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30 novembre 2006

Commentaires

LEFEBVRE

@ Ségo,
Je pense que l'affaire d'Outreau est un révélateur, un déclencheur, non une cause en elle-même.
La responsabilisation par la responsabilité ne peut qu'engager au professionnalisme, enlever la tentation d'un dilettantisme, d'un corporatisme, d'une justice de classe, de la non mise à l'écart en cas de maladie...
Elle engage le magistrat à l'essentiel : la justice.
Il est paradoxal qu'un homme avec des destins dans toutes les parties en main ne puisse être contrôlé facilement, sanctionné le cas échéant.
Que dire du malheureux juge qui perd la raison en cours de route et continue d'exercer ?
L'aliénation institutionnelle est que ce ne fut pas le cas dès la genèse, qu'il faille une prise à témoin de la vox populi dans l'affaire d'Outreau pour remettre enfin le Droit en place.
Je comprends la peur d'un futur légiste, la colère d'un autre en place cependant il serait plus sain de remplacer ce privilège d'impunité par un autre, par exemple un salaire bien plus élevé comme reconnaissance positive de la compétence requise et un fond de soutien financier pour le magistrat écarté pour raison de santé.
N'oublions pas la sinistre nature humaine, notre manque de maturité naturelle et n'ayons pas l'outrecuidance de croire ab absurdo que le représentant de la justice pourrait être privé de tares si répandues, l'affranchissement apporte la tentation, non ?

Mm

On a partout favorisé le savoir au détriment du savoir-faire.(ex voir tous les jeunots bardés de diplômes , mais véritables amateurs que l'on trouve dans les cabinets ministériels)
Parce qu'à la fin il faut nécessairement agir, le savoir-faire doit être prépondérant.
On ne doit pas confier l'acte de juger à qui ne sait apprécier, de la même manière que l'on ne confie pas sa vie à celui qui ne sait tenir un bistouri.
Par conséquent une responsabilité accrue doit "grandir" celui qui a déjà montré sa capacité à juger, mais doit écarter ceux qui n'en seront peut-être jamais capables.
Mais il ne faut pas oublier que le véritable problème, c'est quand même d'éviter toute catastrophe, et personnellement, j'attends toujours un bouton "arrêt d'urgence".

Marcel Patoulatchi

Ségo,

Je ne savais pas que les magistrats passent des épreuves sportives. Pour ma part, je trouve que c'est une bonne chose. Ca n'a aucun intérêt professionnel, probablement pas plus que pour la plupart des commissaires de police, d'ailleurs. Mais on peut dire exactement la même chose de la culture générale, qui concrètement ne sert à rien sinon d'ouvrir les hommes vers des horizons inconnus (Mens sana in corpore sano ?).

Vous dites que vous pensez que « juges savent que leurs actes comptent et n'ont pas besoin de cette responsabilité pour en être conscient », tout en affirmant qu'il faudrait ne donner de telles responsabilités qu'aux magistrats déjà expérimentés. Voilà qui est contradictoire. Un bon système n'est pas un système qui repose sur l'excellence d'une poignée de ses membres mais sur sa capacité à éviter que ses mauvais éléments soient trop nuisibles.

Concernant la fonction de juge d'instruction, c'est un débat que nous avons déjà eu sur ce blog, je dirais pour ma part que je ne vois pas le problème à rechercher la vérité telle qu'elle est, et non pas une charge ou une décharge. Il ne me semble pas que cela soit aussi impossible, je crois même que c'est le sens de toute démarche scientifique. Or je crois qu'une affaire judiciaire n'a pas de raison d'être traitée autrement dans le volet de la déclaration de culpabilité ou d'innocence que comme une démarche scientifique, c'est-à-dire une démarche où l'on tend vers l'établissement d'une vérité en fonction d'un raisonnement logique s'appuyant sur une démonstration vérifiable. Va t-on dire au chercheur en sciences humaines qu'il peut nous publier une thèse à charge en ignorant à dessein les éléments à décharge ? Non. Je ne vois pas pourquoi un magistrat instructeur en serait incapable. Si on pense vraiment qu'il en est incapable, alors peut-être devrions-nous supprimer la fonction même de juge d'instruction au profit des services de police - ce qui nécessiterait aussi d'assurer une indépendance complète de certains de ces services. Mais doit-on supprimer une fonction sur la base de l'expérience d'un abus de cette fonction ?

Quant à l'absence de changements à venir, je ne vois aucune proposition de changement venant de la part d'une certaine tendance qui n'est sans doute pas loin d'être majoritaire, une tendance qui souvent s'adonne à la désobéissance aux lois lorsque son idéologie lui dit que cela est bon. Je crois que de ce côté-là, il n'y a en effet rien à attendre. Dans la tendance majoritaire, il semblerait aussi qu'il n'y ait aucun consensus, puisque nous avons tout de même un garde des Sceaux qui à l'heure d'Outreau nous proposait une réforme non pas sur l'instruction mais sur l'enquête de police, notamment la garde à vue, ce qui me semble assez significatif.

Véronique,

Je vous rejoins tout à fait à propos des JAF. Je ne pense pas qu'il faille avoir vécu une situation pour pouvoir correctement l'appréhender, ça peut être même tout à fait le contraire.

Concernant les citations d'auteurs célèbres, disons qu'elles suggèrent des connaissances. Mais elles ne sauraient faire le tout. Je ne pense pas que ce soit le cas, je pense juste que le nombre de postes offert aux concours est si largement inférieur au nombre de postulant que les moindres bêtises servent pour discriminer des copies qui sont pour la plupart largement au-delà du niveau demandé.

Jean-Philippe,

Je ne sais comment se passe l'oral du concours d'entrée de l'ENM, mais dans beaucoup d'autres concours (Education nationale, police nationale), l'oral est largement consacré à des mises en situations plus ou moins subtiles, permettant d'évaluer la capacité du postulant à appréhender certaines situations. Il me semble que cela convient mieux à un oral qu'à un écrit, puisque l'oral permet d'adapter les questions au profil du postulant, de creuser au fil de ses réponses. Transposés à l'écrit, de tels questionnements feraient sans doute plus figure de QCM stupide que de réel révélateur.

Véronique pour jean philippe

jean philippe

" Comment peut-on être un bon JAF ou un bon juge des enfants si on n'a pas encore sa propre famille ? "

Par exemple, je n'ai pas fait de prison, ni mon entourage proche, mais j'ai quand même, en tant que citoyenne et personne humaine, un point de vue sur la question.
Votre argument ne me semble pas convaincant.

" A l'heure actuelle dans la majorité des concours (l'ENM n'y échappe pas) on sélectionne d'abord les candidats sur leurs capacités à citer Simone Weil, Ulrich Beck, Michel Foucault (...)"

