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11 novembre 2008

Commentaires

Laurent Dingli

Un schizophrène dangereux, qui a déjà tué son beau-père à la hache, me semble-t-il, vient de s'échapper d'un HP. Je ne peux m'empêcher de songer à cette occasion à tous les imbéciles qui hurlent à "la nuit sécuritaire", uniquement parce que Nicolas Sarkozy a eu le malheur de dire qu'il fallait que les centres psychiatriques fussent dotés de lieux clos pour les malades les plus dangereux. On veut criminaliser la folie ! On veut cacher les fous comme on cache les pauvres ! Que d'inepties, que de propos démagogiques n'a-t-on pas entendus à ce sujet de la part d'une opposition qui se révèle décidément la plus bête du monde.

Nathalie

? gloc ?? Merci j'ai bien ri : je n'ai évoqué Gilles de Rais, figure extrême pour l'exemple, que pour dire que l'on ne connaît jamais à fond une personne et que donc, on ne peut jamais savoir ce qui peut se passer dans son esprit même à la dernière minute.

Je n'ai pas fait mention de Jeanne d'Arc (???) cela n'aurait pas eu de sens dans ce que j'ai souhaité dire.

Laurent Dingli @ Catherine Jacob

Tout à fait d'accord avec vous sur la valeur "archétypale" - donc projective - de Gilles de Rais/Barbe Bleue.
Toujours en Vendée, il existe une abbaye dont la patronne, après avoir été considérée comme une sorcière mangeuse d'enfants a été canonisée pour les soins qu'elle prodiguait.
Ces deux représentations extrêmes paraissent antithétiques, alors qu'elles évoquent, selon moi, les deux images primitives de la mère : à la fois dévorante et nourricière.

Catherine JACOB@Helene et JDR

@Jean-Dominique Reffait
«Merci à Daniel Zagury qui nous permet de disposer, entre le billet de Philippe, les commentaires divers et sa conclusion, de l'alpha et l'oméga d'un débat construit et profitable, ce qui est rarissime dans le genre des blogs.»

Nest-ce pas cependant pour cette raison - le fait que les personnalités mises en cause qui souhaitent s'exprimer sur le fond puissent répondre dans un environnement intellectuel suffisant - [ manifestement pas encore assez suffisant pour BHL, mais bon. -] que le blog de PB est renommé, consulté et qu'il en est régulièrement fait état dans les autres médias?
Je note pour ma part ceci qui est possible sans dommage dès lors que l'auteur est suffisamment connu pour qu'on puisse au besoin compléter l'information par ailleurs et par soi-même:

«Les interrogations que vous soulevez mériteraient d’être longuement débattues et je ne peux ici que résumer mon point de vue de façon hélas trop synthétique.»
«4° Chacun des points ici trop brièvement évoqués mériterait d’amples développements.»

@Helene
«Dire que même "Gilles de Rais a été touché par la Grâce" c'est un peu gros, il a surtout eu peur en passant de vie a trépas de ce qu'il allait trouver de l'autre côté si tant est qu'il y ait quelque chose ! C'est facile de se repentir de ses crimes ; cet homme qui a commis les pires atrocités n'a pas été touché par la grâce, il a eu la trouille de trouver son double de l'autre côté de la barrière... Un salaud reste un salaud qu'il soit vivant ou mort... point barre !!»

Vous me paraissez justifier en ce qui vous concerne ce passage de l'intervention de ZAGURY:
«cette série de clins d’œil appuyés, de messages subliminaux voire de déclarations qui vont toutes dans le même sens : c’est le peuple qui a raison dans la spontanéité de ses réactions, y compris les plus sommaires. » etc.

Ceci étant il me semblait que nous avions avec Gilles de Rais, le compagnon d'armes historique de Jeanne d'Arc la pucelle, une figure archétypale [ donc projective], et que la réalité historique restait encore à connaître et à interpréter.

Nathalie

@Hélène : Alors ce sera point barre pour vous, sans nul doute ! Pas si facile de se repentir et de se convertir non... Humainement, je dirai que c'est impossible, comme le pardon. Surtout si on n'imagine rien de l'autre côté de la barrière comme vous dites.
Je n'ai pas dit que Gilles de Rais a agi de lui-même et de sa propre initiative, j'ai dit que Dieu lui a accordé une Grâce : NUANCE de taille ! D'autre part, je ne saurai dire ce qui se passait dans sa tête au moment où il a passé. Vous si ?

Helene

Dire que même "Gilles de Rais a été touché par la Grâce" c'est un peu gros, il a surtout eu peur en passant de vie a trépas de ce qu'il allait trouver de l'autre côté si tant est qu'il y ait quelque chose ! C'est facile de se repentir de ses crimes ; cet homme qui a commis les pires atrocités n'a pas été touché par la grâce, il a eu la trouille de trouver son double de l'autre côté de la barrière... Un salaud reste un salaud qu'il soit vivant ou mort... point barre !!

Nathalie

Si c'était si facile que cela de faire interner ou mettre sous tutelle ou curatelle un parent qui déraille, qui est violent et qui nuit aux autres et surtout à sa famille par son comportement, cela se saurait... Tant qu'il n'y a pas de "troubles à l'ordre public", j'en connais qui sont contraints de supporter et de crever à petit feu sous la tyrannie de la maladie mentale manifeste de leur parent.

Laurent Dingli

Je suis d'accord avec l'appréciation de J.D. Reffait sur la qualité du débat.
Au-delà des sensibilités politiques, deux questions, souvent liées, restent toujours très inquiétantes : celle de la surpopulation carcérale d'une part, celle la responsabilisation pénale des patients atteints de troubles psychiques graves, de l'autre. Je ne veux pas augurer des expertises qui seront menées sur Jean-Pierre Guillaud l'assassin du jeune étudiant poignardé à Grenoble, mais l'idée qu'il puisse être jugé responsable de ses actes, alors qu'il s'en félicite et tient un discours paranoïaque, laisse pantois. Encore une fois, sortons du débat idéologique droite-gauche. D'un côté, quelques littérateurs bien-pensants, installés dans le rôle confortable d'éternels dénonciateurs, et revêtus de la toge de la justice bafouée, (ex. l'éditorialiste du Monde d'aujourd'hui) se contentent d'incriminer la politique du gouvernement dont le seul but serait d'offrir "une réponse punitive" et de criminaliser la folie. De l'autre, un manque de souplesse, la difficulté de penser le système dans toute sa complexité et sa globalité, en somme les limites de la culture du résultat rapide. Où est la psychiatrie dans tout cela ? Des efforts importants ont été réalisés (1, 5 milliards débloqués en trois ans), mais le chantier est gigantesque et l'argent ne fait pas tout. L'histoire de ce jeune homme massacré dans sa cellule par un co-détenu psychotique, retracée dans le reportage d'Envoyé spécial, si elle ne nous apprend malheureusement rien, n'en demeure pas moins insupportable. Nous nous souvenons du cas récent d'un détenu arrachant le coeur d'un autre avant de le manger. On imagine le sérieux du système qui a pu juger cet homme sain d'esprit. N'attendons pas que l'assassin de Grenoble ait poignardé un pauvre co-détenu avec qui on l'aura enfermé de manière inique, et faute de place, pour faire semblant de s'en étonner. J'ai écrit sur ce blog, il y a plus d'un an, que la réforme en matière psychiatrique devrait être l'un des chantiers prioritaires. Et, je le répète encore, il serait criminel de faire d'un sujet aussi grave le prétexte à de vulgaires règlements de compte politiciens. Je regrette sincèrement que les oppositions se radicalisent, que les divergences tournent à la dispute stérile, que l'on s'affronte à coup de manifestes publiés dans les journaux ou d'oukazes ministériels. Il y a là quelque chose de franchement indécent quand on considère la souffrance incommensurable dont il est question.

Jean-Dominique Reffait

Certains ont récemment émis assez piteusement que le niveau de ce blog avait décru depuis qu'ils en étaient partis : je ne trouve pas du tout du tout !

Merci à Daniel Zagury qui nous permet de disposer, entre le billet de Philippe, les commentaires divers et sa conclusion, de l'alpha et l'oméga d'un débat construit et profitable, ce qui est rarissime dans le genre des blogs.

Daniel ZAGURY

Monsieur l’Avocat Général et cher ami,

Vous me faites l’honneur de me distinguer parmi d’éminentes personnalités du monde de la médecine, signataires de la pétition contre la perpétuité sur ordonnance. Je vous en remercie. Les interrogations que vous soulevez mériteraient d’être longuement débattues et je ne peux ici que résumer mon point de vue de façon hélas trop synthétique.

1° Dissipons d’abord un malentendu : il ne s’agit pas pour moi de refuser à tout prix d’être utilisé par l’accusation. L’expert répond aux questions posées et il est parfaitement légitime que chaque partie au procès s’empare de l’expertise dans le sens qui lui convient. C’est le jeu judiciaire normal qui nous vaut d’ailleurs tantôt l’excès d’honneur, tantôt l’indignité. J’accepte cette instrumentalisation là comme inhérente à l’expertise elle-même. Mais je refuse l’instrumentalisation politique de ma profession. Ce n’est pas la même chose.

2° Je tiens ensuite à manifester un net désaccord. Vous semblez étonné par ce « tocsin artificiel », comme une tempête dans un verre d’eau et vous vous interrogez sur le peu de respect républicain d’une telle critique. Comment s’étonner de l’ampleur de la réaction des psychiatres quand on on constate le peu de cas que l’on fait de notre profession grossièrement court-circuitée ? Pour recueillir les confidences d’un certain nombre de vos collègues magistrats, c’est bien un semblable malaise qui me paraît présent dans une large partie de votre corps professionnel.
Au-delà de toutes les discussions sur tel ou tel point, ce qui suscite ce désarroi croissant, c’est cette série de clins d’œil appuyés, de messages subliminaux voire de déclarations qui vont toutes dans le même sens : c’est le peuple qui a raison dans la spontanéité de ses réactions, y compris les plus sommaires. Ces psychiatres « droit-de-l’hommistes » qui se réfugient derrière leur éthique ridicule quand il s’agit d’éradiquer des monstres, sont à mettre dans le même sac que ces juges laxistes qui s’accrochent de façon pointilleuse à des principes de droit anachroniques. Il suffit de surfer sur le Net pour constater avec effarement le niveau de la haine contre ces magistrats qui n’ont qu’à se taire après Outreau ou ces imbéciles de psychiatres que l’on devrait poursuivre à chaque fois qu’il y a un récidiviste. Ce qui est nouveau, ce n’est pas cette haine mais qu’elle soit confortée et validée.

