On a assez interprété la justice. Il faut maintenant la transformer. Et savoir tourner la page tragique d'Outreau. On en est loin.
Pour preuve, la page parue hier dans le Monde où "Trois d'Outreau critiquent la réforme" proposée par le garde des Sceaux et débattue à partir d'aujourd'hui à l'Assemblée nationale, dans un entretien mis en forme par Nathalie Guibert. Trois d'Outreau ? Maître Hubert Delarue, soit. Le prêtre-ouvrier Dominique Wiel, évidemment. Mais là où je renâcle, c'est devant la présence de Sabine Mariette, Conseiller à la Chambre de l'instruction de Douai lors des événements, pour parler pudiquement. Certes, elle a fait une remarquable analyse de la catastrophe à laquelle elle a participé avec d'autres, mais trop tard. Certes elle appartient au Syndicat de la magistrature dont Nathalie Guibert ne semble pas éloignée, mais tout de même. L'étonnant est que ce magistrat ait accepté de participer à cet exercice surréaliste où elle est amenée à formuler des appréciations sur la qualité des remèdes prévus pour soigner les maux qu'elle a, elle aussi, causés. Singulière faveur. Pourquoi ne pas avoir convoqué le juge Burgaud et le procureur Lesigne à ce banc médiatique ? Ils n'en auraient pas été plus dignes ou plus indignes que Sabine Mariette.
Les quatre mesures-phares de la réforme sont évoquées. Il est piquant de constater que le magistrat est la plus critique, syndicat oblige. Le prêtre demeure fidèle à lui-même avec ce mélange d'intuition brutale et de lucidité courageuse. J'ai beaucoup apprécié la modération de Me Delarue qui n'a pas fait dans la surenchère et a souligné que le problème central tenait à la suppression ou non de la fonction de juge d'instruction.
Au fond, si on considére sans parti-pris ces propositions, il est difficile de s'enthousiasmer ou de s'indigner. J'ai le sentiment qu'elles ne seront pas inutiles mais qu'aucune d'elles ne sera décisive. Des expertises contradictoires représenteront une avancée valable, l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires de garde à vue et des auditions du juge d'instruction favorisera sans doute un progrès de la transparence mais clairement une déperdition de l'efficacité pour les enquêtes de police, la co-saisine obligatoire de plusieurs juges dans les affaires difficiles, si elle constitue un véritable partage des tâches et des analyses, offrira peut-être une chance intellectuelle et technique, mais difficile de croire à une révolution. La seule innovation forte, que le débat parlementaire semble vouloir encore l'améliorer, consistera pour les personnes détenues à pouvoir demander tous les six mois une audience publique devant la cour d'appel pour un examen au fond de leur dossier. On envisage de faire de cette faculté un impératif dont la mise en oeuvre devra s'effectuer tous les trois mois.
Le garde des Sceaux, ce matin sur France-Inter avec Nicolas Demorand, n'a pas été dupe de l'amplitude de la réforme qu'il propose, affirmant seulement que ses quatre mesures fondamentales répondaient aux questions graves soulevées par le sinistre d'Outreau. Je ne suis pas certain que cet optimisme ministériel soit justifié. En revanche, comme Pascal Clément a raison lorsqu'il souligne que toute réforme d'envergure de la justice, à la supposer possible et souhaitable, devra être élaborée et prendre effet après l'échéance présidentielle. L'Himalaya, ce sera forcément pour plus tard. Maintenant, nous n'avons droit qu'aux collines tempérées d'une évolution infiniment paisible. Il ne serait en effet pas concevable de bouleverser avant qu'un changement politique rende cette mue légitime.
J'ai indiqué que le ministre de la Justice s'illusionnait lorsque, tout en admettant le caractère minimaliste de son projet, il l'estimait accordé aux graves problèmes suscités par Outreau. Cette attitude semble plutôt une déviation de l'esprit par rapport au véritable défi de cette crise, qu'on ne veut pas correctement identifier. C'est celui de la qualité professionnelle et humaine des magistrats, donc celui de la formation à l'aube de leur carrière. L'Ecole nationale de la magistrature est à revoir de fond en comble. Seuls des professionnels d'une autre sorte, trempés à d'autres sources, pétris de sensibilité et d'intelligence pourront éviter de détourner les procédures, même les meilleures, à des fins sujettes à caution ou, pire, scandaleuses. La culture du doute, que la réflexion doit accueillir comme une chance dans sa texture intime, c'est d'abord et avant tout l'apprentissage ou l'approfondissement de la culture. Du pluralisme, de la distance, du recul, de la souplesse, une certitude enrichie par toutes les contradictions qui l'ont blessée et qu'elle a surmontées. Cette culture, elle manque tragiquement quand l'auditeur devient magistrat et je suis effaré de constater comme, chez la plupart, la vie judiciaire la rend absente. Pour ma part, justiciable, j'aurais plus peur de l'arrogant sot que de l'incompétent heureux. Les codes peuvent guérir le second quand le premier est pratiquement incurable.
On a eu assez d'Outreau. Je vais finir par croire qu'il y a une manière choquante de revenir sur ses pas et, pour la justice sollicitée par les médias, de contempler des plaies déjà largement cicatrisées. Il ne faudrait pas que la nostalgie masochiste devienne un nouvel alibi pour notre impuissance.
Et si nous tentions l'action, l'avenir ?
La solution est d'externaliser la formation des fonctionnaires des ministères d'emploi, la confier à des écoles dont le conseil d'administration comporte des professionnels privés du secteur d'activité, obliger les fonctionnaires à acquérir une formation diplomante et concurrentielle sur le maché du travail leur permettant un véritable "droit de retrait" en cas de conflit avec leur administration, obligeant ainsi cette dernière à une gestion plus sérieuse de ses personnels, plus attachée au service du public que des opportunismes ou/et des coalitions du moment. Tout le monde n'a pas la chance de naître en Norvège pour y retourner quand la France vous empêche de faire votre travail.
Rédigé par : PC | 08 janvier 2007 à 16:21
Sbriglia,
Pas de confusion dans mon esprit, peut être dans mon style alors...
Le refus des Magistrats laisse le champ libre au verdict du coeur : l'innocence en laquelle croit la majorité de notre population.
Or un jugement doit déboucher sur un verdict issu de la raison.
Suis-je plus explicite ?
Rédigé par : doc | 19 décembre 2006 à 12:31
Véronique, la règle détermine en effet que le greffier est le seul à retranscrire. Dans les faits, il n'en est rien : l'usage s'est établi que c'est le juge qui dicte au greffier. C'est sans doute dû à la hiérarchie fonctionnelle et intellectuelle qui s'est établie : le greffier ne peut s'opposer à un juge qui porte la responsabilité d'une enquête. Je me souviens du regard effaré d'une greffière, étonnée, comme moi, de ce qu'un juge ne comprenait pas une tournure de phrase, mais sans réaction de sa part. Il ne fait pas bon, pour un greffier, et encore moins pour un justiciable, de paraître un tant soit peu plus intelligent que le juge....
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 18 décembre 2006 à 19:32
@ Jean-Dominique
" un témoin entendu par un juge d'instruction n'est pas assisté d'un avocat. "
Donc, un témoin, un juge et un greffier.
Pourquoi considère-t-on alors le greffier comme garant de ce qui a été dit, si ce dernier ne peut pas s'opposer à un juge quand celui-ci, par exemple, a pu retranscrire trop approximativement un propos ?
Un greffier peut-il s'opposer à un juge ?
Est-ce dans la fonction d'un greffier d'être le garant de ce qui a été dit ?
Pardon pour ces questions un peu trop sommaires mais il y a quand même là quelque chose qui m’échappe.
Rédigé par : Véronique | 18 décembre 2006 à 14:50
"la cour a choisi de se réfugier derrière le droit."
En d'autres termes, la Cour a appliqué le droit, tout le droit, rien que le droit... elle ne se "réfugie" pas dans ce qui est sa raison d'être !
c'est déjà beaucoup, Jean Dominique, même si vous me renverrez au "summum jus, summa injuria..."
Là où l'émotion et les pièges du sentimentalisme rentrent dans le prétoire, là s'enfuient la raison et le droit...
C'est Thomas More qui disaient que les règles de procédure sont comme les arbres de la forêt qui empêchent le vent de l'arbitraire de nous emporter...
Rédigé par : sbriglia | 18 décembre 2006 à 14:38
"Il était peut-être courageux de prendre cette décision de refus dans le contexte actuel mais elle laisse alors le verdict du cœur l’emporter sur celui de la raison…"
?? n'est -ce pas l'inverse que vous avez voulu écrire,doc?
Rédigé par : sbriglia | 18 décembre 2006 à 11:52
A Véronique : un témoin entendu par un juge d'instruction n'est pas assisté d'un avocat. Le greffier ne remplit jamais son rôle, et cela a été révélé publiquement à la commission parlementaire : c'est le juge qui dicte au greffier réduit au rôle de dactylographe. Lorsqu'il y a un conflit sur la rédaction, je n'ai jamais vu le greffier intervenir.
Concernant Guillaume Seznec, je ne parle pas de forfaiture mais d'aveuglement du droit. En l'occurrence, le droit a pris le pas sur la justice. Un nouveau procès s'imposait, mais comme le temps passé l'a rendu impossible, la cour a choisi de se réfugier derrière le droit.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 18 décembre 2006 à 10:53
Sbriglia,
Vous n'êtes donc pas seul...
J'eusse aimé cependant un nouveau procès pour en finir une bonne fois avec cette "iconisation" d'une erreur judiciaire possible.
Un tel combat comme celui de Denis Seznec est un modèle et je le salue mais il ne doit jamais avoir valeur de jugement, comme je l’ai dit en supra.
Sur le fond, les Magistrats de cette Haute Cour ont peut-être raison (j'ai une sympathie pour un professionnel comme le Rapporteur Castagnède au vu entre autres de sa prestation lors du procès Papon et j'ai du mal à croire qu'il n'ait pas cherché à trouver un argument voire argutie allant dans le sens de la vox populi) mais la forme appelait un nouveau procès.
