Continuons mon petit jeu en guise de prélude. Ce serait une erreur de croire que des soutiens prestigieux et vindicatifs puissent tenir lieu d'argumentation alors qu'on attend des candidats qu'elle soit profonde et sans démagogie. Pour voter en faveur de Nicolas Sarkozy, Simone Veil est-elle contrainte d'être si méprisante à l'égard de François Bayrou et de son entourage ? Etonnant. Amusant, en revanche, comme Jean-Louis Borloo s'amuse à attiser pour rien la curiosité du citoyen alors que celui-ci est au fait depuis longtemps : il sait que le ministre va donner sa voix à Nicolas Sarkozy. Je me demande parfois si on nous prend pour des demeurés que n'importe quelle manoeuvre pourrait égarer ou rallier.
Ce matin, j'ai lu dans une dépêche sur lemonde.fr que dans son nouveau livre "Projet d'espoir", François Bayrou se déclare opposé à la baisse de la majorité pénale, prône la rapidité des sanctions, préfère les travaux d'intérêt général à la prison et souhaite donner un statut particulier au garde des Sceaux qui serait investi par le Parlement "afin qu'il échappe aux préférences partisanes". C'est, résumé rapidement, son programme en matière de justice. Tout de même, j'ai désiré en avoir l'esprit net et j'ai fini par trouver ce livre qui venait d'être distribué.
Laissons le très court chapitre sur la sécurité qui ne traite que des jeunes mineurs et des banlieues. Venons-en à celui consacré à la justice. Il est à peine plus dense.
Avant d'aborder le fond, une anecdote. Il y a quelques mois, j'avais écrit à François Bayrou pour dénoncer la position qu'il avait prise en faveur de Cesare Battisti, sans doute poussé par Fred Vargas qui est, je l'ai su après, l'une de ses amies. Il m'avait laissé un message téléphonique, se disant outragé par le ton de mon courrier et proposant une rencontre. Elle ne s'est évidemment jamais faite. Longtemps, je n'ai pas été insensible au climat intellectuel du centrisme même si sa possibilité de traduction politique autonome me semblait peu plausible. Dans les années 90 j'avais participé à des cénacles d'experts, étant acquis que dans les structures partisanes les techniciens, même pertinents, n'ont aucun poids par rapport aux politiques, même stupides. Je me souviens alors avoir proposé un nouveau statut du garde des Sceaux. Selon moi, il convenait de le sortir du gouvernement pour lui assigner un rôle plus neutre ou de l'y laisser mais en lui imposant une impartialité rassurante pour la justice. J'évoque cet épisode ancien parce que j'ai retrouvé ce thème plus développé dans les considérations judiciaires de François Bayrou.
Ce qui me semblait alors une idée à exploiter a perdu son charme aujourd'hui, même si on l'enrobe d'un aval parlementaire. Mieux vaut rester et penser "simple" en conservant au ministère de la Justice sa structure actuelle mais en réfléchissant sur la nécessité ou non de maintenir un lien politique entre celui-ci et l'univers judiciaire. Pour ma part, je suis partisan de demeurer avec ce que la pratique a su créer : un garde des Sceaux ne se mêlant plus de la gestion des affaires particulières mais édictant des orientations générales pour favoriser rigueur et cohérence sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, je ne crois pas qu'un Procureur Général de la Nation, fonction suggérée par Nicolas Sarkozy, constituerait un facteur d'unité en l'état actuel du monde judiciaire qui bout d'impatience, d'antagonismes et de controverses. Où irait-on le chercher ? Quelle personnalité serait assez forte pour s'imposer et être unanimement respectée ?
Surtout, seul un ministre de la Justice conscient de ses droits et devoirs, ne s'effaçant pas pour complaire à la magistrature mais soucieux de s'affirmer sans surenchère d'aucune sorte, sera à même de donner aux professionnels de la justice une légitimité et une protection indiscutables.
Pour le reste, force est d'admettre qu'en dehors de généralités vagues et joliment démocratiques sur le rôle de la justice dans notre pays, François Bayrou tombe dans un panneau qui fait toujours bien : celui de la prétendue dépendance du judiciaire par rapport au politique. Alors que l'analyse devrait être plus fine. Ce n'est pas parce qu'elle est dépendante que la justice fonctionne mal. C'est d'une certaine manière parce qu'elle ne l'est pas assez que l'institution connaît des défaillances et des dysfonctionnements. En effet, à force de se camper dans une autarcie qui la prive du regard politique et de celui de la société civile, la justice est indépendante, certes, mais se délite. Ce concept d'indépendance, si cher à une magistrature éprise d'auto-gouvernement, mériterait d'être remplacé par celui de responsabilité.
