Le moins qu'on puisse dire est que cette annonce surgie, paraît-il, de la seule pensée présidentielle a suscité controverses et polémiques, rappelées notamment par le Monde. Un des travers de cette manière autarcique de procéder est de créer des antagonismes, au lieu de favoriser les accords sur le regard qu'il convient de porter sur l'Holocauste. La compétition victimaire va clairement être réactivée. Le processus solitaire n'est à l'évidence pas le mieux adapté, même à l'amplification de la sollicitude d'aujourd'hui pour la tragédie d'hier. Un certain nombre d'enseignants, d'historiens et de psychologues se sont émus devant cette proposition, pour ne pas mentionner les réactions franchement atterrées de certains politiques. On ne devrait toucher à ce sujet qu'avec un esprit tremblant et modeste.
Faut-il, d'ailleurs, que l'Etat se sente tenu, à chaque fois que son plus haut représentant intervient devant les instances et organisations juives, d'innover, de proposer, d'ajouter une pierre à toutes celles qui ont fait déjà de la mémoire de la Shoah un devoir impérieux ? Serait-il devenu impossible de communier dans le souvenir d'hier sans sortir du chapeau présidentiel une mesure puis une autre, un symbole puis un autre ? Serions-nous, puisque le président de la République parle en notre nom, d'éternels débiteurs sans le savoir, sans l'avoir mérité ?
Je trouve surprenante l'injonction faite au corps enseignant de se plier à cette nouvelle illumination présidentielle qui, après la lecture de la lettre de Guy Môquet elle aussi largement dévoyée et très discutée, prétend éclairer ce domaine complexe où l'enfance, la mémoire et l'Histoire tragique sont en jeu. Plutôt que m'abriter derrière l'appréciation négative et très autorisée de Simone Veil, je voudrais attirer l'attention sur trois points qui n'ont rien de commun avec l'apprentissage des "fondamentaux", évidemment souhaitable.
Nous l'avions remarqué avec Jacques Chirac, plus un président fait la morale, plus "il fait" dans la morale, moins le destin politique national est assuré. Comme si le coeur devenait un palliatif quand la force collective d'un pays n'est plus suffisante à elle seule pour susciter lien, confiance, communauté, espérance. Il me semble que la morale est trop importante pour être utilisée comme la "rustine" des éventuels ratés de la politique.
Devoir de mémoire. Je sais qu'il est sacrilège de remettre en cause une expression tellement ressassée qu'elle en devient lassante et presque inexploitable, comme ces mots dont la musique enchante mais que le sens véritable a fui. Pourquoi y aurait-il un devoir de la mémoire, alors que ces notions sont si profondément contradictoires ? Dans l'annonce présidentielle, il y a, poussé au paroxysme, ce "devoir de mémoire" qui nous conduirait, et les très jeunes enfants avec nous, sur des chemins fléchés, directement reliés à ce qu'il convient de sentir et de penser, à l'émotion qu'il faut éprouver. Pour ma part, j'opposerais volontiers à cet impératif absurde la liberté de la mémoire, son infinie faculté d'aller choisir ici ou là ce qui va la nourrir. On va vers la prise de conscience de l'Holocauste, vers sa perception lucide et horrifiée, par mille détours, les uns dérisoires les autres graves, qui n'ont rien à voir avec le sens unique que le chef de l'Etat estime nécessaire d'imposer aux enfants de dix ans. On y va par une chanson de Jean Ferrat ou de Jean-Jacques Goldman - par exemple "Comme toi" - ou grâce à un très beau texte de Modiano dans le Monde, on y va à tous âges par des intuitions, des nostalgies, des dessins, des films, des chansons et des récits qui offrent l'immense avantage d'autoriser l'humanité à aborder les douleurs capitales comme elle l'entend.
Enfin, qui peut croire qu'il y aurait une ligne directe entre l'école et la conscience du tragique de l'Histoire ? Je suis persuadé que, pour réaliser l'objectif évidemment légitime du chef de l'Etat - d'ailleurs, qui peut discuter un souhait dont la généralité éthique est rassurante ? -, bien plus que de contraindre l'élève de CM2 à assumer un petit juif mort et à porter ainsi sur ses fragiles épaules un enfant auquel nul lien ne le relie sinon celui que les adultes établissent à sa place, mieux vaudrait considérer que les valeurs de compassion, de respect, ne naîtront que d'un terreau social et politique qui les rendra accessibles à tous et applicables à tous les thèmes. L'apprentissage désiré par Nicolas Sarkozy viendra plus sûrement d'une République exemplaire sur tous les plans que d'une mémoire exigée aux ordres et d'un volontarisme incompatible avec le droit de pleurer ou de connaître comme on l'entend.
Je vois derrière cette idée symbolique offerte en cadeau au Crif la conséquence du fait que, par ailleurs et plus largement, la liberté d'expression n'est plus défendue comme elle devrait l'être. Autrement dit, il est plus facile de donner des leçons de morale, aussi déstabilisantes qu'elles puissent être, que de se battre pour l'essentiel démocratique.
Je serais heureux qu'on apprenne d'abord aux petits à penser librement. La morale est un royaume dont ils sont et seront les seuls maîtres.
Erratum sur mon billet du 17 février : lire bien sûr le Père Patrick "Desbois" et non pas "Dubois". Je profite de l'occasion pour rappeler que l'émission Pièces à conviction, animée par Elise Lucet, sera consacrée le 12 mars prochain à la "Shoah par balles" avec le concours du Père Patrick Desbois.
Rédigé par : Laurent Dingli | 04 mars 2008 à 10:02
Je vous rejoins sur l'essentiel de votre long billet et en particulier sur la notion de "liberté de mémoire" que je n'avais pas aussi clairement identifiée jusqu'à maintenant et que je me permettrai, à l'avenir, de ré-utiliser... en la confrontant à un autre aspect que vous soulignez, indirectement, de "devoir de morale".
Ma modeste contribution à la construction de la mémoire que chacun porte de la Shoah sera celle-ci : j'ai 50 ans, agnostique issu d'une famille catholique et je suis certain que dans mes jeunes années, ce n'est pas à l'école primaire ni au lycée que j'ai découvert la période 39/45 et en particulier le traitement réservé par le régime hitlérien aux juifs, aux tziganes, aux homosexuels... et autres groupes de population identifiés par la barbarie nazie comme devant être exterminés. C'est au sein de ma famille... Ce sont mes parents qui nous ont enseigné à mes soeurs et à moi ce qu'avait été cette période de l'histoire du monde en mettant à notre disposition des livres, des magazines d'histoire et leur vécu personnel de ces années-là, avec leurs commentaires personnels. Et puis, surtout, il y a eu, alors que j'avais 11 ans, la découverte du camp de Mauthausen en été, lors d'un périple familial en Autriche, au large de Linz... Il y a eu la "visite" accompagnée par un guide français, ancien déporté dans ce camp resté là-bas pour témoigner et qui, durant trois heures peut-être, nous a expliqué sans emphase et sans haine ce qu'était la "vie" (la survie) à Mauthausen... J'ai souvenir de tout ou presque, de la carrière monstrueuse, des chambres à gaz, des cartouches de gaz, des baraquements, des bâtiments au soubassement en pierre comme s'ils étaient construits pour durer des siècles... du plan au cordeau, des allées se coupant à angle droit, de la rigoureuse organisation... des photos prises par les SS pendant plusieurs années puis celles prises par les Américains à la libération du camp et du carnet de croquis et dessins réalisés par notre guide et dont le titre m'est resté depuis "Plus jamais ça".
En bref, ce que je porte en moi du souvenir de la Shoah est la résultante du long et lent travail que ma mémoire a accompli depuis mes jeunes années, aussi librement que possible, en faisant le tri parmi les informations reçues à Mauthausen mais aussi dans mes très nombreuses lectures de livres écrits par des Français, des Américains, des Allemands, des Italiens, des Belges,... dans les propos entendus à la radio puis à la télévision, dans les échanges que j'ai eus avec des juifs qui étaient revenus de l'horreur, en consolidant des informations de tout bord. Mon émotion, mes émotions par rapport à ces événements ne m'ont pas été dictées, indiquées, imposées a priori... J'ai toujours conservé il me semble - merci à mes parents et à mes professeurs - une véritable liberté de penser (car on m'en avait donné les moyens) et d'organiser ma mémoire et mes sentiments. Cette mémoire et ces sentiments, dans tous les domaines, ne sont probablement pas dans la ligne du politiquement correct, de la "bien-pensance" généralisée en vigueur dans la France de 1970, 1981, 2002, 2008... ; j'ai juste réussi il me semble à développer et conserver du recul, un esprit critique et une vraie capacité à prendre position et à me déterminer par moi-même sans demander que mes positions, mes pensées, ma mémoire me soient livrées sous la forme d'un produit packagé en regardant le JT de 20h, en lisant Le Monde, Le Figaro, L'Obs ou l'Express ou en prêtant attention aux propos (à géométrie fortement variable) de n'importe lequel des tribuns politiques du moment...
Libertés de pensée, d'expression, de mémoire, d'aimer... Une seule Liberté...
Merci pour vos lignes auxquelles je reste rarement indifférent pour l'éclairage qu'elles apportent et leur participation au débat.
Rédigé par : Jean Morel | 23 février 2008 à 10:43
A Jean-Dominique Reffait:
"J'ai sans doute été teinté, beaucoup plus jeune, d'un antisémitisme ordinaire, répandu naturellement dans une population française de culture catholique."
Il paraîtrait que ce sont des soeurs donc catholiques qui ont aidé à secourir et protéger les enfants destinés à la Déportation.
A vérifier.
L'intolérance (et donc aussi le racisme) n'a pas dans sa ligne de mire une différence et donc une religion plus qu'une autre.
Généraliser est toujours le premier pas vers la confusion.
Je souhaiterais vous demander si vous aviez observé de l'antisémitisme uniquement chez les catholiques et ce sur le sol français ? Je vous laisse répondre.
Voilààààààà
Maintenant, zou, on éteint son ordi !
A+++++
Rédigé par : Ktrin à Jean-Dominique Reffait | 22 février 2008 à 03:44
Et les petits Indochinois ? :)
Héhé, trop facile, la surenchère !
Je marche sur des oeufs car le débat s'anime ! J'aime pas recevoir des coups perdus. Je suis lâche, sissi !
Allez, on va conclure : ils ont tous souffert. Comme il est trop tard pour leur épargner le supplice, on se contentera de tout faire pour que pareils événements ne se produisent plus à l'avenir.
On dirait que le fait d'en parler permet de se donner bonne conscience, un exutoire.
A quoi bon se donner bonne conscience puisque nous, les vivants, nous ne sommes pas responsables de cet héritage douloureux ?
On ne peut plus intervenir : ceux qui ont fait l'Histoire sont morts, leurs actes irréversibles. En cela, je trouve stérile le mécanisme de la repentance (à ce sujet, pour moi rappeler l'Histoire avec pudeur ne relève pas de la repentance, bref).
Tiens, mon dico me dit que "repentir" est français, contrairement à "repentance". Bref, bref...
Se "déchirer" et dresser le palmarès des horreurs commises par des ancêtres (souvent pas les nôtres, d'ailleurs !) ne mène à rien.
