On n'en finit pas de déplorer sa mort et de le célébrer. La pompe officielle et étatique puis l'ensevelissement discret et glaçant dans un petit cimetière de Normandie. Tout semble avoir été dit sur cette destinée exceptionnelle et pourtant il manque quelque chose. Ce consensus étonnant, parfait, est trop beau pour qu'on ne tente pas de découvrir l'explication-miracle, l'explication de ce miracle, la cause de ce triomphe. Le pourfendeur de la misère en pleine gloire médiatique, maintenant comme hier. Qu'avait-il donc de si remarquable, cet abbé de société comme il y a des abbés de cour, pour susciter tant d'enthousiasme attristé, comme si nous avions été un peu lui et qu'il avait été beaucoup nous ? C'est sans doute la force de ces personnalités d'exception que de donner le droit à chacun de se façonner son image personnelle. Peut-être chacun a-t-il en effet "son" abbé Pierre qui n'a pas qu'à voir avec les hommages unanimes qui lui ont été rendus.
Certes, je reconnais volontiers que pour cet ecclésiastique hors norme, c'est d'abord son humanité et ses faiblesses qui l'ont rapproché de nous. Avant même de devenir un modèle de solidarité et d'abnégation et de s'inscrire de manière exemplaire dans nos mondes, il a su, par sa vie , créer une familiarité intense avec la nôtre en apportant lui-même des brèches à sa statue. Les tentations d'une vie trop humaine, la chasteté si difficile à supporter, les dérives et abandons assumés, la compréhension des situations dramatiques où, notamment pour le préservatif et le sida, il distinguait si lucidement la faute et le crime, cette capacité à ne pas fuir le mouvement du monde en apposant sur lui la facilité d'un décret absolu, à ne pas fuir l'agitation intime et ses risques en se prétendant faussement au-dessus de soi, tout cela a définitivement ancré l'abbé Pierre du bon côté de l'existence : du nôtre. Même ce que d'aucuns ont rappelé avec délectation, comme si c'était fondamental - son soutien apporté, à travers Roger Garaudy, à la liberté d'expression - est apparu moins comme une intolérable transgression que comme, au pire, la défaillance provisoire et pour certains, sénile, d'un corps et d'un coeur accordés à l'humaine condition. Il me semble qu'il a d'abord été aimé parce que sa respiration le constituait comme notre prochain, ombres et lumières mêlées.
Ensuite, il nous a servi de formidable alibi. Quel bonheur que ce combattant inlassable de la misère et de la détresse qui dispensait, comme il l'avait lui-même si lucidement analysé, les autres du devoir d'agir. Il parlait et agissait pour nous et offrait aux politiques de tous bords cette merveilleuse opportunité, en le soutenant verbalement, de paraître solidaires et, mieux que cela, entreprenants comme lui. L'abbé Pierre - et il n'était pas dupe - a été instrumentalisé par tous ceux qui lui avaient confié avec une allégresse citoyenne la charge de les représenter dans une lutte impossible à gagner. Il était devenu "le coeur d'un monde sans coeur" et le religieux qu'il était ne donnait pas au peuple de l'opium mais de la bonne conscience. Dans cette relation il y avait aussi l'illusion, qui n'était pas en elle-même médiocre, de se hisser vers des sommets d'humanité altruiste grâce à cet homme exemplaire. Il nous tirait vers le haut et c'était bon de croire que, grâce à lui, notre compassion abstraite saurait se muer en action. Dans notre quotidienneté parfois grise, l'espérance d'une sainteté à notre mesure diffusait son charme.
Enfin, et il me semble que c'est le plus important, l'abbé Pierre a constitué, dans un univers de faux-semblants, une preuve absolue d'authenticité. Ce serait une absurdité que d'analyser son rapport avec les médias comme le signe d'un quelconque narcissisme alors qu'il le désirait opératoire et qu'en définitive il l'a été. La concordance entre sa morale, son existence, sa parole et son comportement n'a cessé de faire naître en nous une inguérissable nostalgie : celle d'un monde politique où la vérité imposerait son exigence, où ne pourrait plus être tournée en dérision cette comédie contemporaine des apparences nobles et des coulisses obscures. Ce que l'abbé Pierre a rendu insupportable, ce sont ces vies, ces discours et ces pratiques, non seulement désaccordés mais utilisés pour échapper à la charge accablante de la rectitude. L'éthique est remplacée par les mots, la passion affichée du peuple se marie avec le clinquant de coteries friquées, la politique n'est qu'une manière de placer un écran de fumée entre ce qu'on propose et ce qu'on vit, rien ne vient persuader le citoyen que pour obtenir ses suffrages, va se dresser un être dont la vérité sera la seule arme et qui pourra proclamer l'unité de sa personnalité. Tant de distance entre les concepts et la réalité, entre les promesses et leur accomplissement, entre l'intime et le superficiel, entre la parole lucide et la parole politique. L'abbé Pierre, c'est au contraire l'absence de tout hiatus entre la source et la mer, entre les origines et l'aboutissement. Je crois que c'est sur cette coïncidence totale que se fonde l'admiration de tous. On se dit qu'une telle honnêteté n'est pas possible et qu'il convient de la saluer comme un exploit personnel qui ne portera pas à conséquence. Trop humain donc, cet abbé de société, mais aussi trop ailleurs pour constituer un remords vivant. Trop loin, trop dur, trop difficile : on ne peut qu'applaudir respectueusement cet artiste de l'humain et s'en tenir à notre médiocre condition qui a ses petits plaisirs comme ses grandes joies. Au fond, l'abbé Pierre n'a gêné personne.