Encore quelques broutilles comme la nomination des procureurs généraux par le ministre après avis conforme du conseil supérieur de la Magistrature. Pourquoi pas, même si on peut regretter cette volonté d'exclure le politique du seul champ qui lui restait et qui pouvait s'opposer victorieusement au risque de corporatisme ? Les procureurs généraux n'auront plus droit au Conseil des ministres mais au CSM. Les intelligents non complaisants gagneront-ils au change ?
Enfin, il était normal qu'on y vienne. C'est un passage obligé. Il faut faire pleurer, manifester du coeur et de la sensibilité. On s'apitoie sur les prisons en donnant de cet univers une vision hémiplégique : on plaint les condamnés mais on oublie les infractions, on fait dans l'humanisme mais on met entre parenthèses les victimes. La démagogie, c'est ne pas être capable, même dans un chapitre d'orientations générales et généreuses, d'appréhender la plénitude du problème, l'ensemble de la réalité.
Difficile de combattre avec vigueur et conviction des mesures à la fois vagues et médiocrement incarnées dont on ne sait même pas quelle philosophie va les inspirer. Ma déception est vive, surtout sur ce plan. On aurait pu attendre la mise en lumière d'une philosophie originale tenant les deux bouts de la chaîne judiciaire : ce qu'on doit à la justice, ce qu'elle doit aux citoyens ; la compréhension mais la rigueur ; la sévérité mais l'équité ; le débat dans la contradiction authentiquement assurée; une indépendance mais avec un contrôle professionnel approfondi ; la liberté des pratiques mais avec une nouvelle responsabilité comme contrepartie ; des moyens financiers, matériels et humains mais avec une obligation d'efficacité et de rapidité, la mise en oeuvre d'un service public digne de ce nom ; des prisons décentes mais dont on ne dénierait pas le caractère irremplaçable pour une multitude de condamnés ; un humanisme mais vigoureux, une morale mais opérationnelle et active. De l'âme, de l'intelligence et, avant tout, le citoyen au centre de la politique judiciaire. Rendre la justice plus estimée, ce serait une belle ambition pour des politiques.
Mais projet d'espoir ? Comme un cercle carré. Un zeste d'apparent réalisme avec le projet, un fragment d'utopie avec l'espoir. Le projet corrige ce que l'espoir a de joliment flou. L'espoir met du rêve dans la substance superficielle du projet. On gagne sur les deux tableaux. On spécule sur le vaguement précis et le vraiment vague.
Cela ne fera pas une politique de la justice. On n'est plus si loin du 22 avril. L'imagination presse.
Poster un commentaire
Les commentaires sont modérés. Ils n'apparaitront pas tant que l'auteur ne les aura pas approuvés.
Vos informations
(Le nom et l'adresse email sont obligatoires. L'adresse email ne sera pas affichée avec le commentaire.)
A mélano et Lefebvre, je livre la devise du technocrate éclairé (triste pléonasme) : "je pense donc ça suit"...
Mais l'on s'égare... Pourtant...
Rédigé par : Léon | 27 mars 2007 à 19:33
Sérieusement :
La dégringolade (dans un certain sondage) de Bayrou, amorce-t-elle un revirement dû au manque d'intérêt pour un "objet" connu ?...
Pourtant son programme reste "inconnu"... N'a-t-il pas dit : "Ce n'est pas un programme, c'est un plan d'ensemble, un projet" ?...
Comme "inconnus" sont ceux qui l'entourent et qu'on a du mal à imaginer au gouvernement...
Mais, bon... Est-ce un bien grand sujet de conversation entre nous ?... Le prochain, peut-être, Président de notre chère République ?...
Rédigé par : Mélano | 15 mars 2007 à 09:38
à Lefebvre :
ma belle-fille est portugaise et elle aurait dit : "j'épanche donc j'échuie..."
