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06 janvier 2009

Commentaires

Catherine JACOB

A l'intention des insomniaques :

France2 : La mort du juge d'instruction : pour quelle justice ?
Genre : Documentaire. Date de sortie : 2009 Durée : 52 mn
horaire : 04:25

Alain Rousseau

Excellente analyse d'un homme de bon sens qui ne craint pas de se mettre à dos les thuriféraires de "l'homme le plus puissant de France" comme l'appelait Balzac et qui conforte le point de vue exprimé dans le modeste billet d'un profane : http://detective-bordeaux.over-blog.com/article-27282375.html

Catherine JACOB

Je voudrais signaler que le sac lambda dont il avait été question ici:
http://www.philippebilger.com/blog/2009/01/il-faut-achever-le-juge-dinstruction.html#comment-144479102
s'est heureusement retrouvé, avec le contenu décrit à une exception près, l'un des deux ouvrages de PB s'étant retrouvé sous forme d'une édition bilingue des contes de Grimm. L'endroit de sa découverte était assez incongru, mais bon, l'essentiel n'est-il pas son heureuse réapparition.

Je suis donc ravie d'avoir pu constater que l'Internet est aussi, sinon davantage, efficace et rapide que les services en principe habilités à retrouver les objets disparus ou... empruntés! N'omettons pas non plus de remercier ce bon St Antoine.

Eugénie

Monsieur l'avocat général Bilger,
Bravo pour votre article !
Déçue par la l'attitude hautaine et l’absence méprisante d'intérêt de la part d’un juge d’instruction dans l’affaire de dénigrement raciste sur Internet envers ma personne, je suis entièrement d’accord avec votre article.
Un homme ne peut pas être le seul arbitre dans l’instruction.
Le juge d’instruction dont je vous parle n’a pas pris au sérieux le traumatisme physique et moral que j’ai subi. Il a étouffé l’affaire où j’étais victime, ceci malgré les contestations innombrables de mon avocat.
De plus, une affaire qui dure des années est une torture pour la personne qui attend impatiemment le résultat.
La justice française est devenue lente et lourde. Elle a besoin de nouveaux regards et de changement.
Vous avez raison, il faut achever le juge d'instruction.

Quant à Maître Eolas, il y a beaucoup d'hypocrisie dans ses discours !
Passionnée par la hauteur de ses paroles, je me suis adressée à cet amateur de débats pour demander un conseil sur mon affaire. Mais le snobisme ne lui a pas permis de me répondre. Il n’est pas étonnant qu’il défende le juge d’instruction. Il est dans le même camp.

Marie

@ Aïssa,

"Ainsi, la semaine dernière, l'avocat général près la Cour d'Appel de Reims, lors de la rentrée solennelle de cette Cour, a, on ne sait pourquoi, limite traité publiquement la presse de ramassis et de bons à rien, puis le Barreau de la ville comme une bande d'avocats voleurs de pièces et documents contenus dans les dossiers à juger ... "

Ce haut Magistrat à entièrement raison en ce qui concerne les avocats. Lisez, Monsieur, la nouvelle loi sur la prescription civile, et vous aurez compris. Loi 2008-561 du 17 juin 2008.
Certains articles surprennent !

L'idéal est de lire les débats sur la loi ! si cela est encore possible !

On ne peut s'en prendre continuellement à la magistrature, lorsque des avocats fraudeurs font modifier le code pour se sortir de situations qu'ils ont créées !
Il y a quelque temps l'un d'entre eux a été radié pour l'une de ces magouilles justement !

C'est magique de travailler dans ces conditions pour un magistrat !

Aïssa Lacheb-Boukachache

J'ai bien l'impression qu'en sus du juge d'instruction, c'est toute une bonne partie du Parquet qu'il va falloir achever ... Ainsi, la semaine dernière, l'avocat général près la Cour d'Appel de Reims, lors de la rentrée solennelle de cette Cour, a, on ne sait pourquoi, limite traité publiquement la presse de ramassis et de bons à rien, puis le Barreau de la ville comme une bande d'avocats voleurs de pièces et documents contenus dans les dossiers à juger ... (Sources: L'Union de Reims 13/01/2009). A tel point que le Barreau en a boycotté cette rentrée et exigé des excuses officielles. On marche sur la tête: la liberté de la presse et la liberté de la défense des justiciables prises ainsi à partie et insultées par ... le représentant et garant d'une Justice démocratique, donc libre. Mais il se prend pour qui, ce taré?! Ils sont nombreux comme ça bizarres dans votre spécialité, cher PB? Cela devient inquiétant ...


Bonne nuit.


Aïssa.

Marie @Pierre-Antoine

@ Pierre-Antoine,

"J'ai fait un rêve (américain peut-être), un Tocqueville moderne se lève pour proclamer haut et fort que la démocratie se porterait mieux si les juges étaient élus par le peuple et donc révocables (du moins les procureurs)."


"La famille judiciaire

Parvenus en masse sur les bancs de l'Assemblée constituante, les hommes de loi de l'Ancien Régime, après avoir oeuvré au déclenchement du processus révolutionnaire, réorganisent leurs anciennes fonctions. La magistrature et l'avocature vont faire les frais de cette politique qui vise surtout à élargir les conditions d'accès aux professions judiciaires, pour les rendre plus démocratiques, parfois même à l'excès.

Le sort de la magistrature est réglé de manière précoce. Elle souffre d'abord de la mise en vacance illimitée des parlements puis subit les système de la vénalité des offices de judicature les députés opposent aussitôt le mode de l'élection, prévu dans la grande loi d'organisation judiciaire des 16-24 août 1790. Désormais, les juges, élus par le peuple pour une durée de 6 ans (avec possibilité de réélection), rendent la justice au nom du roi. En pratique, les magistrats de l'Ancien Régime se retrouvent en masse dans les nouvelles juridictions de la Révolution, du fait des compétences fixées par le législateur pour accéder à la magistrature.

Voulant rester fidèles au principe de séparation des pouvoirs, les Constituants réforment le Ministère public en prenant soin de le départir entre deux agents au statut divergent. L'application des lois et l'exécution des jugements sont ainsi confiées à un Commissaire du roi, nommé par le monarque et inamovible. Quant à l'accusation publique, elle revient à un Accusateur public élu par la Nation. Au Tribunal criminel du Nord, cette dernière fonction est remplie par Ranson, excepté quelques éclipses, jusqu'en février 1798.

Salués pour leur rôle crucial dans la première assemblée révolutionnaire où ils figurent nombreux, les avocats font paradoxalement le sacrifice de leur profession. L'ordre des avocats, encore attaché à ses traditions en 1789, est en effet brutalement anéanti par le décret des 2-11 septembre 1790. Pour les remplacer, des robins aussi fameux que Robespierre, Merlin et Target proposent d'instituer des défenseurs officieux. Ils marquent ainsi leur attachement au principe de la liberté de la défense. Désormais, tout citoyen est libre de conseiller et de défendre un justiciable et chaque partie a le droit de plaider sa cause elle-même, si elle le juge convenable.
Des individus de tous horizons et sans compétence juridique particulière se présentent à la barre des tribunaux afin de prendre la défense d'autrui. Certains voient alors naître une vocation quand d'autres ne songent qu'à vivre une expérience unique. Les anciens avocats, ceux du Parlement de Flandre en particulier, sont les plus prompts et les plus indiqués pour répondre aux sollicitations des justiciables, tant dans les affaires civiles que pénales. Parmi eux, l'on remarque ces grandes figures que sont Pierre-Antoine Déprès et François-Joseph Deberckem, lesquels plaident dans plus de la moitié des dossiers criminels renvoyés devant le Tribunal criminel du Nord entre 1792 et 1799. [N.D.]

Extrait de la Justice dans le Nord

Jean Philippe

Bonsoir,

Je profite de ce message pour vous souhaiter une très bonne année.

Votre avis est proche de celui de votre collègue qui poste sur le blog de maître Eolas sous le pseudo Paxatagore et j'imagine que vous êtes en minorité chez les magistrats.

Si on se place du côté de la défense, le juge d'instruction a un grand intérêt car il permet à la défense de demander certaines vérifications. Le juge peut ordonner des actes d'enquête aux services de polices suite à la demande de la défense. Il peut aussi ordonner des expertises. Si ce juge disparaît, qui va ordonner à la PJ de vérifier certaines hypothèses ?

Pour avoir un véritable contradictoire, il faut donner à la défense les mêmes armes que le parquet.

Daniel Ciccia

Capulito,

Par expérience personnelle, je puis attester que nombre de maires, à l'époque où se multipliaient les affaires politico-financières et abus liés aux passations de marché, ont essuyé le feu des procureurs, y compris dans des villes de province.
La démonstration, par l'absurde, de l'indépendance de ces magistrats, après ouverture d'une information, c'est le fait que certaines affaires se sont achevées par un non-lieu.