C'est mon humble avis. Vu le débat animé sur ce post, je rajouterai avec prudence : "c'est du moins mon avis. Ce que j'écris n'est pas la Vérité." On avait bien compris... oui, oui !
Tout en étant contre le repentir (et na !), je trouve pourtant vos réactions non bridées très intéressantes.
Vu de l'extérieur, c'est toujours plus amusant.
A Ludovic :
Le coup de la sauce barbecue, loin de me choquer me fait sourire. Oui, après tout, nous ne sommes que de la viande et beaucoup d'êtres humains mangent celle des animaux qui n'ont rien demandé ! Et si les missionnaires n'avaient été tués que pour rassasier non par leurs bourreaux mais des gens ayant faim ?
Les animaux ont-ils la même conscience ?
Je ne sais pas mais je serais tentée de répondre par l'affirmative. Ce qui est sûr, c'est qu'ils souffrent lorsqu'on les martyrise ou les tue (leurs cris) !
Donc, votre réflexion sur la sauce barbecue me ramène juste à la réalité, celle de ma faible nature humaine qui, ouf, m'épargne le fait d'être dévorée et fait de moi une complice des abattoirs.
Ce n'est pas tant la mort qui effraie mais la souffrance.
C'est sur ce point que je rejoins partiellement Catherine A.
Je pense à ces missionnaires décapités dans certains pays. Non pas pour nourrir mais par haine et instinct meurtrier. Et là, je ne souris plus du tout !
Allez, vous n'avez pas un mauvais fond, hein ? Vous aimez provoquer. L'humour est parfois une expression très éloquente pour dénoncer ou évoquer une certaine forme de gravité.
Vous avez votre propre ton et fort heureusement pour ce blog. La diversité des personnalités qui se manifestent participe à la richesse du site créé par Philippe.
On ne s'ennuie jamais, ici !
A Cactus (mais qui es-tu, Cactus, sous ton pseudonyme ?)
"sinon, Ktrin , à quand un beau quatrain, TGV ou pas ? Sissi !"
J'ai pas compris vos écrits.
Je ne suis pas subtile, vous savez !
J'attends vos explications. (sourire)
A++++++++++
Rédigé par : Ktrin à Ludovic, Cactus et Catherine A. | 22 février 2008 à 03:28
Merci l'ami Cactus de me soutenir sur ce sujet ô combien épineux !
Rédigé par : Ludovic Lefebvre pour Cactus | 20 février 2008 à 23:55
Catherine A,
Pour les missionnaires, vous avez raison, c'est ignoble : les cannibales n'accompagnaient même pas ce plat d'une sauce barbecue !
Rédigé par : Ludovic Lefebvre pour Catherine A | 20 février 2008 à 23:54
@cactus
Désolée mais je crois que l'on doit dire aux gens ce que l'on pense, surtout si on les respecte. Sinon on est dans la condescendance.
Belles vacances. Belle journée à tous.
Rédigé par : catherine A. | 20 février 2008 à 13:23
@ notre hôte, sbriglia et Véronique en particulier, et à tous les autres:
La suite à Primo Levi est là :
http://livre.fnac.com/a2044491/Marcel-Bercau-Auschwitz-Lutetia
Ce n'est pas de la pub. Juste de l'information.
Rédigé par : Fleuryval | 20 février 2008 à 12:36
"Ce post est indigne." renvoie Catherine A. à Ludovic L. telle une Rambo loin de tout Verlaine voire Baudelaire !
et la liberté d'expression ?????????????
ATTENTION , attention , faut y penser , TOUJOURS même si on a encore le droit de ne pas être d'accord ! ( voir ma réponse récente de l'avis de Véronique )
Je soutiens donc Ludovic , moi :
IL reste indispensable côté pensées de ce blog !
souvenirs pas si lointain de ce " je vous demande de vous arrêter " ; non non , justement il faut continuer à débattre ( je sais qu'il y a battre en ce gros mot déjà pour certains ) !
diversité d'idées ( fixes ou pas ) , diverses citations , cités diversifiées , on avance on avance on avance si tous ensemble tous ensemble côté écrits jamais vains !
( sinon les écrits tôt tuent parfois , ne l'oublions pas ; j'ai un profond respect pour monsieur Lefebvre , au fait )
à bientôt Carla vacances , ooops car là , vacances ; voici que je me laisse aussi emporté par un esprit chien !
amitiés cactées tendrement dégloch'idées fixes à vous quand même !
Rédigé par : Cactus à la Grande Catherine A . | 20 février 2008 à 10:35
"Terrain miné, sables mouvants…!!"
je me permets de rajouter :
" sables émouvants " là : de la Grande Marie dépassant là notre Grande Catherine !
Sissi !!!
sinon :
"Qu’en sera-t-il si notre président, lisant son arbre généalogique, découvre soudainement qu’il a des origines barbares : Goths, Wisigoths, Ostrogoths, de Huns, de Mongols…. ?"
manquent juste les Saligoths , non ?
( coté arbre j'hésite entre le génial généalogique , logique et le gynécologique moins logique lui )
sinon , Ktrin , à quand un beau quatrain , TGV ou pas ?
Sissi !
Rédigé par : Cactus Goth là , miné de joie Mariesque Dantesque , entre arbre généalogique et gynécologique | 20 février 2008 à 10:15
@ludo
Je suis scandalisée par votre remarque et votre humour bas de gamme sur les missionnaires. Cette seule réflexion justifie le souhait de Sarkozy de ne pas oublier le caractère unique de la Shoah. Je le dis tout net, j'aime en général vous lire et vous apprécie malgré vos outrances. Là je suis dégoûtée. Profondément. Ce post est indigne.
Rédigé par : catherine A. | 20 février 2008 à 10:03
Je propose que chaque enfant en CE1 parraine un missionnaire s'étant fait manger par des cannibales en Afrique subsaharienne, par exemple les Guérés en Côte d'Ivoire, puisqu'il est important, paraît-il, de ne pas oublier. N'oublions pas les vendéens, le jeune Louis XVII et sa soeur, les jeunes filles enlevées sur les rives méditerranéennes pour la traite des blanches pendant des siècles, les jeunes marocaines esclaves ou prostituées contre leur gré de nos jours à Dubaï.
Je n'ai pas besoin que Nicolas Sarkozy ou X, Y oblige ma réflexion, influe mes sentiments pour avoir une naturelle compassion envers mes compatriotes juifs dont les parents ou grand-parents furent déportés en enfer. J'ai juste besoin que cela ne soit pas constant afin que je n'en ressente pas une lassitude, ce n'est pourtant pas difficile à comprendre.
Dans les TCC (thérapies cognitivo-comportementales) pour se débarrasser d'une émotion on s'y confronte par réminiscence (ex: EMDR, hypnose etc) ou en réalité (ex : arachnophobe en situation avec des araignées, claustrophobes dans les ascenseurs) une désensibilisation s'opère alors à la répétition des séances. Je maintiens et j'affirme, ce qui est rare chez moi, que l'excès de souvenirs, de mesure, de Shoah engendre le même phénomène. Pour vous le prouver, je vous demande de vous interroger en profondeur et honnêtement (en oubliant un instant le regard de l'autre) sur le sujet, ressentez-vous encore une compassion aussi intacte avec ce déballage télévisuel, ces excès depuis ces cinq dernières années que celle que vous aviez lorsque les hommages étaient plus rares et plus sobres ?
Je demande qu'on ne m'agace plus avec de l'outrance pour retrouver cet émoi premier.
Rédigé par : Ludovic Lefebvre | 20 février 2008 à 00:43
Bonsoir,
Je suis OK avec Arthur. J'ai l'impression que notre Président peut proposer tout ce qu'il souhaite, il y aura toujours des gens, et tant mieux c'est la démocratie, pour lui sauter dessus.
Je n'en fais pas une victime : il est assez grand, intelligent et bien entouré pour se défendre.
Je préfère défendre la vie des Français.
Mais il est vrai que je pense souvent : "qu'on lui lâche les baskets !" et comme il n'en porte pas sauf pour courir (!) , ben, encore une réflexion inutile de ma part !
A Catherine Jacob :
Les filles... sourire... hé oui, je n'ai pas dit qu'elles étaient plus sensibles et moins douées que les garçons. Je parlais des filles car je croyais naïvement qu'elles étaient moins captivées par les monstres télévisuels que les p'tits garçons.
N'ayant pas d'enfant, mea culpa.
Je vous l'ai dit, je suis une vieille : gamines, mes copines et moi n'étions pas intéressées par ce genre de films ou d'émissions. "Gavées" par la Petite Maison dans la Prairie (que j'aimais bien), il est vrai que cela changeait du paysage audiovisuel de 2008.
Dallas, je n'aimais pas.
Je le vis en live depuis quelques années avec l'actualité, donc, je me rattrape !
Bonne soirée à tous !
Rédigé par : Ktrin | 19 février 2008 à 19:14
Plus je relis votre texte, Philippe, plus je le trouve admirable...
...et plus je me dis que vous auriez votre place aux côtés de Simone Veil pour éviter que cette commission ne soit baptisée "théodule"...
Arthur : comme vous avez raison !
Il suffirait simplement de relire parfois Primo Levi : tout est dit !
Rédigé par : sbriglia | 19 février 2008 à 18:50
Si Tonton 1er avait eu cette idée de parrainage d'un enfant de la Shoah, nos brillants valets intellos donneurs de leçons incurables et indécrottables auraient ployé l'échine devant le Maître en mille courbettes, si c'était Chirac, ces mêmes "lou ravis" auraient trouvé que c'était une connerie, mais comme c'est Sarko, ils vocifèrent que c'est "abject" .
Mais personne ne trouve choquant d'envoyer des gamins visiter sur place les camps d'Auchwitz et autres, bizarre, bizarre.
Les précieuses ridicules sont toujours en service...
Rédigé par : arthur | 19 février 2008 à 15:23
Ktrin
«Ou mataient plutôt Jurassic Park [ J'avoue.] , tellement plus divertissant mais tout aussi terrifiant (à titre gratuit) pour les petites filles. »
Hum ! C'est la petite fille cependant qui restaure le système informatique, et aussi qui attire les ' viandosaures' loin du petit frère en frappant le sol des cuisines avec une louche, donc pas si terrorisées que cela, de bons réflexes, le sens des responsabilités et du sacrifice, donc de l'instinct maternel, et malgré tout des têtes les fifilles !
Rédigé par : Catherine JACOB | 19 février 2008 à 10:10
Marie (bis)
«Qu’en sera-t-il si notre président, lisant son arbre généalogique, découvre soudainement qu’il a des origines barbares : Goths, Wisigoths, Ostrogoths, de Huns, de Mongols…. ?»
Je m'aperçois que j'ai écrit - à l'adresse de Véronique - Guy Môquet comme on l'écrit généralement depuis la fameuse lettre, or dans le livre d'Henri Amouroux [ 1er trimestre 1963] il est écrit Guy Moquet. Cela m'a amenée à réfléchir sur la fonction de l'accent circonflexe («du latin circumflexus, 'fléchi autour' et l'un des cinq diacritiques utilisés en français». ) dans la notre langue, comme par exemple dans «tempête, hâte ou tête» où il indique un «'S' amuï suivant une voyelle allongée par sa chute : tempeſte, haſte, teſte» [ Ex. récupéré de http://fr.wikipedia.org/wiki/Accent_circonflexe_en_fran%C3%A7ais où il s' en trouve tout un certain nombre d' autres.]
