Depuis Outreau, on entend beaucoup parler du doute, de sa culture, des interrogations qu'il devrait sans cesse susciter au coeur de l'activité de justice. On reproche aux magistrats de ne pas savoir lui donner la place qu'il mérite et même d'ignorer la richesse intellectuelle qu'il apporte.
J'ai déjà dit que ce procès qui nous était intenté me semblait abusif. D'une part, parce que je n'étais pas sûr que les avocats soient les mieux fondés à nous entretenir du doute, puisque pour eux un magistrat pétri d'incertitudes serait, à l'évidence, une proie facile. D'autre part, parce que si le doute représente l'allié fondamental de l'élaboration de la pensée pour toute intelligence ne se voulant pas trop obtuse, je suis loin d'être persuadé qu'il constitue la qualité fondamentale du juge.
Pourtant, force est de reconnaître que l'esprit judiciaire répugne à proclamer le bénéfice du doute, parce qu'il a besoin d'une certitude. Aussi, je me demande si nous ne faisons pas fausse route en focalisant notre attention sur la culture du doute comme si c'était à cause de son absence que la justice décevait parfois les attentes les plus respectables.
Si nous nous demandions plutôt pourquoi, appréhendée par le magistrat - car à l'évidence, il n'est pas une affaire ayant défrayé la chronique où les juges n'aient perçu, dans leur débat collectif, l'importance de l'incertitude face aux affirmations contraires - elle n'aboutit que rarement aux décisions d'exonération souhaitées par la défense et les multiples comités de soutien qui prospérent dans son orbite ? La question ne serait plus alors d'enseigner le doute aux magistrats, ils le connaissent et ne refusent pas son aide dans une stratégie de discussion et de réflexion, mais de déterminer pourquoi il est souvent perdant devant les décrets de l'autorité affirmative. Pourquoi, au fond, la justice, après avoir rendu hommage au doute, le laisse volontiers ensuite au vestiaire.
Il convient de s'attacher alors, plus qu'à la spécificité de la démarche judiciaire, à la nature même de l'esprit humain qui, confronté à l'évidente et surabondante présence du positif, répugne à se mettre en état d'hibernation, en suspens pour adopter une attitude sinon négative du moins abstentionniste. Il y a vraisemblablement dans l'acte de justice et, au-delà, dans les pratiques conceptuelles ou instinctives de beaucoup une manière de crédit systématique donné à ce qui paraît crever les yeux et l'esprit. Il y a, dans la certitude de la culpabilité en dépit de tout ce qui, auparavant, a pu la déstabiliser, le confort et la tranquillité de l'affirmation, l'engagement et l'implication, le oui qui rassure, l'évidence qui soulage alors qu'on ne parvient pas, ou difficilement, à percevoir que le doute est aussi une affirmation et que l'intelligence et le sens civique ne désertent pas quand ils disent non ou peut-être, mais s'honorent de tirer des conclusions décisives de la perception mal assurée et scrupuleuse qui a été la leur.
C'est là, me semble-t-il, dans cette défaite quasiment constante du doute face à la certitude adverse que doit résider notre inquiétude. Une virilité judiciaire classique n'est pas absente de ce combat toujours gagné par la force de l'acquis contre l'hésitation du retrait et du recul.
On ne peut pas dire que juger est une chose simple. C'est d'abord se traiter mal, penser contre soi, croire à la valeur de ce qui refuse, à la grandeur de la marge.
J'aime croire que c'est possible.
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J'ai lu avec intérêt le billet et les commentaires sur ces relaxes au bénéfice du doute, selon l'expression mal consacré.
Il y a une chose qui me frappe et qui n'a jamais été relevé, ce sont les conséquences désastreuses en termes de dégâts collatéraux, si on peut dire de cette mention "au bénéfice du doute", notamment dans le cercle familial qui ne manquera pas de l'exploiter, et de l'entourage, les voisins bien intentionnés.
