Régis Debray a écrit une tribune libre dans le Monde.
Son article, comme d'habitude, est remarquable, le style éblouissant, la pensée pessimiste et ronchonne. Il nous dresse un tableau apocalyptique de la campagne présidentielle. Bien sûr, c'était mieux avant. Je ne vais pas lui reprocher cette nostalgie amère, moi qui bois si souvent dans cette coupe. Il dénonce l'absence de vision, le manque de retrait et de distance : ce n'est pas faux. Lorsqu'il compare les géants d'hier avec les quasi-nains d'aujourd'hui - c'est à peu près son point de vue -, tout de même il abuse !
Qu'il me pardonne, je la trouve tout sauf nulle, cette campagne présidentielle. D'abord elle existe, elle nous fait battre l'esprit, on l'attend, on l'écoute, elle nous fait hésiter, douter, nous émouvoir, tomber en perplexité. Bref elle fait vivre les citoyens que nous sommes. Sans doute ne sommes-nous pas à la hauteur de Régis Debray mais c'est comme cela. On se contentera de notre monde, de notre pays, de nos candidats, de notre campagne présidentielle. Les jours passent trop lentement et trop vite. C'est comme un grand roman dont on souhaite hâter la fin et retenir le cours.
Formidable article de Régis Debray qui exprime, au fond, si peu de la réalité mais tellement de lui-même. Pleurant sur notre médiocrité, il s'enivre d'une grandeur passée, qu'il a connue. Dénigrant le présent et sa politique, il nous chante les mythes, la politique d'hier. Les orages désirés se sont couchés et roupillent. Furieux contre ce temps mort, il s'enchante de souvenirs où la révolution était possible et les médiocrités impossibles. Il nous insulte avec talent, avec vigueur parce qu'il n'a plus rien ni personne à glorifier. La gloire n'a rien à voir avec la gestion du quotidien.
C'est sans doute pour cela, à cause de cette mélancolie et de cette solitude, que son intelligence éclatante est si lugubre, son paysage intime si amer et son personnage si ronchon.
Quel dommage. Le sourire lui ferait, nous ferait, du bien.
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A tous :
"un écrivain", c'est celui qui écrit !/
... même du "pipi de chat" (en langage populaire pour rester poli)
J'ai retenu d'un Editeur débordé (ils le sont tous) du "monde" de l'Edition actuelle : "aujourd'hui, même Balzac n'aurait aucune chance d'être édité ! mais... PPD, Sébastien, Régine, enfin quelqu'un de déjà connu dans n'importe quoi, ça oui, c'est quand il veut !... Il n'a même pas à l'écrire son bouquin... Nous sommes là pour le faire à sa place !!!..."
Cynisme ? certainement !...
Réalisme ? c'est sûr !...
Humanisme ? "pas de grossièreté SVP !..."
Rédigé par : Mélano | 26 février 2007 à 15:16
Comment accède-t-on à l'article de R Debray au 'Monde' ?
Il y a ici un paquet de commentaires, mais j'ai pas lu l'article...
Répondre SVP à
[email protected]
Rédigé par : roturier | 26 février 2007 à 09:29
@ Lefebvre
Je n'ai pas de DEFINITION d'un écrivain.
Et cette définition serait trop instable, trop changeante, trop intime.
Alors, en deux mots, ce qui, depuis des années, ne varie pas.
Un livre ou un texte exprime pour moi ce que je perçois, ce que je pense ou ce que je ressens d'une façon confuse et désordonnée.
Ceci, par exemple:
" (...) Rappelons-leur cependant, avant de leur dire bonsoir, cette évidence première : nous ne faisons partie d'une nation, comme les êtres humains font partie de l'humanité, qu'en mémoire et en espérance. L'union des grains de poussière n'existe que par et dans une verticale. Supprimez la profondeur de temps, et les séparatismes vous sauteront à la gorge (...)
Régis Debray - La Coupe de l'Elysée 2007
...tant et tant d'autres.
Rédigé par : Véronique | 26 février 2007 à 05:54
Ouais, bon, je retiens de ce ronchon qu'il a été courageux. Ce qui n'est point le lot commun dans sa génération (la mienne). Et qu'il a quitté plutôt que de trahir. Ce qui est d'une élégance point si commune.