Comme diraient les japonais «Samuï! Samuï!» = Brrrrrrrrrr Ah gla gla!
Plus sérieusement, et aussi curieusement, tandis qu'il indique un /e/ ouvert, et même très ouvert, il signale un /o/ fermé, et même très fermé. Enfin «parfois, l'accent circonflexe n'a pas d'origine précise. Il peut, par exemple, être ajouté à un mot pour le rendre plus prestigieux : c'est le cas dans trône, prône ou suprême. » Ça laisse songeur.
Rédigé par : Catherine JACOB | 19 février 2008 à 10:00
@ Catherine (Jacob)
En réalité il y a le nord-Vendée et le sud-Vendée. Enfin, je veux dire qu'il y a plus au sud, une Vendée clairement républicaine.
La chouannerie c'est un peu plus au nord, en Bretagne.
Et les guerres de Vendée concernent également le Maine-et-Loire et une partie des Deux-Sèvres.
Bref, là aussi rien n'est simple.
Sur le sujet de la note, j'ai seulement voulu dire que pour la période de l'Occupation, rien ne se comprend d'un coup.
Vous ne pouvez pas trouver en Vendée plus imprégnée d'une tradition et d'une culture catholique qu'une commune (la paroisse) comme Chavagnes-en-Paillers en 1940.
Et pourtant, des hommes, des femmes, des prêtres, un médecin plutôt libre-penseur, un maire plutôt à droite de la droite ont construit ensemble un asile provisoire pour ces enfants.
En rapide.
Pour les familles qui ont accueilli ces enfants, le maire, le médecin, le curé avaient demandé que soient pris en charge ces enfants.
Cela suffisait.
Rédigé par : Véronique | 19 février 2008 à 07:41
France 2 a passé un documentaire fiction sur la Résistance. Il y avait des images très fortes (euphémisme voulu) : j'espère, en suivant l'opinion des détracteurs de la proposition de notre président, que les enfants étaient couchés.
Ou mataient plutôt Jurassic Park, tellement plus divertissant mais tout aussi terrifiant (à titre gratuit) pour les petites filles : un avis qui n'engage que moi !
Je ne ferai pas toute la grille TV mais le choix restait plus que réduit.
Les enfants étaient peut-être aussi couchés, ce dont je doute fort. Là encore, ce n'est pas mon problème et je n'étais pas là pour vérifier.
Loin de moi l'idée de dicter la conduite parentale. Je suis uniquement l'argumentaire des gens contre toute évocation un peu forcée de la Shoah. La seconde partie parlera davantage du sujet, par ailleurs. Ce premier volet l'évoquait sans délayer. Bref.
Il serait intéressant, vu que nous sommes en vacances scolaires et vu l'heure de diffusion, de savoir comment les gamins ont pris, perçu ces images de l'Histoire qu'il est bon de ne pas renier.
Le fameux traumatisme que subiraient les enfants du siècle actuel à évoquer les mémoires d'un enfant de la Shoah sera toujours moindre à celui vécu par ces enfants ou jeunes gens à peine sortis de l'adolescence lors de la Résistance.
On entre dans le fameux traumatisme de l'enfant. Il y a pas mal d'autres choses qui peuvent le traumatiser en ces temps modernes, vous ne trouvez pas ?
Il y a des choses qui peuvent paraître saines ou inoffensives aux yeux des adultes qui au fond, sont interprétées à l'opposé par l'enfant.
Veut-on préserver ce dernier ? Si oui, il y aurait des tas de choses à modifier pour l'épargner ! Et au-delà de l'évocation d'un enfant déporté.
C'est aussi en se frottant à la souffrance d'autrui, même révolue, que l'on devient adulte. Une manière d'appréhender le Monde sans avoir automatiquement à le subir mais uniquement à mieux le comprendre. Je ne dis pas que la vision ou l'empathie de la souffrance de l'autre est le passage obligé pour accéder au bonheur. Il ne faut pourtant pas se voiler la face.
Il est sûr que le monde du souvenir d'un enfant martyr à 8-10 ans est à des années lumière du monde de Star Academy ou autres délices qui attendent nos chérubins à l'aube de leur adolescence.
Le valeurs sont autres. 15 minutes à tout casser dans mon existence à mater cette émission : je n'ai pas de mot pour la qualifier. Je me sens bien vieille lorsque je constate que, loin d'être traumatisés, les enfants de 2008 ont validé cette émission et que leur engouement pour ce style (par exemple, le rapport qui se noue entre les candidats) dépasse mon entendement !
Au placard, la vieille et ses idées conservatrices ! Au placard, le souvenir du Journal d'Anne Frank !
Un fantôme ne fait pas de mal à un vivant.
Les esprits peuvent être honorés. Ils le sont dans beaucoup de pays beaucoup moins matérialistes que d'autres.
En conclusion, chaque parent devrait décider pour son enfant. Et cela n'étant pas possible, qui vivra verra.
Bonne semaine !
Rédigé par : Ktrin | 19 février 2008 à 00:49
Marie
«Plus tard, à l’époque du mur, j’avais trouvé dans un grenier d’une maison en Allemagne, une boîte plate, étroite et longue, dans laquelle se trouvaient, enveloppés dans du papier de soie, des cheveux blonds. L’enfant de huit ans, qui se trouvait près de moi alors, en fut fort choqué. Ce n’étaient que des cheveux ! »
Je ne comprends pas très bien cette histoire de cheveux. Ce n'est pas comme si vous aviez trouvé, je ne sais pas mais par ex., un objet en peau tatouée...
Personnellement, il m'est arrivé d' utiliser mes propres cheveux comme faux cheveux destinés à gonfler certains chignons à une époque où les pièces montées étaient de mode. De nos jours je ne porte plus guère que le chignon tressé, roulé bas sur la nuque et fixé d'une seule courte baguette qui le traverse de part en part et en biais, tout un art..., mais je conserve toujours une ancienne natte pour le cas où.
Rédigé par : Catherine JACOB | 18 février 2008 à 23:25
@laurent
Si je trouve déplacée et morbide l'idée de N S je me méfie comme vous des amalgames, des "il n'y a pas que les juifs qui ont été exterminés". Souvent ils cachent une volonté de banalisation qui si nous n'y prêtons garde laisse grande ouverte la porte au révisionnisme. Cette extermination qui ne ressemble à aucune autre - je ne nie pas pour autant l'horreur de toutes les boucheries, les massacres sur notre continent, en Asie ou en Afrique, hier et aujourd'hui - est une des mes plus grandes interrogations sur l'homme. Une énigme complète.
La moindre des choses que nous devons à tous ces morts est de ne pas avoir, me semble-t-il, la mémoire courte.
Rédigé par : catherine A. | 18 février 2008 à 19:08
Terrain miné, sables mouvants…!!
Comment peut-on demander à un enfant de 10 ans de s’approprier la vie d’un enfant mort (de quel âge d’ailleurs ?) qui lui est totalement inconnu, parce qu’il fut exterminé il y a près de 65 ans ?
Monsieur Sarkozy vient d’admettre qu’il pourrait s’agir d’un parrainage d’un seul enfant par classe, éventuellement. Depuis, il tolère même un débat !
Selon Jean-Noël Cuenod de la Tribune de Genève :
http://www.tdg.ch/pages/home/tribune_de_geneve/l_actu/opinions__1/opinions_detail/(contenu)/194389
« …sa tactique fondée sur la rapidité des décisions touche aujourd'hui ses limites. Pour une fois, Nicolas Sarkozy devrait inverser les termes de sa méthode et réfléchir avant de décider. »
Le devoir de mémoire est nécessaire, certes. Il est même très important. Toutefois, ne relève t-il pas, en priorité, des parents avec leur histoire et non de l’Education Nationale, en dehors des programmes qui sont déjà prévus. Alors ne tombons pas dans l’émotionnel électoraliste !
Depuis quelques années, dans ce pays, nous avons l’impression qu’il n’y a plus qu’une certaine catégorie de population qui existe, qui a souffert et envers qui le souvenir doit s’adresser. 11 400 enfants juifs auraient été exterminés. Ce fut monstrueux. Et sous prétexte qu’ils étaient français, faut-il comme un mal lancinant instiller le nom de ces enfants dans la mémoire d’écoliers de 10 ans ? Attention à ne pas lasser ! Et d’obtenir ainsi l’effet inverse. De réactiver le racisme !
Insinue t-on, par ailleurs, que la France entière aurait été collaborationniste, donc responsable ? Ce qui n’a jamais été le cas pour tous !!!
Comme vous le citez fort bien, monsieur Bilger, en plus du Mémorial à Paris, il y a des livres, des films, des photos, des gravures, encore des mémoires vivantes… Des établissements scolaires effectuent des voyages dans les anciens camps, reçoivent les derniers témoins…. La télévision scolaire existe, de nos jours il y a internet, il est possible de ce fait de programmer une émission spécifique dans le cadre d’un programme précis, qui pourrait être perçu par l’ensemble de la France, en même temps !
Dans la dernière décennie, je me souviens qu’il y a eu, un soir sur France 3 une soirée « Holocauste » ou « Shoah », je ne sais plus, durant laquelle, toute la nuit, fut visionné « Nuit et Brouillard », en particulier.
Si, l’éducation des enfants d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec l’éducation que nous avons pu recevoir, nous, parents. Nos enfants vivent dans la violence. Il faut voir certains jeux vidéo, certaines séries, certains films : dans ceux-ci non seulement il y a la violence physique, mais il y a la violence du langage, la violence du bruit. C’est leur vie de tous les jours pour certains jeunes. Ceci mis à part, quel effet ce parrainage aura-t-il sur un enfant qui vit déjà dans son quotidien la violence dans sa famille ? Une déficience parentale ? Où seront ses repères ?
Le psyché de nos enfants intéresse le Président. Devra t-il du coup entrer dans le carnet de notes des CM2 ? L’école devra t-elle devenir une antichambre des psy ?
Lorsque j’étais enfant, pardon pour cet exemple, il y a longtemps, maintenant, étaient programmés à la télévision culturelle française des films, des reportages sur la guerre de 14 ou la Seconde guerre mondiale, en fonction des dates anniversaires, en plus grand nombre que maintenant. Vous me direz, il n’y avait que deux chaînes ; mais en ce temps là, on ne parlait pas aussi excessivement de la Shoah. C’est du moins enfant l’impression que j’avais.
Mon père qui vécut ces deux guerres ne manquait aucune diffusion et ses enfants, que nous étions alors, non plus. Par ailleurs, nous habitions tout près, même le long, d’une voie verrée fort empruntée. Je n’ai pas vécu la guerre, mais je me souviens que la petite fille que j’étais frissonnait, parfois, en entendant dans le calme de la nuit le grincement des roues des wagons qui passaient sur cette voie ferrée à l’occasion de changement d’aiguillage ou de manœuvres, ou certains jours à la vision de wagons de transport de marchandises ! C’était encore l’époque des locomotives à vapeur, débutait la BB.