Que l'on doute, et là je rejoins l'un des auteurs d'un des commentaires, est à l'honneur de la justice, cela est nécessaire pour la prise de décision. Mais dans le temps ou l'on doute si fort que nulle condamnation ne semble possible, pourquoi inscrire, comme un tampon à l'encre rouge indélébile au front de la personne, vous êtes relaxée certes, mais au bénéfice du doute, vous restez douteuse à vie !
Et la personne en restera douteuse toute sa vie effectivement, bien au-delà de tout délai de prescription et de tout ce qu'on veut, parce que la vox populi se fiche pas mal des arguties juridiques, des états d'âme des magistrats au moment du délibéré, et se contente de peu, de très peu.
Alors que nous discutions sans fin sur l'étendue du contenu de cette relaxe au bénéfice du doute, en tant que discussion juridico-judicaire, moi je veux bien, mais ne faudrait-il donc pas faire primer l'intérêt de la personne, son droit a avoir demain une vie de famille normalisée et apaisée, sans qu'une personne quelconque ré-exploite sans fin cette faille ? Ne ressorte devant ces enfants médusés par exemple, ce vieux jugement entaché du fameux doute !
Soit il y a des faits des éléments et la condamnation se forme, soit il y a doute, et à ce moment là, les magistrats devrait se taire de leurs avis, et relaxer. Relaxer sans commentaires superflus.
Rédigé par : Laure | 22 août 2009 à 13:56
@ Lefebvre,
Je n'ai pas écrit que " l'apogée d'un jugement soit que le magistrat dise je ne sais pas ". J'ai essayé de dire que quand la justice ne sait pas, c'est tout à son honneur d'utiliser " le bénéfice du doute ", sachant que cette décision entraînera des colères, des incompréhensions, des souffrances et des indignations, que ce soit du côté de la victime, et que ce soit du côté du prévenu si ce dernier se sait, lui, innocent. Elle ne peut pas condamner, mais elle ne peut pas innocenter non plus.
La difficulté à tenir une telle position relève pour moi de la raison et du courage intellectuel. Je suis convaincue de la justesse de la phrase de sbriglia à laquelle j’ai fait référence plus haut.
@ doc
Si la justice est dans l‘incertitude, elle doit acquitter au bénéfice du doute. Voilà ma conviction profonde.
Par ailleurs, je suis consciente que " les géants " restent un idéal à atteindre.
Il me semble qu'un jeune homme ou une jeune femme qui souhaite faire ce métier doit être certain que ce qu'on lui demandera fera appel à des compétences et à des qualités qui, réunies chez une même personne, sont celles de gens hors du commun.
Si dans le concours d'entrée à l'ENM, la barre n'est pas posée à cette hauteur, alors nous aurons des magistrats insignifiants et quelconques. N' être qu'une " bête à concours " capable de faire 1000 citations à l'heure est insuffisant.
@Jean-Dominique
Pour illustrer ce que je viens d'écrire à doc, je reviens à l'exemple du greffier et du juge que vous évoquiez hier sur la note précédente. Ne pas être en capacité de s'opposer à une hiérarchie quand on pense ou quand on sait que celle-ci se trompe, c'est ainsi, je crois, que débutent les cauchemars dans les histoires de fous.
J'ajoute, car je le pense profondément vrai, que dans le fait de ne pas s'opposer et laisser faire , il y a aussi dans cette abstention l'idée que la personne qui se tait, y trouve d'abord son compte.
Je ne dis pas qu’un greffier doit mettre un juge en difficulté dans son bureau. Je dis que s’abstenir de le faire pour ne pas vexer ou ménager une susceptibilité, qui n’a pas lieu d’être chez un homme ou une femme de caractère, est un manquement.
Ce n'est quand même pas rien d'exercer et de représenter un métier qui s'appelle la Justice.
Rédigé par : Véronique | 20 décembre 2006 à 20:46
"J'avoue, Lefebvre, avoir du mal à saisir "votre morceau chosi" de P.B. sauf à faire référence à un dossier particulier : dire d'un acquitté que cela ne fait pas de lui un innocent" a écrit Doc...
