Avant de devenir l'avocat de tous les citoyens en qualité d'avocat général, à la cour d'assises de Paris depuis environ douze ans, j'ai découvert et pratiqué le droit de la presse qui est devenu une véritable passion intellectuelle. Sans doute parce que le byzantinisme et la complexité de cette matière me renvoyaient plus à mes études littéraires qu'à l'austérité et à la sécheresse des disciplines juridiques.
Le citoyen, dans ce domaine, a pris la relève du magistrat confronté à la chose criminelle. Je ne cesse pas, féru et friand de médias, de réfléchir sur la liberté d'expression, les offenses qui lui sont causées et ses éventuelles limites. Il me semble que s'interroger sur cette exigence démocratique constitue un questionnement central dans une société qui perd ses repères, brouille ses messages et bouleverse l'ordre de ses priorités. Ce qui, hier, était clairement perçu comme une conquête à sauvegarder à tout prix pour le bien de la République - une pensée, une parole et une écriture libres - s'est délité sous l'influence de clans et de groupes qui sont parvenus à obtenir, chacun, un fragment de ce capital précieux. Ce pessimisme, qui naît d'un constat facile à opérer si on veut bien attacher son esprit à cette régression grave, ne m'empêche pas de redouter le sommaire et le péremptoire qui viennent trop souvent altérer cette problématique.
Ainsi, dans l'hebdomadaire Marianne paru du 10 au 16 novembre, la lecture d'un article, pourtant excellent, de Clara Dupont-Monod sur "les nouvelles censures" m'a laissé sur ma faim parce que, me déstabilisant par ses certitudes, il m'a privé des doutes et des hésitations qui doivent enrichir l'intelligence dans ce débat.
J'ai moi-même scrupule à évoquer les pistes qui se sont ouvertes devant ce texte trop sûr de lui, tant il convient de s'avancer, pour la liberté d'expression, sur la pointe de l'esprit, avec infiniment de prudence et de modestie.
Je ne fais évidemment pas référence à l'erreur, dérisoire, sur l'article premier de la loi de 1881. Il n'édicte pas que "la presse et l'imprimerie sont libres" mais que "l'imprimerie et la librairie" le sont. Mais, plus globalement, à l'analyse qui cherche à démontrer qu'il y a de "nouvelles censures" plus contraignantes que les anciennes et que la modernité brime l'art, le spectacle, la littérature plus qu'elle ne les favorise.
Deux différences fondamentales, déjà, opposent hier à aujourd'hui, le passé lointain à l'époque contemporaine. Elles tiennent aux bonnes moeurs et à ce que j'appellerais le caractère majoritaire de la censure.
Aujourd'hui, loin de représenter un handicap, la transgression des bonnes moeurs, voire la recherche éperdue, et de plus en plus difficile, de l'innommable, la volonté de ne plus se laisser imposer sa loi par un indicible lié à la bienséance intime, sexuelle, l'obsession de coller à tous les dégoûts possibles et imaginables constituent le nec plus ultra d'une création qui s'enorgueillit de faire fi des décences d'antan. Je ne prétends pas que dans ces débauches de l'esprit ne se mêle pas, ici ou là, du talent, de l'invention mais sans doute, pour manifester à quel point on a répudié la litote corporelle, est-on allé trop loin dans l'expressivité de ce qui gagnerait, parfois, à être occulté pour avoir plus de puissance d'évocation. Les bonnes moeurs ont été remplacées artistiquement, au mieux par des moeurs indélicates, au pire par un culte de l'instinct brut. Je sais bien qu'on pourrait dénicher encore dans telle ou telle page, dans telle ou telle scène, une bluette, une douceur, l'harmonie des chairs et la sérénité de l'amour mais je ne suis pas sûr que ce soient ces fragments tranquilles et ordinaires qui attireront une critique plus soucieuse du sulfureux et de l'atypique que d'une normalité un peu grise et triste.