C'est important aussi, des références de cet ordre-là. Une technique a besoin d'être irriguée par des sources théoriques.
Les sciences humaines sont également d'excellents apports pour, par exemple, réfléchir à la notion du pouvoir et pour apprendre à le maîtriser. Même, si naturellement, elles ne font pas tout.

Ségo

Je rejoins l'avis de jean-philippe sur la pertinence du concours d'entrée à l'ENM et pas seulement sur le fait que les étudiants doivent être des dictionnaires à citation mais également sur d'autres épreuves dont on peut se demander la pertinence ( notamment les épreuves sportives pour ne citer qu'elles ). On peut en effet s'étonner du fait que les futurs magistrats doivent réaliser des lancers de poids ou des courses de 100 mètres. Quel est l'intérêt de ces épreuves ?
Ne ferions-nous pas mieux de recadrer ce concours ainsi que la formation tant antérieure que postérieure à ce concours ?

De plus je crois que les juges savent que leurs actes comptent et n'ont pas besoin de cette responsabilité pour en être conscient.

Enfin, la fonction de juge d'instruction ne doit-elle pas être remodelée ? Comment voulez-vous demander à une personne d'instruire sérieusement à charge tout en essayant de trouver des éléments à décharge ? Est-ce réellement un travail réalisable pour une seule et même personne ?
Je pense qu'il faudrait, pourquoi pas, mettre un juge chargé d'instruire à charge et un autre d'instruire à décharge car on voit bien que les avocats sont assez démunis face à un juge peu enclin à voir son avis contrarié.
Ensuite ces 2 juges pourraient se réunir et échanger leurs avis sur le dossier et conclure soit à la poursuite soit à l'absence de celle-ci.

De toute façon, rien ne changera d'ici les prochaines éléctions et je crois que rien ne changera au bout du compte. D'une part parce qu'aucun politique n'aura le courage de s'attaquer à cette tâche et d'autre part parce que l'opinion publique aura complètement oublié cette question à moins d'un nouveau scandale judiciaire d'ici là.

jean philippe

@ Marcel Patoulatchi

Je sais bien, le concours à lui seul ne va pas régler tous les problèmes mais il peut en régler une bonne partie en l'utilisant de manière efficace. A l'heure actuelle dans la majorité des concours (l'ENM n'y échappe pas) on sélectionne d'abord les candidats sur leurs capacités à citer Simone Weil, Ulrich Beck, Michel Foucault (...) que sur leurs capacités à appréhender des situations complexes.

Quant à l'âge je suis sceptique. Comment peut-on être un bon JAF ou un bon juge des enfants si on n'a pas encore sa propre famille ? La magistrature nécessite une certaine sagesse et une certaine capacité à réflechir sur la société et ça on ne l'apprend pas dans les livres. On fait souvent le grief (parfois sans raison) que les magistrats sont éloignés du peuple, raison de plus pour favoriser le recrutement de personnes plus matures.

Pour revenir à l'affaire d'Outreau, je pense que le juge Burgaud a voulu bien faire son travail, mais ses erreurs (qu'il n'est pas le seul à avoir commis j'insiste sur ce point) traduisent son manque d'expérience de la vie, sans doute ne s'est-il pas rendu compte de la capacité des enfants à mentir surtout quand ils sont manipulés. Et puis lorsqu'on parle de cette affaire il ne faut pas écarter sa complexité, peut-être aurions-nous fait pire.

Marcel Patoulatchi

Ségo,

Le législateur précise depuis 2001, sauf erreur de ma part, que l'instruction se fait à charge et à décharge. Or (cf lien donné dans mon commentaire que je viens de poster à l'adresse de Parayre), le magistrat instructeur de l'affaire d'Outreau semble s'être largement abstenu de s'intéresser aux éléments à décharge.

Vous avez raison de le dire, il est fort possible que sans l'affaire d'Outreau nous ne parlerions pas ceci. Mais avec des si, on peut tout - et donc on peut rien.
Cette affaire a eu lieu et on s'est rendu compte que notre justice s'est largement plantée, notamment du fait d'agissements de certains, et on doit en tenir compte.

Je ne crois pas que les étudiants soient moins compétents que d'autres. Qu'on ne se méprenne pas, je ne dis pas que l'expérience est une chose inutile. Je dis juste que parfois l'expérience est une piège énorme, car l'expérience peut aussi être un misérable petit tas de mauvaises habitudes. Je dis aussi que l'expérience ne saurait se cantonner à une expérience professionnelle, en particulier dans des métiers qui touchent l'humain. Et je crois que l'âge ne joue que partiellement dans l'expérience humaine que chacun peut avoir. Je reprends l'exemple du commissaire François-Xavier Masson, il a a priori dû faire des études similaires au juge d'instruction Fabrice Burgaud. Comme lui, il a dû avoir une formation qu'on peut considérer tout à la fois courte et longue. Pourtant, l'un des deux semble beaucoup plus fiable pour mener à bien une procédure. Sans doute le commissaire bénéficiait-il du fait qu'il n'est pas seul, qu'il travaille en équipe. Mais son exemple dément l'idée que ce n'est qu'une affaire d'âge et d'expérience professionnelle.

Je pense que c'est sans doute tout à fait illusoire de croire que la formation peut tout. Je pense au contraire que la responsabilisation peut énormement. C'est lorsqu'on sait que nos actes comptent, qu'on doit les justifier, qu'on tend vers l'excellence. Pas lorsqu'on joue à l'enfant, à l'assisté, et qu'on remet toujours sur autrui (la formation, en gros, une entité impersonnelle de plus qu'on peut blâmer à souhait) les conséquences de nos actes.

Aussi, je ne pense pas qu'il faille blâmer l'excitation populaire à ce sujet, ni sa récupération politicienne. Tous les fonctionnaires doivent des comptes à la Nation, elle est en droit de les demander. Il ne faut pas s'y opposer, au contraire, il faut aller de l'avant. Ca ne signifie pas se laisser flageller, ça signifie justifier ses actes et donc agir de manière justifiable. Et non pas revendiquer une infaillibilité quasi-pontificale

Marcel Patoulatchi

Parayre,

Le CSM parlait notamment d'« adoption de méthodes d'investigation peu propices à l'émergence d'éléments à décharge » (http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0%402-3226,36-806374%4051-806446,0.html )

Sauf erreur de ma part, l'IGSJ et le CSM sont tenus par les règles disciplinaires en vigueur. Il ne leur suffit pas de constater ce qui peut apparaître comme fautif, il leur faut s'en tenir à ce qui en l'état actuel des choses est considéré noir sur blanc comme fautif. Je ne crois pas que le garde des Sceaux, lui-même juriste, aurait saisi le CSM si rien dans le rapport de l'IGSJ ne l'avait choqué, même sachant que l'état actuel des règles disciplinaires ne permet aucune sanction.