C'était l'époque où notre hôte lisait "Les mains sales"...il a voulu faire une saillie à la Jules Romains, genre "tout innocent est un coupable qui s'ignore" mais on ne mélange pas impunément jules et jean -paul...allez,un peu de Poincaré(henri, pas raymond!) en guise de détente :"douter de tout ou tout croire ce sont deux solutions également commodes qui ,l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir" (cadeau à Ségo pour ses exams!)
Rédigé par : sbriglia | 20 décembre 2006 à 17:10
Jean-Dominique,
Je ne peux que partager pleinement votre analyse.
Vous le savez selon de multiples paramètres qui peuvent être positifs tout autant que négatifs selon la latitude et le quidam, la condamnation sera différente à Maubeuge ou à Montélimar...
Je rebondis pour partie d'explication à ces différents traitements de la chose jugée sur la mobilité du Magistrat et une certaine "intégration" dans la Cité que je prise peu (je me suis déjà exprimé sur ce sujet...).
Véronique
Qu'on soit impuissant est fort humain, ce qui l'est moins est de condamner car c'est son métier, son ouvrage, la facilité !
Le chirurgien doit-il vous ouvrir l'abdomen car il ne sait pas pourquoi mais il sait faire une laparotomie?
Alors condamnons car on ne sait pas et après tout si le présumé innocent devant la loi, présumé coupable dans de nombreuses têtes surplombant l'hermine, est là ce n'est pas un hasard...
Vous pensez que cela est à la hauteur morale d'une telle Institution ?
Quant à vos "géants" : l'excellence de P.B. et de quelques-uns cache beaucoup "la poussière" sous les épais tapis du sérail...
Rédigé par : doc | 20 décembre 2006 à 16:19
@ Doc,
Je n'ai pas dit tous, ce serait une perte de raison.
Je dis que ce n'est pas parce qu'il y a relaxe ou acquittement au bénéfice du doute, que l'accusé est innocent. Les légistes n'ont pas eu les éléments pour satisfaire un jugement certain, ce qui ne veut en aucun cas dire clairement que cet homme, cette femme ou ce groupe de personnes soient innocents. Il reste une question en suspens sans réponse... Un coupable peut très bien bénéficier du bénéfice du doute, un innocent peut, bien sûr en avoir l'usufruit. Mais en restant dans la logique pure si cet homme est obligatoirement relaxé ou acquitté, car les éléments l'attestent.
De même que quelqu'un de très en souffrance peut déposer une fausse plainte et avoir une douleur inventée ou axée sur une autre base, défions-nous d'une légitime compassion qui vient se greffer sur des mensonges ou un machiavélisme.
@Véro,
Le bénéfice du doute n'est pas le paroxysme de la justice, il est je pense plus épanouissant pour le juge de trouver la vérité, de rendre une décision, pour les parties bénéficiant du jugement de l'accusation et de la défense aussi.
Qu'un homme, qu'il soit juge ou autre sache faire preuve d'humilité et reconnaître son impuissance, c'est tout à son honneur, par contre que l'apogée d'un jugement soit que le magistrat dise je ne sais pas est une ineptie, c'est beaucoup mieux quand il dit je sais car c'est réparateur.
Vous mettez encore du romantisme et le préférez à la justice, à l'humanisme, à la réparation : c'est un comble.
J'ai une très haute opinion de la justice, de bon nombre de ses représentants. Même lorsque je me suis trouvé confronté à des ordures, à des idiots, à des paresseux intellectuels, j'ai gardé une politesse d'étiquette pour respect vis-à-vis de la profession, ce fut interprété pour de la bêtise par eux, peu importe, je n'ai pas à me mettre à ce niveau.
J'ai un grand respect pour les personnalités intelligentes et intègres de ces corps de métier et si un peu de mon admiration sincère pour leur abnégation, leur humanisme, leur discernement et leur courage est un peu de baume au coeur, une récompense, tant mieux.
Je ne fonctionne dans aucun paraître, aucune image d'Épinal, je ne veux appartenir à rien (lorsque l'on m'a proposé de devenir tableur, franc-maçon, j'ai refusé malgré des avantages qui auraient changé ma vie.), je veux tenter de garder un regard sans parti-pris sur les événements et les gens.