Ce qui, encore plus profondément, distingue les censures entre elles, c'est que les anciennes étaient affichées, proclamées et imposées par une société tout entière tournée vers la défense de ses valeurs dominantes, qui étaient d'ordre et non de rupture, d'intégration et non de contestation, de beauté inscrite dans le temps et non de fulgurances portées et détruites dans l'instant. Une majorité s'accordait sur ses goûts, ses choix, son esthétique et cherchait autant que possible à empêcher une minorité, qui avait une autre vision artistique, de les troubler et de les mettre en cause. Le singulier peinait à se faire une place face au classique parce que celui-ci apparaissait comme la respiration naturelle, le langage évident.
Les nouvelles censures, à supposer qu'on puisse ainsi les regrouper, constituent, au contraire, l'expression de mouvements isolés, de revendications politiques identifiables et d'interventions d'humeur souvent appuyés par une judiciarisation à outrance. Ils ne sont soutenus par aucune adhésion de masse, ils s'inscrivent comme une résistance à l'air du temps et au sentiment majoritaire, imprégnés précisément de ce qui faisait peur et honte. Maintenant, on peut dire que la société artistique, celle qui lit et regarde, celle qui tranche et décrète, celle qui donne le la, a rendu dominantes les contre-valeurs de la déstructuration, du désordre, de la distorsion et de l'informe. Ce qui faisait cohérence est rejeté au profit de ce qui détruit le sens. L'inachevé a pris le pouvoir sur le composé et le problème, c'est qu'une esthétique désarticulée qui n'était légitime que dans les marges occupe maintenant tout le territoire. Une société imposait sa censure. Une société se bat contre la censure. Cet unanimisme de la révolte contre ce qui prétend ponctuellement entraver et interdire est d'autant plus dangereux que, pour les moins lucides, il les détourne de cultiver et d'admirer le fondamental de l'art : non pas son droit à n'importe quelle expression mais le choix et la qualité de celle-ci.
Rien n'est simple, il est vrai, puisque les bonnes moeurs ont été remplacées, sur le plan moral, par une bienséance qui n'est pas loin de faire peser sur la création une chape de plomb encore plus accablante que celle de la pudeur et de la vertu. Aussi, aujourd'hui, comment ajuster correctement son regard devant des représentations artistiques qui mêlent souvent une audace facile au convenu éthique, les aberrations de la forme au didactisme du fond, un humanisme obligatoire à la pauvreté de l'imagination et de l'invention ? Cela donne un art à la fois prêcheur et stérile.
Il est évident qu'on pourra toujours trouver, dans l'effervescence contemporaine, des impérialismes du bon goût, de la beauté, de la religion qui ressemblent à des envies de censure sauf que solitaires et dénués d'appui, ils se heurtent à la réprobation générale et sont déclarés dangereux à l'instant même où ils sont facilement vaincus.
Je m'aperçois que je suis tombé dans le panneau que je désirais éviter. Pour offrir modestement une autre approche que celle, systématique, proposée par Clara Dupont- Monod, j'ai, pour dénier ou relativiser l'existence de "nouvelles censures", adopté un ton et proféré des affirmations qui, l'un et les autres, sont en contradiction avec le titre et le calembour sans doute discutable de mon billet. En effet, si le droit de la presse, la réflexion sur la liberté d'expression, l'analyse de la parole et de l'écrit ne m'ont permis de découvrir qu'une seule certitude, c'est celle, justement, de l'infinie diversité des questions posées, du caractère vertigineux des avancées et des retraits de l'intelligence, du doute bienfaisant et du scrupule nécessaire.
Censure et certain ? Détester la censure, défendre la liberté sont des obligations, représentent des devoirs qui ne clôturent pas le débat mais l'ouvrent. Bon courage.
@Véronique
C'est l'histoire de l'oeuf et de la poule. Si les téléspectateurs ne regardaient pas Ruquier et autres daubes, les patrons des chaînes, soucieux qu'ils sont de l'audimat, présenteraient autre chose. Je crois vraiment qu'on a la télé qu'on mérite. Comme les hommes politiques d'ailleurs. Il faut arrêter de dire "la télé c'est nul, c'est violent, c'est mauvais pour les enfants, etc." Le libre arbitre ça existe, l'esprit critique ça s'affûte. Il y a autre chose à faire qu'à se coller devant un écran tous les soirs, la bouche ouverte à attendre je ne sais quelle becquée.
