Ces dernières semaines, la prison s'est trouvée au centre du débat public. Le restera-t-elle comme l'ont souhaité, le 14 novembre, les Etats généraux de la condition pénitentiaire ? Rien n'est moins sûr. Il me semble que le citoyen français a fait l'objet d'un "matraquage" où grandes consciences, médias, Observatoire international des prisons (OIP) et son président Gabriel Mouesca, détenus eux-mêmes qui ont répondu en masse à un questionnaire, se sont relayés pour tenter de nous convaincre de l'indignité de l'enfermement dans notre pays. Dans ce concert humaniste à sens unique, le réalisateur Bernard George a pris une large part avec le documentaire "Prisons : la honte de la République", diffusé sur Canal Plus - qui devient de plus en plus la chaîne du sport bavard et de la subversion chic.
Peut-on encore, après ce déluge de mots, de compassion et d'autisme intellectuel, émettre une réplique ? Il ne s'agit en aucun cas de célébrer la prison. Elle représente une necéssité dans un monde imparfait et personne ne peut entretenir un rapport joyeux avec l'exécution de la peine. Ce qui me frappe tout d'abord, c'est que des utopistes ont rêvé d'une société sans prison. On a aussi, souvent, reproché aux réalistes qui se résignaient à l'enfermement de le détacher atificiellement du tissu social et de considérer la prison comme un univers à part, sans lien avec l'humanité et la vie environnantes. Autrement dit, les idéalistes, eux, affirmaient à juste titre que le pénitentiaire ne pouvait être analysé que si sa relation avec l'amont - l'existence d'avant la prison - était clairement mise en évidence. Or les contempteurs de la prison d'aujourd'hui adoptent exactement la même démarche, mais à rebours. Pour pouvoir mieux accabler le monde pénitentiaire, ils l'ont détaché artificiellement de la société qui le justifie, des crimes et des délits qui l'ont suscité. De la sorte, on peut se permettre de proférer un certain nombre d'absurdités qui toutes tendent à faire croire que la prison secrète par elle-même des violences, des malfaisances et des inhumanités. Pétition de principe facile à tenir puisqu'on a décidé d'oublier que d'abord, la violence, la malfaisance et l'inhumanité sont nées hors de la prison pour y être enfermées afin de protéger les citoyens. Je sais bien qu'à un certain niveau de compassion partielle et partiale, on n'ose même plus rappeler de telles contraignantes banalités. Mais, puisque personne ne les dit, puisque les commentaires évacuent soigneusement tout ce qui serait de nature non pas à justifier l'indignité matérielle et humaine, parfois, de la prison mais à légitimer l'existence de celle-ci, force est de devoir énoncer qu'on ne se trouve jamais enfermé par le fait du hasard, que la détention provisoire est permise en France, en dépit de la présomption d'innocence, pour des motifs techniques et que les prisons sont pleines de condamnés pour des faits graves, crimes et délits.
Cela ne signifie pas qu'il convient de se débarrasser de cette population par l'indifférence. La décence des lieux qui l'abritent doit demeurer une préoccupation fondamentale. Mais, de grâce, qu'on nous épargne les "scies" sur la prison école du crime, quand à l'évidence la leçon a été apprise avant. Sur la prison responsable des suicides, quand ces êtres et leurs troubles de la personnalité devaient, à cause de leurs agissements, être incarcérés. Sur la prison " créatrice de bataillons de délinquants pour demain ", quand les délinquants ont du être enfermés dès aujourd'hui. Ce n'est pas la prison qui fait le délinquant ou le criminel. Elle est faite pour le délinquant et le criminel. Au moins Bernard George, à qui on doit "les bataillons de délinquants", a-t-il l'honnêteté d'avouer qu'il a réalisé un film "clairement à charge" et qu'on ne peut donc prétendre tirer aucune lumière décisive des morceaux soigneusement choisis qu'il nous propose, récits, entretiens et misérabilisme dont rien ne garantit l'authenticité du fond et qui omettent l'essentiel : la raison de la présence en prison.
Rien ne serait pire que fermer son coeur et son esprit à cette réalité pénitentiaire en s'avouant qu'on s'en moque et que bien d'autres exigences et sollicitudes sont prioritaires. Seulement, qu'on ne demande pas à l'enfermement de réaliser des miracles là où la liberté a échoué. Qu'on ne lui demande pas d'éduquer quand toutes les instances en amont ont failli sur ce plan et parfois même au grand désespoir des familles impuissantes. Qu'on ne demande pas à la prison de corriger l'humain mais de le sanctionner et, quelque temps, de préserver la société. Cela n'est pas contradictoire avec deux impératifs qui paraissent assez simples à réaliser. D'une part, profiter de ce temps pénitentiaire pour procéder à une formation, à une alphabétisation élémentaires et minimales. D'autre part, faire le maximum pour traiter la multitude des troubles de la personnalité qui n'abolissent pas la responsabilité pénale mais exigent de l'analyse et des soins.
Il va de soi que pour rémédier à l'insupportable surpopulation qui rend la vie collective difficile, voire ingérable, il faut construire de nouvelles prisons et remettre en état celles d'aujourd'hui. J'entends bien l'argument classique qui soutient qu'il y aura ainsi un "appel d'air" pénitentiaire et donc davantage de détenus. J'avoue n'être pas convaincu par cet apparent bon sens qui se fonde sur l'idée fausse que les magistrats, pour les détentions provisoires comme pour les condamnations, seraient trop répressifs. Je ne le crois pas. Il n'y a pas d'autre solution que de construire pour tenter de mettre en oeuvre une vie en prison où la dignité puisse être davantage respectée parce que le lieu offrirait un espace suffisant.
C'est loin d'être tout. J'ai déjà écrit un billet sur l'heureuse initiative d'un contrôle extérieur sur le fonctionnement pénitentiaire. Ce regard externe, qui pourrait être confié au Médiateur de la République, n'aura d'efficacité que si ce dernier ne manque pas de moyens et de légitimité. Il bénéficie de la seconde pour exercer sa vigilance démocratique et s'occuper du contrôle général des prisons, il disposera à coup sûr des premiers.
Au sortir de l'enfermement, dans ce sas parfois si malaisé à franchir entre la prison et la vie libre, dans cette période délicate où, faute de soutien, la résolution du libéré est susceptible de fléchir, il serait utile de multiplier les structures associatives qui aideraient ceux qui souhaitent l'être et donneraient ce "coup de pouce" pour favoriser une destinée honnête.
Enfin, il faudrait réunir population pénale et personnel pénitentiaire pour qu'une politique efficiente veuille bien les prendre en charge, l'une et l'autre. Je suis persuadé qu'on n'intéressera la société française aux prisons - qui l'inquiétent et à la fois la rassurent - qu'en parvenant à présenter au citoyen la globalité d'une situation, où le sort matériel, financier et humain des surveillants sera associé à la restauration de la dignité des détenus. Ne s'occuper que de ceux-ci, c'est aller à l'échec. Cette politique qui prendrait la prison pour un tout lié à la société aurait d'autant plus de chance de réussir que le questionnaire empli par beaucoup de prisonniers montre que leurs revendications n'ont rien d'exorbitant et sont de bon sens.
Aussi, je crois que la campagne développée ces dernières semaines, parce qu'elle a parlé des condamnés sans évoquer les crimes, parce qu'elle a préféré les facilités du coeur hémiplégique à l'honnêteté d'une interrogation dure et lucide, parce qu'elle a oublié la société, non seulement n'a pas convaincu mais a fait régresser une cause légitime si on l'appréhende en son entier.
Mais on a du mal à résister aux grands mouvements d'indignation collective et le réel est tellement compliqué !
Loin de vouloir tenir un propos gauchiste, abolitionniste et stérile, je suis de celle qui croit qu'une prison se ferme quand une école s'ouvre. Certes, nous n'allons pas dans ce sens et mon avis ne fait pas avancer le problème.
Mais faut-il cependant -à l'heure où la société n'entre plus en prison (j'entends ses lois)- omettre que c'est cette même société et donc ses dirigeants qui précipite les délinquants et criminels en détention?
Je crois fermement à une volonté propre à chaque être humain et ne rends pas notre société responsable de tous les choix individuels de ces membres.
Je constate également l'immense étendue des problèmes titanesques que peut rencontrer l'administration pénitentiaire se révélant par des violences extrêmes mais anecdotiques qui permettent d'extrapoler sur le but et la fonction du milieu carcéral.