Il était peut-être courageux de prendre cette décision de refus dans le contexte actuel mais elle laisse alors le verdict du cœur l’emporter sur celui de la raison…
Rédigé par : doc : Seznec ou le jugement du coeur faute d' obtenir celui de la raison | 17 décembre 2006 à 17:18
doc, je vous remercie pour l’explication résumée ainsi :
" On vous accuse : à vous de prouver votre absence de culpabilité… "
Je ne suis pas assez au courant des complexités et des subtilités des systèmes judiciaires français et américains pour savoir si l’un est mieux que l’autre. Ce que je retiens dans votre phrase c’est " prouver votre ABSENCE de culpabilité. "
En fait ce qui angoisse, c’est l’ambiance kafkaïenne que cela semble promettre et les histoires de fous qui vont avec.
Dans ce qui nous intéresse, j’ai relu la note de PB consacrée au rapport de l’inspection judiciaire - Les citoyens au service de la justice - 14-06
Extraits:
" (…) On sent à chaque page la volonté de ne pas porter atteinte trop rudement à la hiérarchie - que ce soit celle du Parquet général et de la Chancellerie ou celle du siège et de la Chambre de l'instruction -. Il n'y a pas la même retenue au bénéfice du juge Burgaud et du procureur Lesigne. Alors que la première pouvait pourtant profiter du recul, du retrait, de la distance et du nombre pour s'obliger à la lucidité, les seconds, englués dans une réalité immédiate et la maîtrisant sans doute mal, étaient incapables de porter un regard critique sur leur activité. "
" Elle aurait pu et du, cependant, pour éviter l'insoutenable paradoxe d'un désastre collectif risquant de se trouver impuni, engager la réflexion sur des chemins nouveaux. Elle s'est cantonnée, non sans un certain courage dans le climat actuel, à une perception classique et a refusé, par exemple, une mise en cause globale qui n'aurait pas été absurde puisque les carences singulières cumulées ont entraîné le sinistre dans sa totalité. (…) "
Je crois que nous sommes d’accord pour penser ensemble, que ce qui ne passe toujours pas pour des personnes comme vous et moi, c’est le sentiment qu’une occasion et un rendez-vous ont été manqués entre les magistrats et la société, pour remettre à plat un système de responsabilités qui, à mes yeux, doit concerner en premier ceux dont la fonction est de contrôler.
Je pense que si notre système judiciaire doit faire vivre aux présumés innocents, et particulièrement à ceux qui sont réellement innocents, des histoires de fous, si ceux-là sont contraints et n'ont le choix que de prouver leur absence de culpabilité, alors le plus nécessaire est d'une part, l’efficience des garde-fous et, d'autre part, un encadrement pour de vrai - un tutorat, selon votre expression-, des débutants par des magistrats à expérience, éprouvés, qui ont réussi et...qui ont parfois échoué .
Sans, très vite, cela, il nous faudra effectivement choisir et accepter " de laisser un coupable impuni plutôt que de sanctionner un innocent ".
@ Lefebvre
Mon malaise pour doc en urgence, c'était un léger malaise de perplexité.
Rédigé par : Véronique pour tous, et doc en particulier | 17 décembre 2006 à 15:15
Je partage l'analyse de Véronique sur la culture générale mais dans les faits on nous demande de faire des citations à ne savoir qu'en faire. Je suis en train de m'amuser à suivre une prépa pour le CRFPA ainsi qu'une prépa pour l'ENM et les attentes des dissertations de culture gé sont décevantes (pour l'ENM). A tel point que j'ai soulevé la question suivante : la culture générale n'est-elle pas l'art de penser par procureur ?
Certe il y a un intérêt à citer Ian Kershaw sur une dissert portant sur le charisme ou Simone Weil sur un sujet sur le risque mais je ne vois pas l'intérêt de faire tout le devoir dessus c'est pourtant ce que bon nombre des candidats font et ils obtiennent de bonnes notes.
Certains lecteurs soulèvent la question de l'arrogance. Je pense effectivement qu'il y a des magistrats et des avocats qui le sont. En fait j'ai l'impression que ce sont des personnes qui n'ont pas la vocation mais qui passent le concours parce que ça fait bien d'épouser la robe ! Pas facile de savoir ce qu'est la vocation, moi-même je n'étais pas fan des études, je ne m'y suis intéressé qu'en troisième année quand j'ai compris les enjeux des métiers juridiques et plus particulièrement ceux d'avocat et de magistrat. Aujourd'hui je peux parler de passion pour le monde judiciaire mais certains n'ont hélas pas cette passion et ils réussissent.
Pour la culture du doute, ce n'est pas à l'ENM qu'on peut l'acquérir et je pense que le concours doit être fait pour éliminer ceux qui n'ont pas cette culture. Je pense qu'un bon candidat doit montrer qu'il est capable d'être humble et donc de se poser des questions, encore faut-il que les épreuves invitent les candidats à se poser les bonnes questions.
Rédigé par : jean philippe | 17 décembre 2006 à 11:23
Lefebvre, il me semble quand même que si on vous avait expliqué pourquoi les enquêteurs ou le juge pouvaient être contraints à vous écouter à plusieurs reprises, et en prenant soin d’instaurer un climat de confiance et de sécurité, les choses auraient été plus acceptables pour vous.
Dans l’autre sens, Jean-Dominique défend également la présence des caméras. Ce que je peux seulement lui opposer, c’est qu’il me semble que lors d’une audition chez un juge d’instruction, il y a un greffier et surtout, un avocat.
Ces deux professionnels doivent être aussi les garants de la plus proche exactitude de ce qui est dit. Dans mon ignorance du monde judiciaire, je concède de la naïveté de ma part quant aux réalités vécues par ceux qui y ont été confrontés. Mais un greffier, s’il juge une formulation inexacte ou trop approximative, et qui ne s’oppose pas à un juge, est, je le pense, un dangereux en puissance. Un avocat qui n’est pas dans l’état d’esprit de ne rien concéder, et qui ne se bat pas jusqu’au bout pour obtenir la transcription la plus juste possible de ce que déclare son client, n’a, selon moi, rien à faire dans cette assemblée.
C’est quand même un monde qu’on en soit réduit à solliciter le secours d’une vidéo et d’une presque télé-surveillance, pour qu’on soit garanti que les rôles de chacun soient remplis.
D’autre part, il me semble impératif que la loi interdise toute diffusion de ces images ( est-ce prévu dans le texte ? ). Puisque des PV d’audition sont communiqués à la presse, il n’ y a aucune raison qui empêche d’envisager que ces images ne soient diffusées par des médias. Et certainement pas " l’exigence déontologique ", inexistante, pour certains d’entre eux.
Pour ma nostalgie de la plume d’oie, je sais bien que ce blog peut ressembler à une sorte de refuge pour des réacs en tous genres. Je peux avoir des tentations réactionnaires, exemple: la politesse et la défense de la lecture et de l’écriture. Mais réac, je ne le suis que pour certaines petites choses particulières, mais pas, à l’image de quelques-uns, d'une façon générale et totale.
@ Parayre
J’ai apprécié la traduction du latin et je vous en remercie. Il n’ y avait de ma part aucune ambivalence dans ma demande, seulement le besoin de comprendre la citation.
D’autre part, j’ai apprécié votre commentaire du 14-12 23:01. J’espère que Ségo vous a lu.
@ sbriglia
Sur G. Seznec, je suis d’accord avec ce que vous nous dites. Maître Eolas nous instruit également, très brillamment, sur la décision des magistrats.
http://maitre.eolas.free.fr/journal/l-affaire-seznec-ou-la-memoire-de-guillaume-ne-sera-pas-dechargee
Mais, Il n’empêche que Libé à raison:
Guillaume Seznec
Condamné à perpétuité… Et là du vertige et de l’abîme
Rédigé par : Véronique pour tous, et Lefebvre, Parayre et sbriglia en particulier | 17 décembre 2006 à 10:56
Ségo, pour votre projet ENM, je vous propose une très modeste approche:
1 - Vous assimilez en accéléré les recommandations , les analyses et les questionnements de PB. Exemple:
" je m'interroge énormément sur la réalité du métier de magistrat et sur toutes les questions entourant une telle profession " vous, le 15-12 14:18
Vous pouvez inverser la question, et vous interroger sur la réalité vécue par un justiciable, ainsi que sur toutes les questions que ce dernier peut se poser au sujet des magistrats. C’est sans doute une des particularités de PB: il s’interroge, lui, sur le justiciable, et le regard que celui-ci porte sur la justice et sur ceux qui la font.
2 - La culture générale:
" cette citation est présente sur tous les sites de citation " vous, le 14-12 18:47 - controverse Le loup et le chien
Ségo, je pense qu’une culture générale est l’inverse de cette démarche. Cela - citations à n'en savoir qu'en faire -, il faut le laisser aux " bêtes de concours " dont vous nous avez parlé. A mon sens, une culture générale est faite de mille rencontres avec des textes, des images, des musiques qui vous rendront compréhensibles les expériences et les émotions de votre quotidien.
C’est ce qui vous permettra, futur magistrat, de relier des situations humaines ensemble, et de leur donner de la cohérence, de la densité et de l’intelligibilité. C'est ce qui vous maintiendra éveillé par le doute. C'est ce qui vous donnera la force de rejeter les conformismes et la facilité qui font oublier qu'en face de soi, on a d'abord un homme ou une femme.
Ces deux points observés, à mon avis, pour votre concours d’entrée, vous ferez déjà la différence avec les autres postulants.
Et, dès que le concours d’entrée est gagné… vous nous dites. Et surtout, une fois ça acquis, vous ne lâchez pas les enseignements de PB, jamais.
Rédigé par : Véronique pour Ségo | 16 décembre 2006 à 20:32
Oui Lefevbre,
L'arrogance est souvent le fait d'un mauvais exercice professionnel médical ou autre d'ailleurs.
La médecine n'est mauvaise que parce que le médecin l'est.
On a évoqué 10% de mauvais magistrats, je ne dis pas que ma corporation fait mieux mais les garde-fous sont assez nombreux pour que les "dégâts" ne soient pas à hauteur de ce pourcentage.