Ne demandons pas à la télé d'éduquer, de cultiver. Ce rôle, me semble-t-il, devrait avant tout être celui des parents, de l'école ensuite, qui devrait être capable de pallier les éventuelles carences de ces derniers, capable de rendre la littérature, la peinture, la musique, attrayantes et sexy, de faire découvrir d'autres horizons qu'un carré borné.
Je ne trouve pas irréaliste de demander à des chroniqueurs d'avoir lu les livres dont ils parlent, ce devrait être la moindre des choses. Simplement, pour faire le choix de ses lectures, je crois qu'il y a d'autres sources plus fiables que la télé. Mais il y a maldonne : la télé par essence est faite pour nous river bêtement devant elle, passifs et contents de l'être. Pourquoi voudriez-vous qu'elle nous donne des envies buissonnières, ce serait suicidaire :-)
Rédigé par : catherine A. | 19 novembre 2007 à 17:56
Encore une fois : Très bien écrit !
Quel talent...
Mais la nouvelle censure ne s'attarde pas seulement à l'expression artistique !
A moins de considérer l'art de la "parole dite" comme un genre à part entière : nos "politiques", pour se donner en spectacle en permanece y font merveille.
Du temps où j'étais encore à la fac, Roger-Gérard Schwarzenberg (le futur ministre de la Recherche de je ne sais plus qui, mon prof de "sciences po", l'ex plus jeune agrégé de France et de Navarre) reprenait le vocable de "Politique spectacle" !
Rédigé par : Infreequentable | 19 novembre 2007 à 11:14
@ Bernard
"Onfray n'est pas philosophe, mais professeur de philosophie et essayiste."
Disons que M. Onfray est un intellectuel.
ça vous va ?
"Si vous pouvez trouver les interventions filmées de Gilles Deleuze, écoutez-les."
Les médiathèques, normalement, sont également faites pour cela. Pour conserver, donc pour pouvoir encore trouver et rendre accessible ce qui peut disparaître.
Rédigé par : Véronique | 19 novembre 2007 à 10:58
@ Véronique
Onfray n'est pas philosophe, mais professeur de philosophie et essayiste. Si vous pouvez trouver les interventions filmées de Gilles Deleuze, écoutez-les. Vous ferez la différence entre un philosophe (Deleuze) et un essayiste (Onfray). Pour être philosophe, il faut créer un concept (dixit Deleuze) ce n'est pas le cas de Michel Onfray.
Rédigé par : Bernard | 19 novembre 2007 à 08:15
@ olivier-p
"Là, c'est votre blog-notes..."
Là, Philippe Bilger s’appelle François Mauriac - si j'ai compris la référence ??? -
waohhhhhhhhh ! (copié et collé de chez cactus)
@ Catherine A
"Mais qui a dit que regarder la télé est obligatoire ? Zemmour chez Ruquier, pas vu, Durand recevant je ne sais qui, pas vu. Il n'y a vraiment pas que la télé dans la vie et choisir c'est renoncer, renoncer à regarder n'importe quelle ânerie."
Mais un service public de TV, c'est-à-dire subventionné, n'est pas obligé de présenter comme culturel un programme où des chroniqueurs n'ont pas, par exemple, lu les livres qu'ils conseillent fortement de lire.
Je perçois dans un parti pris qui n'est que promotionnel une forme d'atteinte à une liberté et à une diversité d'expression. Au sens où choisir de ne promotionner que la personne qui a écrit au détriment de l'apport du livre chroniqué entretient un manque de sens et un brouillage des valeurs.
La question de la censure n'est pas pour moi aujourd'hui dans le interdire à un public mais dans le priver un public de.
Est-ce irréaliste de demander à ceux qui, dans un service public, conseillent des livres, des films, des spectacles, des expositions que le minimum requis soit d'avoir lu le livre ou d’avoir vu le spectacle ?
Par rapport à Avignon.
Quand Jean Vilar met en scène G. Philipe à Avignon, il opère une sorte de jonction entre une référence commune (G. Philipe), un patrimoine collectif (Le Cid) et un lieu magique (Avignon).
Je pense que dans les représentations théâtrales les plus audacieuses, les plus à l'avant-garde, les plus inouïes, au final, ce qui comptera c'est la suprématie du nous qui finira par prendre le pas sur le "je" du créateur.