Je pense qu'il faut éviter un amalgame facile lorsqu'il s'agit d'évoquer le lien de "subordination" du parquet au gouvernement.
Il est possible, même si ce n'est pas la tendance, d'objectiver cette relation au fait que le procureur représente et fait ses réquisitions au nom de la société.
Cela fait aussi la cohérence d'une politique pénale.
Ainsi, dans les années 80 (celles des affaires politico-financières auxquelles RVR fait référence et qui lui ont valu une certaine notoriété), les parquets ont relayé une politique pénale consistant à traquer la fraude dans le financement des partis politiques et contribué, douloureusement, à l'assainissement.
A mes yeux, le climat consistant à faire du parquet un obscur séide qui au mieux s'ignore ou pire s'adapte, est injuste et dans cette question, comme dans tant d'autres, le souci de la justice à faire aux hommes et femmes est primordial.
Difficile d'engager une réflexion en commençant par jeter un début de discrédit en mettant en cause la probité et la conscience des individus dans leur charge.

Enfin, tout système possède des avantages et des inconvénients.
Le mouvement de la société telle qu'elle est aujourd'hui - avec le puissant et frénétique empire socio-médiatique - m'inspire une crainte de voir s'instaurer, lentement mais sûrement, une nouvelle forme de totalitarisme inédit qui serait l'opposé de big brother. Et face à cela, le lien maintenu à la dignité de l'Etat - car c'est peut-être en partie cela que conserve le garde des Sceaux - peut être encore considéré comme inappréciable, donc à apprécier.

Il est curieux que cette époque "étourdie", toute aux fantasmes anti-sarkozistes qui la font vivre, soit à ce point disposée à chuter de Charybde en Scylla en ne discernant plus la qualité de ce "lien" qu'il convient de dénoncer et de faire dénoncer à tout propos.
Et si nous devions y tenir ?

Pierre-Antoine

C'est tellement évident que la contrepartie à la mutation (je n'ose dire disparition) du juge d'instruction est l'indépendance des magistrats.
Pourtant cette indépendance que l'on réclame, que personne n'a remarqué que dans l'ensemble, siège et parquet, ils sont indépendants, tous... tellement indépendants qu'ils ne se soumettent même pas au code pénal, par exemple la cassation de l'affaire Maillant (88) où la partie civile avait été invitée au débat à huit clos, ce qui vaut une plainte à la cours européenne des droits de l'homme.
Ils sont même indépendants du simple bon sens, où une jeune femme revient sur ses accusations pour innocenter son père. La Cour de cassation, contre toute attente rejette d'un revers de main, pardon, de manche, ce fait nouveau en béton armé.
Et je voudrais être une petite souris pour découvrir dans les archives poussiéreuses de la justice, combien d'affaires ont manifestement prouvé l'indépendance des magistrats à l'égard de l'honnêteté intellectuelle. Mais je n'oserai pas dire indépendant de la simple honnêteté qui sied à tout homme intègre. Pas envie de titiller leur indépendance dans un outrage à magistrat.

J'ai fait un rêve (américain peut-être), un Tocqueville moderne se lève pour proclamer haut et fort que la démocratie se porterait mieux si les juges étaient élus par le peuple et donc révocables (du moins les procureurs).
Mais je n'en demande pas tant, si seulement le peuple pouvait voir et entendre ce qui se dit dans un véritable débat contradictoire où le bon sens populaire serait enfin présent.

Comment en effet imaginer une véritable indépendance quand la dépendance au syndicat est si évidente. Comme imaginer une véritable indépendance quand sortant de l'ENM, un magistrat sait qu'il pourra dans sa carrière passer du siège au parquet et vice versa ? A l'âge de la retraite, son indépendance ressemblera à une vieille girouette grinçante.

Cordialement en toute indépendance,

Pierre-Antoine

Capulito

Cher Monsieur, je vous ai lu et vous ai entendu sur les médias, et votre position est étonnante. Non pas celle portant sur le juge d'instruction, bien moribond, mais sur le parquet : vous affirmez la liberté des parquetiers. Cependant, les coups de téléphones transitant par le procureur général et demandant au magistrat de ne pas poursuivre un maire "par exemple" pour des dérives suspectées dans la gestion d'une régie municipale, ce n'est pas forcément une divagation, et vous semblez affirmer que l'attitude normale du magistrat en ce cas est de poursuivre malgré tout, et risquant sa carrière. Comment pouvez-vous vous satisfaire d'un tel système ? La liberté dont vous parlez est bien utopique, il s'agit de la liberté des anciens, qui est peut-être la vôtre, mais pas celle du système, elle est trop exigeante. Citant Constant : "La part que dans l'antiquité chacun prenait à la souveraineté nationale n'était point, comme de nos jours, une supposition abstraite. La volonté de chacun avait une influence réelle: l'exercice de cette volonté était un plaisir vif et répété. En conséquence, les anciens étaient disposés à faire beaucoup de sacrifices pour la conservation de leurs droits politiques et de leur part dans l'administration de l'État. Chacun sentant avec orgueil tout ce que valait son suffrage, trouvait dans cette conscience de son importance personnelle, un ample dédommagement.
Ce dédommagement n'existe plus aujourd'hui pour nous. Perdu dans la multitude, l'individu n'aperçoit presque jamais l'influence qu'il exerce. Jamais sa volonté ne s'empreint sur l'ensemble, rien ne constate à ses propres yeux sa coopération. L'exercice des droits politiques ne nous offre donc plus qu'une partie des jouissances que les anciens y trouvaient, et en même temps les progrès de la civilisation, la tendance commerciale de l'époque, la communication des peuples entre eux, ont multiplié et varié à l'infini les moyens de bonheur particulier" (De la liberté, 1819).

Hugues Vessemont

La disparition du juge d'instruction n'est qu'une mesure-phare de tout un dispositif tendant vers la privatisation de la justice... là où la loi du plus fort aura beaucoup plus de chance d'être la norme.

Thierry

Je ne suis pas souvent d'accord avec Philippe Bilger.
Mais là, je reconnais un sens moderne à ses propos. On ne peut pas conserver un juge d'instruction, qui a tous les pouvoirs d'enquête une fois nommé, et qui devrait en même temps avoir le devoir de protéger le mis en examen. Ce n'est pas possible, car c'est un mélange des genres. Mais à partir de sa suppression, il n'est pas possible de donner tous les pouvoirs d'enquête sans contrôle, sans contradiction, au parquet. Il faut donc que les droits de la défense soient renforcés pendant l'enquête ; seul un avocat apportera la contradiction nécessaire. Mais on ne peut pas non plus laisser le parquet aux ordres du pouvoir.
La solution consiste à créer un vrai parquet, autrement dit un corps de magistrats indépendants du pouvoir ; ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Il s'agit d'une véritable révolution dans laquelle la France doit s'engager maintenant, franchement.

Muriel

Bonjour,
La seule chose qui me rassurerait est que Nicolas Sarkozy nomme Philippe Bilger "Ministre de la Justice".
D'autres professionnels ont sans doute la capacité de remplir cette fonction, mais il est le seul magistrat à nous démontrer au quotidien, et à travers son blog, qu'il est vraiment empreint dans sa personne et dans sa fibre, du souci de la justice française et du peuple français.
Les institutions ne sont que ce qu'en font les hommes qui les dirigent et les habitent: mettons les meilleurs et les plus intègres à leur tête et elles rempliront enfin leur fonction.
Le MRAP soutenant un avocat "condamné" mais toujours "innocent" (c'est à la fois incompréhensible et très "perturbant" vu du point de vue du "peuple" inculte en matière de justice), des citoyens français ne pourraient-il pas faire une pétition auprès de leur Président pour qu'il nomme ENFIN à notre ministère de la Justice un vrai professionnel qui nous inspire confiance et a acquis notre confiance ?
Ceux d'entre vous partageant mon idée peuvent me contacter sur [email protected] pour la mettre en oeuvre sans plus attendre !

Daniel Ciccia

Je viens juste de lire la précédente intervention de Portalis faisant justement référence à Montesquieu et sa référence : "il résulte d'une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir tend à en abuser"?.
Une "expérience éternelle" invoquée pour fixer un état institutionnel au sein desquels chacun ne cesse de se regarder en chiens de faïence, avec une idée de neutraliser le système.
C'est infiniment curieux de se satisfaire de cette vision de l'Homme, si exagérément négative selon moi, pour établir le fonctionnement des institutions.

Il doit être possible, sans dévoyer la démocratie, de promouvoir une autre approche, en se prévalant d'une "expérience éternelle", celle de notre futur commun, car si tant est que nous avons pour ambition, chacun, de contribuer et d'aboutir au développement de société harmonieuse, alors nous pouvons placer raisonnablement - et sauf constatation de contraire - que les hommes à leurs places, exerçant leurs fonctions selon les mérites ou l'onction démocratique qui les distingue, sont pour l'essentiel des hommes de vertu.
Voilà, pour moi, l'expérience éternelle.