Mon constat est que j'ai effectivement rencontré des gens de Droit hors la loi, idiots, malhonnêtes, corporatistes et que je sais même qu'il y en a qui sont fous, je maintiens que leur place n'est pas dans leur fonction qui réclame tout ce que vous décrivez si bien et dont nombre de leurs confrères disposent, je rends un juste hommage à ces derniers et à l'énorme service qu'ils me rendent en me permettant de vivre dans cette société-ci.
Puisqu'il y a latin en deuxième langue sur ce blog, j'y vais aussi de la mienne :
res judicata pro veritare habetur.
Ce qui donne à peu près : la chose jugée est vérité, et c'est de Cicéron.
ou une spéciale corporatiste :
Salus populi suprema lex esto.
Que le salut du peuple soit la loi suprême. C'est une maxime du droit publique romain qui stipule que toutes les lois particulières doivent s'effacer lorsqu'il s'agit de sauver la patrie, ce sera ma réponse aux justices de classe et communautaires dans la situation difficile de la France ces derniers temps.
Rédigé par : LEFEBVRE | 20 décembre 2006 à 15:56
@ Lefebvre
Juste cela :
"J'ai entendu monsieur Bilger dire à un acquitté à la télévision que ce n'était pas parce qu'il n'était pas reconnu coupable qu'il était innocent, ce qui avait fait bondir Maître Collard de sa chaise."
Si cette personne a été acquittée "au bénéfice du doute", alors M.Bilger a eu raison dans son propos qui, par ailleurs, exprimé de cette façon, reste rude et brutal. M.Bilger aurait eu intérêt à élargir son propos et à expliquer "le bénéfice du doute."
Si cette personne a été acquittée parce qu’on a reconnu son innocence, alors M. Bilger, à mes yeux, a eu tort, tant sur le fond que sur la forme de son propos.
Et là, moi aussi, tout comme Maître Collard et doc, je tombe à la renverse.
Rédigé par : Véronique | 20 décembre 2006 à 14:06
J'avoue, Lefebvre, avoir du mal à saisir "votre morceau chosi" de P.B. sauf à faire référence à un dossier particulier : dire d'un acquitté que cela ne fait pas de lui un innocent, pour le coup on retombe dans la culture du doute (moi de ma chaise) et on est loin du bénéfice de la certitude !
Tous les acquittés ne seraient donc pas des innocents mais alors des coupables ignorés pour différentes raisons donc pas sanctionnés ?
J'en reste sans voix dans l'attente d'explications à votre propos.
Rédigé par : doc | 20 décembre 2006 à 12:11
@Lefebvre
C'est toujours le même argument, quand on essaie de se placer dans la raison (peines prononcées pas assez sévères, " laxisme ", " bénéfice du doute"):
" Que ressentiriez-vous, Véronique, si vous demandiez l'aide de la justice et que celle-ci vous réponde qu'il y a bénéfice du doute ? "
Probablement beaucoup de colère, de souffrance et d'indignation.
Mais, je suis en total d'accord avec sbriglia :
" Là où l'émotion et les pièges du sentimentalisme rentrent dans le prétoire, là s'enfuient la raison et le droit..." Post: Pas assez d'Outreau ? 18-12 14 :38
Je comprends que, du point de vue d’une victime, l’expression d’un doute par la Justice soit insupportable. De la même façon, elle l'est pour quelqu’un qui est innocent.
Mais l’idée que je me fais de la raison, du droit et de la justice font que je reconnais du courage et de la vérité à des magistrats qui diront : " nous ne savons pas " donc " bénéfice du doute ". Je leur donnerai raison s'il y a pour eux impossibilité à trancher.
" Un idiot, un feignant, un corporatiste peut trouver une mine d'or dans ce qui peut lui permettre de ne pas faire son travail. "
Lefebvre, ne me faites pas l’injure de penser que ce métier que vous et moi plaçons au plus haut, en regard des qualités intellectuelles, morales et humaines qu’il requiert, utiliserait le " bénéfice du doute " pour masquer des insuffisances. Il faut être un géant pour exercer ce métier... oui, parfaitement.