Quant au corporatisme médical qui pourrait être opposé à celui des gens de robe, il est chez nous très "gaulois", nos chamailles représentant environ la moitié des plaintes au Conseil de l’Ordre.
A la Justice, un des problèmes est sûrement que les médiocres peuvent être à des postes importants...
Les dégâts en sont alors plus importants.
Je l'ai déjà dit la valeur d'un individu n'attend certes pas le nombre des années mais l'expérience a sa place et à l'âge où on lâche de jeunes juges d'instruction, il est rare qu'un interne soit laissé seul pour prendre en charge une vie.
Le juge d'Outreau s'il était interne n'aurait pas été condamné car il aurait travaillé sous la responsabilité de "seniors".
Certes il n'a pas été condamné au sens pénal mais c'est pire quelque part : aucune sanction mais le costume des failles de l'institution à porter seul !
Vous me direz qu'il y a une logique dans cette lâcheté car, en existant, elle prouve l'insuffisance de nombre de ses aînés...
Une personne morale tout comme une personne physique est la première à créer ses propres démons.
A Jean-Dominique,
J’ai bien saisi certes récemment le problème que vous évoquez sur les « manies » de ce blog d’où mon emploi de doc à … et tout lecteur.
J’ai « parcouru » l’arrêt dans l’Affaire Seznec, je ne suis pas persuadé de son innocence ou pas comme vous mais il aurait fallu un nouveau procès pour au moins pouvoir en débattre.
Car il ne faudrait pas qu’un combat aussi honorable que celui de Denis Seznec ait valeur de jugement d’innocence.
Un jugement doit être la conclusion d’un juste procès.
Faire l’économie d’un nouveau jugement, n’est bon pour personne : dommage…
Rédigé par : doc pour tout lecteur et en réponse à Lefebvre | 16 décembre 2006 à 20:07
"il n'existe plus personne en France qui ne soit persuadé de l'innocence de Seznec et de l'implication probable de l'immonde Bony dans cette affaire. Et, individuellement, les magistrats de la cour de révision sont comme nous tous, convaincus de l'innocence de Seznec. Mais ils ont été collectivement incapables de prononcer une décision de justice, se limitant à une décision de droit qui, en l'occurrence, s'oppose à la justice."a écrit JD Reffait
eh bien, quitte à être le seul à ne pas partager cette analyse, je reste perplexe, car sauf à être injurieux avec les magistrats de la Cour suprême, à les taxer de forfaiture, j'imagine que la décision a du être prise à la suite d'un vote interne et qu'il s'est donc dégagée une majorité pour aboutir à l'arrêt rendu... j'ai lu cet arrêt,sur le site de la CdeC... j'imagine mal qu'il ait été rendu à la légère, même si l'analyse du Monde et celle de Bredin et Baudelot laissent comme un malaise... ne croyez-vous pas que la voie de la facilité eut été, justement, d'aller dans le sens de la révision, surtout après la remarquable dissection de l'affaire effectuée par l'avocat général ?...et ne croyez-vous pas que les spectres de l'affaire Dreyfus, de l'affaire d'Outreau ou de l'affaire Dils n'aient pas été, douloureusement et constamment, dans l'esprit de tous les Conseillers qui ont rendu l'arrêt ?... Il faut sur ce point accorder le bénéfice du doute aux dits Conseillers...
Rédigé par : sbriglia | 16 décembre 2006 à 19:55
Une première remarque à l'adresse des commentateurs : une certaine dérive se fait jour, consistant à dialoguer les uns avec les autres en ne conservant qu'un vague fil rouge du billet de Philippe comme alibi. Je le dis tout net : l'intérêt du blog de Philippe réside dans cette prise directe que nous avons avec les réflexions d'un magistrat éclairé. Et le commentaire que nous pouvons en faire n'a d'intérêt que s'il se restreint aux vues qui nous sont proposées par Philippe.
J'en viens au fond. Je souscris à l'ensemble de votre billet, Philippe, et je crois particulièrement important cette refonte complète de la formation des magistrats.
J'attire l'attention sur l'un des paradoxes d'Outreau qui a été rendu visible par les auditions de la commission : individuellement, les personnes qui ont eu à plonger réellement dans le dossier ont immédiatement vu l'erreur judiciaire qui s'était construite. Mais collectivement, les magistrats n'ont rien vu. Comme si l'esprit de corps, qui ne se réduit pas à un corporatisme simpliste, conduisait à l'abolition du jugement personnel. Parce que le droit enserre et enchaîne les magistrats les uns aux autres, la collectivité judiciaire s'aveugle quand l'individu pourrait encore y voir quelque chose.
Un exemple récent nous illustre ce paradoxe : il n'existe plus personne en France qui ne soit persuadé de l'innocence de Seznec et de l'implication probable de l'immonde Bony dans cette affaire. Et, individuellement, les magistrats de la cour de révision sont comme nous tous, convaincus de l'innocence de Seznec. Mais ils ont été collectivement incapables de prononcer une décision de justice, se limitant à une décision de droit qui, en l'occurrence, s'oppose à la justice.
La réforme actuellement proposée n'est pas qu'un cautère sur une jambe de bois : elle constitue un premier pas qu'il ne faut pas négliger. Les enregistrements vidéos sont indispensables, ne serait-ce que pour conserver le verbatim d'une audition. Les pratiques de rédaction des dépositions, tant par les policiers que par les juges, nécessitent cette disposition. Imaginez, comme cela m'est arrivé, de rencontrer un juge qui ne perçoive pas le sens du subjonctif et qui retranscrit une déclaration à l'indicatif : d'une hypothèse, il fait un aveu, sans même s'en apercevoir.
Sans doute faudrait-il ranger Outreau dans un placard, mais tant de minis-Outreau sont ça et là disséminés dans les palais de justice qu'on ne pourra pas, durablement, l'effacer de la conscience collective. Chacun est aujourd'hui terrorisé à l'idée de se retrouver face à un Burgaud. Et ce risque n'a pas disparu, tant ils sont nombreux, les Burgaud, à sortir de l'ENM...
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 16 décembre 2006 à 18:01
Véronique, voici à mon avis une bonne définition de la charge de la preuve empruntée à Fei Ming :
« L’interprétation populaire de la ‘’charge de la preuve’’ est que quiconque avance une situation doit présenter la preuve de ce qu’il avance. Si une partie accuse une autre partie de quelque chose, l’accusateur doit fournir la preuve qui validera son accusation. Dans les sociétés civilisées modernes, cependant, dans certaines circonstances, la responsabilité de présenter la preuve est renversée. Si l’accusateur a des preuves indirectes et des traces de preuves, il peut proposer l’inculpation, alors que l’accusé doit fournir la preuve concrète, afin de prouver son innocence. Si l’accusé échoue à le faire, il y a de bonnes raisons de croire qu'il est coupable.
L’inversion de la charge de la preuve est habituellement appliquée lorsque l’accusé est en possession de, ou monopolise la preuve. »
http://fr.clearharmony.net/articles/200604/26040p.html
Hors actuellement, l’exception que devrait être cette inversion de la charge de la preuve a tendance à être la norme.
On vous accuse : à vous de prouver votre absence de culpabilité…
Cette culture de la charge qui, associée à des « intimes convictions » de magistrats pas toutes ou pas toujours très motivées par de hautes considérations, apporte un lot non négligeable de mauvaises décisions.
Quant à la défense dans notre pays, elle n’est pas considérée à son rang : au même niveau que l’accusation, d’où mon allusion aux USA.
Je reste partisan de laisser un coupable impuni plutôt que de sanctionner un innocent.
J’avais beaucoup apprécié ce film de A. Cayatte : « Le glaive et la balance ».
Marc Vergier a tout à fait raison quand il relève qu’il n’y a plus de distinction entre le Siège et le Parquet (sauf au CSM, je préciserais) : on passe de l’un à l’autre.
Vous y rajoutez la sédentarisation de toutes ces personnes et le résultat me semble très moyen pour ne pas dire pire.
En revanche, moi aussi, je ne vois pas pourquoi les magistrats ne seraient pas comptables de leurs actes à hauteur de leurs responsabilités et jugés en conséquence.
Sincèrement, les sanctions du CSM peuvent laisser pantois…
Parenthèse sur l’affaire Dils : c’est une faute non de la Justice mais des enquêteurs policiers, la preuve en est que la Gendarmerie n’a pas mis des années à démontrer que Dils ne pouvait pas être là à l’heure du crime.
Rédigé par : doc pour Véronique et tout lecteur | 16 décembre 2006 à 15:27
Marcel,
Je suis entièrement en accord avec votre dernier paragraphe qui rejoint la fine phrase de Parayre sur l'humanisme, la philanthropie.
C'est parce que justement il est illusoire de croire qu'un recrutement sur les belles valeurs humaines est possible qu'il faut passer par un contrôle, des sanctions, des textes, pour que ceux qui n'ont pas ces richesses en eux soient obligés de s'y conformer.
Je pense également que dans les professions liés à la souffrance comme les légistes ou les médecins, une distance émotionnelle autre que l'indifférence ou le cynisme est possible et souhaitable.
Apprendre à ne pas souffrir à la place de l'autre tout en restant humain est la solution.
Je vais être moins abstrait par un exemple :
Vous venez de perdre quelqu'un, vous avez besoin de parler, je passe beaucoup de temps à vous écouter, je vous apporte de la chaleur humaine, mais je ne prends pas votre deuil, votre souffrance, votre histoire familiale, qui vous appartient. C'est un exercice mental à placer in situ, éprouvant au départ, mais très porteur d'enseignement, il est possible de décider de ne plus souffrir.
Rédigé par : LEFEBVRE pour Marcel | 16 décembre 2006 à 14:47
@Marcel Patoulatchi : merci de me citer et de me contredire mais prière , mesurez que mes mots , peut-être désorientés à vos yeux , ne sont en fait qu'orientés , comme ceux de PH.Bilger , vers une exigence d'excellence pour un corps , une institution auxquels j'ai consacré partie de ma vie .