Concernant votre exemple, je pense que ce président méritait un rappel à l'ordre, si on prend en considération le fait qu'en connaissance de cause il a entravé le fonctionnement de la Justice. Ce n'est pas gratuit pour la société de faire se prolonger les procédures, de rendre nécessaire les pourvois etc. Un président de tribunal devrait le savoir et en tenir compte. Et ce n'est pas au magistrat d'arbitrairement réinventer le code pénal quand il le souhaite.
Donc, en effet, une sanction ne m'aurait pas choqué. Ceci étant dit, vu le maigre dommage causé, un simple blâme aurait sans doute suffi. Nous parlons bien de sanctions proportionnelles à la gravité des torts causés.

Parayre

@Marcel Patoulatchi : je connais et apprécie votre exigence factuelle : en quoi F. Burgaud a contrevenu aux principes directeurs de la procédure pénale ?

Une chose est - je ne pense pas à vous - de soutenir cette affirmation et une autre est de la démontrer comme l'IGSJ du reste n'a pu le faire .


J'ai , après l'entrée en vigueur du nouveau code pénal , été amené à requérir aux assises dans une affaire sordide de meurtre - 28 coups de couteau, tête de la victime quasi-séparée du tronc - commis et reconnu par un jeune majeur de 18 ans totalement immature et surtout quasi-débile .

Dans mes réquisitions , au regard de l'âge mental et réel de l'accusé ,j'ai, tout en l'expliquant , requis vingt années de réclusion criminelle , estimant que la sanction maximale, trente ans, n'était pas opportune .

Au retour du délibéré , la Cour , par la voix de son président - un magistrat madré et à mes yeux remarquable - a prononcé une peine de vingt-deux années totalement illégale puisque en matière de meurtre - c'est différent en cas d'assassinat - la peine immédiatement applicable après celle maximale de trente ans est celle de vingt ans .


Alerté par mes soins , le président , l'audience levée et le verdict prononcé ,m'a révelé que "sidéré "par la gravité objective des faits et convaincu , avec le jury , que la peine maximale n'était pas souhaitable , avait pensé que celle de vingt-deux était effectivement adaptée .Ce président , il est vrai dans les premiers mois du nouveau code pénal , n'avait pas su , encore une fois , s'abstraire de la gravité du crime et avec les jurés s'était laissé aller à ne pas alerter " sa cour " sur la peine juridiquement applicable .

J'ai formé un pourvoi - à l 'époque le double degré n'existait pas - et la cour de cassation , sans renvoi , a ramené la peine à vingt années .

Pensez-vous que ce président méritait une sanction disciplinaire ?



Ségo

Erreur d'approche dites-vous ? je me demande comment notre législateur pourrait définir une telle erreur vu les difficultés qu'il éprouve à définir d'autres notions plus simples à cerner.
D'autre part, vous parlez de violation de principes directeurs du CPP mais a priori le juge Burgaud, dans l'Affaire d'Outreau, a-t-il violé ces principes ? J'en suis pas sûr et si c'était le cas, que dire alors de l'attitude de tous les autres magistrats chargés si ce n'est de le surveiller, de l'encadrer et de vérifier au bon fonctionnement de l'instruction.
Ils n'ont rien vu ? N'y avait-il rien à voir ? Ont-ils fermé les yeux ?
Et sans l'Affaire d'Outreau serions-nous là à discuter de cette responsabilité des juges ?
Je crois que la France a plus l'habitude de réagir que d'agir et qu'elle se réveille au lendemain de chaque scandale judiciaire pour dénoncer une justice qu'elle ignore la plupart du temps ou qu'elle estime l'autre part du temps.
Le problème ne vient-il pas non plus de la formation des juges à l'ENM. Voici de jeunes étudiants fraîchement sortis de 5 ans de fac à "se bourrer" le crâne de tonnes et des tonnes de cours et de bouquins sans jamais avoir aucune idée de ce qui les attend une fois arrivés à l'ENM et pire une fois nommé magistrat. Et c'est au bout de plus ou moins 3 ans de formation que nous "balançons" littéralement ces jeunes à aborder des affaires trop lourdes pour un jeune juge d'instruction.
Je ne cherche pas d'excuse à M.Burgaud mais j'essaye de comprendre ce qui a conduit ce jeune juge à faire ces erreurs d'autant plus que je prépare cette année le concours d'entrée à l'ENM.
Et je ne crois pas que c'est en proposant une responsabilité des juges que ces erreurs seront évitées bien au contraire. Cela n'aura d'autre conséquence que de jeter encore plus de discrédit sur cette fonction et d'enfoncer encore plus un magistrat qui se serait "trompé".
En résumé, à quoi servirait une responsabilité des juges si ce n'est calmer l'excitation de certains hommes politiques et citoyens occasionnée par le drame d'Outreau.
La vraie réforme serait de se demander ce que nous pourrions faire en amont pour éviter ce genre d'erreur plutôt que de se contenter de ces erreurs et de couper la tête au 1er magistrat qui aura fauté.

Marcel Patoulatchi

Sbriglia,

Peut-on dire que tout va bien quand on nous annonce qu'un magistrat n'a manifestement pas tenu compte de certains principes directeurs de la procédure pénale et que pourtant on ne peut considérer cela ni comme une faute disciplinaire ni une faute pénale ?
Les différents degrés de juridiction ont permis à l'affaire d'Outreau de se régler, certes. Mais peut-on se contenter de se soucier du fait judiciaire sans se soucier des méfaits du personnel judiciaire ? Existe t-il une seule profession hormis la magistrature où l'on puisse pertuber considérablement le cours des vies humaines sans avoir de comptes à rendre ?

sbriglia

"Pour tout dire, je m'accroche à cette grossière erreur d'appréciation trop vite abandonnée. Le caractère à la fois vague et précis de cette notion aurait heureusement permis la mise en oeuvre d'une responsabilité souhaitable et aurait protégé les magistrats de toute interprétation mécanique."

Mais pour la "grossière erreur d'appréciation" il y a les degrés supérieurs de juridiction : tous les jours, en appel, des avocats plaident la "grossière erreur d'interprétation" des premiers juges et parfois, obtiennent des décisions réformatrices voire infirmatives... Il me semble que c'est la quadrature du cercle, tant le (salvateur?) double degré de juridiction est ancré dans notre mémoire judiciaire:quelles sont les juridictions et les magistrats qui auraient du être sanctionnés dans l'affaire Dreyfus ?...Et comme dit Eolas de manière pertinente, qui pourrait croire qu'à cette aune le Juge Burgaud devrait être sanctionné, alors même que de multiples décisions de jurictions supérieures ont entériné ses errements...l'errement n'est pas toujours "grossier", il n'en est pas moins aussi lourd de conséquences lorsqu'il se pare des habits du raffinement.
Je ne suis pas convaincu, vraiment pas!