@ Jean-Dominique
" Le doute n'est pas une émotion de rosière. C'est la puissance de la raison qui s'exprime : en l'état, il est impossible de condamner. "
Je suis d’accord avec cela. Et rosière, je ne le suis pas, enfin, je ne le crois pas. Mais il faut aussi ajouter, pour rester dans le domaine de la raison :
" en l’état, il est impossible d’innocenter. "
" C'est alors l'accusation qui est douteuse... pas forcément la culpabilité. "
Non, Jean-Dominique, l’accusation n’est pas alors " douteuse ", elle est impuissante à démontrer.
Rédigé par : Véronique | 20 décembre 2006 à 11:58
Le "bénéfice du doute" n'est pas une impossibilité de trancher, Véronique, sauf à évoquer l'antique ablation de la tête. Nombreuses sont les affaires où les preuves matérielles manquent, tant pour l'accusation que pour la défense, et c'est alors parole contre parole, dans un climat où la sympathie, la crédibilité jouent un rôle prépondérant. Le bénéfice du doute, lorsqu'il s'appuie sur la certitude de ce doute, "tranche" dans un sens. L'exemple de l'affaire Dils, après l'apparition de Francis Heaulme, est caractéristique : il n'y a pas de témoignage nouveau sauf la présence avérée de Heaulme sur les lieux au moment du crime. Cela ne fait pas de Heaulme le coupable mais, du coup, il existe un doute plus que sérieux sur la responsabilité de Dils dans ce crime.
Rien n'est pire que le doute qui ne serait qu'hésitation : le jury décide alors n'importe quoi. Les verdicts mi-chèvre mi-chou qui condamnent un crime odieux avec une peine légère. Que dire de viols répétés sur une enfant de 8 ans qui ne seraient punis que de 5 ans de prison ? Surréaliste, déraisonnable, et pourtant, cela existe bel et bien, avec un jury qui ne croit pas l'accusation mais qui ne veut pas exonérer la défense pour autant et qui ne sait pas où placer le curseur. Il le place alors n'importe où.
Le doute n'est pas une émotion de rosière. C'est la puissance de la raison qui s'exprime : en l'état, il est impossible de condamner. Dans le système français, où il existe une prime à l'accusation du fait qu'elle est portée par le ministère public, le doute ne peut s'installer qu'en remontant une pente très forte, démontant la crédibilité de tout ou partie de l'accusation. Ce n'est pas un mince exercice pour la défense, croyez-moi ! Ainsi, s'agissant même d'un innocent, on ne parviendra jamais à tout démonter. Le doute s'exprime alors de cette façon : "cette personne n'est peut-être pas blanc-bleu, mais elle n'a pas commis les faits reprochés dans les conditions présentées par l'accusation." C'est alors l'accusation qui est douteuse... pas forcément la culpabilité.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 20 décembre 2006 à 10:38
C'est une situation que je ne connais pas, pourtant une décision comme celle-ci me semble un pis-aller y compris et surtout pour la partie plaignante si celle-ci a déposé une plainte légitime. Il faut savoir se mettre en empathie avec le côté émotionnel des autres.
Que ressentiriez-vous, Véronique, si vous demandiez l'aide de la justice et que celle-ci vous réponde qu'il y bénéfice du doute ?
Pour l'acquittement au bénéfice du doute, je dirais la même conclusion que pour l'erreur humaine, attention vigilance, lorsqu'il n'y a comme conclusion possible que ce dernier, c'est une évidence, mais il faut s'assurer d'une instruction complète et minutieuse en amont et d'un jugement partial in fine.
Le bénéfice du doute peut être une excuse supplémentaire.
J'ai entendu monsieur Bilger dire à un acquitté à la télévision que ce n'était pas parce qu'il n'était pas reconnu coupable qu'il était innocent, ce qui avait fait bondir maître Collard de sa chaise. Pourtant le pragmatisme, la quête de vérité, la justice qui s'honore c'est cela. C'est répondre au meilleur de la logique pour être le plus juste possible.
Un idiot, un feignant, un corporatiste peut trouver une mine d'or dans ce qui peut lui permettre de ne pas faire son travail.