... ce qui n'aurait pas fait rire mon petit-fils, beau comme un astre, qui est l'un des meilleurs de sa classe et qui parle portugais en plus d'un excellent français sans "chuintement"...
Rédigé par : Mélano | 15 mars 2007 à 09:30
@ Cactus,
J'ai trouvé :
"J'épanche donc j'essuie", il s'agit donc de ma bonne portugaise, elle dit toujours ça...
Rédigé par : LEFEBVRE | 14 mars 2007 à 19:20
à Cactus : "Félin me ?..."
Doit-on craindre un nouveau "Bayrou...th ? "
le "coup du Père François" ?... (un sac enfilé sur la tête, par derrière et hop ! on tire...)
Plus sérieusement quant à l'engouement pour "Saint François" (mon Saint préféré, le vrai bien sûr...):
""un sentiment envers une chose que nous savons ne pas exister présentement et que nous imaginons comme possible, est plus vif qu'envers une chose contingente" Baruch Spinoza, 1677.
... de là à mettre un bulletin dans l'urne, alors que 66% des inscrits ne savent pas encore pour qui...
Rédigé par : Mélano | 14 mars 2007 à 09:36
" Fellow me !"
" qui suis-je ? " se demande Tschok !
une partie de réponse :
je cogite donc je suis !
A SUIVRE ?
Rédigé par : Cactus aime le mot dit à Tschok | 12 mars 2007 à 18:06
En réponse à Mélano:
Vous dites que la magistrature est imbue d'elle-même. S'agissant d'un collectif, je vous laisse la responsabilité de ce jugement à l'emporte-pièce qui fait assez peu de place au talent spécifique des individus qui la composent. En tous cas, ce n'est pas mon sentiment.
Vous ajoutez que cette magistrature serait incapable d'une remise en question individuelle. Là encore, vous allez trop vite pour moi. Cela ne correspond pas à ce que je vois.
On peut faire bien autre chose qu'un cautère sur une jambe de bois et le plus pertinent n'est sans doute pas, comme vous le suggérez, de confier à une élite triée sur le volet le soin de guérir la justice de ses maux.
Je pense au contraire que l'institution peut se moderniser rapidement en faisant justement appel à toutes ses forces vives, et pas seulement quelques grands procureurs ou quelques ténors.
En fait mon propos ne visait pas que la justice pénale. Il incluait aussi la justice civile, commerciale, prud'hommale et administrative.
Je ne peux à l'occasion d'un commentaire développer les souvenirs qui me restent de ce colloque sur la démarche qualité appliquée à la justice.
Mais je peux faire trois choses.
D'abord vous dire qu'il était absolument passionnant, puisque j'y ai assisté.
Ensuite, vous situer son contexte : Madame Lebranchu était à l'époque ministre de la Justice. Cela date, donc. Mais l'ambiance était positive et les participants avaient un esprit pionnier en dépit des difficultés dont ils mesuraient l'ampleur, en rappochant leur quotidien avec les exigences de la démarche qualité, qui était le thème central de ce colloque, organisé par le centre de formation continue de l'ENM, si mes souvenirs sont justes.
Enfin, dernière chose, j'aimerais vous donner mon impression la plus marquante : au cours des débats, les magistrats se sont progressivement rendus compte que, comme le bourgeois gentilhomme avec la prose, ils faisaient de la démarche qualité sans le savoir. Ce constat n'était cependant pas totalement rassurant, car il y avait à mon avis une question qu'ils ne parvenaient pas à nommer et qui est celle fondamentale de leur identité. Je crois qu'ils n'ont même pas prononcé ce mot une seule fois, alors qu'en définitive, tous les débats tournaient autour de ce centre de gravité.
Il se trouve que par hasard j'ai été sensibilisé à la question de l'identité dans le cadre de la démarche qualité, pour avoir longuement discuté avec un professionnel. Celui-ci m'expliquait en substance que la question de l'identité est centrale dans la démarche qualité et qu'elle est surtout préliminaire : on commence avant toute chose par définir l'identité des êtres humains avant de définir la démarche qualité appropriée à la structure à laquelle ils appartiennent. Sinon, ça vasouille.
Vous-même vous ne vous y êtes pas trompé en commençant avant toute chose par prêter aux magistrats des traits de caractère (imbus d'eux-mêmes, incapables d'auto-critique).
