Je ne veux surtout pas qu'Arno Klarsfeld devienne ma "tête d'avocat" comme on a ses "têtes de turc". Mais force est de reconnaître qu'il y met du sien. On n'est pas non plus obligé d'approuver, pour l'appréciation de la qualité personnelle, l'opinion du Prince.
Lorsque j'ai lu cette déclaration d'Alain Delon dans le Parisien : "Président du jury ? Ce serait un rôle à ma mesure", je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'il y avait un dénominateur commun aux personnalités discutées et discutables, pour rester aimable.
Avant de l'énoncer, revenons une seconde sur tel ou tel propos d'Arno Klarsfeld depuis qu'il a été "parachuté" dans le 12ème arrondissement à Paris. Il est vrai, nous a-t-il dit, que ses pieds en roller le connaissent pour en avoir martelé le pavé. Notre candidat s'est plu à répéter qu'il avait l'oreille de Nicolas Sarkozy et de François Fillon, que le président de la République ne lui avait confié que des missions "difficiles" - on en a vu les résultats !- et qu'il espérait bien être secrétaire d'Etat.
Vous ne faites pas un rapprochement entre Delon et Klarsfeld, la star d'âge mûr et l'espoir, paraît-il, de l'UMP ?
Continuons si vous le voulez bien. Hier, j'ai reçu un message très violent qui me traitait "d'insignifiant prétentieux" entre autres gracieusetés encore plus vives. J'ai répondu la stricte vérité, de mon point de vue. Que je me sentais insignifiant par rapport aux personnalités que j'admire mais que j'étais tout sauf prétentieux, en dépit d'une accusation absurde et persistante de vanité. Je hais les vaniteux. J'attache la plus grande importance à la fonction que j'exerce et j'ai toujours exigé, avec les moyens dont je disposais, qu'elle soit respectée. En revanche, sur un plan personnel, je déteste si fort la satisfaction de soi-même que j'en ai fait un partage radical dans l'existence. Il y a ceux qui "se croient" et ceux qui ne se "croient pas". Il y a ceux qui, partout et toujours, se prennent pour de petites institutions et ceux qui affrontent la vie et discutent avec autrui avec la seule force d'une solitude et d'un esprit qui ne se haussent pas du col d'emblée. Cette perversion atteint n'importe qui, et à tout âge. Les jeunes gens comme les personnes âgées.
La suffisance et l'insuffisance vont très souvent de pair. Ainsi, relier le propos ostensiblement content de soi proféré par Delon aux pensées ridiculement ambitieuses de Klarsfeld a du sens. Le dénominateur commun à ces illustres - il est évident que je ne mets pas sur le même plan le grand acteur qu'a pu être Delon et le mauvais avocat qu'a été Klarsfeld - est que non satisfaits d'être sous la lumière, ils la projettent directement sur eux-mêmes avec une impudeur et une indécence qui font peur ou rire selon le degré d'activité utile qui reste à ces paons incarnés.
J'aimerais avoir la qualité d'indifférence. Je ne serais pas sans cesse en train de dénoncer des attitudes qui peut-être n'agacent que moi.
Un peu hors sujet même si de la suffisance à l'enflure il n'y a pas loin. Je suis atterrée d'entendre qu'à Paris Match on parle de "censure" parce que Rachida Dati s'est opposée à ce que le magazine publie des photos d'elle-même et de ses frères et soeurs enfants. Des censures comme celle-là, bien des journalistes à travers le monde en demanderaient, eux qui se font assassiner pour avoir déplu ou avoir cherché une vérité qui dérange, pour avoir tenté de faire leur métier simplement. J'ai souri en entendant cette info ; je plaide les circonstances atténuantes : je n'étais pas bien réveillée. Je suis maintenant franchement en colère contre cette colère de pacotille de la rédaction de Match.
Rédigé par : catherine A. | 30 mai 2007 à 11:04
Mon Maître en arts, Roland Berger, nous répétait en cours ces deux propositions qui m'ont frappé comme une pièce: "Un Artiste content de lui est un artiste mort" et "On sait presque tout d'un artiste quand on voit de quoi il se contente."
A vous lire aujourd'hui, j'ai eu l'impression bouleversante d'écouter attentivement, voilà presque trente ans, mon invraisemblable professeur dans la salle de billard de l'Olympia.
Infinie gratitude pour le flambeau du temps.