Rédigé par : Yves Duel | 25 février 2007 à 21:35
@ Véronique,
Est ce que Régis Debray après s'être brûlé à l'acide a utilisé un pansement urgo ?
Pourriez-vous, s'il vous plaît, me donner votre définition d'un écrivain ?
Je dois dire que vous m'inquiétez quelque peu sur ce domaine trop souvent bafoué.
Est-ce qu'un légiste est écrivain ?
Est-ce que mon facteur est écrivain ?
Est-ce que ma boulangère est écrivain ?
Est-ce que Loana est écrivain ?
Je pensais pourtant dans la doxa que les lettres étaient faites pour les cons, d'où mon empressement de m'y précipiter.
Rédigé par : LEFEBVRE | 25 février 2007 à 20:58
@ toutes et tous :
évitons le "copier-coller" trop long SVP...(c'est un souhait, pas un ordre !...)
Perso, quand je propose une "peinture anamorphique", je ne vous cite pas tous les philosophes et peintres qui l'ont expérimentée, et les "extraits" pullulant sur le Net !...
Nous avons ici le privilège (je l'espère) de connaître Régis Debray et ses "exploits" antérieurs (très antérieurs pour nos "jeunes" lecteurs, qui par hasard de passage sur notre site, risquent de fuir à grands pas !!!...)
: " has been ", diront-ils !... Debray ?... c'est pas celui du perchoir le mercredi à la téloche ?...
Rédigé par : Mélano | 25 février 2007 à 19:38
@ Peroixe
La tribune de Régis Debray contient, je crois, la réponse à votre sujet de dissertation.
L’autobiographie intellectuelle et le roman politique qu'il nous donne à lire, c’est aussi ce qui fait la valeur de son texte. C’est la vision acide et inquiète de quelqu'un qui s’est brûlé.
Rédigé par : Véronique | 25 février 2007 à 16:03
Zéro à Peroixe pour la médiocrité de sa rédaction. Après la citation de M. Yourcenar la question aurait pu être formulée ainsi : " Chez Régis Debray, l'intellectuel ronchon et pessimiste d'aujourd'hui est-il inséparable du jeune révolutionnaire fougueux et optimiste d'il y a quelques décennies ?".
Rédigé par : Peroixe | 25 février 2007 à 14:39
Dissertation :
Dans les " Mémoires d'Hadrien ", Marguerite Yourcenar écrit la phrase suivante qu'elle attribue à son héros mourant : " Je suis ce que j'étais; je meurs sans changer. A première vue, l'enfant robuste des jardins d'Espagne, l'officier ambitieux rentrant sous sa tente en secouant de ses épaules des flocons de neige semblent aussi anéantis que je le serai quand j'aurai passé par le bûcher; mais ils sont là; j'en suis inséparable (...)".
Chez Régis Debray, l'intellectuel brillant d'aujourd'hui est-il inséparable du jeune homme au passé tumultueux d'il y a quelques décennies ?
Rédigé par : Peroixe | 25 février 2007 à 11:24
@ Mélano
je ne pense pas que la débat de R. Debray soit celui de la gestion du quotidien. Je crois qu’il a également dépassé l’espérance "des lendemains qui chantent".
Ce que j'ai voulu dire c'est que son article est d'abord celui d'un écrivain. On pourrait même ajouter que ses mots sont ceux d’un solitaire, au sens Parayre (lire Parayre - note: A qui appartient jean Jaurès?)
Philippe l'exprime fort bien:
" Furieux contre ce temps mort, il s'enchante de souvenirs où la révolution était possible et les médiocrités impossibles. Il nous insulte avec talent, avec vigueur parce qu'il n'a plus rien ni personne à glorifier. "
Et sbriglia d’ajouter:
« c'est l'article doux-amer d'un "has been" sur son ermitage observant, tel Siméon le stylite, l'arrivée de la génération nouvelle qui vous repousse dans les oubliettes de l'histoire... »
Eh oui! Dans ce blog, nous avons aussi nos grands classiques des temps révolus et...quelque peu ronchons et grognons.