La clé de son apothéose réside probablement dans ces injonctions du coeur qu'il adressait, dans ces appels à la générosité et dans son indignation renouvelée, dans ces foudres fortes mais indolores qu'il laissait tomber sur les politiques. Il châtiait mais ne faisait pas mal. Sa politique du coeur n'abordait jamais le coeur de la politique. Il était révéré comme une sorte de Savonarole sympathique et compatissant mais dont on n'avait pas peur parce que l'écouter était commode et gratifiant mais qu'il n'avait rien à sa disposition pour contraindre à suivre et à respecter ses chemins rugueux et nécessaires. L'abbé Pierre était profondément désarmé. En ce sens, il n'inquiétait pas, il rassurait.
Pas une seconde, me viendrait à l'esprit la pensée vulgaire de juger surabondante l'adoration de ces derniers jours. Je voudrais seulement que dans ce miroir que l'abbé Pierre nous a tendu tout au long de son existence et, au-delà, par sa mort, nous n'oubliions pas de nous regarder nous-mêmes. Au fond des yeux, au fond du coeur.
Que le petit jeune acteur de l'association "Les enfants de Don Quichotte" ressemble physiquement à l'abbé Pierre jusque dans la barbe et les cheveux courts !
Rédigé par : LEFEBVRE | 15 février 2007 à 17:54
@ Cactus M le Maudit
En fait, pour le Père Abbé de ce blog,
en numéro 1:
Comme à Ostende
Rédigé par : Véronique | 15 février 2007 à 12:40
@ Cactus M le Maudit
Pour Ferré:
en 1er:
La mémoire et la mer
en 2:
C'est extra
Pour le 2:
"Un moody blues qui chante la nuit"
et
"Ce jazz qui d'jazze dans le noir"
elle n'est pas mal cette idée de paradis, non ?
Rédigé par : Véronique | 15 février 2007 à 08:12
je vais citer Léo Ferré :
"Et si vraiment Dieu existait
Comme le disait Bakounine
Ce camarade vitamine
Il faudrait s'en débarrasser"
Le Chien , un de ses plus beaux poèmes chantés !
bonne fête à toutes les Valentines , au fait !
Rédigé par : Cactus aime le mot dit | 14 février 2007 à 10:35
Monsieur Champion, ne confondez pas un apologue avec une quelconque profession de foi...
En clair ne délirez pas sur les délires que vous attribuez aux autres même si votre souffrance est légitime ...
Rédigé par : doc | 13 février 2007 à 19:06
Psychose hallucinatoire, délires mystiques, croyances, religions.
Thèmes des religieux.
Les dogmes qui figent la société sont parties intégrantes des révélations schizophréniques interprétées, tout un monde binaire sans positions intermédiaires : pureté et chasteté, bien et mal, bons et méchants.
La position cléricale ne peut donc que rester intangible (avortement, euthanasie, prévention du sida...et tout dernièrement son opposition au téléthon).
Alors ce n’est pas par la discussion, les débats, que l’on peut changer les symptômes d’une maladie.
Ni Dieu, ni Diable, seulement et totalement une maladie psychiatrique.
D’un autre âge, ceux qui se disaient en communication avec Dieu étaient et sont encore appelés «prophètes» avec leurs écrits indiscutables.
De nos jours, ceux qui entendent des voix et qui ont la certitude que Dieu leur parle ; nos jeunes en psychose hallucinatoire paranoïde (schizophrénie) sont traités en psychiatrie.
La psychose hallucinatoire, cette « maladie universelle » que l’on vous a appris à ne pas comprendre.
Ce qui est inscrit sur la notice pharmaceutique d’un antipsychotique de dernière génération : «... est utilisé pour traiter une maladie qui s’accompagne de symptômes tels que entendre, voir et sentir des choses qui n’existent pas, avoir des croyances erronées...».
Cette relation vous semble inadmissible, alors je vous mets au défi de citer une seule autre manifestation qui soit à la fois l’œuvre présumée de l’Au-delà et également les symptômes d’une maladie.
- Peut-on croire que Dieu parle toutes les langues ; NON, c’est votre psychose qui se manifeste de jour à la manière de vos rêves et cauchemars de nuit.
- Peut-on croire réellement que Jeanne d’Arc ait reçu un portable et que l’on lui ait parlé en Lorrain ? NON, uniquement une psychose hallucinatoire auditive qui a fait d’Elle une héroïne puis une victime à l’aube de sa vingtième année.
- Peut-on avoir la certitude qu'un Saint-Esprit et une Vierge puissent créer un enfant ; NON c’est l’un des délires mystiques psychotiques le plus répandu.
- Peut-on aussi remettre en cause la médication antipsychotique bien claire sur ce sujet.
Sur un forum connu : Extrait du thème : les schizophrènes célèbres.