Rédigé par : Fleuryval | 28 mai 2007 à 22:28
Je pense que les personnalités, qu'elles soient du show ou de la politique sont de plus en plus souvent assimilables à des mouchoirs en papier.
Que j'en ai vu défiler de ces chanteurs, acteurs, hommes d'Etat, sportifs, que j'ai entendu leur louanges et puis après plus rien.
Je pense qu'il nous faut des egos forts, des gens qui restent aussi détestables puissent-ils être dans la vie commune, ils nous sont utiles.
Il faut juste que les prétentions soient à la hauteur du talent.
Un de Gaulle qui disait : "Les Français sont des veaux" ou "ils ne me méritent pas" était génial.
Delon me laisse de bons souvenirs de cinéma aussi je comprends son autosuffisance et je la vis bien, Arno K c'est différent, je n'arrive pas à voir sa lumière.
Rédigé par : Ludo Lefebvre | 26 mai 2007 à 13:59
...et que penser de l'ineffable Noah qui, réflexion (bien grand mot, en l'espèce) faite, décide de ne plus quitter la France malgré le nouveau Président qui devait entraîner son exil ?...Le génial bouffon qui nous enchantait sur les courts devient un clown qui retient son pantalon sans bretelles...
Rédigé par : sbriglia | 25 mai 2007 à 09:03
Non, non, il n'y a pas que vous qui êtes agacé ... même les militants de l'UMP du 12ème frisent la crise de nerfs aux côtés de ce candidat irréaliste au regard de ce qu'il peut raisonnablement attendre d'électeurs qu'il n'impressionne pas.
Rédigé par : Marie-Christine BLIN | 25 mai 2007 à 03:04
Il est là l'essentiel. Nos postures sont souvent outrancières, nous ne faisons souvent que répéter les discours qui, comme des mouches affolées qui cherchent à se poser sur le sucre de nos peaux, nous tournent autour. Arguments, contre-arguments, tacles et coups pas francs, l'être social joue comme il peut son rôle dans la petite dramaturgie démocratique.
Et puis... Lorsqu'on s'aperçoit que son ami ne partage aucun des discours qui excitent notre enthousiasme mais, qu'en revanche, nous ne sommes bien qu'avec lui alors que la compagnie de ceux qui prétendent partager nos opinions nous navre, alors vient le temps de se débarrasser des vaniteuses paillettes que nous avons ramassées ça et là. L'athée marche ainsi avec son croyant, le pédé avec son hétéro, le gauchiste avec son anti-social, le diamant toujours avec le diamant.
Après les élections politiques reviennent toujours les élections affectives. Peu de candidats, encore moins d'élus.
Vous l'avez échappé belle, Philippe : vous auriez pu être électeur dans le XIIème arrondissement. La souffrance du dimanche : mettre un bulletin Klarsfeld dans l'urne !
Un pronostic : le cher Arno sera secrétaire d'Etat. Il a en effet déclaré qu'il avait traversé le 12ème en faisant le marathon, ce qui, en fait de jogging politique, aurait déjà du faire de lui un ministre d'Etat...
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 24 mai 2007 à 23:37
Bonsoir Monsieur Bilger,
Cela n'agace pas que vous, mais en les critiquant, vous prenez effectivement le risque de tomber dans les travers que vous dénoncez.
On vous en a peut-être fait la remarque.
En ce qui me concerne, j'ai le problème strictement inverse au vôtre : l'indifférence, que vous présentez comme une qualité.
Or, j'aimerais avoir cette qualité de m'agacer de tout, jusqu'à faire naître en moi un sentiment de scandale. Car dans mon indifférence, je me trouve mou.
Rien ne m'inquiète, rien ne me scandalise, rien n'anime en moi un feu passionné. Et cela me pèse finalement, au point que je lorgne vers votre défaut d'un oeil torve en me disant que j'aimerais bien l'avoir.
Pour un peu, je vous proposerais presque de faire l'échange, malheureusement ce n'est pas possible.
Je me permets donc de vous suggérer de garder vos défauts, ou en tous cas celui que vous décrivez. Je pense qu'il est vain de se vouloir sans tache. Il vaut mieux rechercher une sorte de cohérence : avoir les qualités de ses défauts et les défauts de ses qualités.