Daniel Ciccia

J'ai entendu dire qu'en Allemagne, il n'y avait pas de juge d'instruction et que la procédure était accusatoire. A fortiori, la "subordination" des procureurs au "politique" serait plus grande qu'en France où, il me semble, elle est cadrée.
Alors, si nos frères germaniques sont capables de faire reposer l'institution judiciaire sur cette organisation, pour quelles raisons, en France, cette question, ouverte par le président de la République, est-elle à ce point l'occasion de se déchirer en développant des soupçons de manoeuvres et de mise au pli de la justice?

A tout point de vue, la démocratie française, comme si elle avait encore des fièvres révolutionnaires et un compte à régler avec l'Etat tel que constitué, ne cesse de montrer ses paranoïas corporatistes et idéologiques à tout propos: l'économie, l'Education nationale, et désormais l'hôpital aussi.

Et les médias, dans ces domaines, flattés d'être les garants et les comptables, via les sondages, de la démocratie d'opinion accompagnent et flattent ces mouvements avec des positions de principe.

C'est en France, pays où on a cessé de produire de la concorde, en considérant que seules les outrances, les caricatures, servent l'intérêt général.
Je doute profondément que cette démocratie ait un grand avenir.
La question du juge d'instruction à la française n'est pas la clef de voûte du système judiciaire et encore moins la garantie de l'équilibre des pouvoirs, comme certains le disent, affirmant qu'attenter à son indépendance et à sa position c'est "tuer" Montesquieu.

La grande révolution, et dieu sait que je n'aime pas ce mot, c'est celle par antinomie de la raison, de l'intelligence et non celle, dans laquelle plonge notre démocratie, des antagonismes.
Si cette vie démocratique était à ce point vertueuse pour assurer la vigueur des idées et l'adoption des solutions, l'état de nos divers systèmes et celui de nos finances serait indubitablement différent.

Mais si nous avons choisi de voir notre dette s'accroître, c'est toujours pour de bonnes et vertueuses raisons.
Elles ont obéré notre capacité de relance au minimum et il faut saluer, en dépit des tentations la sagesse contrainte du gouvernement, ce qui ramène à l'Allemagne, moins chimérique sur ce qui fait, garantit, assure, l'efficacité de la gestion et de la responsabilité publique, mais tellement efficace et intelligente.

bah bah bah

portalis

M. Philippe Bilger,

J'ai lu avec attention votre article ainsi que ceux de la plupart de la presse nationale relative au projet de suppression du juge d'instruction et je dois vous avouer que ma position entre en conflit avec celle que vous soutenez.

De plus j'ai été stupéfait que le président de la République n'évoque à aucun moment la question de l'indépendance des magistrats du parquet !
Et comme il l'a été rappelé, ceci semble constituer un impératif au regard de la jurisprudence de la Cour EDH.

Nous avons tendance à nous souvenir des mauvaises instructions qui, malheureusement, ont causé des dégâts à certains de nos concitoyens.
Mais rappelons-nous aussi de celles qui ont été menées avec succès.
Comme me le rappelait un de mes enseignants à la faculté alors que je n'avais pas assez de recul en science juridique "il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bébé".

Gardons le bon et modifions le mauvais.
On a tendance à traiter ce juge comme étant empreint de partialité et à l'image de l'affaire "De Fillipis", faisant appel à des méthodes inadéquates à la situation.

Mais dois-je vous le rappeler, M. l'Avocat général, le constat fait par Montesquieu selon lequel "il résulte d'une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir tend à en abuser"?

La réforme envisagée semble obérer les droits de la défense plutôt que de les accroître car la suppression d'un organe statutairement indépendant et le transfert de ses compétences vers une institution dont Madame le garde de Sceaux s'estime être la "cheffe" crée un déséquilibre encore plus important qu'il ne l'est à l'heure actuelle.

De plus nous avons un législateur qui, ces dernières années, a réformé à la "va-vite" et sous l'effet de l'émotion.
je ne pense pas qu'une telle attitude va dans le sens du progrès et de la bonne justice.
Comme le rappelait une spécialiste du droit pénal à l'occasion de la réforme de 2005 relative au traitement de la récidive "comme chaque fois un événement médiatisé déclenche l'arme législative".
En l'occurrence l'affaire " De Fillipis" ne semble pas être étrangère à celle envisagée.

Que l'on pose plus de garde-fous, que l'on réforme cette institution, je n'y vois aucun inconvénient et l'instauration des pôles de l'instruction et une future collégialité constituent un début de réponse.

Pour finir je ne pense pas que les magistrats du parquet soient immunisés face à la schizophrénie si souvent reprochée au futur défunt juge d'instruction.


semtob

Cher Philippe,

J'ai regardé également l'émission d'animation juridique hier.
La force du magicien, c'est de ne pas expliquer son art. Lorsque le pigeon ou le lapin tombe au sol, le magicien n'est plus.
C'était un spectacle assez sympa ! Un peu de
Pagnol... beaucoup d'absurde.
J'ai écouté également votre ami sur France-Culture et je reste persuadée que le rapport sur la justice des mineurs a 15 ans de retard. Si son texte ne concerne qu'un petit nombre d'enfants pourquoi en faire un projet
de réforme ? Pour faire trembler plusieurs générations ? Les vraies questions ne sont pas
posées. Construire des écoles plutôt que des prisons, ceci est un argument clé ; construire des repères dans la société, dans l'école.
Considérer le temps d'éducation comme un investissement prioritaire. Un enfant n'est pas une valise que l'on dépose de porte en porte. A quoi ont servi les travaux de Spitz, de Dolto et de bien d'autres ? Un enfant qui n'a pas la possibilité de construire ses limites les cherchera toujours y compris dans les murs d'une prison.
françoise et karell semtob

Rosset

Faut il supprimer le Juge d'instruction ?...

Question récurrente et difficile...
Il est toujours bon de se poser des questions, et je ne fais pas partie de ceux qui sont, par principe, contre le changement.
Des réformes sont nécessaires, en cette matière comme en d'autres…
Le secret de l'instruction est devenu, comme l'a souligné le Président de la République, un secret de polichinelle…. Parce que les parties y ont parfois intérêt, parce que, malheureusement il faut le dire, leurs Avocats y ont souvent intérêt… ou le Magistrat instructeur en quête de notoriété…

Reconnaissons-le : si l'annonce de la disparition du Juge d'instruction fait peur, car on ne sait pas encore ce qui le remplacera, les idées jetées dans le discours du Président du 7 janvier 2009 ne sont pas inintéressantes :
Ainsi, la réforme de la mise en examen qui aurait lieu lors d'une audience publique ;
Ainsi, surtout, la réforme de la mise en détention… Aujourd'hui on sait que dans les tribunaux, le Juge d'instruction passe le dossier à son collègue JLD sans un mot…
Et s'il existe des JLD totalement indépendants, très indépendants même et se targuant de l'être, la surcharge de travail, la crainte dans certains dossiers de l'opinion publique, font que beaucoup de JLD n'étudient pas assez à fond le dossier avant d'envoyer un mis en examen en détention.
A cet égard je rappelle régulièrement à mes confrères qui patientent en râlant derrière le bureau d'un JLD "qu'il est trop long", que je ne reprocherai jamais à un juge d'avoir pris le temps d'étudier un dossier avant de mettre en détention quelqu'un. Croit-on qu'une telle décision peut réellement se prendre en dix minutes ?
Ainsi donc qu'une audience collégiale remplace le doublon Juge d'Instruction-JLD ne me paraît pas une mauvaise chose...

Concernant la place du Ministère Public, oui, Monsieur Bilger, j'entends vos arguments, mais puis-je vous rapporter cette anecdote : dans une affaire de viol présumé devant passer devant le JLD, dans le cadre d'une discussion informelle avec le JLD et le Parquet juste avant l'audience, je comprends que le dossier "est cuit". J'ai donc "pré-plaidé" le dossier. Les deux magistrats ont eu l'immense qualité de me dire qu'ils allaient réétudier le dossier, et sont repartis chacun dans leur bureau. Leur vision du dossier avait effectivement changé… Mais le Ministère Public tout en requérant la remise en liberté de mon client… demandait à ce que ses paroles ne soient pas mentionnées dans le PV de débat contradictoire pour que sa hiérarchie ne l'apprenne pas. Indépendance ?...

Mais combien je rejoins l'analyse de Monsieur Bilger lorsqu'il relève que les parties auraient à gagner à une procédure où elles agissent à armes égales, ayant des pouvoirs d'enquête.
La limite de ce pouvoir d'enquête étant son coût… Les justiciables les moins fortunés ne pourront se payer des enquêteurs, des investigations dont le coût leur serait imputable. C'est d'ailleurs un problème régulièrement dénoncé aux Etats-Unis…

J'attends donc avec intérêt que nous soient développées les grandes lignes du projet présidentiel…


Migueline Rosset
Avocat à la Cour

Marie

@ Catherine Jacob,

Je constate, Madame, que vous restez dans l'immédiat la seule Catherine sur ce blog. Où donc sont passées Catherine A, Ktrin ???