Si le christ était vivant aujourd'hui, que dirait-on de lui hein?
A son époque, les gens entendant les voix de "dieu" était considérés comme des prophètes immortels mais les temps changent.
Naïfs sont ceux qui pensent que le Christ était sain d'esprit.
Pas convaincu, c’est normal la manipulation mentale fonctionne de cette manière sur les thèmes de l’irréalité ; un psychiatre connu a écrit : « On doute de la réalité, on ne doute jamais de son délire ».
La schizo source du mysticisme, il est aussi interdit d’en parler... même sur certains forums.
Question : thème « schizophrénie et mysticisme ».
Je m'appelle ..., je réalise actuellement dans le cadre de mes études, et pour moi-même une enquête sur la schizophrénie et le mysticisme. Plusieurs de mes proches sont schizophrènes et " le délire mystique" est et était omniprésent dans leur vie, j'ai choisi d'approfondir mes connaissances et ma compréhension de cette facette de la maladie. J'ai bien lu la charte qui interdit ces propos mystiques... cependant, auriez-vous des conseils à me donner, des personnes que je pourrais contacter?
Et réponse du Docteur... administrateur du site.
Il est impossible de parler de délires mystiques ici, et déconseillé d'interviewer un schizophrène à ce sujet. En revanche, les psychiatres connaissent bien ces délires et c'est avec eux qu'il faut discuter.
En clair, allez voir ailleurs, demandez à un psychiatre qui ne vous répondra pas car il a son devoir de réserve.
Aussi, croyez-vous que les religieux expliqueront un jour à leurs jeunes disciples que : si eux entendent des voix ou voient l’inexplicable, ils doivent se rendre, en urgence, en consultation pour « maladie mentale.» ?
Il est temps de ne plus vénérer cette maladie extrémiste.
Que diriez-vous si l’on vénérait le cancer, le sida... toutes ces maladies qui rongent le malade, la famille et la société.
En terminer avec la schizo : même si l’on n’a pas encore le vaccin, lorsque l’on a la clé du fonctionnement cérébral lié aux croyances maladives psychotiques, va-t-on rester dans cette irréalité encore deux mille ans ?
Le poids des religions, l’omerta sur la schizo.
Maurice Champion - http://monsite.orange.fr/champion20
Rédigé par : Champion Maurice | 13 février 2007 à 15:31
J’ai fait un rêve cette nuit : le diable comme bien souvent passait sur terre…
Il était d’une humeur morose car tout marchait trop bien pour son « commerce », les dictateurs étaient tellement occupés dans leurs turpitudes florissantes qu’ils l’oubliaient, lui, le prince des ténèbres qui avait tant fait pour eux.
Songeur et inquiet que l’homme s’éloigne tant de Dieu, lui rendant la victoire trop facile, il croise un vieil homme payant peu de mine et il se dit qu’il y a peut- être là matière à corrompre avec quelques difficultés de bon aloi, l’indigent qui n’a souvent comme unique trésor que sa dignité…
« Eh toi qui semble bon, veux-tu venir en mon royaume expier les fautes de tous ces mécréants qui sont pires que moi ? »
Et l’autre de lui répondre : « oui ! »
Etonné, Satan lui dit : « - tu es un fou ?
-Non, j’aime l’Homme et je crois en notre Dieu et de te voir, Satan, me confirme qu’il existe car sans noir il n’y a pas de blanc alors je peux te suivre dans ton antre pour quelques siècles car Dieu me donnera l’éternité. »
L’ange déchu, désarmé, demande à un de ses lieutenants (chargés des RG) Méphistophélès, qui est ce fou.
« -Ah ! Maître, de la pire espèce, de celle qui n’existe qu’en un seul exemplaire !
-Et comment nommes- tu cette espèce d’homme si rare que je ne peux point la corrompre car il prend même les péchés des autres à son compte ?
-Maître, cet homme est l’abbé Pierre ! »
Satan s’en retourna courroucé de n’avoir qu’à livrer aux flammes de l’enfer un tel homme…
Mais en souriant, il se dit : il n’y en avait peut être qu’un comme lui !
Rédigé par : doc | 12 février 2007 à 22:29
L'abbé Pierre se posait toutes les questions fondamentales sur la vie, la société. Il était l'homme qui regardait l'incompréhensible monde fait de misères et d'injustices.
Alors Dieu dans tout cela? Son interrogation : Mon Dieu... Pourquoi ?
Ma réponse est simple parce qu'il n'y en a pas.
Merci à lui, pour son dévouement aux autres, ce qui l’a animé dans son unique vie terrestre.
Rédigé par : Champion Maurice | 12 février 2007 à 18:48
Un abbé de société ....
voire un abbé à satiété !
symboles , on prie pour vous , NOUS , pauvres pécheurs , point à la ligne .
à plus que satiété c'est vrai : quel jeu de drôle de société que la nôtre à tant parler de notre AB DCD !
mais que l'alarme à l'oeil déversé par notre premier gouvernant devant les caméras " audi'matheuses " le jour de sa mise en terre , m'a semblé plus qu'une larme de croque' Odile !
sincérité tardive ou nouveau JE de rôle en pensant à de futures élections ?
