Les médias ont plus d'une résistance à inscrire dans leur pratique quotidienne pour être crédibles. Pas seulement celle qui leur semble centrale, voire exclusive, contre la parole officielle et l'emprise des Pouvoirs. Il en est une autre que le débat sur les peines planchers aurait rendu plus que jamais nécessaire. Une presse peut être aux ordres de l'Etat, subtilement ou ostensiblement, mais aussi de la pensée unique et du discours convenu.
Ce dernier risque menace lorsque le pluralisme intellectuel et judiciaire est clairement battu en brèche. Dans le Monde du 2 juin, le garde des Sceaux Rachida Dati a indiqué les grandes lignes de son projet sur les peines planchers, avec des exemples concrets à l'appui, et annoncé une réflexion sur la possible création d'un contrôleur général des prisons indépendant, fonction en effet très souhaitable et que le médiateur de la République pourrait assumer.
Depuis cet entretien, sur un registre vif ici ou plus modéré là, les médias - tout en exposant le principe, les modalités et les conséquences des peines planchers - n'hésitent pas à développer une argumentation systématiquement critique, d'autant plus facile à communiquer qu'elle se fonde sur une sélection soigneuse des instances ou des personnalités chargées d'émettre un point de vue prétendument technique.
Lorsque la presse ne s'attache qu'à recueillir l'avis des syndicats, les propos de personnes syndiquées et, pour montrer l'absurdité du processus, l'opposition d'un procureur qui exige de demeurer anonyme, on sent bien que le "judiciairement correct" est à l'abri de toute discussion un peu vive, de tout échange contradictoire. On aura ce qu'on veut diffuser : une conviction prémâchée, une hostilité faussement frappée du sceau de l'évidence, une contestation comme allant de soi.
Le record, dans ce domaine, me semble atteint non par le Figaro ou le Parisien, qui a constitué un excellent dossier technique sur les peines planchers, mais par le Monde qui, sous la signature de Nathalie Guibert (qui souvent ne cherche que ce qu'elle a déjà trouvé), a publié un article au titre très révélateur "Justice : Avocats et Juges unanimes". Dans le corps du texte, pour appuyer une analyse unilatérale, recours aux syndicats, à un syndiqué juge de l'application des peines et au président de l'Association de ces mêmes juges dont la position ne m'étonne pas. C'est comme demander à l'eau d'approuver le feu, à l'espérance de réinsertion l'exigence de répression. Surprenante démarche tout de même : il y a quelques jours, cette journaliste nous dessine un portrait aux limites de l'hagiographie du nouveau premier président de la Cour de cassation et aujourd'hui elle s'arrange pour nous soumettre un aperçu exclusivement à charge des peines planchers.
Je suis persuadé que les "juges" ne sont pas unanimes en dépit des apparences médiatiques. Lorsqu'avec honnêteté, Pierre Baretti sur TF1 confronte la position de Serge Portelli avec la mienne, la différence est cependant de taille. La sienne est confortée, confirmée, validée par l'hégémonie que je viens d'évoquer. Pour être égal sur cette chaîne de télévision, le combat n'en demeure pas moins profondément déséquilibré.
La cause des peines planchers est-elle si mauvaise que cela ?
Dans le billet "Un changement d'ère", j'ai déjà abordé en détail les raisons (avant l'entretien du Monde avec le garde des Sceaux) qui militent en faveur de l'instauration de peines planchers avec les limites et les précautions rappelées par Rachida Dati. Comme Bruno Thouzelier, je ne voudrais pas que les amendements préservant la liberté du juge demeurent lettre morte sous la contrainte quotidienne d'audiences parfois surchargées. Egalement, il faudra prévoir, pour les cours d'assises qui ne motivent pas leurs arrêts, la formulation de questions adaptées au nouveau texte.
Mais là n'est pas l'essentiel qui me fait maintenir la teneur de mon argumentation.
Les peines planchers constitueront un signal fort pour l'opinion publique. La campagne présidentielle, si elle n'a pas permis d'appréhender dans leur plénitude les problèmes de justice, a mis en évidence une volonté de fermeté et une exigence claire de rigueur de la part du candidat élu président de la République. Il n'y avait pas de flou avant, donc il n'y a pas de manipulation après. La meilleure preuve résulte du fait qu'on discute du caractère plus ou moins adouci des propositions par rapport aux engagements présidentiels.
Il ne faut pas méconnaître non plus que les peines planchers répondront au reproche souvent fait à la magistrature de rendre des décisions tellement fondées sur la subjectivité et la liberté des juges - selon les goûts et les couleurs en quelque sorte, la loi permettant une ample interprétation - qu'elles pouvaient apparaître dictées par la "tête du client". Elles auront tendance à rendre plus homogènes les pratiques sur le plan national.
Pour continuer dans cette voie, on se rend compte que la controverse tient surtout au fait que les contempteurs des futures peines planchers affirment que l'outil législatif est suffisant et qu'en matière pénale, les juridictions sont sévères et tirent déjà toutes les conséquences de l'état de récidive. Ce n'est pas exact. Qui peut nier la disparité qui existe souvent entre la rigueur théorique des sanctions et leur réalité ? C'est encore plus vrai pour les mineurs où la répression parfois indispensable est battue en brèche par une philosophie propre à la justice des enfants qui a du mal à se concevoir comme solidaire du processus pénal.
Parlons de l'argument qu'on croit décisif contre les peines plancher : elles vont aggraver la surpopulation carcérale ! C'est sans doute pertinent pour la constatation. Si la nouvelle mesure n'est pas écartée par le juge pour des motifs de personnalité ou d'exceptionnelle réinsertion, l'emprisonnement en sera la conséquence naturelle. Je suis navré de devoir rappeler une banalité qui n'est pas bien vue par ceux qui ont un rapport douloureux, pour ne pas dire plus, avec la réalité. L'univers pénal édicte heureusement des sanctions et il arrive que celles-ci conduisent à incarcérer. Il serait absurde d'alléguer que la coercition doive prendre automatiquement un tour pénitentiaire mais il existe un certain nombre de circonstances tenant souvent à la gravité du crime et au passé judiciaire qui ne laissent pas d'autre choix à une justice responsable. Je ne crois pas, dans ces conditions, que critiquer les peines planchers parce qu'elles conduiront à incarcérer représente une approche convaincante même si à l'évidence elle s'inscrit dans une démarche à la mode et facile, fleurant bon l'humanisme abstrait. Les uns sont généreux, les autres "trinquent" .