Je m'efforce simplement , non sans douleur au regard de mon propre exercice , de ne pas sombrer dans le corporatisme aveugle sans me livrer pour autant à une vindicte empreinte de cécité .
Désolé je suis , décidément , même si mon objectif n'est pas de vous complaire , d'être toujours l'objet de vos sarcasmes - quoique j'exprime avec , il est vrai , mes insuffisances ...
Ma force , pour ma part , est de les connaître et de respecter ceux qui ne partagent pas mes analyses même si je les fonde sur une certaine expérience de terrain .
Cette dernière , il est vrai , n'excuse rien mais autorise toutefois l'émission d'un avis ambitieux et non conservateur au sens réactionnaire du terme.
Rédigé par : Parayre | 16 décembre 2006 à 14:34
"Véronique pour doc en urgence"
Véro, vous m'avez fait peur, j'ai pensé un moment avant de vous lire que vous aviez un malaise.
Rédigé par : LEFEBVRE pour Véronique | 16 décembre 2006 à 14:25
Traduction Lefebvrienne de Doc :
À force de ne plus pouvoir travailler à cause des mesures gouvernementales victimaires pour protéger les coupables et les bourreaux, les juges n'ont plus que l'arrogance pour exister.
Mon diagnostic est-il bon docteur, ou ai-je glissé de l'allopathie à la médecine douce ?
Rédigé par : LEFEBVRE pour Véronique | 16 décembre 2006 à 14:23
" A force d'avoir érigé l'inversion de la charge de la preuve en dogme contre tout concept même minimaliste des Droits de l'Homme, on a fait le lit de beaucoup de déviances coupables de gens de robe qui n'avaient plus alors que leur pouvoir régalien pour asseoir une décision fort contestable. "
doc, j'ai les neurones un peu fatiguées en ce moment.
Est-ce possible de mieux m'expliquer ?...pour que je ne sois pas trop ridicule dans ma conversation avec vous.
Et puis, il y a aussi les réponses que je veux faire à Ségo et à Lefebvre.
Rédigé par : Véronique pour doc en urgence | 16 décembre 2006 à 12:49
L'idée de justice n'a pas de sens si on doit interdire à la société de juger ses membres. Vous dites « nous n'avons ni à leur pardonner ni à les juger. Ce privilège revient à ceux qui ont été broyés par la machine judiciaire ». Au contraire, je pense qu'un jugement n'en est que renforcé lorsqu'il provient d'un désintéressé.
Vous déclarez penser qu' « ils se sont simplement trompés ». Moi j'observe qu'ils ont également agi de manière à ce qu'on occulte ceux qui ne se trompaient pas, ceux qui faisaient preuve de mesure. Ce n'est pas une simple erreur d'approche, c'est aussi du sabotage.
Ceci étant dit, je crois tout comme vous que la vie est faite de quelques fatalités, qu'on ne peut demander à la société de toujours trouver la bonne réponse à tous les problèmes parce qu'il est parfois nécessaire d'avancer, d'échouer même, pour mieux cerner les paramètres.
Dire cela, c'est admettre que l'erreur judiciaire puisse souvent être « un dommage collatéral concédé au "bien public" », le type de dommage qu'on doit tenter d'éviter, le type de dommage qui ne laisse les mains propres qu'aux observateurs.
Je réprouve les discours qui consistent à faire passer la Justice pour de nouveaux jeux du cirque, je crois qu'une telle association d'idée témoigne soit d'une méconnaissance de la réalité des jeux du cirque antique, soit d'un regard plus qu'orienté -désorienté- sur notre justice. Des gens comme Patrick Dils ne sont pas tombés dans une arène parce qu'ils étaient habitants d'une ville militairement conquise. On ne leur a pas demandé de tuer pour survivre. Des gens comme Patrick Dils étaient des suspects plausibles d'affaires criminelles graves, plus graves que tous les méfaits de la Justice réunis. Ne rien faire de ces suspects aurait fait injure au genre humain, ne pas donner suite aux procédures les concernant aurait été de l'ordre du déni de justice. Malheureusement, immatures (Patrick Dils le dit lui-même), ils ont joué le rôle de parfaits coupables, confortant les soupçons des services enquêteurs, démontant toute défense qui aurait pu être faite. Patrick Dils a fait un aveu mensonger au cours d'une garde à vue. Il a réitéré plusieurs mois après dans un cabinet de juge d'instruction. A son procès, il n'a absolument pas tenté de renverser la vapeur. En l'état du dossier, vu ce qu'il donnait à la justice, il aurait été incroyable que la justice réussisse à cerner son innocence. Patrick Dils est le parfait exemple du mauvais exemple d'erreur judiciaire : c'est un cas où la justice à failli à son devoir de rendre justice, mais c'est un cas où la justice à agi conformément à son mandat en fonction des éléments qu'elle a pu obtenir. On en revient sur la question de l'obligation de moyens et l'obligation de résultats - très loin de considérations gratuites sur l'Etat qui-ceci-cela. On peut garantir des moyens, c'est le sens même de tout code de procédure, on ne peut garantir des résultats car il ne s'agit pas d'une science exacte.
En ce sens, mélanger l'affaire d'Outreau et l'affaire Dils, parler de jeux du cirque, ne me semble qu'obscurcir le débat, gommer des nuances d'importance.
Quant aux formations, je crois illusoire d'attendre d'elles qu'elles forment moralement les hommes. Les hommes viennent avec leur bagage culturel et ne s'imprégneront que de ce qu'ils veulent bien. C'est quelquefois inquiétant mais je ne crois pas aux solutions magiques à ce niveau, je crois que ce qui compte est au niveau de l'encadrement, plus tard, sur le terrain. Ca me semble être un leurre de croire qu'on peut former des gens à être honnêtes, droits, respectueux des libertés de la République. Je crois que ce qui compte, c'est que les éléments pour qui l'esprit républicain n'est pas une discipline naturelle soient encadrés, cernés je dirais presque, de sorte à ce qu'ils sachent que s'ils ne respectent pas la procédure, le couperet tombera aussi sec. C'est un leurre, je crois, d'espérer que tous sont capables de comprendre ce qui fonde notre droit, notre République. Ce qui importe, c'est que ceux qui en sont incapables soient réellement et systématiquement astreints au respect de la procédure par une sainte crainte, même haineuse, de l'IGPN/IGS/IGSJ. C'est bien entendu impossible en l'état actuel de la responsabilité des magistrats.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 16 décembre 2006 à 12:15
Je viens de lire votre "Pas assez d'Outreau?" sur le projet de réforme de la
justice. Sans être de la profession, j'ai le sentiment que votre conclusion
est à la fois nécessaire et suffisante. Le débat public sur ce sujet me
semble avoir été très largement et très artificiellement cantonné à des
questions de procédures, comme par exemple ces vaines comparaisons avec la procédure accusatoire en vigueur aux USA. La vraie question est celle que vous soulevez: quelles que soient les institutions et les procédures la justice ne sera jamais que ce que seront ses agents. Comme vous le soulignez, avec de nombreux juristes, l'école de la magistrature est au coeur du problème. Il est devenu clair qu'en dépit des proclamations du contraire, son mode de
recrutement est impuissant à distinguer les futurs magistrats cultivés que
vous appelez de vos voeux. J'ai entendu le précédent Garde des Sceaux, M. Perben
affirmer à la télévision que 10% des juges étaient totalement inaptes à leur fonction!
Accepterait-on un tel constat s'il s'agissait des pilotes d'Air France?
(l'émission s'intitulait "culture et dépendances", quelle coïncidence!)
Au lieu de cette culture (c'est à dire l'expérience, l'humanité, la sensibilité, la conscience morale, la force de caractère, l'instinct de la liberté) que la plupart de leur élèves n'ont pas
et n'auront jamais, les responsables de cette école mettent en avant la
"formation", voire la compétence technique. Ces mots à la mode me semblent
des cache-misère.
Dans un reportage télévisé je me souviens avoir entendu qu'on "formait" les
futurs magistrats, notamment, par des jeux de rôles. Autant dire qu'on leur
apprend surtout des recettes, des mimiques, des trucs pour tenir leur rôle.
J'imagine que beaucoup des ces jeunes gens sont vite convaincus qu'il n'ont
qu'un rôle à jouer, et que l'idée d'une mission tragique et sacrée leur est
totalement étrangère. Dans les débats concernant Outreau et,
particulièrement M. Burgaud, je me souviens avoir entendu le mot
"technique" et ses déclinaisons employé à toutes les sauces, jusqu'à mon
écoeurement. Totalement incongru et déplacé à mes yeux, ils semblait
pourtant satisfaire l'ensemble des intervenants (Membres de la commission,
journalistes, magistrats...). J'ai dans l'idée que ce n'est pas ainsi que
vous auriez approché le problème !
Cette préférence pour la technique n'est évidemment pas neutre. Outre
qu'elle évacue - et surtout élude - les questions de conscience, c'est à
dire de morale, de liberté de courage et de vertu, elle sonne moderne. A l'instant me
vient une interrogation: pourquoi technique alors que technologie fait
encore plus moderne? Peut-être que l'abus du second a fait perdre aux jeunes
générations l'idée de ce qu'est la technique. Du coup le mot devient
commode, vague, sérieux, intimidant et lénifiant à la fois. Peut-être s'en
faut-il seulement de quelques années supplémentaires et la "formation
technologique des magistrats" sera sur toutes les lèvres. L'idée de
technique, de plus, répond à l'idée de "formation", au point qu'on peut
dire que l'une appelle l'autre et vice-versa. Il en découle aussi l'idée que
des magistrats compétents peuvent être produits à la chaîne, à partir d'une
simple matière première. Par là seront calmées les angoisses de l'opinion, des
responsables de la justice et des professeurs de l'école. Par là aussi, et
du même coup, seront justifiées toutes les défenses corporatistes. Tel
magistrat a reçu la formation technique, il a fait les gestes techniques,
que pouvez-vous donc lui reprocher?
