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05 avril 2008

Commentaires

Véronique Girard

Bonsoir encore,
Touchée par le fait que mon intervention très tardive ait suscité des commentaires sensibles, mais aussi consciente que cette intervention était un peu sèche et dépourvue de substance concrète, je souhaite revenir ici, pour qui voudra bien me lire.
Il se trouve que j'ai eu l'occasion, plus souvent que je ne l'aurais souhaité et par la force de la "chose médiatique" qui a livré une atroce histoire privée en pâture à la voracité publique, de m'exprimer ici et là afin de "remettre les pendules à l'heure".
Pour ne pas me paraphraser ni envahir un lieu d'échanges dont ce n'est pas la vocation, je vous donne ci-dessous le lien du site du Nouvel Observateur sur lequel j'ai expliqué pas mal de choses et exprimé pas mal de réflexions, tant personnelles que professionnelles (ce double regard dont je ne peux me départir), à l'occasion de la comparution de Marc Machin devant la Cour de révision des condamnations pénales, le 2 mars 2010.
Voici ce lien.
http://chroniquesjudiciaires.blogs.nouvelobs.com/archive/2010/03/05/rehabilitation-de-marc-machin-plus-pres-du-proces-que-de-l-a.html#comments
Et puis, pour répondre aux interrogations ici exprimées, quelques précisions.
Oui, avant le crime du samedi 1er décembre 2001 qui me touche au plus près, Marc Machin avait des antécédents d'agresseur sexuel violent.
Oui, après sa remise en liberté dans l'affaire qui me touche au plus près, une remise en liberté (octobre 2008) provoquée par le "fait nouveau" incarné par David Sagno, il a été à nouveau mis en cause dans deux agressions sexuelles violentes, commises au mois de juin 2009, pour lesquelles il a été jugé et condamné en mai 2010, en sorte qu'il est retourné en prison pour ces faits n'ayant rien à voir avec mon histoire.
Ni ces faits antérieurs, ni ces faits postérieurs, ne font de lui le coupable d'un meurtre aggravé, autrement dit d'un assassinat, car c'est d'un assassinat que ma jeune soeur a été victime.
Il s'agit seulement de dire que Marc Machin a un passé et un futur d'agresseur, en regard de ce crime qu'il n'a probablement pas commis (réserve sémantique due au fait que son procès n'a pas encore été révisé mais il le sera).
Ne rien confondre : ceci et cela sont choses distinctes.
Bien à vous.
Véronique

Valerie

Ce monsieur Machin ressurgit par l'intermediaire de la soeur d'une des victimes. Cela nous change d'entendre le discours d'un membre de la famille d'une victime, sachant que tous "ces innocents" ont micro ouvert en permanence sur nos ecrans de television... et que l'on est sommes de gober leurs balivernes sans broncher !!!

Notamment, on peut lire ceci mais cela demande des efforts pour trouver parce qu'en desaccord avec l'innocence mediatique dont on le pare !

"...Selon nos informations, outre l’affaire du pont de Neuilly, pour laquelle il a été condamné à dix-huit ans de prison avant d’être remis en liberté à la suite de la décision de la commission de révision des condamnations pénales, Marc Machin a déjà, par le passé, été cité dans le cadre de deux affaires de viol. Le 13 mars 2000 à Suresnes, dans les Hauts-de-Seine, il aurait ainsi agressé une femme, d’origine étrangère, à proximité du pont de Neuilly. Près d’un an plus tard, le 17 janvier 2001, dans le XVIIIe arrondissement de Paris cette fois, il aurait violenté une femme dans les toilettes d’un bar. Deux affaires « effacées » par sa supposée implication dans le meurtre de Marie-Agnès Bedot en décembre 2001. Une certitude : ces nouvelles accusations tombent au plus mal pour Marc Machin..."

http://www.francesoir.fr/actualite/faits-divers/marc-machin-en-garde-vue-pour-une-agression-sexuelle-presumee-39494.html

Sans commentaire !!!

Deux jeunes filles ont egalement ete victimes ulterieurement de ses agissements mais il faut chercher trop longtemps sur le web.


Et cela aussi qui traite du gars qui s'accuse du crime a la place de l'autre ; quelles sont ses motivations pour s'accuser (co-acteur ?!)

"...Les deux hommes disent ne pas se connaître. Mais ils ont passé trois mois dans le même bâtiment de prison durant l'été 2005...".

http://www.lejdd.fr/Societe/Faits-divers/Actualite/Pont-de-Neuilly-Le-mystere-s-epaissit-93350/

Et aussi un point de vue que je ne suis pas loin de partager :

http://www.paperblog.fr/2040582/les-recidives-de-marc-machin/

A defaut de pouvoir les mettre hors d'etat de nuire, la France s'est-elle enfin dotee, a l'instar de l'Angleterre, d'un fichier recensant tous ces predateurs ingerables ?

Mary Preud'homme

@Véronique Girard

Pour avoir vécu une expérience proche de la vôtre, je vous comprends. Il y a de quoi être révolté et en colère pour longtemps. La mienne de colère bouillonne toujours, même après 15 ans et un roman sur cette tragique histoire, notamment lorsque je relis certains articles colportés par les médias de l'époque qui n'avaient rien compris à l'affaire et dont les interventions malencontreuses, de même que l'incurie d'un magistrat, (qui ignora superbement un témoin capital) contribuèrent à exonérer le principal coupable.
Alors que l'on doit à la mémoire de ceux qui sont partis dans des circonstances troublantes, sinon la vérité, du moins le silence du respect.

Bien cordialement.

Véronique Girard

Bonsoir,
Commentaire certes tardif mais qu'importe.
Je suis la soeur de Marie-Agnès, massacrée sur les marches du Pont de Neuilly aux petites heures du samedi 1er décembre 2001.
Et, par ailleurs, façon de parler, je suis avocat au Barreau de Paris depuis quelques lustres et, à ce titre, j'ai d'ailleurs eu l'insigne honneur de croiser le chemin de Monsieur l'avocat général Philippe Bilger, ici et là.
Je connais tout de cette tragédie, dans le moindre détail, ce que peu de personnes peuvent dire, soit dit par euphémisme.
Tragédie que je vis depuis bientôt dix ans, avec des "jumelles" ensemble convergentes et divergentes.
D'un côté, mon ressenti de soeur déchirée.
De l'autre, mon regard d'avocat connaissant "de l'intérieur" tout de la machine judiciaire.
Je vous lis, à retardement, et je me dis, une fois de plus, qu'exprimer une opinion sans savoir tout ce qu'il y a à savoir, dans l'ordre de l'ambivalent, du complexe et du nébuleux, c'est prendre le risque de tomber dans les pièges du préjugé et de l'idée reçue.
Qui n'a pas assisté aux deux procès d'assises de Marc Machin, en septembre 2004 à Nanterre et en novembre 2005 à Versailles, ne sait RIEN de cette histoire judiciaire.
Or, à l'époque, tout le monde s'en moquait, les salles d'audience étaient "vides".
C'est David Sagno, "tombé du ciel" en mars 2008, avec les révélations/accusations qu'il a fait déferler sur la place publique, qui a donné à Marc Machin la stature de la victime d'une erreur judiciaire.
Mais il semble que personne ne se soit jamais demandé pourquoi, avant mars 2008, Marc Machin avait été un co-auteur actif et puissant de l'erreur dont David Sagno soudain le pare et le victimise.
Forcément puisque, alors, personne ne se sentait concerné par les deux procès qui ont conduit à sa déclaration de culpabilité.
Il est toujours très facile, outre que très tentant, de "refaire l'histoire".
Mais encore faut-il connaître l'histoire que l'on refait.
Qui peut s'en targuer ici ?
Personne, apparemment.
Bien à vous.
Véronique Girard,
soeur de Marie-Agnès.