Mais je ne suis pas une spécialiste, très loin de là. C'est juste mon sentiment.
Rédigé par : Véronique | 19 novembre 2007 à 06:19
Mais qui a dit que regarder la télé est obligatoire ? Zemmour chez Ruquier, pas vu, Durand recevant je ne sais qui, pas vu. Il n'y a vraiment pas que la télé dans la vie et choisir c'est renoncer, renoncer à regarder n'importe quelle ânerie. Choisir de lire, d'écouter de la musique, de regarder voler une mouche plutôt que d'avaler certains programmes. Pourquoi s'obstiner à regarder jusqu'au bout un émission sans intérêt ; à moins d'être masochiste. Je ne le suis pas et utilise depuis longtemps ce petit bouton sur la télé, qu'il suffit d'enfoncer pour que l'écran s'éteigne.
Pour revenir au post de Philippe, en lisant les papiers enflammés sur Jan Fabre, qui fut invité d'honneur d'Avignon, je me souviens avoir bien ri ; bien ri en pensant aux deux heures nauséabondes que s'étaient offertes ceux pour qui les trouvailles de ce monsieur sont "extraordinaires mon cher". Ils trouvent qu'un metteur en scène qui demande à ses acteurs de pisser sur scène (je reste soft) c'est de l'art, hé bien grand bien leur fasse, pour moi c'est du cochon (c'est facile mais je ne résiste pas). Ce qui me gêne plus est que certains de ces proclamés créateurs promus au rang de vedette attirent subventions et commandes publiques mais qu'un colectionneur privé veuille s'offrir une crotte en guise de sculpture (il s'est même vendu dans une galerie un étron de la fille de Tom Cruise), cela veut dire au pire qu'il a un goût de chio bip bip (au sens premier du terme), au mieux qu'il a un certain sens de l'humour, à coup sûr en tout cas qu'il a de l'argent à jeter par les fenêtres.
J'arrête car je m'énerve. Un cadeau en guise de conclusion, cet avis à l'entrée d'une expo à Brooklyn : "le contenu de cette exposition peut provoquer chocs, vomissements, confusion, troubles, panique, euphorie et anxiété. Si vous souffrez d'hypertension, de désordres nerveux ou de palpitations, vous devriez consulter votre médecin avant de visiter cette exposition".
Que croyez-vous qu'il arriva ? La foule se pressa . Il y a des jours où je me dis qu'il n'y a plus qu'à tirer l'échelle. Sur ce je crois que je vais me plonger dans les souvenrirs entomologiques d'un autre Fabre, Jean-Henri celui-là. Je vous le recommande : deux volumes dans la collection Bouquins de celui qui fut un grand entomologiste et aussi un magnifique écrivain. Plus jamais après l'avoir lu vous ne regarderez une araignée ou un scorpion du même oeil et vous passerez, en le lisant, des heures éblouissantes. Belle soirée à tous.
Rédigé par : catherine A. | 18 novembre 2007 à 19:51
Les ciseaux d'Anastasie ?
Alfred Grosser raconte ceci :
"Napoléon avait trouvé la solution : il avait chargé un excellent journaliste de lui dire la vérité dans un journal tiré à un seul exemplaire réservé à l'Empereur"
La censure en France à l'ére démocratique
Pascal Ory - Robert Abirached
http://books.google.fr/books?id=7KDk6aiWxNAC&dq=censure
Rédigé par : Marie | 18 novembre 2007 à 11:58
Là, c'est votre blog-notes...
Rédigé par : olivier-p | 18 novembre 2007 à 10:48
@ Ludo
Alors il faut m'expliquer pourquoi moi, qui ne partage probablement rien des idées de M. Onfray, qui ne suis pas une lectrice de philosophie, j'ai du plaisir à l'écouter et à le comprendre. Avec E. Zemmour, j'ai l'impression de suite qu'il recycle à tout va un air du temps. Et qu’il est, malgré le mal qu’il se donne, dans le profil, en résonance, en connivence avec le médiatique.
Quand ils interviennent dans les médias classiques, Onfray et Finkielkraut sont accessibles. Intéressants et passionnants parce qu'inattendus. Ils ont de l'ambition pour ceux qui les écoutent. Ils ne se défigurent pas.