On dit que le diable se cache dans les détails. Moi je le verrais plutôt
dans le choix des mots. Un peu comme pour le mot "technique", je suis
mécontent de l'abus du mot "magistrat". Je serais d'ailleurs flatté d'avoir
votre opinion là dessus. Pour faire court, je voudrais partir de la formule
de M. Alain Peyrefitte, Garde des Sceaux, citée par Quermonne (de mémoire:
"le gouvernement de la France" aux éditions Dalloz) : "Ce sont les juges qui
sont indépendants, pas les magistrats". Alors que notre système judiciaire,
comme tous les autres, repose sur cette distinction fondamentale entres
juges du siège et fonctionnaires du parquet, le discours ambiant tend à
l'éluder ou à la neutraliser. Cela commence justement avec l'ENM, se poursuit
dans le SNM et l'UNM, se concrétise dans les passages d'un côté à l'autre,
plusieurs fois,dans la carrière des "magistrats" et finit avec le CSM.
Quant aux commentateurs, ils n'ont plus que ce mot de magistrat à leur disposition.
(Je pense ici à un autre abus: qu'on soit biologiste animal ou
métallurgiste on est, pour la télévision, un "scientifique"!)
Tout ceux qui comptent et parlent (pour ne rien dire?)se satisfont de ce
seul terme qui glisse si élégamment sur les questions gênantes et flatte la
paresse. Quel est en effet le problème puisque tous les "magistrats" sont
formés dans le même moule, aux mêmes techniques. Ils sont évidemment
interchangeables et il est normal qu'ils se parent tous du même titre,
bénéficient tous des mêmes privilèges et soient défendus par les même
syndicats. Quel confort aussi pour tous ces vice-procureurs et tous ces
substituts que ce beau nom de magistrat !
Chemin faisant, on finit par oublier et faire oublier que la distinction
siège/parquet est, de loin et de beaucoup, la condition première à toute
justice. La question n'est plus évoquée qu'à titre accessoire, presque
historique, un acquis, en quelque sorte... J'ai eu récemment ente les mains
un "Que Sais-je?" intitulé "le Ministère public". L'auteur (un procureur général
dont j'ai oublié le nom) écarte par quelques phrases agacées les doutes
relatifs à l'indépendance des représentants du ministère public : ils sont formés
dans la même école que les juges, à la même indépendance et (je cite de mémoire,
très imparfaitement) depuis certain décret de 1983, il n'y a plus lieu de se
poser cette question... Je viens moi-même de faire l'expérience que la
distinction n'était plus du tout respectée. Je tiens à votre disposition une
décision d'une chambre de l'instruction dans laquelle la position mensongère
du parquet est endossée servilement, mot pour mot, sans la moindre pudeur de
langage en même temps que la partie civile (moi) voit ses arguments
qualifiés de non-existant (dire qu'on nous présente la collégialité comme la solution!).
C'est à n'en pas croire ses yeux ! Je me suis d'ailleurs empressé de le dénoncer aussi
fort et aussi haut que j'ai pu.
Très récemment, sur la chaîne parlementaire, j'ai vu un documentaire sur
Outreau et la Commission Parlementaire ad hoc. Une femme qui m'a paru de
grande qualité, présidente, je crois, d'une cour d'appel, a confirmé à la
Commission en termes très directs que, en effet, l'indépendance du siège et
du parquet n'avait plus cours dans les faits. Alors que cette déclaration
aurait dû prendre le pas sur toutes les autres, elle semble être passée à la trappe.
De même que l'esclandre récent de Mme Dominique de Talencé à l'AFP.
Les causes premières de la maladie sont devant nos yeux, criantes, évidentes
mais le petit monde corporatif-politique-médiatique se complaît dans la
discusion à l'infini d'aspects secondaires, voire dérisoires. A ce sujet, le
choix de clouer le seul pauvre juge Burgaud au pilori médiatique m'apparaît
pervers, inspiré par une volonté de détourner l'attention, de manipuler les
consciences. Je m'étonne que la Commission Parlementaire s'y soit prêtée.
J'ai eu pitié de ce garçon et je retiendrai qu'on a préféré le cuisiner ad
nauseam plutôt que de relever le seul propos significatif qu'il ait tenu, à
savoir, qu'il avait reçu, juste avant son audition, "un coup de téléphone du
Conseil Supérieur de la Magistrature"; et d'en tirer les conséquences. La
grande presse non plus ne l'a pas relevé, considérant ce coup de téléphone
comme allant de soi (pauvre France!). Alors qu'il était évident que M. Burgaud
tremblait de peur, la Commission s'est discréditée en continuant à faire comme si elle
écoutait un témoin libre, comme si elle acceptait, elle aussi, de s'aveugler
sur l'essentiel et de se cantonner dans l'anecdotique, le contingent,
l'inconséquent, le futile, comme pour s'assurer de sa propre stérilité.
Rédigé par : Marc VERGIER | 16 décembre 2006 à 10:04
Véronique,
Malitiis non est indulgendum !
Pas d'indulgence pour les malicieux.
J'eusse parfois faute de caméra préféré au moins quelques photos.
A force d'avoir érigé l'inversion de la charge de la preuve en dogme contre tout concept même minimaliste des Droits de l'Homme, on a fait le lit de beaucoup de déviances coupables de gens de robe qui n'avaient plus alors que leur pouvoir régalien pour asseoir une décision fort contestable.
Et dans ces cas là, Eolas et consorts pourraient mieux s'exprimer que moi : la Défense que nenni !
Alors là, effectivement on pense aux States !
Rédigé par : doc pour Véronique : tout ce qui a la potentialité de preuve ne devrait pas être récusé... | 16 décembre 2006 à 00:26
Parayre,
Très belle profession de foi qui vous honore !
Mais il faut maintenant faire force de propositions :
Formation de terrrain acccrue sous forme de tutorat comme l'internat de médecine.
Mobilité pour la sérénité et éviter la sclérose et une intégration dans la cité non compatible avec la fonction (je me suis déjà exprimé sur ce sujet du loco-régional...).
Etc.
Rédigé par : doc à Parayre et aux Hommes de bonne volonté | 15 décembre 2006 à 23:24
Vu du point de vue d'un "expatrié" à Londres, les pratiques de droit continentales ne sont pas mauvaises; elles sont peut-être même franchement supérieures au "common law" britannique que d’autres (ne le connaissant pas bien?) vantent dans ces colonnes. Ceci dit, tous les systèmes connaissent des erreurs majeures.
Là où le bât blesse, en France et ailleurs, c'est le traitement des crimes à nature sexuelle, domaine nouveau et sensible où les conditions de preuves sont (avec les conséquences que l'on sait) en pratique moins rigoureuses et plus “psy” que dans les autres domaines. C'est là où une réforme s'impose spécifiquement. Cela n’est-il pas évident?
Rédigé par : voltaire | 15 décembre 2006 à 20:49
Cela faisait longtemps, chère Véro, mais sur votre position par rapport aux enregistrements, je ne partage pas du tout votre avis.
En effet, mon expérience m'apporte que même quelqu'un de bonne volonté dans l'exercice de sa profession ne va pas retranscrire au pied de la lettre ce que vous dites, mais au contraire ce qu'il entend que ce soit un opj, un greffier, un psy expert... Dans un souci de manifestation de la vérité, il est préférable que ce soit votre langage, votre système mental qui soit exactement identifié pour l'instruction et le procès.
J'ai été souvent interrogé pour mon histoire et je le répète par des individus ne cherchant pas à me nuire et jamais je n'ai retrouvé l'authenticité de mes propos.
De plus la parole libère la première fois, elle allège le secret, la honte, la peur du jugement.
Sa répétition, par contre est éprouvante, vous finissez par avoir peur de ce que vous allez dire, car vous redoutez une contradiction dans vos souvenirs qui viendrait apporter le pain béni à l'avocat de la partie adverse et vous avez peur également de tomber dans la récitation qui pourrait laisser supposer que vous avez monté un scénario.
L'enregistrement me semble à ce titre, un bon outil pour l'interrogé comme pour l'enquêteur ou le juge qui sont souvent accusés de brimades diverses et variées, à tort le plus souvent, je pense, mais je n'engage que moi dans cette supposition.
Je comprends votre nostalgie romantique de la plume d'oie trempée dans l'encre et votre nature de littéraire qui aime l'analyse de texte, je l'ai aussi.
Rédigé par : LEFEBVRE pour Véronique | 15 décembre 2006 à 18:36
Véronique,
Je n'ai aucune difficulté à m'interroger bien au contraire
préparant le concours d'entrée à l'ENM je m'interroge énormément sur la réalité du métier de magistrat et sur toutes les questions entourant une telle profession
et je me dis que la formation des magistrats est l'un des points faibles de notre système judiciaire
et tout le problème commence à la formation que ce soit dans les facs de Droit ou à l'ENM
nous formons des bêtes à concours plus que des magistrats
et c'est peut-être aussi là le début de tout le problème
après pour ce qui est des transformations ou des réformes à apporter au système proprement dit, je laisse bien volontiers la question aux personnes qualifiées en leur souhaitant bien du courage ...
Rédigé par : Ségo | 15 décembre 2006 à 14:18
Outreau pourrait-il exister si la justice était immédiate ?
- faire appel le jour même plutôt que dans 1an
- passer 1 jour en prison plutot que 365
...
et donc éviter
de réfléchir à son suicide
de perdre son travail
de déchirer sa famille
...
Transformer la justice en la rendant instantanée !
Rédigé par : Mm | 15 décembre 2006 à 13:36
"celle qui nous aurait certainement évit(er)é Outreau ?"
fichue souris qui me dévoile ainsi sot-rthographiquement :
je mérite la fessée à défaut d'une cure,hé ! :-(
Rédigé par : cactus étourd'hi à Ségo | 15 décembre 2006 à 09:08
Ségo, je suis opposée aux caméras, je l’ai dit ici. Un magistrat , il y a quelques mois sur ce blog, a expliqué que des caméras, ce sont aussi des machines à fabriquer de la paresse intellectuelle et humaine. Et qu’elles ouvrent en grand, en très grand, la porte aux psys en tous genres, par exemple, ceux qui sont formatés à l’image des " experts " qui " commentent " ou qui " analysent " les candidats de télé-réalité. Et je ne parle même pas des questions éthiques liées à l'image.
