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07 août 2007

Commentaires

Véronique

@ Olivier

Je ne cherche pas la facilité d'utiliser vos phrases percutantes.

Mais quand même.

Un système fou de dispositions qui se superposent les unes aux autres (les x lois anti-récidive). Des moyens qu'il faut évidemment développer et qu'il faut cependant, en même temps, moderniser, rationaliser et gérer.

Mais aussi des administrations (justice, pénitentiaire, santé) qui ne savent pas et/ou qui ne veulent pas se réformer et travailler ensemble.

"S'en alerter est un acte moral. Dénoncer l'alerte, la minimiser, l'écarter, est aussi un acte moral. "

Je suis d'accord avec vous.

Mais je pense que le devoir d'alerte ne pas doit pas être présent que dans des prises de position de principe. Mais aussi dans les pratiques professionnelles des uns et des autres.

On peut discuter sans fin sur Sarko démago. On peut discuter sans fin sur le fait que des systèmes d'alerte apparaissent comme quasi absents dans les décisions et les pratiques de certains professionnels et responsables.

Je préfère qu'on raisonne calmement et que ceux qui maîtrisent les complexités d'un sujet comme celui de la récidive et qui peuvent agir le fassent simplement avec professionnalisme.

Je ne vous conteste pas cette passion dangereuse de punir qui s'empare d'une opinion indignée par un fait divers qui révèle d'abord des dysfonctionnements dans le devoir d'alerte.

Cependant, je crois que nous sommes capables de maîtriser la bête punitive qui est en nous, individuellement et collectivement. Pour peu que les politiques, les pouvoirs publics et les professionnels en charge de ces questions se positionnent, pour reprendre votre expression, en hommes et en femmes "volontaires et responsables."

Ce qui fait le lit de la passion punitive c'est d'abord l'angoisse de constater l'impuissance et le manque de détermination des uns et des autres face à des dysfonctionnements qui ne sont pas compréhensibles pour ceux qui ne sont pas coutumiers, à un titre ou à un autre, des grammaires brumeuses des univers liés à la justice.

C'est une écrasante majorité.

On peut le regretter. Mais il faut faire avec ça.

olivier

à Véronique,

Je vous suis tout à fait lorsque vous évoquez ce qui saisit en général le juré lorsque celui-ci, tiré de sa vie civile, se voit devoir juger. J'ai, comme vous je suppose, vu ce film sur un procès qui avait eu lieu à Aix en Provence et où l'on pouvait entendre le vécu de jurés, leur évolution, etc.

Là où notre désaccord est profond, c'est lorsque vous ignorez que quelque chose a lieu, chez nous, en nous, collectivement, que j'appelle la passion de punir.

Toutes les sociétés ne vont pas toujours bien. Il arrive qu'elles déraillent. Il arrive aussi qu'un démagogue saisisse ce qui tient le peuple, ce qui le tient au corps, et que ce démagogue l'instrumentalise pour sa propre jouissance et son pouvoir.

Oui, Véronique, de telles choses arrivent parfois, dans certains pays, à certains moments de leur histoire. S'en alerter vaut mieux que combattre ceux qui, comme Alain-Gérard Slama, s'en inquiètent. S'en alerter est un acte moral. Dénoncer l'alerte, la minimiser, l'écarter, est aussi un acte moral. (Malheur au fond à celui de nous deux qui aura eu raison avant l'autre).

Si le délinquant et le criminel ne sont pas des anges, il se peut aussi que quelque chose de sombre loge au creux de notre être ensemble, et que la plupart d'entre nous soient tellement attachés à cette part sombre qu'il refuse d'en voir l'inquiétant grossissement, les métastases, la généralisation.

Volontaires, donc. Volontaires et responsables.

Marcel Patoulatchi

Bernard de...,

J'ai du mal m'exprimer. Je ne définis pas non plus la réussite scolaire au simple mimétisme. Je pense qu'il est parfois à l'oeuvre chez certains. Néanmoins, d'autres font de brillantes études parce qu'ils sont particulièrement éveillés, « cette inconnue qu'est la chimie cérébrale ».

Vous n'avez pas tort de dire que « nous sommes tous l'illettré ou le savant d'un autre ». Je ne conteste pas cela. Mon propos de fond était la contestation de l'idée que les Assises seraient mieux tenues à Paris car, paraît-il, les gens y seraient plus fins parce que plus éduqués. Ce qui est régulièrement vrai est parfois complètement faux.

Parayre

@Catherine-Anne :

Le "pour ainsi dire" ouvrait la porte au "pont" que vous préférez !

Les hommes construisent, il est vrai, trop de murs et pas assez de ponts.

Celui qui ne peut pardonner aux autres se coupe des ponts qu'il devra traverser, car tout homme éprouve le besoin de se faire pardonner.

Catherine-Anne

@Parayre
« La justice bien comprise constitue pour ainsi dire le but du pardon.»

Personnellement, je ne dirais pas le but mais très certainement un pont. Pour le reste je suis d'accord avec vous.

Parayre

@Bernard de

La salle de la cour d'assises de Rouen est en effet superbe.

Les cour d'assises sont départementales et celle de l'Eure a pour siège Evreux.

Le TGI de Bernay existe toujours.

Parayre

@Catherine Jacob :


Le Christ souligne avec insistance la nécessité de pardonner aux autres : lorsque Pierre lui demande combien de fois il devrait pardonner à son prochain, il lui indique le chiffre symbolique de « soixante-dix fois sept fois », voulant lui montrer ainsi qu’il devrait savoir pardonner à tous et toujours.

Il est évident qu’une exigence aussi généreuse de pardon n’annule pas les exigences objectives de la justice. La justice bien comprise constitue pour ainsi dire le but du pardon. Dans aucun passage du message évangélique, le pardon, ni même la Miséricorde qui en est la source, ne signifient indulgence envers le mal, envers le scandale, envers le tort causé ou les offenses.

En chaque cas, la réparation du mal et du scandale, le dédommagement du tort causé, la satisfaction de l’offense sont conditions du pardon.


Bernard de ...

@ Parayre

L'Eure a, ou avait, deux juridictions, Evreux et Bernay mais l'actualité locale ne nous rapporte que les faits d'Evreux et de Rouen dont la salle des assises est je crois la plus belle de France (à voir bien sûr comme touriste).