Miroir mon beau miroir même si parfois trop admiré par certains réputés dépités , IL reste , aujourd'hui encore le plus beau - symbole de l'Homme Vrai !
Rédigé par : Cactus aime le mot | 08 février 2007 à 19:28
L'Abbé Pierre a montré, une fois de plus, que c'est en scrutant les étoiles qu'on creuse les sillons les plus durables sur cette bonne vieille terre...
http://bboeton.wordpress.com/2007/01/23/labbe-pierre-les-etoiles-et-les-sillons/
Cordialement.
Rédigé par : L'Abrincate | 07 février 2007 à 19:51
@Véronique : fuyant les hommes de certitude(s) arrogante(s), je me tourne volontiers vers vous, femme d'inquiétude(s) et d'interrogation(s) ...
Je suis ravi que vous partagiez ma dilection pour Barthes et m'autorise à vous conseiller un ouvrage récent signé Eric Marty :" Roland Barthes. Le métier d'écrire " paru en 2006 au Seuil.
Rédigé par : Parayre | 02 février 2007 à 13:45
Comment rejeter cette "adoration ", cette "adulation" de l'abbé Pierre ?
En faisant fi de la religion, c'est l'humaniste que nous admirons tous.
Il représente ce que chacun d'entre nous, consciemment ou inconsciemment avons envie d'être : "le sauveur".
Il était la compassion même et pour ses regards, ses mots, ses actes, ses colères, je le remercie.
Je sais qu'il est difficile d'aider lorsque la vie fait de nous des cadres supérieurs, des ouvriers, des politiciens (eh oui!!) mais comme le dit si bien notre hôte dans sa note "on ne répond" plus, c'est peut-être par la considération que tout passe.
Un regard, un geste, une réponse, un bonjour, un sourire (mon arme fatale et favorite;-) peuvent animer, renverser une journée si sombre et si désespérante...
C'est pour cela et sans intérêt aucun que je vous adresse à tous "hôte et commentateurs" une bonne journée, un sourire et des félicitations pour la qualité de ce blog qui est de loin celui que je préfère... intellectuellement parlant bien sûr.
:-)
Marie
Rédigé par : marie | 02 février 2007 à 13:29
@ Parayre
Je ne savais pas que Roland Barthes désirait être pasteur.
Ces derniers jours, dans mon travail, j'ai repris Mythologies et le texte sur l'abbé Pierre pour parler avec une jeune collègue de l'exceptionnel apport d'un écrivain de cette hauteur de vues.
Comme quoi, ce blog peut trouver des applications inattendues et quotidiennes.
Rédigé par : Véronique | 02 février 2007 à 07:42
@ Parayre,
Je constate qu'avec ou sans diocèse, nous prêchons tous pour notre paroisse et que nous demandons de l'ouverture aux autres, peu à nous-même.
L'Eglise n'échappe pas à cette observation et évidemment moi non plus.
Ce qui me dérange le plus dans la dérive communautaire finalement, c'est d'en être un des exclus et un des boucs émissaires, plus encore que de voir le pays s'enfoncer à cause d'icelui.
Quelle quête est dénuée de tout égoïsme ?
J'ai toujours pensé que quelques héros étaient des gens qui se suicidaient noblement, que les autres n'avaient guère conscience de leur précarité d'êtres humains mortels, mais que très peu ont sacrifié leur vie en leur âme et conscience.
Puisque l'acte gratuit est spontané, que la générosité ne se calcule pas, ils ne peuvent appartenir à une démarche longue et réfléchie.
Je trouve impératif cependant de ne plus avoir à rougir de nos imperfections.
L'abbé Pierre a beaucoup oeuvré pour les autres, dans la mesure de ses capacités et de ses déficiences et c'est fort bien comme cela.
Rédigé par : LEFEBVRE | 31 janvier 2007 à 23:07
Peroixe,
Comme l'a dit Pascal :"l'Homme est fait à l'image de Dieu mais il n'est pas Dieu car il est pêcheur" !
L'Abbé Pierre était un Homme mais juste un «peu» plus grand que les autres...
Rédigé par : doc | 31 janvier 2007 à 21:29
@Lefebvre : mon fils de 23 ans me rappelait récemment que l'abbé Pierre, même en 1954, n'avait pas réclamé la réquisition des nombreux presbytères pourtant vacants que recèlent nos communes, bourgs ou villages.
Je lui ai répondu qu'il n'avait pas plus "pensé" aux évêchés, plus que vastes, de toutes nos villes épiscopales.
Rédigé par : Parayre | 30 janvier 2007 à 20:48
@Véronique : effectivement, étonnante lucidité de Barthes qui n'était pas "au degré zéro de l'écriture" ... Savez-vous qu'à l'adolescence, il rêvait d'être pasteur ?
Rédigé par : Parayre | 30 janvier 2007 à 20:01
Tant d'intelligence sur ce blog, tant de talent d'écriture avec ( dans les commentaires ) citations des grands classiques, quelques formules latines, par-ci, par-là un imparfait du subjonctif, devraient me décourager d'ajouter mon grain de sel. J'aggrave même mon cas et je me hasarde à formuler une hypothèse iconoclaste voire perverse. Et si, sa vie durant, cet homme de Dieu avait agi en égoïste avec, pour ligne de mire, son salut ? D'accord, je connais la réponse : qu'importe le ressort si le résultat est là.