Mm

Impossible culture du doute à cause des profils ou des allégeances, si j'en crois "Sphynx Disert" qui semble s'y connaître et qui a écrit
(Voir : http://prdchroniques.blog.lemonde.fr/2008/04/15/la-chute/#comments)

- "juges apparemment “solides”, forts en thème et en droit, assis sur leurs certitudes, leur dégaine et leur port altier. C’est dans la caste de ces trop sûrs d’eux-mêmes, arrogants et suffisants, que se recrutent les architectes des pires erreurs judiciaires."
- "deux allégeances : une pour la hiérarchie judiciaire et une autre qui serait allée se “loger” ailleurs. J’ai dit. Trois points… de suspension . C’est tout."

L'école et l'église ont fait leur purge en ne protégeant plus les pédophiles. Il est nécessaire que la magistrature fasse la sienne pour donner une meilleure image d'elle-même et de la justice.

Justiciable dont l'affaire est entre les mains des services du garde des Sceaux.

Emmanuel M

Quelle que soit l'amertume occasionnée par une erreur judiciaire, le risque est réel de basculer dans le sens inverse, une justice qui refuserait quasi-systématiquement de condamner sous prétexte qu'il n'existera jamais de certitude absolue.

Cette affaire est assez différente de celle d'Outreau, qui relevait un dysfonctionnement de l'instruction et de la détention provisoire. Ici, fort peu de dysfonctionnements : un jury, conscient que le doute profite à l'accusé, a eu l'intime conviction qu'un innocent était coupable. Et en appel, des juges professionnels ont eu la même intime conviction.

Ne peut-on pas dire que, en matière de justice comme en matière de transport aérien, le risque zéro n'existe pas ? Ou doit-on renoncer à tout voyage en avion à cause du risque résiduel ? Ce qui ne dispense évidemment pas de consacrer tous les efforts possibles à la réduction du risque, ou d'analyser les causes de chaque accident.

litim

Bonjour,
Comment a-t-on pu condamner Marc Machin avec l'ADN d'un autre individu ?
Dans notre système judiciaire, il est plus facile de créer de toutes pièces un coupable, que pour un coupable d'apporter les pièces prouvant son innocence !

Surcouf

Il n'y a d'infraction (contravention, délit, crime) que quand des éléments constitutifs sont réunis.
L'aveu n'en est pas un.

Catherine JACOB

Un addendum aux posts précédents pour dire que la version papier du Journal du Dimanche d'hier permet de répondre à un certain nombre des interrogations suscitées par les informations tronquées éparses dans la presse et qui de fait conduisaient à se faire une idée approximative seulement de l'affaire.

On y apprend également que la soeur de la 1ère victime est avocate. La partie civile me paraît donc en de bonnes mains.
Il semblerait qu'elle possède une homonyme conseillère juridique d'Héma-Québec, ou est-ce la même donnée dans le Journal du Dimanche comme l'auteur d'un premier manuscrit écrit après la perte de sa soeur, "Sanguine", dont on ne trouve pas l'édition sur le net mais qui porte semble-t-il le même titre qu'un roman (1994 - épuisé) de Jacques Bissonette ( voir : http://www.alire.com/Auteurs/Bissonnette.html et aussi http://www.alire.com/Romans/SanguineExtrait.html )
Le seul ouvrage trouvé sous la plume de Véronique Girard sur alapage.com est
"Un corps pour comprendre", chez Nathan, dans la catégorie OUTILS POUR LA CLASSE , PSYCHOLOGIE - PSYCHANALYSE , 31/05/1999 et en coécriture avec Marie-Joseph Chalvin qui, pour sa part, a toute une liste d'ouvrages à son actif.

On apprend également l'existence d'un autre faux coupable de l'affaire, mis en examen à propos du second meurtre et qui a obtenu un non-lieu en 2004.

Que de bizarreries !

Duval uzan

Bonjour,
Merci Laboca pour votre commentaire. Cette affaire m'a extrêmement troublée, mais comme vous dites, "ce n'est pas parce que leur justice est atteinte d'une infirmité irrémédiable que les hommes doivent s'interdire de travailler à la rendre un peu consensuelle. Comme les réformes de fond sont difficiles à concevoir, les hommes peuvent commencer par travailler sur les symboles en espérant que cela entraînera l'apparition d'une nouvelle culture."
Que chacun de nous apporte sur ce blog, qui nous accueille si bien, sa petite rivière, puis soumettons le grand fleuve à la Chancellerie. Ne laissons personne condamné pour une virgule mal placée, ou une faute d'orthographe.
Comme l'a dit DAN sur ce blog :
"Marc Machin sera peut-être le 7ème innocent à bénéficier d'une révision de son procès depuis 1945 par la seule grâce du destin et de l'ADN. Monsieur l'avocat général, il est donc temps de vous poser la question : combien d'autres innocents sont restés définitivement coincés derrière les barreaux parce que l'ADN n'existait pas, parce que le vrai coupable ne s'est pas dénoncé ou tout simplement parce que la crédibilité de certaines accusations mensongères en matière d'abus sexuels prime sur la présomption d'innocence ?"

Pour un seul cas de récidive en 40 ans on est allé jusqu'à toucher à la non rétroactivité des lois,
Qu'a-t-on fait pour éviter la reproduction de ces erreurs, pour en chercher d'autres sans attendre la repentance du vrai assassin.
Je répète nous devons faire quelque chose et pas seulement nous lamenter.
Soyons les DOUZE sur ce blog qui engendreront d'autres DOUZE...
Merci à tous pour leurs commentaires, merci à Monsieur Bilger pour ses billets, qui traduisent si bien notre pensée.
Quand je pense que la justice est capable de vous faire avouer un crime que vous n'avez pas commis j'ai du mal à fermer les yeux. De quelle nature est donc cette peur ?
DuvalUzan


Pierre-Antoine

"Rien, en tout cas, qui doive conduire à une mise en cause facile de ceux qui ont participé judiciairement à ces décisions, que ce soit au niveau de l'instruction ou à celui des cours d'assises saisies en première instance et en appel, avec des jurys qui forcément ont largement pris leur part dans la double sanction subie par Marc Machin."