"Les endroits infréquentables sont ceux où le message a très peu de chances de passer, où l'on doit fonctionner à contre-courant (chanter une chanson, faire des confidences sur sa vie sexuelle, subir la proximité d'invités déplorables, partager son temps avec des chroniqueurs abrutis et grossiers, etc.)" M. Onfray dans Lire
Au fait, qu'a dit E. Zemmour chez Ruquier samedi dernier. Qui s'en souvient ?
Et d'un point de vue d'audience ou de marché. Quand on possède un savoir-faire et du talent, on n'a jamais intérêt à se positionner dans le bas de gamme. D'autres finiront, toujours, par faire moins cher que vous.
Rédigé par : Véronique | 17 novembre 2007 à 19:07
"Censure et certain ?"
roooooo , waohhhhhhhhh !
là, votre massage subliminal de passer au premier plan :
vous êtes trop fort !
j'ai le subconscient en veille dorénavant !!
Sissi !!! (j'insiste)
Rédigé par : Cactus consciencieux, arroseur à rosée | 17 novembre 2007 à 17:01
Je pense que Michel Onfray fait une erreur en ayant une position snob vis-à-vis des émissions populaires. C'est dans l'arène qu'il faut aller parce que c'est dans celle-ci que l'opinion se fait. Aller secouer les tôles des pré-fabriqués permet peu à peu, avec beaucoup de patience, de faire entendre un autre point de vue, de changer un tout petit peu cette pensée commune qui dort. J'ai eu tort en cela de critiquer la position prise par E Zemmour il y a quelques temps, ici même, même s'il est vrai qu'il a été recruté comme contestataire parce que plus personne ne voulait accepter les invitations partisanes. C'est le seul qui aille aujourd'hui au front et il est entendu .
Debray, Onfray, Taguieff, Finkielkraut, Gauchet, laparachie, Bruckner... dans leurs domaines respectifs émettent des pensées intéressantes, encore faut-il vouloir les partager avec le plus grand nombre et le plus grand nombre ne se trouve pas sous un chapiteau à Caen avec la musique de Nietzsche, mais bien devant son petit écran le samedi soir ou à l'heure du souper.
Lorsque l'on n'est pas désinvité ou coupé au montage donc qu'on peut le faire, cela me semble une bonne idée d'aller se confronter pour soi et les autres. Constater la censure basée sur le paraître est très bien, aller la bousculer est encore mieux.
Rédigé par : Ludo Lefebvre | 17 novembre 2007 à 16:57
Si seulement vous étiez libre de publier ce texte dans l'Art Press de Catherine M. ! Les gens cultivés sont une écrasante majorité à s'élever contre cet académisme de la nullité formelle et de la subversion subventionnée qu'est devenu l'art contemporain.
Mais ils ne sont pas suffisamment médiocres pour appartenir aux réseaux de copinage qui "tiennent" l'art public et qui ont un intérêt pécuniaire bien compris à ce que l'art s'abaisse à leur niveau.
Chaque fois que je vais à la FIAC ou à la FNAC, je déprime. Hier : Balzac, Delacroix, Bloy. Aujourd'hui : Houellebecq, Beigbeder et les "installations" du palais de Tokyo.
Ainsi va la décadence.
Rédigé par : Gaétan B. | 17 novembre 2007 à 16:38
En complément.
"Deux différences fondamentales, déjà, opposent hier à aujourd'hui, le passé lointain à l'époque contemporaine."
Peut-être aussi une troisième. Le marché, la production, la distribution.
Aujourd'hui, un ramdam semblable à celui qui a accompagné un film comme Le dernier tango est-il envisageable ? Alors que le cinéma se regarde en DVD sur écran plat et que la diffusion télé du film va déterminer une bonne part de son financement ?
Dans Marianne, la journaliste prend pour exemple de nouvelle censure la non parution d’un livre consacré à Cécilia Sarkozy.
Bah... ce n’est peut-être pas plus mal.
Je parle d'un point de vue de qualité et d'intérêt éditorial et journalistique. Les livres écrits en 15 jours et lus en 30 minutes sont aussi des formes de censures et des atteintes banales à la richesse de l'expression.
Vous ne croyez pas ?