Mais nous pouvons constater sans difficultés que les moyens mis en place ne correspondent pas à la politique répressive du gouvernement.
Je poserai donc une question :
Sachant que notre gouvernement n'ouvrira pas d'école en prévention de la délinquance,
Sachant que de véritables moyens ne seront pas donnés à l'administration pénitentiaire pour accompagner notre politique répressive,
Quel est donc le véritable but politique d'anéantir la dignité des détenus français? Y-en a t-il un? Ou serait-ce simplement de l'ingérence ?
Rédigé par : barbara | 22 janvier 2009 à 17:13
Marcel, concernant la question pour laquelle, ni vous, ni moi, n'avons la réponse, je vous propose d'espérer avec moi que des personnes appartenant à l'Administration Pénitentiaire, des détenus actuels (ont-ils la possibilité d'accéder à des blogs ? ), des anciens détenus, s'ils lisent ce blog, nous éclairent.
Pour le sujet du " licenciement ", encore faudrait-il que les Fonctions Publiques soient déjà dans l'état d'esprit d'évaluer ( à ne pas confondre avec la notation) réellement et d'un point de vue professionnel leurs agents.
A mon avis, juste cela, c'est encore loin d'être gagné dans les esprits et dans les pratiques. Alors pour le reste...
Rédigé par : Véronique pour Marcel | 03 décembre 2006 à 18:22
Véronique,
« Quand on sanctionne un détenu par la privation d’un parloir, qu’invoque t-on pour justifier cette sanction ? »
Je ne saurais répondre à cette question.
« En tant que lectrice, je pense que vous êtes en train de passer à côté d'un sujet important, celui de la qualité des recrutements. »
Je pense que vu le nombre de postes ouverts au concours dans l'ensemble de la fonction publique, de l'enseignement à la police, il n'y a guère de souci à se faire quant à la surqualification ambiante des postulants.
Pour ma part, je suis d'avis qu'il serait positif d'être moins extrême qu'à l'heure actuelle au niveau du recrutement mais de s'autoriser à licencier les incompétents et les néfastes (après titularisation, j'entends - c'est-à-dire quand les individus ont eu le temps de montrer leur valeur, leur nature profonde).
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 01 décembre 2006 à 22:05
Je crois, Marcel, que dans notre discussion, nous avons trouvé une zone commune où nous sommes d’accord.
Concernant les relations sexuelles des détenus nous convenons ensemble, je pense, que laisser les choses en l’état n’est pas admissible, que ce tabou doit être levé afin d’en finir avec l'hypocrisie, les humiliations, l’indignité et l’arbitraire (disparités entre les établissements quant à la " tolérance " de la pratique sexuelle lors des parloirs) créés par la situation actuelle.
Où nos points de vue pourraient à nouveau se séparer , c’est dans les conditions que vous mettez pour qu’un détenu puisse bénéficier de ce droit que je juge, moi, fondamental.
" Ça pourrait très bien être une mesure décidée par commission, au cas par cas, une mesure de faveur pour les écroués qui adoptent un bon comportement et font preuve d'une volonté d'insertion. " vous, le 08-11 20-18
Quand on sanctionne un détenu par la privation d’un parloir, qu’invoque t-on pour justifier cette sanction ?
une transgression du règlement intérieur de l’établissement ou du code des prisons ? Ou le fait que la faute commise puisse compromettre la volonté d’insertion du détenu ? Si je pose la question, c’est que je ne sais pas la réponse.
D’autre part, envisager comme sanction la privation de relations sexuelles avec la compagne et le compagnon, contraindrait , à mon sens, à établir, qu’on le veuille ou non, une gradation de la sanction. Suivant l’importance de la faute, ne serait-on pas amené à envisager que dans tel cas, on autorise un baiser ou une caresse tendre, dans un autre cas un baiser ou une caresse amoureuse, dans un tel autre cas un baiser ou une caresse très, très, très amoureuse et ainsi de suite…?
Au-delà de votre notion de volonté d’insertion, c’est précisément là que l’idée de votre commission me heurte. A moins, effectivement, d’envisager dans le catalogue des sanctions l’interdiction tout court de parloirs ou de visites privées. Mais cette disposition existe déjà et est appliquée. C’est en ce sens que je comprends mal le " plus " de votre commission.
@Marcel et Doc
Si je peux permettre de dire deux mots sur votre discussion (post La Croix ou la foi ?). En tant que lectrice, je pense que vous êtes en train de passer à côté d'un sujet important, celui de la qualité des recrutements. Pour les métiers que vous évoquez il ne s’agit pas de débattre du supérieur ou de l’inférieur intellectuellement mais, à mon sens, du supérieur et de l’inférieur techniquement, humainement et moralement, les trois ensemble, indissociablement exigibles et liés.
D’autre part, lisant avec attention et beaucoup d’intérêt les différents commentaires de Doc sur ce blog, je suis convaincue que cette histoire de supériorité intellectuelle n’est certainement pas le trip, le style, ni l’éthique de ce monsieur. S’il lit nos échanges, je voulais qu’il sache que je pense cela.
Rédigé par : Véronique pour Marcel et un peu pour Doc | 01 décembre 2006 à 07:35
Véronique, il ne s'agit pas du tout de permettre à une commission d'approuver des pratiques sexuelles précises. Il s'agit d'approuver ou pas l'accès à une rencontre intime, dans une salle intime.
Quelle est l'utilité de tels interdits (les relations sexuelles au parloir) ? Garantir l'égalité de droits entre les détenus, assurer la décence minimale des lieux.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 30 novembre 2006 à 13:24
Marcel, je persiste à penser que la décision d’incarcération en regard de la situation que nous évoquons est une décision injuste. Mon propos n’est pas de vous convaincre qu’il conviendrait à tout prix de laisser la personne en liberté. Ce que je veux seulement vous dire c’est que notre société, en regard d’une telle discrimination, peut avoir une Justice injuste et peut être amenée à suivre une logique injuste .
Cette même logique peut également laisser envisager qu’au moment de la condamnation, on peut juger préférable de maintenir la personne en détention, alors qu‘à délit égal, on sera plus clément pour une personne insérée dans le tissu social. On pensera peut-être également que, bah !, tous comptes faits, le CHOIX ou la VOLONTE de la personne est de rester incarcérée. Et c’est ainsi, à mon sens, qu’on peut susciter chez les citoyens une sorte d’autisme moral qui fait que la prison, bah ! finalement, pour ces personnes est un moindre mal…pour eux, avec le fort sous-entendu que, finalement, c‘est un moindre mal…pour nous.
Et c'est également ainsi, à mon sens, qu'une phrase comme celle-là (extraite de la note): " force est de devoir énoncer qu'on ne se trouve jamais enfermé par le fait du hasard " peut trouver dans les esprits un écho des plus prometteur.
Normaliser ce type de décision peut aussi fabriquer des professionnels de la Justice, qui, sur la durée et la répétition, l’absence d’alternative à une telle décision, peuvent s'enfermer dans la banalité et un mécanisme de leurs actes, avec, à mes yeux, le risque fort d’être amené petit à petit à se trouver dans l’incapacité de discriminer (au sens trier) le juste de l’injuste et à difficilement maîtriser leur pouvoir.
Concernant notre premier sujet de discussion, nous revenons à notre départ. Je vous l’ai déjà dit, j’ai beaucoup de mal avec l’idée de votre commission chargée d’établir le partage entre le nécessaire et le superflu dans le domaine amoureux et sexuel et d‘en contrôler la légitimité. Est-ce à dire qu’en regard de la bonne ou mauvaise conduite des détenus, votre commission fixerait le catalogue de ce qui est permis ou pas, une sorte de gradation, en quelque sorte, des pratiques amoureuses et sexuelles ? Par ailleurs, je ne sous-estime pas la variété et, peut-être même la sophistication ou le degré de raffinement de la palette des sanctions ou des autorisations que cela permettrait.
Ne me reprochez de raisonner par l’absurde. Les interdictions de parloirs existent déjà dans les sanctions aux détenus. Quel est le "plus" de votre commission par rapport à l’existant ? De quel droit ceux qui composeraient votre jury seraient-ils amenés à autoriser ou à interdire un baiser, une caresse, telle ou telle pratique affective, sexuelle ou érotique et pas une autre ? De quel droit pourraient-ils définir le juste suffisant ? Et toujours la même question: quelle est l'utilité de tels interdits ? De quoi protègent-ils ?