@ Marcel Patoulatchi

Je ne cautionne pas non plus les thèses sur l'école de Bourdieu, mais je serais bien incapable de définir à quoi tient la réussite scolaire, je n'adhérerais qu'en partie à la notion de mimétisme, préférant garder l'autre partie à cette inconnue qu'est la chimie cérébrale.
Entièrement d'accord avec vous sur ces gens que l'on qualifie d'illettrés et qui font preuve de bien plus de finesse que des DEA ou DESS, et justement, peut-être que cet illettré apportera beaucoup plus d'attention à un débat d'Assises en tant que juré, (peut-être à cause de cette responsabilité qu'on lui confie momentanément ) alors que le DEA ou DESS pense tout connaître.
Personnellement je ne me permets pas de juger et définir qui est illettré ou docte ; peut-être en vertu de cette pensée socratique "Je sais que je ne sais rien" et de me dire que la différence de savoir entre cet illettré défini par des critères de société et moi ne doit pas être bien grande... Nous sommes tous l'illettré ou le savant d'un autre...

sbriglia

Je termine la vie d'Isorni... vous y êtes, à un moment de sa vie, partie prenante comme jeune substitut à la 17ème...
Vos réquisitions à ce moment-là sont dignes d'éloges ...
Je regrette d'autant plus le curieux amalgame que vous semblez faire de la robe et du triangle pour fustiger la profession que vous côtoyez quasi quotidiennement aux Assises et dont certains sont de vos proches amis...
J'aurais du continuer à profiter de mes vacances au lieu de bénéficier de "l'hébergement" internet de l'un de mes amis...

Catherine JACOB

@Marcel Patoulatchi à propos de :
« J'ai rencontré des gens que vous jugeriez illettrés capables de bien plus de finesse de vue que d'autres benêts qui hantaient les couloirs de l'université en produisant des DESS et autres DEA à la petite semaine (non, je ne parlerai pas de la sociologie aujourd'hui - c'est vrai qu'on trouve, parfois, exceptionnellement, de bons sociologues). Je n'adhère pas aux thèses de Bourdieu sur l'école, il faut néanmoins admettre que la réussite scolaire peut correspondre à un talent dans le mimétisme.»

a) Donc vous pensez que la capacité de résolution d’une équation du 3ème degré du style x3-3b2x+cb2=0b et c positifs. c inférieur à b. est une pure question de mimétisme ? Vous devriez démontrer la validité de cette théorie au travers d’un manuel scolaire qui aurait certainement beaucoup de succès et vous ferait des c… en or !
b) Mais j’abonde dans votre sens s’agissant de la finesse des vue des ‘illettrés’ opposée au manque de finesse prêté aux ânes diplômés. C’est d’ailleurs la leçon que l’on peut tirer de l'Émile, ou De l’éducation de Jean-Jacques Rousseau, un ouvrage qui décrit l’éducation idéale d’un jeune garçon fictif, Émile, et expose les théories de Rousseau sur l’éducation et que ce dernier dédie à la « tendre et prévoyante mère, qui sut s’écarter de la grande route, et garantir l’arbrisseau naissant du choc des opinions humaines!», lui disant « Cultive, arrose la jeune plante avant qu’elle meure : ses fruits feront un jour tes délices. Forme de bonne heure une enceinte autour de l’âme de ton enfant ; un autre en peut marquer le circuit, mais toi seule y dois poser la barrière […]Nous naissons faibles, nous avons besoin de force ; nous naissons dépourvus de tout, nous avons besoin d’assistance ; nous naissons stupides, nous avons besoin de jugement. Tout ce que nous n’avons pas à notre naissance et dont nous avons besoin étant grands, nous est donné par l’éducation ; [..] L’essentiel est d’être bon aux gens avec qui l’on vit.» Rousseau rejette l’éducation dispensée par « ces risibles établissements qu’on appelle collèges » , précisant : « Il y a dans plusieurs écoles, et surtout dans l’Université de Paris, des professeurs que j’aime, que j’estime beaucoup, et que je crois très capables de bien instruire la jeunesse, s’ils n’étaient forcés de suivre l’usage établi. » L’ouvrage se termine par le constat suivant résumé ainsi par Wikipédia : «Où qu'Émile soit allé, c'est l'intérêt particulier, l'abus de pouvoir, et le dépérissement de l'État qui règne. Où habiter quand tout est corrompu ? Le choix sera le suivant : là où Émile est né ; Quelle sera la fonction de l'homme éduqué selon la nature au milieu d'une institution pervertie ? Émile évitera au maximum cette perversion en habitant en campagne, là où les mœurs et les usages sont les plus stables ; sa mission sera d'exercer sa nature, c'est-à-dire être juste, et de fonder une famille avec Sophie. C'est le moment de la paternité d'Émile qui marque du reste la fin de son éducation. »
c) Quelle est la longévité de votre propre DESS ou DEA ?

@Parayre à propos de :
« J'ai dans mes fonctions parquetières, toujours eu, par définition, le sentiment d'intervenir trop tard, lorsque le mal était fait, le juste déchu et le "crime" consommé...»

N’y a-t-il pas un psaume qui dit : « Il n’y a pas de juste sur cette terre qui ne fautera pas.» Et n’est-ce pas pour cette raison que l’idée de Justice trouve son contrepoids naturel dans celle de « Miséricorde ».

Marcel Patoulatchi

Veronique,

Chaque affaire est singulière, soit.

Il n'y a cependant pas besoin d'être très malin pour saisir qu'une affaire opposant la parole d'un plaignant contre la parole du mis en cause qui avait un différent préalable aux faits, à l'appui d'un témoin en faveur du plaignant qui s'avère avoir menti en déclarant ne pas connaître le plaignant, est une affaire extrêmement friable. Deux versions qui s'opposent, pas d'ITT, un témoin incrédible, ça ne mène pas loin.


Aussi, si la question de « l'écart en temps entre le délit, la condamnation et l'exécution de la peine » est importante, elle n'éteint pas toute discussion sur les jugements prononcés. Un débat sur des détails pratiques n'interdit pas le débat sur des détails de principe.


Sur votre dernier point, je ne suis pas certain de saisir exactement où vous voulez en venir.

Véronique

@ Marcel

Quatre lignes qui résument une affaire et je serais en mesure d'avoir un avis sur le jugement !

D'autre part, votre comparaison entre deux décisions est abusive. Car chaque affaire est singulière.

Je pense également que ce n'est pas la question du jugement qui est prioritaire aujourd’hui, ni la nature de la composition d’un tribunal. Mais l'écart en temps entre le délit, la condamnation et l'exécution de la peine.

A mon avis, il est nettement plus nécessaire de remédier à cela.

Pour revenir au propos de la note par le biais du jury populaire.

Compte tenu de l’oralité des débats dans un procès d’assises et si je me réfère à ce qu'a écrit Maître Le Borgne dans une autre tribune du Figaro, qui nous dit que l’enjeu d’un procès aujourd’hui n’est pas la culpabilité mais le plus souvent la condamnation qui sera prononcée,
je pense que pour un avocat de la défense le défi est précisément de savoir sublimer ses options humanistes de principe.