Marcel Patoulatchi

Ségo,

Chaque erreur grossière doit être sanctionnée. Lorsqu'un magistrat méconnaît le code de procédure pénale dans ses principes directeurs et que cela cause du tort à des humains, on peut sans trop de difficultés penser à la définition de la faute d'imprudence, pénalement répréhensible : une défaillance par rapport à une norme de conduite.
On doit être capable de distinguer une erreur d'approche et une erreur de résultat. On ne peut avoir de garanties de résultats, trop de paramètres incontrôlables entrent en ligne de compte. Mais on peut avoir des garanties de méthode. Je ne vois même pas l'intérêt de la procédure si ce n'est pas d'offrir de telles garanties.

En ce sens, je ne crains pas de voir des juges ne plus rien faire : l'inaction serait aussi une grossière erreur manifeste.

Je ne dis pas que cela va faciliter le travail des magistrats. Je ne pense pas que les métiers de « tranquillité publique » (pour reprendre les termes du dernier billet en date de monsieur Bilger) soient des métiers qui doivent être faciles, je ne conçois pas que de tels métiers puissent être choisis par recherche de la facilité. Je ne conçois pas non plus qu'on puisse jouir de pouvoirs sans avoir à rendre des comptes de l'usage que l'on en fait.


Ségo

Marcel Patoulachi,

je suis en partie d'accord avec vous quand vous dites que ce n'est pas parce que la perfection n'est pas de ce monde qu'il ne faut pas agir et responsabiliser voire sanctionner ces magistrats qui ont fait des erreurs.
Mais en même temps, qui peut engager la responsabilité de ces juges qui ont "fauté" ? nous citoyens, eux magistrats, le CSM ?
Chaque erreur doit-elle être sanctionnée ? si non comment faire la différence entre une faute méritant sanction et une autre ne la méritant pas ? et comment justifier cette différence ?
Je ne suis pas sûr que mettre en oeuvre une responsabilité des magistrats les aidera à "mieux" rendre la justice mais bien au contraire je crains les effets pervers de cette proposition à savoir des juges devenus accusés. Et surtout des juges confinés dans une crainte de rendre la justice et de se tromper car au final personne n'est jamais sûr à 100%. Et ne risquerions-nous pas, avec cette idée de responsabilité, de voir des juges ne plus oser rien faire, dans cette peur de voir cette épée de Damoclès leur couper la tête, et relâcher le 1er quidam qui aura réussi à se jouer de ces effets pervers de la responsabilité des juges.
Enfin, cette responsabilité intervenant a posteriori des erreurs judiciaires, elle ne changerait rien quant aux risques d'erreurs contre lesquelles elle est destinée à lutter.
Je crains que les erreurs soient inévitables et que responsabiliser les magistrats ne changera rien et même au contraire pourrait présenter par ses effets pervers de nouveaux problèmes tout aussi graves et bien plus récurrents que les quelques erreurs judiciaires qui émaillent notre histoire judiciaire.

doc

L'âge fait référence au temps nécessaire aux acquisitions minimales et à l’expérience qu’apportent les années.

Cela ne veut pas dire que des personnes plus âgées soient aptes à la fonction par ce seul critère mais améliorer la formation peut permettre à mon avis d'éviter d'amener trop de médiocrité aux postes à responsabilité.

Pour le problème sémantique lié à mon emploi du terme policier, j'ai déjà répondu avec l'exemple de ce colonel de gendarmerie par rapport à son état initial de sous-officier donc si on veut faire des amalgames, libre à chacun.

Enfin une Ecole (celle de Saint-Cyr au Mont d'Or) dont les diplômés sont reconnus par mon contradicteur, merci pour eux.

Marcel Patoulatchi

Jean-Dominique,

Les études qui montrent que la sécurité croit dans la suspicion systématisée entre les maillons de la sécurité comptent-elles le surcoût engendré par cette méfiance à tous les étages.
Ceci me fait penser à certains débats historiographiques sur la nature du régime nazi. Pour certains, c'est la nature désorganisée du pouvoir nazi qui fut un catalyseur énorme de ses velléités génocidaires. La méfiance et l'envie des uns de surpasser les autres aurait poussé ce régime aux extremités que l'on sait.
La généralisation de la suspicion peut certainement éviter certains dérapages mais ne risque t-elle pas d'en engendrer d'autres, de pires ? Nous parlions récemment de l'affaire Villemin sur ce même blog : la méfiance entre PJ et Gendarmerie n'a t-elle pas oeuvré au pire ? Dans l'affaire Mesrine (un téléfilm récent en parlait, paraît-il - je ne l'ai pas vu), la méfiance entre l'OCRB de Lucien Aimé-Blanc et la BRB de Robert Broussard fut-elle sans frais ?

Vous dites sans doute à raison que la notion de responsabilité des juges s'adresse plus à des magistrats d'excellence. C'est aussi le cas de la notion de responsabilité individuelle au sens large, elle s'adresse à de dignes citoyens, ce que ne sont assurément pas réellement tous nos concitoyens. Mais on peut penser que ces notions ont des vertus d'émulation. Et, à défaut, de filtrage a posteriori. Car vous dites que la médiocrité n'est pas une faute professionnel : il ne tient qu'à nous citoyens de décider que la médiocrité devrait être critère de fin de contrat pour n'importe quel fonctionnaire.


Jean-Philippe,

On ne peut vérifier que l'aptitude d'un homme à appliquer des règles et à comprendre des situations. Je ne pense pas que les concours sont incapables à ce niveau. Mais c'est trop demander à un concours que d'attendre qu'il puisse vérifier l'aptitude d'un homme à être bon praticien au long cours.
Pour moi ce n'est pas clair, qu'on ne puisse pas devenir magistrat à 25 ans. Je ne crois pas que l'âge soit critère validant ou invalidant. J'observe qu'il y a des abrutis et des gens bien de tout âge - j'en ai vu suffisamment. Parfois même l'âge est le seul gage de qualité de certains, et c'est terrible, car ça signifie une carrière entière au détriment de leur fonction. L'expérience vient par l'expérimentation, on devient forgeron en forgeant, pas en se contentant de brasser le houblon par peur de mal battre le fer tant qu'il était chaud.
Pour en venir au concret, l'affaire d'Outreau, c'était un jeune magistrat incompétent. C'était aussi un vieux magistrat (le procureur) qui dans l'affaire en question ne semblait pas relever le niveau. C'était aussi un jeune commissaire de police (oui oui, je sais doc, de niveau intellectuel inférieur) qui semblait tout à fait pertinent. Je ne crois pas que l'âge soit le critère qui aurait permis de faire le tri entre ces hommes.