L’écrit est un outil incomparable pour construire une réflexion, la discuter, la renforcer ou l'abandonner. Et si l’écrit est cela, il faut que les professionnels de la justice et ceux qui interviennent dans le judiciaire, sachent lire des dossiers dans toute leur longueur et dans toute leur complexité... avant de les signer. Il est impératif qu'ils sachent écrire, au sens de la maîtrise des nuances auquel cet exercice forme, et de la recherche du mot juste auquel cet exercice contraint.
Dans ce blog et ailleurs, j’ai toujours défendu le juge Burgaud. En février dernier, j’ai été outrée de l’horreur médiatique qu’on lui a infligée. Je l'ai dit , à ce moment-là, autour de moi, et dans le désert. Dans cette histoire, mon angoisse reste liée à ceux qui n’ont pas contrôlé.
Je l’ai écrit et je l’écris à nouveau. Je pense que le juge Burgaud, et lui, plus que tout autre, en regard de ce qui s’est passé, peut devenir un grand magistrat.
Dans sa note, PB ne parle pas de réformer la justice, mais de la transformer. L’ambition, par l’emploi de ce verbe, est d'un niveau différent. A mon avis, ici, il est dans la vérité. Et ce qu’il nous dit en rapport du monde qu’il connaît, je ne suis pas loin de penser, et même très près de penser fort, qu’on pourrait le dire de bon nombre d’institutions, d’administrations ou de corps de métiers qui ont à voir avec la vie quotidienne des gens.
Pour finir, Ségo.
Votre difficulté à ne pas vous interroger me laisse penser, que si votre métier est dans la justice ou dans toute autre activité s’y rapportant, à vous lire, quelque chose de lancinant me dit:
attention, là,... risque ou danger à presque tous les coups qui seront joués.
Rédigé par : Véronique pour Ségo | 15 décembre 2006 à 08:11
Vous avez tout dit dans la dernière phrase : il faut s'assurer que les magistrats soient des humanistes et des philanthropes.
Rédigé par : LEFEBVRE pour Parayre | 15 décembre 2006 à 06:04
Chère Ségo,
J'inclus la justice de classe, de préjugés, de quête de sensationnel médiatique, de pur carriérisme dans le manque de discernement, dans la déficience.
Je ne suis ni dans la tête de Burgaud, ni dans celle des autres légistes du Pas-de-Calais, je ne peux donc pas connaître leurs motivations profondes, ni leur inuento.
Ce que je peux vous dire, c'est que je fus amené à cotoyer un grand nombre d'entre eux, de lire des annexes pour d'autres affaires et que ce ne sont pas des flèches que j'ai rencontrées physiquement ou par la lecture. C'en est même inquiétant pour les justiciables locaux. Je dis ceci sans amertume, ni esprit de vengeance comme on pourrait légitimement le penser, mais juste parce que c'est vrai.
D'où mon opinion qui rejoint celle de monsieur Bilger sur les personnalités à changer plutôt que les textes, à une différence près, je ne suis pas magistrat et dans la tour d'ivoire que je me suis fabriqué, il m'est facile de parler car cela n'influe pas sur ma vie,je ne suis pas attaché à une obligation de réserve, non plus.
Vous me demandez "mes mesures" pour éviter ces défaillances volontaires ou non.
Je vous réponds la réforme proposée en amont par Ph Bilger au niveau de l'enseignement, un bureau de vérification de proximité qui veillerait à la bonne tenue générale du Droit, le justiciable pourrait le saisir facilement et le magistrat pourrait également y dénoncer les pressions de politique locale ou autre qui tenterait de pervertir sa tâche, un sanction réelle et facilement applicable pour tous les légistes (juge, procureur, avocat), plus d'immunité politique, mais un traitement égalitaire qui oblige à la plus grande honnêteté.
Voici comment avec des textes, il serait possible de détoxiner notre justice du corporatisme, de la justice de classe, des interventions politiques, de l'idiotie ou de la maladie mentale.
C'est totalement utopiste tant le système me semble vicié dans l'heure, mais avouez que la France vivrait bien mieux.
Rédigé par : LEFEBVRE pour Ségo | 15 décembre 2006 à 05:51
Injecter la culture du doute dans une administration? A mon avis vous gagnerez au loto bien avant d'avoir vu ça.
Rédigé par : Fred | 14 décembre 2006 à 23:39
Une spécialité française consiste à imaginer et soutenir que le monde entier nous envie notre modèle de société.
Patrie auto-proclamée des droits de l'homme, notre pays se persuade en effet que sa prétendue influence internationale résulterait de l'excellence de ses institutions politique, sociale et judiciaire.
Pourtant, un à un, ses pseudo-modèles prennent l'eau...
Dernier en date, le système judiciaire dont on constate douloureusement le caractère moyenâgeux dans le cadre de la sinistre affaire d'Outreau.
Il ne s'agit pas de désigner tel ou tel magistrat comme responsable du naufrage : une institution qui a refusé jusqu'ici toutes les réformes en profondeur et qui continue de fonctionner selon des règles antiques est, à l'évidence, profondément malade.
Pour empêcher tout changement , les gardiens du temple opposent volontiers le système hexagonal au système américain comme s'il n'y avait pas d'autres choix que cet épouvantail d'outre-Atlantique.
Cependant, force est de constater que, lorsque la communauté internationale veut se doter d'un Tribunal Pénal International (TPI), sans l'accord des Américains, c'est le système judiciaire nordique qui s'impose sans débat, tout le monde s'accordant sur la plus grande fiabilité de ce modèle sur le modèle ancien français.
Le modèle français actuel résulte d'une macédoine de réformes cosmétiques qui n'ont pas altéré ses fondements issus de la féodalité .
Il est illusoire , pour persister à le maintenir , de se reposer sur la légende d'un héritage du droit romain : le droit français s'en est éloigné bien plus que les droits anglo-saxons ou germaniques. Il en est ainsi, par exemple, des droits de la personne et des droits de la défense.
Le droit français n'accepte notamment qu'avec répugnance " la défense " : cette dernière n'est pas, juridiquement, sur un pied d'égalité avec l'accusation.
Les dérives éventuelles du ministère public ne peuvent en aucun cas être contre-balancées par le barreau qui ne dispose pas des mêmes pouvoirs d'investigation.
La défense est tolérée car au-dessus de tout, il y a l'Etat. Se substituant au seigneur féodal dans les mêmes termes, l'Etat est la raison suprême de droit quasi-divin.
Émanation soit de Dieu, soit de la Nation (deux termes qui renvoient à un pouvoir absolu irresponsable), l'Etat ne peut se tromper. La défense, qui s'oppose à l'Etat, s'oppose à cette immanence. L'Etat enquête seul, l'Etat instruit, accuse et juge seul.
La défense est une concession à l'individualité, aberration ontologique qui se distingue et s'oppose à l'assemblée collective (l'Église des fidèles ou la Nation des citoyens).
L'erreur judiciaire est par là même un concept absurde que la justice française a longtemps rejeté.
Comment concevoir que Dieu ou la Nation puissent se tromper ? Le jugement suprême appartient à Dieu ou au Peuple souverain et le verdict qui en sort ne peut être que l'émanation du bien public. Ainsi a-t-on substitué la formule "au nom du Peuple Français" à la formule "Au nom du Roi", alors même que le pouvoir judiciaire (autorité il est vrai aux termes de la Constitution ) est le seul des trois pouvoirs à n'avoir reçu aucun mandat du Peuple.
L'erreur judiciaire ne se conçoit alors que comme un dommage collatéral concédé au "bien public".
Dans ce contexte, et c'est la tendance de l'après Outreau constatée aujourd'hui, il apparaît urgent d'isoler cette affaire, d'en faire une exception, de désigner les mauvais magistrats pour mieux garantir la tranquillité au reste du corps judiciaire.
Outreau n'est hélas pas une exception : les juges et procureurs d'Outreau ne sont pas pires que d'autres.
Au total, pour les 12 acquittés , ce sont 64 hommes ou femmes de robe , sans compter les membres du barreau , qui sont intervenus dans le dossier.
Le juge d'instruction, mais aussi ses collègues qui se sont prononcés sur les demandes de mises en liberté et qui les ont rejetées, les conseillers et président de la chambre de l'instruction, les avocats généraux, le procureur général , oui, tout le système a failli.
La réforme indispensable passe donc nécessairement par une remise en cause des fondements du rôle de l'Etat dans les procédures, par la séparation des magistrats du siège et du parquet ainsi que par une refonte des procédures régissant les carrières de ces derniers .
L'impartialité de l'Etat est une chimère .
Au début de l'affaire d'Outreau, la presse était déchaînée, selon les termes de Marilyse Lebranchu, ancienne ministre de la Justice qui s'est ainsi excusée de sa passivité.
L'opinion publique, réduite à l'expression de quelques journalistes, a indiscutablement contraint ou tout au moins conduit le ministère public et le magistrat-instructeur à mener l'affaire dans le sens que l'on connaît .
La lame de fond paraissait porteuse : policiers, magistrats puis jurés se sont laissés porter par cette vague.
Il faut toujours des circonstances exceptionnelles pour que les mécanismes et leur inertie se grippent .
Dans l'affaire d'Outreau, ce n'est pas l'erreur judiciaire qui a grippé le mécanisme, c'est l'ampleur de l'erreur, le nombre des accusés innocentés.
Ne doutons pas un instant que, s'il n'y avait eu qu'une ou deux personnes innocentes dans ce dossier, elles auraient été condamnées sans souci et le Procureur général de Paris ne se serait pas déplacé en personne.
A l'heure du tout médiatique, les institutions de l'Etat sont soumises à une manifeste pression et se doivent de lui obéir.
Que lit-on dans les colonnes des journaux quand un juge appliquant pourtant la loi, remet en liberté un individu qui récidive ? Le juge devient alors irresponsable, complice du criminel.