Plus tard, à l’époque du mur, j’avais trouvé dans un grenier d’une maison en Allemagne, une boîte plate, étroite et longue, dans laquelle se trouvaient, enveloppés dans du papier de soie, des cheveux blonds. L’enfant de huit ans, qui se trouvait près de moi alors, en fut fort choqué. Ce n’étaient que des cheveux !
A ce même enfant il a fallu ensuite expliquer que nous étions en Allemagne, pays ami. Mais que pour emprunter le couloir pour aller à Berlin, il fallait une autorisation et que lorsque nous empruntions ledit couloir, l’Allemagne que nous traversions alors, était un pays ennemi.
Puis, que lorsque nous entrions dans ledit couloir l’Union Soviétique devait autoriser la traversée, mais que lorsque nous étions sortis de ce couloir, une fois à Berlin, l’Union Soviétique devenait un pays ennemi !!!! Pour quatre années plus tard, dire que tous les pays sont amis. L’Histoire est complexe !
J’ai rencontré, en ce temps là, en Allemagne une dame qui s’est excusée auprès de moi, émue, parce que son père s’était trouvé dans le camp des tortionnaires. Tout comme un « monsieur » allemand, il avait une fonction politique, qui m’a raconté qu’il avait participé à la bataille de Stalingrad, très ému, on le comprendrait à moins, les larmes aux yeux…
Alors, faut-il constamment ressasser un passé douloureux et le faire ressurgir, sous n’importe quelle forme, encore et encore et encore……..
C’est vrai, selon monsieur Sarkozy « la France n’a pas inventé la solution finale », mais, elle sait par ailleurs imposer la « rumination culpabilisante », la « psychose lancinante »…
Pour mémoire, je rappelle également qu’à la cérémonie du 08 mai 2007, monsieur Sarkozy était en vacances.
Je propose pour ma part, que dans le cadre de cette mémoire, il en soit fait de même pour tous les poilus qui furent insultés, humiliés, puis exécutés par la France, pour une prétendue désertion, après tirage au sort, parce qu’ils n’avaient pas pris une colline, une butte, qu’ils avaient reculé, parce qu’ils n’avaient pas l’appui d’une armée manquante ou d’une aviation en ses débuts, parce qu’un certain Nivelle les envoyait à la mort dans une offensive désespérée, au chemin des Dames, parce qu’ils ne voulaient pas porter le pantalon d’un mort, parce qu’ils avaient fraternisé une nuit de Noël avec l’ennemi…. Alors qu’ils se battaient pour leur Patrie, qu’ils faisaient leur devoir et qu’ils étaient envoyés à la « boucherie » !!!!.... et qu’au final, ils ont, par leur sacrifice, sauvé la France.
Après la lettre de Guy Môquet, l’ADN, la tentative de répertorier les enfants hyperactifs, la Loi sur la récidive des mineurs…
Faut-il maintenant traumatiser les enfants du primaire ?
Faudra t-il ensuite concevoir une nouvelle loi pour les futurs traumatisés ?
A quand le retour du cachot pour apprendre aux plus instables les effets d’une cellule ?
Il y a des couronnes d’épines qui ceignent…
Il y a des cœurs qui saignent…..
C’est assez, et mes cactus, dirait l’enseigneur Cactus ! spinescents, la spinelle ahhhhh, Ooohoooooohooooooooo
Qu’en sera-t-il si notre président, lisant son arbre généalogique, découvre soudainement qu’il a des origines barbares : Goths, Wisigoths, Ostrogoths, de Huns, de Mongols…. ?
Chaque enfant ou homme de France devra-t-il apprendre à construire un drakkar, se raser les tempes et porter la queue de cheval, ou faire un stage chez les « Rambo » ?
Rédigé par : Marie | 18 février 2008 à 18:57
Délicat sujet, encore, Philippe.
J'ai appris au lycée ce que furent les événements tragiques de 39-45 et bien avant si l'on en croit l'Histoire.
J'ai toujours les larmes aux yeux en voyant des films ou des documentaires traitant de l'antisémitisme.
Comment peut-on, mon Dieu, comment peut-on traquer, torturer et exterminer un peuple sous prétexte qu'il a une autre religion, idéologie ou autre différence que la nôtre ?
Au-delà de la Shoah, il y a la dimension d'intolérance, de racisme.
Je ne suis pas dans la tête de notre Président mais je pense qu'il voulait bien faire.
Il a choisi la religion juive et les rafles de ces enfants. Il aurait pu choisir tout autre peuple (un représentant de la communauté musulmane, excusez, j'ai oublié son identité) a déclaré ne pas vouloir faire de surenchère. Un rabbin disait sur le plateau TV que sa fille avait été traitée de "sale juive !" et ce représentant de la communauté musulmane de lui répondre que sa fille avait été traitée de "sale arabe !"
Il se trouve qu'il faudrait éviter en effet la lutte entre communautés sous prétexte que c'est la religion juive dont il est question avec cette proposition.
Dans la souffrance, il n'y a pas de hiérarchie. Dans l'inacceptable, il n'y a pas de hiérarchie. Il y a, faute de pouvoir effacer ces souffrances infligées, un symbole pour l'avenir.
Il y a juste, comme disent les Miss France qui se présentent, un souhait commun de vivre dans la paix.
En cela, le pas qu'a fait Monsieur le Président, s'il reste librement contestable car chacun l'accueille avec ses propres émotions, reste un pas qui traduit une bonne intention.
Une bonne intention qui, soupesée, critiquée, révèle ce qu'elle pourrait revêtir de morbide pour un tout jeune enfant. A l'origine, ce n'est pas ce caractère malsain qui était souhaité.
Je ne vois pas bien comment un enfant, avec tout ce qui évolue à la TV ( films, pub contre la cigarette présentée avec un couple qui fait l'amour dans les toilettes, par exemple), au cinéma et en chair et en os autour de lui, pourrait être perturbé par ce rappel à l'Histoire.
Je n'ai pas d'enfants et je ne suis pas pédiatre. Bien expliquée, je me dis que la vie n'est pas troublante pour un enfant. Je ne suis pas de confession judaïque... non plus !
Je crois juste qu'il ne faut pas condamner un geste bienveillant pour le devoir de mémoire.
Rédigé par : Ktrin qui ne comprend pas cette énième condamnation | 18 février 2008 à 18:34
On a l'impression que Sarkozy veut absolument qu'on parle de lui, tout le temps, tous les jours, jour et nuit, même le dimanche et les jours fériés. Je l'imagine ouvrant son poste radio, allumant sa télé ou ouvrant son journal, et écouter, regarder, lire frénétiquement tout ce qui se rapporte à lui. Il a sans doute besoin de cela pour prouver qu'il existe, que c'est lui qui gouverne et qu'il a du pouvoir. Or, en réalité, son pouvoir est très limité (cf ce que disait Mitterrand: je suis le dernier grand président, après moi, il n' y aura que des notaires...). Du coup, il est obligé d'intervenir dans des domaines où son intervention est inattendue (ex. la pub. sur les chaînes publiques) ou inutile. J'imagine que le simple fait de constater que chacune de ses propositions suscite des contestations doit le conforter dans l'idée qu'il faut continuer comme ça. Plus il y aura d'opposition, plus il aura l'illusion du pouvoir.
Rédigé par : Noblesse Oblige | 18 février 2008 à 15:46
Véronique
«Il y a quelques années, j'ai eu l'opportunité qu'Henri Amouroux me confie un travail de recherche d'informations sur l'évolution de l'opinion publique dans le département dont je suis originaire, la Vendée.»
Après avoir lu votre post en sirotant un café très chaud comme je les aime, je me suis levée et j'ai attrapé sur la dernière étagère des rayonnages de livres qui se trouve derrière moi «La vie des français sous l' occupation.» J'ai ouvert le chapitre IX la vie quotidienne dans les prisons et j'ai vu que le Guy Môquet du président y figurait p.235 et 236.
Page 244 il est fait mention de Louis Jaconelli qui lui aime Rolande, qui dessine sur les murs de la cellule 35 leur futur appartement et y trace ces mots: «Aujourd'hui 14-5-44 j'ai 18 ans, j'ai passé 17 ans auprès de ma famille, mes 18 ans en prison. Où passerai-je mes 19 ans ?» On saura qu'il a été déporté, sa trace se perdant à Dora [ http://pagesperso-orange.fr/d-d.natanson/dora.htm ].
Vous dites aussi :
«La question qui me taraudait quand j'ai rencontré des témoins directs de cet épisode était de savoir ce que représentait alors le mot juif pour ces gens qui parlaient encore de leur commune en terme de paroisse.»
C' est très intéressant. Ça m'a évoqué le fait que lorsque mon grand-père a été muté à Strasbourg, mon père devait avoir dans les six ans et ne comprenait ni le français, qu'il a appris en allant à l' école, ni l'alsacien parlé par tous les petits strasbourgeois de son âge [ http://www.verdammi.org/histoire.html ], mais le francique luxembourgeois [ http://www.thionville.com/html/histoire/francique.htm ] Malgré tout il a appris assez vite ce que ça signifiait quand on les traitait, lui et son frère de «Dreckiger Lothringer!» en prélude à une bagarre. Autrement dit de :«Sales lorrains !». Je me suis souvent demandé si ce qualificatif, qui se voulait insultant et stigmatisait purement et simplement une différence, autrement dit représentait un prétexte tout trouvé à ouvrir les vannes de la violence urbaine en tombant à bras raccourcis sur les plus faibles en nombre, n'avait pas fait naître chez lui deux extrémismes opposés à savoir que d'une part rien n'était jamais plus beau que Paris - au point qu'étant petite j'étais très complexée vis-à-vis des parisiens de ma famille - tandis que parallèlement rien n'était plus authentique que la vallée de la Moselle et ses rives où lui et son frère attrapaient les poissons à la main, sachant que rien n'était désormais plus dégradé non plus, et que dès lors rien ne serait plus jamais ce que ça avait été, le tout en glorifiant Strasbourg, sa ville ! De telle sorte qu'il y avait toujours moyen d'avoir toujours tout faux quelque part d'autant plus... qu'on n'avait pas connu la guerre... !
Bref, je pense à partir de là que votre remarque est très juste qui conduit à penser que l'enfant s'empare d'abord d'un mot dont il se rend compte qu'il porte et qu'il peut s'en servir pour faire bisquer le voisin en se définissant soi-même comme non-ceci cela, avant d'avoir conscience de son contenu objectif ou intrinsèque, lequel, ainsi que ses connotations et positives et négatives et neutres, vont lui être fournis par l'attitude de l'adulte vis-à-vis de son emploi. Or, l'adulte ne se résume pas à l'école. Et, comme nous le savons tout ce qui n'est pas relayé, accompagné, nuancé, etc..
Ceci dit, je suis très contente de savoir que vous êtes vendéenne. Le livre de Jeanne Favret-Saada Les Mots, la mort, les sorts (1977) [http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_Favret-Saada ] - laquelle semble avoir également publié des ouvrages se situant au coeur des questions actuellement débattues, mais que je n'ai pas encore lus - ayant suscité chez moi tout un questionnement à l'égard de votre bocage dont je ne sais rien si ce n'est ce que j'en ai appris à l'école autrement dit se résume à ce qui tourne autour de la chouannerie et du paysage que constitue le bocage.