(Concernant le commentaire « Affaire Philippe », je ne trouve pas que le site donné en lien mette en lumière de manière flagrante un scandale ; je n'ai peut-être pas consulté les bonnes pages)

Ségo,

« Qui n'a jamais commis d'erreur dans son boulot leur jette la première pierre. » dites-vous. Et moi je vous réponds : et alors ? Quand quelqu'un fait mal son boulot, doit-on faire comme si de rien n'était au prétexte que la perfection n'est pas de ce monde ? Comment limite t-on les dérapages, si on se refuse à les sanctionner ? Comment peut-on exiger un travail de qualité si on sanctionne de la même manière la qualité et la médiocrité ?

doc

S’il est juste de responsabiliser le Magistrat, il l’est encore plus de lui donner les moyens de ne pas fauter dans son exercice professionnel.

Cette prévention de « l’erreur » passe en premier par des moyens financiers plus importants.

Ces crédits permettront d’étoffer les greffes et tous les personnels qui travaillent et secondent le Magistrat dans sa tâche (la surcharge de travail imposée par le déficit en ces personnels entraîne des fatigues et tensions, peu favorables à une bonne justice).

Il en est pareil pour un médecin qui sans aides-soignantes, infirmières, kinésithérapeutes, etc. ne peut pas faire grand-chose pour le patient.

Les finances supplémentaires doivent servir à améliorer la formation qui doit être repensée : on lâche des « gamins » de 25-27 ans dans le métier avec très peu de pratique et dans des postes où la qualité essentielle serait la maturité apportée par l’âge et l‘expérience.

Alors effectivement ces jeunes gens peuvent détruire des existences à un âge où, sauf urgence hors structure, on laisse rarement le sort d’une vie humaine à un interne.

Il faudrait à mon avis, comme le compagnonnage chez les apprentis ou l’internat en médecine, intégrer dans le cursus du futur Magistrat une formation assez longue sur le terrain, dans les juridictions sous forme de différents stages avec des tuteurs, des évaluations etc.

« C’est au pied du mur que l’on voit le maçon » dit le vieil adage mais le maçon est apprenti avant de se retrouver seul face au dit mur…

Alors jeter l’opprobre à un jeune juge ou à d’autres, relève d’une certaine lâcheté sociale.

Le courage est de ne pas accabler l’homme seul mais de remettre en cause le système qui l’a formé, permettant ce gâchis et de se doter, enfin, d’un budget pour la Justice digne de notre Nation.

Véronique pour jean philippe

jean philippe

Sauf que je n'ai pas écrit et que je n'ai pas parlé " ...de la médiocrité des centaines de Burgaud qui composent la magistrature...".

Cela, je ne le pense pas.

J'ai parlé de la responsabilité professionnelle dans le quotidien du travail, et de la nécessité des contrôles qui sont, à mes yeux, dans la mission de ceux qui encadrent.

Et pour le manque de moyens, j'ai parlé des évaluations nécessaires quant au résultat apporté par un budget (une dépense publique) consacré au matériel et au recrutement du personnel.

J'ai aussi ajouté que je pensais que mon propos pouvait s'appliquer à n'importe quelle Administration ou Fonction Publique.

Citoyen ignare

Sego,
Rendre les juges responsables de leurs actes, c'est les humaniser et les forcer à faire leur travail. L'erreur d'un juge n'est pas la même que celle du boulanger qui fait trop cuire son pain ou pas assez!
Nous sommes d'accord que personne n'est parfait. Pourquoi les juges qui ont le pouvoir de détruire des vies même par inadvertance, échapperaient à leurs responsabilités, alors que n'importe quel citoyen est responsable de ses actes?

Cactus à Véronique

oui oui : aparté réussie , donc même si pas André Cayatte concerné :-) !
j'ai revu lors de sa rediffusion l'interview ancienne réalisée par B.Rapp sur FR3 tard samedi dernier : que du bonheur !!!!!!!!!
( deux grands hommes )

Ségo

La responsabilité mais pourquoi ? pour jeter encore plus de discrédit sur les juges en les jugeant à leur tour sur des possibles erreurs d'appréciation voire d'une volonté de certains juges de se sentir plus fort que le roi et de faire de la justice une sorte de pouvoir dévastateur de citoyens avalés par le système.
Oui la justice est faillible car la justice est humaine. La jutice est rendue par des hommes et des femmes et aucun d'entre eux n'est parfait et ne peut détenir la vérité. Qui n'a jamais commis d'erreur dans son boulot leur jette la première pierre.
Les erreurs sont terribles pour leurs victimes mais ces erreurs sont inévitables et fixer une responsabilité des juges n'arrangera rien car interviendra a posteriori de la faute. La vraie question est de savoir comment le système peut prévenir ses erreurs plutôt que d'engager la responsabilité d'hommes et de femmes qui dans leur très grande majorité font de leur mieux. Cette idée de responsabilité des juges serait vécue comme une sorte d'épée de Damoclès au-dessus de leur tête qui paralyserait encore plus un système déjà bien sclérosé par les surcharges administratives qui perturbent le fonctionnement de la justice française.
Alors je dis non à la responsabilité des juges et surtout arrêtons à chaque scandale judiciaire ( qui vu les tonnes d'affaires traitées par an par tous ces juges, ces scandales sont une goutte d'eau dans l'océan judiciaire ) de vouloir réformer dans l'urgence une justice qui n'est pas si mauvaise que l'on veut si bien dire.

affaire philippe

Bonjour à vous Monsieur Philippe Bilger.

Le débat de la responsabilité de la magistrature va sûrement s'accentuer par ce que vous allez découvrir...

C'est avec plaisir et pertinence que je cite Maitre Eolas :

.../...
Votre revendication fièrement assumée de responsabilité est tout à votre honneur. Quand bien même si, à lire la définition de cette nouvelle faute, "la violation grave et intentionnelle par un magistrat d'une ou plusieurs règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties, commise dans le cadre d'une instance close par une décision de justice devenue définitive", il est facile de deviner que ce concept ne connaîtra pas beaucoup d'applications pratiques, tant l'hypothèse retenue est saugrenue. Et accessoirement, ne s'applique absolument pas aux causes de l'affaire d'Outreau.

Rédigé par: Eolas | le 01 décembre 2006 à 08:06
.../...