Est-ce à dire que la surpopulation carcérale ne constitue pas un problème infiniment préoccupant ? Ce n'est pas d'aujourd'hui que j'affirme que nous devons tenir les deux bouts de la chaîne. Nous ne pouvons pas refuser la prison quand elle est nécessaire, nous ne pouvons pas admettre la prison dans son état d'indignité matérielle et humaine, en beaucoup trop d'établissements. Pour ma part, je crédite le ministère de la Justice, le garde des Sceaux et Michel Dobkine, son directeur de cabinet, de cohérence et de lucidité. On connaît les conséquences prévisibles des peines planchers et on connaît la réalité pénitentiaire. Il n'y a qu'une manière en l'occurrence d'appréhender la globalité de ce qui est soumis à la vigilance politique et judiciaire. C'est de TOUT mener en même temps. La situation est telle aujourd'hui, et la volonté de rigueur si clairement empêtrée dans le malaise carcéral, que l'Etat ne pourra que s'attacher à l'ardente obligation de rénover les prisons, pour que la sévérité légitime ne soit pas affectée dans son principe et dans ses modalités.
Ces médias aux ordres du "judiciairement correct", sans porter atteinte à leurs convictions ou, pire, à leurs préjugés, auraient pu au moins nuancer, complèter, élargir, douter, questionner, critiquer ou approuver mais réfléchir. J'ai toujours cru que la presse digne de ce nom devait fuir le slogan pour offrir de la complexité. Accepter d'accueillir ceux qui ne pensent pas comme elle. On en est loin.
Un mot, pour finir, sur une opinion exprimée par un juge de l'application des peines syndiqué. Selon lui, on va "inverser la logique judiciaire". Il a totalement raison sur le constat mais je me distingue de lui parce que ce qu'il déplore, je le souhaite. Si la nouvelle logique judiciaire, c'est accepter la réalité, la prendre à bras-le-corps, si c'est vouloir de l'humanisme mais efficient, vigoureux et pratique, si c'est construire une démocratie mais combative, sachant se protéger sans se renier, si c'est persuader la magistrature qu'elle a à se mêler de ce que veut la société et qu'elle doit écouter les citoyens dont le message est limpide et puissant, si la nouvelle logique judiciaire, c'est changer le regard que le justiciable porte sur la justice et celui de la justice sur elle-même, je n'ai pas une seconde d'hésitation.
Je suis pour.
A lire impérativement : un philosophe nous parle des médias et de ces ordres. Très bon livre et interview alléchante...
http://www.leblogmedias.com/archive/2007/07/06/bougnoux-communication-medias-democratie.html
Rédigé par : Medias | 09 juillet 2007 à 13:00
Bonjour,
Des médias aux ordres... Pas seulement les médias. Une justice aux ordres aussi. La soudaine et bien tardive reconnaissance par Jean-Claude Marin de l'assassinat de Bernard Borrel n'en est qu'une preuve supplémentaire.
Respectueusement
Marc Fievet
Rédigé par : Marc Fievet | 20 juin 2007 à 07:35
Tschok,
Vous écrivez que « de nombreux témoignages de magistrats montrent qu'au-delà d'une certaine désinvolture à l'égard de l'autorité qu'ils incarnent, et c'est un euphémisme, les magistrats sont aujourd'hui poursuivis jusque dans les couloirs du palais par le justiciable mécontent de la décision rendue.
Donc je ne crois pas me tromper en disant que nous vivons dans une société plus "répressive" au sens que j'ai indiqué entre parenthèse dans mon post, c'est-à-dire qui ne pardonne plus. Qui ne veut plus comprendre, qui n'essaye même pas, qui est agressive. »
Je ne comprends pas comment le fait que vous évoquez vous permet de conclure à une société qui serait devenue trop répressive.
Si la société devenait si répressive, les justiciables n'auraient pas loisir de poursuivre les magistrats avec leurs doléances. Ils récolteraient 3 coups de matraque au premier mouvement hostile et comparaîtraient ensuite pour s'expliquer de leur comportement outrageant.
Votre critère pour déterminer si notre société est répressive me semble tout simplement inapproprié.
On ne réprime pas tant que ça.
Même si certains ont pris pour habitude de contester tout ce qui leur déplaît, certes.
Observez, vous verrez parfois un hurluberlu dans la rue persuadé que si un policier lui demande de circuler, de ne pas resté garé avec son véhicule sur une piste cyclable, c'est parce que ledit policier est forcément raciste. L'hurluberlu en question estimera normal que le policier fasse le choix de ne pas le verbaliser et partira en s'énervant, criant au scandale, persuadé de vivre dans une société trop répressive.
L'exemple pourrait paraître caricatural. Renseignez-vous, vous verrez qu'il est banal, quotidien.
Vous écrivez également que « le plus troublant est que cette société se montre également impulsive à l'égard du délinquant. On aurait pu croire qu'une société qui se méfie de ses juges aime ses délinquants, eh ben non!
Elle a ses humeurs. Un jour elle encense la police dans tel sondage. Le lendemain vous aurez pourtant une émeute. »
Vous avez été intoxiqué.
1. Les citoyens aiment leur police tant qu'ils ne se voient pas reprocher l'inobservance des lois qu'eux-mêmes ont voulues.
2. Les émeutes ne sont pas le fait de la société dans son ensemble. Et les émeutiers sont très constants dans leur haine de la force publique, qu'ils considèrent comme une force coloniale.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 10 juin 2007 à 18:04
@ M.Patoulatchi,
Je partage votre point de vue, bien que je l'aie exprimé différemment, sur la permanence de l'activité délinquante (coulée continue, couchette chaude, etc), voulant dire par là que le flux qui alimente la population carcérale est régulier.
Je ne vois hélas pas qu'il se tarisse dans un avenir proche. Il est ainsi vrai que l'idéal serait d'avoir 61.000 places disponibles pour 50.000 détenus, mais la réalité est inverse.
J'ouvre ici la parenthèse du rêve : quelle société mettre en place pour qu'il y ait moins de détenus que de places de prison ? Ne serait-ce pas une toute autre société que la nôtre ?
DRIIIIING! (c'est la sonnerie du réveil-matin...)
Revenons aux réalités.
Vous ne pourrez pas nier que la responsabilité des juges est de plus en plus souvent recherchée par l'opinion publique. Parfois, le justiciable commet la folie de régler directement ses comptes avec le magistrat. Je ne me réfère pas seulement à ce qui vient de se produire à Metz : de nombreux témoignages de magistrats montrent qu'au-delà d'une certaine désinvolture à l'égard de l'autorité qu'ils incarnent, et c'est un euphémisme, les magistrats sont aujourd'hui poursuivis jusque dans les couloirs du palais par le justiciable mécontent de la décision rendue.
Donc je ne crois pas me tromper en disant que nous vivons dans une société plus "répressive" au sens que j'ai indiqué entre parenthèse dans mon post, c'est-à-dire qui ne pardonne plus. Qui ne veut plus comprendre, qui n'essaye même pas, qui est agressive.
C'est une extension du sens habituel du mot, raison pour laquelle je l'ai précisé entre parenthèses.
Le plus troublant est que cette société se montre également impulsive à l'égard du délinquant. On aurait pu croire qu'une société qui se méfie de ses juges aime ses délinquants, eh ben non!
Elle a ses humeurs. Un jour elle encense la police dans tel sondage. Le lendemain vous aurez pourtant une émeute. Aujourd'hui, elle s'est émue du sort du magistrat poignardé, demain, elle applaudira à un nouvel Outreau, pourvu qu'un juge soit mis en cause publiquement.