Rédigé par : Véronique | 17 novembre 2007 à 16:26
"le fondamental de l'art : non pas son droit à n'importe quelle expression mais le choix et la qualité de celle-ci."
Waaoh ! Mike a exprime l’essentiel de mon commentaire.
Dans le magazine Lire de ce mois il y a un entretien avec Michel Onfray.
Lisant votre note, je pense à ce qu'il dit à propos de ses interventions dans les médias. Qu’il ne réserve qu’aux émissions à caractère littéraire et culturel.
Ainsi, songeant à ce que dit M. Onfray, ce qui me semble important d'ajouter à votre note :
la question est également de savoir dans quel lieu et avec qui la liberté et la qualité de l'expression sont les plus garanties et les plus fiables.
Rédigé par : Véronique | 17 novembre 2007 à 13:41
"Dans les régimes dits "libéraux", le conformisme, si marqué soit-il, est d'une toute autre nature. Il ne renvoie pas à une doctrine officielle appuyée sur un bras séculier ; il est insinuant et diffus. Ce conformisme constitue, lui aussi, une censure ; mais cette censure ne ferme pas les journaux, ne condamne pas les "dissidents" à la prison, à l'exil ou à l'hôpital psychiatrique. Marcuse a parlé à ce propos de "tolérance répressive".
En fait, le conformisme dans les régimes "libéraux", qui ne saurait être confondu avec le conformisme totalitaire, se caractérise par trois traits. Il s'en tient à l'implicite et préfère présenter ses dogmes comme des évidences "scientifiques", comme on le voit par l'exemple des diverses idéologies qui ont cours dans l'ordre pédagogique ou économique. En deuxième lieu, la défense du conformisme n'est pas directement assumée par l'Etat. Les "listes noires", l'étouffement par le silence remplacent le camp de concentration. En troisième lieu, la censure du point de vue cognitif constitue moins un mécanisme de répression qu'un mécanisme d'inhibition. Elle appauvrit le champ des possibles parmi lesquels notre esprit pourrait exercer sa capacité d'élection. Elle ne nous interdit pas telle pensée, elle nous détourne de nous y arrêter. Elle surveille plus qu'elle ne punit. Comme elle n'est pas strictement centralisée, elle procède par addition de biais cumulatifs, qui produisent un consensus sur des "croyances négatives" plutôt que sur des "croyances dogmatiques"."
Raymond Boudon et François Bourricaud, p. 98-99, Dictionnaire critique de la sociologie, éditions PUF, mars 1994
Rédigé par : Jean Robin | 17 novembre 2007 à 11:39
Juste à titre d'information et de clin d'œil.
Le dépôt légal, créé par François Ier et origine de la censure organisée en France, a fermé ses portes il y a un an environ.
Il était hébergé dans les locaux du ministère de l'Intérieur.
Rédigé par : Surcouf | 17 novembre 2007 à 11:30
« Ce qui, hier, était clairement perçu comme une conquête à sauvegarder à tout prix pour le bien de la République - une pensée, une parole et une écriture libres - s'est délité sous l'influence de clans et de groupes qui sont parvenus à obtenir, chacun, un fragment de ce capital précieux.»
Probablement pas pour exactement les mêmes raisons, mais je partage tout à fait vos inquiétudes quant à l’avenir de cette liberté, vu effectivement sa perversion flagrante sous l’action pernicieuse de certaines ‘autorités’.
Toutefois, j’en suis encore à méditer en vue de pondre une version plus longue (mais encore raisonnable) de mon commentaire de votre précédent billet dont le sujet me paraît plus que jamais d’une importance primordiale.
J’ajouterai cependant ici que d’une façon générale je suis comme vous interpellée et souvent même interloquée par la caricature de pensée et de réflexion ainsi que cette insupportable prétention à tout savoir ou encore cette arrogance fumeuse qui commande souvent les mises en mots des problèmes de notre société dans l’espace public de la presse ainsi que le détournement des libertés fondamentales au profit des intérêts de quelques ballons de baudruche qui confondent trop facilement culot et courage et qui n'ont du véritable caractère que la vaine apparence !!
Rédigé par : Catherine JACOB | 17 novembre 2007 à 10:23
Waaoh !
