loi de la cité .
La diabolisation, tout comme l'angélisme, le place dans une position de hors la loi, qui banalisera (légitimera) à ses yeux, aux yeux de son entourage, mais aussi aux yeux du public, le renouvellement d'un comportement délinquant .""
Cela est peut-être très bien, pour une première condamnation, à la limite pour une deuxième.
Mais quand un délinquant comparaît pour le 25 ème fois devant un tribunal correctionnel, il n’est pas outrageant pour la justice qu’un citoyen, même loin d’être atteint de démence populiste, puisse envisager qu’au moins 22 condamnations par cette même justice n’ont servi à rien si elles avaient toujours pour but de le convaincre en évitant de le diaboliser. Errare humanum est...sed perseverare...
« 24 » écrit dans une prose devant « condamnations », dans un article de journal local qui rapporte des faits de justice parmi d’autres, à mon sens ne produit certainement pas la même impression que lorsque la litanie des antécédentes condamnations est égrenée par le président d’un tribunal correctionnel. Donc, s’il est informé seulement par les médias ou, s’il lui arrive de lire des livres, par certains écrivains totalement déconnectés de la réalité, le peuple ne percevra pas de la même manière qu’une partie civile présente à l‘audience la personnalité d’un délinquant comme celui évoqué dans les lignes précédentes.
"". Pour légitimer la sanction, il ne faut donc surtout pas "déshumaniser" le condamné .""
Donc, cela supposerait qu’un individu, futur condamné, au moment de son forfait et au moins jusqu’au jour de son procès serait toujours « humanisé »?
Je dois mal voir ou mal comprendre...
Rédigé par : dab | 12 octobre 2006 à 10:53
A Véronique
Suite votre intervention 9 oct - 12.22
"Pour Kader, ce que je souhaite savoir en premier c’est ce qui le conduit à piloter une voiture sans assurance et de quoi sont faits ses jours, sans assurance d’aucune sorte pour lui-même."
Pour vous Véronique, ce que je souhaite savoir en premier et espérer : que,comme piétonne, cycliste,ou automobiliste , si vous vous faites « rentrer dedans » ou renverser par quelqu'un de l’acabit de Kader, vous ayez une bonne assurance, dussiez-vous payer le prix élevé pour cela... et aussi quelques adresses de très bons avocats...
Rédigé par : dab | 12 octobre 2006 à 10:35
LEFEBVRE pour Véronique,
Je fus moi même bibliothécaire et oui, les usagers se tournent vers une lecture diversifiée. Je lis personnellement de tout, aimer Ellroy, Houellebecq, Racine ne m'est pas contradictoire. Ce sont bien des rapports des journaux, de la caste médiatique et des écrivains, de ce qu'il nous est imposé dont je discute, pourquoi toujours Angot et les quelques autres que je cite ? Parce que l'inceste, l'enfant mort font vendre ?
Sachez par ailleurs que je suis un homme souvent et globalement heureux. Parfois en colère, je trouve cela sain d'ailleurs ne me rangeant pas, dans la catégorie bovidée, mais ne m'enfermant pas dans le ressentiment.