"...où est dès lors la justification de l'augmentation d'honoraires puisque mauvais ou inexpérimenté ça n'a pas d'incidence et bon ou même très bon, non plus?.." demandez-vous.

Connaissez-vous l'attraction des pôles ?

Alors, vous avez tout compris ! Vous avez votre réponse.

Les pendules des avocats et leurs dossiers s'aimantent, les aiguilles de celles-ci s'affolent, résultat, ils vous sortent une note d'honoraires au prorata des heures qui ont défilé, défilé...
Ensuite sur leurs notes d'honoraires il est inscrit X heures !!!!
A vous de les croire sur parole !!

Dans un cabinet d'avocat, seul, le tiroir caisse est toujours bien entretenu ! Ce n'est toujours pas le cas des rideaux !!!!

Jean-Dominique Reffait

Le juge d'instruction, tel qu'on l'a connu à Outreau et ailleurs, est déjà achevé : la réforme qui instaure les pôles de l'instruction est dans le tube pour 2010 : je ne comprends donc pas une annonce qui contrarie une réforme engagée dont on n'a pas pu tirer le moindre bilan.

Tirer sur l'ambulance, pourquoi pas, lorsque l'ambulance a conduit tant de gens dans le mur. Mais aussi tirer sur l'ambulancier, tant qu'on y est, en l'occurrence le parquet dont on connaît les incestes récurrents avec les juges d'instruction. Qui sont les deux magistrats emblématiques d'Outreau : un juge d'instruction et "son" procureur, car oui, la fiction d'une instruction conduite aussi bien à décharge qu'à charge ne pouvait tenir dans la mesure où les juges d'instruction sont inféodés aux procureurs par une relation coutumière. Ceux qui ont eu sérieusement affaire à un juge d'instruction savent parfaitement ce qu'il en est : un changement de procureur peut changer le cours d'une instruction théoriquement indépendante. Supprimer le juge d'instruction sans refonder intégralement la procédure pénale reviendrait immanquablement à renforcer le parquet et la nécessaire partialité qui le caractérise : les moyens publics d'investigation (police) seraient intégralement à la disposition du parquet.

Là encore, N. Sarkozy prend le problème à l'envers et de façon démagogique : la question n'est pas de savoir s'il faut ou non supprimer le juge d'instruction, mais comment une enquête peut se dérouler véritablement à charge et à décharge. D'autres solutions existent, notamment dans le cadre des pôles de l'instruction, en confiant les instructions à charge et à décharge à deux magistrats différents avec un troisième juge chargé de mettre le dossier en état.

Je ne défends pas ici le juge d'instruction : j'en ai connu d'une rare médiocrité intellectuelle, ceux que les médias nous donnent à admirer comme les meilleurs font pitié. Mais doit-on pour autant sacrifier Burgaud à Lesigne ?

Autre aspect du discours présidentiel, parfaitement inquiétant : le secret réel de l'enquête en remplacement de la fable du secret de l'instruction. C'est pas compliqué à comprendre : pour garantir le secret de l'enquête, il faut en bannir les avocats de la défense ou des parties civiles. C'est le régime de l'enquête préliminaire généralisée, c'est-à-dire une zone de non-droit où tout est permis, la police d'Etat à l'oeuvre, Vidocq ressuscité.

Vous aviez, Philippe, loué les premières dispositions, certes incomplètes, de Pascal Clément. Parallèlement, la commission Outreau a su fournir un travail considérable. La commission Léger rend ses conclusions en juin. Quelle sourde raison pousse N. Sarkozy à anéantir ces travaux en lançant sa fusée ?

C'est hélas aisé à comprendre : N. Sarkozy a des dettes envers ses amis patrons, ancien avocat d'affaires, il sait ce qu'il en coûte de la pénalisation du droit des affaires, il fait la promesse d'en finir avec cela. Mais voilà qu'une crise mondiale vient remettre les compteurs à zéro, le monde des affaires est montré du doigt pour ses comportements cyniques et désastreux. Ce climat ne permet plus de proposer isolément une dépénalisation du droit des affaires, laquelle après le cadeau de 300 milliards aux banques, provoquerait une levée légitime de boucliers. Il faut donc créer un nuage de fumée, transformer un gadget démagogique en mesure phare pour que la véritable mesure phare soit reléguée en arrière-plan, créer un abcès de fixation qui permet de masquer l'essentiel.

Car en réalisant simultanément la suppression du juge d'instruction sans réforme profonde de la procédure pénale et en dépénalisant le droit des affaires et la diffamation, N. Sarkozy concrétise un chef d'oeuvre berlusconien : une justice pénale expéditive et répressive pour tous sauf pour ses amis et pour les médias dont il a besoin.
Il est malin.

Catherine JACOB

@Marie
"Avec mon traducteur, j’ai lu que tu serais un futur délinquant d’après un certain Collard ? "

En fait, il a dit, d'après ce que j'ai entendu hier soir, qu'il préférait de loin l'approbation de Julien Green aux critiques de tous les (....)!
Or donc, la (.....) Lambda était assez étonnée de le voir compter ostensiblement les moulures du plafond pendant les dépositions d'experts, mais a bien dû constater que le verdict était nettement en dessous des réquisitions du parquet et que les parties civiles étaient au bout du compte et malgré tout moins amères, et quelque part 'soigner' la blessure de ces âmes ou encore prendre des risques pour apaiser le courroux du peuple tchadien ça n'est pas non plus tout à fait sans importance. Mais bon, j'imagine que cela ne marche pas à tous les coups et que l'endocrinologie en soi n'est pas spécialement dépourvue d'intérêt.

"PS : dis, tu connais l'histoire que les avocats y se racontent ?

"Comment appelle-t-on un avocat avec un QI de 50 ? - Monsieur le juge.""

De fait, il me semble que Me Collard, en robe donc plaidant personnellement et donc selon une augmentation de tarif si j'ai bien compris, a dit qu'un bon président (comme celui devant lequel comparaissait le commandant du bateau sans doute), pouvait rattraper un mauvais avocat, mais pas un bon avocat un mauvais juge. Motif? C'est le juge qui juge!
Of Corse mais où est dès lors la justification de l'augmentation d'honoraires puisque mauvais ou inexpérimenté ça n'a pas d'incidence et bon ou même très bon, non plus?

Mais bon ce n'est là que la bête interrogation de la renarde Lambda!

Pour en revenir à l'émission d'hier sur France2, je l'ai trouvée tout à fait intéressante et de divers points de vue. En particulier l'écart entre ce que l'accusé exprime en référence à son ressenti et ce que la Cour traduit en référence à la définition d'un dictionnaire et je crois qu'il y aurait là du progrès à faire pour Mme la présidente concernée, parce que ce n'est pas l'expression de son ressenti par l'accusé qui doit être jugée, mais ce que l'accusé a commis sous l'influence de ce dernier. J'ai par ailleurs été très touchée de son lapsus qui a voulu qu'il dise "Je pardonne" (aux victimes, ma famille, mes amis etc...) au lieu de "Je demande pardon". Et véritablement, il y avait également à pardonner il me semble d'avoir été conduit là.
Je pense du coup que certains ont dû être un peu trop absorbés eux aussi, par les moulures du plafond à certains moments!
Je critique vivement l'avocat qui s'adressant à la cour, à ses confrères et au public, a lâché ces mots à un moment donné avec un petit sourire : "J'aurai fait ce que j'ai pu". Il a fait ce qu'il a pu en effet mais force est de constater que ce qu'il pouvait entendre et faire entendre dans un certain domaine paraît assez limité même pour une psychologue lambda, je pense, car il y avait aussi à mon sens à attirer l'attention davantage sur les conséquences potentielles de toute brimade et autre agression cherchant à blesser l'être davantage que le corps, et non pas seulement en soulignant l'effet produit sur des personnalités fragiles qui dans le cas considéré retournent l'agressivité générée vers l'extérieur, en notant qu'elles peuvent tout aussi bien la retourner sur elles-mêmes, au travers d'une plaidoirie dont nos diplomates auraient pu eux aussi tirer un certain profit au lieu d'arriver dans certains lieux conflictuels chauds en brandissant une solution clé en mains.


Catherine JACOB

@Polochon
"Je ne vois pas pourquoi les responsables de la justice qui n'ont été élus par personne, ne devraient dépendre que du Saint-Esprit (qui seul pourrait garantir l'indépendance de la justice !).
Il est normal que la politique judiciaire soit contrôlée par le politique.
Et quand on n'est pas content des politiques, on ne vote plus pour eux !"