Dépasser "l'éthique banal" dont parle Philippe, pour trouver les mots inattendus qui retiendront l’attention des jurés et surprendront les magistrats.

Je crois que l'art de convaincre en matière judiciaire passe par ce dépassement.

Parayre

@Bernard de...

Pardon de répondre à une question qui ne m'est pas adressée mais elle m'intéresse .

La notion de "jury de qualité" me paraît absurde pour avoir requis dans nombre de départements, des plus ruraux aux plus urbains (pour "info", Bernay n'est pas siège de cour d'assises) et connaissant les conditions légales, identiques au niveau national, présidant au tirage au sort des jurés sur les listes électorales.

Par ailleurs, la tenue de statistiques n'a guère de sens tant, par définition, les affaires criminelles ne sont pas ou peu comparables entre elles ...

Elles sont toutes singulières, par la personnalité des auteurs, des victimes, le contexte dans lequel elles sont nées, les circonstances ayant présidé à leur survenue.

C'est du reste la raison pour laquelle "l'acte de juger" n'est pas réductible - les anciens jurés le savent bien - à des affirmations de "café du commerce ", à des pétitions de principe, des rodomontades gratuites qui ne résistent pas à l'histoire humaine, trop humaine que constitue tout procès d'assises.

Juger c'est comprendre -ou tout au moins essayer - comment un homme, à un instant "T", est devenu un criminel alors que son histoire, souvent, ne le prédisposait guère à commettre l'irréversible...


Le sanctionner, c'est essayer d'adapter la peine à sa personnalité, à son passé, à son âge. C'est parier, toujours, sur l'utilité de telle ou telle peine susceptible d'être prononcée à son encontre - ni plus qu'il n'est utile, ni plus que nécessaire - sachant que souvent le condamné rejoindra notre société, si possible dans les meilleures conditions ...pour s'y réinsérer sa peine purgée.


Marcel Patoulatchi

Véronique,

Vous me demandez si, pour moi, « l'intérêt majeur des jurés en correctionnelle serait l'aspect plus sévère de leurs jugements ». Je pense que ce serait une conséquence probable de l'institution d'un tel jury dans un certain nombre de cas. Comme l'évoque monsieur Bilger dans l'article intéressant dont vous nous avez aimablement donné le lien, il n'y a guère de place pour le débat contradictoire au tribunal correctionnel même lorsqu'il siège en collège, les assesseurs étant facilement tentés de parler de la voix de leur maître. Cela ne pose pas problème systématiquement et partout. Mais ça y prête facilement. En somme, la question n'est pas de savoir si la juridiction sera plus sévère ou pas, mais de s'assurer que tous les angles d'approche d'une affaire seront abordés.
Pour donner un exemple concret, que pensez-vous d'une affaire où des individus relativement jeunes sont appréhendés par la police en pleine nuit, trouvés porteurs de bidons d'essences, à proximité d'un véhicule incendié, venant de cette direction, déjà connu de la justice pour des faits assimilables (vol de véhicule automobile, etc) ? Trouvez-vous une relaxe satisfaisante ?
Que dire quand peu de temps après, un SDF récolte une peine de 6 mois ferme avec mandat de dépôt pour une affaire de violences volontaires sans ITT avec une arme par destination dont il était prétendument porteur selon les témoignages de gens qui se révèlent être amis des supposées victimes, alors qu'ils ont prétendu lors de leur audition ne connaître ni plaignants ni mis en cause ?
Dans ces deux cas, celui de la clémence ou celui de la sévérité, vous conviendrez qu'il y a quelque chose de surprenant. Sans doute aurait-il fallu être présent dans la salle d'audience, l'explication s'y trouvait peut-être. Je suis tout de même d'avis qu'on gagnerait à inclure des jurés populaires dans ces audiences.


Bernard,

Vous demandez « des statistiques [...] sur les peines prononcées par département pour des inculpations semblables ». Pour jouer sur les mots, disons d'abord qu'on inculpe plus en France, on met en examen, on prévient ou on accuse. Blague à part, deux mises en cause peuvent être similaires par les textes visés mais recouvrir des faits et des circonstances particulièrement éparses. J'ai tendance à penser que c'est d'autant plus vrai en matière criminelle qu'en matière correctionnelle.

Quant aux jurys de « qualité », que dire sinon que je suis affligé de voir que certains évaluent, de manière très définitive, le bon sens et la capacité de comprendre le monde par la lorgnette de l'instruction. J'ai rencontré des gens que vous jugeriez illettrés capables de bien plus de finesse de vue que d'autres benêts qui hantaient les couloirs de l'université en produisant des DESS et autres DEA à la petite semaine (non, je ne parlerai pas de la sociologie aujourd'hui - c'est vrai qu'on trouve, parfois, exceptionnellement, de bons sociologues). Je n'adhère pas aux thèses de Bourdieu sur l'école, il faut néanmoins admettre que la réussite scolaire peut correspondre à un talent dans le mimétisme.
Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit, les gens n'ayant pas fait d'études ont parfois des difficultés qu'ont rarement ceux ayant fait des études, notamment en matière de raisonnement abstrait ou d'expression écrite. Mais ces deux points ne font pas d'un homme quelqu'un doté du bon sens ainsi que de la volonté de s'en servir, ces deux points ne déterminent pas pleinement la maturité d'un homme ; sa maturité intellectuelle sans doute, pas sa maturité affective, qui importe lorsqu'on doit juger des aventures humaines souvent empreintes d'affect.


Parayre

@Fleuryval: MERCI !

Vous savez que pour l'amour d'une rose, le jardinier est le serviteur de mille épines et qu'il se découvre devant la pensée sauvage.

Catherine JACOB

J’ai écouté dans la foulée l’un de l’autre, l’exposé sur le thème « Le Jury populaire source d’erreur ou de bonne justice » puis l’exposé sur le thème « Justice et secret » par l’ancien bâtonnier de Paris, Me Henri Ader. Indépendamment des contenus respectifs à propos desquels il me faut réfléchir encore pour savoir ce que je vais en retenir, je dois dire que le second exposé qui force l’écoute par son phrasé et une énonciation discrète, a quelque peu pâti de venir en dernier lieu et surtout juste après celui de notre avocat général préféré dont l’art du discours porte l’écoute qui s’y installe sans effort…
Mais bon, je ne serais ni un bon public, ni une bonne professionnelle du discours moi-même, si je devais m’en tenir aux apparences.

Bernard de ...