3° J’en viens à l’essentiel : vous pointez un parfum de sophisme, un dédoublement, dans mon refus de détenir la clé des oubliettes, comme une nouvelle volonté de sauvegarder une belle âme. Il n’en est rien : le citoyen que je suis comprend parfaitement que certains criminels puissent relever de mesures de sûreté. Mais à chacun son métier. Le glissement vers le sanitaire est une escroquerie. Badigeonner de blanc les murs d’un lieu de sûreté n’en fait pas un hôpital. La confusion du soin aux malades mentaux et de l’aide thérapeutique aux délinquants sexuels est une véritable catastrophe. C’est le règne du « soignez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ».
Mais surtout, dans le climat actuel surchauffé, qui donnera un avis plutôt favorable à une libération, quand on sait que tout pronostic est seulement probabiliste ? Même devant une évolution très positive, il existe un risque, au moins théorique.
Ce n’est pas que le psychiatre, le psychologue ou le criminologue ne puisse aider à la décision. C’est qu’ils ne peuvent le faire que dans un climat minimal de confiance, de respect et de protection. Nos métiers consistent à prendre un risque à chaque décision. Si l’on brandit en permanence l’épée sur nos têtes, nous serons dans l’impossibilité de travailler : beau résultat que celui qui désorganise les réseaux médico-judiciaires, pour des gains politiciens à court terme !
Vous vous étonnez de l’ampleur de la réaction des psychiatres. Elle vous paraît disproportionnée. Elle est à la mesure de l’instrumentalisation qui nous menace : Michel FOUCAULT assimilait l’expert psychiatre à un bouffon, au personnage d’Ubu et il insistait sur le rôle du grotesque dans l’usage politique de cette marionnette, dont l’efficacité était liée à son ridicule même. FOUCAULT avait raison… mais dans certains cas. L’expert bouffon, c’est celui qui se laisse ridiculement prendre au piège de la toute-puissance que l’on fait semblant de lui attribuer, qui glisse de la vérité psychique à la vérité des faits ou du pronostic prudent à la prédiction astrologique. Bref, l’expert bouffon c’est celui qui obéit à la commande et qui sort des limites de son champ de compétence. Permettez, cher Philippe BILGER, que nous résistions à être de tels Diafoirus. Vous connaissez ma prudence et mon refus de me laisser mener là où je n’ai pas à aller.
Notre métier, c’est le diagnostic et le traitement des maladies mentales. La demande politique est aujourd’hui centrée sur le pronostic des troubles de la personnalité et de l’orientation sexuelle. Nous avons bien des éclairages à donner, à la condition de rester campés dans les limites techniques et éthiques de notre profession et à la condition d’être écoutés et respectés dans les avis de nos instances professionnelles.

4° Chacun des points ici trop brièvement évoqués mériterait d’amples développements. Permettez-moi seulement de répéter que la question de la rétention de sûreté ne concerne pas seulement quelques rares criminels en fin de peine qui ne devraient pas susciter tout ce tintamarre, comme vous l’exprimez. Elle introduit dans notre pays un nouveau positionnement de la psychiatrie dans les rapports santé – justice, au moment où la psychiatrie publique est exsangue et où le contrat social et moral qui la lie au pays est en crise : depuis la libération, trois générations de psychiatres ont œuvré à humaniser le soin des malades mentaux. Dans un contexte de crise économique, de tentation de désigner des boucs émissaires, on exige désormais de la psychiatrie qu’elle devienne un instrument de sécurité, voire qu’elle se substitue à la justice en fin de peine, pour des hommes dont les aliénistes se sont époumonés à dire qu’ils n’étaient pas des malades mentaux. Cela réclame débat et ce n’est pas beaucoup de bruit pour rien. Le mal n’est pas la maladie : le mal se combat. La maladie se soigne. Quand ils s’intriquent, chacun doit sauvegarder sa place. Que des psychiatres acceptent à juste titre de collaborer avec la justice ne fait pas d’eux les garants de la non récidive ou les propriétaires de la clé des oubliettes.

Cher ami, merci de m’avoir donné l’occasion de vous répondre, dans une dispute cordiale.

Très amicalement

Daniel ZAGURY

Duval Uzan

Bonjour,
Voici un petit rappel du billet de Monsieur Philippe Bilger, écrit le 19 novembre 2007. Sans commentaire ???

"....Sur ce dernier point, même si le Parisien nous a laissé entendre que le Conseil d'Etat préférerait substituer à ce concept de culpabilité civile celui de "décisions d'irresponsabilité pénale", il n'en demeure pas moins que l'idée doit être soutenue qui propose un débat public et contradictoire devant la chambre de l'instruction sur l'abolition ou non des facultés mentales du mis en examen. Tout ce qui est de nature à sortir la confrontation des points de vue, dans ce domaine, du champ purement technique et clos mérite notre approbation. Ce qui probablement affecte le plus les familles de victimes anéanties par un irresponsable ou prétendu tel, c'est moins la conclusion elle-même que le caractère de couperet qu'elle emprunte trop souvent et qui laisse à des spécialistes parfois décevants le dernier mot. Qu'une controverse éclate et soit développée au grand jour de l'audience aura les plus heureux effets sur un malheur pourtant enraciné au coeur des parties civiles. Elles pourront parler, répliquer, protester, se libérer. Qu'elles gagnent ou perdent leur cause, elles auront, dans tous les cas, triomphé du silence qui étouffe sans consoler..."

Je pense beaucoup à ce Monsieur de Grenoble, presque autant qu'à Suzanne.
Ce n'est pas arrivé n'importe quand !
J'ai vu ces beaux studios que l'on préparait pour les incarcérés prolongés.
Ca donne envie d'échapper à l'asile psychiatrique... mais comment ???

Duval Uzan

Catherine JACOB

Daniel Ciccia
«Cela fait écho en effet aux propos d'un expert psychiatre lors des travaux de la commission Outreau, propos qui avaient soulevé une certaine indignation. »

Ne confondons pas les torchons et les serviettes. Un psychiatre est un docteur en médecine qui a rallongé ses études d'un CES de spécialité en psychiatrie. Or, «l'expert» d'Outreau n'était pas médecin ce qui a dû lui rendre la comparaison plus facile avec une femme de ménage. Ses propos dans la bouche d'un médecin auraient très probablement valu à ce dernier quelques ennuis avec le Conseil de l'Ordre.

Dans ses matières, les problèmes surgissent en effet souvent lorsque les gens méconnaissent leur seuil d'incompétence et le déguisent en problème de montant d'honoraires au lieu de reconnaître les faits. Le faux procès que vous faites à Daniel Zagury prouve simplement que vous n'avez sans aucune idée du sens du mot «thérapeute» dans psychothérapeute. La rétention de sûreté remet purement et simplement en cause la déontologie et le sens de la cure. Or il y a des verrous qu'il ne faut pas permettre de faire sauter sans courir le risque que toute la société ne finisse par en pâtir et ces verrous ne sont pas ceux d'une cellule ! Ce sont ceux qui ferment la frontière entre le psychiatre et cet archétype que représente le Docteur MABUSE.

CHAKROUN

"L'epsilon d'espoir", c'est le baume que le pessimisme intelligent s'est inventé pour respirer un peu".

L'ensemble de votre analyse me semble assez judicieuse... mais la phrase que je viens de relever heurte ma conscience morale et "religieuse".

En effet, il me semble, sans tomber dans le dogme des religions monothéistes, que tout simplement la rémission est possible pour tout être humain.

De facto, l'Histoire est pleine de petites "histoires" publiques ou méconnues de criminels, grands ou petits, de personnes condamnées par le système psychiatrique qui finissent par être touchées par la "grâce" ou sans y donner encore une fois une connotation religieuse, tout simplement par la quiétude et la paix de l'âme.

Ainsi, je vous trouve bien sombre... Est-ce le fruit de votre pratique professionnelle qui vous fait émettre tel "jugement" sur la Condition Humaine ?

Pour finir, il me semble que le "tout psychiatrique et psychologique" dont aime à s'abreuver le système judiciaire et sociétal s'avère dangereux... tant de personnes en sont finalement "victimes"...

lucie

Je comprends le malaise des psychiatres : certes, c'est difficile de garder la clef des oubliettes !
La difficulté vient du fait qu'il n'y a pas de "bonne" solution pour tous. En fait, soit le psychiatre est responsable de garder la clef, soit il laisse faire un meurtre éventuel. Dans le cas de Grenoble, c'est un meurtre réel.
Il n'y a pas de position idéale et le choix est difficile. Mais que l'on ne me fasse pas croire que les psychiatres croient en la guérison des cas pathologiquement lourds... rien ne leur permet d'en être certain, d'où leur responsabilité, qui, de toutes façons est engagée !

Baudouin Labrique

S'il est certain, Philippe, que les psys, qui interviennent à quelque titre que ce soit dans les prétoires, se font bien évidemment complices de ce qui conduit à des condamnations, il faut aussi souligner, par ailleurs, que leurs interventions permettent aussi de mettre en lumière la souffrance souvent cachée et ses origines souvent enfouies dans les traitements subis dans l’enfance ; cela justifient en les étoffant alors, et bien, heureusement, les fameuses circonstances atténuantes, limitant ainsi l’ajout de nouvelles souffrances.

Cependant, ici encore on fausse le vrai débat de fond : une société qui se contente, fort de sa bonne conscience lobbyisée et asservie à la pensée unique (médiatisée), d’écarter ceux qui sont réputés dangereux, mais qui ne se soucie que trop peu de la prise en compte de leur offrir un accompagnement thérapeutique pour précisément les aider à d’une part, se libérer de ces conflits (souvent occultés) et qui les ont conduits à perpétrer leurs délits et, d’autre part, de faire en sorte que leur réinsertion dans la société ne leur permette plus de répéter des comportements délictueux.