Intermède farfelu clos. M. Ph. B., je vous lis avec un plaisir intense.
Rédigé par : Peroixe | 30 janvier 2007 à 11:38
Se déclarer proche de l'abbé Pierre, se sentir proche de l'abbé Pierre, n'est-ce pas justement la marque de cette captation de bonne conscience ?
Assurément, nous ne devrions pas oublier « de nous regarder nous-mêmes [...] au fond des yeux, au fond du coeur ».
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 30 janvier 2007 à 08:35
@ Yves Duel
"Il ne s'agit pas seulement de coeur, mais de droits. Qui se conquièrent, sans quoi personne ne vous les accordera."
Je suis d'accord.
Il n'empêche que nous avons aussi besoin de regards qui aiment et qui respectent, dans lesquels on perçoit la force d'une morale et de l'humanité.
"Au fond des yeux, au fond du coeur."
Sans cela, il y a souvent de l'âpreté et du mécanisme chez ceux qui théorisent à tout va les droits. La douceur dans le regard, c'est aussi ce qui peut faire toute la différence.
Et la volonté de faire.
Coluche disait: (je cite de mémoire)
"J'en avais assez d'entendre ceux et celles qui disaient " faut faire ceci, faut faire cela. Moi, j'ai décidé de faire. C'est tout"
Même "tempérament" de décision chez Xavier Emmanuelli quand il crée le Samu social.
Regardez-les dans le fond des yeux, il y a chez ceux-là quelque chose qui aime.
Rédigé par : Véronique | 30 janvier 2007 à 07:38
En me permettant d'être un peu rimbaldien, même si j'aime peu citer. Pourquoi ne fais je qu'entendre : "Les pauvres à l'église" en lisant cet article sur l'abbé Pierre, je n'ai pourtant rien à reprocher à cette religion qui s'est tant bonifiée avec le temps. Les associations d'idées, parfois comme des poussées brutes de l'inconscient m'amènent à réfléchir sur ce que je tente de me dire malgré moi. Ce n'est plus un Dieu qui prend cette pièce d'or nouée dans un mouchoir, mais alors qui ?
Naturellement, ma réponse est dans ma question.
Rédigé par : LEFEBVRE | 30 janvier 2007 à 01:36
@sbriglia : avec vous je redeviens malrucien ; "la tendresse inspirée par la mort [me]fait aimer les vivants qui l'éprouvent ."
Rédigé par : Parayre | 29 janvier 2007 à 22:12
Pardon, Malraux !
"Comme Gandhi entra aux Indes, avec son cortège d'exaltation dans le soleil de Delhi et les bûchers de Bénarès, entre ici, Abbé Pierre, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, toi qui hurlais; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les exclus et tous les pouilleux des foyers d'Emmaüs, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files des mendiants à gamelle trébuchant sous le froid; avec les pauvres hères qui ne sont pas revenus des taudis, avec le dernier enfant mort à Montreuil pétrifié par le givre dans les bras de l'un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle - nos frères dans l'ordre de la Misère...
Commémorant l'anniversaire de la création d'Emmaüs, je disais : « Ecoute ce soir, jeunesse de mon pays, ce glas qui sonnera comme il a sonné l'hiver cinquante-quatre . Puisses-tu, cette fois, l' entendre : il va sonner pour toi. »
L'hommage d'aujourd'hui n'appelle que le chant qui va s'élever maintenant, ce Chant des obscurs, des sans-grade que j'ai entendu murmurer comme un chant de complicité, puis psalmodier dans le brouillard des Vosges et les bois d'Alsace, mêlé au cri perdu des moutons des tabors, quand les frimas de Corrèze avançaient à la rencontre des sans-logis pétrifiés de peur et de froid.
Ecoute aujourd'hui, jeunesse de France, ce qui fut pour nous le Chant du Malheur. C'est la marche funèbre des cendres que voici.
A côté de celles de Carnot avec les soldats de l'an II, de celles de Victor Hugo avec les Misérables,de celles de Jaurès veillées par la Justice, qu'elles reposent avec leur long cortège d'ombres décharnées.
Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre barbe informe du dernier jour, de ses lèvres qui ne criaient plus ; ce jour-là, elle était le visage de la France... "
Rédigé par : sbriglia | 29 janvier 2007 à 14:32
En ne lisant que le titre, je me suis dit : "ça y est, il va encore nous faire l'esprit fort". Abbé de cour, abbé de société...
Et en lisant la dernière phrase, "Au fond des yeux, au fond du coeur", je me suis dit "Chapeau. Mais voilà ce qui continuera, pour moi, de différencier les tempéraments de droite des tempéraments de gauche". Il ne s'agit pas seulement de coeur, mais de droits. Qui se conquièrent, sans quoi personne ne vous les accordera.
(mais j'ai commencé par "Chapeau". Et j'ai tout lu ! :-))
Rédigé par : Yves Duel | 29 janvier 2007 à 13:30
Il y a quelques années il m’a fallu tout reconstruire professionnellement. Je pense être passée assez près de ce précipice qu’est la précarité. C'est une épreuve violente dans une vie. Sans une famille réelle ou inventée, sans quelques amis, et sans un courage fait de mille et un petits courages au quotidien, il y a très peu de chances de ne pas être happé par ce trou noir où on finit par de ne plus savoir qui on est. Car ce qu’on était et ce qu’on a fait avant finissent, même pour soi, par ne compter pour rien.
