On ne cesse pas, grâce aux médias et à Internet, de connaître, de déplorer, de regretter, de s'indigner et de vouloir. La mondialisation est d'abord celle du coeur, d'une immense et intense sensibilité épandue sur le monde où, de petites tragédies en grandes catastrophes, de morts anonymes en disparitions illustres, chacun est sollicité. Mais pour quoi faire ? Et dire quoi ?
Ce n'est pas par hasard que ce thème récurrent de notre attitude face aux désastres et douleurs universels surgit avec force à l'issue d'une période qui nous a plongés dans le rituel opulent de la fête. Je sais bien que généralement le remède est tout trouvé qui nous fait instiller un peu de mauvaise conscience - juste la dose qui convient - dans le bonheur, pour nous permettre de le goûter mieux. Cela passe vite et, pour être franc, on parvient à chasser aisément les pensées dérangeantes qui voudraient nous faire sortir de la chaleur et du confort de notre vie.
L'adieu aux larmes des autres, l'indifférence à la carte de l'intolérable, l'occultation de cette géographie singulière où une part importante de l'humanité, qui semble habiter dans le même espace que nous, peuple en réalité des territoires désolants, constituent, la plupart du temps, une démarche égoïste facile à accomplir. Il suffit de se persuader qu'il existe une hiérarchie des révoltes et des compassions, ce qui, d'ailleurs, n'est pas faux.
Quoi de commun entre les épreuves subies dans des pays saturés de démocratie comme le nôtre, où les résistances apparaissent comme un luxe d'oisifs qui rêvent désespérément d'une cause, la surenchère de militants navrés d'être trop bien acceptés, et les véritables combats où la liberté, la vie sont risquées, où le courage relève de l'héroïsme ?
Ainsi la grève de la faim de José Bové, suivant les festins traditionnels et immédiatement accompagnée par des contacts gouvernementaux, si on ne peut la tourner en dérision, mérite d'être qualifiée d'offense choquante pour ceux qui ailleurs "crèvent" véritablement de faim. Il y a une utilisation banale et quasiment ludique de cette menace, dans une République complaisante, qui revient à se moquer des motifs profonds et impérieux pour lesquels, dans le monde, la grève de la faim est parfois le dernier recours.
De même, la contestation vite dissipée à propos de la création nécessaire d'un fichier informatisé des étrangers en situation irrégulière - fichier ELOI - et les manifestations de soutien aux sans-papiers dans des centres de rétention me semblent relever de cette opposition épidermique à toute politique qui cherche à être, fût-ce un peu, cohérente et efficace dans sa lutte contre l'immigration clandestine. Je ne me moque pas des acteurs, Charles Berling ou Josiane Balasko, qui se sont engagés avec sincérité sur ce terrain et prétendent mobiliser au nom de la condition difficile de ceux qui ne sont pas souhaités en France pour des raisons de bon sens. Aussi attentifs que nous puissions être au sort d'autrui, je ne vois pas ce qui pourrait susciter notre adhésion à ces frondes répétitives qui n'ont pour but que de légitimer le maintien, dans notre pays, de personnes ou de familles grâce à la pitié qu'elles pourraient inspirer ou au scandale qu'elles pourraient causer. Entre la raison d'Etat et sa froideur d'un côté et le laxisme de l'autre, la démocratie française a trouvé un chemin qui n'est pas indigne.
Il serait abusif de mal qualifier ces protestations collectives qui cherchent, en quelque sorte, à susciter par leur existence la cause qu'elles affirment défendre mais je ne peux pas m'empêcher de les percevoir comme un soufflet à la face de l'univers véritablement meurtri. Loin de moi l'idée de signifier que les combats dignes de ce nom se mènent forcément à nos antipodes mais toujours est-il que, passant de France en Chine, on quitte, quoi qu'on en dise, les droits de l'homme pour le refus de la liberté et de la dignité humaines.
Je ne crois pas exagérer puisque j'ai appris par le Monde que "l'une des figures emblématiques du combat pacifique en faveur de la liberté d'expression", selon Reporters sans frontières, Hu Jia, avait été arrêté par les autorités chinoises le 27 décembre 2007, après avoir été séquestré durant de longs mois avec son épouse dans leur appartement. Il avait pu, en dépit de cette séquestration, grâce à Internet, continuer à nouer des relations avec l'extérieur et se battre tout de même. Depuis la fin du mois de décembre, cette voix a été contrainte de se taire parce qu'elle serait coupable de "subversion du pouvoir de l'Etat". Quelle disproportion entre cette terreur, j'ose le terme, qui, mise en oeuvre par un régime horriblement et totalement souverain, condamne les résistances étrangères à l'impuissance, et la sophistication de notre Etat de droit qui s'enorgueillit de fournir des armes à ses adversaires !