" Quand un interdit ne protège rien, ne sert à rien, c'est juste du tort causé aux hommes - une perversion. " ( vous, le 25-11 21:11)
Rédigé par : Véronique pour Marcel | 29 novembre 2006 à 06:27
Un peu hors débat, un peu dedans.
Je ne peux m'empêcher d'être sceptique pour le prévenu idiot, ayant un avocat bègue, qui serait sans le sou.
Au tribunal plus qu'ailleurs, il faut savoir se défendre et la prestance, le timbre de voie, l'habit risquent de jouer un rôle prépondérant. Je me souviens de la seconde affaire d'Outreau plus médiatiquement discrète où les accusés n'avaient pas toutes les facultés d'une personne lambda, allez savoir le vrai du faux lorsque certains prévenus n'en n'ont même pas parfois conscience eux-même. Ce ne doit parfois pas être simple d'être magistrat si ce dernier a le plein souci de vérité qui l'honore. Pour de pauvres bougres qui ont baissé les bras avant de combattre, c'est à se demander aussi. Nous sommes censé naître et demeurer libres et égaux en droit, nous ne naissons pourtant pas libres et égaux en potentiel et il y a forcément influence du second fait sur le premier. Qui en pratique donnera raison à un déficient sur un énarque sans évoquer l'intérêt de la sociéte surtout si le second est favorablement productif et le premier contre-productif.
J'entendais hier dans un bar, un jeune homme aisé dire pour plaisanter qu'il ne pourrait s'acheter une Ferrari qu'en étant ami avec le préfet pour garder ses points de permis. Sous cette plaisanterie anodine, je me suis demandé quel était le seuil de réalité et de fantasme et j'avoue ne pas connaître la réponse.
Rédigé par : LEFEBVRE | 29 novembre 2006 à 04:49
Véronique,
Le SDF fait l'objet d'une discrimination par rapport au placement en détention provisoire, dites-vous.
C'est vrai. Mais ce n'est pas insensé ni même un problème à mes yeux. Même si ça gêne le Polpotisme de l'air du temps, discriminer, ça signifie savoir distinguer, trier. Je n'imagine pas de Justice qui ne sache pas discriminer, par exemple discriminer le coupable de l'innocent, l'agresseur de l'agressé.
Bien sûr, on discrimine celui qui offre des gages de représentation de celui qui n'en offre pas. Ne pas le faire, c'est soit enfermer tous les mis en examen même lorsqu'on pense cela inutile (inacceptable humainement), soit n'enfermer aucun mis en cause même lorsqu'on pense cela nécessaire (inacceptable socialement).
La discrimination n'est pas un mal en soi, tout dépend sur quoi elle se fonde.
Lorsqu'elle se fonde sur une appartenance ethnique ou sociale pour juger un homme (que ce soit dans un procès ou lors d'une embauche), elle est l'incarnation d'une forme de ségrégation et doit donc être combattue avec énergie, même lorsqu'elle prend l'intitulé fallacieux de discrimination « positive ».
Lorsque elle se fonde sur l'individu en propre, sur sa situation personnelle précise, ses talents et vertus, ses garanties, elle n'est pas un problème, elle est pure logique.
« Quelle est l’utilité de l’interdiction des relations sexuelles pour un ou pour une détenue lors de la visite de sa compagne ou de son compagnon ? » demandez-vous.
Je ne propose pas leur interdiction mais leur contrôle strict.
L'intérêt de ce contrôle, c'est que l'ensemble des écroués puisse voir leur requête examinée selon des critères uniformes dans l'ensemble des établissements.
Je ne vois pas d'intérêt à poser un interdit absolu. Je vois l'intérêt de ne pas faire de cette possibilité un droit qu'on ne saurait pouvoir garantir à tous.
Sans compter que dans certains cas, un tel droit serait scandaleux. Savoir que des coupables de viols se marient en prison me paraît inacceptable, en tout cas tant que les victimes n'ont pas affirmé que cela ne les perturberait pas - leur intérêt passe outre celui du condamné qui n'a pas fini de purger sa peine, il a encore une dette à leur encontre.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 28 novembre 2006 à 17:50
Marcel, je pense que si le critère peut être fondé d’un point de vue de la loi (garantie quant à l’obligation de représentation de la personne), cette personne fait l’objet, de par sa situation de grande précarité, de discrimination.
Je sais aussi qu’appliquer la loi n’est pas disserter sur la morale, sur le juste ou l’injuste, le bien ou le mal, etc. Mais, je pense également que poser la question (est-ce juste ?), et pour un professionnel de la loi se poser cette question est aussi, à mes yeux, une forme de garantie quant à sa solidité éthique et le prix qu'il met à la défense de ses valeurs professionnelles. Ne pas se poser cette question ou ne plus se la poser pourrait m'inquiéter.
D’autre part, reprenant les termes de votre intervention du 24-11 23:52
" Et si la prison permet à une jeune femme d'échapper à la loi des SDF (qui ne sont pas une grande famille, mais un milieu de violence où les plus forts souvent dépouillent les plus faibles, où les femmes sont vite conduites à tapiner) ne serait-ce que pour un temps, est-ce vraiment un drame ? Si cette personne fait ce choix, doit-on a tout prix s'y opposer au nom de notre bonne conscience en dépit de sa volonté ? "
Marcel, c’est, par exemple, à la lecture de cela que je peux aussi comprendre toute la signification de cette phrase de la note: " force est de devoir énoncer qu'on ne se trouve jamais enfermé par le fait du hasard ". Évidemment, si faire de la prison peut être envisagé comme un choix...Alors, naturellement, la part de hasard...
J’ai lu avec attention votre réponse à ma question relative à la note " Ras-le-bol du sexe ! ".
Elle est en effet confuse mais elle illustre, à mon sens, le fait que dans cette discussion, nous sommes vous et moi dans ce que je peux nommer un conflit de valeurs. Je reprends votre notion d’utilité ou d’efficacité dans la sanction. A vous lire, et précisément en prenant en compte cet aspect de votre réponse, la question immédiate qui m'est venue à l’esprit:
quelle est l’utilité de l’interdiction des relations sexuelles pour un ou pour une détenue lors de la visite de sa compagne ou de son compagnon ?
Rédigé par : Véronique pour Marcel | 28 novembre 2006 à 14:55
Jean-Philippe,
Les peines alternatives ne sont pas magiques.
On peut bien mettre des bracelets électroniques à tous les individus placés en détention provisoire. On sait que si l'un d'entre eux fuit, il faudra mobiliser un certain nombre de fonctionnaires de police pour le retrouver. Si la moitié d'entre eux fuient simultanément, on n'aura probablement aucun moyen d'agir.
Un bon système ne peut pas reposer que sur l'idée de sécurité par l'obscurité. On ne peut pas faire comme le groupement des cartes bancaires le faisait à une époque, faire croire que la sécurité repose sur la croyance qu'elle existe. On ne peut pas baser la surveillance de certains individus sur l'idée fausse qu'on pourra les contrôler.
C'est un peu comme pour les SME (sursis avec mise à l'épreuve), ça fait plus chic pour un tribunal de condamner à un SME un individu qui était déjà en sursis. Mais si on n'a aucun moyen de vérifier réellement la mise à l'épreuve, qu'est-ce que ça vaut ?
Plutôt que de tourner autour du pot avec les mesures alternatives (qui sont une bonne chose en soi, je ne dis pas le contraire - mais leur choix ne doit pas être basé sur la mauvaise image de la prison mais strictement dans l'intérêt des victimes et des condamnés), il reste la question de l'application des peines... de la réalité de leur application.
A ce titre, je vous invite à consulter les rapports du député Jean-Luc Warsmann, dont :
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/034000189/0000.pdf
http://www.larevueparlementaire.fr/pages/RP881/RP881_AN_peines.htm
On n'image pas le temps et l'énergie perdue par la simple non-application des peines.
Un exemple idiot, on pourrait se passer des groupes affectés aux « mandats », c'est à dire qu'on pourrait éviter de mobiliser des fonctionnaires de police pour retrouver des individus déjà condamnés (et non par défaut), donc déjà attrapé par le passé, pour qu'ils purgent leur peine. Le mandat de dépôt automatique à l'audience après une peine d'emprisonnement ferait donc gagner du temps et de l'argent à la société, et serait aussi dans l'intérêt du condamné qui n'aurait pas la fâcheuse surprise de voir la police débarquer chez lui parfois à quelques mois de la fin du délai d'exécution de sa peine, pour se retrouver écroué alors qu'il avait déjà bien entamé sa réinsertion sociale. Il y a tout de même un problème lorsqu'on écroue l'individu qui a commencé à se réinsérer et pas le délinquant au moment où il est reconnu coupable. Il y a tout de même un problème lorsqu'on laisse des gens libre avec à l'esprit l'idée qu'ils peuvent être écroué demain, dans un mois, dans un an (comment peuvent-il s'insérer avec un tel flou quant à leur avenir proche ?)