Rédigé par : Catherine JACOB | 18 février 2008 à 14:57
@ Jean-Dominique
"J'ai sans doute été teinté, beaucoup plus jeune, d'un antisémitisme ordinaire, répandu naturellement dans une population française de culture catholique."
Il y a quelques années, j'ai eu l'opportunité qu'Henri Amouroux me confie un travail de recherche d'informations sur l'évolution de l'opinion publique dans le département dont je suis originaire, la Vendée.
Une commune de ce département a accueilli dans des familles une cinquantaine d'enfants juifs entre 1941 et 1945.
La question qui me taraudait quand j'ai rencontré des témoins directs de cet épisode était de savoir ce que représentait alors le mot juif pour ces gens qui parlaient encore de leur commune en terme de paroisse.
Pour eux, au moment de l'Occupation, le terme juif désignait quelque chose de très vague. Très sommairement lié à l'antijudaïsme très longtemps véhiculé par l'Église.
Mais l'antisémitisme tel qu'il s'était exprimé depuis les années 30 jusqu'à l'Occupation n'avait pas réellement de réalité pour eux.
La stigmatisation leur était étrangère.
Les enfants avaient été déclarés dans le registre de l'école de Chavagnes-en-Paillers avec leur vraie identité.
Rédigé par : Véronique | 18 février 2008 à 09:26
Et les 206 enfants d'Oradour-sur-Glane brûlés vifs par la division Das Reich ? Six avaient moins de 6 mois...
Rédigé par : Marie-France Bezzina | 18 février 2008 à 08:03
Le rabbin Gilles Bernheim m'excusera d'avoir écorché son nom.
Rédigé par : Laurent Dingli | 17 février 2008 à 22:54
@Véronique,
Je connais et apprécie trop le sens de la nuance et l’esprit de notre hôte pour lui faire de faux procès. Il a écrit : « Pourquoi y aurait-il un devoir de la mémoire, alors que ces notions sont si profondément contradictoires ? (…) Pour ma part, j'opposerais volontiers à cet impératif absurde la liberté de la mémoire...». J’ai seulement répondu que je ne trouvais nullement, pour ma part, que ces notions fussent contradictoires et cet impératif absurde. Mais je crois que nos divergences sont en réalité mineures et que l‘intérêt réside surtout dans le débat qu‘elles suscitent.
Je suis entièrement d’accord avec ce que vous dites sur le discours du Vel d’Hiv. L’ancien président de la République, Jacques Chirac, a effectué un geste fondamental, une véritable rupture et celle-ci, comme vous l’avez rappelé, à été permise, facilitée, préparée par des travaux historiques de très grande qualité comme ceux de Raul Hilberg. Tous ces ouvrages m’ont d’ailleurs beaucoup aidé à essayer de comprendre cette période. Savez-vous d’ailleurs ce qui m’a le plus touché depuis la parution de mon dernier livre ? C’est de découvrir subrepticement que cet ouvrage, qui n’était qu’un roman sur l’histoire de l’Allemagne, le génocide et le nazisme, soit répertorié dans la librairie du Mémorial de la Shoah. Et je vous l’assure, en toute sincérité, ce simple fait fut bien plus important pour moi que d’obtenir le plus prestigieux des prix littéraires. J’ai eu l’impression de présenter une offrande dans un temple, d’y pénétrer moi-même sur la pointe des pieds, un temple dédié à la mémoire de tous ces morts auxquels certains essaient de redonner un nom. Je crois, sûrement un peu pompeusement et un peu sottement à cet honneur-là. En écrivant, j’avais en tête les récits de Raul Hilberg, les recherches de Claude Lanzmann, les témoignages d’Eliyahu Yones et de tant d’autres. J’étais obsédé par le regard terrorisé de cette jeune fille prise en photo par un SS lors d’une Aktion dans le ghetto de Lvov ou de Lods (je ne sais plus, seul son visage m‘est resté), j’avais en tête les récits du Père Patrick Dubois, l’image de ces familles entières précipitées vivantes dans des puits en Ukraine. Et je me suis demandé : qu’est-ce que cela peut bien être d’agoniser dans les ténèbres d’un puits en entendant les cris de ses parents, de sa femme, de ses enfants et d‘attendre ainsi la mort dans l’impuissance, l‘angoisse et la douleur ? Et en lisant d’autres travaux comme ceux de Richard Rhodes, je me suis demandé : quel est le sens de l’humanité lorsque des centaines de personnes sont jetées dans une fosse commune et recouvertes vivantes - oui vivantes - de chaux vive et que vos bourreaux vous regardent agoniser en riant pendant des heures ? Je suis particulièrement disert sur le sujet, vous l’avez constaté, parce qu’il a été au cœur de mes recherches et de mon questionnement, comme il l’a été pour bien d’autres, plus vieux ou plus jeunes que moi. Une dernière chose enfin, très différente, m’a aussi profondément ému, c’est de rencontrer deux femmes allemandes de soixante et soixante-dix ans que j’ai vu pleurer à la seule évocation de cette tragédie parce qu‘elles portaient le poids trop lourd d‘une faute qu‘elles n‘avaient pas commise. L’une d’elles m’a même dit, en public, « votre livre m’a enlevé le repos ». Et je vous jure que, ce jour-là, j’ai regretté un moment de l’avoir écrit.
Rédigé par : Laurent Dingli | 17 février 2008 à 21:54
Si nous voulons torturer à tout prix les petits Français, ne serait-ce pas plus opportun de leur faire lire les posts de Catherine Jacob ?
PS : bonjour Marie.
Rédigé par : Ludovic Lefebvre | 17 février 2008 à 21:25
Nous sommes d'accord. Pour un historien, le devoir de mémoire est un faux concept. Il y a la mémoire, qui n'appartient qu'à ceux qui ont un souvenir, puis vient l'histoire, quand la passion des souvenirs s'est éteinte avec ceux qui les portaient en eux.
Longtemps j'ai fredonné le refrain de la chanson de Goldman "Comme toi", sans m'être intéressé au reste des paroles. Pour moi c'était une mièvrerie sentimentale comme une autre avant que je n'écoute, il y a 2 ou 3 ans, les paroles. Ces paroles ne pouvaient prendre sens pour moi qu'après avoir fait un travail de recherche, fort simples au demeurant : des films, des livres, des voyages à Auschwitz notamment.
J'ai sans doute été teinté, beaucoup plus jeune, d'un antisémitisme ordinaire, répandu naturellement dans une population française de culture catholique. J'en suis sorti sans effort par le haut, c'est à dire par l'analyse, le raisonnement et j'ai construit alors un véritable amour pour ceux que l'on a fait souffrir.
Nicolas Sarkozy veut toujours opposer la raison à l'émotion, Dieu à l'analyse critique, la foi à la froideur intellectuelle : il a peur de l'intelligence qui lui semble incompatible avec les sentiments.
Comme il a tort.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 17 février 2008 à 19:19
Nicolas Sarkozy a déclaré, vendredi, à Périgueux (sic) :
« …Croyez-moi, on ne traumatise pas les enfants en leur faisant ce cadeau de la mémoire d’un pays pour leur dire un jour c’est vous qui l’écrirez l’Histoire de ce pays nous nous en sommes la mémoire ne refaites pas les mêmes erreurs que les autres… »
Avons-nous droit au « syndrome 72 » ? Ou est-ce uniquement électoraliste ?
N’y aurait-il pas du Klarsfeld derrière cette mesure ? Son site :
"Le mémorial des enfants juifs déportés de France (60 mn)"
Dans le « post.fr » : L’écrivain Yves Stefanovitch explique des propos sur les écoles juives "trop subventionnées" et que cette mesure est destinée aux électeurs juifs de Paris du 10e, 17e, 19 et 20e tenus par la gauche.
"Le Post, le mix de l'info - Toute l'actualité, minute par minute ..."
Dans, la Tribune de Genève : « Boris Cyrulnik décrit les dangers de l'initiative prise par le président Sarkozy » :
« …Il m'apparaît que cette initiative du président constitue une faute insupportable, tant à « l'égard des enfants d'aujourd'hui qu'envers les survivants de la Shoah.
« …On fait porter à ces enfants un poids émotionnel énorme qui n'est pas acceptable et qui « met leur développement en péril…
« Et pour les survivants de l'Holocauste, en quoi cette décision du président Sarkozy peut leur « être préjudiciable?
« Elle va à fin contraire du combat de leur vie. Pendant des années, ils se « sont dénié le « droit d'être heureux puisqu'ils avaient eu cette chance rarissime d'avoir « échappé à la mort. « Dans leur esprit, ils devaient «payer» cette chance en expiant. Durant « toute leur existence, « ils ont donc du surmonter cet obstacle au bonheur, afin de ne pas faire « une carrière de « victime. Cette initiative les replace en position de victimes.»
" Tribune de Genève - Index Monde "
http://www.tdg.ch/pages/home/tribune_de_geneve/
recherche/recherche_3_2_1/(contenu)/194434
Arte vient de diffuser une émission intitulée « Sonderkommando Auschwitz-Birkenau » ; sur son site, on y trouve une documentation importante, dont « Eduquer après Auschwitz ».
Dans l’horreur d’une époque, malgré toutes les humiliations, je viens de découvrir que la femme n’a même pas l’égalité devant la mort ! Il paraît, mesdames, que nous brûlons mieux que les hommes et que lorsqu’il fallait ranimer un four, était recherché, pour cela, le cadavre d’une femme.
http://www.arte.tv/fr/histoire-societe/archives/
Holocauste/750016,CmC=753926.html
En réalité, certains pensent que cette mesure en cachera une autre à savoir : le financement des mosquées en France. D'où la nécessité de revisiter la Loi de 1905 ! Mais pas avant les élections, bien sûr ! (municipales, j'entends)
Rédigé par : Marie | 17 février 2008 à 16:16
J’ai écouté ce matin l’intéressante interview du grand rabbin Serge Naim et du Primat des Gaules Philippe Barbarin qui viennent de publier ensemble un livre chez Stock. Dominique Souchier les a interrogés sur la question du parrainage des enfants juifs. S’ils considèrent que le « parrainage » individuel est une chose trop lourde pour un enfant de dix ans, ils considèrent en revanche que l’évocation de cette mémoire par une classe entière est une bien meilleure idée. Vous savez sans doute que, dans le JDD de cette semaine, Emmanuelle Mignon, collaboratrice de Nicolas Sarkozy, s’est dit ouverte à un tel élargissement. Je crois aussi que ce moyen terme est largement préférable à l’individualisation de la mémoire, car le « cadeau » risquerait alors de devenir rapidement un « fardeau ». Le grand rabbin Naïm l‘a fort bien expliqué lui-même : la confrontation de mémoires différentes est une richesse pour notre République (et non pas un danger comme le redoutent certains). Dans le JDD, Emmanuelle Mignon a utilisé par ailleurs l’exemple du journal d’Anne Frank, pour atténuer les craintes de « traumatisme », ce à quoi le cardinal Barbarin lui a répondu indirectement que les enfants avaient alors la médiation du livre. C’est exact, mais j’ajouterai pour ma part que les enfants français ont toujours été confrontés à une mémoire violente et douloureuse : ceux de l’entre-deux-guerres furent nourris dans le souvenir du sacrifice des Poilus dans un pays constellé de monuments aux morts et de pierres tombales ; avant eux, des générations furent élevées dans le culte républicain rendus à deux enfants morts : Bara et Viala. Et avant eux encore, pendant des siècles, de petits chrétiens ont appris à adorer la représentation d’un homme dont le front était sanglant, le corps déchiré de plaies et cloué sur une croix. Traumatisme ? Allons donc !