Le Canada offre un éclatant enseignement, en ce qui concerne par exemple, l’accompagnement thérapeutique des délinquants sexuels qui de ce fait sont beaucoup moins nombreux à récidiver.

Daniel Ciccia

Enfin, qu'il me soit permis de faire cette ultime observation au sujet de l'évocation d'un rôle de "larbin" à laquelle a fait appel M. Zagury.
Je me demande s'il ne déplace pas inconsciemment la problématique vers des notions de reconnaissance et peut-être d'honoraires.
Cela fait écho en effet aux propos d'un expert psychiatre lors des travaux de la commission Outreau, propos qui avaient soulevé une certaine indignation.

Si je me souviens bien, l'avis donné par cet expert avait eu des conséquences déplorables pour un ou plusieurs accusés et il avait été alors interrogé et mis en cause.

C'est alors que ce praticien avait dit en substance pour se défendre de la qualité de l'expertise que la justice en avait eu pour son argent...

Loin de moi l'idée que M. Zagury pût dégager en touche de cette manière, mais sans doute en parlant de larbin sa parole traduit une pensée.

Catherine JACOB

@ Daniel Ciccia
«La crainte d'être instrumentalisé.»

Il ne s'agit pas seulement de la crainte d'être instrumentalisé. Il me semble que le psychiatre peut gérer ça, vu que certains de ses patients ordinaires [= non délinquants] eux-mêmes et non pas seulement une administration quelconque passent leur temps à le tenter. Il s'agit beaucoup plus profondément, je crois, dans ses limites du sens même de la psychiatrie, et du risque de le voir perverti, or ça c'est grave.

Véronique Raffeneau

@ Jean-Dominique

"...et ici-même, Philippe Bilger a été d'accord pour constater que le deuxième volet (évaluation de la dangerosité, autrement dit risque particulièrement élevé de récidive) sortait de la compétence d'un médecin et que l'on devait s'en tenir au premier volet du travail de l'expert."

Mais il n'empêche que le même Philippe, quand il est dans sa cour d'assises, sait mieux que personne déchiffrer et débusquer dans l'exposé de l'expertise psychiatrique ce que le Daniel ne veut pas dire.

Maintenant, quand l'expertise est médiocre (banalités et conformismes de fond et de forme en tous genres), Philippe dira dans son réquisitoire :

...moi, je n'ai pas besoin de cette bouillie verbale psychologisante pour comprendre que ce n'est pas demain la veille que X pourra "échapper à l'étau de soi" (le billet) [*]

Pour la rétention de sûreté je partage l'avis de Daniel Ciccia.

Il s'agira pour la commission chargée d'étudier l'opportunité d'une rétention à l'issue de la peine de savoir limiter l'expertise psy à sa nature qui n'est que consultative.


[*] J’ai lu il y a peu mais je ne sais plus où, ni à propos de quel procès, que PB avait dit dans une audience d’assises qu’il n’avait pas besoin des expertises psychologiques qui avaient été exposées dans ce procès pour comprendre et savoir que...


Aïssa Lacheb-Boukachache

(Aphorisme à réciter trois fois pour passer une bonne nuit ou une bonne journée, c'est selon)


Heureusement que Christine Lagarde, notre ministre de l'Economie et des Finances, a affirmé qu'elle n'a pas une tête à être la copine de Bernard Tapie... Car si elle est sa copine, ce ne sont pas 400 millions euros qu'elle lui aurait donnés mais le budget entier de la France.


Bonne nuit.


Aïssa.

Aïssa Lacheb-Boukachache

Il y a quand même quelque chose de marrant à voir les tribunaux engorgés de ces demandes de personnes (non criminelles, je le précise) demandant instamment à ce qu'il soit statué -en référé souvent- sur la validité de leur placement, à la demande d'un tiers, en institution psychiatrique. Et s'il est vrai que, en entreprise, pour se débarrasser à peu de frais d'un salarié importun, il n'est que de le faire accuser devant la justice de viol voire attouchements sur une quelconque collègue complice qui confirmera (ça marche à tous les coups, certifié, démontré, prouvé), il n'en est pas moins exact que, en famille, pour se débarrasser d'un parent encombrant, il n'est que de, par la psychiatrie, le faire interner par cette procédure simple et rapide qu'on appelle juridiquement "à la demande d'un tiers". Ainsi, cet homme ou cette femme interné abusivement selon lui ou elle, conservant néanmoins tous ses droits ou au moins celui d'ester en justice dans ce cas, verra sa demande près le juge d'instance voire grande instance recevable et des magistrats qui auront alors pour devoir -sous peine de déni de justice- de dire si oui ou non les expertises des psychiatres en cause ont été valables et justifiaient et expliquaient l'internement ... Et sur quoi vont-ils s'appuyer pour juger de cela? En général, sur la simple lecture du dossier et l'audition du requérant voire des témoins s'il s'en trouve. Si les enjeux sont trop importants, on fera alors appel à d'autres psychiatres qui "jugeront" de la validité ou non des conclusions de leurs confrères qui auront décidé de ces mesures coercitives d'internement, etc. Le prévenu (pardon, l'hospitalisé malgré lui, puisqu'il le vivra ainsi) pourra, si ces dernières conclusions ne le satisfont pas pleinement, interjeter appel de ces conclusions dernières et faire convoquer d'autres psychiatres qui devront, à leur tour, dire si les conclusions des psychiatres mandés par la justice pour examiner et dire des conclusions des psychiatres mandés par la famille, sont valables ou non. On le voit, la question n'est pas simple; et pourtant, ce malheureux interné et privé de ses droits (malgré lui, crie-t-il toujours) n'aura commis aucune infraction à la loi. Mais, heureusement, comme les enjeux (financiers, héritage, des meubles, le plus souvent) de ces sombres affaires domestiques ne sont pas si importants, le juge décidera seul en son cabinet voire en audience restreinte que l'interné dans ces conditions n'avait pas vocation à l'être et que les psychiatres ont commis une grave erreur d'appréciation et d'expertise en décidant de son contraire. En l'espèce, le juge, en son âme et conscience, aura jugé de la pertinence ou non d'une expertise psychiatrique. C'est rigolo. Maintenant, si donc le juge est capable, dans ce cas de figure somme toute tristement banal et presque quotidien, de dire que le savant docteur es médecine n'a pas été bon, pourquoi ne le serait-il pas pour les futurs cas d'école qui nous intéressent tous ici? En conclusion, les bons docteurs Zagury ne sont indispensables nulle part et celui-ci a bien raison de le rappeler avec force pétition et cris publics. J'ajoute à sa suite que trop de psychiatrie tue les libertés individuelles dont le juge est le garant indéfectible. C'est d'ailleurs et fort justement parce qu'ils (les magistrats du siège, ceux qui tranchent) sont les garants constitutionnels des libertés individuelles, qu'ils peuvent dire d'un médecin psychiatre voire deux, trois, toute l'institution même, qu'ils se sont trompés dans leur art ou qu'ils ne se sont pas trompés, comme dans l'exemple intéressant que nous avons étudié ci-dessus. Nous avons fait, en ce domaine judiciaire, comme en tant d'autres, tant de progrès que c'est pitié et regret que de constater que si Camille Claudel avait vécu à notre époque formidable, il se serait aussitôt trouvé un -que dis-je un?!- dix, mille, toute l'institution judiciaire pour tancer vertement et son frère tout diplomate d'Etat qu'il fut et ces médecins qui la retinrent internée jusqu'à sa mort. On en aurait entendu parler de ce procès, et sans doute notre cher PB lui-même aurait-il requis violemment contre ces séquestreurs de cette malheureuse enfant, renvoyant d'un souffle de manche rouge à leurs sombres et douteuses études médicales ces piètres docteurs et professeurs ... Et, croyez-le, cher PB, en tant que honnête citoyen ayant payé 122 euros d'impôt cette année, et concerné par ces terribles dérives totalitaires de notre système de soins de santé mentale, je me serais, avec toutes les associations idoines et toute la force dont je suis capable, joint à vous et votre formidable réquisitoire auquel j'aurais donné de la voix également, en me portant partie civile contre ces monstres en blouse blanche qui firent cela à cette jeune fille innocente. Ainsi, vous n'auriez pas été seul. Ah, c'est trop facile, oui c'est trop facile, mesdames et messieurs de la psychiatrie, de dire de quelqu'un qu'il est fou et de l'emprisonner à vie comme vous le fîtes plus que souvent! Vous ne ricanez plus maintenant, vous ne forfantez plus aujourd'hui que le juge a pris conscience et de vos insuffisances et de vos forfaits innombrables ... Gare! Arrière, monstres!


Aïssa.

Laurent Dingli

Brillant commentaire, Monsieur Ciccia. Vos interventions, toujours mesurées, honorent ce blog.

Daniel Ciccia

@Jean-Dominique Reffait
D'abord si j'ai l'honneur de vous amuser je l'ai fait sans référence aux 53% ni même citer Sarkozy. Pourquoi vous sentez-vous tenu d'utiliser cette ficelle ?
J'ai simplement pris acte, et je ne suis pas le seul, que la magistrature en partie, les secteurs médico-sociaux, en partie, et jusqu'à la protection de la petite enfance, en partie, ont des positions "idéologiques" revendiquées sur les questions judiciaires et que ce débat ouvert par M. Bilger épouse assez bien, mais je me trompe sans doute, les frontières de ce clivage. Nos positions respectives en rendent compte.

Croyez que je le déplore car cette polémique n'est pas vivifiante, ce en dépit du fait incontestable qu'il développe des argumentations ou des intuitions. Entre parenthèse, et pour vous amuser puisque vous me reconnaissez avec bienveillance cette faculté, si on peut espérer voir naître les prémisses d'une Amérique post-raciale (la notion est apparue), je fais partie de ceux à espérer une France post-idéologique qui se montrerait quelque chemin pour quitter les méandres où elle se perd parfois.