Je suis d'avis personnellement que si on veut lutter contre la récidive, on devrait commencer par là : rendre systématique la révocation du sursis lors d'une récidive (évidemment, en conservant les distinctions entre récidive spéciale et récidive générale - pas besoin de peine plancher, simplement appliquer les révocations de sursis) ; rendre systématique le mandat de dépôt en fin d'audience lorsqu'une condamnation à l'enfermement est décidée.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 26 novembre 2006 à 09:43
La prison est un vaste débat. Elle est hélas indispensable. Je ne veux pas dire que c'est une bonne chose d'envoyer quelqu'un en prison mais il serait pire à mon sens de voir un criminel se sentir vainqueur à la sortie de son procès parce qu'il n'a pas eu de peine ferme. Même si j'ai lu avec plaisir Victor Hugo, je ne partage pas son idée selon laquelle construire des écoles permettrait de fermer des prisons. Je sais bien que l'utopie est la réalité de demain mais on n'est pas encore demain et on doit faire face à cette criminalité.
Les conditions de détentions sont effectivement inquiétantes en particulier dans les maisons d'arrêt en raison de la surpopulation. De plus les détenus sont parfois mélangés et on peut trouver dans une même cellule un "simple voleur" et un braqueur ou pire un innocent avec un criminel. Notons qu'en 2004, 524 personnes sont sorties de maison d'arrêt après avoir été reconnues innocentes (source justice pénale le tournant, Jean Danet, Folio). Il faut donc améliorer les conditions de détention en évitant d'entasser plusieurs personnes dans 9m².
Sur la détention provisoire, le chiffre tiré de l'ouvrage précité (dont l'auteur est avocat honoraire et très grand professeur de droit pénal à Nantes, s'il consulte ce blog merci de me mettre une bonne note !!!) fait peur. Peut être devrions-nous penser d'autres mesures rendant le contrôle judiciaire plus efficace ce qui pourrait limiter la détention provisoire. Il est bien évidemment plus facile de parler quand on n'a pas les contraintes budgétaires et techniques.
Limiter le recours aux condamnations à de la prison ferme comme certains le préconisent, je ne suis pas contre mais pour cela il faut apprendre à "surveiller, punir" autrement et les peines alternatives ont hélas des limites.
Rédigé par : jean philippe | 25 novembre 2006 à 23:31
Je viens d'achever la lecture de " être sans destin " de Imre KETTESZ....à force de souffrances, le malheureux héros, libéré des camps de concentration, en arrive à se croire en prison alors qu'il est rendu à la liberté.....
Rédigé par : JPC | 25 novembre 2006 à 21:03
Véronique,
Si j'ai manqué une question, c'est involontaire (je pense que cela répond à votre dernière question). Je vais regarder de quelle question il s'agit sur cet autre fil et je tacherai d'y répondre.
Concernant le placement en détention provisoire, je pense en effet qu'à délit ou crime égal on peut avoir à la fois des conditions de mise en examen plus ou moins restrictives.
« le critère qui motive la décision de mise en détention pour celui qui est dans la rue est-il juste », demandez-vous. Ce critère, c'est celui du maintien du mis au cause à disposition de la justice. Je pense que ce critère est fondé.
Vous disiez préférer qu'on évite autant que possible un placement en détention provisoire (quand nous parlions de ce jeune qui s'est tué sur une moto volée). Il serait illogique de demander ensuite que la loi ignore les gages de représentation qu'apportent certains mis en examen. Par ailleurs, il serait très difficilement conciliable avec la marche de la justice que de s'interdire le placement en détention d'un individu qu'on soupçonne de pouvoir facilement fuir, étant sans attaches fixes.
Pour ma part, j'estime qu'il est positif que le droit prenne en considération la situation des mis en cause et ne fasse usage de mesures coercitives que lorsqu'elles apparaissent nécessaires. Ca implique évidemment une disparité de fait, sans qu'il y ait pourtant de disparité de droit.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 25 novembre 2006 à 20:41
Marcel, la question que je posais était la suivante : A délits égaux, est-il juste de placer en détention provisoire une personne sans domicile fixe en invoquant comme critère la garantie d’un domicile connu (la prison), et de ne pas placer en détention provisoire une autre personne qui, elle, coupable du même délit, justifierait d’une domiciliation ?
Mon propos ne porte pas sur la décision de la détention provisoire en regard du délit, mais sur la disparité dans la décision. Autrement dit, le critère qui motive la décision de mise en détention pour celui qui est dans la rue est-il juste ?
Juste cela: concernant les questions, je souhaiterais la réciproque de votre part. A savoir : quand je vous pose une question (mon propos du 22-11 8 :12 - Post Ras-le-bol du sexe !), je préférerais que vous m'exprimiez votre position.
Pour toutes sortes de raisons, vous pouvez choisir de ne pas répondre à une question. Cela ne me pose aucune difficulté et je peux le comprendre, l’accepter et le respecter sans aucune réserve, ni hésitation. Dans l’échelle de mes valeurs, je place la liberté intellectuelle dans la zone du plus haut. Mais je pense également qu’il est mieux d’exprimer à son interlocuteur, sans même à en avoir à motiver les raisons, qu’on choisit de ne pas répondre.
Ne pas répondre à une question ou ne pas exprimer sa position quant à la question posée ne me semble pas être la bonne manière de poursuivre un échange. Qu'en pensez-vous ?
Rédigé par : Véronique pour Marcel | 25 novembre 2006 à 16:42
Véronique,
Il me parait évident que si une affaire est suffisamment grave (crime ou délit faisant encourir une forte peine d'emprisonnement) et qu'un individu est suspecté de par un faisceau d'indices graves et concordants, il importe de le conserver à disposition de la justice, pendant un délai raisonnable.
C'est la logique même de tenir compte des gages de représentation. Voudriez-vous par égalité qu'on enferme des individus qu'on ne soupçonne pas capable de fuir, où voudriez-vous qu'on laisse gambader des individus suspectés d'infractions graves sans aucune garantie ? Voilà le choix tel qu'il se pose.
A quelle approche donnez-vous votre faveur ?
Vous dites aussi que l'épreuve de la rue « peut produire chez quelques-uns des réactions qui peuvent nous apparaître surprenantes ». Avez-vous rencontré des SDF, de ceux sans trop d'espoir de trouver un travail (pas d'emploi pas de logement, pas de logement pas de travail, problème d'alcool, problème de motivation) ? Il ne suffit pas de dire ce « que la société doit refuser ». Il faut encore voir ce qu'on peut faire. Parfois, on ne peut pas tout. Parfois , on ne peut presque rien, car il s'agit aussi souvent de destinées individuelles (l'admirable « Une époque formidable » de Gérard Jugnot le montre bien, tout en illustrant aussi les faibles rouages de cohésion de notre époque, faibles non pas par l'absence de volonté et de structure, mais faible par l'absence d'esprit de chose commune).
Et si la prison permet à une jeune femme d'échapper à la loi des SDF (qui ne sont pas une grande famille, mais un milieu de violence où les plus forts souvent dépouillent les plus faibles, où les femmes sont vite conduites à tapiner) ne serait-ce que pour un temps, est-ce vraiment un drame ? Si cette personne fait ce choix, doit-on a tout prix s'y opposer au nom de notre bonne conscience en dépit de sa volonté ? Si elle y trouve son intérêt, doit-on le refuser au nom de notre refus théorique de toute la misère du monde (je dis théorique sans mépris : c'est simplement théorique parce que ni vous ni moi n'avez les moyens de changer cela concrètement, en tout cas à court terme et individuellement) ?
Lefebvre,
Nous pourrons toujours trouver des aspects critiquables à la moindre des formations. Je pense qu'il vaut aller au-delà et se demander non pas ce que doit être un enseignant mais surtout ce que doit être un élève.