Récemment encore, en Arabie Saoudite, le blogueur le plus critique et le plus connu a subi les foudres des autorités et est détenu depuis le 10 décembre. Il dénonçait ce qui pour nous serait apparu comme des évidences minimales sur le plan de la vie collective et du droit de penser. Il souhaitait des réformes. Quelle impudence ! Je compare mon sort, moi blogueur dont la liberté n'a du être arrachée à personne et conquise sur aucun pouvoir, avec le sien et, même si ma solidarité ne me coûte rien, je la lui offre. Pour son élégance et son courage.
On me rétorquera que ma conception des choses, à l'appliquer à la lettre, laisserait les démocraties tranquilles et ne se rapporterait qu'aux Etats gravement fautifs. Je sais bien que la morale a également à s'occuper de son pré carré et que la vigilance citoyenne ne doit pas être mise en sommeil au prétexte que, sans être irréprochable, la République est honorable. Il n'empêche qu'on a le devoir, alors, dans ses actions, de garder mesure et décence, d'utiliser les bons mots, de clamer des slogans plausibles, en n'oubliant pas qu'ici n'est rien à côté de là-bas. Au fond, cela revient à exiger qu'on cesse de jouer la comédie. Manifester comme si on n'en avait pas le droit. Dénoncer comme si c'était l'enfer.
Il y a des tragédies du quotidien qui font silence autour d'elles et qui, pourtant, sans qu'on sache pourquoi, laissent une trace d'émotion et de tristesse plus vive et marquée que tous les cataclysmes du monde. Le Figaro a évoqué la trajectoire d'un ancien directeur d'agence à Montpellier. Sexagénaire, cet homme a commencé sa descente aux enfers après son divorce. Devenu SDF, il est mort dans un parking de Sète où il avait passé la nuit, comme souvent, depuis des années. On ne l'avait pas abandonné, des bonnes volontés s'étaient manifestées auprès de lui mais une brisure essentielle l'avait déjà retiré du monde des vrais vivants. Cette destinée erratique, infiniment détruite et malheureuse, pourquoi a-t-elle pesé plus lourd dans ma tête, depuis plusieurs jours, que celle du blogueur saoudien, que celle de Hu Jia ? Je ne sais.
Chaque matin, on se promet d'assumer les larmes qui coulent de tous les yeux tristes, dans le monde entier. Notre pouls bat à l'unisson du coeur de l'univers et il n'est pas une annonce qui ne nous brise, croit-on, pour longtemps. Mais le soir venu, on a tout oublié, on a vécu, même bien vécu.
Chaque jour, en chacun de nous, c'est l'adieu aux larmes.
Un mot encore sur ce terme de "résistance" si souvent galvaudé : entendu ce midi sur Europe 1, une journaliste annonce que François Hollande « fait de la résistance » en refusant de se rendre aux voeux présidentiels. Voici un brevet rapidement obtenu.
Amusant non ?
Rédigé par : Laurent Dingli | 09 janvier 2008 à 18:12
Je partage dans l'ensemble votre avis. J'estime que la grève de la faim est un acte fort, qu'on le déprécie en l'entreprenant à tout propos et parfois bien mal à propos. J’avais déjà trouvé excessive l’action menée par le député Jean Lasalle.
Nous avons par ailleurs beaucoup de résistants autoproclamés et autres rebelles de pacotille, ce ne sont souvent que des poseurs - les Yannick Noah, les Bernard-Henri Lévy… Je ne dis pas qu’il faille nécessairement risquer sa vie pour obtenir cette auréole. Mais je préfère pour ma part la réserver à des êtres d’exception comme Anna Politovskaïa, Haung San Su Kyi ou encore Salih Mahmoud Osman - Prix Sakharov 2007. Bien que torturé pendant des mois dans son pays - le Soudan , ce dernier continue de lutter pour les droits de l‘homme.
Ceci étant dit - et pour en revenir à José Bové, il est difficile de définir le ridicule. L’action du leader altermondialiste l’est-elle plus que d’autres ? Qu’est-ce qui est ridicule ? Est-ce d’arracher des plants d’OGM ou alors de rouler en ville dans un énorme 4x4 en sachant pertinemment que l‘on contribue au dérèglement climatique ? Est-ce de lutter (pacifiquement) pour ses convictions ou de persister à manger du thon rouge alors que l’espèce est en voie de disparition ? Tout dépend de l‘angle de vue. Peut-être les deux actions, l’une très médiatisée pour ne pas dire théâtrale, et l’autre tristement anodine, sont-elles tout autant ridicules.