Dans le cas de la rétention de sûreté, compte tenu des enjeux, on devrait aboutir à une certaine unanimité sur un problème qui concerne quelques dizaines de détenus par an qui ont montré l'étendue de leur perversité ou de leur barbarie.
Nous sommes dans un Etat de droit. Les experts-psychiatres éclairent déjà un certain nombre de décisions judiciaires qui vont de la curatelle à l'internement d'un individu ou encore à le déclarer pénalement irresponsable au regard du danger qu'il peut représenter pour lui-même ou autrui.
Il ne s'agit pas de divination ou chiromancie.
Alors de deux choses l'une, où cette science n'en est pas une - avec les réserves applicables à toute science humaine, non exacte par définition - et cela vaut déjà pour ces décisions, ou bien ces expertises reposent sur un minimum de crédibilité et dans ce cas la justice est habilitée à requérir un expert ou plusieurs, pour corroborer ou pas d'autres avis sur la dangerosité d'un individu.
Tout comme, le sujet, son défenseur, est ce qui est prévu, me semble-t-il, j'ai lu le texte en diagonale, peut faire appel ou demander une expertise contradictoire.
L'Etat de droit est garantie principalement là.

«Si l'on nous demande des choses que l'on ne sait pas faire, vous n'aurez plus des psychiatres en face de vous, mais des clowns, des bouffons. Nous soignons en prison. Nous acceptons d'être des « auxiliaires » de justice, mais nous n'en sommes pas les larbins. La perpétuité ne se prononce pas sur ordonnance.», dit M. Zagury, dans Ouest-France du jour.
Si quelque chose me gêne dans la position des psychiatres, cela tient au fait de se présenter comme « des larbins » et non « plus des auxiliaires de justice ».
Y-a-t-il une obligation faite au praticien pour le soumettre à rendre un avis préconçu sur la dangerosité de l'individu? Bien sûr que non. Son indépendance est garantie et si elle ne l'était pas, alors, le psychiatre est fondé à le revendiquer ce qu'il ne manquerait pas de faire.
Quelqu'un l'a-t-il mise en cause?
Par contre, effectivement, il y a une pression invisible qui s'exercerait, quelle est sa nature?
Cette pression, je ne crois pas qu'elle soit déontologique. Elle est celle du dilemme moral et intellectuel auquel le praticien, mais aussi le juge, est confronté particulièrement dans ce domaine.
Le risque de se tromper et de remettre quelqu'un qui présente une « probabilité » de dangerosité en liberté et le risque, égal, de conserver quelqu'un dans ce dispositif alors qu'il ne récidivera peut-être pas. Arbitrer entre ces deux risques n'est pas chose aisée. Dire le contraire est une hérésie.

Je confesse que je n'ai pas lu totalement le texte de loi – je ne sais même pas s'il aborde ces aspects pratiques - mais je pense qu'il y a un secret des délibérations au sein de la commission qui statue et que l'avis des experts psychiatres est consultatif et pas impératif.
Si l'instance fonctionne d'une manière régulière, éclairée par des avis, ouverte à la contradiction, je ne vois en quoi il y aurait déni de justice, forfaiture quelconque ou instrumentalisation de corporation.
Car voyez-vous, la question n'est pas de savoir humainement, en tant que papa ou citoyen, ce que l'on souhaite ou pas, ce qui est une bien belle habileté de style, mais de réfléchir à la manière dont est organisée juridiquement et étayée la commission de rétention de sûreté et de ne pas jeter sa clé « à elle » aux oubliettes.

Il ne s'agit même pas d'être pragmatique. Il s'agit d'être responsable.


matéo

Comme souvent en matière de loi, d’innovation législative (soyez tolérant, je n’ai pas fait mon droit), et plus généralement de réforme, le mieux serait de ne rien faire, de ne toucher à rien.

La réforme étant au mieux inutile, superflue, inefficace, au pire infâme, indigne, machiavélique.

Là, la société est confrontée à un problème, certes pas tous les jours, et pas partout, celui où des criminels psychopathes, de la névrose obsessionnelle à la psychose, arrivés en bout de peine, non soignés, voire insoignables, présentent des risques lourds de récidive, quand ils ne les claironnent pas, n’en font pas l’annonce urbi et orbi au sein de la prison.

Le pouvoir exécutif, élu par le peuple, croit faire son boulot en prévoyant donc des dispositions permettant de les enfermer plus longtemps, à charge pour la sphère psy d’y mettre son grain de sel. On peut comprendre qu’un magistrat ne sente pas compétent pour apprécier la dangerosité de tel ou tel prochain libéré.

Là déjà surgissent immédiatement, c’est là le réflexe de base de nombreux citoyens de ce pays, les appels à la peur devant une mécanique fascistoïde, où vous et moi nous retrouverions reclus à perpète pour avoir (là il est bon de prendre un exemple américain) mangé par trois fois un hamburger au volant de sa Twingo. Voilà un premier motif pour rejeter d’emblée toute disposition pouvant éviter à une fillette passant par là se faire violer, un garçonnet de se faire éventrer, une mère de famille de se faire suriner. Tout le monde les aime bien, bien sûr, la fillette innocente, le garçonnet paisible et la mère de famille dévouée, mais ils peuvent bien crever si des citoyens ont par le rejet de l’enfermement repoussé la nuit totalitaire.

Les psy, eux, choisissent la stratégie de Ponce Pilate. Après nous le déluge, et surtout, surtout, que nos expertises n’aient pas de valeur décisionnelle. On veut bien être consultés, donner un avis (on est quand même des experts), mais pour le reste, débrouillez-vous.

Pour d’autres enfin, et comme à tout sujet, à partir du moment où les prisons ne sont pas modernes et propres, le linge frais et repassé, les prisons dotés d’infirmerie high tech, les soins et suivis thérapeutiques menées avec assiduité, et que les patrons gagnent tant et plus, et que les ouvriers en bavent, que l’Afrique se meure et que l’Occident s’empâte : ne leur parlez de rien.

Cela fait combien de temps que face à ces problèmes, on entend année après année, décennie après décennie, dire que les criminels psychopathes, tueurs, violeurs, tortionnaires ou barbares compulsifs sont condamnés, mais jamais soignés, jamais suivis, et qu’après la taule, il n’y a plus rien. 30 ans de constat, 30 ans d’alternance politique, et 30 ans de surplace. Et là tout reste donc suspendu en l’air. A commencer par la société, les fillettes, les garçonnets, les mères de famille, cette réserve inépuisable pour les prédateurs tarés de tout poil. Ils devront attendre : qu’un autre gouvernement supprime cette loi, que les peines soient assorties de traitements et de suivis médicaux sans faille, que la société soit égalitaire, que l’Afrique mange à sa faim, que le chômage soit définitivement vaincu.

Le pays tremble, perd la boule, sait puis ne sait plus, voudrait bien mais ne peut point : bref tous les signes avérés du vieillissement.

Jean-Dominique Reffait

@ Daniel Ciccia et Véronique

1. Je ne me prononce pas ici sur la rétention de sûreté mais sur l'alibi scientifique que l'on veut à toute force donner à ce dispositif. Je ne sors pas d'un poil du billet de Philippe.

2. Je suis bien conscient du risque que certains criminels font courir aux autres s'ils sont relâchés. Je ne suis évidemment pas favorable à ce qu'un Fourniret se retrouve dehors, ça tombe sous le sens. J'ai trois gosses dont une fille de 14 ans et je tremble pour un quart d'heure de retard.

3. Depuis la présentation du projet de loi, les professionnels, tous, ont dit clairement : "Halte, on ne sait pas faire". Pourquoi les contraindre à faire ce qu'ils affirment ne pas savoir faire.

4. Les expertises aux Assises. Elles avaient jusqu'à Outreau deux volets : Expliquer l'état psychique d'un individu au moment des faits, évaluer la crédibilité ou la dangerosité d'un individu. Après Outreau tout le monde, à droite comme à gauche, et ici-même, Philippe Bilger, a été d'accord pour constater que le deuxième volet sortait de la compétence d'un médecin et que l'on devait s'en tenir au premier volet du travail de l'expert. Or la loi sur la rétention de sûreté place le deuxième volet, disqualifié scientifiquement, au centre du dispositif : c'est incohérent.

5. L'expert sait à peu près décrypter l'état mental d'un individu au moment des faits SANS QU'il y ait nécessairement une corrélation entre l'état psychique et les faits. Un narcissique peut tuer comme Fourniret ou faire la Star'Ac : le narcissisme n'est pas criminogène en lui-même. L'expert donne donc un éclairage sur la situation psychique à un moment où des faits se sont produits. C'est en cela que son rôle est éventuellement utile aux assises. Mais il n'est pas devin : le narcissique meurtrier d'hier peut être devenu un narcissique tranquille, sans que son narcissisme ait disparu. L'expert dira : il est narcissique, oui, est-il susceptible de tuer en raison de son narcissisme, je ne sais pas.

6. Daniel, vous m'avez amusé avec votre référence aux 53% de Sarkozy qui justifieraient que les experts se plient à cette donnée ! J'ai donc poussé votre propos à la caricature. Je suis méchant.

7. Si la société estime, comme cela est légitime, qu'elle doit maintenir enfermés des individus qu'elle juge dangereux, qu'elle le fasse, je n'y suis pas hostile. Mais qu'on ne vienne pas habiller cette décision du costume scientifique, auquel il manquerait les manches, le col, les poches et les boutons. C'est à la société de décider et à ses représentants, en l'occurrence les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire et les juges. Une fois la peine prononcée, le rôle des psychiatres est de soigner, quand ils le peuvent, les condamnés qui le nécessitent. C'est déjà une très lourde responsabilité dont ils ne s'acquittent que très imparfaitement, compte tenu de la faiblesse des connaissances scientifiques actuelles.

Daniel Ciccia

La crainte d'être instrumentalisé dans un processus visant à oublier la clé des oubliettes est à mes yeux excessive. Il ne s'agit pas de jeter Edmond Dantès, qui n'était certes pas un criminel susceptible au fond d'un cachot et de l'y laisser pourrir. Et pour cause. La mesure de rétention est prise pour un an et doit être renouvelée dans des conditions qui laissent toute sa place à des procédures contradictoires.
Je crois utile de citer ces deux articles:

"La décision de rétention de sûreté est valable pour une durée d'un an.
La rétention de sûreté peut être renouvelée, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, selon les modalités prévues par l'article 706-53-15 et pour la même durée, dès lors que les conditions prévues par l'article 706-53-14 sont toujours remplies."