En ce sens, vous avez au moins raison là dessus : c'est bien par l'identité qu'il faut commencer.
C'est-à-dire une question très simple, dans le fond : qui suis-je ?
Rédigé par : tschok | 12 mars 2007 à 16:32
le cercle carré du poète apparu là, mister Bilger !
un beau "post" presque aussi long qu'une réponse de Mélano : bravo !
Rédigé par : Cactus aime le mot dit | 10 mars 2007 à 18:40
Une fois de plus d'accord avec Lefebvre...
On pourrait se méprendre quelquefois, en lisant ce que j'écris, et j'ai eu quelques "interrogations" de notre hôte, pour lequel j'éprouve une grande estime ainsi que pour ceux que je connais...
"qui aime bien châtie bien..." dit-on... et je me morfonds du fond de mon tréfonds, quand je suis bien obligé de constater qu'il y a urgence à "réformer" cette honorable institution, celle qui a la mission suprême : la Justice !...
Sans "justice", point de Nation, de citoyenneté, de République "UNE ET INDIVISIBLE", bases basiques de ma philosophie : "Toute puissance est faible, à moins que d'être unie."
Mais comment "s'unir" et avec "QUI", si nous ne sommes pas égaux devant nos droits et nos devoirs ?...
- Si nos élus bénéficient de passe-droits alors qu'ils ont déjà été condamnés (Donnedieu de Vabres Ministre de la Culture...
- Si ce sont les journalistes qui sont condamnés pour les avoir dénoncés... (affaire Denis Robert et Clearstream dénoncée par Corinne Lepage elle-même, lisez l'article sur son blog)
Regardez, au moment de choisir notre prochain Président, toutes les inégalités dont chacun se fait le chantre...
Tous les "passe-droits" dont ils ont bénéficié...
Dans ces conditions, et les connaissant depuis des dizaines d'années qu'ils ont peu ou prou, participé aux gouvernements précédents, regardez disais-je combien sont faiblards leurs arguments, leurs promesses (qui n'engagent que ceux....), leurs entourages respectifs faits de "rassemblements incestueux"...
Bon courage
Rédigé par : Mélano | 10 mars 2007 à 15:56
Il y a dans les médias et une certaine caste parisienne que je fus amené à côtoyer un temps, une soif de déposer plainte, de faire des lois, d'incriminer (voir exemple R. Barre), de faire du bizness judiciaire (Halde, mrap, sos racisme, crif, licra, cran, aids, devoir de mémoire, les indigènes de la République, le cfcm...) (quelle longue liste non exhaustive hélas), qu'il me semble plus impératif que jamais d'être attentif à cette responsabilité des magistrats si légitime.
Certes que les magistrats soient sanctionnés est une nécessité pour faire cesser nombre d'événements amoraux au sein de notre patrie, mais pas par n'importe qui. Pas par Karine Duchochois, la boulangère d'Outreau, Aubenas, Diam's, Joeystarr, Ardisson, Fogiel, Carlier, Miller, BHL... mais bien par des professionnels du Droit formés, intègres et consciencieux. Cela me semble la condition essentielle à la sérénité et la justice.
Imaginez ce que deviendrait la justice aux mains des obsessionnels procéduriers délateurs par fausse bonne conscience justifiée ?
La meute cannibale prête à se régaler du petit vieux friqué qui aura dit qu'il n'aime pas boire son café noir (un crime raciste du supposé signifiant et insignifié inconscient qui attendrait blotti dans le ventre chaud et immonde d'armagédon) (je me moque de la prose fate, ultra exagérative et pesante de BHL) ou le rebelle de la rébellion inversée qui rêve de se bouffer tout cru un symbole de l'iiignnnoooble ordre fasciste qu'est le justicier.
En résumé donc messieurs les législateurs, méfiez-vous des libéraux libertaires gardiens de leur temple moral qui feraient du voyou décomplexé un héros et du procureur un coupable de fonction comme vous devrez vous surpasser en trouvant le courage et le moyen de dégangrener la magistrature du corporatisme, de la maladie et de l'incompétence lorsqu'ils existent.
Malgré l'injustice vécue, je préfère encore sincèrement quelques personnalités judiciaires bêtes et corrompues, tout en étant conscient de façon tripale des dégâts engendrés, à la danse macabre et tournoyante des vautours.