Rien en effet, si ce n'est de ne pas être conduit à rejoindre la liste inaugurée par Ponce Pilate !

Je suis surpris de cette remarque de votre part. De la Justice et ses dérives, n'auriez-vous de l'ire que pour la garde des Sceaux ?
Et pas un mot pour les cris d'innocence d'un "machin" ordinaire ?
Pourtant ses cris n'ont-ils pas eux aussi été pris à la légère et par deux fois ?

Cordialement
Pierre-Antoine

Véronique

@ Laboca

Et sérieusement, vous imaginez un Philippe Bilger faire ses réquisitions en fonction des instituts de sondage et des ordres d'un gouvernement ???

Et que les présidents des tribunaux soient à ce point vulnérables qu'il suffit à Philippe de faire la conversation avec eux dans les couloirs ou à la cafétéria pour les convaincre de l’intérêt et du bien-fondé des instituts de sondage ???

LABOCA

On aimerait que parfois les procureurs ou les avocats généraux se montrent moins péremptoires lors de leur réquisitoire.
On s'émeut aujourd'hui du cas de Marc Machin. Mais, demain, la justice des hommes tuera un autre citoyen.
Pour avoir suivi les procès pénaux américains et assisté à des audiences de correctionnelle ou d'assises en France, j'ai vite compris pourquoi la justice pénale française est un modèle contestable.
On peut comprendre que le procureur ou l'avocat général requièrent systématiquement, et toujours des peines graves : ces magistrats agissent sous la surveillance du gouvernement, lequel, dans un mouvement de populisme pénal, est toujours porté à suivre l'opinion des Français telle que "mesurée" par les instituts de sondage.
Mais les juges composant le tribunal ou la cour doivent rester indépendants.
Or, si l'indépendance est une qualité qu'on a ou qu'on n'a pas, elle peut aussi s'acquérir.
Il faut que les présidents des tribunaux ou cours et leurs assesseurs arrêtent de vivre dans le voisinage des procureurs ou des avocats généraux.
J'ai l'impression, en regardant la scène du procès pénal français, qu'il y a connivence entre les juges et ceux qui requièrent.
Ce que je demande, c'est que les juges et les procureurs ou avocats généraux n'accèdent plus dans la salle d'audience par la même porte.
Ce que je demande aussi, c'est que les procureurs ou les avocats généraux ne trouvent plus place, dans la salle d'audience, sur l'estrade réservée aux juges ; ils doivent se mettre au niveau où se placent les avocats.
Le droit, c'est aussi des symboles.
L'observateur de la scène du procès pénal français ne peut pas ne pas être intrigué par le fait que le tribunal et les représentants du ministère public prennent place "en haut", tandis que les avocats s'assoient "en bas".
L'égalité des armes dans la procédure pénale ne m'a jamais paru assurée en France.
Même si je ne suis pas un spécialiste de la justice ou du droit, je vois bien que le tribunal juge toujours à charge.
Je l'ai encore constaté cette semaine lors d'un procès correctionnel : le président du tribunal partait systématiquement de l'idée que ce que la police avait prétendu était la vérité. Au point que je ne faisais plus la différence entre le tribunal et le ministère public.
Je regrette que Monsieur l'Avocat général Bilger ne dise pas que la scène du procès pénal n'est pas satisfaisante en ce qu'elle renvoie l'image d'un déséquilibre au profit de l'Etat tel qu'incarné par le procureur ou l'avocat général.
Ne nous faisons pas d'illusion : la justice des hommes ne sera jamais parfaite tant qu'elle sera rendue par les hommes.
Seul DIEU juge d'une façon qui ne soit pas contestable. DIEU juge bien parce qu'il connaît intimement ceux qu'IL juge.
Les hommes jugent, soit selon les préjugés soit pour répondre aux attentes d'autres hommes.
Ce n'est pas parce que leur justice est atteinte d'une infirmité irrémédiable que les hommes doivent s'interdire de travailler à la rendre un peu consensuelle.
Comme les réformes de fond sont difficiles à concevoir, les hommes peuvent commencer par travailler sur les symboles en espérant que cela entraînera l'apparition d'une nouvelle culture.

Thierry SAGARDOYTHO

"Personne n'a failli et pourtant, probablement une forme de faillite".
Permettez-moi d'être en désaccord total avec une formule pareille : comment expliquer un désastre pareil sinon par l'accumulation d'un certain nombre de tares inhérentes à notre procédure pénale que les affaires Dils ou celle dite d'Outreau avait déjà abondamment mises en évidence ?
Cher Philippe, malgré toute la prudence et la sagesse qui émaillent votre billet, seriez-vous en mesure de répéter une phrase pareille en face de M. Machin ?
Ceci étant, je salue votre courage car vous avez la force d'écrire avec autorité ce que vos adversaires déclament si souvent et alors que la plupart de vos collègues, en présence d'une telle affaire, se dépêcheront de plonger la tête dans le trou comme les autruches le pratiquent avec dextérité.
Ce fait divers illustre une phrase extraite d'un polar actuellement à l'écran "Crimes à Oxford" : le crime parfait n'est pas celui qui reste impuni, c'est celui pour lequel un innocent est condamné à la place du vrai coupable. A méditer...

Véronique

@ Catherine

Philippe écrit dans sa note qu'il aurait pu requérir dans cette affaire de la même manière que ses deux collègues avocats généraux des deux procès de Marc Machin.

Pour Philippe, l'essentiel était acquis, c'est-à-dire la culpabilité de MM.

Maintenant, à lire la presse, nous apprenons que durant l'instruction, six mois après le crime attribué à MM, alors que ce dernier est en prison, un viol et un crime ont été commis au même endroit que le crime attribué à MM.

" Mais cette deuxième mort trouble à peine l'enquête." (Elise Vincent - Le Monde)

"Ainsi, entre la vérité et une procédure, avec des preuves qui semblent exactement l'emprisonner, il y a, quoi qu'on en pense, la possibilité d'un espace, un hiatus éventuel, le risque d'une erreur, une fausse coïncidence.' (Philippe dans sa note).

Je sais bien qu'après coup il est très aisé de reconstituer l'histoire.

Mais tout de même. L'espace, là, de l'erreur n'est ni mince ni presque imperceptible. Surtout pour des regards qu'on peut espérer expérimentés et aguerris.