"Après un délai de trois mois à compter de la décision définitive de rétention de sûreté, la personne placée en rétention de sûreté peut demander à la juridiction régionale de la rétention de sûreté qu'il soit mis fin à cette mesure. Il est mis fin d'office à la rétention si cette juridiction n'a pas statué dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande. En cas de rejet de la demande, aucune autre demande ne peut être déposée avant l'expiration d'un délai de trois mois. "

Quand à savoir si cette loi signifie la négation de l'epsilon d'espoir, il me semble que c'est extrapoler et faire un curieux procès d'intention au législateur, dans un premier temps, et aux membres des commissions qui auront à statuer sur ces cas.
L'epsilon d'espoir ce n'est pas tout à fait la roulette russe et il est raisonnable d'apprécier la probabilité de récidive des criminels les plus dangereux avant de les rendre à la liberté.
Ce n'est pas abuser du pouvoir judiciaire.

Aïssa Lacheb-Boukachache

Avant de proposer que l'on "soigne" (si on pourra encore appeler cela soigner) en aval en prison, que l'on soigne déjà en amont en liberté ... Quelle peine de prison avec période de sûreté puis rétention "médicalo-pénitentiaire" de sûreté infliger à ce type errant et psychotique connu, diagnostiqué et à peine pris en charge médicalement par l'hôpital de la ville, qui vient, au long sa promenade en ville, hier, de poignarder sans raison sinon sa folie, à mort un étudiant dans les rues de Grenoble qui croisait son chemin?

Avant-hier, ici à Reims (Cf. L'Union de Reims/10/11/2008), c'est un ancien ami d'enfance que je n'avais revu depuis des décennies qui poignarda à mort, en pleine nuit, dans son sommeil, un autre ami de cette même enfance commune à nous trois; il sortit et appela d'une cabine les flics, leur disant simplement: "Venez, j'ai tué le diable ...". Cet ami était connu, diagnostiqué psychotique depuis de nombreuses années et "suivi" médicalement "à l'arrache", comme on dit, par ces ersatz d'hôpitaux psychiatriques qu'est devenu l'ensemble de notre système de soins de santé mentale ...

On peut gloser ... La réalité, c'est ça; du sang sur les murs parce qu'au lieu que l'Etat assume sa responsabilité quant à la prise en charge digne, humaine, cohérente et suffisante, tant en moyens financiers qu'en moyens de matériels, locaux adaptés et personnels soignants qualifiés, de ces personnes malades mentales qui n'ont pas demandé à l'être ni le devenir, il propose de dévoyer tout cela pour de vagues intérêts financiers et politiciens et pour tout dire morbidement démagogique ...


Aïssa.

Laurent Dingli

Je partage l'avis de Philippe Bilger, si bien commenté par Véronique Raffeneau et Daniel Ciccia.
Ne limitons pas, comme Monsieur Reffait, cette question majeure, à une vulgaire opposition entre la droite et la gauche, même si les grandes orientations de ces deux sensibilités jouent leur rôle dans notre appréhension du problème. Pour ma part, j'ignore si le jeune homme qui vient de se faire poignarder par un schizophrène au sortir de l'hôpital était de droite ou de gauche. Ce que je sais, c'est que, justement parce qu'il n'y a pas d'expertise infaillible, il faut prendre des mesures de rétention et de soin nécessaires. Quand allons-nous donc cesser d'opposer ces trois volets indispensables que sont la prévention, le suivi thérapeutique et, dans certains cas, la détention ? Un accompagnement humain de la maladie mentale n'est pas incompatible avec la sûreté publique ; il y a certainement encore bien des réformes à améliorer dans un sens ou dans l'autre, mais cette amélioration ne se fera certainement pas en privilégiant un seul des éléments du problème pour des raisons idéologiques.

Guile

Cher PB, je ne m'étonne pas de vous voir défendre la loi sur la rétention de sûreté. Je ne m'étonne pas qu'elle cristallise un débat opposant les "lucides" aux "utopistes". Je crois pourtant que la vérité est, comme toujours, entre les deux.
Les partisans de la loi sur la rétention de sureté justifient celle-ci par la brutalité de la remise en liberté d'un "criminel dangereux" dès la fin de sa peine. Alors oui, cette remise en liberté est brutale, mais cette peine qu'il a accomplie n'a été qu'une peine justement.
S'il avait suivi un véritable traitement psychiatrique, OBLIGATOIRE, et effectué par des médecins spécialistes de ce type de comportement (je ne parle que des "fous", ceux que personne n'ose admettre comme humain ; à tort je pense..) et pendant TOUTE la durée de sa peine, alors rien ne justifierait la rétention de sûreté, parce que la peine aurait servi non pas seulement à punir, mais aussi, à tenter de guérir. Aujourd'hui, cela n'arrive jamais.
Enfin, une personne qui sort de prison, à l'âge de 75 ans, voire plus ne sera JAMAIS le délinquant qu'il était en y entrant.

Bref, selon moi, le législateur, bien mal inspiré, a préféré vider de sens les peines, plutôt qu'améliorer ce qui existait auparavant.
C'est populiste, c'est facile et c'est pas cher. Bienvenue en France...

Catherine JACOB

"L'epsilon d'espoir", c'est le baume que le pessimisme intelligent s'est inventé pour respirer un peu."

Mon chien se nomme UPSILON en mémoire de la possibilité EPSILON qui est celle en vertu de laquelle les spécialistes qui se sont penchés sur les circonstances dans lesquelles ma plus jeune soeur a perdu la vie ont estimé qu'elle devait en effet trouver la mort. Autrement dit, pour notre famille, la probabilité Epsilon n'est pas une simple vue de l'esprit ou une donnée statistique abstraite, mais la raison pour laquelle je garnis régulièrement de fleurs coupées le vase de marbre noir d'une tombe. Donc, s'il existe une probabilité EPSILON pour que le criminel le plus endurci et le fou le plus fou se relève comme Lazare de la pénombre humide du caveau dans lequel sa raison et son humanité ont sombré, elle ne saurait être négligée à peine que quelque chose ne meure en chacun de nous aussi. Dès lors, il ne saurait exister d'oubliettes dont la clé puisse être jetée sans que cela constitue un crime contre l'humanité de l'homme ainsi qu'une forme d'Ubris, cet état dans lequel l'homme s'oublie et que les dieux ne laissent jamais impuni quelle que soit la forme prise ensuite par leur colère.
«G'nauti S'ôton.»
«Connais-toi donc toi-même» misérable ver de terre, petite luciole en robe couleur de lune qui ose te comparer au brillant soleil, au rouge sang du sacrifice antique, et auquel l'espoir d'autres hommes en un avenir meilleur a simplement délégué et temporairement, une forme de pouvoir.

Véronique Raffeneau

@ Jean-Dominique

"oui c'est trop demander médicalement ! Un psychiatre aura beau être de droite, il ne pourra pas faire ce que sa compétence technique ne lui permet pas !"

Alors il faut également que les cours d'assises apprennent à se passer des rapports d'expertise psychiatrique et des compétences, selon vous, trop limitées des psychiatres.

Extrait de la pétition signée par le Dr Zagury :

"[...] Cette loi fait également rupture dans la tradition et l’éthique médicales, car c’est l’expertise médico-psychologique qui devient l’élément clé du dispositif pour décider de cette mesure de sûreté. Alors que sa mission est de porter secours et de soigner, la médecine se trouve ici instrumentalisée dans une logique de surveillance et de séquestration. C’est le savoir psychiatrique qui légitimera l’incarcération d’individus au motif d’un diagnostic de « particulière dangerosité ». La privation de liberté est ainsi parée des habits de la science, comme si le savoir des experts permettait de prédire les actes criminels d’une personne. [...]

Si la question de la dangerosité d'un prévenu dépasse les compétences des experts psychiatres, pourquoi ces derniers acceptent-ils de réaliser des expertises qui seront utilisées et prises en compte dans des procès où des verdicts de perpétuité assortis de périodes de sûreté risquent fort d'être prononcés ?

Ce type de condamnation - perpétuité assortie de période de sûreté - est dans mon esprit la traduction d'une particulière dangerosité dont l'expertise psychiatrique constitue l'élément clé.

D'autre part, j'ai aussi du mal à concevoir que l'éthique médicale et l'éthique judiciaire des opposants à la rétention de sûreté admettent préférable qu'une personne libérée parce qu’elle a accompli sa peine, se retrouve à l'issue de sa libération dans une position d'isolement moral, social, matériel, en quasi état d'errance psychique et humaine. Et ce, malgré un dispositif de surveillance judiciaire mis en place par la justice.

D'accord, un fait divers abusivement médiatisé est à l'origine de la loi sur la rétention de sûreté. Mais cette médiatisation à outrance a débuté d’abord dans le cadre d’une alerte enlèvement diffusée partout. Et c’est tant mieux. Honnêtement je pense que ceci ne se sépare pas de cela. Ou alors il nous faut renoncer aux alertes enlèvement.

Par ailleurs, le débat sur l'opportunité d'une mesure de sûreté n'était pas neuf. Plusieurs rapports avaient été établis depuis longtemps par les ministères de la Justice.

D'autre part, ce dispositif a le mérite de pouvoir éviter et de différer des libérations dans les conditions qui ont été celles du principal protagoniste du fait divers à l'origine de la mise en place de cette loi.

Les isolements et les errances de toutes sortes que j'ai évoqués plus haut ont constitué la trame en réel de la période de liberté de ce monsieur.


Aïssa Lacheb-Boukachache

Messieurs, chaque jour, mangez une tomate crue, comme on croque une pomme; c'est un anti-oxydant majeur et une des meilleures préventions connues et médicalement prouvées du cancer de la prostate ... Pour les femmes, désolé, je n'ai rien ... Ah si, le vaccin anti-papillomavirus (il est pas beau ce virus au microscope) à l'origine du cancer du col de l'utérus est probant; néanmoins, mesdames et mesdemoiselles, il ne vous dispense pas du frottis annuel chez votre gynéco. Vous prendriez un grand risque à ne vous en tenir qu'au vaccin et négliger le frottis ... Contre le crime, je n'ai rien, ni gélule ni vaccin ... Le bonheur, hélas, c'est loin ... et comme on est trop nombreux à vouloir être heureux ...