Rédigé par : LEFEBVRE | 20 décembre 2006 à 09:20
Quand une décision de justice est rendue " au bénéfice du doute ", je n’ai pas le sentiment qu’il s’agisse d’une défaite de la justice. Mais, bien plutôt, de la reconnaissance et de l’affirmation d’une impossibilité à trancher.
Un magistrat qui déclare: " je ne sais pas " est le signe pour moi d'un professionnel empreint d’un courage intellectuel et moral. C'est l’expression d’une raison judiciaire, et la défense de l’idée qu’on se fait du droit et de la justice. Et ceci, quelles que soient les critiques formulées par rapport au doute.
Je crois également que cette disposition de l’esprit dépasse très largement la sphère judiciaire. Il y a souvent plus de courage, de force et de grandeur à reconnaître ses propres limites. Et cela peut préserver de commettre des erreurs d’appréciation.
Pour d’autres professions, le secours de l'expression du doute n’est pas possible. L’important, par rapport à des situations compliquées ou aiguës, est alors de prendre une décision, bonne ou mauvaise, et de s’y tenir. Le pire étant l’absence de décision et la non maîtrise des situations que cette abstention peut créer.
Souvent, je me dis que dans le domaine politique, et quelle que soit la couleur revendiquée, cette détermination dans la prise de décision fait souvent défaut.
Rédigé par : Véronique | 19 décembre 2006 à 12:34
La collégialité évoquée dans mon précédent commentaire est souvent présentée comme un " leurre" ...
Ce constat - que je peux faire mien au regard de mon vécu professionnel - ne signifie pas pour autant qu'il soit définitivement impossible de "faire vivre" cette collégialité comme les chirurgiens ou nombre de scientifiques la déclinent au quotidien .
Je ne veux pas me résoudre à ce que le corps judiciaire soit incapable , au moment par exemple de statuer sur la liberté d'un justiciable , de prendre une vraie décision collective comme , encore une fois , le font par exemple des chirurgiens à l'occasion d'une transplantation salvatrice d'organe .
Ce corps ne saurait , une fois pour toutes , être imperméable et hostile à des fonctionnements observés par nombre d'autres institutions .
Je constate du reste que la Justice administrative s'est récemment , dans la discrétion il est vrai , mobilisée contre des projets tendant à multiplier les hypothèses de jugement " à juge unique" .
Cessons , sans jeu de mots avec le titre de votre blog , de penser que la Justice est singulière au point de ne pouvoir s'inspirer de pratiques ayant fait leurs preuves .
J'ajoute que la collégialité présente l'immense avantage de contribuer à l'intégration des jeunes - par l'âge ou/et l'ancienneté professionnelle -et à leur formation .
" Penser contre soi " , " se faire mal " peut passer par l'écoute de l'autre notamment à l'occasion d'un délibéré .
Rédigé par : Parayre | 18 décembre 2006 à 21:44
Il est bien évident qu'il est important que les magistrats soient sûrs d'eux. Ca me paraît tellement évident que le remettre en cause est de la bêtise...
Toutefois, il existe des personnes (et nombreuses!!!) pour confondre la certitude et la prétention de tout savoir !
Professionnelle du droit, je crie haut et fort que les lois en matière pénale qui gèrent notre pays ne sont pas les plus mauvaises et je dirais même que je les trouve justes.
Là où le bât blesse c'est dans l'application de celles-ci !
Pourquoi vouloir toujours légiférer rapidement alors qu'il s'agit d'un problème de personnes et aussi de moyens ?
Supprimer le juge d'instruction, nous savons tous à qui profiterait le crime! Instaurer un collège de juges d'instruction ? Oui mais cela veut dire recrutement !
De là mon affirmation suivante : les erreurs judicaires sont le fait souvent de personnalités et de manque de moyens!
Une nouvelle loi sur la justice va-t-elle changer tout cela ?