Détenteur à un soixante cinq millionième d'un pays adoré, je pense à lui.
Rédigé par : LEFEBVRE | 10 mars 2007 à 10:50
Félicitations pour ce blog ! Vous avez un nouveau lecteur fidèle et attentionné ;-) Bonne continuation
chezpapito.over-blog.com
Rédigé par : Papito | 10 mars 2007 à 10:36
... et "tschok" !!!...
mais impossible à réaliser avec une magistrature aussi imbue d'elle-même... et incapable individuellement de se remettre en question, "au-dessus" de toute hiérarchie républicaine qui serait chargée de la moderniser.
Ce que l'on peut seulement faire, c'est "un cautère sur une jambe de bois" !...
L'Institution judiciaire se plaint à juste titre, d'être mal vue par les citoyens à juste titre !...
Ce n'est pas la "quadrature du cercle" mais le "cercle infernal".
Deux ou trois grands experts, aidés par une dizaines des plus grands procureurs, aidés par les "ténors du barreau" qui connaissent par coeur le code pénal, remettraient à plat tout le dysfonctionnement de la Justice. Mais y auraient-ils un intérêt ?...
QUI voudrait plus de clarté et de cohérence dans les nominations, dans les jugements, dans les rouages des juridictions ?...
QUI voudrait plus de clarté dans les "dossiers", les "enquêtes", les "attendus", les "minutes" etc.. ?...
QUI voudrait plus de liens avec la Police ?...
La Justice française, c'est "la bouteille à l'encre" !... C'est "la plume d'oie" à l'heure d'Internet !...
Mais la JUSTICE c'est aussi un "Dieu" auquel les citoyens croient, dont ils doutent lors d'une injustice, et ce Dieu est desservi par une "théocratie" sectaire impénétrable !...
Rédigé par : Mélano | 10 mars 2007 à 10:13
Bonsoir M. Bilger,
Puisque vous en appelez à l'imagination, et bien que je ne sois pas candidat à l'élection présidentielle, je me permets de vous faire part de mes cogitations sur le sujet.
Mon principal souci ne vient pas de la façon dont on constitue la structure de la justice. Cette question est certes intéressante, mais je pars du principe que si les différents organes qui constituent l'institution existent, c'est qu'ils ont une fonction et que cette fonction est remplie de façon suffisamment satisfaisante pour qu'ils n'aient pas été supprimés.
Dés lors, je me pose d'autres questions. Notamment une question qui concerne la notion de contrôle juridictionnel. Après tout, le personnel de justice au sens large est très bien placé pour apprécier l'efficacité pratique d'un texte de loi. Il est, avec le temps, également très bien placé pour en faire une synthèse. Car la jurisprudence affine l'idée que l'on se fait d'un texte. Elle expurge ce qui est accessoire et garde ce qui se révèle essentiel, à l'usage.
A partir de là, je me suis mis à réfléchir à des structures qui permettraient un "feed back" avec le Parlement et le gouvernement, dans le but de juguler l'inflation législative et ce qui va avec, la judiciarisation de la société.
Ces deux maux-là sont plus graves que les modalités de nomination de tel procureur.
Or, les systèmes de feed back ne sont pas si compliqués à créer.
J'ai en souvenir un colloque sur la démarche qualité appliquée à la justice, et il y avait de bonnes idées à exploiter. Dommage que le sujet ne soit plus vraiment à la mode, car la notion de feed back est très compatible avec celle de démarche qualité.
Je m'explique.
Il s'agirait de créer au sein de la justice des sortes de "think tanks" qui se poseraient la question de savoir si telle loi a atteint son objectif, si oui, pourquoi, sinon, comment faire?
En second lieu, ces think tanks accompliraient un travail de synthèse destiné à modifier la rédaction des textes obscurs ou ambigus et d'émettre des signalements à l'encontre des textes inutiles ou désuets, dans le but de les faire abroger.
Pour que des think tanks de ce genre puissent exister il faut en réalité mettre en place les outils de la démarche qualité.
L'idée est d'atteindre plusieurs objectifs simultanément : une bonne justice, des justiciables satisfaits, une loi meilleure, moins d'inflation législative et moins de procès car le résultat judiciaire serait plus certain.
Ce dernier point est important.
Il faut que je vous dise, Monsieur Bilger, absolument : pour nombre de justiciables, la justice, c'est la roulette russe.