@ Catherine JACOB @ Veronique @ Philippe Bilger

Il serait intéressant de connaître si des statistiques sont tenues sur les peines prononcées par département pour des inculpations semblables. Et si oui, y a-t-il une grosse différence de verdict entre les cours d'assises de Paris, Lyon, Marseille ou Bordeaux qui peuvent se doter d'un jury de "qualité" et celle d'Evreux qui appartient au département de l'Eure ayant le record d'illettrisme en France (source INSEE). Bien que les jurys soient tirés au sort, les probabilités voudront qu'Evreux (ou Bernay) ait un jury composé de personnes éventuellement moins en vue que les quatres première villes de France.

Catherine JACOB

Je voudrais remercier Véronique pour avoir indiqué ce lien : http://www.asmp.fr/travaux/communications/2006/bilger.htm
Ayant eu la curiosité de commencer par cliquer sur la radio en ligne parce que je pensais qu’on pouvait écouter la séance concernée par le texte « Le Jury populaire source d’erreur ou de bonne justice » et que j’aime bien écouter les voix seules, car elles en disent souvent plus long que les figures et au moins autant que les textes, je suis donc arrivée sur le site http://www.canalacademie.com/ . De fait, la séance débutée à 15h47:57 concernait non pas le point de société évoqué par notre hôte, mais « la modélisation du climat et le rôle du CO2 » par Hervé Le Treut, climatologue et Edouard Bard, professeur au collège de France. Amusée par le nom du digne enseignant qui sonnait comme cette ‘unité de mesure de pression des fluides utilisée notamment en météorologie’, le bar et qui m’apparut venir en écho de ma remarque du 07 août 2007 à 18:46 sur le nom de Jean-Marie Quillardet et la « Quille » ainsi que de ma petite théorie sur la question, je me suis donc mise à l’écoute de cette séance de l’Académie des sciences.
Bien m’en a pris car il y a été incidemment question d’un très très vieux stalagmite de Chine qui avait permis de mesurer les variations climatiques sur un certain laps de temps, or ce sont là questions qui me trottent dans l’esprit depuis un moment parce qu’elles me paraissent une voie possible pour résoudre quelques énigmes en rapport avec mes recherches personnelles lesquelles butent notamment sur les modifications ayant pu être apportées par les eaux de ruissellement, souterraines et éventuellement océaniques aux documents qui m’intéressent, à l’environnement dans lequel ils ont été découverts ainsi qu’à l’aspect que pouvait présenter, notamment la salle dite « salle de l’ours » dans la grotte Chauvet à l’époque à laquelle les ossements d’ours dont elle pullule ont pu y être apportés. Cette salle comporte en effet un certain nombre de stalagmites d’une disposition extrêmement intéressante et qui, tout comme le nom propre peut servir de direction à celui qui le porte, a pu servir d’indication pour l’organisation d’un certain type de culte aux peuplades de l’époque considérée.
Je prie les utilisateurs du blog d’excuser les précisions ci-dessus qui n’apportent rien aux débats en cours, mais je suis tellement contente de l’idée qui m’est venue à l’écoute de cette séance de l’Académie des Sciences qu’il a fallu que je remercie immédiatement Dame Véronique dont la précieuse indication l’a permise.

Je vais bien sûr regarder et écouter maintenant la vidéo de la séance où Philippe Bilger s’exprime en costume ainsi que chaussé de lunettes... et non en robe pourpre à col d’hermine.

Fleuryval

@ Parayre
Fraternel "Chapeau bas".

Véronique

@ Marcel

Je ne vous fais pas un procès d'intention.

Mais je doute que votre préférence pour le tout jury populaire soit motivée par :

"L'intérêt majeur de ces jurés, c'est - dites-vous - l'aspect ponctuel de leur pratique."

Je pense que pour vous l'intérêt majeur des jurés en correctionnelle serait l'aspect plus sévère de leurs jugements.

Non?

@ Maître Sagardoytho

"j'ai hélas déjà plaidé devant des jurés dont il m'a été dit, sous la foi du Palais, par les juges du siège, qu'ils avaient bien vite oublié lors du délibéré leur serment d'équité et d'équidistance à l'égard des parties."

Est-il possible d'envisager que vos juges du siège, et là faisant fi de la foi du Palais, rappellent leur serment aux jurés lors du délibéré?

Je vous pose la question car je ne sais pas si cela est permis aux magistrats présents lors du délibéré.

@ Pour tous

http://www.asmp.fr/travaux/communications/2006/bilger.htm

M. Philippe Bilger

"Le jury populaire, source d'erreur ou de bonne justice?"

séance du lundi 23 janvier 2006
(Site de l'Académie des Sciences Morales et Politiques)

Catherine JACOB

@Thierry SAGARDOYTHO
«Le bon juge est équidistant des parties au procès ! Quel défi... »
Je souhaiterais apporter mon témoignage à cet égard. Ayant assigné il y a quelque temps un adversaire parce qu'il me paraissait avoir oublié de lire le texte précis des lois dont il se réclamait pour ne pas faire droit à une demande de ma part, devant le TGI de Thionville (son lieu de résidence, mais pas le mien) statuant en référé, à l’instant même où sa vice-présidente s’est aperçue que mon adversaire faisait partie disons de ‘son cercle’ de connaissances, elle s’est recueillie un instant puis a déclaré qu’elle ne pouvait pas prendre davantage connaissance du dossier et, bien qu’il s’agissait d’une procédure d’urgence, a renvoyé l’affaire à une audience devant être présidée par un magistrat différent. Bien qu’ayant été contrariée par le retard, j’ai salué cette manifestation de l’intégrité du magistrat ainsi que son respect de la motivation, et je profite de l’occasion pour le faire à nouveau dans ce contexte, et souligner qu'il y a des défis que certains savent relever tandis que d'autres éprouvent sans doute, si je vous lis bien, davantage de difficultés à le faire!

«En province, les jurys populaires sont hélas souvent moins richement composés qu'à Paris»
Je connais quelqu’un qui a été tiré au sort pour figurer sur la liste des jurés potentiels d’un jury d'assises de province. Il appartient à une famille représentée par un panel d’individus qui va du polytechnicien au photo model dans l’axe du domaine professionnel, et du descendant d’une lignée apparentée à l’une des dynasties ayant présidé aux destinées du royaume de France à l’ humble immigré d’une lointaine contrée dans un axe différent. Ce futur juré est quelqu’un qui ‘parle avec tout le monde’ et qui ne regarde pas la STAR AC… !

Marcel Patoulatchi

Thierry,

J'ajoute que j'ignore ce qu'est « la foi du Palais » (un code d'honneur pour initiés) mais je sais que des magistrats du siège n'ont pas à révéler quoi que ce soit sur le mode du délibéré.