Merci par avance de bien vouloir prendre connaissance d'une "LETTRE OUVERTE AU FUTUR GARDE DES SCEAUX"
http://www.affaire-philippe.info/2006/11/05/lettre-ouverte-au-futur-garde-des-sceaux/ que j'ai posté a VOTRE intention dans mon blog.

En parlant (entre autre) de ".../...responsabilités éparpillées et indécelables.../..." et de l'ancien garde des Sceaux, voici une info de première main vraiment en rapport :

Dominique Perben et Nicolas Sarkozy DANS UNE NOUVELLE AFFAIRE POLITICO- JUDICIAIRE...

Qui aurait imaginé qu'en pleine période électorale une NOUVELLE affaire concernant le MINISTRE de L'INTÉRIEUR candidat a la présidence de la république NICOLAS SARKOZY aurait été divulguée en pleine campagne politique ???

Pour découvrir LES VIDEOS (+ audios) de l'impensable AFFAIRE PHILIPPE, accédez au blog officiel CLIQUER ICI...

http://www.affaire-philippe.info/

Observez les points rouges de la mappe (en bas)...

Les journalistes outre-atlantique commencent à s'y intéresser... Pourquoi pas vous ???

Y aura-t-il des "sous-mariniers torpilleurs"? :-)

Prenez votre temps pour forger votre opinion, et bonne lecture à tous!

affaire philippe

jean philippe pour véronique

Véronique lorsque vous parlez de la médiocrité des centaines de Burgaud qui composent la magistrature vous mettez le doigt sur ce qui me semble être le problème essentiel.

Je pense que c'est à cause du système de recrutement qu'on se trouve avec des centaines de Burgaud. En découvrant les travaux de la mission parlementaire j'ai compris que je n'aurais pas fait mieux ! Quand on sort d'une fac de droit ou pire d'un IEP, on n'est pas apte à juger. Le concours externe dans sa forme actuelle a plus vocation à tester le candidat sur les livres qu'il a lu que sur sa capacité à être un bon magistrat !

Pour moi il est clair qu'on ne peut pas devenir magistrat à 25 ans (et pourtant j'en ai 23 donc je ne devrais pas dire ça). Juger nécessite une expérience. C'est la raison pour laquelle j'ai cessé de préparer le concours de l'ENM pour l'examen d'entrée au CRFPA.

Véronique pour cactus

cactus, Lyon et ses orages, je les ai juste traversés.

Mais, quand je vois écrit Lyon, je pense de suite Simenon, Noiret, Tavernier et la douleur de l'Horloger de Saint-Paul.

C'était... en aparté, un petit hommage à P. Noiret.

Et aussi ce film, on est toujours dans le sujet de la Justice, non ?

Jean-Dominique Reffait

J'ai évoqué le crash d'un avion au regard de l'ensemble des procédures de contrôle qui président à la sécurité aérienne. Il a été démontré maintes fois que la sécurité aérienne est augmentée lorsqu'à chaque niveau de contrôle, celui-ci s'effectue dans la méfiance de ce qui l'a précédé.
Outreau et les autres erreurs judiciaires sont des crashs aériens, dans la mesure où les procédures de contrôle existantes et déjà prévues n'ont pas été respectées. Et, pour en connaître la nature, je puis affirmer qu'aucune de ces absences de contrôle n'est sanctionnable, parce qu'aucune n'est responsable seule de l'erreur judiciaire. Une petite erreur s'ajoute à une autre qui s'ajoute à une troisième, avec l'effet amplificateur que l'on imagine et, ne l'oublions jamais, l'imbroglio législatif qui occasionne lui aussi ses propres catastrophes. Personne n'est responsable de la grosse faute, c'est la faute qui devient grosse par effet boule de neige. La bévue finale qui aboutit au désastre n'est de la responsabilité de personne en particulier.

La responsabilisation des juges aura pour effet de renvoyer à leurs études quelques individualités d'une nullité particulièrement remarquable, mais aucun des centaines de Burgaud que contient notre justice n'est d'une nullité remarquable. Médiocres, oui, mais cela ne constitue pas une faute professionnelle.
Je ne suis pas opposé à la responsabilité des juges mais le propos de Philippe s'adresse à des Bilger : la liberté qu'il revendique en échange de la responsabilité est le luxe de l'esprit déjà libre qu'il est, pas d'une majorité soumise passivement à diverses pressions hiérarchiques, émotionnelles, médiatiques et autres.

Je ne crois pas à la perfectibilité d'un homme qui n'est pas pleinement conscient de cette nécessité. C'est pourquoi, lucide sur l'inévitable médiocrité de la majorité des juges (comme de tout autre corps professionnel, ni plus ni moins), je ne crois qu'en la tempérance du système et de la procédure qui encadre le travail, bon ou mauvais, des individus.

cactus

une chance au gratte'âge ?

que dire alors d' l'irresponsabilithé , à la menthe ou pas !
"A nous la liberté, aux citoyens le droit de mettre en cause notre responsabilité."
aux larmes mitoyennes , non ?
mais gardons l'espoir !
Brassens chantait bien : " les fois de son charbonnier et de son bas laid "
"......constituer un couple jumeau indissociable."
là je veux bien être le vôtre même si dit " saucé " car je rentre " trempé " : gros orage sur Lyon !


Citoyen ignare

Monsieur Bilger, c'est vraiment un plaisir de lire votre billet. Merci. La responsabilité des juges est la condition même de leur respectabilité par les citoyens. Dommage que beaucoup trop de magistrats ne soient pas prêts à accepter ce risque. Mais qui sont réellement ces magistrats qui redoutent tant d'avoir un jour des comptes à rendre, au même titre que n'importe quel autre professionnel? Je veux continuer de croire que des HOMMES continueront toujours, malgré les obstacles, à oeuvrer pour une vraie démocratie citoyenne et l'honneur de notre république, afin qu'il y pousse le moins de bananes possible.

Qwyzyx

Je me permets de vous suggérer un ouvrage d'un magistrat qui a préféré quitter ses fonctions que de poursuivre dans une voie qui ne semblait pas satisfaire ses exigences morales, un certain sens de l'éthique.

"Plaidoyer pour le mensonge"

http://www.lalettrevolee.net/article-2946201.html

Qwyzyx

Le problème que pose Philippe Bilger est l'acceptation d'une responsabilité dans une institution qui dérive - avec la mansuétude de tous les auxiliaires qui vivent d'elle - et le regain d'image et de respectablité qu'elle en tirerait si elle l'acceptait plutôt que d'ergoter comme un vulgum pecus.

Discuter sur les modalités et la mise en oeuvre de cette responsablité est placer l'accessoire avant le principal. Dire non en prétextant un détail est un manque de courage pour assumer son refus sur l'essentiel. C'est fuir, éluder, mépriser.