Le réel ne me désespère pas au contraire je le regarde tel qu'il est sans le déformer de religiosité, d'esprit d'appartenance quelconque, d'un regard psychanalytique débilisant et autres pollutions intellectuelles et je l'aime ainsi, j'aime plus que tout la réalité. Se battre contre la culpabilité suicidaire et injustifiée, contre la pensée unique qui n'est pas celle qui me correspond, contre la lâcheté est le contraire de la déréliction, de l'abandonnisme, du fatalisme. Je ne me prive jamais du spectacle de la Moselle en crue, du plaisir de la discussion ou de l'écriture, de l'amour de mon fils, de la contemplation, du sport,du plaisir de bien manger, de la chaleur de l'amitié, de l'humour... Vous me faites exactement la critique que je fais à Angot alors que je vis et je pense à l'opposé. Lisez-moi bien, je refuse la condamnation pour ce que j'ai pu vivre, pour mes choix. Je cherche une approche de l'ataraxie et je maintiens que voir la vie sans fard en est un début. Le bien-être passe par un effort intérieur et de bons choix extérieurs. Notre hôte m'a écrit qu'il faut choisir le chemin parce qu'il est difficile et c'est aussi ce que je pense. Il y a ce lien dans les billets de Philippe Bilger qui, il me semble, dénonce la malhonnêteté intellectuelle, la complaisance, le manque de courage, l'absence de réflexion, l'apathie. Il y a un point commun à mon sens entre ce qu'il se passe pour Redeker, Anna, dans les cités,dans les arts, le journalisme : La complaisance, la volonté de faire l' Autruche, le sens des mots tronqué, détourné. Tout cela est lié : Vous pouvez penser que j'aime la représentation, la tribune, que je suis un impatient, que je ne sais pas m'organiser, que je suis parfois stupide, arrogant, blessant, parce que c'est vrai, pas que je me nourrisse d'apitoiement, de manque de lucidité ou de courage, d'amour des belles lettres, des beaux-arts, de la vie libre, joyeuse, autentique. C'est justement pour préserver ou retrouver cela selon les domaines, que je suis rigoureusement contre l'Islam, la voyoucratie dédouanée, le corporatisme à des fins malhonnêtes, la dévaluation du mot talent pour raisons mercantiles... Je ne suis pas un utopiste qui recherche la République de Platon, l'abbaye de Thélème, mais trop, c'est trop. Je préfère être vrai et parfois détesté, qu' "appartenir" unaniment avec un ulcère et pour le coup un réel désespoir.
Rédigé par : LEFEBVRE | 12 octobre 2006 à 00:35
pour LEFEBVRE
Pensant à ce que vous nous avez écrit, j’ai regardé attentivement les romans retournés aujourd’hui dans ma bibliothèque par des lecteurs. Ce n’était que du désordre " où l'on trouve ce merveilleux mélange de l'intime, des autres, de l'imaginaire et du réel ". Mais aussi du roman noir, pas mal. Vous seriez étonnés de la diversité et de la qualité de leurs choix.
" l’horreur vécue " par C. Angot, je vous jure que la lisant, je n’ai jamais compris ou entendu cela.
Voilà, c’était juste pour tenter de vous consoler un peu.
Et pour essayer de vous dire que votre esthétique de « vieux jeune réac », il ne faudrait, qu’à son tour, elle ne crée trop de fiction ou d’obsessions par rapport à un réel qui vous désespère. Un peu comme si vous recherchiez partout, dans notre société des indices ou des preuves confortant votre chagrin. On a toujours le droit et même le devoir d’être en colère. Il ne faut pas que cette colère prenne toute la place et donne une couleur unique aux choses...
Rédigé par : Véronique pour LEFEBVRE | 11 octobre 2006 à 20:11
M. Reffait :
Bien sûr, il est hors de question de nier l'utilité de la sanction, sévère ou pas . Si telle était mon intention, je changerais vite de métier .
Mais cette sanction ne peut être utile que dans une certaine mesure, et si elle est prononcée dans certaines conditions .
- Pour qu'elle ait une chance de convaincre le condamné de ne pas renouveler les faits, il faut, quelle que soit la sévérité de la peine, qu'il soit convaincu d'être traité en tant que citoyen soumis à la loi de la cité .
La diabolisation, tout comme l'angélisme, le place dans une position de hors la loi, qui banalisera (légitimera) à ses yeux, aux yeux de son entourage, mais aussi aux yeux du public, le renouvellement d'un comportement délinquant .
- La sanction est utile contre "le mal délinquant" si elle a un effet pédagogique et si elle est comprise, que ce soit par le prévenu ou par le public . Cette pédagogie peut aller de pair avec de l'indulgence ou de la sévérité, mais toujours selon la personnalité du condamné, la nature exacte des faits, etc . Cette appréciation de la sanction utile est incompatible avec une vision simpliste, trop souvent (pas toujours) entretenue par les médias, du prévenu "ange ou démon" .