C'est une société de l'impulsion qui réprime dans tous les sens, qui interdit autant qu'elle permet, qui libère autant qu'elle punit, qui fait tout et son contraire en un trait de temps.
Cette instabilité inquiète les pouvoirs publics qui en ont déduit qu'un tour de vis s'impose. Nous vivons dans une société répressive, en ce sens que cette sorte de vibration qui l'anime à chaque instant, cette turbulence permanente, génère en réaction le besoin d'une répression accrue.
Ce besoin s'exprime aujourd'hui après avoir longtemps été refoulé.
Pour être synthétique, je vous dirais que je fais partie de ceux qui croient que le tout répressif est illusoire: il est l'expression d'une pulsion qui se veut légitime parce qu'elle dériverait d'un besoin d'ordre et de sécurité bien naturel, alors que ce besoin presque affectif de tout réprimer est surtout l'expression d'une trouille et d'une incompréhension.
Revenons pour en terminer aux propriétés assez hétérodoxes de la population carcérale : je l'ai comparée à un gaz, pour mieux se les figurer.
Si vous avez plus de détenus que de places disponibles, vous augmentez la "pression carcérale" si l'on veut ou, si vous préférez, la densité démographique.
Si vous augmentez le nombre de places à nombre de détenus constant, vous relâchez la pression.
Jusque là, rien de bien surprenant.
Ce qui est surprenant, c'est qu'en réalité votre nombre de détenus augmente toujours, notamment en raison de la croissance démographique (regardez les chiffres, c'est tout simple, ça augmente toujours).
Si maintenant vous vous amusez à changer un détail du droit pénal, par exemple sur les peines plancher - car c'est un détail - de telle sorte que vous augmentez le flux de détenus, vous vous placez par vous-même dans une situation à risques: celui de ne plus pouvoir gérer votre stock.
Et là, les ennuis commencent.
Rédigé par : tschok | 08 juin 2007 à 16:47
Tschok,
Pour chipoter, disons qu'il n'est pas tout à fait vrai que « la peine plancher est "une conduite à risques" comme fumer ou rouler vite ».
Fumer abîme l'organisme. A chaque cigarette, à chaque bouffée. Rouler vite augmente le risque d'avoir un accident mais est totalement anodin à défaut d'accident. Où se situe la peine plancher entre les deux ?
Je manque de m'étrangler en lisant que « les moyens alloués et de la prise de responsabilité sociale impliquée pour le juge, dans une société répressive (= qui ne pardonne pas, ni au délinquant, ni au juge qui commet une erreur d'appréciation). »
En ce moment se déroule le procès Bodein. Enfin, un procès Bodein, loin d'être le premier (le dernier, avec un peu d'espoir). Je crois que le magistrat ayant commis une grossière erreur d'appréciation en le remettant en liberté n'est pas plus inquiété que cela. Etrange de la part d'une société si répressive, telle que vous la décrivez.
« Car il faut avoir à l'esprit que la population carcérale présente les mêmes propriétés qu'un gaz : elle occupe tout l'espace disponible, parce que justement la justice condamne massivement en "routine" contrairement à ce qu'on prétend. On vit dans un pays où les gens sont condamnés à tour de bras, nos tribunaux fonctionnent quasiment nuit et jour. C'est la coulée continue, les trois huit, la couchette chaude (j'exagère peut-être un peu). »
Tout d'abord, l'emprisonnement n'est pas un phénomène naturel mais le résultat d'une organisation sociale. L'analogie avec un gaz est donc certes anecdotique mais tout à fait invalide.
Ensuite, si les juridictions condamnent avec grande régularité, c'est avant tout parce qu'il n'existe pas de temps mort pour la criminalité et la délinquance. Faut-il le rappeler, les juridictions jugent des faits qui revêtent une qualification pénale.
« Toujours est-il que si vous construisez 30.000 places supplémentaires, vous aurez 30.000 détenus supplémentaires. Si vous en construisez encore 10.000, vous en aurez encore 10.000. Etc. »
C'est faux. Si je construis 30 000 places et qu'il y a plus de 30 000 condamnés en attente d'être écroués, en effet j'aurai 30 000 détenus supplémentaires.
Mais ces 30 000 détenus n'auront pas été inventés par l'ouverture de 30 000 places, ils sont bien des individus régulièrement condamnés.
« Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas la rigueur des lois qui, en plaçant plus ou moins haut le curseur de l'interdit, détermine le nombre de délinquants dans une société, donc le nombre de détenus.
Non, c'est le nombre de places qui détermine le nombre de détenus. »
On ne détermine pas le nombre de détenus. Il n'existe pas de réglage des activités délinquantes et criminelles permettant un matin de savoir pour les 30 jours à venir combien d'infractions punies d'incarcération seront commises.
Si, pour le moment, le nombre de détenus pourrait être déterminé par le nombre de places, c'est parce que notre parc pénitentiaire est en deçà de nos besoins, depuis trop longtemps.
Mais, de toute façon, même actuellement, le nombre de places ne détermine pas le nombre de détenus : les maisons d'arrêts sont parfois pleines à 200 %. Il y a donc plus de détenus que de places, ce qui atteste bien du fait que le nombre de places nécessaires n'est pas dépendant du nombre de places réelles (la démonstration du contraire reste à présenter).
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 07 juin 2007 à 21:52
@ M. Patoulatchi,
En fait il y a deux choses qu'il ne faut pas confondre.
Le mécanisme de la peine plancher aura un effet inflationniste sur la durée de la peine encourue en cas de récidive par un prévenu donné, puisque c'est le but recherché, avec éventuellement un effet de lissage pour tous les prévenus dans un cas similaire.
En gros, le système va augmenter le nombre de condamnés à une peine plus longue, puisqu'il va en principe faire baisser le nombre de condamnés à une peine moins longue (celle que le juge ne pourra plus prononcer, sauf motivation spéciale).
A partir de là, mécaniquement, le turn over dans les prisons va baisser (c'est la mécanique des flux) donc le stock va augmenter.
Ca c'est mécanique.
Deux choses ne sont pas évidentes, là je vous l'accorde:
- La croissance continue du stock de détenus: est-ce qu'on va créer un système qui va faire augmenter la population carcérale sans jamais pouvoir se stabiliser, ou pas ?
- L'ampleur de l'effet inflationniste de la nouvelle loi sur la durée des peines. On ne pourra en prendre la mesure réelle sur l'ensemble de la population carcérale qu'au moment où on appliquera la loi "en routine", si je puis dire.
Si on dérape sur ces deux indicateurs, on perd la maîtrise de la situation et on n'a que deux solutions:
- Construire de nouvelles prisons
- Gérer le stock en utilisant la conditionnelle comme variable d'ajustement.
C'est pour cela que je parle d'une logique qui engendre des risques: la peine plancher est "une conduite à risques" comme fumer ou rouler vite. Il faut en être conscient.