C'est malheureusement la tendance lourde de la société française où l'apparence l'emporte sur la conscience. Nos Tartuffes courent dans les couloirs des ministères après la légion d'honneur.

Enfin, une manifestation d'avocats et de magistrats qui se plaignent d'un manque de considération, arrêtons l'hypocrisie. Faut-il sortir les dossiers ?

Même si on ne peut pas généraliser, car il existe des gens rigoureux et sincères qui oeuvrent pour la justice (leurs difficultés de carrière suffisent pour dissuader d'en faire autant) la justice meurt d'être devenue un petit commerce d'initiés.

Méditons Iago dans Othello qui ose persifler que "L'honneur est une essence qui ne se voit pas ; beaucoup semblent l'avoir qui ne l'ont plus."

Pour ma part, la position de l'auteur de ce blog mérite d'être d'autant plus appréciée qu'elle est isolée dans un concert de poncifs éculés, qui ne font plus illusion.

isabelle besnier-houben

Le Syndicat des Greffiers de France s'est aussi associé à cette manifestation.
Il n'y avait pas que les syndicats de magistrats, mais aussi ceux qui travaillent tous les jours à leurs côtés!

Véronique

" …il n'est pas nécessaire que ceux-ci adoptent les méthodes d'autres syndicats professionnels, qui n'ont rien à voir avec la grandeur et la dignité du corps. "

Ce qui est grand, c’est l’idée et l’idéal de la Justice. Ce qui est petit, c’est de confondre dans une même protestation une exigence comme celle de la Responsabilité, et un constat qui reste une revendication nécessaire, le manque de moyens.

Pour la responsabilité, il ne sert à rien pour les magistrats de se draper dans de grands concepts ou de grandes considérations éthiques ou de Droit, si on ne veut pas considérer et appliquer pour soi-même un principe simple qui est celui de la responsabilité professionnelle. Ce mot devrait être un principe de base directeur dans les actes et dans les décisions les plus quotidiennes et les plus ordinaires pour toutes les professions. Il est encore plus nécessaire pour celles qui sont liées à l’autorité. Il n’ y aura pas de grandeur, ni de dignité de ce corps si cette règle de base n’est pas imposée et respectée.

Je suis d’accord avec Jean-Dominique, ce que nous montre Outreau, au-delà des multiples dysfonctionnements que ce désastre a mis à jour, c'est le soupçon qu’un dossier peut ne pas être lu, ni analysé, et néanmoins, approuvé par une signature. Ceux qui encadrent ou qui sont supposés le faire, leur mission n'est-elle pas d'abord celle-là, contrôler qu’un travail soit normalement exécuté ?
Ce pourrait être, à mes yeux, une définition assez juste de ce que représente la notion de responsabilité dans le travail au quotidien.

Pour le manque de moyens et de modernité dans les technologies qui caractérise l’institution judiciaire, il est du devoir impérieux des politiques d’ y remédier le plus rapidement possible. Mais pas à n’importe quel prix. Si on multiplie le nombre de greffiers, on doit pouvoir se donner les moyens d’évaluer le résultat apporté par la dépense engagée. On doit pouvoir repenser, au niveau des " décideurs "(voir note en fin de commentaire) l’organisation du travail dans son ensemble et dans son quotidien et détecter les lourdeurs qui plombent les budgets. Monique Pelletier, dans une tribune du Monde du 02-12 rappelle la nécessité d’une remise en question des commissions de toutes sortes:

"... Le candidat devrait également s'engager à supprimer les hauts comités, autorités, conseils, commissions et autres structures dont le coût est significatif en raison de leur nombre et dont l'utilité, pour beaucoup d'entre eux, reste à établir. "
www.lemonde.fr

Sans cet effort de lucidité et sans ce courage dans la décision et l’action, rien ne s'améliorera réellement. Un plus dans l’efficacité passe obligatoirement par une remise en question des habitudes et des priorités dans le travail, qu’à force , on finit pas ne plus discuter, tant elles font partie du décor mental de tous les jours.

Pour finir, j’ajoute que je pourrais écrire cela de n’importe quelle Administration ou Fonction Publique.

note: le mot " chef " cher aux fonctionnaires me sort par les yeux , " décideur ", ce n’est pas mieux, je l’accorde volontiers. En fait, j’aime bien celui de " patron ", comme au quai des Orfèvres.


Fred

Jean dominique, je ne suis pas d'accord avec vous.

C'est justement le fait d'être exposé à la sanction qui rend responsable.

Ne rêvez pas, tout le monde est faillible y compris les juges, aucun système n'y fera rien. Par contre si on ne peut rien y faire en soi, cela ne signifie pas que l'on ne peut diminuer le risque.

Il est sain, je pense, qu'un système dispose de mécanismes pour éliminer ses éléments incompétents avant qu'ils aient accumulé trop de fautes. Je crois fermement que c'est en responsabilisant que l'on atteindra le plus sûrement cet objectif.

jean philippe

Lire de tels propos sur un blog tenu par un magistrat est une surprise, mais c'est tout à votre honneur.

Même si c'est une responsabilité a posteriori je pense qu'elle aura un effet bénéfique sur le plan préventif. Si on condamne des délinquants et des criminels c'est dans le but d'éviter que les autres citoyens commettent des infractions. Ici c'est la même chose, on doit sanctionner des magistrats fautifs pour attirer l'attention des autres magistrats.

Dans tous les métiers il y a des responsabilités et la magistrature ne doit pas échapper à cette règle surtout quand on sait ce qu'entraîne une erreur ! Nos concitoyens sont exigeants vis-à-vis de la justice et je pense qu'ils ont raison !

Marcel Patoulatchi

Jean-Dominique,

Toute notion de responsabilité implique l'idée d'une sanction postérieure à une faute. C'est antinomique de vouloir donner une responsabilité à un individu tout en voulant poser des contraintes qui rendraient caduques cette responsabilité. La mise sous tutelle est une déresponsabilisation.

Bien entendu, la responsabilité n'empêchera jamais les fautes disciplinaires pas plus qu'aujourd'hui elle n'empêche les fautes pénales. Je ne parle évidemment pas que des magistrats, mais de l'ensemble des citoyens. Ce parallèle n'est pas si faux : il y a aussi des vies brisées sans erreurs judiciaires, par l'action des hommes qui ne sont pas magistrats.

