Je persiste : il faut achever le juge d'instruction. Mais pas n'importe comment.
Quand j'ai écrit mon billet sur ce thème, je ne disposais que de l'information donnée par Le Monde avant le discours du président de la République devant la Cour de cassation. Je présumais que l'enquête qui serait confiée au Parquet serait accompagnée d'un certain nombre de modalités qui nous feraient changer de procédure pénale avec confiance. Après avoir lu l'allocution du chef de l'Etat et pris connaissance de la plupart des réactions, j'ai été obligé de constater que pour l'instant du moins, nous étaient proposées seulement une enquête sous l'égide du procureur, la création d'un juge de l'instruction et une audience collégiale pour le placement en détention provisoire. On passerait d'un inquisitoire entier à un accusatoire tronqué.
Avant d'analyser le fond, je voudrais attirer à nouveau l'attention sur la disproportion médiatique entre les partisans du statu quo et du maintien du juge d'instruction d'une part et, d'autre part, les défenseurs de la réforme projetée. Le Monde, par exemple, n'a cessé de donner la parole aux premiers et quand il s'est aventuré à publier une critique du magistrat instructeur - par Hervé Lehman, avocat et ancien juge d'instruction -, il a éprouvé le besoin de la compenser par un texte contraire d'Eva Joly. On a constaté également une glorification des juges anti-terroristes par eux-mêmes et des éloges que certains magistrats financiers s'adressaient. Plus généralement, ceux qui pendant longtemps n'avaient cessé de vitupérer les dérives de l'instruction, ses lenteurs et ses partialités se découvraient soudain des affinités certaines avec "les petits juges".
Rien de cette surenchère ne me semble décisif. Plutôt que d'opposer l'esprit des deux systèmes inquisitoire et accusatoire, elle conduit à mythifier le premier et à déplorer l'impossibilité pratique du second. A la réflexion, on s'aperçoit que le premier est d'autant plus loué que le second semble inspiré, pour certains, par une volonté politique d'étouffer les libertés publiques. Il y a une présomption lassante de malveillance démocratique à l'encontre de tout ce que propose Nicolas Sarkozy. Ce qui me paraît excessif, pour ne pas dire faux. On ne peut pas non plus se référer aux conclusions de la commission d'enquête sur Outreau puisqu'à mon sens, elle a manqué l'occasion historique d'une réforme d'envergure absolument consensuelle : la suppression du juge d'instruction. Si on veut bien avec bonne foi mesurer les avantages et les inconvénients des deux types de procédure pénale, je ne vois guère d'hésitation à manifester. L'inquisitoire nous confronte à une bureaucratie des formes, des textes et des garanties qui, de la police à l'audience en passant par les informations avalisant trop souvent l'enquête initiale, mêle la lenteur à l'inefficacité. Il y a un byzantinisme du rituel inquisitorial qui dans la pratique, interdit à la justice l'humanité, les regards, le dialogue des visages et les trésors de la psychologie. L'accusatoire, en revanche, dans sa simplicité, prévoit une enquête rapide couverte par un secret absolu, l'égalité des armes entre l'accusation et la défense, un juge réellement arbitre et, enfin, la transparence du débat libre et contradictoire à l'audience. Moins de complexité et plus de contradictoire. Moins de secret et plus de publicité. Moins de lenteur et plus de rythme. L'accusatoire, dans son principe et avec ce qu'il implique, l'emporte aisément.
Le président de la République qui annonce dans ses grandes lignes une réforme de la procédure pénale, avant même le rapport d'étape de la Commission Léger, adopte une démarche qui non seulement ne me choque pas mais donne à la Justice, sortant de sa bouche, une importance capitale. A condition que son discours ne soit qu'une ouverture, un prélude et non pas un aboutissement, une manière de fixer les limites d'une délibération collective déjà amputée. La Commission Léger n'est pas au bout de ses peines car si elle arrête ses travaux à hauteur de la structure évoquée par le président, nous aurions en effet une apparence étriquée d'accusatoire qui serait presque pire que le mal inquisitorial.