Même dans les scénarios TV les plus plan-plan, un second cadavre découvert au même endroit, alors que l'auteur présumé du premier crime est en prison, eh bien, même ce rebondissement-là, les scénaristes n'en usent pas pour faire comprendre aux téléspectateurs que, ben, le suspect, finalement c'est peut-être et sans doute pas celui qu'on croit.

Même le commandant Mulès, devenu depuis conseiller en séries policières à la télé, n'oserait pas conseiller un tel rebondissement... tellement ce scénario est d'une banalité affligeante.

Catherine JACOB

J’ai complété ma lecture de la presse, et si les diverses relations d’un même événement qui figurent dans un dossier d’accusation manifestent autant d’écart entre elles dans la précision et ce qu’elle conduit à penser, que deux articles de presse, je ne voudrais pas être à la place d’un avocat général dont la fonction critique n’est pas la même et ne porte pas aux mêmes conséquences que la simple critique littéraire.

S’agissant de la formule très courtoise fétiche dont faisait état le Monde du 29/03/08, je m’aperçois qu’en fait elle n’a rien de ‘courtois’ en dehors de l’entrée en matière, banale : « Excusez-moi madame, est-ce que je peux etc.», et on s’attendant à quelque chose comme : « Vous demandez l’heure. » ou encore « Vous demander du feu. » et on se tient sur ses gardes au cas où la véritable intention serait tout autre (vol etc.) et là, oh surprise, le contraste total qui fait peut-être marrer intérieurement le personnage concerné et donc dans lequel quelque part pourrait aussi résider une forme de jouissance, de la partie ordurière de l’énoncé, en ce que l’instant de désarroi étant alors l’ouverture par laquelle la victime pourra être, disons, ‘vampirisée’.

Le Figaro (01-04-08)
« Faute de mieux, ils décident de mettre en place un barrage filtrant aux abords du pont et recueillent le précieux témoignage d'une passante qui, peu après 7 h 30, a été la cible d'une agression verbale. L'importun lui aurait fait des propositions salaces avant de prendre la fuite. […]Informés de ce détail plusieurs jours après les faits, les policiers de Suresnes font vite le lien avec un certain Marc Machin, fils d'un policier dépressif et d'une mère emportée jeune par une grave maladie, déjà condamné pour diverses dégradations et violences, qui aurait de surcroît agressé plusieurs femmes en prononçant, mot pour mot, la même phrase ordurière. »

Donc là il est mentionné que le père est « dépressif » et non qu’il serait également « alcoolique », et la nature de la maladie de la mère n’est pas précisée. La phrase est dite ‘prononcée mot pour mot’ mais telle que citée en entier ci-dessous, l’énoncé résulte manifestement du collage d’éléments de formules toutes faites en quelque sorte, mais contrastés.

Le Monde article paru dans l’édition du 05-04-08 et signé Elise Vincent, noté mise à jour 04/04/08 sur internet ( ??) :

« Au moment du crime, Marc Machin a 19 ans. Il est interpellé une dizaine de jours après le décès de cette mère de famille sur la base d'un témoignage recueilli lors de l'enquête de voisinage. Une infirmière affirme que le matin du crime, vers 7 h 30, heure de la mort de Marie-Agnès Bedot, un homme "de 25 à 30 ans" – jusqu’à dix ans de différence dans les zones vingt-trente, ce n’est pas la même chose et c’est beaucoup plus marqué que dix ans de différence dans les zones soixante – soixante dix, du moins il me semble !! – l'a abordée en lui disant : "Excusez-moi, madame, est-ce que je peux vous sucer la chatte ?"
Les enquêteurs recoupent ce témoignage avec une autre agression sexuelle commise quelques mois plus tôt. Son auteur a employé exactement la même formule pour accoster sa victime. Il est fiché : Marc Machin. Sur les photos, l'infirmière ne le reconnaît pas formellement. Le portrait-robot qu'elle dresse n'est pas non plus très ressemblant. Mais elle décrit avec précision un blouson d'aviateur qu'aurait porté son agresseur. Or une veste identique est retrouvée chez M. Machin. Surtout, lorsqu'ils l'interrogent, les policiers lui soumettent de façon volontairement erronée [ C’est à dire ?] la phrase fétiche qu'il aurait formulée. Spontanément, le jeune homme la rectifie telle que l'a entendue l'infirmière témoin...»


Personnellement, j’aurai tendance à dire que ‘la phrase courtoise fétiche’ constituant une ‘agression sexuelle’ perpétrée ‘verbalement’, ressemble quelque part davantage à une formule de matamore émanant d’une grenouille qui tente par la parole de se faire aussi grosse que le bœuf qu’à une proposition sérieusement émise par quelqu’un qui souhaiterait effectivement la mettre à exécution.
On peut s’en formaliser mais on peut aussi hausser les épaules en regrettant l’absence d’éducation du jeune et la nécessité d’éjaculer de la grossièreté chez certains mâles pour exister, autrement dit, comme souvent dans ce domaine « plus on en dit, moins on en fait ! ». Qui plus est, je n’arrive pas à m’en remémorer exactement les circonstances, mais je ne jurerais pas que je n’ai jamais de ma vie entendu de formule de ce style. Tout dépend à mon sens de l’âge du locuteur !
Un médecin psychiatre femme de ma famille m’a relaté (sans enfreindre les prescriptions du secret professionnel, bien sûr, donc sans dire qui, quand, pourquoi etc.) avoir vu une nouvelle patiente arriver dans son cabinet, et proposer à brûle pourpoint sitôt assise : « Vous voulez voir ma ch…e ? ». Ça ‘l’a assise’ elle aussi, si je puis dire, mais elle il me semble qu’elle a du gérer la situation en répliquant : « Non merci, ce ne sera pas nécessaire. » ou quelque chose dans ce genre.

20minutes.fr du 31/03/08 que j’ai lu à l’occasion du post précédent :
Question du média : « Pourquoi Marc Machin a-t-il avoué un crime qu'il n'aurait pas commis? »
Réponse de l’avocat du condamné : « Il est passé aux aveux lors de sa 5e audition, après plus de 30 heures de garde à vue, devant un policier enquêteur très expérimenté doté d'une force de persuasion très importante. Il a simplement dit s'être souvenu d'une femme en sang à ses côtés, et d'avoir pris la fuite. » - Il n’est pas précisé s’il a vu son client lors de sa garde à vue ni présenté des observations à joindre au dossier à propos de cet épisode.