Et tant qu'on y est, puisqu'on en est aux petites confidences à trois centimes, sous la foi du café du commerce, j'ai ouï-dire que certains présidents sont plus que directifs vis-à-vis des jurés. Je ne m'en choque pas particulièrement, cela contribue sans doute à la bonne régulation harmonieuse des délibérés. Qu'on ne dise pas ensuite que des abrutis sont livrés à eux-mêmes pour juger un homme.

Marcel Patoulatchi

Bravo Thierry,

Cela faisait plusieurs mois que l'on n'avait point entendu de parisianocentriste nous expliquer que le peuple de Paris est réputé pour sa hauteur de vue.

Qu'il est amusant de vous lire qu' « au stade de juger un de leur semblable, je vois souvent, en plaidant, que leur niveau de réflexion ne dépasse pas celui de l'épiderme ». Vous devriez donc leur donner des conseils, vous qui d'un coup d'oeil êtes capable d'évaluer leur niveau de réflexion, vous qui êtes capable de déterminer leur valeur par la simple connaissance du fait qu'ils regardent une émission de télé. En terme de juge, vous en faites un bien beau.

Le bon juge est équidistant des parties ? Equidistant, en effet : à même distance, face à des inconnus. Impartial en entrant dans la salle, in fine, on lui demande néanmoins de prendre partie, d'adhérer à une version des faits, ne serait-ce que partiellement. Car on ne saurait faire écrouer des individus sans conviction, sans intime conviction.
N'attendez pas que les jurés soient sans conviction face à vos clients - le but même des audiences est de leur permettre de se forger une conviction.

Bernard de ...

Chez Jean-Michel Quillardet, les propos semblent ressortir d'une fatalité médicale, d'un côté nous avons le patient pour lequel nous ne pouvons rien car atteint d'une maladie génétique dégénérescente, et de l'autre celui touché par une maladie virale contagieuse contre laquelle nous n'avons dans l'immédiat pas de remède, mais si nous laissons faire le temps, le malade finira bien par s'auto-immuniser. J'aurais une tendance à répondre que l'un comme l'autre doivent être mis en "chambre d'isolement" afin d'éviter toutes contaminations irréversibles.

Parayre

@Marcel Patoulatchi:

Ayant pas mal "bourlingué" dans ma vie, à l'étranger comme aux six coins de l'hexagone, j'ai subi, à titre privé et très douloureusement, la délinquance et lutté, non moins douloureusement, contre elle dans le domaine professionnel...

Pour autant, je ne partage pas votre vision apocalyptique de notre société contemporaine : je sais que le pessimisme est d'humeur et l'optimisme de volonté mais, appartenant certes à la seconde catégorie, j'ai aussi rencontré avec effroi des pessimistes désirant ce qu'ils craignaient pour... avoir raison.

Je ne me permets pas de vous ranger dans une ou deux de ces trois catégories mais m'interroge toutefois tant, habitué à vous lire avec intérêt sur ce blog ou le vôtre, je constate que vous développez régulièrement des analyses empreintes d'aigreur voire, pardon, de misanthropie.


Je sais bien que cette dernière est moins une haine qu'une indigestion des autres et que vos missions peuvent vous conduire à rejeter certains de nos "congénères" .

Cependant, les ayant aussi côtoyés, dans leur horreur parfois mais souvent aussi dans leur humanité, je n'arrive pas, sûrement doté d'un "humanisme" de nature à faire "peur", à vous suivre dans vos certitudes essentiellement répressives.


J'ai dans mes fonctions parquetières, toujours eu, par définition, le sentiment d'intervenir trop tard, lorsque le mal était fait, le juste déchu et le "crime" consommé...


J'ai pour autant, loyalement et rigoureusement exercé l'action publique mais, ces longues années ont, en fin de comptes, parfait ma connaissance de l'homme autant que nourrit progressivement mes doutes et mes interrogations.


Mes fonctions m'ont appris, en somme, que la lutte contre la délinquance est une navigation dans un océan d'incertitudes à travers de rares archipels de certitudes.


Le doute est à mes yeux, pour conclure, la base même du savoir puisqu'il est la condition essentielle de la recherche de la vérité...

Or, Marcel, on ne court jamais, n'est-ce-pas, après ce qu'on croit posséder avec certitude : la Justice n'existe pas, elle n'est qu'un rêve dans nos esprits, c'est tout !

hag

“Juger, c'est s'arracher à un jugement spontané pour se faire tiers à soi-même” .

Antoine Garapon Bien juger p. 304, 310 et s.

Thierry SAGARDOYTHO

@Véronique
j'ai hélas déjà plaidé devant des jurés dont il m'a été dit, sous la foi du Palais, par les juges du siège, qu'ils avaient bien vite oublié lors du délibéré leur serment d'équité et d'équidistance à l'égard des parties. En province, les jurys populaires sont hélas souvent moins richement composés qu'à Paris. Les jurés popluaires sont aussi, pour certains, spectateurs de la STAR AC. Au stade de juger un de leur semblable, je vois souvent, en plaidant, que leur niveau de réflexion ne dépasse pas celui de l'épiderme. Le bon juge est équidistant des parties au procès ! Quel défi...

marie

Je suis sidérée de voir que "notre" société donne autant d'importance à ce que pense le délinquant et que la victime est totalement oubliée.
non que la pensée du délinquant ne soit pas importante, je ne le nie pas.
mais je suis d'accord avec monsieur Bilger quand il dit que cet humanisme lui fait peur.
Ne faudrait-il pas avant toute chose s'intéresser à ceux qui souffrent parce que d'autres les ont fait souffrir.
Pourquoi les journalistes, les acteurs, les cinéastes, les animateurs télé en bref "les nouveaux intellectuels" de notre société ne se mobilisent-ils pas pour les victimes de viol, de vol par effraction, de dégradations totalement gratuites...
etc etc n'oublions pas que l'être humain a son libre arbitre et qu'il peut interagir sur des éléments extérieurs à sa volonté.

Pourquoi ne parlons-nous jamais des gamins des cités devenus grands qui ont eu un parcours professionnel sans faute ?
Pourquoi ne pas féliciter ceux-là avant d'essayer de pardonner à ceux qui se victimisent ??
Je suis sidérée de voir quel chemin nous prenons et que personne ne réagisse...
Merci Monsieur Bilger de montrer qu'à une place comme la vôtre vous avez votre liberté d'aller à l'encontre de la société bien pensante qui parle beaucoup mais n'agit pas ou s'agite dans le vide...et déresponsabilise une partie de la population qui aurait justement besoin de responsabilités.
sur ce...