Rédigé par : Laurent Dingli | 07 janvier 2008 à 11:58
@mussipont
Liberté, racisme, droit des peuples, etc... Ces critères archiclassiques simplifient toute situation et la ramènent à un modèle confortable qui permet des jugements faciles et définitifs. Mais oubliée par les "théoriciens du politiquement correct", la réalité et sa complexité fragilisent souvent ces constructions hâtives...
BOVE :
On ne soulignera jamais assez le ridicule du bonhomme qui dénonce les dangers d'OGM qui n'ont pas fait une seule mort prouvée, avec à la bouche une pipe pleine de tabac qui lui, en a fait des millions.
Rédigé par : Francois F. | 07 janvier 2008 à 02:31
@Ludovic Lefebvre
« C'est étrange comme nous pouvons être bien plus touchés par les malheurs d'autrui que par les nôtres. »
Cette réflexion me fait penser à la réaction qui a été la mienne lors du décès de la princesse Diana dont j’ai suivi les obsèques à la télévision en pleurant comme dix madeleines au moins alors que lors des obsèques de ma jeune sœur morte dans de semblables circonstances, ou presque, je suis restée les yeux secs et n’ai émis qu’un seul et faible cri en approchant du catafalque. Sans doute y a-t-il des douleurs que nous ne pouvons laisser entrer en nous sans risquer qu’elles ne nous tuent, ou encore qui ne peuvent que s’effacer devant des douleurs plus grandes encore (celles de parents notamment), mais que le malheur d’autrui vient chercher dans leur crypte pour nous délivrer.
Le décès de Diana n’était pas cependant n’importe quel décès non plus qui est venu chercher les douleurs enkystées pour leur permettre de, enfin, s’exprimer et à cette occasion j’ai compris quelque chose de la fonction cathartique que porte, entre autres choses, le système monarchique, qu’on y adhère ou non, et qui n'est pas sans lien non plus avec celui de la victime émissaire...
Donc, quelque part, je vous conseillerais bien de ne pas chercher, notamment par l'effet d'un certain sadomasochisme inconscient qui chez vous se donne assez souvent à lire entre les lignes, à réveiller la mémoire des douleurs, car celles qui vous délivreront en quelque sorte du mal, viendront déjà d'elles-mêmes à vous quand vous serez prêt à les... disons percevoir, sans plus les nier !
Rédigé par : Catherine JACOB | 06 janvier 2008 à 10:29
La dictature du bonheur... L'humanisme, c'est nous, mais vite fuyons l'ami qui va mal, celui qui a perdu son emploi, celui qui a emprunté un temps un mauvais chemin et s'est retrouvé en prison, celui qui est gravement malade... ils pourraient être contagieux. Alors nous sommes compatissants de loin, en fondant des associations, en donnant de l'argent, en étant sensibles aux catastrophes naturelles de l'hémisphère sud. A la fois égoïstes et altruistes, mais sans se tâcher l'âme.
La vie ne serait-elle pas à prendre avec sa tristesse, sa colère, sa joie, sa culpabilité, son ennui, ses découvertes... ?
La joie ne vient-elle pas autant de l'intérieur que de l'extérieur ?
Sommes-nous obligés d'être désespérés dès que le bonheur n'est pas présent puisqu'il reviendra ?
Les méandres des souvenirs sont parfois bien tortueux, je pense à une amie, à un amour de jadis qui avait avorté d'un enfant eu avec un autre et qui pleurait, pleurait, pleurait pendant des jours et des jours certainement par la violence de l'acte, mais aussi d'être dans cet état émotionnel, ne lui avait-on pas assuré que cette action était aussi anodine que d'aller s'acheter une baguette de pain ? Non, ce n'est effectivement pas aussi anodin.
C'est étrange comme nous pouvons être bien plus touchés par les malheurs d'autrui que par les nôtres.
Rédigé par : Ludovic Lefebvre pour Catherine Parisot, mais pas seulement | 05 janvier 2008 à 21:44
« Il y a une utilisation banale et quasiment ludique de cette menace, dans une République complaisante, qui revient à se moquer des motifs profonds et impérieux pour lesquels, dans le monde, la grève de la faim est parfois le dernier recours.»
Hum ! Je me demande si, au fond, ce que vous dites là à propos de l’action : « grève de la faim » ne se situe pas une logique de l’action sur le même plan que, dans le cadre d'une logique du sens, la perte du sens, du sens des mots, du sens des mythes, telle que ce sens demande à être sans cesse réinvesti.