Quand nous nous serons rendu compte qu'on demande aujourd'hui à des enseignants de faire des choses qui n'ont aucun rapport avec la transmission du savoir, parce qu'ils ne sont pas confrontés à des élèves, nous aurons avancé. Peut-être que nous serons enfin prêts à aborder de front les problèmes au lieu de louvoyer à coup de débats de pédagogie d'enseignement, alors qu'il s'agit en fait d'éducation la plus basique qui soit (non pas former des enfants parfaits qui ne font pas de bétises mais former des enfants imparfaits qui feront des bétises mais qui auront conscience d'en faire et qui culpabiliseront d'en faire, au lieu d'accuser l'adulte, la société, l'autre, d'en être responsable).
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 24 novembre 2006 à 23:52
Je ne pense pas que ceux qui dénoncent les conditions inacceptables des prisons soient imperméables à l’idée de la sanction et qu’ils oublient le crime, le mal et la violence faits aux victimes.
C’est aussi une forme de préjugé et de conformisme que de les enfermer dans ce schéma de trop compréhensifs ou d’irresponsables en regard de la sécurité de la société et de l‘utilité publique.
Si vous êtes frappé de leurs " facilités du coeur hémiplégique ", je suis souvent consternée que lors des discussions où est évoquée la prison, dès qu’on indique qu’il convient d’en finir rapidement avec les indignités et les humiliations infligées aux détenus, la réplique immédiate, et souvent sans appel, est toujours celle du mal commis et du malheur de la victime. Elle n’est certainement pas illégitime ou injustifiée mais elle ferme également d’entrée de jeu le débat et oblitère toute discussion constructive sur la prison, sa fonction et ses missions.
On peut craindre, en effet, que les Etats généraux sur la prison ne soient qu’un coup d’épée dans l’eau. Comme toutes les actualités médiatiques, celle-là passera très vite. Elle est déjà passée. Et il en faudra, à mon sens, beaucoup plus que cela pour sensibiliser un tant soit peu la société à ce réel problème.
Y compris le débat, sur lequel je suis en accord avec vous, que vous souhaitez et qui prendrait en compte globalement la question (société + détenus + surveillants), j’ai du mal à croire que l’opinion, dans son ensemble, soit prête à l’entendre.
@dab
" Et pas du tout désenchantée de devoir rester en prison au moment de l’énoncé de la condamnation. "
Je pense que l’épreuve de la rue peut produire chez quelques-uns des réactions qui peuvent nous apparaître surprenantes Et quand bien même cette jeune femme aurait été presque " soulagée " de rester en prison, ce qui n’est pas supportable, et dans sa tête à elle et dans notre tête à nous, c’est l’idée que la prison soit un mieux pour elle. Ce qui est d’abord inacceptable et que la société doit refuser, c’est ce qu’elle vit tous les jours et toutes les nuits quand elle est dehors.
J’ai beaucoup de mal avec cette idée d’associer ou de confondre le problème des sans-abri avec celui de la prison. Il arrive qu’on mette en détention provisoire des personnes de la rue qui ont commis des délits. Cette décision ne serait pas prise pour d’autres. On les place eux en détention car au bout du compte on pense que c’est la seule garantie pour qu’ils justifient un temps d’un domicile connu . Est-ce juste ?
Rédigé par : Véronique | 24 novembre 2006 à 20:28
@ Marcel,
Pour l' "I.U.F.M, les apprentis maîtres sont confrontés à une formation sur fond de pseudo-psychanalyse complètement déconnectée.
Où, par exemple, ils doivent se déplacer en chaussettes pour mieux sentir le contact de la terre donc de la réalité.
Où tout n'est que négociations avec l'élève, ils doivent faire des cours de gestion du conflit, de la colère... La part belle faite à la sacralisation de l'enfant est tout à fait disproportionnée et contre-nature. Certes l'enfant est merveilleux, nous pensons tous cela, mais en lui donnant le pouvoir et les responsabilités qu'il ne peut pas assumer. On en fait un petit con irrespectueux, un enfant-roi. C'est le reproche principal que j'ai d'ailleurs à faire au point de vue de Jospin, car ce n'est pas respecter le gamin que de vouloir en faire un adulte avant l'heure. L'enfant devrait gérer son apprentissage, son savoir... Ne faut-il pas qu'il fasse la compta du foyer aussi ?
Ne rions pas de ces ridicules prérogatives, ce sont celles qu'il est demandé aux enseignants de dispenser de nos jours.
Une de mes anciennes compagnes devait avoir une assurance pour les éventuels coups reçus et avait interdiction de frapper. Cela en dit long sur un certain déséquilibre créé par une absence de sanction préconisée à l'instar du juge pour enfant.
Entre le châtiment corporel et l'abandonnisme, il y a tout un panel qui n'a su être abordé. Certains, avant le procès d'Outreau affirmaient même que l'enfant ne mentait jamais, ils ne m'ont pas connu avec ma bande de copain et le reste de mon école jadis... Il y a des élèves qui dysfonctionnent certes, mais aussi tout un état d'esprit complètement fou. Il n'y a pas que la magistrature touchée par ce fléau idéologique, il y a aussi la police, l'enseignement national, la presse, la littérature, la philosophie, la politique, l'inconscient collectif.
Je suis surpris qu'un homme entier, lucide, intelligent comme vous n'ait pas vu la part de responsabilité, non des enseignants, mais de ceux qui les obligent à cette inepte pédagogie dont l'intention est bonne, mais le résultat catastrophique.
@ Sbriglia,
ce sont quelques cas isolés, vous avez raison, espèrons qu'il ne va pas y avoir de plus en plus de gens à la rue et que cela restera anecdotique.
Sans un remède à la crise du logement et à la crise de la psychiatrie, cela ne deviendra certes pas généralisé, mais plus fréquent.
@ Parayre,
Je pense que votre expérience doit être des plus enrichissantes et bravo d'être allé vers elle.
Rédigé par : LEFEBVRE | 23 novembre 2006 à 17:21
@Marcel Patoulatchi : je vous approuve volontiers dans le général- et dans le domaine policier - mais dans le particulier pénitentiaire , je persiste à soutenir que les problèmes de sécurité sont marginaux et que , outre la garde , nos surveillants ont un rôle , à eux reconnu par la loi de juillet 1987 , d'insertion pour lequel ils sont, de leur aveu même , insuffisamment formés et encouragés .
Je suis , comme vous , " nos querelles passionnées oubliées " - j'en forme le voeu fervent - plus que convaincu que le milieu carcéral doit être mis à profit pour tenter de réussir là où d'autres ont échoué .
Je garde souvenir de Chefs de maison d'arrêt madrés , à la rare humanité , me révélant , dans les années 70 de mes débuts , leur peine de ne pouvoir , faute de moyens humains , mieux accompagner de jeunes délinquants susceptibles d'être remis dans " le droit chemin " ou tout au moins sur des routes moins sinueuses que celles qu'ils avaient connues jusqu'alors .
Nos oppositions dérisoires et excessives , plus formelles , j'en suis convaincu , que profondes , tiennent à des approches différentes mais non-opposées.
Mes fonctions judiciaires , souvent avec douleur et moultes interrogations , m'ont conduit à privilégier , de manière non politique , même au sens noble du terme , une approche casuistique .Cette dernière m'a permis de constater combien , derrière le pire des actes , à supposer de surcroît qu'il ait été avec certitude commis , se trouvait un individu que la société se devait certes d'écarter un temps mais de ne pas définitivement exclure de sa sphère .
Dans cette démarche , la " société " se doit d'être exemplaire , d'apprendre à celui qui a fauté , rompu le contrat social , que le respect de l'autre , dans ses biens ou sa personne , est une valeur fondamentale .
Pour y parvenir, il lui appartient , par l'exemple , de ne pas recourir aux mêmes armes que celles dont ont usé ceux qu'elle a condamnés .
Le respect de l'intimité corporelle , les vertus du travail , de la discipline personnelle ou collective peuvent être , encore ne fois par l'exemple , enseignés en milieu carcéral .
Mais , je ne veux pas abuser de la patience de mes éventuels lecteurs : je souhaite simplement affirmer que la prison , sauf à désespérer de l'homme , ne saurait être que le moyen d'écarter ceux qui ont commis délits ou crimes .Elle doit être une dernière - ou avant -dernière chance - de récupérer ceux qui , pour des raisons multiples et variées , ont causé des préjudices à autrui .
En toutes hypothèses , chaque " entrant " en prison - pour reprendre les termes pénitentiaires -est un futur " sortant " pour lequel on doit s'efforcer de prévenir la récidive .