A croire que la justice n'est plus intéressée par une notion scientifique issue de la Raison: la reproductibilité d'un phénomène (les même causes engendrent les même effets). Dans la justice actuelle, la reproductibilité d'un phénomène n'est pas assurée. Cela n'a jamais été totalement le cas, c'est vrai, mais de nos jours l'amplitude des variations est telle que le système n'est plus sûr: devant tel tribunal une affaire peut être gagnée. La même sera perdue devant un autre.
Les véritables problèmes de la justice sont de ce niveau: il faut descendre dans la salle des machines et arrêter de chercher des taches sur la veste du capitaine.
Rédigé par : tschok | 09 mars 2007 à 19:26
"Avant d'aborder le fond, une anecdote. Il y a quelques mois, j'avais écrit à François Bayrou pour dénoncer la position qu'il avait prise en faveur de Cesare Battisti, sans doute poussé par Fred Vargas qui est, je l'ai su après, l'une de ses amies."
Bon,si j'ai bien compris , dame Vargas va quand même pas demander à Battisti de soutenir publiquement F.Bayrou, pour le bénéfice de SR.?..... A moins que d'ici là, les RG ,mandatés secrètement (pléonasme!) par NS, fassent miroiter un permis de séjour à Battisti en échange d'une prise de position officielle de sa part en faveur de Bayrou ...qui n'en pourra mais!...
On vit une époque formidable!
Pour peu que Courroye fête sa nomination en ouvrant une information contre certaines entreprises de TP des Hauts de Seine , et la campagne va finir par ressembler "Réglement de comptes à OK Corral"!
Rédigé par : sbriglia | 09 mars 2007 à 16:17
...Depuis quelques jours ,j'étais atteint de Bayrouite aiguë : quand je me grattais à droite, je souffrais à gauche...hier soir, après le repas, j'ai pris une ampoule de sarkozynole et je suis nettement mieux !...
(sur le coup, PB,je ne m'offusquerais pas que vous m'anastasissiez !...)
Rédigé par : sbriglia | 09 mars 2007 à 13:33
C'est très dommage de renoncer à votre idée de Procureur de la Nation. Je vous aurais bien vu dans le casting.
Oui, parfaitement.
Bon, je sais. Question personnalité qui ferait l'unanimité, ça risquerait d'être pas mal chaud.
Mais au moins, là, pour le coup, la justice sortait du gris pour s'offrir un peu de flamboyance, de la couleur et du style.
@ Parayre
Mon rapport à la tranquillité est ambigu et contradictoire.
En fait, je ne crois pas qu'on puisse diriger ou gouverner quoi que ce soit sans une hauteur de vues, des valeurs fortes et une détermination dans l'action, ces trois aspects réunis.
Rédigé par : Véronique | 09 mars 2007 à 13:20
C'est exactement ce que je reproche et pas simplement en matière de justice, tout n'est plus qu'un langage qui enlève toute opinion originale, toute possibilité de débat ou de diversité donc le moindre détail, la moindre anicroche prennent des proportions exacerbées, normal il n'y a plus de vie sociale, de vie tout court donc chaque mot ou mouvement dans cette inaction devient une tempête et pendant cela rien ne bouge, du moins comme il y aurait urgence à le faire.
Regardez le P A F, la presse, la politique, la justice, juste une énorme tension inerte.
Que propose Bayrou de prendre à droite, à gauche, c'est le cas de le dire : du rien.
Je ne dis pas que du temps jadis, il y eut Olympe descendu dans la cité, mais il y avait de vrais communistes de vrais frontistes, une vraie droite, une vraie gauche. Des punks, des skinheads, des rockers, des loulous, des minets.
Il y avait des opinions diverses et surtout variées avec de vrais idéaux bons ou mauvais selon chacun, mais ils étaient porteurs d'espoir, rassembleurs, concrets. Avec Marchais, Pompidou, Le Pen, un chat était un chat.
Il y avait un ensemble de valeurs autres que l'argent qui portaient le peuple du prolétariat aux grands notables et tout le monde s'y retrouvait sans s'entre-tuer. (il y eut des violences, je suis au courant, mais moins lourdes que ce silence certainement bien plus conséquent.)