Un bon terrain d’observation de ce phénomène est le pictogramme archaïque. Prenez par exemple le caractère utilisé de nos jours pour dire ce ‘néant’ qui chez nous est sans doute une interprétation phonétique de ‘Nirvāņa’ (‘éteindre en soufflant’) via l’oreille latine, un mot que l’oreille chinoise pour sa part a entendu ‘ Niè Pán’.
On glose souvent ce caractère en prenant en compte le fait que lui est de nos jours affecté ce qu’on appelle une ‘clé sémantique’, laquelle est ‘le feu’.
Or, non seulement cet élément n’a rien à voir en lui-même avec la graphie mais, s’agissant du ‘néant’, cette dernière elle-même appartient au groupe de lettres qu’on appelle 'les emprunts’.
Son sens originel était ‘danse pour la pluie’ et l’élément ‘feu’ actuel y résulte simplement d’une interprétation erronée de la calligraphie du socle de la lettre telle qu’à l’époque dite ‘Zhuàn’, autrement dit à l’époque des sigillaires encore utilisées de nos jours pour les sceaux, style qui se partage en petites sigillaires et grandes sigillaires (ou ‘grand sceau’ - et ‘petit sceau’) et dont la particularité est une sorte de déformation en longueur de certains éléments, et style qui, au 3ème siècle avant notre ère, fut à l’origine de la création traditionnellement attribuée à 程邈 Chéng Miǎo, directeur de prison sous la dynastie Qin , d’un nouveau style plus simple, donc plus rapide à tracer, que le sigillaire primitif mais qui, de ce fait, comporte un certain nombre d’erreurs d’interprétation ou de lecture (au choix) du premier !!
C’est donc assez amusant de lire sous la plume de certains sinologues des explications de la pensée archaïque du ‘néant’ fondées sur l’interprétation de cet élément dans le caractère de référence, et qui ont la vie aussi dure que l’idée qui, par ex., veut que le thé infusé contienne de la théine alors que cette dernière n’est pas soluble dans l’eau et que cet excitant ne saurait être absorbé qu’à travers d’autres modes de préparation que celui que représente l'infusion !
Revenons à nos moutons ou plus exactement à notre ‘danse pour la pluie’ qui s’écrit en faisant virevolter les longues manches ornées de diverses amulettes du vêtement du chaman dont l’état de transe qui devait être atteint à un moment donné, et qui l'ayant conduit 'ailleurs' en quelque sorte, est sans doute ce qui a permis l’emprunt du caractère pour dire 'pas là → rien là', ce à date ancienne déjà, à savoir plus d’un millénaire avant les innovations de notre directeur de prison des Qin et lettre qu'on est allé chercher ensuite pour correspondance graphique pour ‘néant’ !
Le sens dérivé de ‘néant’ ayant vraisemblablement pris le pas à un moment donné sur le sens fort primitif de ‘danse’, le besoin de marquer la différence et de réinvestir la lettre de son sens originel a donc du se faire sentir, et on a alors ajouté un élément « aller à toute vitesse », dernier élément qui n’existe pas dans le corpus des inscriptions sur os d’animaux et os de carapace, mais qui a été introduit au cours de l’évolution du corpus des inscriptions sur vase de bronze et qui a un moment donné encore, s’est changé en un élément évoquant plutôt « l’appel du pied » aux forces chtoniennes auxquelles on faisait une offrande de six plumes de faisan (= Phénix) etc.… Laissant là le reste de la glose, je voudrais donc souligner ce à quoi je voulais venir en effet et qui est le réinvestissement qui s’avère régulièrement nécessaire d’un sens primitif par ajouts successifs et qui peut parfois aboutir à des constructions totalement affolantes !!
Le sens de la grève de la faim est celui du signifiant qui passe du mot prononcé (ou de sa graphie, s’agissant des idéogrammes) à, quelque part, un symptôme. Autrement dit c’est le corps qui vient en position de dire ce qu’on fait à l’individu, parce que le mot manque à exprimer la puissance du ressenti, tout comme vraisemblablement cela se passe dans le phénomène d’anorexie mentale ou dans autres somatisations encore, involontaires celles-là. Autrement dit, elle semble participer de l’automutilation qui définit définit "une multitude de comportements à la gravité et à la finalité variable."