Maintenant on peut se dire qu'on construit déjà des prisons et que le traitement de l'application de la peine a été réformé et amélioré.
Le problème qui se pose est de savoir si c'est suffisant. Certains pensent que non et j'en fais partie.
D'où les problèmes:
- Le rythme d'octroi des conditionnelles sera-t-il suffisant pour stabiliser le stock de détenus ? Je ne le pense pas, compte tenu des moyens alloués et de la prise de responsabilité sociale impliquée pour le juge, dans une société répressive (= qui ne pardonne pas, ni au délinquant, ni au juge qui commet une erreur d'appréciation).
- Le rythme d'agrandissement du parc carcéral par la construction de nouvelles prisons sera-t-il suffisant ? Je pense que non. On ne pourra gagner que des répits à chaque mise en service de prisons nouvelles. Mais elles se rempliront aussitôt. Car il faut avoir à l'esprit que la population carcérale présente les mêmes propriétés qu'un gaz : elle occupe tout l'espace disponible, parce que justement la justice condamne massivement en "routine" contrairement à ce qu'on prétend. On vit dans un pays où les gens sont condamnés à tour de bras, nos tribunaux fonctionnent quasiment nuit et jour. C'est la coulée continue, les trois huit, la couchette chaude (j'exagère peut-être un peu).
Toujours est-il que si vous construisez 30.000 places supplémentaires, vous aurez 30.000 détenus supplémentaires. Si vous en construisez encore 10.000, vous en aurez encore 10.000. Etc.
Ce phénomène, surprenant en première approche, a été remarqué dans d'autres pays qui se sont lancés dans de vastes programmes de construction de prisons.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas la rigueur des lois qui, en plaçant plus ou moins haut le curseur de l'interdit, détermine le nombre de délinquants dans une société, donc le nombre de détenus.
Non, c'est le nombre de places qui détermine le nombre de détenus.
A partir de là on se met dans une situation de fuite en avant, alors qu'on est déjà dans une situation de surpopulation et de crise de la peine.
Rédigé par : tschok | 07 juin 2007 à 19:03
Thibault,
Est-il bien raisonnable de s'en remettre à l'idéologie pour définir notre avenir ?
Peut-on se contenter de sa « croyance profonde en l'esprit républicain » pour « militer » sur un point technique tel que « l'invidualisation de la peine » ?
Qu'est-ce d'ailleurs que l'esprit « républicain ». Les Romains individualisaient-ils leurs peines ?
Vous écrivez que « toute peine est adaptée à la personne qui la recevra en fonction de son histoire personnelle, et en fonction de la réalité et de la gravité des faits. L'individualisation de la peine est une notion républicaine sur laquelle on ne peut tergiverser ».
Tout d'abord, non, disons qu'il n'existe pas de « notion républicaine », étant entendu que la res publica n'a pas attendu notre droit contemporaine pour exister.
Ensuite, en quoi une peine plancher serait-elle inadaptée ? La peine plancher, quoi qu'il en soit, reste en relation avec la gravité des faits ainsi que les précédents de l'auteur.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 07 juin 2007 à 15:40
Je ne suis pas juriste encore moins avocat de formation, mais ma croyance profonde en l'esprit républicain me pousse à militer en faveur de l'invidualisation de la peine.
Aux termes de l'article 132-24 du code pénal « dans les limites fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Lorsque la juridiction prononce une peine d'amende, elle détermine son montant en tenant compte également des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction ».
Ce principe est une des clés de voûte du droit pénal français : toute peine est adaptée à la personne qui la recevra en fonction de son histoire personnelle, et en fonction de la réalité et de la gravité des faits. L'individualisation de la peine est une notion républicaine sur laquelle on ne peut tergiverser.
Les peines planchers, c'est la remise en cause de cet esprit républicain. Militeriez-vous en faveur d'une France démagogique et simpliste, celle des gentils contre celle des méchants ?
Votre titre actuel ne me permet pas de penser que votre croyance peut être une telle caricature.
Rédigé par : Thibault | 06 juin 2007 à 21:10
Il faut construire des prisons quel qu'en soit le coût et appliquer la justice, que cela se sache.
Rédigé par : Ludo Lefebvre | 06 juin 2007 à 15:14
Tschok,
Tout votre argumentaire repose sur le postulat que « pour gérer ce stock en augmentation croissante, et le rendre supportable par le système carcéral, il faudra faire sortir plus de détenus en conditionnelle ou en semi liberté ».
Il n'y a pourtant aucune évidence en la matière.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 05 juin 2007 à 23:54
Bonsoir Monsieur Bilger,
Eh bien moi, je suis contre les peines plancher.
Pour toute sorte de raisons. Celle qui me semble la plus importante est d'ordre pratique: les peines plancher vont avoir un effet inflationniste sur les peines et réduire le turn over de la détention, donc augmenter le "stock" de détenus, alors que les prisons françaises sont en surpopulation (61.000 détenus pour 50.000 places).
Pour gérer ce stock en augmentation croissante, et le rendre supportable par le système carcéral, il faudra faire sortir plus de détenus en conditionnelle ou en semi liberté. Donc, il faudra perfectionner le traitement de l'application de la peine, ce qui suppose des moyens qui n'ont pas été vraiment évalués.
Dès lors, on peut redouter que des conditionnelles seront accordées à l'aveugle, par nécessité d'avoir à gérer un stock.
En d'autres termes, ce que vous gagnez à l'entrée (plus de gens en prison, signe fort d'une justice sévère mais juste) vous le reperdez à la sortie (plus de gens en conditionnelle, utilisée comme soupape) en douce. Avec à la clé de possibles accidents de parcours : un ex-détenu en conditionnelle commet une infraction grave et médiatisée. Ce n'est pas une hypothèse d'école.
Vous vous réfugiez derrière l'idée que l'Etat ne pourra pas négliger la question de l'amélioration du traitement judiciaire de l'application de la peine. En fait, vous vous en remettez à l'avenir. C'est un pari que vous faites.
Ce pari est très risqué. Mettre de l'argent dans les prisons et la réinsertion n'est pas la priorité budgétaire du moment. La priorité budgétaire du moment est la répression : on injecte du détenu dans le système et on le fait savoir.
Or, nous sommes en face d'un constat d'échec de la peine, qui ne parvient pas à remplir son rôle. Comme vous le savez, elle en a trois : mise à l'isolement d'une personne dangereuse pour la société, expression rationalisée de la vengeance sociale réparatrice, et - fonction qui nous intéresse : amendement du détenu par la peine.
Cette dernière fonction est en échec. Pas un échec total, mais il est suffisant pour que le système soit en crise.
L'idée d'injecter du détenu dans un système qui est déjà défaillant en raison de la surpopulation n'est pas bonne. Suralimenter un système carcéral qui maintient sa population dans la délinquance et a tendance à l'endurcir pourrait même avoir un effet contraire à celui recherché : l'augmentation de la délinquance par récidive, soit en quantité (plus d'infractions) soit en qualité (des infractions plus graves), voire les deux ensemble.