@ Véronique, je vous réponds dès que possible, mais sachez d’ores et déjà que je n’attaque pas mes pairs, les historiens, loin de là, je dis seulement que nous n‘assistons pas, comme certains veulent le faire croire, au combat du vice contre la vertu.
Rédigé par : Laurent Dingli | 17 février 2008 à 15:48
@Laurent Dingli
«Si nous sommes en Europe pratiquement les seuls au monde à avoir reconnu nos propres crimes, ce ne fut que rarement ou jamais le fruit d’une repentance spontanée. La Turquie qui n’y a pas été obligée, ne l’a pas fait. Le Japon non plus.»
Il me paraît utile de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler de certains sujets et en l'occurrence de vérifier ses dires avant de les énoncer.
«Le Premier ministre Tomiichi Murayama a déclaré en août 1995 que le Japon « par sa domination et son agression coloniale, a provoqué de terribles dommages et souffrances pour les peuples de nombreux pays, en particulier pour ceux de nations asiatiques », et il a exprimé son « sentiment de profond remord » et présenté ses « sincères excuses ». De même, le 29 septembre 1972, le Premier ministre japonais Kakuei Tanaka avait déclaré que « la partie japonaise est intensément consciente du grave dommage que le Japon a causé par le passé au peuple chinois par la guerre et se le reproche vivement ».
Toutefois, les excuses officielles sont souvent considérées comme insuffisantes par de nombreux survivants de ces crimes et/ou par les familles des victimes décédées.»
Je crois que c'est donc là un débat qui en rejoint d'autres sur ce blog.
Ceci étant:
«Le gouvernement japonais a accepté officiellement les demandes d’indemnisation des victimes de crimes de guerre comme stipulé par la déclaration de Potsdam. »
S'agissant de ces derniers vous trouverez à cette adresse [ http://fr.wikipedia.org/wiki/Crimes_de_guerre_japonais ] une définition de ce qu'on entend par 'Les crimes de guerre japonais'. Vous pourrez également y consulter les rubriques suivantes:
- Les réactions de l’après-guerre
4.1 Les procès de Tokyo
4.2 Les autres procès
4.3 Excuses officielles
4.4 Indemnisations
4.5 Indemnités intermédiaires
4.6 Indemnisation en vertu du traité de San Francisco
4.6.1 Indemnisations basées sur les actifs japonaises d’outre-mer
4.6.2 Indemnités aux prisonniers de guerre alliés
4.6.3 Territoires alliés occupés par le Japon
4.7 Débat au Japon
4.8 Réinterprétations controversées en dehors du Japon
4.9 Recherches ultérieures
L'article est également consultable en japonais mais sans les photos.
Je conseille accessoirement en particulier à Ludo Lefevre la lecture de ce chapitre :
"3.5 Tortures de prisonniers de guerre",
en lui faisant observer qu'il est classé parmi les 'crimes de guerre imputables aux japonais' et je lui suggère de le comparer avec ses observations à mon adresse concernant ce même sujet en réponse à un post qu'il a ultérieurement qualifié de 'frasques'.
J'ajouterai aux extraits cités ci-dessus ces deux anecdotes personnelles:
Mon père ayant effectué un jour un voyage d'agrément organisé pour les retraités de son entreprise, ce fut pour lui l'occasion de faire la connaissance de l'épouse coréenne de l'un des collègues.
Comme c'était un vieux monsieur très urbain, il a souhaité se montrer agréable et s'est présenté en ajoutant :"Ma fille fait du japonais."
Ire de la dame qui lui coupe la parole en disant : "Je suis coréenne, les japonais ont commis des crimes de guerre contre les coréennes en les réduisant en esclavage sexuel."
Interloqué par l'attaque soudaine, mon père qui ne pensait pas à mal en disant à titre d'entrée en matière que sa fille faisait du japonais, s'est excusé pour sa fille (??), n'a pas parlé de sa guerre à lui et s'est retiré dans son coin puis a cherché d'autres interlocuteurs.
Sa fille informée par la suite de l'incident et qui n'ignore pas le drame douloureux des coréennes et a suivi certains épisodes de leurs demandes d'indemnisations, a tout de même dès lors presque envie de demander qu'on lui explique la différence entre ces deux photos :
Cliché n°1 qui ne dédouanne bien évidemment en rien les tortures, manipulations et autres lavages de cerveau ainsi que l'utilisation des armes bactériologiques par la partie adverse. Il s'agit d'un cliché du massacre de Taejon commis par des soldats nord-coréens battant en retraite:
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/ba/Taejon_massacre
.jpg
On précisera également que "La proportion de pertes chez les prisonniers de guerre sud-coréens et des Nations-Unies dans les camps nord-coréens et chinois atteint selon certaines études aux alentours de 43%".
Cliché n°2:
Qui montre Hsuchow, Chine, 1938. Un fossé plein de corps de civils chinois tués par des soldats japonais:
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/db/Nanjing_ditch.jpg
Ce cliché est en rapport avec le seconde anecdote (ou 'inverse)
J'ai eu parmi mes étudiants de japonais à l'université de Metz, une ressortissante de Chine populaire qui avait été inscrite en Lettres modernes et avait pris le japonais en langue vivante optionnelle ( 'parce qu'il n'y a avait pas chinois' - ). Mariée à un français, elle enseigne de nos jours le chinois dans cette même université après y avoir enseigné le français langue étrangère à des contingents d'étudiants chinois en stage.
L'une des premières choses qu'elle m'ait fait savoir, c'est que sa famille était originaire d'une région où avait particulièrement sévi l'armée japonaise.
Que répondre à qui tend de surcroît à vous faire également reconnaître que les japonais ont emprunté les idéogrammes à la Chine, mais qu'ils les écrivent tout de même encore mieux que les occidentaux qui enseignent le japonais ?
Enfin, ayant commencé à enseigner le chinois dans une institution culturelle non universitaire, elle m'y rencontre par hasard dans les couloirs et me fait observer avec un petit rire : "Tiens, vous enseignez aussi ici, je ne savais pas." Je réponds donc: "Ce n'est pas étonnant, cela fait seulement dix ans que j'y suis."
Donc là aussi, a un moment donné, on a envie de demander à son interlocutrice ce qu'elle pense de l'actuelle observation des droits de l'homme par la Chine et par le Japon.
Voilà. Je ne suis ni meilleure, ni pire que beaucoup d'autres, mais je préfère militer pour une meilleure compréhension mutuelle ce qui implique d'étudier avec acharnement plutôt que de passer son temps à l'ouvrir aussi largement que quiconque peut s'estimer autorisé à le faire ! Je crois que cela répond également à la question du billet du jour !
Rédigé par : Catherine JACOB | 17 février 2008 à 15:30
@ Laurent
Je ne pense pas que P. Bilger exprime dans sa note une opposition ou une hostilité aux devoirs de mémoire.
Ce qui pose question dans sa note c’est que comme vous, j’y ai lu, peut-être à tort, un désaccord de Philippe au sujet de la prise de position de J. Chirac dans son discours du Vel d’Hiv.
Il y a le choix que fait un pays pour commémorer des événements qu’il juge représentatifs de ses valeurs fondamentales. Le discours du Vel d’Hiv a été fait pour nous les rappeler et savoir regarder en face les conséquences de leur transgression :
" La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. "
Ce discours, selon moi, échappe à l’instrumentalisation de l’histoire et au risque de l’impératif d’une histoire officielle que semble craindre Philippe. Le Vel d’Hiv dépasse ce débat et rejoint dans notre mémoire collective le souvenir attaché, par exemple, au Mont Valérien.
Par ailleurs, ce que vous reprochez aux historiens me semble injustifié.
Le discours du Vel d'Hiv n'a été possible que parce que préalablement des historiens ont su aborder la période de l'Occupation en s'affranchissant des lectures seulement idéologiques de cette période.
Ce sont d'abord les travaux d'historiens américains qui ont ouvert la voie: Raul Hilberg, Robert Paxton, pour les plus connus.
La particularité du film de C. Lanzmann "Shoah" est qu'à aucun moment il n'y a d'images d'archives. Le film est tout entier construit avec des témoignages. C’est une œuvre très personnelle qui parle d’un universel.
Si nous lisons R. Hilberg et si nous regardons le film de C. Lanzmann, nous prenons conscience de ce que fut cette gigantesque entreprise d'extermination - au sens industriel du terme - avec tous ses rouages à l'échelle européenne.
Maintenant, que des historiens se défendent de n'être utilisés qu’à des fins politiques ou idéologiques, je pense qu’ils expriment là quelque chose de fondamental pour le respect de leur discipline.
Enfin, concernant les lois mémorielles.
Interdire à la bêtise et à l'ignorance de s’exprimer, c’est aussi prendre le risque que trop contraintes et tues, elles ne soient jamais contestées ni contredites.
C’est aussi, très sûrement, de cette façon que les poisons, confortés, profilèrent dans les esprits et dans les cœurs.
Rédigé par : Véronique | 17 février 2008 à 13:05
@francis
« Quelle mémoire ressent un gamin de 10 ans devant la mort ? » demandez-vous.
En voici deux exemples :
« Et la charrette se mit à hurler sa roue, les morts à hurler leur mort, les vivants leur vie et l’Enfant se bouche les oreilles pour ne plus entendre.
Légère, semblant glisser sur l’immatériel de l’air du matin, elle s’enfonça dans l’énorme disque du soleil levant. Alors chaque mort s’entoura d’une auréole lumineuse que les tours de roue grandissaient en cercles concentriques se coupant et recoupant telles les rides provoquées par un jet à la surface calme de l’étang.
Avec lenteur, la charrette se fondit dans l’or de l’aube naissante et il ne resta plus, imprimées sur le rose du ciel, que les mailles d’un immense filet de douleurs.
Le four crématoire, non loin, indifférent, fumait.
Proche dans un arbre, un oiseau faisait fête à la douce tranquillité de l’heure.
Déjà c’était un jour nouveau. »
Poème dédié à Claude B.
Résistant en son Temps de jeunesse, mon ami de misère
Cette image de « L’inimaginaire »
A […] un 11 février. (L’auteur)
Ma nièce était encore assez petite quand nous avons découvert dans le jardin, un papillon qui battait faiblement des ailes. Elle a demandé : « Qu’est-ce qu’il a le papillon ? » - J’ai répondu : « Il va mourir. » La petite fille est restée accroupie à côté du papillon, puis tout un coup elle a dit : « Il ne bouge plus. » - J’ai commenté brièvement : « Il est mort. Tous les papillons meurent. » - l’anecdote se situe peu après le décès d’une sœur. Nous sommes retournées à l’intérieur, l’histoire du papillon paraissait oubliée, mais quelque temps après elle a demandé à apprendre une chanson sur les papillons. J’ai fait alors le choix d’une comptine japonaise qui disait : « Le couffin où dort le papillon est une fleur de colza que berce le vent. Berce là, berce là vent, berce la fleur de colza. ». Une paire d’années après, le papillon est réapparu dans un coin d’un autoportrait de l’enfant qui s’était dessinée rêvant les yeux ouverts et avait calligraphié en caractères japonais et à une certaine distance l’un de l’autre, le mot « papillon » ainsi que son propre prénom. Je pense qu’elle avait intuitivement capté tout un certain nombre de choses graves du monde intérieur des adultes et qu’elle les avait restituées à sa manière et… en s’en libérant, ce qui est très important. J’ai conservé le dessin, tel « une fleur dans mon jardin d’hiver » comme dirait ce disparu d’hier, et profitant ainsi de l’anecdote pour lui rendre hommage.