Mais toujours selon le Monde article paru dans l’édition du 05-04-08 :
« Le jeune homme nie les faits pendant la garde à vue. Mais alors qu'elle touche à sa fin, il est reçu brièvement, hors procès-verbaux, par Jean-Claude Mulès, figure historique de la Crim'. Aujourd'hui retraité, conseiller technique occasionnel pour des séries policières, M. Mulès est à l'époque commandant et reconnu pour ses talents de persuasion. Il réconforte M. Machin, lui prête un gilet, et passe avec lui "un contrat moral". Et à peine renvoyé dans sa cellule, M. Machin décide d'avouer. »

Personnellement, j’entends qu’on passe du blouson d’aviateur au gilet du désormais conseiller en série télé (ce qui permet de lui prêter un probable talent pour la mise en scène) qui joue les gentils (pas comme le père policier alcoolique donc vraisemblablement pas sans brutalité??) et passe hors procès verbaux ( ????) avec le jeune suspect fatigué, un « contrat moral ».

Ayant déjà eu l’occasion d’être auditionnée pour des plaintes, il m’est arrivé de demander, avec ménagement mais à plus de cinq reprises, à l’officier de police, de rectifier son résumé des faits dont je me plaignais parce qu’il ne correspondait pas à ce que j’avais dit exactement. La dernière mouture aurait encore mérité quelques modifications mais m’ayant été présentée dans ces termes : « Cette fois-ci c’est la dernière, je ne rectifie plus. » j’ai convenu que bon finalement ça pouvait aller et que le sens de mes propos était rétabli.
La fois où je ne l’ai pas fait, l’agression était toute fraîche, j’étais en pleurs, au bord de la crise de nerfs et en détresse respiratoire au point que l’un des officiers a proposé de me conduire aux urgences mais j’ai tenu, puisque j’étais là finalement et que j’avais déjà fait la queue, à faire l’audition dont j’étais ensuite incapable de relire correctement le procès-verbal que j’ai signé, qui plus est le policier femme qui avait été elle-même l’objet d’une agression entrecoupait mon récit du sien propre, mais ensuite j’ai fait savoir qu’il y avait lieu à rectifier certains détails.
Ce qui n’est déjà pas évident à faire quand on est la victime doit être encore plus difficile quand on est le suspect, autrement dit quand il ne s’agit plus seulement d’émotion, mais de peur. Je pense qu’un jeune de 19 ans, qui plus est n’ayant pas été scolarisé jusqu’au bout ne peut pas faire face à ce genre de situation qui en demande à la fois la capacité intellectuelle et morale ainsi qu’un QI au moins égal à celui de l’officier qu’il s’agit parallèlement de ne pas vexer parce que, a priori, il est censé être du côté de la victime.

Précisions également concernant les propos de l’avocate de la partie civile qui :
« admet aujourd'hui "les faiblesses" du dossier. […] Pourtant, si pour elle la culpabilité de Marc Machin peut être mise en doute, sa présence sur les lieux est vraisemblable - Enfin tout de même, 18 ans qui se jouent sur du vraisemblable quant à la seule proximité eu égard à la scène du crime !! Et le SDF pourrait n'avoir que "touché" le corps de Marie-Agnès Bedot pour lui dérober son sac [ Le mobile du crime n’aurait donc pas été le vol, ni semble-t-il le viol vu la suite du §, donc quoi ???]. Dans ses aveux, il décrit une scène de viol que l'autopsie n'a pas identifiée à l'époque du crime (Qu’est-ce qui est exactement décrit sous ce terme ??). "Ce n'est pas mon truc d'envoyer des innocents en prison, dit l'avocate. A aucun moment on n' a eu l'impression que l'on faisait une grosse connerie." »

Est-ce qu’on s’est intéressé à l’environnement professionnel de la victime, assistante de direction, dont le trajet vers le club de gym sous forme peut-être de jogging matinal était sans doute habituel et donc connu et dont on pouvait avoir intérêt à se débarrasser. D’autre part, les ponts ne sont pas endroits anodins qui permettant de passer d’une rive à l’autre sont également des symboles du passage entre les mondes pour des esprits ni embrouillés ni uniquement intéressés par un sac (de sport? où on met rarement de l'argent) et qui reste cependant sur les lieux avec tout son contenu puisque la police le connaît elle aussi et qui donc n'aurait rien présenté d'intéressant malgré tout pour un SDF ?????!!!!!

M’étant demandé comment on pouvait descendre du milieu du pont vers un parc, j’ai supposé une île et j’ai trouvé le parc Lebaudy, sur l'île de Puteaux qui bénéficie d’un accès depuis le pont de Neuilly-sur-Seine, et qui si l’on en croit cette page pose des tas de problèmes : http://iledeputeaux.free.fr/ On observe que les gens courent notamment le risque de s’empaler eux-mêmes sur certains dispositifs ou de tomber à l’eau : http://iledeputeaux.free.fr/images/portail2.JPG
Du coup je pense à l’île du Saulcy au milieu de la Moselle, à laquelle on accède par différents pont, ancien site militaire en partie investi par l’université dont l’historique de l’implantation sur ce site est jalonnée de tas d’histoires, et qui pose également des tas de problèmes, mais pas tant pour les joggeurs que pour d’autre catégories de la population !!

Catherine JACOB

Votre photo
Très classe la nouvelle cravate. Enfin si vous m'autorisez cette remarque frivole dans un contexte aussi dramatique.

Véronique
«Je n'ai jamais lu un dossier d'accusation. »
«Le coupable idéal, c'est aussi une construction intellectuelle d'un même groupe de personnes qui puise ses représentations aux mêmes sources.»

Moi non plus, je n'ai jamais lu un dossier d'accusation et comme vous je suis réduite à ses reflets dans la presse. C'est pourquoi je pense que la possibilité d'en restituer l'image dans la distance qu'offre ce blog devrait être d'une lecture très profitable aux acteurs du dossier qui ont le nez dedans, et je trouve votre remarque fort pertinente.

Véronique

@ Jean-Dominique

1 - "Juger n'est pas et ne saurait jamais être un métier, au mieux une responsabilité nécessaire, au pire un pouvoir octroyé sur autrui."

2 - "la lecture d'un acte d'accusation d'une affaire complexe est une litanie d'erreurs, de noms tordus, de filiations confondues, de lieux intervertis, de déclarations réécrites, de chronologies erronées."

écrivez-vous.

Eh bien, c'est très précisément en raison du 2 que juger doit impérativement être compris comme d'abord un métier.

La précision des mots, l'exactitude dans l'orthographe des noms propres et des lieux, le sens et le poids des arguments, le contrôle, la bonne place du sujet, du verbe et de son complément relèvent de la maîtrise professionnelle et du métier du bon artisan à construire son ouvrage.

La justice est maître d'oeuvre dans une enquête. A ce titre, elle se doit d'être irréprochable quant aux erreurs, aux confusions et aux maîtrises trop approximatives du sens des mots et de leur agencement.

Un avocat de la défense, normalement, est là aussi pour ne rien céder sur l'approximation, la banalité, les mécanismes de langage et de représentation, les règles de grammaire, de syntaxe et d'orthographe utilisées de manière trop hasardeuse.

La Chambre d'Instruction et l'avocat général Philippe, également.