A partir du moment où on a des indicateurs qui nous disent que la prison est une usine qui fabrique de la délinquance, la prudence comme le bon sens recommandent de ne pas la suralimenter.
Travaillons plutôt sur la peine, afin qu'elle remplisse sa fonction d'amendement, ce qui suppose d'améliorer la réinsertion des détenus et ensuite, quand le système sera redevenu efficace, mettons si vous le souhaitez des peines plancher.
Ou bien alors, acceptons des prisons en surpopulation où il faudra acheter la paix sociale : autoriser les portables pour les détenus, autoriser les parloirs sexuels, autoriser la consommation de drogues, etc.
Mais la paix sociale ne règle pas un des problèmes liés à la surpopulation carcérale : des conditions de détention en-dessous des normes humanitaires minimum.
Le supporter n'est qu'une question d'acceptation de la cruauté rendue nécessaire par la répression. C'est une question de conscience et chacun a son point de rupture. Celui des juges est, par nécessité professionnelle, situé assez haut dans l'échelle de la cruauté (vous vous souvenez de l'ancien dépôt des étrangers du Palais à Paris).
Et puis ça devient une question de droit : un jour, un avocat plaidera qu'un tribunal ne pourra envoyer un prévenu en prison au motif que la peine est devenue inhumaine, alors que les peines inhumaines sont interdites par les conventions que la France a signé.
Ce jour-là, on aura l'air fin avec les peines plancher.
Si mes souvenirs sont exacts, c'est à peu près ce qui est arrivé avec l'ancien dépôt des étrangers de Paris : un avocat a plaidé les conditions de détentions inhumaines devant un tribunal présidé par un juge de vacation (un VP, un juge aux affaires familiales peut-être). Il n'avait pas le cuir aussi dur que celui de ses collègues pénalistes, partis en vacances, mais ayant l'habitude de rejeter du revers de la main les arguments humanitaires de la défense. Ledit juge a ordonné un transport sur place. Il en est remonté horrifié, dit-on.
Quelque temps plus tard, la préfecture de police a indiqué qu'elle fermait le dépôt des étrangers du Palais, fermeture longtemps réclamée par les avocats, mais en pure perte. Motif officiel : travaux.
J'ignore si cette anecdote est authentique à 100%, mais je sais qu'à la même époque, la justice a instruit et jugé des affaires de mauvais traitements de détenus dans ce dépôt (il faut croire que dans un environnement aliénant, les hommes se comportent comme des aliénés).
Il y a donc des précédents qui devraient vous inciter à la prudence.
J'en reste pour ma part à une position qui consiste donc à ne pas provoquer plus de dysfonctionnements que le système n'en génère spontanément par lui-même. De ce point de vue, les peines plancher me paraissent un risque déraisonnable et inutile : il existe bien d'autres moyens d'envoyer des "signes forts".
Rédigé par : tschok | 05 juin 2007 à 19:01
J'apporte soutien, compassion et considération au magistrat Jacques Noris, vice-président du TGI de Metz chargé du Tribunal pour enfants qui a été poignardé ce matin à 10 h au moyen d'un long couteau par une mère de famille qui n'a pas accepté le maintien de son fils en foyer. Il est actuellement hospitalisé et son état est jugé sérieux.
Rédigé par : Ludo Lefebvre | 05 juin 2007 à 14:52
@ PH_J
Je ne pense pas qu'il puisse y avoir d'évaluations rationnelles dans ce débat, ni d'études de fond sérieuses, on n'a pas de sciences exactes en matière de droit ou de sociologie, chacun pouvant argumenter le pour comme le contre. On a eu des gouvernements qui ont prôné le laxisme, voire l'excuse en argumentant que s'il y a des délinquants c'est la faute à la société... On a pu juger les effets pervers de cette pensée... Maintenant Madame Dati va essayer la dissuasion en puisant aux sources de la paix un adage qui a traversé le temps :
"Si vis pacem, para bellum". J'emploie dissuasion et non répression car la loi semble vouloir être magnanime dans un premier temps... "Errare humanum est" mais comme dit la suite de cette locution latine "perseverare diabolicum" ... et il faut exorciser...
Rédigé par : Bernard | 05 juin 2007 à 11:15
@PH_J :
Les seules études françaises relatives à la récidive sont celles régulièrement publiées par P.V Tournier, directeur de recherches au CNRS.
Ce dernier, dans sa "lettre" hebdomadaire du 21 mai 2007, affirme que les deux grandes enquêtes auxquelles il a présidé - relatives à la récidive comparée des condamnés à l'emprisonnement ou à des peines alternatives - plaident pour le développement desdites peines alternatives.
Il soutient, en effet, que :
"le risque[de récidive] est plus élevé chez les hommes, chez ceux qui ne déclarent aucune profession. Il diminue avec l’âge, mais augmente avec le poids du casier judiciaire. Il est nettement plus élevé pour les atteintes aux biens que pour les atteintes aux personnes, à une exception près : les vols avec violences pour lesquels le risque est élevé. Pour les sortants de prison, le taux retour sous écrou dans les 5 ans après la libération est ainsi de 65 % quand l’infraction initiale est un vol sans violence (délit), de 57 % pour un vol avec violence (délit), de 44 % pour des violences volontaires sur adulte, de 13 % pour un homicide, de 11% après un viol ou une agression sexuelle (délit) sur mineur, la nouvelle infraction commise après la libération pouvant ne pas être de même nature que la première.
Reprenons le cas des sortants ayant purgé une peine pour violences volontaires sur adulte (délit). Ceux qui ont un passé judiciaire, qui n’ont pas déclaré de profession à l’écrou et qui ont moins de 30 ans à la libération ont un taux de retour sous écrou, dans les 5 ans, de plus de 80 %. A l’inverse, ceux qui n’ont pas de passé judiciaire, qui ont déclaré une profession à l’écrou et qui sont âgés de 30 ans ou plus à la libération ont un taux de retour sous écrou, dans les 5 ans, voisin de 0 %. Mais il serait bien illusoire d’en conclure que nous sommes capables de connaître le devenir de tel ou tel condamné sur la seule base de ces caractéristiques. Nous donnons ici les cas extrêmes en ne citant pas les situations intermédiaires où les taux vont être voisins de 40 - 50 %. Mais la connaissance de ces variables dont certaines sont tout de même très discriminantes, au sens statistique du terme, devrait permettre de construire des politiques d’aménagement des peines, en milieu ouvert, raisonnées. La question ne devrait pas être de savoir, sur la base de ces chiffres qui on va libérer de façon anticipée (ceux à faible risque de récidive ?) et qui on va garder jusqu’à la fin de peine (ceux à fort risque de récidive ?). Cette façon de faire est irresponsable, elle repousse à plus tard le risque, tout en se privant d’une période de probation pendant laquelle le condamné est encore sous mandat judiciaire, et donc plus facilement repérable, plus aisément contrôlable. Connaître les ordres de grandeur des risques, c’est analyser différemment sur un plan qualitatif - individuel - un cas à haut risque statistique et un cas à faible risque. Dans le premier cas, on cherchera ce qui permet de remettre en cause le diagnostic a priori pessimiste, dans l’autre cas on prendra garde à ne pas négliger tel ou tel aspect inquiétant. Cette très grande variabilité des situations, passée sous silence par les politiques, peut fonder une véritable politique de relance de la libération conditionnelle, où l’on devrait passer d’une proportion de 5 % de bénéficiaires à une nette majorité, comme en Suède ou en Finlande, et où les procédures d’accompagnement seraient adaptées à chaque individu selon sa propre trajectoire.