Rédigé par : Parayre | 23 novembre 2006 à 14:37
A sbriglia
« Que nul ne cherche toutefois à tirer conclusion de ce qui n'est qu'un fait isolé... »
Fait isolé?
Alors un autre.
J’ai assisté, l’an dernier, au procès d’une jeune fille de vingt-deux ans, de son état clocharde, au grand désespoir de sa famille, ses parents et sa sœur, qui étaient présents à l’audience et qui furent navrés de la voir arriver entre deux gendarmes, souriante et délurée, leur faisant de grands signes de joie de son box et leur déclarant qu’elle était bien en prison!
Elle avait planté un couteau de boucher dans le thorax de son copain, dans la même situation sociale qu’elle.
Et pas du tout désenchantée de devoir rester en prison au moment de l’énoncé de la condamnation.
Rédigé par : dab | 23 novembre 2006 à 12:33
Parayre,
Je crois simplement que le thème du « mieux formé », de la « meilleure formation » est à exclure a priori de ce type de débat. Parce que si vous, vous ne dites ça qu'en passant, d'autres ont cette optique du manque de formation comme paradigme.
Lisez les rapports de la CNDS (ça nous éloigne un peu du cadre pénitentiaire, mais pas tant que cela, désolé), vous y trouverez un rapport pondu par des gens qui se croient en droit de parler d'un problème de formation à propos de situations parfaitement délicates dans lesquelles ceux qu'ils mettent en cause ont réalisé des gestes techniques de manière tout à fait honorable.
Le manque de formation est un peu « la pédagogie » tant évoquée lors des débats sur le TCE : lorsqu'il y a désaccord, au lieu de prendre acte du désaccord entre citoyens d'égaux à égaux, on accuse ce qui ne file pas droit dans notre sens d'être mal formé, de n'être pas assez informé, bref, on se place au-dessus de la mêlée, chose d'autant plus facile lorsqu'on n'est de toute façon qu'un observateur.
Je ne dis pas que la formation des fonctionnaires doit être un tabou. Je pense juste qu'une telle question doit être d'abord écartée, mise à part, et convoquée seulement lorsqu'on a tranché sur les autres questions et qu'on est parvenu à un consensus.
Toujours en prenant l'exemple de la CNDS, je trouve intolérable qu'elle parle de problème de formation sur nombre d'affaires avant même d'avoir la réponse de la Direction Générale de la Police Nationale qui souvent lui rappelle certains principes basiques du maintien de l'ordre, certaines nécessités des gestes techniques professionnels d'intervention. Elle devrait réserver son jugement à la petite semaine pour l'après, quand on s'est entendu sur la nature du problème ou non-problème - elle ne devrait juger (car il s'agit bien de jugement qu'il s'agit, où le mot déontologie est un cache-sexe pour parler de fautes disciplinaires, voire pénales) qu'après avoir écouté toutes les parties.
Si je trouve qu'on entend souvent tout et n'importe quoi au nom du droit de la défense, je crois qu'il est inacceptable qu'un jugement sur un homme soit rendu sans que cet homme n'ait été défendu (sauf si ce dernier refuse de se défendre).
Quand on parle de fonctionnaires, qu'ils soient profs, policiers, ou autres, on parle d'hommes (ou de femmes, ne chipotons pas).
Lorsqu'on dit qu'ils faudraient qu'ils soient mieux formés pour faire face aux problèmes auxquels ils sont confrontés, peu importe la manière de le dire, on suggère qu'ils sont une partie du problème. Et je crois qu'un tel propos ne devrait être tenu que lorsqu'on est absolument sûr de son fait. Parce que c'est trop grave.
A propos des enseignants, on parle souvent des errances des IUFM, de l'idéologie de certains enseignants en IUFM. Mais c'est pousser le bouchon trop loin de reprocher aux IUFM de ne pas pouvoir former des enseignants à savoir gérer des classes dont 50 % des élèves n'ont absolument aucune notion de respect de la moindre autorité qui ne soit pas établie par la force brute.
C'est très différent de souligner qu'il y a des malfrats et des incompétents dans toutes les professions. La malhonnêteté et l'incompétence ne sont pas vraiment la conséquence d'une formation, mais découle en large part de la personnalité de chacun. Ce n'est pas la formation qui fixe un cadre moral, même si elle est censée essayer de séparer le bon grain de l'ivraie.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 23 novembre 2006 à 09:48
années 70... jeune avocat commis d'office, je m'évertue à plaider un sursis pour un multi-récidiviste de vols à l'étalage... je l'obtiens à l'arraché... mon client m'eng...je comprends, tardivement, que nous sommes en novembre et que je l'ai privé d'un hiver plus abrité que la rue qui est son lieu d'errance...
Que nul ne cherche toutefois à tirer conclusion de ce qui n'est qu'un fait isolé...
j'ai cessé de faire du pénal pour devenir civiliste...
Rédigé par : sbriglia | 23 novembre 2006 à 09:39
Badinter n'a dans ce cas aucune réalité de toxicomanes cherchant à se faire incarcérer pour trouver un problème à leur addiction, qu'ils ne trouvent pas dans leur univers violent ou dans les strucutures conventionnelles saturées, ni celles des sans-logis qui font de petits délits pour passer l'hiver au chaud. Bien sûr la prison n'est pas une abbaye de Thélème, je suis persuadé qu'il y a des situations, des lieux, des contextes qui font pourtant passer la prison pour un havre de paix.
Rédigé par : LEFEBVRE | 22 novembre 2006 à 18:56
Allez, je me suis emballé en parlant de total désaccord : disons que le début du billet de Philippe m'a énervé et que la suite, meilleure à mon sens que le début, n'a pas bénéficié dans mon esprit du bon éclairage. Je pense que lui-même était énervé au début de sa rédaction et qu'il est revenu en eaux plus calmes par la suite.
Oui la globalité de la question carcérale est à prendre en compte.
Les surveillants sont des gens qui n'ont pas choisi ce métier de gaieté de coeur. Ce n'est pas une vocation d'être maton. Beaucoup, malgré tout, font ce métier convenablement, d'autres très bien, tout en se tenant à la mission première qui est la leur : surveiller. L'opinion les juge quasiment aussi mal que les détenus, effectuant une mission qui en rebuterait plus d'un. Le recrutement actuel des gardiens se situe à un niveau convenable, ce ne sont plus des ânes ni des brutes même s'il en demeure quelques exemplaires typiques. Il s'agit d'hommes et de femmes d'instruction modeste mais correcte, souvent capables de patience et chez qui on ne sent pas, sauf cas particulier, de sentiment de puissance.
Ils observent des règlements parfois stupides, sans y croire mais ils sont eux-mêmes surveillés. A un gardien, qui me voyait régulièrement et avec qui j'échangeais régulièrement quelques mots, je demandais pourquoi il me demandait toujours ma carte d'identité. Il me montra alors discrètement la caméra.
J'ai déjà évoqué la honte que constituent les logements de fonctions à Fresnes.
Si le détenu se situe au dernier échelon de la société, le surveillant ne semble le dépasser dans l'opinion que d'un cran. Robert Badinter répète souvent que la société n'accepte pas l'idée qu'un détenu puisse bénéficier d'un traitement plus favorable que le plus déshérité de la société.
Il est vrai que c'est l'ensemble de la chaîne carcérale qu'il faut traiter et que les lignes de partage entre ceux qui sont enfermés et ceux qui enferment ne sont pas toujours aussi nettes.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 22 novembre 2006 à 18:14
Ayant moi-même passé six ans derrière les barreaux, je me permets de confirmer votre conclusion (sans bien comprendre pourquoi vous avez eu tant de mal à en venir là) : la prison, c'est effectivement le surveillant d'étage qui la fait, et ce n'est d'ailleurs pas qu'une question de moyens (sur mon blog "le surveillant d'étage")
J'ai été parmi les derniers détenus du quartier Hommes de Montluc en particulier. Les conditions matérielles étaient effrayantes et je pense n'avoir jamais osé en parler tant je mettrais mal à l'aise mes interlocuteurs. En revanche, la structure étant petite, nous avions avec les surveillants des rapports humains, et je dois même dire parfois de confiance, du moins je le crois. Ces 18 mois passés là m'ont fait moins de trous dans la tête que 3 semaines à Fresnes.
Je vous livre tout de même une phrase 'anodine' qui me fut adressée pendant ma détention.