Voir le début en style dit « des scribes », autrement dit le style initié par notre Chéng Miǎo, du célèbre Dao De Jing (道 德 經), Le classique qui traite ‘de la Voie’ ainsi que ‘de la Vertu’, dont il existe au moins cinq traductions en français, et qui est attribué à Lao Zi (ou Lao-tseu), ‘Le Vieil Enfant’ (comme on traduit parfois le nom de « maître Lao ») lequel serait un contemporain Héraclite d'Éphèse:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:%E9%81%93_Scribe.GIF
On en trouve une traduction Online à cet endroit : http://taoteking.free.fr/interieur.php3?chapitre=1
Il s’agit d’une traduction qui est un peu différente de ce texte qui m’a beaucoup aidée étant jeune à supporter certains imbéciles en ce que je le lisais : « Celui qui dit ce qu’est la Voie, ne connaît pas la Voie », mais à cet endroit il se voit rendu ainsi : « La voie qui peut être exprimée par la parole n'est pas la Voie éternelle ; le nom qui peut être nommé n'est pas le Nom éternel. »
Mais où cependant j’entendrais plutôt aujourd’hui : « La Voie n’est pas objet de l’énonciation »… par exemple un énoncé dont la Grève de la faim apparaîtrait comme un écho en négatif dont le positif pourrait être, pour nous, la question suivante : « Mais qu’est-ce donc qui serait l’objet de l’énonciation » ? et qui appelle nécessairement cette question : « Qu’appelle-t-on penser ? » autrement dit : « Qu’est ce qui nous appelle, qui nous commande de penser ? qu’est ce qui nous appelle à la pensée ?’ » par exemple dans un phénomène comme celui de la ‘Grève de la Faim’ qui manifeste comme la condamnation à un renoncement au monde dont nous ne pourrions prendre conscience que sous cette forme, celle dont le corps est le signifiant et qui, dès lors qu’il se voit 'emprunté' comme le simple argument de la joute politique que vous évoquez, entre dans une logique de la perte du sens, laquelle comme on l’a vu ci-dessus, va exiger que l’on ajoute quelque chose mais quoi, et c’est là où dans ces circonstances précises s’ouvre un abîme sans fond, en sorte de réinvestir le sens perdu !
Rédigé par : Catherine JACOB | 05 janvier 2008 à 12:46
Hello la Compagnie !
A Mussipont
Je pense que François F s'est mal exprimé.
Lorsque vous lui demandez avec votre bon coeur si la couleur de la peau est un critère, je ne pense pas que lui pensait à la différence de couleur de peau...
(Rires)
A Philippe et à tous :
Oui, Philippe, je vous suis sur toute la ligne. Par ailleurs, c'est joli, "l'adieu aux larmes"...
BOVE :
Et si chaque Français victime du sort (de la plus grande douleur au plus banal événement regrettable) se mettait à ne plus manger ?
Certains Français ont déjà du mal à se nourrir tout en ayant pourtant une foule de revendications à faire !
Je pense à un truc qui peut-être pour vous n'a rien à voir avec les larmes de Philippe :
Nous ne pouvons plus fumer dans les lieux publics.
Ah, la grande histoire !
Je suis heureuse d'avoir la chance de pouvoir me nourrir à ma faim (et largement plus !)
Et si je faisais la grève de la faim pour obtenir le droit de fumer où bon me semble?
Pfff.. ridicule, obscène !
OK, ce ne serait par pour les OGM. Pourtant, chacun croit toujours que ses propres préoccupations l'emportent sur celles des autres !
OGM et tabac sont des produits nocifs pour notre corps ! Même une personne qui ne fume pas subit le tabagisme de celle qui fume. C'est donc aussi une affaire qui concerne tout le monde.
LE MONDE :
Pas besoin d'aller voir au-delà des frontières pour trouver des gens qui galèrent. Je sais bien...
Et si le Monde est vaste et si chaque pays a son propre fardeau, pourtant, il est aussi réel que pour certains, les malheurs sont beaucoup plus lourds à porter.
Aider autrui à travers le Monde (ou devant sa porte) peut se faire en toute modestie, sans le crier (ou le chanter haut et fort, "merci la promo" pour certains !).
Dans le silence.
PLEURER POUR QUOI, POUR QUI, au juste ?
Au Journal de 20h, hier, le sujet sur Britney Spears m'a agacée au plus haut point !
Pauvre milliardaire qui n'assume pas sa célébrité !
Philippe, si vous aviez vu ce sujet, auriez-vous versé une larme ? Ok, elle est + "sexy" que notre J.Bové national !
CONCLUSION :
Il faut en effet relativiser les "douleurs" humaines et ne pas se rendre impudique à déplorer les moindres.
Nous ne sommes pas Dieu et tout ce que nous pouvons faire, c'est participer à améliorer le sort de qui nous pouvons sans nous affliger chaque matin.