Avez vous jamais entendu dire cher Monsieur, que le pire des tyrans était le peuple (de nos jours donc, le peuple des électeurs), dès lors qu'on entend s'en réclamer pour tout !
Donc ne confondons pas une ligne générale sur la base de laquelle un personnage public aura été élu pour exercer des responsabilités (qu'il convient donc qu'il assume en cas de c.......s) et toutes les idées saugrenues que pourra lui inspirer ultérieurement l'exercice du pouvoir. Le peuple ne peut pas plus prétendre à exercer une pression quelconque via ses représentants élus ou médiatiques auto proclamés sur les magistrats du siège car ils ne sont pas ses connaissances et sa conscience et encore moins son tenant lieu de responsabilité, qu'il ne peut prétendre exercer de pression sur ce qui ressort de la liberté pédagogique du travail de l'enseignant, laquelle, à un certain niveau, est également garantie et définie par moult circulaires et autres décrets, ou encore venir contrôler le chercheur dans son laboratoire pour lui intimer d'utiliser telle méthode et non telle autre. Tout ce qu'il peut faire c'est d'exiger que l'argent affecté dans l'un ou l'autre cas ne soit pas dilapidé inconsidérément sans qu'on lui rende de compte in fine.

JC

Le maître des lieux a dit :
"Quant au Parquet, puis-je suggérer qu'on arrête de répéter cette antienne selon laquelle il serait obligatoirement asservi, que le garde des Sceaux lui imposerait sa loi et qu'avec lui, les libertés publiques seraient en péril."

Les faits récents :
Nancy : les parquetiers convoqués pour des applaudissements :
Le procureur leur reproche des applaudissements lors d'un discours en faveur de l'indépendance de la justice, prononcé jeudi par la présidente du Tribunal de grande instance.
Source : http://tempsreel.nouvelobs.com/speciales/libertes_sous_pression/20090109.OBS8957/nancy__les_parquetiers_convoques_pour_des_applaudisseme.html

D'autre part, si il était question de rendre le parquet plus indépendant (ou de consacrer une indépendance qui existerait déjà) pourquoi avoir renforcé leur dépendance dans la récente réforme constitutionnelle ? Pourquoi ces déclarations tant de la garde des Sceaux que du président témoignant de leur volonté de disposer d'un parquet qui (pour ne pas dire "soit aux ordres") reflète la volonté du "peuple" exprimée au travers du suffrage présidentiel et législatif.

Marie

Salut man !

C'est moi Félix, l’incognitos !

"Il faut achever le juge d'instruction"... que t'écris ?? Moi, je veux bien, mais tu donnes pas son nom ? De qui tu veux parler, man ? J’le connais pas moi…

Avec mon traducteur, j’ai lu que tu serais un futur délinquant d’après un certain Collard ? Evite le sten, man, autrement tu risques les stens ou le pontage, la pile, l’opération à cœur ouvert, la transplantation…. Ce serait moche, man. Et puis madame, elle serait une desesperate housewives !!!

J’ai lu encore, man, sur ton blog, que maître Aïssa écrivait de grandes tirades, pour toi, man, alors j’peux pas résister, moi aussi je vais t’écrire quelque chose :

« Asseyez-vous, Van In », dit De Kee d'une voix monocorde.
Il observa son adjoint à travers les verres antireflet de ses lunettes à monture en or dix-huit carats. L'absence de son beau-fils ne lui plaisait pas. Il n'aimait pas exposer Van In....
« Je voudrais que vous preniez la direction de cette enquête, Van In. Il est de la plus haute importance que vous soyez extrêmement discret. J'entends par là que vous devrez embêter la famille Degroof le moins possible et que les auditions éventuelles n'auront pas lieu au poste. Suis-je clair ?
- Bien sûr, commissaire. »
Van In savait que De Kee devait beaucoup à Ludovic Degroof. Comme les trois quarts des flics de Bruges, soit dit entre parenthèses.
« Il n'est d'ailleurs pas absolument nécessaire d'attraper le ou les auteurs du cambriolage... »
De Kee avait manifestement éprouvé des difficultés à prononcer cette dernière phrase. Van In faillit sursauter.
« Et pourquoi cela, si je peux me permettre ? »...
« Mon cher Pieter, dit-il, onctueux, Ludovic Degroof a horreur de ce genre de publicité. Si tu trouves les coupables, tant mieux. Si tu ne les trouves pas, pas de problème. Degroof nous demande d'établir un bon procès-verbal, de constater officiellement les dommages et de ne pas trop nous occuper du reste. »…

Ce matin là, Van In ne fit son apparition au bureau qu’à neuf heures trente. Le musigny de la veille avait eu sur lui le même effet qu’une forte dose de Valium. Il n’était pas encore tout à fait réveillé.
« Bonjour, commissaire, lui dit l’agent de la réception avec un accent brugeois à couper au couteau….

« Kétounet vous cherche depuis plus d’une heure, dit Geerts en souriant. Il a encore téléphoné y a pas dix minutes. Je pense qu’il est pas content, content…
- Il est dans son bureau ?
- En écoutant bien, vous pouvez l’entendre hurler jusqu’ici », répondit Geerts en hochant la tête….

« Entrez ! » dit une voix tranchante, lorsque Van In frappa doucement à la porte.
De Kee lui tournait le dos et regardait par la fenêtre.
« Je pense que vous me cherchez, commissaire, dit Van In sur le ton le plus neutre qu’il put trouver.
- Asseyez-vous, Van In », répondit De Kee sans se retourner…

« Je suppose que vous n’avez pas lu les journaux ce matin, commença De Kee toujours sans se retourner. Je les ai préparés pour vous sur mon bureau. »
Van In saisit un quotidien. L’affaire Degroof s’étalait à la une. « La vengeance d’un alchimiste anonyme contre un bijoutier de Bruges, lut-il à voix haute.
- Continuez !
- Selon la police, il s’agit d’un acte de vengeance, soigneusement préparé à l’encontre d’un membre de l’une des familles les plus éminentes de Bruges. Ludovic Degroof, le père de la victime, est bien connu dans les milieux politiques. Nombreux sont ceux qui voient en lui la figure de proue du parti démocrate-chrétien et la cheville ouvrière de nombreux projets de construction de prestige dans le centre de la ville. »
Van In referma le journal et s’appuya contre le dossier de sa chaise.
« Je me demande bien où ils sont allés chercher ça, dit-il, la conscience tranquille.
- Vous savez pertinemment que ce n’est pas tout, bordel de Dieu ! M. Degroof est très fâché par votre faute », dit le commissaire d’une voix encore plus sombre que d’habitude.
Van In n’avait aucune envie de continuer à tourner autour du pot.
« Est-ce que par hasard vous feriez allusion à l’appel à témoins qui est passé hier sur Radio Contact ?
- Donc, vous l’admettez, répondit De Kee sèchement en se passant la main gauche dans les cheveux.
- J’ai agi sur ordre du ministère public », dit Van In pour sa défense. C’était son seul argument.
De Kee se retourna et le fixa.
« Commissaire adjoint Van In, commença-t-il en hésitant délibérément sur les deux premiers mots, je pense que vous êtes suffisamment adulte pour saisir que vous ne pouvez prendre une telle initiative sans m’en aviser au préalable. »
De Kee alla s’asseoir à l’autre bout de la pièce et secoua la tête en prenant un air apitoyé.
« Je pensais vous avoir clairement demandé de ne pas ébruiter cette affaire. Je vous ai même dit que Ludovic Degroof y tenait expressément, ce que je n’aurais d’ailleurs jamais dû faire. Il aurait également dû vous venir à l’esprit qu’il n’est pas dans les habitudes de la maison de faire les quatre volontés du ministère public. Il n’a qu’à se contenter des informations que nous lui transmettons, le ministère public !
- Mais, commissaire, protesta Van In, le substitut a menacé de prendre personnellement contact avec les médias si je ne le faisais pas moi-même. Les choses auraient pu être bien pires ! J’ai demandé qu’on ne diffuse l’appel à témoins que de sept à neuf heures du matin. Il fallait quand même que je fasse quelque chose ! Et j’étais convaincu que si l’appel à témoins n’était pas trop long il n’aurait aucun effet.
- Raté, mon cher Van In ! Le procureur m’a téléphoné hier soir. Si vous m’aviez consulté, il n’y aurait pas eu d’appel à témoins du tout. L’affaire aurait été classée rapidement, et mettez-vous bien ça dans la tête, Van In : à la demande expresse de Ludovic Degroof ! Le procureur m’a assuré que Mlle Martens n’interférerait plus. Il semble même que sa nomination définitive comme substitut soit menacée……..


La suite dans :
« une enquête du commissaire Van In : Le carré de la vengeance »
Pieter Chat, non, Aspe.


Félix,
le chat.


PS : dis, tu connais l'histoire que les avocats y se racontent ?

"Comment appelle-t-on un avocat avec un QI de 50 ? - Monsieur le juge."


C'est peut-être ton juge à toi ???