J'attendais à l'infirmerie et le surveillant me demanda ce que j'avais : je lui dis un problème de cholestérol. J'en viens à lui dire que je mangeais trop, et que je grossissais.
Il me répondit : "c'est pareil avec les porcs, on les enferme pour qu'ils engraissent mieux".
Je ne parviendrai jamais tout à fait à séparer votre justice dont il portait l'uniforme, de cette phrase que je ne résume pas tout à fait à de la bêtise, mais bien à quelque chose de sourd et sauvage, même si je sais bien que...
Rédigé par : olivier | 22 novembre 2006 à 16:38
@Marcel Patoulatchi : je ne m'explique décidément pas la vindicte que vous me réservez !
Je n'ai jamais affirmé que l'insuffisante formation des surveillants explique la surpopulation carcérale...
J'ai simplement, dans un banal et sûrement insuffisant commentaire rapidement rédigé , constaté avec regret que les fonctionnaires pénitentiaires comme les policiers , les enseignants ou infirmières ne reçoivent pas la reconnaissance qui leur est due , selon moi , par la Nation .
Je n'impute en rien au personnel soignant la maladie de leurs patients , aux OPJ la récidive de ceux qu'ils ont eu en garde à vue , aux éducateurs la déviance de ceux qu'ils ont eu en charge .
Pour ce qui de la prison - que je crois connaître - et au sein de laquelle j'ai contribué , sans en être fier ni complexé ,à faire séjourner des centaines d'individus - j'aspire que lui soit , plus qu'aujourd'hui , assignée une mission plus ambitieuse que la mise à l'écart temporaire de certains , eux-mêmes remplacés dans la délinquance par d'autres juste élargis , peine purgée .
J'ai la seule faiblesse de penser que le temps carcéral peut être mis à profit pour d'autres activités que regarder la télévision durant dix heures quotidiennes en fumant des cigarettes ou autres substances .
Je me trompe peut-être .Toutefois , mon passé m'a appris , sans que je puisse vous le démontrer scientifiquement , que certains hommes , bien encadrés , par la valeur de l'exemple notamment , sont aptes à suivre des chemins honorables qu'ils avaient quittés un temps ou jamais empruntés .
On peut - j'en suis - plaider pour la responsabilité individuelle sans pour autant dénier le droit à la réhabilitation et tout mettre en oeuvre pour la favoriser .
Nous avons , je crois , plus à échanger , monsieur , que vous ne le pensez .
J'y suis prêt de mon côté .
Rédigé par : Parayre | 22 novembre 2006 à 15:08
Une petite question qui n'a aucun rapport avec le sujet "une prison sans société":
Quelle est votre position sur les grèves des avocats relatives au problème de l'aide juridictionnelle et donc à celui de l'accès au droit ?
il est tout de même intéressant de connaître l'avis d'un magistrat sur ce point, d'autant plus que je crois que le mouvement va sérieusement s'amplifier dans les semaines à venir, au point de poser d'importantes difficultés dans les juridictions francaises.
Rédigé par : Avocat breton | 22 novembre 2006 à 13:34
Un article de Libération, le canard qui va se « positionner » clairement à gauche selon son nouveau dirigeant (en gros, qui va choisir un segment de la population pour lui délivrer l'information qu'il attend très précisément) a publié aujourd'hui même un article qui vaut le coup d'oeil :
http://www.au-troisieme-oeil.com/index.php?page=actu&type=skr&news=22282
Intitulé « Je suis libérable, pour l'instant, en 2022 », on a le droit à un laïus à propos d'un condamné, ancien adepte de box thaïe, apparemment modèle, qui en cours d'assises « opine du chef » quand son complice déclare que « [Les QI] ne sont ni plus ni moins que les QHS qui ont été fermés. On y torture les gens en toute impunité. En France, Guantanamo existe" », cela « sous les applaudissements du public ». Bref, selon cet article, on enferme un « bon camarade » (c'est un sous-titre de l'article », qui n'hésite pas à revendiquer que « les seuls ennuis que j'ai eus, c'est avec la justice, pas avec les gens ». On pourrait le croire, puisque l'article suggère que les «les ennuis judiciaires ont commencé» par des « Outrages et rébellions » (non, il ne faudrait surtout pas penser que les outrages et rebellions puissent être conséquence d'autres faits...).
Dans l'article, si on nous donne une idée des faits reprochés à l'intéressé, on ne les confronte pas réellement à ce qu'il nous dit. Bref, un type dans Libération peut dire sans être contredit qu'il n'a jamais eu d'ennuis qu'avec la Justice, pas avec les « gens », alors qu'il est accusé ou condamné de vols à main armé, détention d'explosifs.
Si on nous parle bien de cette « attaque d'un fourgon de la Brink's à Gentilly le 26 décembre 2000», on ne nous parlera pas de l'importante saisie d'armes lors de l'arrestation conséquente, le 27 décembre à Paray Vieille Poste. C'est-à-dire d'un lance-roquettes, une vingtaine de fusils d'assaut et autant de pistolets-mitrailleurs, fusils à pompe et armes de poing, 100 kilos de munitions, un kilo et demi de plastic, des mètres de mèche lente, 66 détonateurs, gyrophares et brassards « police ». Un drôle d'équipement pour un amateur du genre humain qui n'a eu en fait de problèmes qu'avec la Justice.
Pour ma part, je ne me choque pas de savoir cet homme-là en prison jusqu'en 2022, je m'en félicite plutôt.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 22 novembre 2006 à 13:24
Ca faisait longtemps que je n'avais pas été en total désaccord avec vous !
La prison existe et constitue en soi un univers qu'il convient de regarder sans être contraint de considérer ce qui a amené les détenus dans ce lieu.
Les détenus ne sont pas tous, loin s'en faut, des angelots mais :
- Vivre et dormir à 3, parfois 4 avec un matelas par terre, dans 9m2, est-ce normal ?
- Ne pas disposer, notamment en hiver,d'une eau supérieure à 4 degrés pour se laver, est-ce normal ?
- Contraindre à la promiscuité les tendres et les durs, faisant des uns les objets sexuels des autres, est-ce normal ?
Vous avez en prison des publics qui ne sont pas tous des gens violents et qui sont amenés à le devenir pour survivre dans cette jungle. Avez-vous vu deux vieux détenus, l'un innocent (on n'est jamais là par hasard ?), l'autre condamné pour fraude fiscale, se chicorner pour dormir dans le lit du bas, parce que monter dans le lit du dessus constitue une épreuve pour chacun ?
Les personnels ne sont pas les salopards qu'on décrit, j'en témoigne. Ils vivent dans la même crasse que les détenus. Allez faire un tour à Fresnes, dans les logements de fonction des gardiens : c'est indigne.
J'en aurais tant à dire, sur le fond et la forme, que ce ne serait pas un commentaire mais un bouquin.
Oui, en comparaison d'autres systèmes pénitentiaires de pays inductrialisés, la prison française est indigne de notre rang.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 22 novembre 2006 à 12:20
Quand il y a des problèmes dans une classe composée d'un tiers d'élèves qui sont déjà connus de la police, on soupçonne l'enseignant d'être mal formé. Quand il y a des problèmes dans la rue lors d'un banal contrôle dans un quartier où l'on brûle quotidiennement des voitures et où il est écrit « nique la police » sur 85 % des murs, on soupçonne le policier d'être mal formé.
Je ne suis guère surpris qu'on ait vite fait de soupçonner que les gardiens de prison soient mal formés, comme si c'était de leur formation que dépendait le fait que l'argent est présent dans les prisons, comme si c'était de leur formation que dépendait la surpopulation carcérale.
Certains doivent se sentir vraiment bien formés, pour être persuadés que tous les problèmes du monde s'expliquent par l'absence de formation - et en fait, lorsque formation signifie déontologie basique, d'intelligence - des fonctionnaires. Qu'il est drôle ensuite de parler de respect, de récompense, pour ces fonctionnaires, qui pour la plupart, je le pense, ne cherchent pas de « récompense » autre que le sentiment d'avoir contribué utilement à la société - et certainement pas qu'on se permette, hors contexte, de juger à l'emporte-pièce leur intelligence et leur déontologie prise dans le concret, en suggérant que s'ils avaient été « mieux formés » ils auraient agi tout à fait différemment.