Nos enquêtes montrent, une nouvelle fois, que les libérés conditionnels ont des taux de récidive plus faibles que ceux qui sortent en fin de peine : pour les homicides, 9 % de taux de retour sous écrou, dans les 5 ans, en cas de LC contre 17% pour les fins de peines ; 33 % contre 45 % en cas de violences volontaires sur adulte ; 45 % au lieu de 67 % pour les vols sans violence (délit) ; 24 % contre 32 % pour les escroqueries. Des calculs réalisés sur des enquêtes plus anciennes ont montré que ces écarts ne s’expliquent pas uniquement par les modes de sélection effectués par les juges. On peut faire l’hypothèse que c’est la mesure elle-même qui a une certaine efficacité.
Aussi est-ce autour de la question de la libération conditionnelle, de sa généralisation, de son accompagnement que la question de la lutte contre la récidive doit se poser."
21 mai 2007
Pierre V. Tournier
Rédigé par : Parayre | 05 juin 2007 à 10:09
Ce qui me dérange dans ce débat, c’est qu’il se fonde sur des idéologies, des convictions personnelles, des sentiments, mais pas sur des faits. Incarcérer davantage les jeunes délinquants récidivistes, pourquoi pas, à condition de prouver par des études sérieuses que cette sévérité accrue sera réellement corrélée à une baisse de la délinquance. Mais qui s’occupe réellement de mesurer l’efficacité de la prison ou d’évaluer l’efficacité des lois votées. Pourtant lorsqu’on compare, simplement au sein de l’Europe, les taux d’incarcération ou la sévérité des peines et les niveaux de délinquance (qui en résultent ?), la corrélation n’est en rien évidente.
Peut être est-ce un tropisme du physicien que je suis, mais je souhaiterais que ce débat soit moins fondé sur des arguments idéologiques (populistes, humanistes,... selon votre camp), et d’avantage sur des évaluations rationnelles.
Rédigé par : PH_J | 04 juin 2007 à 23:09
Marcel, les obligations de la mise à l'épreuve ne s'exercent pas dans un cadre contrôlé : il suffit de se procurer une attestation de stage ou d'emploi pour répondre à l'obligation du SME. Le SPIP ne fait que contrôler a posteriori sans organiser et se contente d'un vague torchon de complaisance. J'évoquais cette idée dans un cadre piloté par l'administration judiciaire avec un suivi permanent en songeant, notamment, à l'idée émise par Ségolène Royal, sur l'encadrement militaire. Une prévention coercitive.
Par stratégies d'évitement de la délinquance, je songe notamment aux exemples canadiens (destructuration des bandes par éloignement, programme préscolaire enrichi pour les enfants de familles très défavorisées - résultats étonnants obtenus par le Perry Preschool Project).
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 04 juin 2007 à 20:48
Parayre,
Mon dernier alinéa s'adressait en fait au traitement médiatique du sujet, pas à vous. Je reconnais que le fait que mon commentaire s'adressait à vous puisse prêter à confusion sur ce point, veuillez m'en excuser.
Je souscris pleinement à vos propos quant à l'exécution des peines, tant concernant les peines alternatives à l'emprisonnement qu'aux peines privatives de liberté.
Ceci étant dit, je ne suis pas mécontent des modifications légales permettant d'éviter certaines aberrations. Je serais d'ailleurs favorable à l'idée de rendre obligatoire le mandat de dépôt à l'issue de toute condamnation à une peine privative de liberté, à plus forte raison quand la condamnation est d'emblée définitive (donc en appel). Bien sûr, un tel choix imposerait de poursuivre l'amélioration du parc pénitentiaire.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 04 juin 2007 à 11:41
Jean-Dominique,
Je ne serais pas formel au point de déclarer que « s'attaquer aux causes des désordres, c'est faire le contraire de ce qui a été fait dans le 93 ». De même, je crois que parler de relation police-population est plus qu'hasardeux vu la diversité de population que l'on trouve dans ce département. Certes, la situation est chaotique. Mais parlons de la relation pompiers-population, à titre d'exemple : en tire-t-on la conclusion que les pompiers sont des sagouins parce que leurs interventions nécessitent le support de la police pour ne pas qu'ils se fassent fracasser ?
Ce rapport conclut que le droit ne pourra être rétabli sans une confrontation intense. Il me semble que c'est une réalité. Ségolène Royal qui a proclamé qu'elle souscrit aux conclusions de ce rapport est-elle consciente que ce rapport est loin de ses propres positions, qui tendent à éviter tout affrontement et qui en somme ne sont guère éloignées de la situation actuelle. Il me semble que ce rapport est loin d'avoir la naïveté de croire que rétablir l'îlotage pédestre serait effectif dans de tels endroits (les ZUP sont déjà averties en quelques minutes lorsqu'un véhicule sérigraphié patrouille à leur proximité).
Vous dites qu'il faudrait « des peines alternatives notamment en matière de formation », demandant très justement « pourquoi un récidiviste ne serait pas astreint à une obligation de formation ». Votre propos serait tout à fait pertinent si vous ne proposiez pas quelque chose qui existe déjà. Le sursis avec mise à l'épreuve (SME) comprend en effet, en général, une obligation de formation ou de travail. Mais il est clair que le « suivi constant de l'administration » est souvent inefficace, voire inexistant (combien de délinquants par conseiller d'insertion et de probation ?), faisant du SME une formule séduisante pour les juridictions, sans saisir qu'elle se traduit dans les faits par un certain laxisme.
Vous dites que « la prévention, lorsqu'elle est, elle aussi, ferme, ne se limite pas à contrôler les papiers de tous les basanés. Elle met en oeuvre toutes les stratégies d'évitement de la délinquance, y compris de façon contraignante. ». Je dois être un peu abruti, je ne saisis pas exactement ce que vous voulez dire par la mise en oeuvre de stratégie d'évitement de la délinquance. Pouvez-vous éclairer ma lanterne ?
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 04 juin 2007 à 11:35
@Marcel Patoulatchi :
Je vous rassure, au regard du dernier alinéa de votre "adresse", je ne puise pas mes avis aux sources syndicales puisque justement je conteste tant les protestations de ces derniers que les approbations faites par d'autres au projet de loi sur les peines planchers.
J'entends toutefois vos arguments mais ayant connu depuis trente ans les multiples réformes votées en matière pénale, je doute, c'est un euphémisme, qu'une nouvelle loi résolve miraculeusement l'épineux autant que délicat problème de la récidive.