Vous dites qu'il faut empêcher les avions de s'écraser. Est-ce toujours possible ?
Ca me fait penser au thème de la sécurité routière. Du jour au lendemain, on a décidé qu'il fallait qu'il n'y ait plus de morts sur les routes. Aujourd'hui, certains proposent de limiter la vitesse sur autoroute à 110. Disons-le clairement : tant que la vitesse ne sera pas limitée à 20 kmh, il y aura toujours des morts sur les routes. Veut-on vivre dans un cocon et mourir d'ennui ? Veut-on mener des politiques niant le hasard, les risques inhérents à toutes gesticulations humaines (sans parler de l'efficacité de telles politiques sur les phénomènes les plus dangereux : ceux qui roulent bourrés au sortir de boîte de nuit ne sont pas concernés par les limitations de vitesse et les seuils d'alcoolémie) ?

Pour en revenir au strictement judiciaire, si on veut garantir un risque zéro, concrètement, le seul moyen est de supprimer tout pouvoir judiciaire. Bien entendu, ça aussi, ça aurait un prix humain, un prix à payer sans doute plus lourd que les méfaits de certains magistrats.

Vous vous en foutez qu'un juge soit sanctionné pour ses méfaits. On pourrait aussi bien dire qu'on s'en fout qu'un citoyen soit sanctionné pour ses méfaits. Que reste-t-il sinon la mise sous tutelle préventive de tout suspect ou bien la loi de la jungle, dans ce cadre-là ?

Denis ROYNARD

Il n'y a pas de raison particulière pour que les juges uniques soient plus responsables que les juges siégeant en formation collégiale. Et si on excepte la responsabilité de l'Etat, la responsabilité des magistrats à proprement parler me paraît devoir aller de pair avec la possibilité de se démarquer de la collégialité, en ayant la possibilité d'émettre une opinion séparée, voire dissidente. C'est le système en vigueur devant la CEDH, et devant certaines juridictions nationales, notamment et spécialement anglo-saxonnes. Hormis des considérations culturelles et politiques, je ne vois guère ce qu'on peut objecter de sérieux contre les opinions séparées, qui auraient le mérite de permettre à certains magistrats clairvoyants et consciencieux de soulever certains désaccords. Il va de soi qu'ils engageraient également leur responsabilité par leur opinion séparée, de sorte qu'il n'y a guère à craindre de débordements excessifs. Pour le moment, la collégialité est à la fois une "prison" ne permettant pas de faire entendre la contradiction au dehors, mais c'est aussi un "parapluie", car d'un côté il est difficile de faire la part de la responsabilité de chacun quand un ou plusieurs se voient associés de force à une décision, et de l'autre côté le mécanisme de la responsabilité collective ne me paraît pas adapté pour des juges qui, par hypothèse, sont indépendants, y compris entre eux (je parle des juges du siège, évidemment, encore que si la plume est serve, la parole est libre pour le ministère public).

Jean-Dominique Reffait

La question de la responsabilité des juges peut apparaître plus importante qu'elle ne l'est en réalité.
Tout d'abord, il s'agit d'une responsabilité a posteriori, une fois la catastrophe arrivée qui ne règle aucunement la prévention du risque judiciaire. Le type qui sort de deux ans de taule pourra taper sur les doigts du juge : la belle affaire !
La nouvelle liberté conquise grâce à cette responsabilité renforcée peut en vérité engendrer bien plus de dommages dans la tête de juges qui, confits dans leurs certitudes, en viendraient à prendre le risque d'une sanction (somme toute légère et disproportionnée par rapports aux préjudices causés) pour faire triompher leur idée. Il n'est que de regarder l'attitude du juge Burgaud, installé dans le déni, pour comprendre qu'à circonstances équivalentes, il recommencerait de la même façon.

Cette responsabilité installe en vérité un faux parallèlisme insinuant que le juge, à l'égal du citoyen, serait responsable de ses actes. C'est satisfaisant pour l'esprit mais dans les faits, dans la sale réalité de l'erreur judiciaire, ce sont des vies brisées, des enfants séparés de leurs parents qui pèsent bien lourd au regard d'une sanction administrative certes désagréable mais qui ne détruit pas une vie.

En clair, je me fous éperdument qu'un juge soit sanctionné pour une faute commise : c'est la faute qu'il faut empêcher. Quand un avion s'écrase, il est trop tard.

A Outreau, l'incurie de Burgaud a été suivie de la paresse générale d'un système qui ne lit pas les dossiers, qui recopie sans broncher, qui signe à l'aveuglette les ordonnances. Dans un ensemble administratif qui dilue les responsabilités, il convient davantage d'exiger que les procédures de contrôles soient effectivement respectées plutôt que de rechercher des responsabilités éparpillées et indécelables.

Mm

Réponse à Eolas
"il est facile de deviner que ce concept ne connaîtra pas beaucoup d'applications pratiques, tant l'hypothèse retenue est saugrenue"
J'ai déjà écrit dans ce blog "que 6 exercices des voies de recours (3 appels et 3 cassations) n'avaient pas empêché des violations graves et intentionnelles"
C'est actuellement entre les mains du Pg et du Csm.
Les journaux savent mais attendent.

Eolas

Votre revendication fièrement assumée de responsabilité est tout à votre honneur. Quand bien même si, à lire la définition de cette nouvelle faute, "la violation grave et intentionnelle par un magistrat d'une ou plusieurs règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties, commise dans le cadre d'une instance close par une décision de justice devenue définitive", il est facile de deviner que ce concept ne connaîtra pas beaucoup d'applications pratiques, tant l'hypothèse retenue est saugrenue. Et accessoirement, ne s'applique absolument pas aux causes de l'affaire d'Outreau.

LEFEBVRE

Pour rester dans les allégories marines. N'importe quel appel en détresse devient la priorité du navigateur qu'il soit plaisancier, pêcheur, militaire... Ce dernier abandonne toute activité pour se porter au secours de l'éventuel naufrage : la course, les guénées, les manoeuvres passent après. Les rares naufrageurs hormis en temps de guerre sont immédiatement mis hors circuit. Dans la dangerosité de la lame ou de la bourrasque, les seigneurs de la mer savent où se trouve l'essentiel.

LEFEBVRE

Merci mille fois pour ce billet qui fait courir la vie dans les veines.
Oui, la responsabilité est une chance pour le procureur ou le juge conscient du rôle vital qu'il joue et peut à juste titre en être fier. Il y a des hommes justes et bons qui prennent le risque de l'impopularité avec une formidable abnégation pour le bien de leurs concitoyens et non le leur. Il n'y a pas que les médecins qui sauvent des vies, les magistrats dans l'ombre sans l'habit médiatique et la reconnaissance de la vox populi sortent du désespoir des victimes de toutes essences au quotidien.
À quand la tribune élogieuse et sincère dans un grand quptidien ou une émission télévisuelle ?
Heureusement, il y a de bons capitaines à bord du radeau de la méduse.
En avant toute, capitaine, car les autres navires ne vont plus couler bientôt.

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