Ce n'est pas tout à fait nouveau que l'application des peines est l'enfant pauvre de la matière pénale. On s'accordera néanmoins à remarquer que depuis quelques années, on bâtit de nouvelles prisons. Du coup, on ne peut pas dire que la Nation s'en moque, on ne peut pas jouer au preux chevalier seul à avoir pris conscience de certains problèmes, certains problèmes qu'on ne peut croire pouvoir résoudre du jour au lendemain.
Ceci étant dit, il est tout à fait vrai qu'on ne devrait pas se contenter de nouveaux bâtiments mais qu'on devrait sans doute innover pour que les prisons ne proposent pas l'oisiveté (et les petits trafics) aux écroués mais au contraire, du sport, de l'enseignement et de la culture. Pour ces tâches-là, je ne crois pas que ce sont des gardiens de prisons qu'il faut recruter, mais bien des enseignants, des bibliothécaires, des psychologues - et si on veut des bons et pas des rebuts ou bien des trop idéologisés, ça aura un prix.
Bien sûr, il ne suffit pas de déclarer ce qu'il faudrait faire, encore faut-il que chacun soit prêt à payer le prix de cette politique. Et c'est sans doute là que le bat blesse... Dans une société qui réclame toujours des baisses d'impôts (mais pas trop de contrôles sur l'usage de l'impôt - les garden party de l'Elysée ne semblent pas sur le point de disparaître), il est délicat, injuste, de fournir plus de service public aux écroués qu'aux autres citoyens.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 22 novembre 2006 à 10:10
Ce sont des mesures à le fois bonnes pour la société, les victimes et les détenus. Tout le monde y trouve un compte raisonnable, partial et réaliste. Les prisons sont à construire, je l'ai déja dit dans plusieurs posts, idem pour les sanctions à appliquer, pour l'accompagnement, cela va de soi, c'est communément admis, il ne manque rien dans le réalisme. Un citoyen, avocat général ou autre peut il proposer ce genre de mesures à l'assemblée , être entendu quelque part ?
Rédigé par : LEFEBVRE | 22 novembre 2006 à 01:27
La prison n'a certes pas, en l'état, un programme éducatif performant, la preuve ils ont laissé ressortir Loïc le Floch Prigent dans le même état, sinon pire. Ce dernier affirmait dans l'émission présentée par Bern que plus de quatre vingt pour cent des détenus seraient tout à fait aptes à sortir dans l'immédiat.
Belle injure aux magistrats, aux institutions, au fonctionnement républicain. Belle connerie surtout, comment imaginer que des cas violents quelle que soit la forme de cette violence vont cesser leurs agissements sans sanction alors qu'une partie d'entre eux recommencent malgré la sanction (je ne connais pas la proportion) ?
Cet homme a eu entre les mains des responsabilités qu'une majorité d'entre nous n'aura jamais et il n'est pas capable du plus élémentaire réalisme. Preuve supplémentaire que le diplôme et la fonction ne font pas l'homme, qu'il faut bien plus que cela. M C Jean Gabin (pauvre famille Gabin) expliquait dans le même débat qu'il avait été obligé d'aller braquer à sa sortie de prison alors qu'à quelques stations de métro de la Santé, rue de Dunkerque et alentour se trouvent des dizaines de boîtes d'intérim prêtes à embaucher sans formation pour le bâtiment ou la manutention.
Son problème n'était donc pas le travail, mais la réflexion, l'envie d'être très riche tout de suite, sans effort, d'être le chef sans en suivre la formation et le sens civique.
Il a finalement trouvé un créneau : "chanteur."
La fonction rebus et poubelle comme celle d'"écrivain" où le souci n'est plus le fond ou la forme, car qui relate encore une histoire dans la dernière? qui crée encore un texte avec rime, chant lexical et mélodie dans la première ? Son single nous en dit d'ailleurs long sur sa prétention créatrice et productive : "j't'emmerde".
Ni lui, ni son compagnon d'opinion Loïc n'ont eu à un seul moment le tact de dire : C'est mal ce que j'ai fait, des gens en ont souffert, la société et son fonctionnement n'ont pas été respectés.
Cette période d'isolement n'est pas profitable à tout le monde, l'examen personnel n'était visiblement pas au rendez-vous pour le col blanc ou le survêt, basket, casquette.
S'il pouvait y avoir des cours de prise de conscience des individus en sus des mesures justes humaines de réinsertion en plus de la formation, ce sont des individus dans ce genre qui en seraient les premiers bénéficiaires.
Ils trouveraient le confort de vivre en paix avec eux-mêmes et les autres, de servir les siens, les Français en étant boulanger, juge, menuisier ou prof d'histoire plutôt que les léser.
Rédigé par : LEFEBVRE | 22 novembre 2006 à 01:11
« Au moins Bernard George, à qui on doit "les bataillons de délinquants", a-t-il l'honnêteté d'avouer qu'il a réalisé un film "clairement à charge" "
Un esprit retors a-t-il jamais demandé à Bernard George ce qu’il pensait des conditions de « détention » vécues par le directeur du centre de tri postal de Bègles et quatre de ses collaborateurs retenus dans une salle le 25 mai 2005 par une soixantaine de grévistes et qui, selon la direction régionale de la Poste, « n’ont pas pu s’alimenter ni aller aux toilettes pendant vingt heures… »
Les bonnes consciences ou les belles âmes de ce pays se sont-elles inquiétées ou ont-elles manifesté leurs craintes de voir ces cinq détenus d’un genre très particulier,devenir d’authentiques délinquants ?
Les associations de défense des droits de l’homme se sont-elles insurgées contre de telles conditions de «détention» sans procès et sans avoir eu possibilité de recours à un avocat, et contre « l’indignité de cet enfermement » ?
Rédigé par : dab | 21 novembre 2006 à 22:41
Il s'agit effectivement d'une cause légitime et ambitieuse : manque de places manifeste , taux d'encadrement humain parmi les plus bas des pays du Conseil de l'Europe , taux de récidive de plus de 60% , contenu du métier de surveillant à parfaire , allongement des temps de détention ...
Solidement ancré dans l'inconscient de ce ventre mou qu'est l'opinion , le sentiment d'abandon qui caractérise tout ce qui tourne autour de la prison a toujours la vie belle .La nation continuera longtemps de se soucier fort peu du sort réservé aux cent mille personnes qui séjournent chaque année plus ou moins longtemps en milieu pénitentiaire .L'opinion réclame avant tout de la sûreté , de la punition et de l'oubli !
Elle manifeste du reste bien peu d'intérêt pour celles et ceux qui , en son nom , assurent la garde et l'accompagnement vers la liberté des citoyens qui ont transgressé la loi .Elle réserve un sort identique aux hommes qui s'occupent d'autres hommes : comment sont récompensés , reconnus l'infirmière , l'instituteur de banlieue , le policier de terrain , l'éducateur ? Notre reconnaissance collective , au XXI °siècle , va aux marchands , à ceux qui s'activent autour de la circulation du produit .
A l'intérieur des murs , il est urgent d'agir en profondeur sur les régimes de détention , d'ancrer l'idée qu'une personne détenue est une histoire , un visage , un nom et pas d'abord un numéro .Il convient , vous avez raison , de construire des établissements , d'opter pour des tailles modestes ( deux cents places ) et de réserver des priorités pour donner du contenu au temps ; l'inactivité est génératrice de déstructuration de la personnalité .Formation , enseignement , sport , accès à la culture doivent prendre place dans une journée carcérale prolongée dans les lieux pour peines .
Donner du sens à la sanction : les personnels pénitentiaires ne sont pas mandatés pour excuser ou effacer l'acte ayant entraîné la condamnation .En revanche , investis par la loi d'une mission de garde et d'insertion , il leur incombe , avec d'autres , de travailler la question de la faute avec le détenu : quel regard porte-t-il sur son/ses acte(s)?Comment les explique-t-il ,comment veut-il se projeter dans l'avenir ?Pour quelle vie ?En augmentant le nombre de surveillants , en les qualifiant avec une formation plus poussée ,du sens sera donné à la sanction qui cessera alors d'être "sale" , négative ,synonyme d'oubliette des Temps modernes.
On doit être plus imaginatif en garantissant la sécurité due au citoyen et ,chaque fois que cela est possible , en éduquant celui qui est écroué , c'est-à-dire étymologiquement ex ducere , le conduire dehors ...
Rédigé par : Parayre | 21 novembre 2006 à 22:07
Limpide. Dommage que sur Canal, on ne (vous) lise (sûrement) pas.
Rédigé par : Emmanuel | 21 novembre 2006 à 19:16