Plutôt que de s'énerver quand D. Pujadas ne sait pas accorder le participe passé avec le verbe avoir. Ou quand Claire Chazal ne sait pas poser les bonnes questions, le taf judiciaire des Philippe, quand ils analysent un dossier, est de ne pas laisser passer le détail qui tracasse, agace, énerve ou qui rend fou.

Je sais. Le job de contrôle n'est pas vraiment enthousiasmant. Remettre l'ouvrage sur le métier. Non plus.

Mais cela, pour moi, est partie prenante dans l'éthique d'un métier.

@ Philippe

Oh YES !!!

Le parme ou le grisé, le pastel doux de la chemise et de la cravate, du top.

Et les mains... J'adore !

Dan

"Et Marc Machin ne nous avait-il pas dit qu'il était l'homme de la situation, celui qui avait tué, celui qui ressemblait au crime ?"
Seul, l'innocent qui est passé par la garde à vue peut comprendre, pour l'avoir vécue, les effets des tortures psychologiques et physiques imposées aux "Présumés coupables" !! Alors les aveux obtenus dans les commissariats ou gendarmeries en période de garde à vue ne valent pas plus que ceux obtenus sous le supplice au Moyen Age ! Seuls, les avocats généraux ne semblent pas au courant... Etonnant ! Mais dans le cas de M. Machin, ce qui est plus grave c'est que, parce que son profil correspondait au coupable, la rétractation des aveux ne comptait pas puisqu'on disposait du coupable idéal...
Marc Machin sera peut-être le 7ème innocent à bénéficier d'une révision de son procès depuis 1945 par la seule grâce du destin et de l'ADN. Monsieur l'avocat général, il est donc temps de vous poser la question: combien d'autres innocents sont restés définitivement coincés derrière les barreaux parce que l'ADN n'existait pas, parce que le vrai coupable ne s'est pas dénoncé ou tout simplement parce que la crédibilité de certaines accusations mensongères en matière d'abus sexuels prime sur la présomption d'innocence ?

Véronique

Si j'étais avocat général comme vous, il y a quand même une forme du doute qui me traverserait la tête. Celui de la confiance que j'accorderais à la construction d'un dossier.

Je n'ai jamais lu un dossier d'accusation.

Mais il me semble que l'expérience aidant, on doit pouvoir faire une lecture entre les lignes et ainsi peut-être repérer des failles, des formulations trop habituelles, trop souvent utilisées. Les mille et une lignes d'une procédure à l’apparence très certaine et solide doivent bien contenir des petites bulles, des poches d'air infimes de doutes et d'incertitudes.

Je pense que le réflexe de vouloir faire éclater ces infimes bulles ne devrait jamais quitter l'esprit d'une instruction et d'une accusation.

Peut-être que les regards posés sur un dossier comme celui que vous évoquez ont été trop jumeaux, trop proches, pas suffisamment autonomes et indépendants les uns des autres.

Le coupable idéal, c'est aussi une construction intellectuelle d'un même groupe de personnes qui puise ses représentations aux mêmes sources.

Les habitudes et les auto réflexes d'analyse et de lecture sont peut-être trop semblables pour permettre une analyse et une lecture différenciées.

Catherine JACOB

« on ne se préoccupe pas au-delà du nécessaire des lacunes qui ne manquent pas de nous titiller l'esprit, avant de s'effacer parce que l'essentiel est acquis. »

Parce que « l’essentiel est » ou « paraît » seulement acquis ?!

Du côté de l’individu âgé à l’époque des faits d’une trentaine d’années et qui revendique le crime on relève des traces d’un ADN qui pourrait être le sien (j’imagine que le conditionnel employé par le procureur général Courroye, tient compte de la marge d’erreur) qui s’additionne à « ‘une description précise des lieux des crimes, donnant l'heure exacte des deux meurtres et ajoutant des détails précis et troublants’, selon une source judiciaire. Il avait notamment pu détailler le contenu du sac à main des victimes. »

Du côté du suspect âgé de 19 ans au moment des faits, qui arrêté nie le crime, puis avoue quelque chose sous la pression d'une 5e audition, après plus de 30 heures de garde à vue, mais en énonçant des éléments qui ne sont pas corroborés par les éléments matériels ayant pu être recueillis et se rétracte après la 2ème comparution, on n’a aucun élément matériel du style ADN proche.
En revanche on dispose du témoignage d’une infirmière dont l’âge n’est pas précisé, dont on ignore si elle a fait elle-même ou non l’objet d’une évaluation psychiatrique, ce qui s’agissant d’un élément à charge susceptible de suffire à faire condamner un innocent me paraît être le minimum, et à laquelle un individu qui pourrait être le dit jeune homme aurait fait, courtoisement, des propositions ‘malhonnêtes’.

J’observe incidemment et à 1ère vue que qui dit ‘proposer’, ne dit pas ‘imposer’ ni même ‘tenter d’imposer’, mais seulement ‘se faire connaître en tant qu’intéressé par’, et aussi que qui est effrayée par une proposition, même courtoisement présentée, lui paraissant une menace pour sa vertu, peut n’avoir imprimé qu’un souvenir flou ou déformé l'énonciateur, sans compter le risque toujours possible d’hallucination verbale en rapport précisément avec du sexuel et tel que le décrit par exemple Jacques Lacan à propos de cette patiente qui se plaint d’avoir été traitée de « Truie » par, nécessairement un « cochon » (tous les mêmes… !) de ses voisins à propos duquel elle avoue finalement lui avoir dit : « Je reviens de chez le charcutier», le qualificatif de « Truie » pouvant dès lors être la réponse présumée du berger à la bergère qui bien que n’ayant pas été prononcée a cependant été entendue.

La proposition a-t-elle donc été faite à l’infirmière dans « son réel » et appartient-elle à son seul ‘perceptum’ ou émanait-elle effectivement et sans doute permis, de l’individu qui fut proposé à son identification après avoir été appréhendé sur la base d’un portrait robot, sachant que plusieurs individus distincts peuvent paraître le même en se présentant sous un même profil, mais apparaître fort différents dès que l’on change de point de vue ?
Certes, la dame cite « la formule fétiche, très courtoise, que Machin est dit employer en abordant les femmes » , mais cette formule lui est-elle réellement totalement propre et est-elle si marquée que cela (on ne nous la cite pas, donc comment en juger ?) et l’infirmière n’aurait-elle pu en avoir eu connaissance par un autre biais ??? Autant de questions auxquelles les journalistes n’apportent pas de réponse.