- "L'illusion" dont je fais état, quant à cette utilité de la sanction, est celle qui consiste à croire que l'ordre public sera apaisé durablement par le châtiment, alors qu'il est incessament troublé par de nouvelles infractions....et c'est sur l'institution judiciaire, uniquement sur elle, que l'on décide de faire peser la responsabilité de cet espoir déçu .
Enfin, en conclusion : Comme vous le suggérez avec ironie, la nécessité d'une sanction pour lutter contre le mal est inhérente à l'humanité . Pour légitimer la sanction, il ne faut donc surtout pas "déshumaniser" le condamné .
Rédigé par : Alain Schricke | 11 octobre 2006 à 19:31
À Véronique,
Loin de moi, l'idée de vous démentir sur le fait qu'un bon nombre d'écrivains échappent au naufrage par l'écriture, je suis un de ceux-là. Les idées et les goûts se discutent bien sûr et se respectent bien évidemment. Une personne que j'aime bien, avec qui j'ai énormément discuté est psychiatre. Il a fait des études parmi les plus difficiles, il a énormément d'expérience, une véritable reconnaissance : il a énormément de mal à situer lui-même les codes de l'inconscient, ses limites, son langage sur autrui; sachant qu'il y a une multitude d'individus avec des histoires et des expressions variées et que des facteurs physiologiques entre autres peuvent venir changer les données. Alors que tout le monde maintenant connaisse non seulement l'inconscient, ses clefs mais en plus le sien, est un non sens en rapport du psyché. Je reproche donc à ces écrivains l'imposture, la méconnaissance dans ce domaine et la pathologie bizness. Qu'ils choisissent la biographie, l'essai...Pourquoi pas ?Pas le roman où l'on trouve ce merveilleux mélange de l'intime, des autres, de l'imaginaire et du réel et qu'il y ait un systématisme de cette littérature exposée,c'est dommage. Mais je suis un jeune vieux réac et ma position n'est peut-être pas la bonne. Je n'aime pas cette culture où tout est traumatisme, il enlève la part tragique à celui qui est véritable. Trop de ces auteurs vont par exemple identifier une claque reçue à l'école par un camarade et la comparer aux maltraitances subies à Dachau. Je ne nie pas l'horreur qu'a vécue Angot, l'identification que je peux avoir avec quelques-uns de ses passages de vie, mais elle fait de l'anodin le même paroxysme. Cela rejoint le billet suivant de monsieur Bilger et l'exemple de la "prise de risque" est parfait. À force d'exagérer sa souffrance, on ne voit plus qu'à travers elle et de façon déformée; on ne voit plus le monde. "Je ne suis qu'égoïste (c'est bien de l'être un peu) donc je souffre." J'ai entendu un soir via la télé Guy Bedos nous parler de son livre où il raconte son traumatisme d'avoir vu sa mère donner un coup de marteau à son père lorsqu'il avait quatre ans ! où ? Voila tout ce que cela donne à terme, à l'excès. Je suis traumatisé ce soir car je n'ai plus de cigarettes et que le tabac est fermé, vite un livre sur le sujet.
Pour passer au thème de l'orientation médiatique, la violence qui prolifère ne va-t-elle pas à terme finir par être majoritaire donc se banaliser et être partie prenante de la société ? C'est en cela, je pense que le droit de la victime et celui de la société se rejoignent dans la même optique. Regardons clairement le monde, le rapport de force a toujours été là. Il régit les rapports entre individus, entre sociétés. le primordial est à qui il doit être donné et ce qu'il est le mieux d'en faire. L'autorité, la contrainte sont imposés par le professeur, le policier, le magistrat, le politique ou alors l'élève, le délinquant, le grand frère, l'association de quartier. Par les démocraties européennes ou les théocraties, les régimes totalitaires. Nous sanctionnons un délit ou nous le récompensons. Nous avons pris de plus en plus cette drôle d'habitude de favoriser le plus petit nombre au détriment du plus grand alors que nous sommes en démocratie.