Que des écrivains, je vous dis.
Rédigé par : Véronique | 25 février 2007 à 09:30
C'est beau ça, Véronique !...
C'est poétique et je suis poète...
Mais... Véronique... qu'en est-il de nos espoirs en "des lendemains qui chantent"... pour nos enfants et petits-enfants bien entendu ?...
un "politique de caractère", n'est-ce pas celui (ou celle) qui a une chance de nous représenter ?...
Sinon... "vanitas vanitatum et omnia vanitas"
Bonne nuit Citoyennes, Citoyens... dormez bien !... il est 23 heures !
Rédigé par : Mélano | 24 février 2007 à 22:51
Oui Parayre, Régis Debray appartient à ce mouvement résistant composé de perles intellectuelles telles que Marcel Gauchet ou le regretté Muray qu'il fallut bien disqualifier de nouveaux réactionnaires. J'eusse préféré penseurs dans un monde où on ne l'ose plus ou réalistes intelligents, mais bon...
Alors monsieur Debray, vous continuez de geindre en laissant faire ou vous vous battez à nouveau de votre plus belle plume contre les lâches yogis publicitaires ou les écrivaillons par droit de succession ?
Rédigé par : LEFEBVRE | 24 février 2007 à 20:49
" Formidable article de Régis Debray qui exprime, au fond, si peu de la réalité mais tellement de lui-même. "
L'article de Régis Debray est de la littérature, au sens noble. Son amertume est sa lucidité.
N’y exprime t-il que sa réalité? Mais c’est, je crois, le propre des littératures que de dire ses nostalgies et ses déceptions intimes. Ce sont aussi les manques que nous sentons dans cette campagne que R. Debray exprime pour nous.
Au-delà de l’amertume, je perçois dans sa tribune de l’inquiétude. C'est un monde du petit et du rien avec ses couleurs criardes qu’il nous décrit.
Les environnements se sont transformés. L'électeur est devenu consommateur des produits politiques que les médias ont élus.
" C'est comme un grand roman dont on souhaite hâter la fin et retenir le cours. "
Question épopée, cette campagne électorale, c’est quand même du très, très moyen. Il y a des romans qui sont écrits dans l’ambition, la flamboyance et l’austérité. Il y a en d’autres qui sont formatés à l’extrême en fonction de ce qu’on suppose être le goût ou la toquade du moment du lecteur. Cette campagne appartient à la seconde catégorie.
" La gloire n'a rien à voir avec la gestion du quotidien. "
Un politique de caractère n’est-ce pas celui qui synthétise dans son projet ces deux exigences: une stratégie d’ensemble et les transformations qu’elle exige dans la gestion du quotidien?
Rédigé par : Véronique | 24 février 2007 à 19:02
"Je ne vais pas lui reprocher cette nostalgie amère, moi qui bois si souvent dans cette coupe."
C'est pourtant ce que vous faites, cher PB, alors que, vous l'avouerai-je, à la fin de l'article je me suis dit que vous auriez pu l'écrire, tant dans le style, éblouissant, que dans le fond, terriblement lucide et quelque peu injuste, pourtant... J'ai trouvé l'article remarquable, me rappelant Pérec, qui écrivait le temps où l'on appelait "agent de police" les flics, où les impétrants à la magistrature suprême avaient l'âge d'être nos pères...c'est l'article doux-amer d'un "has been" sur son ermitage observant, tel Siméon le stylite, l'arrivée de la génération nouvelle qui vous repousse dans les oubliettes de l'histoire...
"de mon temps..." oui, papy, tu ne vas pas nous raconter ta guerre !
(Au fait, Bayrou et Sarkozy ont-ils été sous les drapeaux ?...ont-ils couru, essouflés, derrière le 43 pour sauter sur la plate-forme ?)
Debray a dû écrire son article avec, en fond sonore, la nostalgique chanson de Ferré "Quartier latin"... allez, Régis, va au fond de la réserve, là-bas, près du point d'eau, et regarde : les éléphants arrivent !
Rassuré ?