" L'abbé Pierre était profondément désarmé. En ce sens, il n'inquiétait pas, il rassurait. "
Je voudrais dire merci à ceux qui sont désarmés, qui n’inquiètent pas et qui rassurent. Ceux qui ont les armes ou les outils , ce sont d’abord ceux-là qui doivent agir et porter les couteaux dans les plaies.
Ce que j’aime dans la note de Philippe, c’est qu’il nous dit que l’abbé Pierre était d’abord un homme très et sans doute trop humain. Ses mots permettent à chacun de dessiner son propre abbé Pierre. Il restera pour moi le visage qui apaise quand l’existence vous fait basculer dans l‘envers des choses. Et c’est cette vulnérabilité assumée qui rassure.
@ Jean-Dominique
Merci d’avoir parlé de ces duretés invisibles de ceux qui sont "révoltés et indifférents à la fois".
@ Parayre
"(...)J'en viens alors à me demander si la belle et touchante iconographie de l'abbé Pierre n'est pas l'alibi dont une bonne partie de la nation s'autorise, une fois de plus, pour substituer impunément les signes de la charité à la réalité de la justice."
Roland Barthes et sa clairvoyance. Il écrit ce texte en 1957. Le lisant, j’ai pensé que le grand tourment de l’abbé Pierre était peut-être qu’il savait qu’il avait échoué. Son idéal n’était pas celui de la charité individuelle ou publique, mais celui de l’impératif et de la nécessité de justice.
@ Ségo
Au-delà de la déclaration de NS, je souhaite que l’objectif qu’il a défini soit celui de tous. Pour le réussir, je pense qu’il faut aussi que tous ceux qui sont trop à l’abri, acceptent de céder un peu de leurs sécurités. Sans cela, quels que soient les dispositifs de lutte contre les pauvretés, ils ne resteront qu’une forme de charité publique. Et cette charité, également, peut être violente.
Rédigé par : Véronique | 29 janvier 2007 à 07:08
J'ai toujours eu une certaine admiration pour notre abbé bien que je sois non croyant ! C'est aussi là que réside sa force. Croyants, non croyants ont été sensibles à son "insurrection de la bonté". De nos jours peu de personnes savent toucher des personnes aussi différentes. Il avait un charisme exceptionnel.
J'espère que son oeuvre va se poursuivre même si sans lui les choses risquent d'être différentes. La loi sur le droit au logement opposable devrait porter son nom, je regrette cette décision car cette loi n'est pas aussi ambitieuse qu'il l'aurait voulu.
Rédigé par : jean philippe | 28 janvier 2007 à 20:58
Je ne suis pas d'accord avec PB sur la fin de son billet.
Désolé, mais je trouve surabondante l'adoration de ces derniers jours.
Non pas parce qu'il ne méritait pas une telle adoration, bien au contraire.
Mais surabondante dans la mesure où celle-ci peut venir de personnes ou politiques qui n'en ont que faire des pauvres mais qui, pour se donner bonne conscience ou s'attirer la sympathie dans un but électoral, viennent pleurer au bord du cercueil de ce saint homme.
Son message vieux de dizaines d'années est malheureusement toujours valable en 2007 et j'ai envie de dire : est de plus en plus actuel.
Oui, il y a de plus en plus de pauvres en France. Oui, il y a de plus en plus de SDF en France. Oui, il y a de plus en plus de RMistes en France.
Oui, les personnes en-dessous du seuil de pauvreté sont de plus en plus nombreuses.
Alors, si cette adoration était si sincère : pourquoi en est-on arrivé à une telle situation ?
La vérité : c'est que le message de l'Abbé dérangeait plus d'une personne. Il nous bousculait nous qui sommes bien logés, bien nourris et qui ne faisons finalement attention aux pauvres qu'à l'occasion de tels événements que celui du décès de l'Abbé.
Je ne suis pas là pour condamner ces personnes car je n'ai aucune légitimité pour le faire.
Si 99% des français étaient d'accord avec l'Abbé : combien ont finalement agi ? 5% au mieux
J'ai l'honnêteté de dire que je n'ai rien fait.
Et a priori est-ce aux citoyens d'agir ? ou aux politiques ? Les deux, me diront certains.
Je ne peux qu'être d'accord mais c'est d'abord aux politiques d'agir. Et force est de constater que ( tous bords confondu ), personne n'a rien fait et personne ne fera jamais rien.
Sauf un qui nous annonce que s'il est élu, dans deux ans il n'y aura plus un seul SDF en France.
Complètement démgagogique et surtout complètement déplacé dans cette période et surtout quand on sait que cet homme fait partie d'un gouvernement qui a contribué à accroître la pauvreté en France.
Je me demande comment on peut récupérer un sujet aussi grave à des fins uniquement "électoraliste".
A priori ce candidat n'a honte de rien et surtout est prêt à tout récupérer, tout ça pour arriver à l'Elysée.