Bien sûr que non ! Arrêtons la démagogie pré-électorale !
pffff
la politique me laisse toujours un goût de désespoir...
sur ce... bonne fin de journée
ps: par miracle, je vous ai vu à "ripostes"!
hummmm que dire de votre prestation ... peu de choses car je vous suis de par ce blog et rien de ce que vous avez dit ne me surprend... Toutefois Suis-je la seule à me demander si Mme Royal ne vit pas dans un monde utopique ???
et cela n'a rien à voir avec être de gauche ou de droite !
je n'arrive pas à comprendre comment toutes les mesures qu'elle énonce ou n'énonce pas surtout, vont être applicables...
J'espère que les Français ne la choisiront pas seulement sur le fait qu'elle soit une femme!
Rédigé par : marie | 18 décembre 2006 à 16:56
"J'ai été un peu étonné que vous ne lui accordiez pas le crédit que vous lui accordez souvent sur ce blog... "
Les grands battements d'aile du goéland Moati, (va-t-il finir par décoller ?...) par l'hypnotisme qu'ils finissent par engendrer, en sont probablement la cause... imaginez-vous un avocat, général ou pas, s'agiter ainsi ?...on aurait tôt fait de lui donner des sédatifs !
Rédigé par : sbriglia | 18 décembre 2006 à 14:47
Je vous suis. Le doute n'est pas nécessairement l'expression d'une hésitation émasculée renvoyant à la pusillanimité de celui qui l'émet. C'est aussi l'expression d'une certitude renvoyant à la chose jugée elle-même qui serait douteuse.
La certitude du doute, son évidence peuvent s'imposer à l'esprit rugueux. Car si l'innocence ne s'impose pas toujours par manque d'éléments tangibles, nous pouvons parfois être absolument certain qu'il existe un sérieux doute sur celle-ci, et cette certitude du doute n'est en rien moins solide qu'une autre.
Or, et c'est souvent là le drame, certains juges refusent jusqu'à cette certitude du doute et commencent alors à commettre de lourdes erreurs, en instruisant à charge par exemple, pour éradiquer cette certitude du doute, quitte à tordre la vérité comme pour l'essorer.
PS: J'ai pu voir l'émission de Ripostes avec Ségolène Royal dans laquelle vous l'interrogiez sur les questions de justice. J'ai été un peu étonné que vous ne lui accordiez pas le crédit que vous lui accordez souvent sur ce blog... (Pour ceux que cela intéresse, c'est visible sur le site de France 5)
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 18 décembre 2006 à 11:19
"Le doute est sel de l'esprit. Sans pointe du doute, toutes les connaissances sont bientôt pourries(...) Croire est agréable. C'est une ivresse dont il faut se priver. Ou alors dites adieu à liberté, à justice, à paix." (Alain).
S'ils y a des auditeurs de justice sur ce blog cette citation doit leur rappeler un mauvais souvenir !!!
Le doute est bien un sel de l'esprit en ce sens qu'il permet de développer cet esprit.
Il faut voir dans le doute une méthode avant tout, il sert à construire la réflexion. On ne peut penser si on ne doute pas. Le scientifique doit douter, s'il s'enferme dans ses certitudes il ne peut envisager certaines hypothèses. Douter c'est aller à l'encontre des certitudes dans le but de construire de nouvelles certitudes. Par exemple pendant longtemps l'homme a considéré que la terre était plate, qui croyait Christophe Colomb ou Galilée quand ils disaient que la terre était peut-être ronde ?
Douter ce n'est pas rester immobile c'est au contraire un moyen de construire des certitudes. Le juge doute dans le but de construire un verdict autrement dit une vérité judiciaire (verdict= dire vrai).
Ce n'est pas parce que le juge tranche qu'il n'a pas à un moment douté mais il a mis ses doutes dans la balance et à partir des doutes il a fait les vérifications nécessaires dans le but de construire une certitude.
Rédigé par : jean philippe | 18 décembre 2006 à 11:05
J'ai retrouvé le " commentaire " que je m'étais permis de déposer au pied de votre précédent billet relatif au doute et que je souhaite reprendre .
" Sujet difficile que celui que vous abordez : du latin " dubium " - dont la racine est duo - le doute nous met dans un état d'esprit nous empêchant de juger , de trancher ...
Les philosophes distinguent l'état de doute du scepticisme . Ce dernier consiste à peser le "pour " et le " contre " alors que le premier est la résultante d'une étude ne permettant pas de conclure dans un sens ou dans un autre .