Pour améliorer le Monde, il faut parfois en "dénoncer" ses injustices.
Il faut aussi soi-même être optimiste, entreprenant et joyeux.
Pleurons tous ensemble n'a jamais été la solution !
Bon we à vous tous !
Rédigé par : Parisot Catherine | 05 janvier 2008 à 12:04
@François F :"Ce blogueur chinois est surement épris de liberté, a surement des idees trés genereuses mais ca ne suffit pas a garantir qu il représente un avenir souhaitable pour la Chine, n en deplaise aux beaux esprits."
La liberté n'est donc selon vous pas souhaitable pour les Chinois. Bien, mais comment faites-vous pour déterminer quel peuple a droit à la liberté et lequel n'y a pas droit ? La couleur de la peau est-elle un critère ?
Rédigé par : Mussipont | 05 janvier 2008 à 08:43
Oui, pourquoi celui-ci ? Peut-être parce que dans notre égoïsme inconscient, celui-ci peut être nous demain... C'est donc notre sens inné du danger, nos antennes intuitives qui nous poussent à garder en mémoire l'image de celui-ci plutôt que de celui-là à mille lieux de nous.
Rédigé par : marie | 05 janvier 2008 à 07:36
Je me sens incapable d'affirmer que la liberté d expression et la democratie (au sens occidental) seraient a coup sur une bonne chose pour la Chine actuelle. Une population de 1.321 millions d habitants est à manier avec d'infinies precautions.
Je connais trés mal ce pays mais je devine que couvent, étouffées par ce regime autoritaire, moult frustrations qui pourraient conduire à un chaos gigantesque si elles s'exprimaient librement.
Ce blogueur chinois est surement épris de liberté, a surement des idees trés genereuses mais ca ne suffit pas a garantir qu il représente un avenir souhaitable pour la Chine, n en deplaise aux beaux esprits.
La Chine est en pleine mutation. Attendons au moins quelques années pour apprécier les résultats sans nous focaliser sur des symboles faciles.
Rédigé par : François F. | 04 janvier 2008 à 22:23
Assurément, le sort des sans-papiers qui se trouvent dans les centres de rétention est cruel : il ne s’agit pas seulement de s’apitoyer sur les difficultés de cette période d’enfermement mais de garder à l’esprit que ces ilotes ont fui un enfer dans l’espoir d’un eldorado rêvé et qu’ils seront, pour la plupart, renvoyés dans cet enfer. Beaucoup d’autres laissés-pour-compte souvent ressortissants nationaux, on peut quand même le mentionner, méritent compassion mais ils sont ignorés parce qu’aucune personnalité plus ou moins connue n’est venue crier leur détresse.
Elargissons le débat : la France est en faillite, nous a t-on suggéré récemment. Néanmoins, elle doit (en vrac) augmenter le pouvoir d’achat des Français ; budgétiser un plan Marshall pour les banlieues ; donner un toit à tous les SDF ; moderniser les prisons et les centres de rétention ; donner des moyens supplémentaires à la recherche, aux hôpitaux, à l’éducation nationale, à la justice, à la police, bref à tous ceux qui les réclament ; aider l’agriculture, la pêche ; faire un gros effort envers les pays pauvres… Chacun, au gré de ses préoccupations, pourra compléter la liste puis établira des priorités compte tenu de l’état de nos finances ci-dessus évoqué. Le saupoudrage, nous l’a t-on assez rappelé, est à proscrire.
Rédigé par : Peroixe | 04 janvier 2008 à 21:16
C'est la raison pour laquelle je souhaite que l'on ne trouve pas de vie extra-terrestre, car sinon chaque matin au réveil nous aurons droit à la liste des massacres à l'autre bout de la galaxie en plus de ceux de notre bonne vieille terre, qui suffisent déjà largement à nous frustrer dans le voyeurisme impuissant.
Rédigé par : Olivier | 04 janvier 2008 à 21:09
@Jean-Dominique Reffait
"Que requiert le Philippe Bilger chinois à l'encontre de Hu Jia qui a contrevenu aux lois chinoises ?"
Personnellement je pense que les questions doivent se poser ici et maintenant.
Ici et maintenant il n'y a pas de Philippe Bilger chinois.
Mais quittons un instant la Chine pour le Pakistan, qu'observe-t-on :"environ 1.500 personnes, dont des avocats, des magistrats, des responsables et des militants de partis politiques, ont été arrêtées dans tout le pays.