Marcel Patoulatchi

Parayre,

Vous écrivez que « la vraie justice est le droit du faible ». J'aurais tendance à penser qu'elle est le besoin du faible, le recours du faible, mais qu'elle est le droit de tous. A dire qu'il s'agirait du droit du faible, on pourrait entendre que le fort ne la mérite pas, qu'elle ne lui appartient pas, ou qu'elle lui appartient moins qu'au faible. Je suis certain que vous conviendrez du caractère discutable d'une telle assertion. Forts et faibles ont besoin d'équité, de quelque chose de juste. Bref, la justice est le besoin de tous. Ajoutez à cela que parfois le fort peu devenir très faible, selon les circonstances, et vice versa.

Vous évoquez aussi cette « société obsédée de sécurité qui réclame du tout carcéral et demande à la prison d'enterrer ses peurs et de neutraliser ses risques ». Reconnaissez que nous en sommes loin, qu'il y a eu des abus de clémence. Reconnaissez qu'à force de se refuser à écarter de la société des éléments hostiles et incontrôlés, on a laissé se transformer la société en lieu d'incarcération pour certains. Les habitants des zones à émeutes sont pour partie en train de vivre dans un univers carcéral ouvert, contraints d'y rester pour raisons économiques, néanmoins devant y subir un ensemble de règles, implicites ou explicites, imposées par les commerçants du secteur au business le plus profitable et illégal. Pour parler concrètement, que dire de ces citoyens qui n'ont plus la liberté de dormir quand ils l'entendent car en bas de chez eux se pratiquent si régulièrement des rodéos de scooter, quads et voiture, rarement interrompus ? Lorsqu'un de ces habitants sort un fusil et tire en bas de chez lui, certains s'étonnent du drame qui se produit ; moi je m'étonne qu'il ne se produise pas plus souvent. La clémence pénale envers les auteurs d'infractions relatives aux violences urbaines n'a t-elle pas été une politique de sévérité extrême pour les victimes de ces violences ? Et que dire de ces violeurs en série à qui l'on a cru bon de laisser une chance ? La famille de la gamine tuée par Bodein milite pour la peine de mort, certains s'en étonnent : mais combien d'entre nous se disent-ils que si un de leurs proches était victime d'un tel individu, ils seraient grandement tentés de commettre un acte criminel vengeur ? La clémence n'est donc pas toujours si clémente, socialement parlant, tout comme la sévérité peut être à long terme une forme de clémence. Cet aspect des choses me semble perdu de vue trop souvent.

Véronique,

Ce que vous dites des jurés d'Assises est intéressant. J'aurais tendance à penser que nous devrions avoir un jury populaire dès la correctionnelle.

L'intérêt majeur de ces jurés, c'est, je pense, l'aspect ponctuel de leur pratique.

Un professionnel du droit, qu'il soit magistrat ou que sais-je d'autre en lien avec la procédure, va tout naturellement prendre ses habitudes, adopter des mécaniques répondant à des logiques déterminées au fil du temps. Surtout, la fréquentation du médiocre et de l'ignoble va lui imposer l'observation neutre et froide des procédures ; faute de quoi, il n'en dormirait plus la nuit, en particulier s'il a a connaître des affaires de moeurs. Ca désensibilise - un manque de sensibilité nécessaire pour que la pratique professionnelle n'ait pas de conséquences sur la vie privée, un manque de sensibilité nécessaire pour pouvoir poser un regard rationnel sur les faits, notamment pour être attentif aux cohérences et incohérences des positions des plaignants et mis en cause.

Le juré issu du peuple n'a pas encore pris d'habitudes. Il va prendre un bon bain de médiocrité humaine... Vous écrivez qu'ils seront « au coeur d'une expérience humaine et d'un dilemme », aspect des choses que le professionnel trop acclimaté risque d'ignorer. Expérience humaine, dilemme, il y a nécessairement une part d'irrationnel, de sentiment, dans la découverte par un citoyen normal des choses les plus sombres de la vie. Etre confronté à cela est sans doute utile pour juger, en particulier pour ne pas pratiquer la clémence aveugle que j'évoque plus dans ma réponse à Jacques Parayre : car fréquentant le monde normal, celui où l'on ne voit pas tous les jours du crime ou du délit, on ne peut sans doute pas si facilement donner dans une clémence aveugle qui favorise la transformation de ce monde en celui des tribunaux.

Je pense que les magistrats du siège devraient principalement s'attacher à étudier la culpabilité des mis en cause et laisser à aux jurés populaires la tâche du jugement, activité plus sociale que juridique, en matière pénale.

Véronique

"Tel l'âne de Buridan, partagé entre ma faim d'humanisme et de progrès et ma soif d'ordre et de sécurité (…)"

écrivait sbriglia le 10 avril 2007 dans son commentaire à votre post "Une France qui ne se sent pas bien".

"Etrange schizophrénie qui le fait osciller d'un juste pessimisme à une naïveté hémiplégique."

Maître Quillardet, tout comme sbriglia, n’est pas schizophrène.

Je pense qu'il faut accepter l'inconfort permanent de la lucidité qui se cogne à un idéal, et inversement.

Et je crois, qu’en réalité, vous ne parlez pas dans votre note de la tribune de Maître Quillardet mais de votre propre dilemme.

@ Olivier

Il n’ y a rien de passionnel dans la nécessité de punir et de réprimer.

Si vous lisez des témoignages de personnes qui ont été jurés d’assises, vous vous rendrez compte qu'à l'issue d'un procès, confrontés à l’histoire singulière d’un homme ou d’une femme, si chez les jurés il y avait avant "la passion de punir", le fait d’avoir eu à juger pour de vrai les a placés, pour la plupart, dans une autre perception. Au cœur d'une expérience humaine et d'un dilemme.

Ludo Lefebvre

Merci pour ce beau partage, Parayre.

Trop d'émotions coupent la communication, nous pouvions lire sur les panneaux publicitaire comme slogan pour RTL, je crois, en prenant les bus parisiens (je suis adepte surtout de celui qui passe par le Louvre en venant de Clichy) !

Je sais par expérience que trop d'émotions coupent aussi la raison. Une justice sera plus humaine, plus ouverte si elle ne se trouve effectivement pas surchargée par le ressenti. Il existe d'autres terreaux où cultiver la spontanéité, la pléthore de sentiments.

Parayre

Même imparfaite comme le sont toutes les institutions humaines -n'est-ce pas cher M.P - l’institution judiciaire est nécessaire pour dire la loi et la faire respecter.

En sanctionnant ceux qui la transgressent, elle garantit la cohésion sociale et la liberté d’autrui.


Parce que la vraie justice est le droit du faible, elle ne peut devenir l’otage de l’opinion publique ou des médias. Elle ne s’exerce pleinement que loin des passions et dans la quête d’une objectivité et d’une vérité toujours à conquérir.