Rédigé par : sbriglia | 24 février 2007 à 18:51
Régis Debray... le Schopenhauer du 21ème siècle !...
Mais je me surprends souvent à partager ce pessimisme dont, l'un comme l'autre à un siècle de distance, nous ont abreuvés...
J'ai vu un super film hier soir, dans lequel l'un des comédiens dit : "les Etres humains font tout ce qu'ils peuvent pour ne pas s'entre-égorger..."
C'est bien mon avis... La haine partout et... mondialisée !... relayée par tous les "merdias" (hommes et appareils)…
-Les "intégrismes religieux" de toutes les "sectes" (les chrétiennes comme les autres)...
-Les "cultures antagonistes"...
-Les "communautarismes"...
-Les "corporatismes"...
-Les "intérêts supérieurs de la Nation" de chacune des dites Nations…
-Les "interventionnismes"…
-Les "prédateurs"…
-Les "affairismes"…
… vous complèterez aisément vous-mêmes…
Pendant des dizaines d'années de combat sur tatami, je n'ai jamais éprouvé le moindre sentiment de haine pour mon adversaire… J'en ai même serrés dans mes bras pour m'avoir vaincu !...
Que dire maintenant des "killers" d'un match de foot, même d'un petit village de notre chère et belle France du dimanche après-midi ?...
Que dire d'enfants "assassins" d'un copain à la récré, d'un petit frère à la maison (avec le fusil du papa chasseur, cette semaine…) ?...
… vous qui êtes "les mains dans le cambouis" de ces affaires-là, et chaque jour de l'année : complétez vous-mêmes…
Alors ?... Régis Debray ?... un pessimiste ou un lucide ?...
Alors ?... Schopenhauer ?... "le plus grand des pessimistes" comme on nous l'a appris, ou… "Retour vers le Futur" ?...
Salut et Fraternité Citoyennes, Citoyens…
Rédigé par : Mélano | 24 février 2007 à 14:39
L'article est effectivement très bien écrit.Et je suis assez d'accord avec l'analyse de Papayre qui souligne que toute une élite soixantuitarde ou psot-soixantuitarde devient peu à peu réactionnaire. J'ajouterais qu'on observe d'ailleurs chez chacun des intellectuels cités avec justesse une crispation sur les sujets de prédilection : qui de l'antisémitisme et la problématique de la communautarisation pour Finkielkraut, qui de l'homme providentiel gaullien pour Gallo, cédant parfois à sa propre caricature.
Rédigé par : Avi | 24 février 2007 à 13:59
En somme, Debray est devenu "réactionnaire" au sens plein du terme : en réaction contre les tendances lourdes de l'époque. Comme Péguy qui ose dans "L'Argent" revendiquer le mot. Comme Gauchet, Muray, Gallo ou Finkielkraut, pour citer quelques intellectuels qui, chacun dans son registre, expriment un désarroi. Le mot leur ferait peur ; on connaît sa connotation dans la police des idées.
Rédigé par : Parayre | 24 février 2007 à 09:50
Ce qui est bien : il y a des "nouveaux" pour les "grands" partis.
En 2002, on les connaissait tous. Je pense que cette campagne intéresse plus de monde qu'il y a cinq ans.
Rédigé par : Raph | 23 février 2007 à 23:48
Régis Debray, si je me souviens bien, a subi l'attaque soudaine et carnassière du lancinant soupçon.
Je comprends et je partage sa colère, par contre la campagne n'est pas sans intérêt bien au contraire, certes il n'y a plus de grosses carrures, de valeurs combatives traditionnelles, de chevalerie, il existe par contre des enjeux sous-jacents, non-dits tout à fait passionnants et denses. J'attends que le débat devienne pluriel pour avoir un avis plus probant, mais je suppute dès à présent une élection qui ne sera pas comme les autres.
J'ai plutôt le sentiment d'une fin de règne, d'un changement profond à venir, d'une place perdue qui va se retrouver dans tous les domaines. C'est ce temps présent que je trouve déprimant, il y a un bel avenir en perspective, je dirais.
Rédigé par : LEFEBVRE | 23 février 2007 à 20:52