Trés pauvre, c'est gare de l'Est dans les cartons, pas en banlieue et c'est triste, mais nous ne pouvons pas tous être des milliardaires, par contre peu parmi nous meurent réellement de faim. Le travail, la chance, le relationnel font leur choix.
Je suis tout à fait d'accord avec vous Jean-Philippe, "l'Homme, cet animal qui a trahi" disait Cioran, comme c'est vrai. Dommage, je pense que je me sentirais bien mieux en mâle dominant avec mes femelles et mes prétendants que dans tout cet éloignement imposé par notre fonctionnement actuel. Nous devons être les seuls animaux à passer 7 à 18 heures par jour pour nous assurer le gîte et le couvert. Vous me donnez une idée, demain je cours la Lorraine en quête d'un terrain. Ce sera le plus facile à trouver, les compagnons de vie, ce sera autre chose.
Bien amicalement à tous
Rédigé par : LEFEBVRE | 11 octobre 2006 à 03:01
Marcel, évidemment je suis nulle en droit . Mais l’idée que je me fais de la Justice, c’est qu’elle remplit le rôle du TIERS entre d’une part, un délinquant et une victime, et d’autre part, entre un délinquant et la société. Dans ce que vous nous dites, il y a uniquement le chiffre 2, la société, les délinquants… les délinquants, la société.
La société, c’est par la médiation de la Justice qu’elle affirme ses valeurs, qu’elle juge et sanctionne l’agresseur et qu’elle se protège.
De tout ce que vous écrivez, j’ai retenu ceci : " la cité a institué les magistrats pour qu'ils en écartent les éléments nuisibles ".
Je vous réponds. Enfin, c’est plutôt dans les mots de Philippe que j’ai trouvé une réponse. C’était en mai dernier, dans une note, quand il nous parlait des magistrats " si proches et si lointains ":
" je suis stupéfié par l'incroyable richesse, la formidable intensité de ce métier, de cette passion de comprendre l'humain et ses dérives, de cette volonté de sanctionner le pire pour préserver le meilleur. Le magistrat est amené, sans cesse, à épouser tous les méandres de l'existence, à apprivoiser la sauvagerie pour l'analyser, à ne pas être dupe de la finesse d'esprit pour ne pas se laisser séduire, à contempler froidement , avec une émotion cachée, les chiffres et le sang, les listing et les morts (…) La justice, ce peut être cela aussi. Tenir les deux bouts de la chaîne. N'avoir pas une vision hémiplégique de la politique et de la société "
Je suis parfois en désaccord avec ce qu’il écrit. Mais ce qui est sûr, c’est que je préfère, et de très loin, sa définition du magistrat à la vôtre. Et c'est une chance que sur ce blog, lui, M. Schricke et d'autres nous parlent de cette justice-là.
Pour revenir à notre différend sur l’emploi de certains mots. Il y a des mots qui sont aussi de la violence. Il ne faut pas les transformer en slogan
Rédigé par : Véronique pour Marcel | 10 octobre 2006 à 21:12
LEFEBVRE, d’une façon très générale et en deux mots, je crois qu’on peut parler d’un écrivain quand celui-ci , s’exprimant en son nom , nous dit ce que nous sommes. Le seul rapport possible avec la littérature est de l‘ordre de l‘intime. Ce qui, à vous, vous parlera , à moi, peut-être, ne parlera pas, et inversement. Pour bon nombre d’écrivains les mots les sauvent d’un naufrage. Ainsi écrire peut agir comme une bonne dissuasion pour justement éviter une psychanalyse.
Je suis d’accord avec vous. C’est mieux que les policiers aillent dans les quartiers et partout où ils sont utiles. Mais, sans la télé.
M. Schricke nous dit l’importance pour un délinquant d’être sujet. De la même manière il doit être important pour une victime d’être sujet. Les policiers également ont le droit d'être sujets. Les télés et les JDD, dans les trois cas, ils finissent pas n’en faire que des clichés.