Bonne nuit.

Aïssa.

Daniel Ciccia

@JDR,

Soyez rassuré. Pour éprouver les craintes que vous éprouvez et qui vous permettent d'emprunter le mode de dénonciation, vous déformez ma pensée.
C'est une manière de procéder.
La question dépasse les clivages. Maintenant, il y a - et vous pouvez le contester certes - une approche pénale de gauche et une approche pénale de droite. Elle était particulièrement identifiable en 2001 lorsque Jospin était candidat face à Chirac sur les question de sécurité ou "sécuritaire"... Vous savez, Jean-Dominique, l'insécurité n'est pas réelle, c'est un sentiment d'insécurité... blabla blabla...
Et je fais un distinguo sur un certain nombre de personnalités de gauche qui vont de Manuels Valls à Claude Allègre ou Chevènement.
Mais il y a à gauche, sur la question de la justice et de la sécurité, des préventions intellectuelles, héritées de l'intelligentsia dite de gauche, des positions qui sont revendiquées dans les syndicats de magistrats, dans certains pôles judiciaires également m'a-t-il semblé un temps. Bobigny, à un moment...
Est-ce à la réalité que l'on doit qu'un certain fond d'angélisme coutumier a disparu? Sans doute. Car la délinquance juvénile a progressé considérablement et est jugée inacceptable par nombre de nos compatriotes.
Je ne sais pas s'ils sont de gauche ou de droite, mais ils ont droit à une sécurité.
C'est la République qui la leur doit.

Pour la question à laquelle vous répondez en lieu et place des psychiatres. Je la reformule : est-ce trop demander à des praticiens de prendre leurs responsabilités, à la place qui est la leur, celle d'un expert.
Vous répondez oui. Je pense qu'ils doivent répondre et engager leur crédibilité, même,qui sait, déclarant qu'ils ne peuvent pas se prononcer sur ladite dangerosité.
La décision ne leur appartient pas. Ils l'éclairent.
Enfin, d'après ce que j'ai compris et je n'ai pas l'impression qu'on leur demande - ni la société ni l'institution judiciaire - de faire une sorte de sale besogne pour que tout le monde puisse se défausser sur eux.
Ce n'est pas ce que j'ai compris de la loi sur la rétention de sûreté.

mike

Tout compte fait, je préfère voir un individu dangereux faire sa peine jusqu'au bout c'est-à-dire sans remise de peine comme cela se produit de temps en temps, semble-t-il, que de le voir récidiver : cf récemment le meurtre de Mlle Schmidt dans un train arrivant gare du Nord.
Et si certains psy ont des états d'âme au point de refuser d'appliquer une loi votée, eh bien la justice en trouvera d'autres et prendra ses responsabilités.

Jean-Dominique Reffait

@ Daniel Ciccia
Vous êtes formidable ! Vous situez parfaitement bien le sujet dans son contexte politique : il y a une majorité de droite, elle applique une politique de droite, soit.

Mais vous en déduisez que tout dans ce pays devrait du coup se situer à droite, à commencer par la médecine, c'est impressionnant ! Une médecine de droite pour appliquer une politique de droite, demain une médecine de gauche pour appliquer une politique de gauche, c'est inédit.

Votre question :
"Dans ces conditions, est-ce trop demander à des psychiatres de se prononcer, parmi d'autres éléments, sur la dangerosité d'un individu au sujet duquel il s'agit (...) de savoir s'il est susceptible de tuer, violer à nouveau en s'en prenant à des plus faibles?"
Contient la réponse : oui c'est trop demander médicalement ! Un psychiatre aura beau être de droite, il ne pourra pas faire ce que sa compétence technique ne lui permet pas ! Excusez-le de mieux connaître son métier que vous ! Pareil pour le météorologue qui ne saura pas vous annoncer la foudre qui tombera sur votre maison. Saleté de gauchistes aussi, ces météorologues !
Vous estimez que si des gardiens de prison peuvent alerter sur la dangerosité d'un individu, le psychiatre doit pouvoir le faire : quelle vision saisissante ! Qu'est-ce qu'on a à faire de ces médecins rebelles alors ? J'ai lu un commentaire qui proposait de transformer les juges en psychiatres en 300 heures de formation, maintenant les gardiens de prison : j'ai un peu de mal à être de droite dans ces conditions... je vais rester de gauche quitte à prendre perpète.

Daniel Ciccia

Si je vous suis bien Aïssa, moi qui aussi peut toujours prendre quelques minutes pour vous lire à la fois pour honorer le temps que vous avez pris à écrire et par curiosité aussi, vous êtes une sorte d'argument vivant et multi-fonction. Un espèce de robot ménager appliqué à ce blog et capable de toutes sortes de répliques.
C'est très bien et souvent, je vous jure, vous me sciez.

Pour le reste, chacun son opinion et ses repères. Quant à la thèse selon laquelle cette loi fondamentalement sécuritaire selon vous est là pour faire passer la pilule de la rigueur, il me semble que c'est un peu caricatural et que c'est prendre l'aspiration légitime d'un ensemble de personnes au demeurant banales, que l'on désigne comme le peuple, pour la portion congrue.

C'est à lui que l'on doit une société à peu près sûre et je crois possible de l'assurer sans vendre son âme ni sans renoncer au principes de justice. (...). Il est tard, je retourne à la seconde mi-temps du match des parigots (PSG).

Cédric

Je ne comprends pas...
Pourquoi la Justice souhaite-t-elle autant se défausser de son rôle de protection de la société sur la Médecine ?
Si un criminel est considéré comme réellement dangereux, irrécupérable, pourquoi ne reste-t-il pas en prison ?
Laissez donc les psychiatres faire leur métier, à savoir soigner.
Ne leur demandez pas de jouer le rôle de geôliers, inconciliable avec leur vocation.
Tout cela, au bout du compte, pour faire faire des économies à l'Etat : ces fameux ex-détenus trop dangereux pour être libres seront nourris et blanchis à la charge de la Sécurité Sociale, qui n'en est plus à ça près...
Pourquoi tant d'acharnement à défendre de mauvaises solutions à un vrai problème ?

Aïssa Lacheb-Boukachache

Mon cher Daniel Ciccia, vous ne me choquez pas le moins du monde, croyez-moi ; je ricane simplement, avec notre cher PB... J'ai cette chance de par mon vécu -oui oui !- de connaître par coeur et le système policier et le système judiciaire et le système pénitentiaire et le système hospitalier puisqu'aujourd'hui je suis infirmier diplômé d'Etat, et le système psychiatrique puisque le fréquentant professionnellement régulièrement, bref étant au coeur même de la démarche de soins psychiatriques... Vous le voyez, j'en ai fait du chemin et je ne vous le raconte qu'au plus court... Du mitard pourri de la prison de Fresnes où je traînais vulgaire dans ma tenue pénale rapiécée et puante et pleine de poux, aux locaux flamboyants de telle clinique psy dans ma toute propre tenue infirmière, aseptisée, blanche et sentant bon le frais ; quand même, j'en ai vu des choses et connues... D'habitude, c'est l'inverse... J'ai rencontré tellement de médecins, des psychiatres même, en prison, qui pour avoir pendu son épouse et maquillé (non l'épouse) mais le crime en suicide (le vilain pas beau !), qui pour avoir violé durant tout son cursus une jolie interne intimidée (Ooooooh méchant docteur !), qui encore pour avoir étranglé sa mère trop possessive à son goût qui le traitait encore à 40 ans de petit cochon enfant (lui, j'arrive à comprendre qu'à la fin il l'ait étranglé la vieille)... Je sais à quoi m'en tenir, finalement, et ce que dissimulent réellement, sous une rhétorique rassurante, ces nouvelles lois répressives. Si cela vous sied de faire de grandes phrases là-dessus, ma foi, pourquoi pas, je vous lis quand même, par respect ; après tout, si vous prenez une heure pour écrire, je puis prendre trois minutes pour lire... Vous savez, à toutes les époques les puissants ont su de ces façons inquiétantes mais douces dans leur ton, détourner à cet endroit précis l'attention des peuples des autres problèmes gravissimes et réels et qui touchent, eux, directement à toute la population. Et à cet endroit précisément parce que là se trouve la naïve et non moins faiblesse populaire. Du peuple, exacerbons ses craintes du crime et il nous foutra la paix, c'est connu et vieux comme le monde. Mobilisons nos hommes, les procureurs et les autres, les juges, toute l'armée docile de nos "mercenaires" judiciaires... Fourvoyons la médecine psychiatrique, retournons-là et qu'elle nous prête main forte, qu'elle nous donne sa caution savante, celle qui impressionne, qui fait autorité... Pour faire bref, le bouc émissaire (et non pas le beau commissaire, comme à dit un jour innocemment mon frère à un président de tribunal qui dut noter ça comme une de ses meilleures perles de Palais) a encore de beaux restes et de beaux jours... Mais n'oubliez jamais cependant qu'un de vos fils ou filles -si vous en avez ou quand vous en aurez- commettra peut-être un crime voire deux dans sa vie... Nul n'est à l'abri de la nature humaine et de la société ; ce sont des choses qui arrivent très rapidement et facilement... Et alors la clef, cette fameuse clef (magique clef, clef d'or...) dont parle notre cher PB, grondant presque le bon docteur Zagury de n'en être pas dupe et la refuser, ce sera alors vous qui l'aurez dans la main, bien au coeur de votre paume, mais vous ne pourrez rien en faire pour personne, encore moins pour votre enfant, car elle n'ouvrira plus rien malgré tout ce que l'on vous en aura dit gentiment mais gravement pour que vous l'acceptiez... On aura, au moment où vous l'aurez prise, changé dejà la serrure.


Ah, sacré Raminagrobis PB !...


Aïssa.

Patrick Marguillier

Et les clés des oubliettes, si on les donnait aux victimes survivantes ou aux proches des victimes ?

