Six morts de froid.
Le président de la République qui s'émeut et ordonne, le Premier ministre qui tempère, Christine Boutin, ministre du logement qui évoque l'hébergement autoritaire des SDF pour éviter le pire puis qui presque s'excuse. Tollé des associations. Et, nuit après nuit, des vies que la misère et le climat effacent, détruisent (Le Monde, Le Parisien, Le Figaro, le site du Nouvel Obs ).
On n'est pas loin du débat sur la prison. L'urgence qui s'oppose au rythme de ceux qui veulent tout faire dans les règles. La loi contre le système D. Les bureaucrates contre les débrouillards.
Quand Nicolas Sarkozy affirme avec indignation et à la fois bon sens qu'on ne peut pas laisser mourir les gens dans la rue, parce qu'on est en hiver et qu'on sait ce qui va advenir, qu'il convient de réagir et donc d'emmener de force tous ces malheureux, qui préfèrent à leur survie leur liberté au risque de mourir, dans des lieux où quelques heures ils échapperont à la terrible imprévisibilité d'une existence démunie de tout, on ose protester. On ose soutenir que si on les sauve dans l'urgence, de cette manière, on les perdra, on les éloignera du regard social, certes on les réchauffera, on les empêchera de succomber mais au fond on les traitera mal. On a l'impudence - et les associations le coeur sur la main, les spécialistes de la solidarité, les donneurs de leçons sociales en tête - de vitupérer les partisans de la manière forte pour le bien de ces défaits de la vie qui d'une nuit à l'autre peuvent disparaître, au prétexte qu'il vaudrait mieux les laisser mourir dans les règles, tranquillement, en attendant un avenir qui permettrait d'apprivoiser ces misérables auxquels il serait paraît-il humain de concéder un droit à l'immobilisation en plein air, évidemment mortifère.
De qui se moque-t-on lorsqu'on avance, devant de telles contraintes chaque nuit plus lourdes et plus décisives, qu'il faudrait d'abord construire plus d'hôtels sociaux, de structures de halte et de réconfort et que soumettre les SDF à l'injonction de venir se mettre à l'abri serait totalitaire et dangereux ?
En attendant, on fait quoi ?
Si je ne craignais de gangrener par l'ironie ce sujet dramatique, j'aurais envie de rappeler le mot d'Alfred Capus affirmant "en somme qu'il allait mourir guéri" à son médecin lui certifiant que toutes ses affections étaient parfaitement guéries.
Il y a une dictature de l'urgence qui impose ses exigences. Il y a une urgence de la dictature pour contraindre des vies à se ménager un havre de paix et de repos. Ensuite, elles seront libres de retrouver les grands espaces du dénuement indépendant.
On ne va pas compter un à un les morts, sans rien tenter ?
On a tellement peur de l'autorité qu'on l'économise alors même qu'elle épargnerait tant d'existences. Que penserait de nous un observateur qui surviendrait sur notre terre et qui nous entendrait disserter sur les moyens légitimes ou non de sauver pendant qu'on meurt de tous côtés ?
Là où il suffirait d'un geste, nous n'avons que des mots. Nos scrupules nous étouffent.
Demain, le septième ?
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