Finalement, le combat de l'Abbé l'aura enterré. Espérons que toutes les larmes versées cette semaine n'aient pas été versées pour rien.
Rédigé par : Ségo | 28 janvier 2007 à 20:24
..."et le religieux qu'il était ne donnait pas au peuple de l'opium mais de la bonne conscience..." a écrit PB... C'est sans doute ce qui a poussé l'évêque de Parthénia , l'ineffable Monseigneur Gaillot à déclarer "il ne faut surtout pas que l'Eglise catholique puisse le récupérer" (sic)
Mais non, Monseigneur, rassurez-vous, comme Jaurès, l'abbé n'est d'aucun clan... Mais on aurait préféré que cela vienne d'une autre voix que la vôtre...
@Wédry : il est des combustions qui durent toute une vie, ce fut celle de l'abbé ; elle vaut tous les bûchers... et ces "trognes" que nous avons aperçues aux obsèques à Notre-Dame étaient les mêmes que celles qui regardaient Savonarole dans ses flammes...
Rédigé par : sbriglia | 28 janvier 2007 à 18:52
Le texte intitulé "Iconographie de l'abbé Pierre", tiré de "Mythologies" de Roland Barthes - ouvrage publié en 1957 , il y a donc cinquante ans - me paraît intéressant en complément de la superbe note de notre hôte. Le voici :
"Le mythe de l'abbé Pierre dispose d'un atout précieux : la tête de l'abbé. C'est une belle tête, qui présente clairement tous les signes de l'apostolat : le regard bon, la coupe franciscaine, la barbe missionnaire, tout cela complété par la canadienne du prêtre-ouvrier et la canne du pèlerin. Ainsi sont réunis les chiffres de la légende et ceux de la modernité.
La coupe de cheveux, par exemple, à moitié rase, sans apprêt et surtout sans forme, prétend certainement accomplir une coiffure entièrement abstraite de l'art et même de la technique, une sorte d'état zéro de la coupe ; il faut bien se faire couper les cheveux, mais que cette opération nécessaire n'implique au moins aucun mode particulier d'existence : qu'elle soit, sans pourtant être quelque chose. La coupe de l'abbé Pierre, conçue visiblement pour atteindre un équilibre neutre entre le cheveu court (convention indispensable pour ne pas se faire remarquer) et le cheveu négligé (état propre à manifester le mépris des autres conventions) rejoint ainsi l'archétype capillaire de la sainteté : le saint est avant tout un être sans contexte formel ; l'idée de mode est antipathique à l'idée de sainteté.
Mais où les choses se compliquent — à l'insu de l'abbé, il faut le souhaiter — c'est qu'ici comme ailleurs, la neutralité finit par fonctionner comme signe de la neutralité, et si l'on voulait vraiment passer inaperçu, tout serait à recommencer.
La coupe zéro, elle, affiche tout simplement le franciscanisme ; conçue d'abord négativement pour ne pas contrarier l'apparence de la sainteté, bien vite elle passe à un mode superlatif de signification, elle déguise l'abbé en saint François. D'où la foisonnante fortune iconographique de cette coupe dans les illustrés et au cinéma (où il suffira à l'acteur Reybaz de la porter pour se confondre absolument avec l'abbé).
Même circuit mythologique pour la barbe : sans doute peut-elle être simplement l'attribut d'un homme libre, détaché des conventions quotidiennes de notre monde et qui répugne à perdre le temps de se raser : la fascination de la charité peut avoir raisonnablement ces sortes de mépris ; mais il faut bien constater que la barbe ecclésiastique a elle aussi sa petite mythologie. On n'est point barbu au hasard, parmi les prêtres ; la barbe y est surtout attribut missionnaire ou capucin, elle ne peut faire autrement que de signifier apostolat et pauvreté ; elle abstrait un peu son porteur du clergé séculier : les prêtres glabres sont censés plus temporels, les barbus plus évangéliques : l'horrible Frolo était rasé, le bon Père de Foucault barbu ; derrière la barbe, on appartient un peu moins à son évêque, à la hiérarchie, à l'Église politique ; on semble plus libre, un peu franc-tireur, en un mot plus primitif, bénéficiant du prestige des premiers solitaires, disposant de la rude franchise des fondateurs du monachisme, dépositaires de l'esprit contre la lettre : porter la barbe, c'est explorer d'un même cœur la Zone, la Britonnie ou le Nyassaland.
Évidemment, le problème n'est pas de savoir comment cette forêt de signes a pu couvrir l'abbé Pierre (encore qu'il soit à vrai dire assez surprenant que les attributs de la bonté soient des sortes de pièces transportables, objets d'un échange facile entre la réalité, l'abbé Pierre de Match, et la fiction, l'abbé Pierre du film, et qu'en un mot l'apostolat se présente dès la première minute tout prêt, tout équipé pour le grand voyage des reconstitutions et des légendes). Je m'interroge seulement sur l'énorme consommation que le public fait de ces signes. Je le vois rassuré par l'identité spectaculaire d'une morphologie et d'une vocation ; ne doutant pas de l'une parce qu'il connaît l'autre ; n'ayant plus accès à l'expérience même de l'apostolat que par son bric-à-brac et s'habituant à prendre bonne conscience devant le seul magasin de la sainteté ; et je m'inquiète d'une société qui consomme si avidement l'affiche de la charité, qu'elle en oublie de s'interroger sur ses conséquences, ses emplois et ses limites. J'en viens alors à me demander si la belle et touchante iconographie de l'abbé Pierre n'est pas l'alibi dont une bonne partie de la nation s'autorise, une fois de plus, pour substituer impunément les signes de la charité à la réalité de la justice."