Trop de prison, pas assez de prison, c'est selon l'actualité du fait divers et l'humeur journalistique.
Quel juge est assez fort pour résister à cette tyrannie de l'opinion publique ? Tandis qu'en cascade, sa hiérarchie, depuis le ministre, lui tombe dessus pour le presser d'agir dans l'intérêt de l'ordre public, formule qu'il convient de traduire par "ordre médiatique".
L'Etat n'est rien moins qu'impartial dans ces cas là : il suit la masse, il la caresse parce que, depuis la plus haute antiquité, c'est le peuple qui baisse le pouce pour condamner le gladiateur, et César ne peut que suivre le peuple sur ce terrain, s'il veut le contraindre sur des terrains plus stratégiques.
Ainsi, l'Etat abandonne le terrain judiciaire au spectacle et à la vindicte, nouveau jeux du cirque où Bernard Laroche , Seznec ou Dreyfus, Patrick Dils ou les acquittés d'Outreau sont les gladiateurs, des gens ordinaires mais qui ont le tort d'être tombés dans l'arène.
Ce spectacle ne coûte pas cher, il force les émotions, il livre les coeurs aux éditorialistes de la presse régionale ou nationale .
N'accablons pas toutefois la magistrature qui compte en son sein de vraies personnalités tentant de sauver cet honneur que l'on doit avoir de faire vivre la démocratie, la liberté et l'égalité.
Mais, à la lueur de ce que l'on constate avec Outreau (et combien d'autres affaires moins médiatiques), l'exigence première est la qualité du corps judiciaire.
Qualité morale : on ne peut accepter l'excuse selon laquelle les juges et procureurs sont des hommes et des femmes comme les autres.
Eh bien non, ils ne doivent pas être des gens ordinaires : un pompier n'est pas un homme ordinaire, une infirmière n'est pas une femme ordinaire, un bénévole des restos du coeur n'est pas une individu ordinaire et un juge ne peut pas être un homme ou une femme ordinaire.
S'ils sont ordinaires, ils doivent être écartés de ce métier qui demande des qualités extraordinaires.
Un juge est un homme engagé dans la démocratie, et faute de cette conscience forte, il n'est plus qu'un larbin de l'ordre établi, un de ces juges lisses qui ont appliqué sans s'interroger les lois de Vichy.
L'image du juge Burgaud nous renvoie , la prestance en moins , l'image de Maurice Papon à son procès, recroquevillé derrière la machine administrative et les procédures, demeurant jusqu'à sa mort certain d'avoir fait ce qu'il devait faire.
Aussi, une formation - et une sélection - morale apparaît indispensable pour écarter de cette carrière les caractères faibles, hésitants ou timorés. Et l'on doit s'assurer que chaque magistrat a des convictions fortes, la capacité de les imposer et de s'opposer, le cas échéant, à sa hiérarchie aussi bien qu'à l'opinion publique.
Serviteur de l'ordre établi, le juge français a trop pris l'habitude de plier l'échine et de se conformer à l'humeur ambiante.
Ce dont notre démocratie a besoin désormais, ce sont des juges de courage.
De même que l'on s'inquiète, dans la formation des enseignants, de leur capacité pédagogique, sans se limiter à leurs seules compétences dans une discipline, de même doit-on s'assurer que les magistrats ne sont pas uniquement de bons techniciens du droit, mais aussi - surtout ? - des humanistes et des philanthropes.
Rédigé par : Parayre | 14 décembre 2006 à 23:01
LEFEBVRE,
si les erreurs dans le dossier Outreau étaient si évidentes : je me demande comment autant de personnes sont passées à côté.
Manque de réflexion et de discernement seraient selon vous à l'origine de ces erreurs.
Certes mais quelle loi ou règlement pourrait lutter contre un tel manquement ? Ces deux manquements ne peuvent se soigner par une réforme législative.
Pour finir j'ai une question : êtes-vous sûr que le juge Burgaud ne s'est pas trompé en toute bonne conscience ? Comme se sont déjà trompés bien avant lui de nombreux juges expérimentés mais dans des affaires moins médiatiques.
Rédigé par : Ségo | 14 décembre 2006 à 22:40
à propos de la belle chute de notre maître des lieux là :
"Et si nous tentions l'action, l'avenir ?"
je me lance puisque ça me turlupine :
êtes vous la vraie , celle qui lave tout plus blanc avec Mir Laine , notre nouvelle Sainte Vierge annoncée , celle qui nous aurait certainement éviter Outreau ?
- si oui pardonnez moi ce blasphème !
- sinon comprenez-moi car le doute m'habite là !
Rédigé par : cactus H.S. à Ségo | 14 décembre 2006 à 21:58
Ségo,
Attention à cette fameuse erreur qui est humaine, c'est une excuse toute faite à un certain manque de professionnalisme.
Avec les recoupements d'usage, une simple lecture dépassionnée, les incohérences des propos de M Badaoui, les impossibilités d'actes pour la plupart des accusés à tort sont évidentes. Il n'y a pas eu les vérifications élémentaires et la parole sacro-sainte des enfants a suffi comme preuve.
Erreur humaine, bien sûr, mais lorsque le travail a été fait en conscience...
Je crois enfin que l'histoire, les prises de conscience, les fonctionnements sociaux bougent donc la loi, l'intelligence démocratiques doivent elles aussi s'adapter en permanence au mieux de leurs capacités comme elles le firent pour l'ivg, l'abolition de la peine de mort, les lois informatiques...
Oui, nous devons être mouvants comme l'est le monde. C'est une nécessité.
Maintenant de croire que l'enfant ne ment jamais ou croire qu'il ment toujours fut un leitmotiv grotesque dans un cas comme dans l'autre. Si un juge entre dans un dogmatisme tel qu'il soit, il va forcément être souvent dans l'erreur, mais elle n'est pas humaine, elle est due dans ce type de cas à un manque de réflexion, de discernement, à une apriorité coupable et cet homme, dans ce cas doit nous faire l'amitié d'aller vendre des moules-frites sur le port de Boulogne sur mer plutôt que de créer des drames sur des drames.
La peur de la sanction peut générer un professionnalisme qui devrait être toujours présent dans des enjeux si forts pour toutes les parties.
La sagesse s'acquiert avec l'âge, je suis tout à fait d'accord avec Jean philippe, les Japonais en se référant à l' "ancien" ont tout compris, c'est nous avec notre jeunisme qui sommes à côté.
C'est un homme expérimenté qu'il eut fallu à F Burgaud pour apprendre en réel, non un abandon. Je suis outré que tous les légistes impliqués l'aient laissé en première ligne prendre les gifles seul, la responsabilité, c'est aussi cela et certainement pas une attitude de Matamore, puis de lâche.
Peut-être faut-il être apte à voir ses déficiences pour mieux percevoir celles des autres ?
Rédigé par : LEFEBVRE | 14 décembre 2006 à 18:48
Véronique,
croyez-vous que c'est en mettant des caméras dans les lieux de garde à vue, en instaurant la co-saisine obligatoire de plusieurs juges dans les affaires difficiles que cela changera quelque chose ?
Je crois vraiment qu'aucune réforme ( quelle qu'elle soit ) n'empêchera les erreurs judiciaires.
Mon constat sera fataliste pour certains, réaliste pour d'autres.
Je suis peut-être naïf mais je crois que tous ces magistrats ou experts, qui ont participé au fiasco d'Outreau, ne sont pas incompétents, hallucinés, incultes ...
Ils se sont simplement trompés. Je ne serai pas de ceux qui jetteront la pierre au Juge Burgaud et à ceux qui ont contribué à cette erreur judiciaire.
Et d'ailleurs nous n'avons ni à leur pardonner ni à les juger. Ce privilège revient à ceux qui ont été broyés par la machine judiciaire.
Alors au final : nous allons réformer jusqu'à la prochaine erreur où de nouveau nous réformerons et ainsi de suite.
L'histoire judiciaire est un perpétuel recommencement. Un perpétuel recommencement d'erreurs.
Rédigé par : Ségo | 14 décembre 2006 à 16:44
" Mais il faudrait peut-être partir de l'idée que la justice est rendue par des hommes et des femmes donc que la justice est faillible. "
" C'est peut-être ça notre principale erreur : vouloir toujours réformer parce que jamais content de cette justice faillible. "
Non, pas ça.
Ségo, personne de normalement sensée ne vous contestera que la Justice, ce sont des hommes et des femmes. Mais 60 magistrats qui sont faillibles ensemble, c’est trop, beaucoup de trop ! Et je ne veux même plus parler, ni même entendre parler de ceux du social, des experts, et aussi de quelques avocats du début de l'histoire etc.
Chacun, pris individuellement, parce qu’ils sont des hommes et des femmes peuvent commettre des erreurs, mais pas tous en même temps.
Alors aussi, des négligents, des incompétents, des suffisants et des insuffisants, des noyés dans leurs habitudes et dans leurs conformismes, des trop peu cultivés par le doute et des trop peu cultivés tout court... des collectivement hallucinés et délirants.
Rédigé par : Véronique pour Ségo | 14 décembre 2006 à 15:59
Je m'interroge sur l'efficacité de l'une des propositions à savoir l'enregistrement audiovisuel des garde à vue.
A quoi peut servir ce type d'enregistrement ? Croyez-vous sincèrement que toutes ces heures de garde à vue seront regardées ?
Bien sûr que non, les juges ont bien d'autres choses à faire que de "se coltiner" des heures et des heures d'enregistrement de garde à vue.
Et croire que ce sont ces enregistrements qui feront avancer les choses : c'est se mettre le doigt dans l'oeil.
On s'aperçoit que si tout le monde crie à la réforme, peu de gens sont capables d'avancer de véritables réformes ou du moins des réformes efficaces.
Est-ce à dire qu'aucune réforme n'est possible ou n'est souhaitable ? Est-ce à dire que notre système est finalement pas si mal que ça et que les erreurs comme celle d'Outreau sont inévitables ?