La plupart des représentants du ministère public sont fades, impersonnels, quand ils ne sont pas cucul la praline. Quand on les observe, on se prend à rêver de ce qu'ils pourraient faire de leur ministère s'ils acceptaient de sortir de leurs habitudes de penser. Mais quand l'on voit ce qu'ils en font réellement, on se dit qu'ils incarnent trop souvent la défaite de la pensée.
Vous non.
C'est une qualité. Elle est rare, elle est donc précieuse. Gardez là. Vous agacez? Bah...
Si c'est le prix à payer pour avoir un ministère public de qualité, je vous signe tout de suite un chèque en blanc tiré sur le compte de mon agacement.
Dans l'histoire, c'est moi qui fais une bonne affaire.
Rédigé par : tschok | 24 mai 2007 à 18:55
La suffisance de Delon s'exprime dans le show et elle lui permit de faire une excellente carrière où dans certains films il fut magistral.
Celle de Arno bobo est due à une attitude d'enfant gâté et elle n'est pas à la hauteur de ce qu'il fait que ce soit au niveau de sa lamentable prestation de Cachan, de sa place incongrue lors des émeutes etc. En tant qu'avocat, je n'ai pas vu ses prestations.
La suffisance d'un Dali ou d'un Delon ne me dérangent pas, ils restent dans le monde des arts et spectacles et je la trouve utile, amusante.
Celle qui me navre est celle sur le terrain, qui donne des leçons sur des sujets qui la dépasse.
Klarsfeld est contre les idées extrêmes, c'est son grand combat, son héritage familial, sa chasse gardée et il navigue en plein dedans.
Je pense que deux de ses problèmes sont d'avoir eu un grand-père paternel exceptionnel, un vrai héros qui a sacrifié sa vie pour sauver sa famille et de vouloir l'imiter.
Son souci est qu'il n'y a plus de nazis en activité depuis 1945, il doit donc en inventer sans cesse pour pouvoir imiter son formidable aïeul.
Son autre problème est que l'on devient juif par la mère ce qui ne fut pas son cas et à l'instar de Shirel, la fille de Manson, il se sent obligé d'en faire des caisses, d'être plus juif que juif, de se comporter dans l'outrance pour se trouver une place. Le monde lui sert à cela. J'ai remarqué que c'était souvent les nouveaux convertis ou ceux qui n'ont pas une légitimité naturelle qui se sentent obligés de vouloir interdire Céline, Bloy, Soral, Nabe, Barthes, de Benoist, qui veulent incarcérer des responsables uniques, qui sont à la tête de toutes les pétitions étranges et si nombreuses qu'elles en perdent leur sens.
Bientôt, il n'aura plus à se battre que contre les véhicules diesel, la rhétorique restera exactement la même :
l'artisan sera un nazi puisque sa camionnette émettra des gaz toxiques afin de tuer des gens.
Il me semble parfois que notre société est devenue le terrain de jeu d'enfants adultes, le jeu de rôle de Karlsfeld est celui de résistant, il lui faut donc des guerres qu'importent qu'elles soient réelles ou fictives.
Rédigé par : Ludo Lefebvre | 24 mai 2007 à 18:51
La vie sociale a toujours été fondée sur une part d'imposture. Il est évident que cette part d'imposture s'est considérablement accrue avec le rôle que jouent les médias et avec le monde virtuel qu'elles superposent au monde réel. AK en est une très belle illustration. Là où la chose risque de devenir problématique, c'est si les responsables de la réalité prennent le virtuel pour le réel. C'est évidemment la question qui ne va cesser de se poser pour Sarkozy : qu'est-ce qui, chez lui, relève de la réalité des projets et qu'est-ce qui relève du virtuel et de de la communication... Lorsqu'il utilise AK, instrumentalise-t-il son image médiatique ou fait-il vraiment confiance au personnage ?
Rédigé par : guzet | 24 mai 2007 à 16:36
...oui, mais en roller, l'Arno à la beauté...florentine... vous laisse sur place...et ce n'est pas à vous que Claudia Cardinale souriait dans Le Guépard...
Mais je préfère arpenter Paris en votre compagnie, sans rollers...
Et n'oubliez pas que dans les aventuriers, la belle Johanna Shimkus part avec Lino et non Alain...ah ! c'est fou !...
Rédigé par : sbriglia | 24 mai 2007 à 14:10
Que celui qui mène à vive allure le cheval de sa suffisance se retourne : il verra la honte accrochée à sa queue !
Rédigé par : Parayre | 24 mai 2007 à 13:23