A celui qu’elle sanctionne, la Justice doit rappeler, quels que soient les actes commis, qu’il reste membre de la société dont il a transgressé les règles, lui signifier qu’il reviendra un jour dans cette même société, et lui demander d’assumer sa responsabilité en gage de sa volonté de réinsertion.

En même temps, la Justice fait droit à la victime en la reconnaissant publiquement comme telle.

Elle cherche à la restaurer dans ses droits et dans sa dignité blessée.

Il n’est pas possible de réduire la victime à sa souffrance ni le délinquant à son crime ou à son délit.

Si la peine ne permet pas, à la fois, la guérison de la victime et la réinsertion du condamné, elle est une injustice de plus.


La société doit assumer un risque toujours possible de récidive. La réussite de la libération est à ce prix.

Une société obsédée de sécurité qui réclame du tout carcéral et demande à la prison d’enterrer ses peurs et de neutraliser ses risques, rend illusoire la mission de réconciliation de la justice.

C’est, à terme, la négation du droit.


La foi en l'homme invite à porter sur la victime et sur le coupable un regard d’espérance rendant possible un avenir.

Le souvenir de l’agresseur peut enchaîner la victime, la condamnation peut enfermer le coupable dans son passé. Le pardon est alors une invitation faite à la victime de ne pas s’identifier à ses seules blessures et au coupable à ses seuls actes.

Pardonner, c’est croire que la personne ne se réduit pas aux actes commis et que quelque chose de neuf est possible.

Parce qu’il guérit le coeur de la victime et
celui du coupable, le pardon accomplit l’acte de justice au-delà de lui-même et l’inscrit dans un horizon qui le dépasse.


Contribuer, participer, favoriser la réinsertion des coupables aident assurément à éviter d’autres victimes pour demain, sachant que les coupables d’aujourd’hui ont souvent été des victimes d’hier qui n’ont pu être entendues.


Les victimes, elles aussi, ont besoin d’être accompagnées tout au long de leur épreuve.


Une victime qui cesse de l’être, c’est une reconstruction aussi importante que la réinsertion des condamnés.

Fleuryval

Heureusement, l'inventivité humaine est sans limite et ne se met jamais en position d'arrêt. En s'attachant au long terme, le court terme et sa bienfaisance renouvelée ne se laissent pourtant jamais oublier.
Ca fonctionne aussi, même si c'est beaucoup plus difficile...
Un jour viendra peut-être où, symétriquement aux magistrats de la sanction, nous aurons ceux de la récompense.
Imaginez un peu: après une belle action, prendre deux ans ferme... de vacances!

hag

"L'humanité ne se décrète pas. Elle ne s'apprend pas sur les bancs d'une école ou d'un Palais".

Entièrement d'accord et elle a tendance à se perdre ...

Catherine JACOB

A l’invitation de notre hôte, j’ai lu l’article que l’on peut également trouver au besoin à cette adresse :
http://www.lefigaro.fr/debats/20070804.FIG000000783_delinquance_
et_punition_un_faux_debat.html

Que l’on me pardonne la relève d’un jeu de mots sur la base du nom propre, mais je me suis souvent fait cette remarque que le nom propre pouvait être perçu, inconsciemment, comme un signe de la direction à suivre. On peut en donner toute une série d’exemples mais qui seraient peut-être mal perçus de leurs porteurs aussi je m’abstiendrai. En revanche avec Jean-Michel Quillardet nous avons tout de même affaire à une figure publique qui prend position dans le domaine public, donc je risque.
S’agissant de commenter ceci :
« Il reconnaît que le mal existe chez quelques-uns mais refuse la conclusion triste qu'un tel constat implique : la nécessité de la prison.
Etrange schizophrénie qui le fait osciller d'un juste pessimisme à une naïveté hémiplégique. »
Je ferai donc observer que dans «Quillardet » , il y a « Quille » !!

Comment se positionner par rapport à la prison quand on ne fait pas partie des professionnels en rapport avec l’enfermement ?
Sans doute de deux manières. La première en tant que victime potentielle (ou d’ores et déjà avérée), la seconde en tant que susceptible de se retrouver soi-même ou quelque proche dans la position de l’enfermé (à juste ou… moins juste titre). Bien évidemment on aura là des points de vue fort divergents et encore davantage si l’on prend en compte les psychismes particuliers.
Néanmoins, si l’on essaie de se détacher de ces deux positions (ce qui n’est pas du tout évident) pour réfléchir sérieusement sur « le sens de la peine » au-delà encore de ‘poïna’, réparation et châtiment, on trouve encore quelque chose qui est le ‘regressus ad uterum’, ‘le retour à l’utérus’ qui symbolise une nouvelle naissance, et qui pense le crime comme une régression à un état ‘animal’ dont il faut revenir. Il s’agit là explicitement de ce crime bien particulier, mais qui peut sans doute en être considéré comme une figure exemplaire, qu'est le cannibalisme, lequel peut en effet apparaître comme une forme de transgression des règles de la parenté en général en tant qu’il s’agit de ce qui gouverne les rapports avec le semblable et par voie d’extension, le commun.
L’homme-loup est une figure antithétique à savoir un aspect d’une même figure qui peut, sous d’autres aspects, être bonne/nourricière/protectrice etc.…
Sur le plan du rituel, le ‘regressus ad uterum’ vise une transformation régressive, souvenir d’un culte totémique au dieu loup (qui n’est pas sans nous rappeler les peurs ancestrales de ‘la Bête’ – bête du Gévaudan, Loup-garou etc.… – ) et qui consistait à enfermer un individu dans la peau d’un animal puis à l’en faire ressortir en rampant. De la peau d’un animal on passe au chaudron (ainsi qu’à l’enclos sacrificiel préliminaire). Le texte est extrait de Anth. Pal (= Anthologie palatine) XV,36 et parle de Jason pour dire : « Mais il est mort deux fois, ayant eu deux naissances, d’un ventre humain d’abord, puis d’un ventre d’airain. » trad.P.Walz, J.Guillon cité par M. Halm-Tisserant p.247 in ‘Cannibalisme et immortalité.’
D’une certaine façon, sur le plan symbolique on peut se demander si le criminel épargné et dont le crime n’est pas purement et simplement compensé par une rançon (poïna→peine), n’est pas ‘tenu captif’ (pris → prison) dans le but de son retour possible, au titre d’une nouvelle naissance et dès lors le lieu d’enfermement peut être assimilé à l’enveloppe utérine, dépouille animal ou ventre d’airain (donc dans ce dernier cas, ce n’est pas ‘dura lex’, mais en quelque sorte ‘dura mater’ !!). A partir de là en effet, tant qu’il n’en est pas ressorti, en quelque sorte renaît, il conserve symboliquement (et tout le problème semble venir de ce que malheureusement, ce n’est pas que symboliquement ), un statut d’animalité tant que la ‘souillure’ générée par le crime n’est pas considérée comme ‘effacée’.
Mais à notre époque, je pense que les droits de l’homme doivent consister à affirmer ( ainsi qu’à expliquer à ceux de nos concitoyens qui le nécessiteraient) que si tel individu peut sembler avoir opéré une ‘transformation régressive’, ce n’est pas pour autant que nous, qui ne sommes pas censés avoir pas régressé aussi (ou bien ?), devons le considérer concrètement, et le traiter, autrement que comme un homme. En revanche, cette nouvelle naissance, que la modernité nomme réinsertion, et que le rite antique désigne très explicitement comme le but de toute l’opération, doit bien évidemment être réaffirmée avec force. Si l’opération magique qui consistait à enfermer le criminel dans une peau de loup puis à l’en faire sortir en rampant avait quelque efficacité, ce serait en effet bien pratique et ça résoudrait bien des problèmes pour futur contrôleur des lieux de privation de liberté, y compris celui de son financement. Mais bon, nous ne sommes plus à l’âge de bronze !
En revanche, les jeux de rôles, la dynamique de groupe, ainsi que cette idée de ‘ramper’ qui implique un statut d’infans devant apprendre, autrement dit réapprendre à vivre à l’air libre et qui véhicule avec l’idée de faiblesse, également une idée d’humilité, m’évoque le fait que Rikyû le Chajin, à savoir le Maître de thé qui dans le Japon shôgunal du 16ème siècle a fixé les règles de ladite ‘cérémonie du thé’, imposait au Shôgun de rentrer et sortir du pavillon de thé par une ouverture très basse qui nécessitait de ramper, précisément. Le Shôgun de l’époque a accepté de ramper un certain temps, puis un jour il lui a envoyé un poignard, ce qui signifiait qu’il devait se suicider. Néanmoins, les règles ont perduré et chaque geste est pensé dans le sens de l’obtention de la concentration et de la maîtrise de soi et de son agressivité. De ce point de vue, le Thé est d’ailleurs considéré comme un art martial et non pas comme une occupation pour jeunes filles de bonne famille entre l’Ikebana et l’aquarelle! D’ailleurs, jusqu’au 19ème siècle, les femmes n’étaient pas admises au service du thé.