Des policiers et des paramilitaires ont bouclé les abords de la Haute cour de justice de Karachi, la capitale économique du sud du Pakistan et ont chargé un groupe d'avocats rassemblés devant le bâtiment. Les forces de l'ordre ont interpellé une cinquantaine d'avocats, selon des témoins." Extrait du NOUVELOBS.COM | 08.11.2007 | 10:36
La question d'un Philippe Bilger à la pakistanaise me paraît donc devoir se poser éventuellement sous cette forme:
"De quel côté pourrait raisonnablement imaginer se situer un Bilger dans ces conditions ? Du côté des magistrats arrêtés par la police ou du côté de l'avocat général qui va devoir requérir contre ces derniers ?"
Rédigé par : Catherine JACOB | 04 janvier 2008 à 16:21
Certes il y a de l'indécence à s'emparer des symboles des misères réelles pour les transformer en outils marketing et la grève de la faim de Bové est incontestablement l'une de ces récupérations.
Mais il ne faut pas pour autant, et vous ne le faites pas, railler toute contestation de l'ordre établi. Le sort des sans-papiers nous renvoie à celui des pays qu'ils ont fuis et dont vous trouvez légitime qu'on s'émeuve avec plus de force que de nos petits problèmes. Ainsi, le bon Chinois serait celui qui souffre chez lui et non celui qui se terre chez nous : je ne vous suis pas. Comment ne pas comprendre qu'une femme qui se défenestre en voyant arriver la police française n'a pas plus de répères démocratiques en France qu'en Chine ? Si son arrivée en France constitue pour nous le passage du statut de persécuté ou de misérable à celui de clandestine, c'est pourtant bien la même femme, avec les mêmes angoisses et les mêmes détresses.
Je rappelle que le fichier ELOI se met en place après une modification importante exigée par le Conseil d'Etat : les personnes qui hébergent des sans-papiers ne seront pas inscrites dans ce fichier comme l'avait souhaité Nicolas Sarkozy. C'est une nuance de taille ! C'est ainsi que fonctionne la démocratie, par des rapports de force au quotidien, au moyen du droit, de pressions, de menaces successives, c'est la dialectique démocratique.
Pour finir, une question vache, mais une question vraie. Que requiert le Philippe Bilger chinois à l'encontre de Hu Jia qui a contrevenu aux lois chinoises ? Posons-nous tous cette question, à la place qui est la nôtre, chaque jour.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 04 janvier 2008 à 14:38
"Chaque jour, en chacun de nous, c'est l'adieu aux larmes" dites-vous !
mieux encore :
aux larmes mitoyennes si bon citoyen et vice versa , non ?
tournée de voeux, pieux ou pas, au fait : servez-vous bien fort !
Rédigé par : Cactus Dunlopilo | 04 janvier 2008 à 13:53
« ici n'est rien à côté de là-bas. Au fond, cela revient à exiger qu'on cesse de jouer la comédie. Manifester comme si on n'en avait pas le droit. Dénoncer comme si c'était l'enfer.
Il y a des tragédies du quotidien qui font silence autour d'elles et qui, pourtant, sans qu'on sache pourquoi, laissent une trace d'émotion et de tristesse plus vive et marquée que tous les cataclysmes du monde »
En somme vous voulez dire que l’on ne peut vivre toutes les vies et qu’on ne peut que, le cas échéant, porter seulement le fardeau de la sienne propre ; autrement dit encore, on ne peut être constamment dans l’empathie parce que pour cela il faut des réserves d’énergie et que ces réserves, comme toutes réserves demandent à être périodiquement reconstituées dans notre petit cocon intime et que c’est ça la démocratie, c’est la garantie de pouvoir reconstituer ces réserves lorsqu’elles sont épuisées.
C’est juste. Moi aussi je condamne la crise d’hystérie de qui se casse un ongle et ne voit pas à deux pas… la main coupée !
J’ai récemment suivi le même cours de réflexion que celui qui me paraît être le vôtre en écoutant le débat du magazine d’Arte qui faisait le point sur la situation en Colombie et dont le non dit était dix fois plus effrayant encore que le dit possible. La seule chose à faire, mais qui doit être un impératif, est simplement de rester vigilant et ne pas, comme le Socrate de Nietzsche, se montrer « las de sa vie et de sa sagesse ».
Rédigé par : Catherine JACOB | 04 janvier 2008 à 12:05
" pourquoi a-t-elle pesé plus lourd dans ma tête...."
Peut-être parce que le bon samaritain se préoccupe d'abord de celui qui est au bord du chemin, de son voisin ; souvent les besoins les plus criants sont à nos portes.