A y voir de plus près, toute l'histoire judiciaire française a été marquée par des erreurs judiciaires; erreurs qui ont appelé des tonnes de réformes; réformes qui ont laissé place à de nouveaux scandales judiciaires; scandales qui ont donné lieu à de nouvelles réformes et ainsi de suite ...
Réfomez la fonction du juge d'instruction, et ce sera une autre fonction qui sera à l'origine d'un autre scandale. On réformera et puis il y aura un nouveau scandale sur une autre partie de notre justice. Puis la réforme qu'on avait faite sur le juge d'instruction deviendra obsolète et on en changera ...
On tourne inlassablement en rond en essayant de chercher une justice infaillible. Mais il faudrait peut-être partir de l'idée que la justice est rendue par des hommes et des femmes donc que la justice est faillible.
Je ne prône pas l'immobilisme mais je m'interroge sur ce désir excessif de vouloir tout réformer à la première erreur.
C'est peut-être ça notre principale erreur : vouloir toujours réformer parce que jamais content de cette justice faillible.
Rédigé par : Ségo | 14 décembre 2006 à 13:43
"véritable défi de cette crise, qu'on ne veut pas correctement identifier. C'est celui de la qualité professionnelle et humaine des magistrats"
Pas seulement. Il faut obtenir un bon fonctionnement de la justice, même avec des individus médiocres.
Rédigé par : Mm | 14 décembre 2006 à 13:06
Une manière efficace de transformer la justice, c'est l'exercice d'un contrôle extérieur permanent.
Preuve en est, le pouvoir incroyable donné au médiateur de la république.
Concernant le médiateur, la commission a adopté un amendement étendant ses pouvoirs pour, selon son auteur M. Houillon, "permettre au médiateur un début d’instruction des plaintes".
D’après l’amendement, le médiateur pourra solliciter "tous les éléments d’information utiles des présidents de Cour d’appel et des procureurs généraux" ou "des présidents des tribunaux supérieurs d’appel".
Par ailleurs, "lorsque le ministre de la Justice décide de ne pas engager de poursuites disciplinaires, il en informe le médiateur par une décision motivée".
Rédigé par : Mm | 14 décembre 2006 à 12:14
"L'étonnant est que ce magistrat ait accepté de participer à cet exercice surréaliste où elle est amenée à formuler des appréciations sur la qualité des remèdes prévus pour soigner les maux qu'elle a, elle aussi, causés. "
Il y a plus de joie au royaume des cieux pour un pêcheur qui se repent que pour un juste qui persévère...
Rédigé par : sbriglia | 14 décembre 2006 à 11:36
Je vous trouve un peu sévère avec Sabine Mariette, elle a certes participé au drame que nous connaissons tous mais après tout si elle est capable d'analyser ce qui s'est passé, pourquoi devrions-nous ignorer son avis ? Je vais peut-être choquer mais sur cette question l'avis du juge Burgaud peut m'intéresser, malgré ses erreurs c'est sans doute quelqu'un d'intelligent capable de réfléchir sur Outreau.
Les propositions de réforme me laissent sur ma faim mais je ne pouvais espérer mieux vu que nous sommes en période pré-électorale et on le sait, la procédure pénale est partie intégrante de la chose politique, peut-être même plus que le droit pénal de fond.
La collégialité pour l'instruction je veux bien, encore faut-il en avoir les moyens, il ne faut pas faire une collégialité simplement pour rassurer, il faut que tous les magistrats participant à la formation aient le temps utile pour étudier le dossier.
Le stage d'un an en cabinet d'avocat pour les auditeurs de justice je suis mitigé, je préfère le système actuel consistant à faire plusieurs stages dans des horizons divers (ex stages dans les associations de victimes, stages en prison, stages dans un service de police...). Même si ces stages sont courts ils offrent une vue d'ensemble.
Peut-être faudrait-il revoir le recrutement et envisager un âge minimum afin que les candidats aient une expérience dans un autre métier de préférence pas trop éloigné du droit. Je persiste à penser que la sagesse s'acquière avec l'expérience et on n'est pas en mesure de prendre à 24-25 ans des décisions aussi graves. Je suis totalement d'accord avec la culture du doute mais à mon avis ce n'est pas seulement à l'ENM qu'il faut l'enseigner mais dès la fac de droit ou l'IEP. Il faudrait peut-être envisager d'enseigner également dans les facs et dans les IEP outre les matières juridiques des matières qui paraissent annexes mais qui sont utiles pour juger. Je pense par exemple à la sociologie car le magistrat se doit d'être un observateur de la société, la psychologie qui permet de comprendre le cheminement qui a amené une personne à la délinquance et qui permet d'apprécier la valeur d'une expertise et enfin la criminologie. Je pense que ces disciplines ne servent pas qu'aux magistrats, les avocats ont également besoin de ces bases pour analyser des faits.
Pour l'enregistrement vidéo, je n'y suis pas favorable encore moins si cette vidéo doit être diffusée comme certains le souhaitent.
Rédigé par : jean philippe | 14 décembre 2006 à 11:23
Réforme de la justice, réforme de l'éducation nationale, réforme de....Mais est-ce bien de réformes permanentes dont nous avons besoin ou n'est-ce pas plutôt de prise en compte de la réalité et de courage face au(x) corporatisme(s). Je m'explique.
Comme toute l'administration française, la Justice, souffre, entre autres, des deux maux suivants :
1) Affectation des personnels selon le grade, l'ancienneté et non selon les qualités d'aptitude à remplir efficacement telle ou telle fonction. Bien que n'étant pas du sérail, il me semble que pour faire un bon juge d'instruction il doit falloir, outre les connaissances en droit, des qualités intrinsèques (humanité, psychologie, obstination, finesse d'analyse, etc...) que même des études supérieures ne peuvent délivrer. C'est ce que les Anglais expriment par la formule : THE RIGHT MAN in THE RIHT PLACE.
2) L'obsession du lieu d'affectation
Hier matin, sur FRANCE INTER? le ministre a dit textuellement qu'il était impossible de nommer au tribunal de Boulogne/mer un homme de 40 ans sauf s'il était natif du nord; que seul un magistrat frais émoulu de l'ENM pouvait y être affecté (lequel, par extension de propos, s'empressera de rechercher un poste géographique lui convenant mieux. C'est, sauf erreur de ma part, ce qui s'est passé avec le juge BURGAUD). Eh bien cela est proprement scandaleux. Que je sache, les fonctionnaires sont au service de l'Etat et leurs desiderata d'affectation devraient être secondaires par rapport aux besoins de l'Etat quitte à prévoir des compensations financières si l'on considère que vivre et travailler au nord de la Loire est synonyme de vie en enfer!
Rédigé par : PROST Edmond | 14 décembre 2006 à 11:13
Himalaya, justice ?
Hélicoptère !
...
Rédigé par : edgar | 14 décembre 2006 à 09:23
Je demeure tout à fait étonné de la croyance de notre pays envers l'idée de réforme, de la Loi qui change les choses, des principes réaffirmés, le credo de l'aube législative et du jour nouveau qu'elle annonce.
Il me semble que la Justice est d'abord un problème de pratique. L'écoute, l'humanité, la sagesse, la rigueur, la vigilance, le scepticisme, une sorte d'état d'alerte morale, cela ne se décrète pas, cela se cultive.
La réforme ne serait jamais assez ceci, toujours trop cela... Quête d'une construction pure et parfaite qui, à mon sens, empêche de penser l'urgence pratique qui elle commence toujours aujourd'hui, chez tous les Burgaud qui n'ayant pas vécu instruisent, chez tous les journalistes qui n'ayant pas enquêté commentent, chez tous les citoyens qui n'ayant pas douté... jugent.
Rédigé par : autourdesmatins | 14 décembre 2006 à 08:48
Quelles victimes furent un jour si reconnues, si bien réparées, tant écoutées ?
Ils ont eu une juste réparation, un débat de fond à été amorcé, maintenant la suite...
Où il y a outrance, il y a fatigue puis épuisement, cela ne peut plus rien amener de concret.
La justice en France a une discrétion et une abnégation qui l'honore, il est important de la conserver et de commencer un changement dans la sobriété.
Si la justice commence à trop se donner en spectacle, il va y avoir émergence de magistrats cabots, apprentis comédiens, nous avons vu les méfaits de ce type de personnalités à travers quelques drames de la vie ordinaires transformés en talk-show.
Dans la science du Droit plus que toute autre, il faut savoir garder la tête froide et penser aux justiciables.
Je suis bien en accord avec vous, ce sont des personnalités qui dénient le système, non les textes. Changer le recrutement et l'enseignement dans les écoles de magistrats et d'avocats est une excellente proposition, avec un travail en amont, il y aurait moins d'encadrement à mettre en place, c'est une digne et intelligente intervention, félicitations.
Pour les enregistrements vidéos, juges et policiers vont pouvoir s'organiser des karaokés...
Rédigé par : LEFEBVRE | 14 décembre 2006 à 02:24
Monsieur Bilger, j'ai beaucoup aimé votre billet sans complaisance.
Moi j'hésite entre l'"arrogant sot" et l'"incompétent heureux".
Je n'aime pas choisir entre la peste et le choléra. Surtout dans un domaine aussi riqué, avec l'angoisse d'etre à la merci d'un déséquilibré qui tient mon destin entre ses mains, sans avoir à répondre de ses actes, où seul l'ego compte.
Je confirme, pour le subir depuis 13 longues années, que nous n'avons plus de justice que le nom dans notre pays, n'en déplaise aux "vaillants soldats". Force est de constater que nos politiciens couards et corrompus découragent les magistrats intègres, qui tentent malgré tout de faire leur travail avec conscience et dignité. Pour les autres... Hélas, notre pays n'aura jamais le courage de faire les réformes qui s'imposent pour devenir une société moderne. Les Anglo-saxons ont bien des défauts, mais ils ont plus de qualités que nous ! La première étant le pragmatisme. Quand nous n'aurons plus de "vieux croûtons" vissés sur les bancs de l'Assemblée nationale ou au Sénat où ils font tranquillement la sieste, nous aurons une chance de remettre le pays sur les rails...
Rédigé par : Citoyen ignare | 13 décembre 2006 à 20:55