Cela nous permettait de continuer à savourer notre lâcheté en toute tranquillité, refilons le bébé et qu'on n'en parle plus.

francis

J'approuve D.Zagury lorsqu'il dit ne pas vouloir tenir la clé des oubliettes. Mais les experts sont des auxiliaires de justice et non des supplétifs. A noter toutefois que le secret médical se lève si l'expert est commis par la justice. Il garde cependant son opinion et son libre arbitre ; même s'il est plus difficile de conclure une expertise en psychiatrie qu'en médecine légale où les faits sont concrets. Certes l'accusation a tendance à utiliser l'expert comme son instrument de poids à l'égard du jury. Mais au lieu d'affirmer ou d'infirmer, l'expert en âme et conscience peut dire qu'il ne sait pas au Président ou à la défense. Deux remarques, un expert psychiatre peut indiquer qu'un accusé ou un détenu a plus sa place en milieu psychiatrique fermé qu'en prison. Pour D.Uzan, il serait dangereux d'inculquer des connaissances psychiatriques à un futur magistrat. Pour devenir un psychiatre conséquent, il faut auparavent posséder un cursus médical solide.

sbriglia

"L'epsilon d'espoir", c'est le baume que le pessimisme intelligent s'est inventé pour respirer un peu."

...je dois être un optimiste pathologique et un peu niais car malgré plusieurs lectures, à jeun et à whisky, de jour ou de nuit, j'ai du mal à saisir, sinon la beauté du phrasé, du moins le fond de la pensée bilgérienne...

...Et d'une manière générale, je m'amuse à entendre parfois, dans mes cercles vertueux, d'incurables irrespectueux demander "mais comment se nomme au fait, ce blogueur magistrat chez lequel on lit les commentaires d'Aïssa Lacheb-Boukachache ?..."

Sur ce registre, si PB joue la main droite, j'aime, ici, votre main gauche, cher Aïssa !

Pierre-Antoine

Cher PB,

Dans votre brillantissime exposé, il y a une seule chose qui me chagrine : vous !

Non pas vous en tant que personne, mais vous en tant que magistrat. Cela enlève à vos propos tout le crédit que votre brillante rhétorique leur donne.
Vos fonctions vous empêchent d'avoir le recul nécessaire pour apprécier toute la perfidie d'une telle mesure.
Soit une personne qui ne doit plus rien à la société représente un danger pour lui ou autrui et alors il y a le milieu hospitalier qui est là pour ça, soit il ne représente pas de danger et le seul lieu possible c'est de l'autre côté de la porte.

Attention qu'un jour on ne vous mette pas dans la "pièce d'à côté" sous prétexte qu'une maladie neuronale ne fasse de vous un individu potentiellement dangereux. C'est que c'est fragile les neurones et on ne sait pas encore trop bien à quelles exactions elles peuvent nous pousser malgré nous.

Mais rassurez-vous, si jamais on vous met dans cette pièce, profitez de votre heure de promenade journalière et venez me voir, je serai dans celle du fond du couloir.

Et faire appel à des psychiatres qui n'ont pas su intervenir avant la dérive de cette personne pour évaluer sa dangerosité potentielle ne me rassure pas du tout.

Cordialement mais quand même inquiet.

Pierre-Antoine

PS : Connaissez-vous la différence entre Dieu et un psychiatre ? Dieu ne se prend pas pour un psy lui...

Daniel Ciccia

Il est quelque chose de particulièrement désagréable et offensant au sein de la République française, c'est ce sentiment maintes fois éprouvé, particulièrement lorsqu'il advient que le peuple accorde son suffrage à une majorité de droite, d'être au bord d'un précipice où la dignité de la République et de la démocratie seraient jetés, comme le fameux bébé avec l'eau du bain.
Ce débat sur les peines de rétention de sûreté, qui ranime avec toute l'excellence des rhétoriques toute la plénitude des références à l'exécrable Amérique judiciaire et pénitentiaire, en est exemplaire.
Il faut rappeler ce que dispose la loi sur la rétention de sûreté.

« Art. 706-53-13. – Lorsque la juridiction a expressément prévu dans sa décision le réexamen de la situation de la personne qu’elle a condamnée à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à quinze ans, pour l’un des crimes suivants commis sur un mineur de quinze ans :
« 1° Meurtre ou assassinat ; « 2° Torture ou actes de barbarie ; « 3° Viol.
« Cette personne peut, à compter du jour où la privation de liberté prend fin, faire l’objet d’une rétention de sûreté lorsqu’elle présente une particulière dangerosité caractérisée par le risque particulièrement élevé de commettre à nouveau l’une de ces infractions.
« Cette mesure consiste dans le placement de la personne intéressée en centre fermé en vue de sa prise en charge médicale et sociale. »

Alors, c'est vrai, la démocratie des états d'âmes est formidable. Elle a ses sujets, ses obligations et poursuit finalement un discours déplacé sur l'être humain, sur la raison, sur l'idéal, quand il s'agit, très concrètement, trop concrètement peut-être, de protéger la société contre des individus qui représenteraient un danger quand bien même ils ont purgé la peine à laquelle ils ont été condamnés.
Mais attention à ne pas finir en dévot de la chose.
Le fait d'avoir aboli la peine capitale pour un certain nombre d'auteurs de crimes est un choix de société et une affirmation symbolique dans la rédemption de l'homme. J'y souscris mais cela n'a pas éliminé le fait que certains criminels sont absolument irrécupérables. Ils n'appartiennent pas moins à l'humanité qui est la nôtre, mais est-ce à dire qu'au bout de leur peine, tant qu'elle ne relevait pas de la perpétuité incompressible, ils peuvent réintégrer sans formalité aucune la société.
D'une certaine manière, ce que fait ce gouvernement, c'est une mesure de rattrapage par rapport à l'induction de l'abolition de la peine de mort.

Nous sommes, permettez que je le traduise via cette figure, dans l'angle mort, comme on dit d'un rétroviseur et, d'une certaine manière, il est de l'honneur de cette majorité politique, comme cela l'aurait été de toute autre, de corriger cet « angle mort » qui a permis à tel pédophile, à tel criminel, de recouvrer dans le retour à la liberté son domaine de prédation.
La seule différence avec ce rétroviseur, ce n'est le fait – pour un certain nombre de détracteurs et d'opposants à cette loi – de pas pouvoir voir dans l'angle mort, c'est de ne pas vouloir y voir.

Peut-être la société en son entier, au cours des vingt ou trente dernières années a-t-elle pêché par excès de confiance ou d'utopie en l'Homme et finalement arrive-t-elle au point d'atteindre et de devoir surmonter ses contradictions car quand il arrive que des prisonniers sont remis en liberté en dépit de leur dangerosité, et que de simples membres de l'administration pénitentiaire pronostiquaient – impuissants – des récidives, je crois que la décence est d'admettre qu'au delà de tout débat abstrait, et dieu sait qu'il peut l'être puisque que l'être humain, ses méandres, est infini, il y a une obligation: celle de protéger la société contre des menaces inadmissibles.
Je vais choquer Aïssa et j'en suis désolé, mais d'une certaine manière, dans une société idéale, à laquelle nous devrions tous oeuvrer, le retour à la liberté doit-il nécessairement être considéré comme l'acte pris d'une dette de temps acquittée, mais comme l'assurance aussi que le mal fait a été purgé et la cause du crime comprise et surmontée.

Idéalement la justice – et l'administration pénitentiaire - vise cela et elle ne doit pas le perdre de vue pour chacun et a fortiori pour les plus dangereux de ceux qu'elle juge.
Sinon, autant confier la charge à un calendrier.

Dans ces conditions, est-ce trop demander à des psychiatres de se prononcer, parmi d'autres éléments, sur la dangerosité d'un individu au sujet duquel il ne s'agit tout de même pas de savoir s'il est capable de voler un oeuf, un boeuf ou une pomme, mais de savoir s'il est susceptible de tuer, violer à nouveau en s'en prenant à des plus faibles? Si les gens de l'administration pénitentiaire y parviennent, et l'on en a vu par l'intermédiaire de leurs syndicats alerter l'opinion publique sur l'imminence de le remise en liberté de tel ou tel « monstre » (j'emploie ce mot par facilité de langage, évidemment) alors des psychiatres peuvent-ils s'y soustraire au motif de ne pas pouvoir infliger une « perpétuité additionnelle » ou d'endosser le sinistre rôle de celui qui oublie « la clé des oubliettes »?

Je considère, pour ma part, que la loi Dati sur la rétention de sûreté est équilibrée. En ne s'appliquant qu'à des criminels particuliers, son champ d'application est restrictif ce qui devrait rassurer notre ami Aïssa. Je ne vois pas de portée générale par conséquent, mais cette loi a le tort, sans doute, d'apporter des réponses à un problème qui est à l'intersection du psychiatrique, du judiciaire, du pénitentiaire, du monstrueux, de l'abominable, et ce en terme légal.

Nathalie

Si la peur du gendarme, ça marchait, cela se saurait. Et de là à dire que c'est le début de la sagesse, cela relève de la philosophie à la petite semaine à mon avis.
Pourquoi ? En premier lieu parce que ceux qui commettent des actes de délinquance ou criminels ne supposent pas à priori qu'ils seront pincés.
Mais, d'un autre côté, je me suis aussi laissée dire par quelques amis, que dans les émirats, où est appliquée la charia, il y a bien moins de délinquance, vu les sanctions qui y sont infligées (genre fouetté en public, ou mutilation pour les voleurs). Est-ce la peur de la sanction qui fait qu'il y a moins de délinquants (tels que nous entendons le sens de ce mot, je n'en suis pas sûre car par exemple chez eux, l'adultère est un acte passible de sanction judiciaire) ? Ou bien le fait que le religieux imprègne toute la collectivité à un point dont nous n'avons même pas idée ?
Bon, enfin, je crois que cette volonté à tous les niveaux de vouloir maîtriser, prévoir, encercler, tracer, codebarrer, lire dans la boule de cristal de l'être humain est de l'utopie. On ne peut faire cela qu'avec un robot. Il arrive toujours un moment où l'humain devient complètement imprévisible.