Rédigé par : mike | 17 novembre 2007 à 08:49
C'est une stimulation, que celle de proposer autre chose, qui est loin d'être négative. Nous pouvons trouver dans, par exemple, un roman du dix-neuvième siècle, le plaisir d'une prose, une liberté de ton perdu, les librairies nous donnent cette liberté. Le terme de censure, je le trouve plus dans la diffusion de l'information (quel journaliste n'a pas entendu ce soir les sifflets pendant la Marseillaise et pourtant, ils ne les auront pas entendus, nous verrons), dans une histoire de la France, du monde tournée étrangement loin de la réalité (je me passionne de plus en plus pour ce que l'on ne nous pas appris), dans l'auto-censure.
Cette interrogation m'interpelle souvent également, pas avec vos connaissances dans le domaine, je ne les ai pas, mais par une observation de la vie médiatique et littéraire. Il est plus facile et recommandé de dire b..., c....., et autres joyaux linguistiques (qui ont perdu leur subversion dans le langage depuis au moins Genet ou Brassens) que rêve, amour, poésie... !
L'émission de Durand était une fois de plus instructive dans ce domaine ce soir, Rioufol faisait profil bas, je trouve, pendant que JFK nous vendait sa subversion commune, que M-E Leclerc se qualifiait de rebelle et d'humaniste, le bobo des iInrocks nous sortait son héroïsme bon marché, Luc Besson nous expliquait la bienséance. Je suis tombé sur ce que je qualifie de dyslexie sociale où la personne se qualifie volontiers en son antipode caractérielle. Lorsque l'on redonne la place au contexte, c'est assez risible finalement : un centre Leclerc comme maquis, un treillis dans la presse dite culturelle, un réalisateur autre qu'un amateur de Bernanos dans la posture christique. C'est plus, ce retournement de la situation, ces gens qui se vantent d'être ce qu'ils ne sont pas, leur pensée à l'envers de la logique qui a fini par en devenir une qui m'intéresse. Je pense aussi que nous partons dans une société de groupe, vous l'avez bien vu également, les clans réunis sous des critères sexuels, techniques, religieux certainement politiques, d'intérêts économiques qui n'ont pas le lobby officiel et affiché américain.
Ce soir, il y avait sur France 3, mais aussi sur France 5 un reportage sur Bousquet dans le même temps. Durand à propos de Norman Mailer nous a reparlé comme chaque semaine sous une forme ou une autre de la Shoah, sur Arte ou la Cinq, c'est trois à quatre fois par semaine. Puis-je dire simplement sans vouloir faire de la provocation que j'en ai marre d'entendre parler sans arrêt de la Seconde guerre mondiale, de l'occupation, des génocides de où qu'ils viennent dans l'histoire, que cette outrance que je trouvais au début nuisible à la mémoire des victimes finit par me rendre indifférent, même agacé ?
Il faut prendre la sémantique directe, user de l'expression réduite comme d'une arme de polémiste, garder ses belles lettres pour les romans et la poésie, refuser que la France soit autre qu'une unité comme en parlait si bien Péguy. "C'est ensemble que nous pouvons". Quant à la culture, il conviendrait, je crois qu'elle se diversifie, mais réellement, pas que celle-ci disparaisse, même si je n'y trouve pas d'attrait. Juste que d'autres expressions qui ne seraient pas dans l'imposture et la posture puissent avoir droit de citer.
Ce billet rejoint votre précédent, le lien est évident. Je pense à votre livre, "J'ai le droit de tout dire" et je pense que non, nous ne pouvons pas tout dire, même si cétait possible, je ne le ferais probablement pas, il y a des sanctions pénales, pire, sociales, qui sont là, des étiquettes exagératives qui se collent à vie. Dieudonné avait pris ce pari, pour les cathos, c'est passé comme une lettre à la poste, pour les musulmans, il y eut des grincements de dent et après il y eut le désastre, la chasse... Dieudonné est fini, on n'en parle plus, il n'est plus dans les médias. Je trouvais que c'était un imbécile pas souvent drôle qui voulait faire Coluche en étant petit, ses idées ne sont pas les miennes, mais je déteste de tout mon être ce qui lui est arrivé.
Rédigé par : Ludo Lefebvre | 17 novembre 2007 à 03:46