Allez, salut, man, c'est l'heure de ma nuit !

Luestan Theel

Un juge d'instruction s'est trompé... Supprimons donc les juges d'instruction.
Des infirmières se sont trompées... Supprimons les infirmières.
Un président de la République s'est trompé en promettant un meilleur pouvoir d'achat... Supprimons le président de la République.

A. C.

Au-delà de la question de l’indépendance des institutions posée par les détracteurs de cette réforme, il convient de s’interroger sans tabou sur l’indépendance des hommes.

Enfin, si l’on remet en cause l’indépendance et l’impartialité de nos magistrats professionnels, il serait peut-être opportun de se pencher sur notre justice commerciale, rendue par des juges élus par leurs pairs. J’ai pour ma part toujours défendu l’échevinage, système dans lequel les affaires sont étudiées et les décisions rendues par des magistrats professionnels et non professionnels. Or à chaque fois que cette réforme a été proposée, les juges consulaires ont menacé de se mettre en grève…

Nathalie

Ha oui, c'est drôle, en lisant rapidement le titre de l'article, j'ai lu "Il faut ARCHIVER le juge d'instruction". Lapsus...

Yves

M. Philippe Bilger,
Vos arguments m'ont plutôt convaincu, mais je me pose deux questions :
1/ la fragilité du système du juge d'instruction ne vient- elle pas de graves faiblesses humaines ? Dans le choix des recrues de l'ENM, l'encadrement des étudiants et des jeunes magistrats, la syndicalisation corporatiste, une conscience professionnelle trop souvent élastique ?
Ne modifie-t-on pas l'institution pour éviter de demander plus aux servants de l'institution ?
En d'autres termes, ne déplace-t-on pas le piano, au lieu de fixer le tabouret ?
2/ les nouvelles responsabilités des défenseurs ne vont-elles pas entraîner des coûts supportables par la pègre organisée, mais au-dessus des moyens des petits artisans de la délinquance pénale ?

P.S. je me suis permis de faire la publicité de votre chronique sur le blog de Jean-Michel Aphatie, ce 8 janvier à 11h 50
- pseudo jyves-

Nathalie

Je suis loin d'être une fine connaisseuse du système judiciaire tel qu'il est actuellement. Je ne suis pas du tout juriste non plus, et je rajouterai que je suis incapable d'imaginer comment pourrait fonctionner EN RÉALITÉ un tel système s'il se mettait un place.
Cependant, vous affirmez par exemple, Philippe, que "Imaginons certaines de nos récentes procédures d'instruction traitées sur le mode accusatoire : il est évident, par exemple, que Clearstream aurait révélé ses mystères plus vite" Ha ? Mais, malgré que vous ayez écrit un texte très long pour dire que cette réforme EST nécessaire et permettrait à la justice de fonctionner plus sainement, mieux, plus vite et plus efficacement, il me semble que nous ne démontrez rien du tout, car vous ne dites pas pourquoi et en quoi. Vous citez en exemple le système judiciaire des pays anglo-saxons.
La justice américaine est-elle telle que vous décrivez ? Efficace pour de vrai ? Plus équitable envers les individus ?
Est-ce que vous ne l'idéaliseriez pas un peu justement, avec tous ces compliments ?

Paul Lacam

Merci à Pierre Martin d'avoir prêté attention au commentaire d'un usager (à son corps défendant) du système judiciaire.
Pierre Martin a raison. Je n'aurais pas dû céder à la facilité d'évoquer le corporatisme judiciaire. En effet ce n'était pas la question. Et sans doute les magistrats ne sont-ils pas plus corporatistes que d'autres dans ce pays où le corporatisme n'est l'apanage de personne, mais la pratique de tous.
J'espère que Pierre Martin a raison quand il évoque le consentement ou la résignation implicite de la magistrature à la disparition du juge d'instruction. Il conviendra que les déclarations publiques de certains de ses représentants pouvaient en faire douter.
Il a en tout cas très certainement raison quand il souligne la nécessité de traiter en même temps la question de l'indépendance du parquet. J'en étais convaincu par avance avec ma suggestion, peut-être maladroite, de le placer sous l'autorité d'un Procureur Général de la Nation, nommé par le Conseil Constitutionnel et/ou la Cour de Cassation pour une durée de neuf années non renouvelables.
Ce serait intéressant que Philippe Bilger nous donne son opinion sur cette question cruciale.

Catherine JACOB

@Aïssa Lacheb-Boukachache
" ... Il ne restera plus qu'à espérer que celui-ci ne soit pas, comme le juge d'instruction l'a été durant deux siècles de dévoiement et d'abdication de son indépendance, le caniche d'un quelconque Parquet ou même de l'État ou encore celui des victimes -ou "victimes"- demanderesses ... "

Je vous rassure tout de suite. Pour l'instant, un soupçon légitime d'inféodation au politique du Tribunal ou de la Cour qui s'étendrait des tribunaux administratifs où le problème a déjà fait débat dans le cadre d'un colloque (1999 - Strasbourg, il me semble), à la justice ordinaire, civile ou pénale, mettrait dans la rue (=/= à la rue) toute personne intéressée par les questions de Justice, de quelque bord qu'elle soit. Autrement dit cela finirait par un 'Bordel' intégral, donc tout le contraire du 'bon' Ordre public que pourrait viser une telle inféodation et je présume donc que, bien que depuis fort longtemps sans projet de société qui tienne réellement la route et bien que présentant de temps à autre des cas d'école inquiétants de ce point de vue, nos politiques actuels ne sont pas assez intrinsèquement fous pour le risquer ni les juges pour y souscrire !

Polochon

Pour beaucoup, le parquet, par un raccourci simpliste, ne serait que le bras judiciaire de l'Elysée qui aurait ainsi, in fine, tous les pouvoirs.
Pour moi qui suis simple, je considère que les hommes politiques ont été élus pour gouverner et faire prévaloir l'intérêt général.
Je ne vois pas pourquoi les responsables de la justice qui n'ont été élus par personne, ne devraient dépendre que du Saint-Esprit (qui seul pourrait garantir l'indépendance de la justice !).
Il est normal que la politique judiciaire soit contrôlée par le politique.
Et quand on n'est pas content des politiques, on ne vote plus pour eux !
Sinon, sur la réforme de l'instruction, je n'ai aucun avis.
La justice doit être rapide, doit protéger les citoyens c'est-à-dire éviter de condamner des innocents, tout en étant très ferme avec les coupables.

Catherine JACOB

@Surcouf
"une chose est certaine c'est que tant que des gens dans cette corporation se prendront pour des justiciers plutôt que des juges, le citoyen lambda pourra continuer à faire des cauchemars."

Le citoyen Lambda ne fait pas de cauchemars [ http://fr.wikipedia.org/wiki/Cauchemar ], le citoyen Lambda dort sur ses deux oreilles car il en a dès lors le plus besoin. Dormant sur ses deux oreilles, il ne dort cependant que d'un œil, l'autre veillant à ce qu'un Zorro à la petite semaine ne s'introduise pas pour la énième fois subrepticement et sans autorisation chez lui, jouant de la flûte pour endormir les Cerbères, dans le but d'y voler les ouvrages de Philippe BILGER qui traitent notamment de la liberté d'expression, et le laisser désormais seul, sans chandelle, dans sa nuit juridique, à la merci de toutes les affirmations arbitraires et de toutes les formes d'intimidation qui se dissimulent derrière des principes mal assimilés, asservis à un égotisme pur et simple, masquant une véritable paranoïa, de 'Para' : 'à côté de', et 'Nous', 'esprit, pensée réflexion'.
Du coup je me demande si le système accusatoire ne verrait pas une subite floraison de privés de tout poil, tout aussi incompétents que le juge d'instruction actuellement objet de l'ire de la république, spécialisés dans la violation de domicile et peu regardants à se servir un peu à droite et à gauche au passage quelque petit bonus personnel dans la pensée que la police ne pourrait que se bidonner et renvoyer le citoyen Lambda dans ses pénates s'il lui venait l'idée de porter plainte pour un motif aussi ridicule que par ex:
Une écharpe brodée, une pince à épiler, deux ouvrages de Philippe BILGER, deux critériums, un stylo, un chiffon de soie chinoise jaune d'or, un collier de perles de jade, un bracelet en argent en forme de chaîne d'ancre marine objet d'un premier vandalisme, un bouquin de philo, le tout contenu dans un petit sac en papier déposé à l'ombre d'un bouquet de fleurs artificielles et pour une valeur globale de grosso modo 500€ maxi en comptant large.
Vu qu'elle ne saurait que dire au malheureux, cette police : "Allons, soyons sérieux! Vous désirez peut-être qu'on vous prête les pages... jaunes (Arf, arf!) pour y trouver l'adresse d'un bon...'spécialiste'?!!"