Quand bien même, cela prouverait uniquement que le jeune homme se trouvait à telle heure (notée ensuite dans son calepin par l’infirmière ??) à tel endroit. Cela prouverait également que le jeune homme est aussi capable de ne pas forcer un refus, même s’il confiera par la suite « avoir, pour sa part, été abusé sexuellement par un autre jeune en difficulté lors qu’un séjour dans un foyer d’accueil DDASS », et même si son casier (par lequel la recherche de sosies a commencé sans doute ??) fait apparaître une mise sous contrôle judiciaire non respectée suite à une agression sexuelle (de quelle nature ? prouvée ? et dès lors qu’est-ce qu’il faisait dehors ?), on ne mentionne cependant pas d’obligation de soins, ni de respect ou de non respect à l’égard d’une telle obligation si elle existait.
Pourtant, si le jeune homme a une bonne image des femmes d’un certain âge vu qu’il a été bien soigné par sa grand-mère pendant une période de sa vie qualifiée d’ « heureuse », qu’il n’est pas dit que sa mère, qui ne l’a pas abandonné puisque c’est de maladie qu’elle est décédée, l’aurait maltraité, et que c’est par un autre jeune plus âgé qu’il a été « mineur de moins de quinze ans sexuellement abusé », il n’a pas a priori de raisons de violenter ou tenter de violenter les femmes d’âge mûr (ou bien ??) même s’il est de nature impulsive.

Bref, faute de grives on mange des merles et c’est « ce jeune homme fragile » qui :
1. porte le même prénom que le père
2. dont la mère est décédée du SIDA quand il avait six ans !!!!!
3. placé un temps en foyer Ddass
4. y a été abusé sexuellement par un camarade plus âgé
5. puis s’est retrouvé en position de subir des influences telles qu’il s’est rendu coupable de « violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique » - tel le père ??- , « dégradation volontaire de monument. »
6. après avoir été récupéré par un père policier alcoolique.
7. et bien que bon élève en tant qu’élevé par une grand-mère, arrête dès lors ses études d’enseignement général pour passer un CAP de peintre en bâtiment (or, ne connaît-on pas un célèbre peintre en bâtiment à moustaches ??!!)
8. Dont « la consommation permanente et excessive de drogues et d'alcool l’ont empêché de se souvenir précisément de son emploi du temps. » et le montrait échappé à lui-même tel le papillon de Tchouang-tseu. « Le papillon fit un rêve. En rêvant il est devenu Tchouang-tseu en train de regarder les fleurs. Les fleurs étaient vraiment nombreuses. Il faisait bon. Il était terriblement heureux. A ce moment Tchouang-tseu se réveilla. Il ne savait pas si le Tchouang-tseu de maintenant était le vrai Tchouang-tseu ou le Tchouang-tseu qu'avait rêvé le papillon. Il ne savait pas non plus si Tchouang-tseu avait rêvé du papillon ou si le papillon avait rêvé de Tchouang-tseu. » et bien qu’aucune trace d'hémoglobine de la victime n'a été retrouvée sur les vêtements qu'il portait ce jour-là, notre jeune homme dit s’être "réveillé (...) avec à ses pieds une flaque de sang",…ou était-ce un papillon ??
9. pour finir par agresser sexuellement (qui ?) et récidiver à proximité d’une scène de crime en faisant des propositions malhonnêtes à un vertueux témoin (évalué lui-même sur le plan de la crédibilité ??) issu du corps paramédical.
10. Aucun indice matériel ne permettant cependant de le relier directement à la victime.

Dès lors renvoyé devant une cour d’assises, vous avez dit Machin ? Comme c’est Diehlzare… ! Trucmuche enfin, qui porte sans doute les stigmates victimaires du jusque là triste parcours de sa pauvre vie, mais qui « clamait son innocence de manière maladroite » – comme s’il y avait une façon prescrite à peine de nullité de clamer son innocence – en disant « qu’il ressemble au crime » – ce qui n’est pas si idiot que cela, est déclaré : COUPABLE ! Verdict confirmé en appel.

Se manifeste enfin au bout de cinq ans, un second personnage qui, dans le but explicite de « soulager sa conscience », se déclare sans contrainte « responsable de la mort de deux femmes au pont de Neuilly, l'une en décembre 2001, Marie-Agnès Bedot – 45 ans, la victime dans l’affaire Machin – et l'autre en mai 2002, Maria-Judith Araujo. » - un certain nombre d’indices permettent en effet de le relier, lui, à la victime, qui autorisent à penser qu’il ne s’agit pas d’une déclaration farfelue.

Mais Me Nathalie Ganier-Raymond, l’avocate de la partie civile tient à son merle et déclare qu'il est « un peu tôt pour parler d'erreur judiciaire ». Elle « reste persuadée que le condamné se trouvait ‘ce matin-là sur les lieux du crime’. Elle fait aussi valoir que les traces ADN ‘montrent qu'il y a eu un contact entre la victime’ et le nouveau suspect, ‘mais il faut attendre des éléments supplémentaires pour connaître la nature de ce contact’. »

Que voilà donc un argument pertinent de la part de qui a fait condamner l’accusé sans prouver aucun contact entre la victime et son meurtrier présumé, argument qui se voit complété par une édifiante mise en œuvre de la théorie du hasard selon un calcul de probabilités dont on ignore la chimie exacte mais dont le résultat est le suivant : « La probabilité que les deux hommes se soient trouvés au même endroit, le même jour, à la même heure, n'est pas élevée mais elle est forcément supérieure à zéro. » !!

Néanmoins et fort heureusement, le procureur concerné déclare « Ces éléments convergents justifient l'ouverture d'une nouvelle information ainsi que la mise en cause de David Sagno – le nouveau suspect – » . Tout en précisant prudemment cette fois-ci, « En revanche, il n'est pas dans mon rôle de faire le procès de la justice. Je rappelle qu'une cour d'assises se prononce sur son intime conviction, qui peut reposer sur des aveux, des témoignages ou des preuves matérielles. »
Et de conclure d’une façon qui ne saurait que recevoir notre approbation : « Quoi qu'il en soit, il est important d'avoir, en toute situation, la culture du doute. »

Il me paraît donc à propos de rappeler la 1ère méditation de Descartes : « « Tout ce que j'ai reçu jusqu'à présent pour le plus vrai et assuré, je l'ai appris des sens, ou par les sens : or j'ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs, et il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés. [...] Combien de fois m'est-il arrivé de songer, la nuit, que j'étais en ce lieu, que j'étais habillé, que j'étais auprès du feu, quoique je fusse tout nu dedans mon lit ? Il me semble bien à présent que ce n'est point avec des yeux endormis que je regarde ce papier ; que cette tête que je branle n'est point assoupie ; que c'est avec dessein et de propos délibéré que j'étends cette main, et que je la sens : ce qui arrive dans le sommeil ne semble point si clair ni si distinct que tout ceci. Mais, en y pensant soigneusement, je me ressouviens d'avoir été souvent trompé, lorsque je dormais, par de semblables illusions. Et m'arrêtant sur cette pensée, je vois si manifestement qu'il n'y a point d'indices concluants, ni de marques assez certaines par où l'on puisse distinguer nettement la veille d'avec le sommeil, que j'en suis tout étonné. »

« L’expérience du rêve lucide » , à quoi peut aussi bien correspondre l’ « aveu » de la trentième heure, interpelle également en rapport avec « l’art de diriger son/les rêve(s) ».