Muriel

Bonjour,

Pourtant la réalité du pouvoir est détenue en totalité par :
- les magistrats
- les psychiatres.
Les uns envoient en prison, les autres envoient à l'asile.
Il n'y a que ces deux possibilités suite à un délit grave. Ce sont les deux seuls professionnels habilités à en juger.
Si les psychiatres et les magistrats ne savent pas, qui peut savoir ?
J'estime que les magistrats et les psychiatres devraient tous avoir réalisé une psychothérapie et connaître la psychologie et la psychiatrie. Dans certains pays on ne peut être psy sans en avoir fait une soi-même : cela paraît logique que seules des personnes bien équilibrées elles-mêmes jugent les autres. Or, ce n'est pas toujours le cas ; c'est parfois de là que viennent tous les problèmes et les incohérences. La profession ne garantit pas l'équilibre psy. Le gentil pharmacien ayant oublié son petit garçon vivant dans sa voiture en est l'illustration.
Concernant la rétention de sûreté, il y avait déjà une loi qui permet aux psychiatres de faire passer les sujets très dangereux de la prison à l'asile.
Où est donc l'innovation ?
Où est donc le problème qui n'existait pas avant alors que les mêmes psychiatres envoyaient à l'asile ? Ce n'est qu'une différence de destination, mais la décision est la même: dangereux ou pas dangereux. La destination est du ressort du magistrat et de la loi, mais pas du psychiatre. Pourquoi se donnent-ils un pouvoir qu'ils n'ont pas : celui de décider de la destination.
Car les délits ne sont souvent que la conséquence de la maladie de l'esprit, plus ou moins importante, criminelle ou délictueuse, mais la criminalité en col blanc cela existe aussi, et elle est parfois tout aussi meurtrière que la criminalité physique, mais moins punie ou relativisée.
Mais c'est toujours l'esprit qui commande la main ou le délit financier.

catherine A.

Je crois qu'il fallait s'attendre à de telles réactions. Dans un bel élan de démagogie et de populisme les politiques se sont donnés bonne conscience en votant cette loi. Une belle patate chaude qu'une fois déterrée, ils ont hâte de refiler à d'autres. Que ces autres n'en veuillent pas, eux qui n'ont rien demandé, c'est tout à fait, me semble t-il, légitime.

Humaniste

Cette surtension est le retour de la perpétuité. Aucun médecin ne prendra jamais le risque de signer une sortie au risque d'être poursuivi ou de l'avoir sur la conscience s'il se produit quelque chose.

Et puis Duval Uzan a raison, si le gars est fou, qu'est-ce qu'il fait en prison?

Enfin dans l'affaire d'Outreau on nous a dit que les avis des psy devaient être pondérés et maintenant on veut leur donner plus de pouvoir ?

Pascal SOURIS

Il y a la loi. Le délinquant ne la respecte pas. La loi prescrit une peine. Pourquoi revenir sur la condamnation quand le jugement est coulé en force de chose jugée ? Pourquoi instaurer des commissions pour juger si c'est le jugement qui doit faire justice ?
"La peur du gendarme est le commencement de la sagesse. Il faut donc que la punition du coupable soit assez sensible pour que, par la frayeur qu’elle inspire, elle rebute ceux que le crime attire. La peine doit répondre au besoin d’exemplarité collective. Mais la sanction est aussi destinée à empêcher le coupable d’un crime ou d’un délit de le recommencer. Le souvenir des souffrances physiques et morales endurées au cours des mois ou des années passés en prison - « le ciel est par-dessus le toit, si bleu, si calme » - lutte contre le goût brutal ou raisonné de la récidive."
BRUNOIS A., Nous les avocats, p.96

Véronique Raffeneau

"En soixante-quinze minutes, le Dr Zagury brosse le portrait effrayant d'un homme «entièrement responsable», à la «dangerosité extrême», pour qui la thérapie relève de la «spéculation théorique». Du «tueur en série français le plus achevé», qui ne mérite aucun piédestal, mais un cachot."

Extrait de :

"Fourniret, "tueur en série français le plus achevé"" - Stéphane Durand-Souffland, Le Figaro 19/05/2008

"Daniel Zagury, qui devine comme personne les pièges de l'argumentation, a l'habileté de compléter sa pensée en soulignant "qu'en tant que citoyen, je ne suis pas choqué que l'on veuille neutraliser les grands criminels". Mais il répugne à se voir confier "la clé des oubliettes". "

Je pense quand même que dans un procès d'assises comme par exemple celui de Michel Fourniret, l'expertise du Dr Zagury a fourni l'une des clés de l'oubliette.

je comprends très bien le débat intime et déontologique des psychiatres concernant la rétention de sûreté.

Mais je comprendrais beaucoup mieux la réticence du Dr Zagury si, aujourd'hui, il refusait d'être nommé expert auprès d'une cour d'assises.

"La rétention de sûreté ne peut toutefois être prononcée que si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourra faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté. " (CPP - art. 706 53-13)

Ainsi, sauf lecture erronée de ma part de cet article, il me semble qu'une cour d'assises aujourd'hui, pour prévoir dans sa décision de condamnation une éventuelle rétention de sûreté à l'issue d'une peine, prendra en compte l'expertise psychiatrique établie durant le procès.

D'autre part, je souhaiterais qu'on s'interroge sur l'aspect tenable d'une décision de mise en liberté quand des clignotants indiquent que la personne condamnée pour des faits particulièrement graves et arrivant au terme de sa peine, présente un risque élevé de récidive, alors que le filet de sécurité que la loi prévoit dans l'accompagnement de la sortie, est troué de toutes parts.

Duval Uzan

J'ajoute quelques citations
.1- ""En droit pénal français, il n’y a pas, à la différence du droit civil, de présomption de faute. L’accusation doit rapporter la preuve des éléments constitutifs de l’infraction."

2 -Le fait d’avoir été condamné pénalement exclut la maladie mentale, et l’évoquer seulement à la sortie rendrait en quelque sorte injustifiés tant d’années de rétention à moins que l’on considère que le fait d’avoir été détenu pendant tant d’années ne peut que vous rendre dangereux à la sortie !
3 - Adaptant une célèbre analyse de Sartre, on pourrait dire : la responsabilité pénale est responsabilité de quelque chose. Le droit ne demande pas si quelqu’un est coupable, mais de quoi ? pour quel acte ? Sinon, comment être coupable, en soi, en son être ? C’est opposer à une conception théologique, qui affirme la culpabilité originelle de l’être, une anthropologie, qui définit la responsabilité dans l’extériorité de l’acte – même si la dimension transcendante de la faute est postulée par la référence à la nature, ou aux valeurs d’une société.
4- Hélène Franco,
- "On peut voir qu'il y a, sous l'impulsion du pouvoir politique, une volonté d'instrumentalisation de la justice et de la psychiatrie et ce, pour une plus grande sévérité pénale. Cela crée un brouillage entre les professions de chacun, brouillage qui s'avère extrêmement dangereux.
Par exemple, dans le cas du texte sur la rétention de sûreté, on risque d'aboutir à des juges en blouse blanche et à des psychiatres qui deviennent des auxiliaires de justice. Cette confusion est dangereuse. D'autant que cela laisse peser une menace sur le secret médical, qui est un droit fondamental. En effet, les médecins qui auront suivi les détenus, parfois pendant des années, seront autorisés à divulguer, en partie, le dossier médical de leur patient.
Cette dérive se manifeste également lorsque, lors de grands procès médiatiques récents, on pouvait entendre des psychiatres donner leur avis sur la culpabilité des prévenus alors que le procès n'était pas terminé. C'est un peu confondant. De la même manière, les magistrats peuvent parfois avoir tendance à se transformer en expert-psychiatre. Or, un magistrat ne peut -et ne doit- pas se prononcer sur une dangerosité présumée d'un individu."
-5 Philippe Bilger:
D'autre part, si l'on évoque la loi sur la rétention de sûreté : à partir du moment où l'on s'engage dans des réformes nécessaires mais peu adaptées à notre Etat de droit, il est normal de faire appel au savoir technique d'un psychiatre dans la commission qui juge de la dangerosité. Je serais de mon côté favorable à ce qu'il y ait une représentation des citoyens dans cette commission. Tout cela à condition que cela ne soit pas une sorte d'alibi dans le débat."
PAS D'ALIBI DANS LE DEBAT
Et posons la question:
Les violeurs et tueurs en série sont-ils des malades ou des criminels ?
Quoiqu'il en soit dans l'état de nos connaissances actuelles ils sont incurables.
Le malaise c'est que personne n'est à l'aise avec cette question ou ce qu'elle implique.
Pourquoi leur conter FLEURETTE.
C'est à la nosographie de répondre à cette question de façon générale au lieu de la reporter d'année en année et d'individu à individu, ce qui ne ferait qu'exacerber le mal.
Est-ce si difficile de dire dès le départ vous ne pouvez pas vous contrôler et nous avons le devoir de protéger la société, comme on vous protège aussi...
Pour terminer un film à revoir:
"M" le maudit ou le MOT dit!
V.aussi le billet de P. Bilger "Un crime deux hommes".que je ne retrouve pas.
Duval Uzan


Duval Uzan

Bonjour,
vous dites:
"je voudrais attirer l'attention des psychologues et psychiatres sur le fait qu'aux assises, quelle que soit la tonalité brillante ou médiocre de leurs rapports, la qualité de leurs prestations orales, ils deviennent évidemment, qu'ils le veuillent ou non, des supplétifs de l'accusation."
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il n'est pas possible d'établir une expertise psychiatrique qui serait indépendante d'une opinion ou d'une conviction sur la responsabilité pénale d'une accusation.
Ceux qui pratique des expertises psychiatriques (à la différence des experts en médecine qui évaluent une invalidité physique) trahissent leur mission. Ils sont donc malvenus de s'en insurger alors qu'il la pratiquent. Je dirais même que c'est tout à fait déloyal envers le patient.
L'écoute psychiatrique ne peut être autre que thérapeutique.
Je pense qu'il faut donner une formation aux magistrats. Il suffit de 300 heures de cours pour qu'ils puissent établir un diagnostic.
Il y a des maladies incurables, nous pouvons espérer qu'un jour nous trouverons le remède, comme ce fut le cas pour les psychoses aiguës après la découverte des neuroleptiques en 1956. Jusqu'alors ces malades étaient "condamnés" à demeurer dans des cellules d'isolement.

Duval Uzan


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