Ceci dit et pour en revenir à l'objet exact du billet, je dois dire très sérieusement que nonobstant toutes les critiques qu'il a générées, il suscite néanmoins nombre de véritables interrogations fondamentales, et pour ma part, je n'ai pas encore la prétention d'en avoir bien saisi ne serait-ce que la moitié de la portée !

Catherine JACOB

@Grom
"Par quel miracle le même magistrat, qui a échoué comme juge d'instruction, va soudainement réussir comme procureur ? "

Ce me paraît là, bien qu'a priori, autrement dit avant toute connaissance documentée de la question, à savoir en l'état des connaissances du citoyen Lambda, un argument fort pertinent !

Gus

Raoulo, rien ne vous empêche d'exprimer vos désaccords, comme la plupart des commentateurs de ce blog, avec courtoisie. Votre impolitesse discrédite totalement vos propos.

GroM

Monsieur,

Je vais être cynique: je pense que, l'herbe étant toujours plus verte ailleurs, vous idéalisez le système accusatoire que vous appelez de vos voeux.

Le problème de la soumission du parquet au pouvoir politique me semble d'une actualité brûlante, et on ne peut pas l'écarter d'un revers de manche. Il se pose non seulement en termes réels (est-ce que, sur telle affaire, le parquet a effectivement suivi les consignes de poursuite du ministre ou pas ?) mais aussi en termes apparents (est-ce que les citoyens peuvent avoir l'impression que le parquet a suivi les consignes politiques), car la justice se rend aussi - vous le savez bien mieux que moi - pour apaiser la société.

Par exemple, puisque vous citez l'affaire Clearstream, pensez-vous réellement que si l'affaire avait été traitée plus rapidement, par un parquet soumis au pouvoir politique - et donc à l'autorité de l'une des personnes en cause dans cette affaire - l'opinion n'en n'aurait pas conclu aussi à la manipulation politique - voire davantage ? Pensez-vous que le résultat obtenu plus rapidement aurait été moins suspect ?

Vous dénoncez les échecs de l'instruction. Ils existent, c'est certain. Mais qui a jamais fait le compte des enquêtes préliminaires ou de flagrance où la police judiciaire, sous les ordres du seul parquet, a lamentablement échoué à faire éclater la vérité ? Les enjeux sont moindres en terme de privation de liberté, la publicité aussi, mais je ne suis vraiment pas sûr que le taux soit beaucoup plus glorieux. Par quel miracle le même magistrat, qui a échoué comme juge d'instruction, va soudainement réussir comme procureur ?

Et puis, le diable se nichant dans les détails, la mise en oeuvre d'une telle réforme, telle en tout cas qu'annoncée par le Président, se heurte à un nombre incommensurable de détails d'importance: comment préserver le secret de l'instruction (renommé en secret de l'enquête paraît-il) devant le juge de l'instruction ? Comment s'assurer que la défense pourra effectivement disposer de la police judiciaire pour accomplir les actes d'instruction qu'elle estime à décharge ?

Ce n'est certainement pas une réforme impossible. L'Italie l'a accomplie. Mais je doute qu'elle apporte ce que vous appelez de vos voeux. Les risques sont en revanche considérables.

Bien cordialement,

GroM

Et accessoirement, cette attraction pour le système accusatoire me semble - aussi - procéder du tropisme du chef de l'Etat pour ce qui vient des Amériques.

Raoulo

J'ai rarement lu autant d'inepties sous la plume d'un magistrat qui aime à se faire présenter comme un penseur de la justice.
Défendre fermement la suppression du juge d'instruction est une position tout à fait louable pour peu qu'elle s'accompagne d'une démonstration sincère, complète et réaliste. On est en loin pour les multiples raisons que des commentateurs précédents ont développées.
Le billet est si caricatural que j'en viens à me demander s'il n'est pas tout simplement une manifestation d'orgueil et de vanité. Philippe Bilger contre tous, Philippe Bilger contre l'opinion dominante, Philippe Bilger contre ses collègues, au premier rang desquels les syndicalistes, quelle belle posture n'est-ce pas ? Continuez Don Quijote ! Ah oui j'oubliais, justice "au singulier"....
A moins que l'éloignement du terrain vous aveugle à ce point comme l'a dit à très juste titre un jeune collègue substitut... Redescendez.

Aïssa Lacheb-Boukachache

Après cette réforme qui verra la disparition du juge d'instruction et le procureur et l'avocat de la défense face à face, chacun avec ses billes, ses témoins, ses preuves (ou ses "preuves", c'est selon), le personnage central de tout ce dispositif sera le président du tribunal (ou de la cour, si l'on préfère) ... Il ne restera plus qu'à espérer que celui-ci ne soit pas, comme le juge d'instruction l'a été durant deux siècles de dévoiement et d'abdication de son indépendance, le caniche d'un quelconque Parquet ou même de l'Etat ou encore celui des victimes -ou "victimes"- demanderesses ... Une réelle indépendance au centre, voilà le mot, mais ceci est une autre histoire ... Il ne tiendra qu'à lui (ou elle) de n'être asservi à rien ni personne sauf à l'esprit d'équité. In fine ce sera encore une question d'homme ... et de femme ... Tant il est vrai qu'on agit toujours que ce que l'on est.


Aïssa.

bloerkst

"Il faut achever le juge d'instruction"... On a bien tué le juge Renaud...

bob de marque

Merci de votre prise de position. Car nous en sommes seulement à la phase de débat sur une réforme de la procédure pénale.

Nous, Français, au nom de qui la justice est rendue, ne sommes jamais capables de prendre du recul, de dépasser nos "injonctions internes", comme vous dites, pour réfléchir sereinement.

Le Président de la République n'a pas annoncé la suppression du juge d'instruction, il a juste exprimé la volonté de voir son rôle amélioré. En tant que jeune justiciable de 26 ans, je ne vois ce qu'il y a de choquant à cela : ce juge suscite légitimement des craintes.

C'est pourquoi, merci encore de nous exposer avec brio les enjeux de cette question complexe, que vous avez parfaitement médités. Pour répondre à certains commentaires, on sait que vous n'avez pas attendu pour cela d'être éclairé par Nicolas Sarkozy, dont au demeurant vous n'avez pu entendre le discours, occupé que vous étiez par vos fonctions.

Didier Dufau

J'ai toujours pensé (et développé à l'époque dans les colonnes du forum du Monde) que dans l'affaire d'Outreau la responsabilité était d'abord celle du procureur de la République, une idée qui depuis s'est plutôt trouvée confortée.

Le système accusatoire suppose que la défense est puissante donc relativement fortunée. Le système américain montre bien l'emprise des avocats sur la phase d'enquête et l'énormité des coûts qu'ils chargent pour cela. Dans le cas anglais les budgets sont pris en charge par la Couronne parfois à des niveaux ébouriffants. Mais pas toujours.

Même si, quand on regarde bien, les deux systèmes se ressemblent dans la pratique plus qu'on ne le dit (dans bien des cas le juge d'instruction en France se comporte en juge de l'instruction, c'est-à-dire autorise les études exigées par la défense ou suggérées par les enquêteurs, et le juge de l'instruction, au Royaume-Uni, est sollicité en cours d'instruction pour connaître son sentiment avant jugement sur l'opportunité de certains investigations) il reste que le coût de la défense peut exploser et créer un biais.

C'est là le hic, plus que l'indépendance des juges, et je me demande comment vous pensez qu'on puisse y faire face.

Les petits avocats sans envergure ni moyens requis dans l'affaire d'Outreau face à M. Lesigne, cela aurait donné quoi ?

Et comment la Justice fera-t-elle face à des délinquants extrêmement fortunés, multipliant les enquêtes et les actes divers alors que le procureur est dans l'impossibilité matérielle de suivre ? De tels enfumages arrivent quotidiennement aux Etats-Unis dans les affaires de drogue, de santé publique et de grande délinquance financière. La défense a toujours un investissement d'avance sur l'accusation.

Alors que la Justice est riche aux Etats-Unis et plutôt impécunieuse en France.

zadvoc ate

@Philippe Bilger

Vous dites : "L'information ne serait pavée que de réussites éclatantes qui à l'évidence feraient d'elle la protectrice naturelle des libertés publiques et la sauvegarde du citoyen en détresse".

Ce qui me dérange dans votre discours c'est que vous oubliez totalement de parler de la responsabilité du parquet dans les erreurs judiciaires que vous évoquez et plus généralement de la place qu'il prend dans une procédure d'instruction.

Qui demande l'ouverture d'une information et la mise en examen ? Le parquet (art. 80 CPP)

Qui présente bien souvent en même temps que la mise en examen de DUPONT son placement en détention afin que le JLD soit saisi ?

Le parquet.

Qui a accès aux dossiers d'instruction et peut donc en suivre l'évolution et s'il le veut présenter des demandes d'actes pour orienter les investigations ?

Le parquet

Qui en fin d'instruction prend un réquisitoire très souvent suivi à la virgule près par le juge d'instruction (vive le copier coller) ?