Rédigé par : Véronique pour LEFEBVRE | 10 octobre 2006 à 19:45
trop content de voir qu'Yves Duel se dit d'accord ( voir plus haut là là loin de tout hoooooo ? ) avec moi , petit CNVI " Cactus non volant identifié " sur ce blog que j'aime élire ( que je rêve "délire" politique toujours si juste aussi grâce au doux son de vos lyres si lyriques même si parfois désaccords hééé - vous me l'accordez ? -) !
Rédigé par : cactus pour Yves Duel | 10 octobre 2006 à 15:42
un peu de tendresse dans ce monde si brut ( je n'ai pas dit "de brutes" , prudent :-)
"Garance, je veux dire Arletty folle de Jean-Louis...."
Murat ? :-)
amicalement vôtre au fait :
de beaux souvenirs cinémas cinémas ( Garance-JLB/JLB ) !
sinon le cinéma a le feu depuis peu donc on reste dans notre sujet déjà consterné !
Rédigé par : cactus pour Véronique | 10 octobre 2006 à 15:25
Marcel, je n’ai pas vraiment le temps maintenant. Mais, s’il vous plaît, ne reprenez pas ce mot hideux de « racailles ». Nous avons la chance d’avoir ici les éclairages très éclairants d’un magistrat plus qu’estimable. Ne la gâchez pas ! je vous reparle de cela bientôt.
Rédigé par : Véronique pour Marcel | 10 octobre 2006 à 10:03
Avez-vous remarqué, Alain Schricke, comme nos animaux de compagnie se portent en général fort bien jusqu'au derniers instants de leur vie ? Mon chat n'éternue jamais, il vit dehors, dedans, et vieux encore. Oui mais voilà, il ne vit pas contre sa nature profonde. Contraint de vivre en bande dans un chenil de plus en plus exigu, mon chat tomberait malade, son poil se ternirait, ses blessures, nées d'incessantes bagarres pour une misérable arête de poisson, s'infecteraient.
L'être humain vit contre sa nature profonde. Grand singe, sa nature est de vivre en petits groupes familiaux. Contraint, par les incertitudes de l'évolution de son intellect, de vivre en groupes sociaux de plus en plus grands, l'homme a contracté des maladies pour son corps, pour son esprit, pour son groupe social. La délinquance est l'une de ces maladies incurables, consubstantielle à la promiscuité sociale. A mesure que la complexité sociale se densifie, la délinquance développe des résistances aux remèdes et de nouvelles formes mieux adaptées. La préhistoire n'est pas terminée dans ce domaine où nous pensons soigner lorsque nous ne pratiquons que des exorcismes, en appliquant des punitions au mal. Mais le mal, tout nietschéen le sait, est insensible à la punition. Oui, faute de pouvoir soigner une maladie, il faut apprendre à vivre avec le moins mal possible.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 10 octobre 2006 à 09:45
Alain,
Quand je vous lis évoquer « l'environnement et l'histoire » des délinquants, ne pipant mot sur leurs choix et leurs conséquences sur ledit environnement, ou encore « l'opinion publique » qui selon vous devrait « réflechir aux causes profondes de la délinquance », je m'interroge.
Pensez-vous que les citoyens devraient se préoccuper de la vie des casseurs ? Pensez-vous que les citoyens ont tort d'avoir pour volonté première que l'on « passe le kärcher », qu'on les « débarrasse des racailles » ?
J'ai la vague sensation qu'en droit pénal comme en beaucoup d'autres matières, nous avons allégrement joué aux apprentis-sorciers. Partis de l'idée sensée que se contenter d'écarter les éléments nuisibles de la société ne pouvait être pleinement satisfaisant, qu'il fallait dans la foulée tenter de les réadapter socialement, nous avons conféré au domaine pénal une importante dimension rééducative. A présent, il semblerait que cela soit scandaleux de rappeler que l'attente première des citoyens vis-à-vis de la justice pénale, c'est qu'elle protège les citoyens contre les délinquants et criminels : pas la rééducation des délinquants, la protection des autres. Car la raison sociale de la justice, c'est l'abandon du droit individuel à se faire justice (prenant souvent la forme de la vengeance). La justice pacifie les conflits en rendant des jugements neutres tranchant les conflits.