Rédigé par : mike | 04 janvier 2008 à 09:32
Oui, pourquoi celui-là, et non tel autre? Qui peut répondre à cet inconscient qui nous propulse vers le destin d'un être, et de celui-là seul, alors que tant d'autres souffrent?
Sans doute la mort est-elle plus prégnante pour nous faire oublier ceux qui vivent malgré tout, dans le malheur, dans la honte, dans la torture certes, mais qui vivent et dont on se dit que peut-être surgiront-ils un jour de leurs geôles.
On ne sort pas d'un cercueil, et cette image nous renvoie vers notre miroir où l'on distingue derrière cet homme mort dans un parking notre propre visage.
Si loin de nous, mais tellement proche aussi car survenant à notre porte, dans notre ville, dans notre pays, nous ne l'acceptons pas; nous le refusons au nom de notre richesse et de notre démocratie dont on pense à tort qu'elles peuvent éviter ces drames.
Puis la vie reprend son cours. Et ce n'est pas être fataliste que d'oublier le soir ce qui nous a fait pleurer le matin. Ce n'est que ce torrent qui, déposant dans nos mémoires saturées les alluvions du monde, nous aveugle.
Comme sont aveuglés ceux qui, par des actes dérisoires, veulent attirer nos regards.
Rédigé par : Patrick PIKE | 04 janvier 2008 à 03:04
"Entre la raison d'Etat et sa froideur d'un côté et le laxisme de l'autre, la démocratie française a trouvé un chemin qui n'est pas indigne."
Monsieur Bilger, sincèrement, vous trouvez réellement "digne" de fixer pour chaque département un quota d'étrangers à refouler et de taper sur les doigts des préfets qui n'arrivent pas à remplir leur quota ? Autant je vous suis à 100% sur la ridicule grève de la faim du berger du Larzac, autant je ne vous suis pas sur votre approbation de la gestion du (faux) problème de l'immigration par le gouvernement actuel.
Tiens, pour me remonter le moral, je vais aller relire chez Eolas (http://www.maitre-eolas.fr/) le billet intitulé "Eduardo", il est en haut à droite de la page d'accueil du blog, on ne peut pas le rater, et d'ailleurs il ne faut pas le rater.
Rédigé par : Mussipont | 03 janvier 2008 à 23:52
@ Philippe Bilger
"Chaque matin, on se promet d'assumer les larmes qui coulent de tous les yeux tristes, dans le monde entier. Notre pouls bat à l'unisson du coeur de l'univers et il n'est pas une annonce qui ne nous brise, croit-on, pour longtemps. Mais le soir venu, on a tout oublié, on a vécu, même bien vécu."
Peut être qu'au fond de nous une culture judéo-chrétienne moyenâgeuse s'extériorise et inconsciemment on se dit que l'enfer est ici-bas, alors pourquoi pleurer puisque le meilleur est au bout du chemin. Deviendrait-on fataliste ?
Rédigé par : Bernard1 | 03 janvier 2008 à 21:13
D'accord avec vous. Depuis la médiatique "grève de la faim" du député Lassalle, il y a comme un sentiment de dérive facile. Celle que José Bové entame n'appelle strictement aucune sympathie. C'est de l'esbrouffe ! En voyant l'horreur des enfants qui meurent de faim, pour de bon, en certains coins de la planète et dans l'indifférence générale, je me demande comment un ex-candidat à la magistrature suprême peut conserver son sérieux avec de pareilles annonces ! Qu'il entame une grève de la soif afin de nous prouver la solidité de sa détermination. Ce mode de pression confine au ridicule !
Rédigé par : Thierry SAGARDOYTHO | 03 janvier 2008 à 19:51
Je trouve très facile de dire « Taisez-vous, il y a pire ailleurs ». Si la liberté d’expression est un acquis incontestable dans les démocraties, le pire peut exister dans d’autres domaines, M.Bilger. Prenons seulement les conditions de détention en France : la France détient le record européen dans le placement en détention provisoire, dans la détention injustifiée (645 demandes de réparation en 2006 avec une augmentation de 55 % en 5 ans), dans l’insalubrité des prisons, dans la surpopulation carcérale. Peut-on être fier d’un pays dont les représentants de la justice incarcèrent sur le simple motif « trouble à l’ordre public » sans autre explication ? Peut-on être fier d’un pays dans lequel des femmes et des enfants se jettent par les fenêtres pour échapper à la police car un souverain a décidé que 25000 sans papiers devaient être refoulés en 2007 ? Faut-il toujours se taire parce que d'autres injustices sont commises ailleurs ?
Rédigé par : Calach | 03 janvier 2008 à 19:47