Le Parquet.

Et puis on a vite fait de décrier le juge d'instruction en oubliant un peu de parler de la grande majorité des procédures qui lui échappent.

Qui traite 95% des procédures pénales en France ?

Le parquet.

Est-ce que cela empêche pour autant les enquêtes bâclées par les services de police (le témoin qu'on ne va pas entendre par manque de temps pendant la garde à vue ou parce qu'on juge que ça n'est pas utile alors qu'il viendrait peut être fournir un alibi au gardé à vue...) ?

Certainement pas.

Est-ce que ça empêche des procédures bourrées de nullité ?

Non.

Et ainsi de suite.

Alors j'ai quelques doutes quand on me dit qu'on va confier au parquet toutes les enquêtes et qu'il s'agirait d'une solution miracle.

On nous dit qu'un juge contrôlera tout ça afin que la défense et le parquet soient à égalité.

Mais est-on bien sûr que l'égalité existera ?

Si je ne suis pas satisfait de l'orientation prise par le parquet, je vais donc m'adresser au juge de l'instruction pour solliciter tel ou tel acte d'investigation.

Et que se passe-t-il s'il l'ordonne ? Va-t-on demander aux mêmes policiers que ceux qui enquêtent sous le contrôle du parquet et cette fois-ci pour le compte du parquet d'aller rechercher des éléments à décharge ?

Et quelles garanties a-t-on que la défense ne devra pas elle-même mener sa propre enquête, laissant sur le chemin les moins fortunés ?

Je n'évoque même pas la question de l'indépendance du parquet dont le discours du président ne parle pas.

Je ne suis pas contre l'évolution mais encore faut-il que les garanties soient là.

Vu ce qu'on a connu ces dernières années j'ai quelques doutes.

Et quand bien même, je crois qu'il faudrait surtout s'attaquer à un autre mal qui ronge notre procédure pénale : la culture de la détention provisoire et cette idée encore bien répandue chez les parquetiers que coûte que coûte il est préférable de requérir mollement une condamnation que d'oser requérir une relaxe lorsqu'elle s'impose (ça a tendance à changer chez les jeunes générations de magistrats).

Cactus qui achève juste l'écheveau

"Certains des commentaires postés jusqu'à présent sur cette note de Philippe Bilger sont affligeants." nous conte Paul Lacam !

Vais-je rehausser les ébats, là ?
Mais lisons donc ma suite :
En 1960, François Truffaut et David Goodis (et vice versa) tiraient bien déjà sur le pianiste !
alors why not the judge of instruction comme devraient dire les Britiches si moins de Mésentente cordiale entre nos deux peuplades !
Pas si sot, non ???
Sissi !!!!!!!!

Tocquevil

Les Britanniques se posaient il y a peu la question inverse : ne faudrait-il pas s'inspirer du modèle français ?


http://www.telegraph.co.uk/opinion/m...3/23/ixop.html

Britain can learn from the French
By Louis Blom-Cooper
(Filed: 23/03/2006)
When the Home Secretary told the House of Commons home affairs select committee that he personally favoured a more French-style system of criminal justice in terrorist cases, saying he "did not think that our system has been swathed in distinction or particularly effective at delivering justice", he was not alone. That view is widely shared, even among the judiciary and many legal practitioners, specifically in questioning the British way of criminal justice.

His view, moreover, should not be seen as restricted to terrorist cases. Without resorting to the use of labels, such as inquisitorial or adversarial, as depicting the two differing systems, there is one major feature that usefully distinguishes the two, which may point the way forward.

In our system, the judge and jury at trial are involved in finding the facts and applying the law as presented to them by the two parties, prosecution and defence. Thus, the analysis of the criminal event and the accused's responsibility for it is deferred - often until months after the crime was committed - during which time the police investigate the crime and gather the necessary evidence without any external control, the prosecutor advises and prepares the case for trial, while the defence team of lawyers (assembled only as and when an accused is arrested and charged, which may happen some time after the crime) prepare the case for the defence, all the while putting the prosecution to proof without being obliged generally to assist.

The Royal Commission on Criminal Justice in July 1993 recognised the criticism that our system seems to turn a search for the truth INTO phpbb_a contest played between opposing lawyers according to a set of rules that the jury does not necessarily accept or even understand. But the commission did not recommend any fundamental change, although it did seek in its specific reforms to move the system in an inquisitorial (i.e. French) direction. The changes since then have been slight and piecemeal.

The French system, by contrast, interposes a judicial element from day one to supervise the pre-trial preparation of the evidence by the police and, significantly, plays a major part in representing the evidence at trial; the examining magistrate juge d'instruction calls and examines the defendant and the witnesses, while lawyers for the prosecution and defence ask supplementary questions.

But the main, substantial difference is that the juges d'instruction will have analysed the facts as they become available and will have come to a conclusion about the perpetrator of the crime. The trial itself is the re-run of the factual material and application of the relevant law. In essence, the French system demands judicial oversight of the whole criminal process, from the moment of the criminal event through to trial.

The apparent defect in our system is that the first judicial analysis of the criminal event comes only weeks, if not months, after the event. Moreover, particularly in cases of expert evidence from scientists and medical practitioners, cases are quite often gathered together haphazardly and often seriously delayed. This has been one of the main problems thrown up in the spate of recent child abuse cases.

The problem is compounded in our system by the fact that trial by jury rests on the theory that the jury is the exclusive determinant of the facts on material presented to it by rival parties. Any earlier determination is regarded as diminishing the function of the jury. Even the judge at trial, in summing up the evidence of the witnesses and other material, is expected to be neutral.

It is not without importance that, in terrorist trials, there has been a number of miscarriages of justice in England and Wales by comparison with those tried in Northern Ireland, where, for 30 years now, trials of terrorist offenders have been in the so-called Diplock courts, where trial has been conducted by a high court judge sitting alone.

In the Republic of Ireland, the central criminal court has similarly dispensed with juries in terrorist cases, but that court is invariably composed of three judges. The governments in both jurisdictions have indicated they wish to revert to trial by jury for all serious crimes.

The Home Secretary should not despair that his legally qualified cabinet colleagues are opposed to such a "revolutionary change". The change can be introduced without too much innovation. What needs to be put in place is some independent (probably judicial) supervision or monitoring of the criminal process, from crime to trial.

We do not need to, nor should we, ape the French system, but we can benefit from the theory and practice that we should not delay the process of fact-finding about a criminal event at the earliest possible moment. The Home Secretary should pursue his personal view in the wider context of criminal justice. To that end, he should appoint an independent committee to report, with expedition, on the mode of criminal justice best suited to providing a quality service in the 21st century.

Sir Louis Blom-Cooper QC has practised in public law for more than 40 years

djh

Drut, Marchiani, les juges d'instruction...
Que le monarque rende lui-même la justice... comme Saint Louis.

Surcouf

Voici une opinion claire, nette et argumentée.
Merci monsieur Bilger.

Ici point de politiquement correct.
Vous saviez, je pense, qu'en écrivant ce billet une volée de bois vert vous attendait mais vous avez passé outre.
Merci.

@Aïssa
Je ne peux qu'abonder dans votre sens. Même si je ne suis pas d'accord avec le fait que vous mettiez souvent en avant votre passé judiciaire, pour avoir été de l'autre côté du manche vous en connaissez le prix réel.

Je n'ai eu que très peu de relation avec le monde de la justice mais une chose est certaine c'est que tant que des gens dans cette corporation se prendront pour des justiciers plutôt que des juges, le citoyen lambda pourra continuer à faire des cauchemars.
Le recours, ô combien abusif, à la garde à vue et à la détention provisoire, à des moyens de coercition disproportionnés, ne peut pas donner le sentiment d'une justice apaisée et sereine.

semtob

Cher Philippe,
Je n'ai aucune compétence et ne dispose que
de mes observations d'une petite expérience.
Il me semble que si l'indépendance du parquet est assurée, cela serait bien de se rapprocher de la procédure accusatoire.
Ce qui me plaît c'est l'intrication de ces trois faisceaux qui sont l'oralité, la contradiction et l'aspect public.
Retirer le procès au juge pour que le procès
devienne la chose des parties me semble intéressant. Cela implique de la transparence, de l'égalité de droit et de la neutralité dans les décisions.
Ce n'est pas Un juge de l'instruction qu'il faudrait mais Trois pour que cela ressemble à quelque chose de l'ordre de la recherche d'une vérité.
françoise et karell semtob

djh

J'ai travaillé avec des juges d'instruction médiatisés sur des affaires sensibles concernant de "trop" nombreux hommes et femmes politiques et leurs satellites.
Compte tenu des pressions qu'ils subissaient de toute part, des pièges qu'on leur tendait, des moyens qu'on leur retirait, des coups tordus, ils étaient dans ce type d'affaire des héros.
S'ils disparaissent, je crains le pire.

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