Rédigé par : Catherine JACOB | 17 février 2008 à 13:02
La lecture des commentaires de cet article montre bien comment les meilleures intentions (faisons l'économie de juger les intentions) peuvent n'être que la clef de la boîte de Pandore.
Sans discuter du caractère "inopportun" de l'initiative présidentielle abondamment commentée déjà, un fait m'a surpris et choqué dans l'énoncé même de ce projet.
Les journaux, passé la première annonce, avaient coupé dans le texte. Les journaux télévisés de vendredi ont repris à plusieurs reprises les mots initialement cités. Or il s'agit pour le Président de la République que chaque enfant soit le dépositaire de la mémoire d'un enfant FRANCAIS de confession juive mort du fait du nazisme. Les enfants étrangers de religion juive arrêtés sur le sol français et livrés aux autorités allemandes doivent ressortir à une autre histoire, ils n'ont pas lieu d'être inclus dans notre mémoire.
Quelle bizarrerie.
Au-delà de ça, je ne suis pas persuadé que les enfants doivent supporter les foucades de tel homme politique qui refusant la repentance, charge les écoliers de commémorer sans comprendre des faits peut-être au-dessus de leur capacité émotionnelle et de leur possibilité de réflexion.
Rédigé par : Hermione | 17 février 2008 à 00:27
Ce qui m'a choqué, c'est le dialogue entre Sarkozy et les élèves de l'école primaire. Ils avaient préparé leurs questions :
Elève : "Que détestez-vous le plus ?"
Sarkozy : "le mensonge" !! Un homme politique aussi menteur que lui, oser dire ça devant des gamins ! Quelle leçon de morale en effet...
Rédigé par : Têtuniçois | 16 février 2008 à 22:26
Quelle mémoire ressent un gamin de 10 ans devant la mort ? La séparation d'avec un proche plus ou moins perçue douloureusement, une image animée qui s'est estompée, à édulcorer par les proches qui diront de ne pas en perdre le souvenir. Au dîner du CRIF, il faut hélas le dire brutalement, le Président NS n'a fait sottement que de l'électoralisme de mauvais aloi. Rafler le vote juif. J'en suis ulcéré et déçu. J'ai sauvé ma peau il y a 65 ans grâce à des Justes qui m'ont abrité, tout en ignorant le péril qu'ils encouraient. Ils obéissaient à leur charité d'humain affligé devant ma détresse, sans rien me demander, même pas ma conversion. Ne vous en déplaise, M.Bilger, J.Chirac n'a pas failli au rendez-vous de cette tragédie, il a dit ce que les précédents Présidents peut-être plus madrés n'avaient pas eu le courage et surtout la franchise d'avouer. Après lui, la messe était dite ! Une suggestion, pourquoi ne pas demander aux gamins rescapés, vieillards aujourd'hui, de dire ce qu'ils ont vécu en rapportant l'entraide reçue, et cela dans des classes de CM2 préalablement préparées par leur enseignants. Ce serait favoriser le terreau social et politique.
Rédigé par : francis | 16 février 2008 à 22:20
Je poursuis la réflexion que j’ai déjà (longuement) engagée sur le parrainage des enfants juifs en commentant votre texte « Vraiment Maître ». Je ne reviens pas sur la question de l’âge des élèves et de la pertinence du projet que j’ai abordée avant de lire votre dernier article.
Quant au reste, je ne partage pas votre point de vue. Contrairement à vous, j’estime en effet que le cœur peut être « un palliatif quand la force collective d'un pays n'est plus suffisante à elle seule pour susciter lien, confiance, communauté, espérance ». Et je ne crois pas davantage que la morale soit, en l’occurrence, cette « rustine des éventuels ratés de la politique ». Je ne serai pas aussi sévère que vous et, selon moi, de réelles convictions servent de liant à cette rustine-là. Mais ceci n’est pas l’essentiel. On peut être en désaccord avec ce projet, sans pour autant le résumer à un vulgaire clientélisme ou à une médiocre stratégie électoraliste, comme je l‘entends ici ou là.
Contrairement à vous, je crois que le « devoir de mémoire » n’est pas un impératif absurde, bien au contraire ; je sais que le volontarisme et l’omniprésence du président de la République agacent ; je comprends bien aussi cette impression de déséquilibre entre des mémoires qui s’imaginent concurrentes, bien plus qu‘elles ne le sont en réalité ; et je sais que certains considèrent, sans doute à tort, que le politique n’a pas son mot à dire en matière d‘Histoire. Je constate cependant que, comme au Moyen Age, comme au XVIIème siècle, quelques sorbonnards s’effarouchent. Tous ces cris de sorbonnicoles indignés et autres théologiens fulminants, retranchés derrières leurs saints canons, commencent à m‘écorcher les oreilles. Ce sont les mêmes qui, depuis soixante ans, ont façonné l’histoire à leur guise, suivant l’idéologie dominante : gaullistes, communistes, socialistes, libéraux… Ce sont les mêmes qui ont dressé des autels à certains et foulé aux pieds la tombe des autres. Que ces cordonniers si mal chaussés ne parlent donc pas d’objectivité ! Oui, je crois au « devoir de mémoire » et non pas à la liberté de celle-ci, parce que je n’ai aucune confiance en l’homme, parce que, si on ne l’obligeait pas à se ressouvenir, régulièrement, si on ne lui interdisait pas de tenir tel ou tel propos, de défendre telle ou telle thèse, il ne le ferait pas spontanément, les courants négationnistes s’épancheraient, les amalgames les plus abjects se multiplieraient. Je vous jette en pagaille deux ou trois propos que j’ai entendu proférer par de « braves gens » au cours des six derniers mois. Pendant un dîner : « la télévision, le journalisme sont aux mains des Juifs ». Lors d’une discussion, un autre m’expliquait : « Ben les juifs font aux Palestiniens la même chose que les Allemands leur ont faite, ça leur a pas servi de leçon », Et je ne parle pas du complot inventé par un ignoble affabulateur suivant lequel la CIA et le Mossad avaient fait sauter les Twin Towers, complot qu’une ribambelle d’imbéciles s’est empressée de croire sur-le-champ. Je me souviendrai toujours de l’œil glauque d’une promeneuse qui me dit un jour de Noël 2001 à ce propos « il y a tout de même des choses troublantes dans cette histoire». Et puis, il y a aussi ce que beaucoup pensent et n’osent pas dire publiquement : « on parle trop des juifs, il n’y a pas que les juifs qui ont souffert » - ce qui est exact, mais cache souvent des pensées plus inavouables. Je voudrais encore, pour illustrer mon propos, prendre deux exemples plus anciens. Lorsque, après la Libération, Yves Montand a découvert aux actualités cinématographiques les premières images des camps d‘extermination, avec Edith Piaf, il a tout d’abord été horrifié, puis, raconte-t-il, il s’est un peu « accoutumé ». C’est alors qu’Edith Piaf, qui était très croyante, lui a dit en substance : si on a fait ça aux juifs, c’est qu’il y avait une raison - en d’autres termes qu’ils avaient du commettre une faute. Autre exemple, une des personnes qui m’a le plus aidé dans mon parcours universitaire, Elisabeth Labrousse, spécialiste mondiale du protestantisme, me racontait autrefois cette anecdote : alors qu’elle faisait la queue devant une boutique au lendemain de la guerre (c’était encore la période des pénuries), elle entendit devant elle un des clients éructer: « c’est encore la faute de ces sales juifs, les Boches n’en ont pas suffisamment exterminés ». Horrifiée, madame Labrousse a alors pris une bouteille dans son cabas pour assommer l‘antisémite, mais s’est évanouie sous le coup de l’émotion. Bien des choses ont changé depuis lors et je ne dis pas que la France, que l’Europe seraient antisémites, loin de là, mais qu’il faut toujours canaliser cette bonne vieille nature humaine.
Vous qui êtes procureur, le savez mieux que moi, cher Monsieur Bilger, la civilisation n’est qu’un vernis constitué, entre autres, par le « devoir » et la « morale ». Si nous sommes en Europe pratiquement les seuls au monde à avoir reconnu nos propres crimes, ce ne fut que rarement ou jamais le fruit d’une repentance spontanée. La Turquie qui n’y a pas été obligée, ne l’a pas fait. Le Japon non plus. En Serbie même, les jeunes se montrent souvent bien plus ouverts et critiques que leur parents et grands-parents, mais ils ont subi entretemps une guerre. L’Autriche, qui n’a pas fait le centième du travail de mémoire de l’Allemagne, se donne encore des allures de vierge. Et l’on pourrait prendre bien d’autres exemples. C’est parce qu’il y a eu Nuremberg, c’est parce qu’il y a eu des lois, c’est parce que nous nous sommes imposés un « devoir de mémoire » que cet examen de conscience a pu s’effectuer… et se poursuivre. Non, il n’y a là rien d’absurde dans ce devoir. Aussi belles soient-elles, les chanson de Ferrat ou de Goldman, le butinage personnel que vous préconisez ne suffisent pas. On nous dit qu’on parle trop des juifs, je sais bien que certains juifs, trop centrés sur leur tragédie, ont injustement minimisé les crimes monstrueux du communisme, et je n’oublierai pas le rappel qu’avait adressé un jour la présidente de la Lituanie à Simone Veil ; mais croire et dire que le projet de Nicolas Sarkozy revient à opposer les mémoires, qu’en d’autres termes ce serait privilégier une histoire sur une autre, c’est ne pas comprendre - et ne pas vouloir comprendre - que la Shoah a un caractère profondément universel, un peu comme si elle était le négatif de la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen. Et, de même que c’est notre plus grande richesse que la Déclaration de 1789 n’appartienne pas seulement à la France, c’est aussi notre humanité que le génocide des juifs devienne une histoire universelle, que nous soyons Inuits ou Japonais, parce qu’au-delà de notre appartenance religieuse, ethnique, géographique, au-delà même des interminables conflits du Moyen-Orient, la Shoah interroge non seulement l’histoire de l’Europe, mais notre humanité elle-même, ses hauteurs comme ses abysses.
Rédigé par : Laurent Dingli | 16 février 2008 à 19:39
Sur la stupidité, l'indécence et la morbidité de cette idée, Simone Veil me semble-t-il a tout dit.
Faut-il pour autant ne pas faire vivre le souvenir, la mémoire ? Faut-il oublier ces millions d'hommes envoyés à la boucherie en 14 ? Un exemple parmi des dizaines d'autres... Je ne le pense pas. C'est juste une leçon, une page d'Histoire qui n'a pas plus à voir avec cette manie de la repentance que j'abhorre qu'avec une leçon de morale.