Aujourd'hui, aux termes de l'article 132-19 du code pénal, les juridictions correctionnelles ne peuvent, sauf en cas de récidive légale, prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ...
Cette "contrainte" n'interdit pas, chaque jour, notamment dans le cadre des comparutions immédiates, que des primo-délinquants soient condamnés à de l'emprisonnement ferme et placés sous mandat de dépôt .
Le texte susceptible d'être soumis au nouveau parlement n'apportera donc à mon sens aucune modification et il m'apparaîtrait plus efficient que des moyens supplémentaires soient alloués pour "faire vivre" les dispositions actuelles au lieu d'en créer de nouvelles à moyens constants.
Plutôt que la sévérité apparente des sanctions, je préfère leur certitude .
Il convient que les "sursis probatoires" notamment soient effectivement exécutés et suivis par les services pénitentiaires d'insertion et de probation(SPIP), que les travaux d'intérêt général soient organisées dans des délais raisonnables, que les amendes soient enfin recouvrées et avec célérité par les services du Trésor, que les confiscations de véhicules ou autres soient systématiquement assurées par les "Domaines", que les bureaux d'exécution des peines(BEX) soient dotés de moyens humains permettant une mise à exécution des jugements ou arrêts sans procrastrination .
En ce qui concerne les peines fermes, nous avons déjà échangé sur ce point, il convient de donner du sens à l'incarcération, de veiller à ce que cette dernière ne se résume pas à une privation de liberté consacrée comme aujourd'hui à regarder la télévision dans une cellule enfumée, de préparer la sortie des détenus, de veiller à l'effectivité des "suivis socio-judicaires" des délinquants sexuels ...
Le chantier ne manque pas d'ampleur, souhaitons que la "nouvelle" représentation nationale s'y attèle avec volonté et non volontarisme.
Rédigé par : Parayre | 04 juin 2007 à 07:50
Marcel, je vois que nous sommes d'accord sur le fait que les peines plancher n'auront aucun effet sur les jugements d'assises. Inutile donc d'agiter ce chiffon rouge aux yeux de la population.
S'attaquer aux causes des désordres, c'est faire le contraire de ce qui a été fait dans le 93 et qui vient d'être rendu public à travers un rapport de l'INHES accablant qui aurait dû rester confidentiel et qui montre une relation police-population (et non plus une relation police-racaille) détruite par les instructions politiques. S'attaquer aux causes des désordres, c'est aussi insérer éventuellement ce que j'ai évoqué ici : des peines alternatives notamment en matière de formation. Qu'un pervers soit contraint à des soins ne choque personne, alors pourquoi un récidiviste ne serait pas astreint à une obligation de formation ? Avec un suivi constant de l'administration.
Je reviens toujours à la politique mené par Giuliani à New York, politique qui marchait sur deux jambes : la répression et la prévention. Les budgets octroyés aux services de prévention, d'agents de probation ont explosé à NY, permettant le recul net de la délinquance. N Sarkozy n'a retenu que le volet répressif parce que son côté spectaculaire lui suffisait électoralement.
La prévention, lorsqu'elle est, elle aussi, ferme, ne se limite pas à contrôler les papiers de tous les basanés. Elle met en oeuvre toutes les stratégies d'évitement de la délinquance, y compris de façon contraignante. Il faut y mettre de l'argent et un peu plus d'imagination. Mais on attendra visiblement un autre gouvernement pour s'intéresser à cela.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 03 juin 2007 à 19:06
Parayre,
Vous écrivez qu'il « appartiendra simplement, pour écarter cette même automaticité, aux juges de motiver spécialement leurs décisions de ne pas prononcer la peine plancher créée ». Cela peut vous paraître un point de détail. Pour les autres parties au procès, je ne pense pas que ce soit sans intérêt.
Vous dites que « la liberté de choix des juges sera en fait et en droit, une nouvelle fois, consacrée, confirmée, confortée même », or je n'en suis pas convaincu. L'essentiel me semble être le rappel adressé au juge qu'on lui laisse une marge de manoeuvre avec à charge pour lui de justifier du bon emploi qu'il en fait. Ce n'est pas négligeable.
Les magistrats ne doivent pas être omnipotents. Leur action doit être affaire de droit, pas de choix ; sinon, c'est le régime de l'arbitraire.
Il convient d'encadrer l'action des magistrats par un minimum comme nous le faisons par un maximum. Notons que les juridictions répressives sont toujours capables d'avoir recours à la dispense de peine ou à l'ajournement du prononcé de la peine. Jamais il n'a été question de forcer les juridictions à mettre en prison des individus dont le reclassement est acquis et dont le trouble résultant de l'infraction a cessé.
Ce point aurait pu être précisé. Mais, pour cela, il aurait convenu de faire appel à d'autres lumières que les syndicalistes des professions liées à la sécurité et la justice qui sont marqués à gauche, syndicats aux discours toujours mystérieux (cf http://riesling.free.fr/20070304.html )
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 03 juin 2007 à 19:03
Je ne peux faire qu'un copier/coller de ce que j'ai écrit dans le ticket "Changement d'ère"
"...Je ne critique pas la réforme de la justice sur le fond, c'est surtout la forme qui m'inquiète .. une forme surtout:"Où trouver les moyens financiers?" Sans compter tout l'attirail juridique et "gesticulatoire" que va sortir l'opposition, sans être prophête, j'entends déja les discours des Hollande, Buffet et autres Besancenot & Co, les motions de censures, les saisies du Conseil Constitutionnel, des différentes juridictions européennes, les gros titres de certains journaux transformant le délinquant en victime ou le dernier sociologue en vogue étiqueté CNRS (c'est plus crédible)venir déblatérer à la télé que Madame Dati n'a rien compris et que si on achète son livre préfacé par Segolène Royale, livre qui est en tête de gondole du supermarché du coin on comprendra tout."
Monsieur Philippe Bilger répond à ma question sur les moyens financiers à mettre en application les peines planchers et autres modifications judiciaires, la place Vendôme semble y avoir pensé.
Quant aux critiques ou argumentations des "contres", là, la place n'est plus aux spécialistes mais aux "faiseurs d'opinions", métier en voie de développement. Dans ce domaine c'est un peu comme dans la chanson:"Le lycée papillon" où moins on est calé (dans le domaine à débattre) et plus on a de valeur.. Il y a d'ailleurs de la pensée prête à l'emploi avec des "packs" comme au supermarché, gageons sans être prophête que les jours à venir vont voir fleurir les "pack anti peines planchers" comme d'autre (au singulier) ont sorti un pack écolo. J'espère que Madame le Garde des Sceaux saura faire face au cyclone médiatique qui se prépare et être comme le roseau de la fable.
Rédigé par : Bernard | 03 juin 2007 à 15:57
Jean-Dominique, je ne comprends pas comment vous arrivez à conclure que « la cause des peines plancher est mauvaise pour la raison qu'elle masque volontairement les réformes profondes dont le système judiciaire a besoin ».