J'ai dit sur un autre site n'ayant rien de politique, ni de polémique aujourd'hui tout le mal que je pensais des clubs échangistes dans le cadre d'une discussion générale sur la position de l'homme et de la femme bien innocemment sans aucune intention de provoquer, comme je peux le faire parfois. Il y a une espèce de Dogue argentin qui m'est tombé dessus me traitant de pervers refoulé en gros (un comble) me disant que "le milieu des échangistes et des mélangistes m'emmerdait".
Je lui ai répondu simplement que j'en étais flatté et que cette mafia du cul me dégoûtait et je suis parti vers d'autres conversations plus intéressantes.
Voici où nous en sommes après le lobby maçon, juif, arabe, nationaliste, catholique, musulman, gay, droite, gauche, viticole, voici donc le lobby du sexe tarifé parisien qui interdit toute opinion, tout jugement, tout anathème sur ces intérêts. Outre l'anecdote qui, je l'espère vous fera rire, je pense au symptôme profond de société où tout ce qui n'est plus une transgression, qui transgresse depuis si longtemps que ce n'en est plus une, est condamnable. Il ne suffit plus de ne pas être catholique, je suis athée, il faut être en plus partouzeur, exploiteur de jeunes filles paumées et pauvres, délinquant ou salaud notoire pour être acceptable.
Cela rejoint votre billet, il faut être délinquant car le rebelle ou supposé ainsi est l'objet de la compassion autorisée pour susciter l'émoi d'un responsable de notre pays, mais où allons-nous avec ce verbiage républicain qui prône en plus le contraire de nos valeurs de paix et de liberté dans la démocratie ?
Il y a des progrès qui sont parfois de drôles de régressions.
En voulant de la tranquillité, une façon de vivre qui soit respirable pour tous, j'ai parfois l'impression d'être un affreux réactionnaire adepte de l'ordre nouveau, un néo-nazi alors que tout ce que je souhaite c'est que les faibles qu'ils soient pauvres ou fortunés soient protégés de la barbarie d'autrui.
Je suis devenu fou ou la société est devenue folle, mais quelque chose ne tourne plus rond.
Rédigé par : LEFEBVRE | 08 mars 2007 à 22:53
La délinquance , grand thème de la campagne présidentielle de 2002 et , en filigrane de celle de 2007 : la " Justice " y participe ...
Comme l'eau empoisonnée désaltère avant de tuer , la répression judiciaire - approuvée ou contestée - étanche la soif de Justice ou l'exaspère mais en même temps l'empêche d'aller chercher d'autres sources .
Il est nécessaire de prévenir les exactions des délinquants et lorsqu'ils ont agi , indispensable de repriser le tissu social qu'ils ont déchiré .
Il faut , autant que possible , apaiser la vengeance , indemniser la victime du dommage , se mettre à la place des intéressés , et aussi tenir compte de l'opinion .
Mais la partie ne se joue pas seulement entre justiciables .
La " Justice" est partie prenante et son rôle ne consiste pas seulement à conduire des procès .Sa raison d'être est bien connue : assurer la sécurité .
Mais la notion même de sécurité a bien changé depuis un siècle .
Jusqu'au XX° , elle s'est pratiquement confondue avec l'immobilisme .Un adage latin , Véronique , fort raisonnable - vous comme lui -conseillait de ne pas modifier ce qui était tranquille .Or , depuis ce qu'on appelle la nuit des temps ( nuit pour nous , car pour ceux qui les vivaient , ces temps n'étaient ni plus lumineux , ni plus obscurs que les nôtres ...) , quelque chose a été tranquille : l'or .
Avec lui comme référence , les sociétés , même au milieu des pires ouragans , gardaient l'espoir jamais déçu d'un retour à la stabilité .Tout a changé .Désormais l'immobilisme est source de catastrophes , la sécurité d'un Etat est dans le changement , comme l'équilibre d'un cycle est dans le mouvement .
Les institutions ne peuvent offrir des structures de références que si elles progressent .C'est pourquoi l'institution judiciaire doit moins s'accrocher à de vieilles ancres , que régler sa vitesse sur le courant qui entraîne la société .
Un défaut de rythme est une cause de désordre !
Les tribunaux peuvent aussi bien aveugler les citoyens sur les imperfections de la société que les aider à y voir clair ...
Rédigé par : Parayre | 08 mars 2007 à 22:37