Cela dit Philippe, à propos de morale, le sens de votre dernière phrase m'échappe.
Comment un enfant peut-il "librement apprendre à penser" si personne ne lui transmet éducation, culture et morale, cette morale qui est l'ensemble des règles établies par un groupe social dont il se mettra inexorablement en marge faute de les connaître ? La liberté a besoin d'être semée, nourrie, entretenue. Elle n'est pas spontanément donnée aux petits d'hommes. Et comment ce même enfant peut-il être le seul maître d'un "royaume nommé morale" ? Je ne comprends pas, ai-je écrit quelques lignes plus haut. En fait c'est pire que ça.
Rédigé par : catherine A. | 16 février 2008 à 18:33
C'est encore un gadget sorti du chapeau par l'hyper-président qui (essaie de) nous gouverne(r). Je crois qu'on va aller droit dans le mur avec de telles méthodes. Est-ce encore une idée lumineuse de M.Guaino ? Cette manière de procéder va encore exacerber des sentiments antisémites qui sont toujours présents à l'état latent dans notre pays. Je n'ai qu'une crainte c'est qu'on obtienne l'effet inverse.
Rédigé par : Dominique08 | 16 février 2008 à 17:51
On nous fait porter une étoile bleue depuis le discours du Vel d'hiv !
Rédigé par : Ludovic Lefebvre | 16 février 2008 à 16:28
Pour ma part, j'essaye d'imaginer ce que ça va donner dans les casbahs des cités quand le petit Mouloud et la petite Leyla, vont annoncer à la maison qu'ils ont "adopté" le petit David et la petite Sara...
"C’est inimaginable, insoutenable, dramatique et, surtout, injuste. On ne peut pas infliger cela à des enfants de 10 ans dont les parents parfois, certains, pas tous, (mais combien ?) nient l'existence même de la shoah ! (*)
Cordialement
Pierre-Antoine
(*) pour ne citer qu'une source parmi d'autres :
Le 13 novembre 2005, sur Al Ikhbariya TV, Ahmad bin Rashed, professeur de sciences politiques saoudien, a estimé que « l’Holocauste est un mythe »
Rédigé par : Pierre-Antoine | 16 février 2008 à 15:01
"Je trouve surprenante l'injonction faite au corps enseignant de se plier à cette nouvelle illumination présidentielle"
dites-vous !
c'est vrai qu'en saignant c'est alors une leçon d'immoral ; pour la moralité de la fable of "Faubus" ou pas (voire CHARLIE MINGUS) je vous la laisse mais j'aime bien cette faim de liberté :
"Je serais heureux qu'on apprenne d'abord aux petits à penser librement."
Sissi !
(sinon j'ai fait deux petits tours chez vos deux grands frères, mais très sobrement, je vous rassure :-) des blogs plus qu'intéressants eux aussi !)
Rédigé par : Cactus mâle entendanr | 16 février 2008 à 14:27
"On va vers la prise de conscience de l'Holocauste, vers sa perception lucide et horrifiée, par mille détours, les uns dérisoires les autres graves, qui n'ont rien à voir avec le sens unique que le chef de l'Etat estime nécessaire d'imposer aux enfants de dix ans."
Absolument d'accord avec vous sur le sens global de votre note.
L'enseignement doit se contenter de transmettre à l'enfant, à l'adolescent, à l'adulte les repères fondamentaux de l'histoire et des méthodes fiables d'approche, d'étude et d'analyse.
Après, il y a les cheminements intimes que chacun d'entre nous fait ou ne fait pas sur une question cruciale comme celle de la destruction des juifs d'Europe.
Ce chemin se fait dans la stupeur, le chagrin, la colère, la douceur, la poésie, la musique, la littérature. Une gare désaffectée à Bobigny. L'émotion froide et déchirante d'un kaddish récité tous les ans dans cette gare longtemps abandonnée à tous les vents.
" Nous l'avions remarqué avec Jacques Chirac, plus un président fait la morale, plus "il fait" dans la morale, moins le destin politique national est assuré."
Non, Philippe.
Jacques Chirac a fait ce qu'il fallait faire. Et c'est parce qu'il a fait ce qui n'avait pas été fait que la décision de Nicolas Sarkozy, en plus de son incongruité, est une totale absurdité.
Rédigé par : Véronique | 16 février 2008 à 13:23
Merci pour ce billet. Tout est dit.
Rédigé par : Bulle | 16 février 2008 à 11:11
Procès hors normes à Angers (Maine-et-Loire).
Une association chargée de placer des enfants orphelins poursuivie par un couple de parents qui demandent réparation financière.
Parce que l'enfant qu'ils ont adoptée, originaire d'Haïti, ne leur convient pas.
Déçus par le comportement de la petite Mélinda, 7 ans, ils l'ont "rendue".
Les parents adoptifs réclament le remboursement des frais d'éducation et l'expertise d'un ethnologue pour "juger si la culture de Mélinda est compatible avec la leur"
L'enfant avait été adopté en 2005 mais le conte de fées s'est vite transformé en cauchemar car la petite présentait des troubles du comportement. L'association qui a fait venir Mélinda en France est "révoltée que l'on puisse considérer cette enfant comme une marchandise livrée avec un vice caché". Les parents adoptifs n'en démordent pas : " On aurait dû nous prévenir car en Haïti, plaident-ils, le handicap est lié aux démons."
Les juges rendront leur délibéré le 31 août prochain
http://abimopectore.over-blog.com/article-16669609.html
Nouvelle histoire du droit de travers, à quand la mention satisfait ou remboursé, décidément nos sociétés occidentales sont devenues du grand nimporte quoi.
Rédigé par : adoption satisfait ou remboursé | 16 février 2008 à 08:46
Non seulement, un enfant n'a pas à être confronté à l'insoutenable à cet âge, mais mes compatriotes juifs n'ont pas à supporter le poids du ressentiment, de la colère neuve, de la jalousie, de la compétition victimaire, de la mise à l'index d'un privilège permanent qui les met dans une malsaine différence. Qu'on leur fiche la paix et qu'ils puissent vivre comme tout autre citoyen de ce pays, non mis en exergue par de l'antisémitisme ou une judéophilie étouffante et disproportionnée qui se rejoindront un jour ou l'autre.
Il est évident que mon fils ne grandira pas avec une culpabilité qu'il n'a pas à porter comme ce fut le cas pour ma génération et que je refuserais qu'un enseignant lui apprenne que ses arrières grand-parents étaient des monstres et lui aussi par ascendance si de telles mesures voyaient le jour. L'Histoire, oui, mais toute l'Histoire, la compassion, oui, mais la responsabilité injustifiée, non ! J'ai, je crois, cerné l'ensemble des préjudices qu'ont occasionnés cette dérive qui date des années quatre-vingt et l'ai chassé de mon raisonnement.
Gérard Miller dans sa hargne habituelle a affirmé ce soir chez Ruquier sans humour - mais en a t-il eu un jour ? - qu'il était temps qu'on reconnaisse aujourd'hui que des collabos sous Vichy avaient envoyé des juifs dans les camps. Dans cette outrance qui désensibilise ce drame, y aurait-il encore un sourd qui ne l'aurait pas lu ? Un aveugle qui ne l'aurait pas entendu ? Un muet qui ne l'aurait pas écrit ?
Nicolas Sarkozy a menti en disant vouloir en finir avec la repentance, moi non ! Il ne fait que l'amplifier et il semble que cet homme ait décidé de privilégier les juifs sur leurs concitoyens ce qui n'est pas normal et engendrera de graves problèmes.
Il y a une anormalité dans ce traitement de la Seconde guerre mondiale qui n'échappe à personne, lorsque nous pourrons dire le mot juif comme le mot cacahuète ou tablier sans avoir cette gêne, cette peur de dépasser une limite, d'être pris pour un antisémite alors nous aurons gagné juifs comme non-juifs.
Je n'ai aucun doute sur le fait que certaines personnes pour des intérêts évidents (juifs, non-juifs, revendicateurs victimaires divers, censeurs potentiels et effectifs faisant de la reductio ad-hitlérium pour se masquer [Ardisson qui insulte mon éditeur d'antisémite, puis Finkielkraut de raciste, par exemple], manipulateurs de médias et d'opinion (BHL), petits chefs en quête d'affranchissement (Benamou), gourdasse cherchant à "s'héroïser" etc) n'hésitent pas dans leur abjection à récupérer ces morts ayant connu une fin si dramatique.
Enfin et ce n'est un affront, une attaque à l'égard de personne, d'aucune communauté, mais une réalité dédaignée, il y eut de nombreux autres morts dans cette guerre et d'autres, dans les camps qui ont la même importance.
Rédigé par : Ludovic Lefebvre | 16 février 2008 à 06:17
Oui, le sujet est très délicat.
Je ne suis pas sûr que l’appréciation de Simone Veil ne soit pas altérée par son terrible vécu. Elle reconnaît elle-même dans ses témoignages, comme beaucoup de ceux qui ont vécu ces horreurs sans nom, avoir occulté, rejeté de tout son être cette période au point même de ne pouvoir en parler que très tard et avec en plus un sentiment de culpabilité. On peut comprendre qu’elle ait senti son sang se glacer.
Je me souviens d’une interview de JJ Goldman au milieu des années 80 (si ma mémoire est fidèle). Il disait qu’il avait écrit « Comme toi » en réaction à la montée des intolérances mais qu’une relative indifférence avait prévalu. Peu ou pas d’accompagnement « pédagogique », il était un peu désabusé et triste. Ces événements, si cette idée présidentielle se concrétise au moins partiellement, devraient faire revivre cette chanson délicate et juste.
Difficile (pour moi en tout cas) de se faire une idée tranchée, définitive sur un tel sujet, tant tout s’entrechoque et se mélange.
A partir de quel moment, où et par qui faut-il commencer à graver dans les neurones de nos chères têtes blondes ces réalités alors que leur univers est de plus en plus virtuel (et ça s’accélère). On y massacre, détruit et extermine dans quasiment tout les jeux vidéo. Les images des JT sont souvent insupportables et les commentaires déshumanisés, le tout livré le plus souvent sans précaution. Quant aux films, bon, c’est vrai, il sort 2 ou 3 dessins animés de qualité par an, mais le plus souvent…
Je ne sais si cette idée a jailli de la seule pensée présidentielle mais parler d’illumination pourrait vous conduire prochainement à demander une expertise psychiatrique, à moins que vous ne considériez NS comme un gourou. Il me semble en revanche que c’est la première fois qu’un président de la République se rend au dîner du Crif, on ne peut donc parler de surenchère, pour cette occasion au moins.
Je serais également heureux qu’on apprenne aux petits à penser librement mais le chemin, leur chemin, est long et parsemé d’embûches avant qu’ils puissent ouvrir les portes du royaume de la morale.
J’ai écouté le discours de NS hier au dîner du Crif j’ai été surpris aussi avec, en plus, un sentiment d’incrédulité.
En écoutant le discours du même NS aujourd’hui à Périgueux j’y ai trouvé du sens et de la cohérence… pffft ! Allez comprendre !
Oui, le sujet est très délicat.
Rédigé par : LAZARE | 16 février 2008 à 02:07