Concernant les racailles, on observe que les résultats ne sont pas au rendez-vous, vu le taux de récidive et les proportions du phénomène. On peut bien disserter sur l'opinion publique qui ne comprendrait pas toutes les subtilités du sujet. La cité n'a pas créé les magistrats pour qu'ils affirment être détenteur de la connaissance des subtilités cachées du monde, la cité a institué les magistrats pour qu'ils en écartent les éléments nuisibles. De même, la cité n'a pas créé les élus pour qu'ils soient des pédagogues qui décident à leur place et expliquent ensuite leurs choix (très à la mode sous le gouvernement Raffarin, un gouvernement avec à sa tête un vice-président de Démocratie Libérale, un parti ultra-minoritaire en France, plus confidentiel que LCR et le FN - lettre par tel ministre, bouquin par tel autre), la cité a institué les élus pour qu'ils la représentent (cf. Constitution de 1958, article « souveraineté ») et l'incarnent.
Face à cela, soit on estime que les magistrats ne font pas leur boulot, soit on estime qu'ils n'en ont pas les moyens.
Il faudrait néanmoins qu'on se mette d'accord sur un point : la compréhension et la réadaptation, c'est du luxe. De fait, l'essentiel devrait être la protection des citoyens, le maintien de l'État de droit. Si on ne peut pas tout faire, qu'on commence par là. On verra ensuite.
Ensuite, on parlera de la question des moyens. De leur manque et aussi de leur emploi. On dit notamment que les prisons sont des lieux de formation pour la délinquance. On évoque la surpopulation carcérale. On oublie d'évoquer et de s'inquiéter du fonctionnement même des prisons qui par exemple admettent que des individus aient le droit à un luxe supplémentaire (télévision par exemple) en fonction de leur argent. Même en prison, le fric change la donne. Là, ce n'est pas une question de moyen, c'est une question de choix. On pourrait dire qu'on supprime les télévisions individuelles et qu'on place des télévisions dans des lieux communs, avec sélection des programmes diffusés. Il y a mille petites choses dans ce genre qui pourraient être changées, avec les moyens du bord. Des petites choses qui incarneraient l'égalité, qui incarneraient le souci de transformer la période d'écrou en une période d'exigence et non de laisser-aller (Je suis certain que de nombreux gardiens de prison doivent avoir des idées qui pourraient améliorer le cadre dans la perspective stricte de supprimer tout avantage lié à une question financière et d'éviter toute situation d'abandon).
Il paraît manifeste que la fin de cette forme de délinquance n'est pas pour demain. Mais à mon sens, il est temps de virer de bord et de considérer comme prioritaire le bien-être des victimes et non des délinquants, en usant de la peine d'emprisonnement systématiquement lorsqu'on n'a tout simplement pas les moyens d'éviter la récidive (ça fait rire jaune certains fonctionnaires de police de voir sur la voie publique le soir même les individus qu'ils ont interpellés en flagrant délit la nuit précédente, ça doit d'autant moins amuser les victimes de ces infractions - je ne parle même pas des conseillers d'insertion et de probation qui doivent suivre 1000 individus à la fois, absurde) et de poursuivre la politique de construction de prisons (Victor Hugo disait qu'il faut construire des écoles pour éviter de construire des prisons : assurément, il ne vivait pas dans un monde où l'on incendiait les écoles) tout en remettant en question tout ce qui dans le fonctionnement carcéral permet la loi de l'argent et la loi des bandes.
Bien sûr, il faudrait dans la foulée un programme ambitieux de BTP autre que pénitentiaire consistant à casser tous les grands ensembles, à éparpiller et à éviter les grandes concentrations de population à faible niveau d'éducation et fort taux de chômage. Mais l'un n'empêche pas l'autre et la politique pénale ne saurait attendre que l'ensemble des autres problèmes sociaux en France soient résolus, notamment parce qu'elle est dans de nombreux cas facteur d'aggravation.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 10 octobre 2006 à 09:21