Pour en revenir à Jean-Michel Quillardet, ce qui au départ pouvait paraître un simple jeu de mots est finalement au coeur du débat : "La Quille.. et puis après, quelle renaissance?"

Thierry SAGARDOYTHO

Ai-je mal saisi votre pensée ? Etre Avocat "serait-il un handicap pour une approche lucide de la nature humaine"? Quoique l'on pense de l'article rédigé par Me QUILLARDET, ce dernier serait-il "handicappé" par sa qualité d'avocat, ou de grand-maître, ou bien des deux ? Sans rallumer la sempiternelle guéguerre qui oppose magistrats et avocats sur certaines appréhensions de la nature humaine, je m'étonne de votre allusion ! Est-elle une provocation délibérée ou une ironie facile ? Je connais bien des magistrats à l'humanité limitée, qu'ils soient au siège ou au Parquet. Les avocats, quels que soient leurs défauts, ont tout de même un avantage de taille sur le magistrat : ils portent la voix de celui ou celle qui leur fait l'honneur de leur confier sa liberté et son destin. Leur humanité se projette bien au-delà de la seule préservation des intérêts fondamentaux de la société car ils sont souvent l'ultime bougie qui maintient la flamme et jette un peu de lumière dans la nuit carcérale des justiciables. Le marathon judiciaire, qu'il soit correctionnel ou criminel, est une épreuve qui exige de la patience et de l'endurance. Tous les justiciables ne partagent pas ces qualités. Combien de défenseurs, sans grade, modestes, inconnus, portent laborieusement au quotidien la souffrance de leurs clients et tentent de la faire partager, serait-ce un instant, aux juges chargés d'appliquer la Loi... L'avocat n'avale pas nécessairement toutes les couleuvres de son client mais son devoir est d'écouter le justiciable puis de le guider. Combien d'erreurs judiciaires ont débuté parce que l'avocat s'était refusé à croire ce qui paraissait incroyable de prime abord ! Les magistrats n'ont pas le monopole de la lucidité dans l'approche de la nature humaine. Il n'existe d'ailleurs aucun cours en cette matière à l'ENM. Et pour être déjà intervenu dans des séminaires de cette école que l'on dit prestigieuse, j'ai été marqué par le peu de cas que certains élèves (nécessairement brillants puisqu'admis au concours) manifestent à l'égard des règles les plus élémentaires de politesse. Que dire aussi des exercices de simulation d'audiences lorsque le chargé de formation s'empresse de faire des remontrances aux auditeurs qui, sensibles aux charmes de la plaidoirie d'un avocat plaidant, se distingueraient par le choix d'une peine trop clémente ??? Formatés dès l'école et pas nécessairement dans le sens de l'humanité ! L'affaire BURGAUD a mis en exergue la surdité de certains juges face à l'humanité souffrante qu'ils affrontent au quotidien. L'humanité ne se décrète pas. Elle ne s'apprend pas sur les bancs d'une école ou d'un Palais. Elle se forge au quotidien, au gré de nos existences respectives. De grâce, accordez à Me QUILLARDET un peu de votre indulgence !
Puisque vous saluez M. VAN RUYMBEKE, j'ai lu avec intérêt l'ouvrage documenté de Fabrice LHOMME le concernant. Ce Magistrat incarne l'honnête homme. Je doute qu'il ait acquis ces qualités à l'école. Ce capital lui était propre et sa carrière lui a permis de les cultiver. Je lui souhaite de tout coeur de retrouver la sérénité nécessaire à ses fonctions.
De grâce, M. BILGER, pas de naïveté hémiplégique.

olivier

Une passion de punir qui a saisi le corps social (plus encore que les procureurs), et dont chacun pourrait constater au quotidien qu'elle est inefficace,

une passion de punir que quelques intellectuels ont bien saisi (Alain-Gé Slama, pas franchement gauchiste),

une passion de punir qui fait exploser les chiffres de la détention, des amendes, des privations, etc,

une passion de punir qui se lit à travers les 2/3 des commentaires ici,

voilà ce qui me fait peur.

Voilà ce qui ne s'arrête pas, de lois en nouvelles lois, de décrets en attendus, voilà ce qui semble posséder notre être-ensemble.

( et l'humanisme me terrorise moins, dans l'ensemble, même si j'écoute Alain Finkielkraut quand il en pointe le danger désarmé-désarmant d'un certain humanisme).

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