En admettant que seul Bobigny serait concerné par les peines planchers (ce qui n'est pas forcément le sentiment de tous), rien que pour Bobigny ce ne serait pas inutile - le département 93 n'est pas à négliger.
Par ailleurs, vous abordez longuement la question des délibérés d'Assises ; mais n'est-il pas clair que lorsqu'on parle des problèmes de la récidive, on parle des sursis accordés parfois très étrangement en matière correctionnelle ainsi que des aménagements de peines en matière criminelle ? Je ne crois pas que le législateur se soucie réellement de la clémence ou de la sévérité des jugements rendus par les cours d'Assises (qui n'ont pas tendance à collectionner les sursis pour les récidivistes), je ne crois pas qu'il y ait réellement un problème à ce niveau là. Après tout, Pierre Bodein n'aurait pas récidivé selon les termes de sa condamnation ; ce n'est que l'aménagement de sa peine qui lui a ouvert la porte (aménagement absurde pour un individu dont le passé médical et judiciaire était pourtant sans équivoque).
Vous parlez de « s'attaquer aux causes des désordres », à quoi songez-vous précisement ? Vous dites que la « justice correctionnelle [est] encombrée faute d'une prévention efficace » mais comment envisagez-vous une « prévention efficace » ?
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 03 juin 2007 à 15:46
Je suis d'accord avec Jean-Dominique Reffait quand il fait référence à la justice civile ! Comme je l'ai déjà exprimé j'ai bien peur qu'elle soit la grande oubliée des réformes à venir (si réformes il y a). J'espère évidemment me tromper. Je n'oublie pas non plus la justice administrative qui doit également évoluer vers plus de célérité.
Sur les peines planchers, je suis en désaccord avec Jean-Dominique Reffait, elles permettent de miser sur la certitude de la sanction. Aujourd'hui trop de délinquants commettent des actes répréhensibles avec l'espoir d'échapper à la sanction ou avec l'espoir d'avoir une sanction minime. Avec les peines planchers il y aura cette menace qui sera je l'espère dissuasive.
Rédigé par : Jean Philippe | 03 juin 2007 à 15:25
"La cause des peines planchers " ne m'apparaît ni bonne ni "mauvaise" mais simplement révélatrice de la tendance française à vouloir toujours légiférer pour masquer l'incapacité à régler une difficulté, un problème ou une question de société ne relevant pas de la loi !
Le projet - explicité dans la presse par le nouveau garde des Sceaux - semble très amendé par rapport à celui présenté lors de la campagne électorale par le candidat Sarkozy : en effet l'automaticité des sanctions est désormais écartée pour répondre à la censure que ne manquerait pas d'apporter le Conseil Constitutionnel ...
Il appartiendra simplement, pour écarter cette même automaticité, aux juges de motiver spécialement leurs décisions de ne pas prononcer la peine plancher créée !
L'individualisation de la sanction - constitutionnellement protégée - n'est donc pas remise en cause et bien au contraire la liberté de choix des juges sera en fait et en droit, une nouvelle fois, consacrée, confirmée, confortée même .
Alors pourquoi se féliciter du projet ou au contraire le contester puisqu'en pratique le texte susceptible d'être adopté par le nouveau parlement n'apportera concrètement aucun changement à la situation actuelle sinon une inversion des techniques de rédaction des jugements ou arrêts pénaux...
Majorité comme opposition se dispersent donc, à mon humble sens, en gesticulations démagogiques laissant accroire, encore une fois, que la loi peut tout régler alors que la société ne se réforme pas- ou à la marge - par lois ou décrets ...
Beaucoup de bruit pour rien en somme : le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit !
Rédigé par : Parayre | 03 juin 2007 à 14:59
Philippe, je comprends votre agacement en constatant le peu d'enthousiasme que suscitent les peines planchers au point que même TF1 - dont vous louez avec humour l'honnêteté - ne parvient pas à inverser la tendance.
Vous opposez ainsi une France des intellos syndiqués professant un humanisme angélique et irresponsable à une France profonde qui aurait, par son vote, approuvé jusque dans tous ses détails et conséquences chacune des mesures avancées par N. Sarkozy. Il y a là deux extrêmes qu'il conviendrait d'éviter.
Je voudrais, par exemple, que l'on m'explique comment une peine plancher sera appliquée en cour d'assises. Lorsqu'un jury répond à une dizaine de questions, dont les réponses peuvent moduler une culpabilité, nous voyons bien qu'aucun code pénal ne pourra prévoir tous les cas de figure pour y inscrire des peines planchers. Quand on connaît la procédure qui détermine une peine aux assises (à savoir que le jury vote successivement sur des peines décroissantes jusqu'à l'obtention d'une majorité qualifiée), quand on sait que ce jury est placé au-dessus de toute loi pour ne juger que sur son intime conviction et rien que cela, on voit bien que l'établissement de peines planchers aux assises revêt un caractère purement incantatoire qui n'aura aucune traduction pratique dans les faits.
La ministre a choisi de durcir les premières propositions en abaissant le curseur à 3 ans. Le Tribunal de Bobigny doit seul trembler puisqu'à l'évidence, c'est ce tribunal seul qui est visé. Veuillez observer ce qui se passe dans d'autres juridictions, notamment dans les tribunaux les plus répressifs en matière correctionnelle du sud de la France. Ceux-là vont au delà de toute peine plancher.
Ainsi donc - comme d'ailleurs le reste du programme politique avancé - nous nous trouvons face à des mesures plus démagogiques qu'utiles qui ont au moins le mérite d'être bien moins dangereuses qu'elles n'y paraissent.
Et oui, la cause des peines plancher est mauvaise pour la raison qu'elle masque volontairement les réformes profondes dont le système judiciaire a besoin. Les Français sont confrontés à une justice du quotidien, la justice civile interminable et hasardeuse, une justice correctionnelle encombrée faute d'une prévention efficace et, sur ces sujets, rien ne vient. Au lieu de s'attaquer aux causes des désordres, le gouvernement choisi de changer la couleur et la taille des pansements, sans désinfecter la plaie.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 03 juin 2007 à 13:53
Toujours la même dichotomie entre les médias et la réalité.
Pourquoi ne veulent-t-ils donc pas que la délinquance baisse ?
Qui a à y gagner quoi que ce soit ?
Certainement pas de jeunes écervelés qui "bousillent" la vie des autres tout autant que la leur, ni la société, les forces de l'ordre dont je n'envie en rien le quotidien...
Pourquoi ce manque évident de bonne volonté ?
Est-ce de la paresse intellectuelle, de l'insuffisance, une incapacité de penser en dehors d'une programmation ?
Si ce n'est pas ce que vous nommez en Droit : un conflit d'intérêt, je ne vois alors que la prison du fameux mode de pensée binaire : répression = méchanceté, droite, capital...prévention = gentillesse, gauche, partage.
C'est désolant.
Rédigé par : Ludo Lefebvre | 03 juin 2007 à 13:13