Il est traditionnel de distinguer le " doute provisoire et suspensif " du " doute définitif " .
Le premier , cher à Descartes , est un doute méthodique qui nous conduit à ajourner notre jugement , à prendre le temps que nécessite la recherche de l'évidence pour parvenir à la certitude .Ce " doute " caractérise la quête de la vérité dont le chemin , par définition , n'est pas aisé .
Le second , le " doute définitif " , est celui que le scepticisme donne comme le dernier mot de la raison .Lui-seul , au sens du code de procédure pénale , est de nature à conduire à la relaxe ou à l'acquittement .
En somme , le " doute" , pour s'imposer , doit être supérieur au " savoir ".
Comme l'exprimait Aristote , l'ignorant affirme , le savant doute et le sage réfléchit .
Et le juge ?
Rédigé par: Parayre | le 19 avril 2006 à 17:09 "
En lisant votre présente note , je relève et m'en félicite que vous évoquez cette fois le " débat collectif " , " la stratégie de discussion "...Ces débats et discussion induisent par définition la collégialité qui seule favorise le doute provisoire et suspensif qualifié de méthodique par Descartes .
Or , tout au moins dans la phase préparatoire au procès pénal dont on connaît l'inertie , au sens cinétique du terme, le juge est souvent seul ...
On retrouve donc , à mon sens , la nécessité de la collégialité pour que la juridiction saisie doute , réfléchisse puis affirme à l'issue d'une démarche intellectuelle favorisée par le " débat" et la " discussion" sur l'apparence des choses .
On retrouve aussi la nécessité d'un audiencement allégé, en matière correctionnelle, afin que le temps de délibéré - quelle que soit la nature des affaires - soit raisonnable tant sur la question de la culpabilité , souvent aisée, que sur celle de la peine , toujours complexe .
Rédigé par : Parayre | 18 décembre 2006 à 07:52
"Le doute, c'est l'intelligence" disait madame de Montespan, c'est bien sûr vrai, mais tout comme pour le traumatisé la parole soulage et ne suffit pas, il lui faut des actes en plus, il faut de la décision à la suite de l'interrogation. Cette affirmation peut être encore empreinte du doute ou en être libérée, mais elle doit être énoncée clairement et suivie.
S'interroger en profondeur, instruire à charge et à décharge, s'informer, aller contre ses préjugés, être le plus honnête possible en fonction de ses connaissances et de sa disponibilité du moment, être le plus juste possible avec la société et toutes les parties est déjà une oeuvre considérable et méritant toute admiration.
Ne naviguer que dans le doute n'est pas humainement acceptable, ce n'est pas à demander à un magistrat qui a le droit à une vie et un confort émotionnel comme chacun.
Ce n'est pas souhaitable non plus dans la fonction. Le mode de pensée actuel est la grande mise à nue de l'ame, le coming out de la vulnérabilité, la mise en avant du fémina sur l'huma. Un juge se doit d'être loin de cette convention collective inconsciente pour mettre en exergue une solidité qu'elle soit de façade ou réelle, il doit comme il est appris à la légion étrangère cacher les failles pour ne pas qu'elles soient exploitées, ne pas tendre le bâton pour se faire battre car il a le rôle essentiel de gardien du temple, car nous avons besoin de lui pour vivre dans un monde libre, moins violent, plus juste enfin. Il a cette importance fondamentale pour nous tous, cette tâche ingrate, il se doit d'être fort et ferme au moins en apparence. Il y aura en effet toujours un opportuniste pour prendre le doute pour de la faiblesse, pour prendre son amoralité propre pour de l'intelligence.
Nous avons le devoir de l'aider en respectant cette loi avec laquelle nous ne sommes pas toujours d'accord quel que soit notre itinéraire, nos maux, notre enfance parce que c'est la meilleure solution personnelle, mais aussi et cela doit devenir surtout parce que nous vivons ensemble et que les autres sont plus importants que nous-mêmes.
Rédigé par : LEFEBVRE | 17 décembre 2006 à 23:17