Rédigé par : Parayre | 28 janvier 2007 à 17:49
Combien sommes-nous, ici, ailleurs, à nous sentir si proches des révoltes de l'Abbé Pierre tout en oeuvrant, au quotidien, à la grande fabrique de la misère humaine ?
Parce que son amour et son indulgence se portaient sur nous tous, devons-nous pour autant croire que nous les avons tous mérités ?
Sans honte, sans pudeur, on pleure l'homme digne, celui qu'il fut, celui que l'on n'est pas.
Dans les bureaux obscurs, de routines en procédures, inlassablement, combien sommes-nous à contribuer à faire le malheur des autres ? Combien sommes-nous, cyniques ou compatissants, à produire de l'expulsion, de l'exclusion, de la détresse au sein de la grande machine de la société industrielle humaine ?
Des milliers, des centaines de milliers, qui raclent les derniers sous du pauvre, qui l'oublient dans un plan de licenciement, qui l'accablent de son insolvabilité sociale, nous sommes des milliers, des centaines de milliers.
Sans méchanceté aucune, avec le meilleur coeur du monde, donnant la pièce à chaque dimanche de quête, révoltés et indifférents à la fois, pendant que nos ordinateurs, à nos ordres dévoués, vomissent des injonctions, des commandements, des contentieux, des saisies, des radiations, sans relâche et sans trêve, pas même le jour d'un hommage national.
Oh, nous pouvons verser toutes nos larmes de crocodiles, aucune rivière n'en naîtra et le monde n'en demeurera pas moins aride. L'Abbé Pierre, dans un effort de vie sans mesure, n'a irrigué qu'un désert de sable, ce sable dont nous sommes faits.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 28 janvier 2007 à 16:57
Je me souviens d'une de ses dernières entrevues télévisées où un présentateur, au paroxysme du vulgaire, amenait le débat sur le choquant tandis que l'abbé Pierre répondait toujours avec une grande profondeur à ses questions sans se détourner. La voix agressive de Marc-Olivier Fogiel contrastait aussi avec le timbre posé du co-fondateur d'Emmaüs. Deux monde étaient confrontés ce soir-là.
Je me souviens que cet homme demandait à son Dieu de venir le chercher, tant il était fatigué. Il est aujourd'hui exaucé et j'en suis heureux pour lui.
Il y a parfois des amitiés qui vont au-delà de nos convictions les plus profondes et je ne suis guère surpris que cet homme fut au-dessus du débat commun, cela va avec son passé de résistant, son engagement d'une vie contre la pauvreté. Soyons sûr qu'il était lucide, même sur la manipulation, mais qu'il l' acceptait pensant d'abord à ses compagnons.
Voici des siècles que Machiavel se pense victorieux de François d'Assise, de son mépris, il ne se rend pas compte que le pitre, c'est lui.
Rédigé par : LEFEBVRE | 28 janvier 2007 à 16:03
@ notre hôte
Vous semblez opposer le franciscain-capucin au dominicain en disant que l’un est «une sorte de Savonarole sympathique». Frère Jérôme ne le serait-il pas ? L’un se devait d’être proche des pauvres, et il l’a fait avec le rayonnement indiscutable et admirable que l’on connaît. «Au fond, l'abbé Pierre n'a gêné personne ». écrivez-vous cependant.
L’autre, le prieur de San Marco se devait de prêcher …là, cela dérangeait beaucoup.
Le combat n’était pas de même nature.
L’un meurt avec des funérailles quasi-nationales. L’autre est pendu et brûlé.
Ceux qui finissent sur une potence-bûcher ou sur la Croix ont parfois ma préférence. Pas tous, bien sûr. Il y a chez ces «condamnés» un «courage» exercé au péril de leur vie, dimension qu’on ne trouve pas nécessairement chez ceux qui meurent plus paisiblement.
Vous écrivez « Il me semble qu'il a d'abord été aimé parce que sa respiration le constituait comme notre prochain, ombres et lumières mêlées.» Etrange parallélisme des écritures ! Car Pierre Antonetti termine son livre sur Savonarole (Ed.Perrin Fév.1991) en écrivant « entre les sarcasmes de Machiavel et l’admiration d’abord totale puis réticente et critique de Guichardin, la postérité n’a pas cessé de balancer, comme pour illustrer la difficulté de peindre un portrait de Savonarole où les ombres ne le disputent pas à la lumière ».
Ainsi chacun a ses ombres et ses lumières. Tous les deux étaient des hommes de Dieu, "et lux perpetua luceat eis". Tous les deux ont osé, chacun selon son «Ordre». Tous les deux me sont aussi «sympathiques»…. Je sens déjà que je vais être brûlé vif.
Rédigé par : WEDRYCHOWSKI Jérôme | 28 janvier 2007 à 13:24