Comme je comprends votre propre conclusion relativement à ‘la Justice en examen’, sur fond des songes de la raison: « Ce qui est survenu à Marc Machin et qui conduit la justice à s'examiner elle-même, c'est bien plus que le doute : c'est la possibilité même d'une justice digne de confiance en même temps qu'humaine. »

Duval uzan

Bonjour

Il n’y a pas trente-six façons de résoudre un assassinat. Je n’en connais que deux : soit on arrête le coupable, soit on arrête quelqu’un qu’on dit être le coupable. L’une ou l’autre et le tour est joué. C’est pas plus compliqué que cela ! Dans les deux cas le résultat est le même pour la population. Le seul qui perd au change, c’est celui qui est arrêté mais finalement, son avis, qui s’en soucie ? Si les crimes continuent, là c’est une autre paire de manches...
(Philippe Claudel « les âmes grises"...)
Justement, dans le cas présent le crime a continué, et personne ne s'en est apparemment soucié, ou un peu trop soucié, qui sait ?? On en parle peu.
Marc Machin était en effet le portrait sur mesure au prix du prêt à porter, pourquoi chercher ailleurs quand on a un gros MACHIN pareil avec deux "M" par-dessus le marché !
(cf le film "M".... de ???)
Comme dit Philippe Bilger "...Et Marc Machin ne nous avait-il pas dit qu'il était l'homme de la situation, celui qui avait tué, celui qui ressemblait au crime ? C'est qu'il était en l'occurrence très difficile de s'arrêter, de réfléchir, de douter même, puisque les jeux étaient faits et que la tragédie avait révélé sans équivoque le nom de son auteur.
Qui se serait laissé aller à débusquer sans motif quand le mystère semblait résolu ?"
"Ce sont les petites rivières qui font les grand fleuves" avait dit Jean-Claude Marin, qu'en est-il de cette petite rivière ?? Les bouches sont-elles fermées par le gel comme l'étaient les yeux du petit Breton des âmes grises ??

Duval Uzan

P.S je suis étonnée de voir une autre adresse e mail que la mienne, j'ai donc rectifié.

daniel ciccia

Aux assises, le jugement ne repose-t-il pas sur l'intime conviction forgée par l'analyse à charge et à décharge ? En correctionnelle, les trois juges professionnels, dans leur délibération, ne forment-ils pas, normalement, leur jugement de la même manière ?
Maintenant, M. Bilger pousse une réflexion intéressante. Celle de la posture obligée.
L'avocat général, le procureur en correctionnelle, ont de bien lourdes -confluentes- tâches.

Jean-Dominique Reffait

Juger n'est pas et ne saurait jamais être un métier, au mieux une responsabilité nécessaire, au pire un pouvoir octroyé sur autrui.
Par la complexité des motivations qui font agir ou ne pas agir les uns, par les interactions internes et externes qui polluent incessamment les pensées des magistrats ou des parties, par les silences et les malentendus, un rayon de soleil qui donne au regard, un moment, un signe de sincérité ou de mensonge, l'erreur est embusquée à chaque pas de la justice. Elle est là, et si elle ne vient pas de là c'est qu'elle vient de l'autre côté : la lecture d'un acte d'accusation d'une affaire complexe est une litanie d'erreurs, de noms tordus, de filiations confondues, de lieux intervertis, de déclarations réécrites, de chronologies erronées.
Si le juge, et notamment l'avocat général, n'est pas conscient que les fausses notes sont partout dans la partition qu'on lui présente et dont il fait lui-même partie, il n'a aucune chance de faire la part entre le doute et la certitude. Parce que tout est trompeur, à commencer par ses propres sentiments, il faut être infiniment méfiant tant à l'égard du dossier, des acteurs, et de soi-même. Combien ai-je vu d'avocats généraux plonger dans un dossier d'instruction pour en défendre chaque virgule par principe : certes cela rassurre le jury à qui l'on ne doit pas faire porter la mauvaise conscience d'une décision qui ne serait pas pile poil la bonne décision.

Dans l'affaire que vous évoquez, aucune preuve n'a pu être apportée de la culpabilité de Marc Machin puisque ces preuves étaient dans l'impossibilité d'exister. La justice fonctionne alors par goniométrie : un faisceau de charges concordantes qui se trouve être, dans le cas cité, une illusion d'optique. C'est dans ces cas que l'erreur contamine alors tout un dossier.

Ainsi, au-delà de la culture, et parfois, de la certitude du doute, chaque magistrat devrait donc considérer le dossier qu'il construit ou qu'il juge comme un bouillon de culture, un corps malade qui doit inspirer la plus grande méfiance. Au lieu de cela, les magistrats confèrent à leurs dossiers un statut de crédibilité lumineuse, comme si la lumière apportée sur un objet malade abolissait la maladie.

L'institution judiciaire est éventuellement capable d'arbitrer tant bien que mal. Quant à juger, c'est une autre affaire.

Surcouf

Que je sache un aveu n'est pas une preuve et le droit français s'appuie sur la preuve et non l'aveu. Détrompez-moi le cas échéant.

Même si un aveu peut aider à l'instruction, il faut des preuves à celle-ci ou des éléments concordants laissant à penser que... pour envoyer quelqu'un au tribunal face aux juges et aux jurés.

Je pense cependant que tous ont failli dans la recherche de la vérité. Pour autant il ne faut point vouer le système aux gémonies et l'agonir de propos déplacés.

Faillir n'est point fauter mais il faudra cependant, ici, s'en assurer.

Le système a failli dans sa recherche du coupable mais comme le fait très justement remarquer monsieur Bilger,
"Et Marc Machin ne nous avait-il pas dit qu'il était l'homme de la situation, celui qui avait tué, celui qui ressemblait au crime".

Je n'accablerai ici personne, ni les enquêteurs ni les juges.
Le traitement de l'humain est à ce point difficile que l'on peut effectivement se tromper même si les personnes en charge de ce dossier ont correctement fait leur métier.

jonniaux claude

Ne faudrait-il pas faire amende honorable et en finir avec la culture de l’aveu tellement importante en France et la remplacer par la culture de la preuve. Avec des gardes à vue de plusieurs jours, sans presque dormir alors que les équipes policières se relaient pour poser les questions, les pressions morales tendant à dire, si tu avoues ce sera moins grave....
L’aveu ne devrait plus devenir qu'un indice sans plus. C’est l'aveu aussi qui fut pour beaucoup responsable d'Outreau.

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