Je ne suis pas convaincu par le reproche fondamental fait par les adversaires de l'évolution projetée. De la même manière que l'indépendance théorique des juges d'instruction occulte mille dépendances et connivences, une focalisation quasiment exclusive sur la charge au détriment de la décharge, la dépendance alléguée du parquet dissimule une infinité d'indépendances quotidiennes qui font apparaître pour une caricature le tableau dressé par ceux qui ne connaissant rien de la réalité, l'inventent selon leurs phantasmes ou leurs lectures orientées. J'ajoute que je suis persuadé que la dépendance du Parquet, à la supposer effective, serait infiniment moindre dans le nouveau système que dans l'ancien. Dans celui-ci, le procureur peut être tenté de se débarrasser de la vertu d'indépendance sur le juge du siège tandis qu'avec l'accusatoire, ce sera à lui, et à lui seul, d'assumer le devoir d' indépendance et de le porter haut. Faute de cette exigence, l'oeuvre de justice deviendrait en effet une forme vide. Enfin, on oublie trop souvent, en examinant les projets sur un plan technique, qu'on a changé d'époque : ce qui pouvait être admis hier est devenu insupportable aujourd'hui et ce serait se leurrer que de croire qu'un Parquet aux ordres serait non seulement possible mais accepté. Le climat contemporain ferait de toute retenue abusive un scandale.
Il est essentiel que la Commission Léger pousse sa mission jusqu'à élaborer un dispositif qui mette en face de l'accusation une défense dotée de moyens et capable, notamment par une augmentation substantielle de l'aide juridictionnelle, d'apporter son aide à ceux qui ont réellement besoin d'elle. On ne peut faire l'économie d'une configuration qui saurait contrebattre la puissance du ministère public par l'affirmation d'une force antagoniste équivalente. Faute de quoi, à l'évidence, le pot de fer risquerait de ne faire qu'une bouchée du pot de terre.
Quitte à imaginer l'inconnu procédural, serait-il inconcevable de réfléchir au système allemand de la légalité des poursuites, qui offre l'avantage d'interdire les classements sans suite par pure opportunité ?
On le voit, l'alternative n'est pas entre un inquisitoire médiocre et un accusatoire dangereux parce qu'inachevé mais entre un inquisitoire dont l'esprit est mauvais - on arrive si tardivement à la transparence du débat libre, public et contradictoire - et un accusatoire structuré et cohérent. Si on laisse celui-ci dans l'état où, semble-t-il, on nous l'offre, il n'y aura pas de progrès de la justice. Pour que les soutiens inconditionnels de la procédure accusatoire puissent enfin rêver d'un avenir judiciaire meilleur, il faut absolument que la Commission Léger justifie son existence. Aux conditions que j'ai modestement formulées et que de vrais juges emblématiques comme Renaud Van Ruymbeke avalisent - ce dernier ne défendant l'instruction que par défaut -, on aboutirait à un consensus que la Commission d'enquête sur Outreau n'a pas voulu créer.
Ce que celle-ci a manqué, la Commission Léger devrait l'accomplir. Après tout, elle n'appartient pas au président de la République.
Tout a fait d'accord, il faut en finir avec ce juge d'instruction, on est au 21ème siècle quand même.
Rédigé par : chris | 09 décembre 2009 à 17:57
Je ne connais pas grand-chose au système judiciaire français... D'expérience et parce que je reste informée, je constate que beaucoup ne font tout simplement pas leur travail correctement.
Un juge, un avocat, un procureur, devraient se remettre en question tous les jours et être d'une parfaite intégrité, sans parler du bon sens : que diable, tout comme les
médecins, ils ont entre leurs mains LA VIE DES GENS !!!
Peut-être aussi que si les lois actuelles étaient, ne serait-ce QU'APPLIQUEES, il y aurait moins d'absurdités...
Rédigé par : Anne | 21 février 2009 à 16:48
Utopie tout cela !
Tant que l'on vivra dans un pays de corrompus il ne pourra y avoir de justice.
Avant de regarder ce qui se passe chez nos voisins, contentons-nous de faire le nettoyage devant notre porte.
L'être humain de par sa nature est viscéralement corruptible ou corrupteur.
Et vous avez des solutions pour changer la nature.
Oui, vous avez des moyens de massacrer des milliers d'hectares dans la forêt amazonienne, j'allais oublier que le plus grand prédateur sur cette terre c'est l'homme.
Avant de penser et faire du bla-bla-bla inutile, réfléchissez !
C'est aux fonctionnaires à qui on demande de ne pas penser. Alors ne pensez pas s'il vous plaît, regardez ce que vous avez fait de notre système judiciaire.
Irresponsabilité des magistrats, bravo !
Theostar
Rédigé par : theostar | 04 février 2009 à 12:57
@Catherine Jacob : Ha bien, vous lisez un peu dans mes pensées, j'y pensais justement à ces élections... Des originaux proposent cette solution.
Le State Attorney General, une sorte de ministre de la Justice élu... ou nommé par le Président de la République ? Mais quelle indépendance vis-à-vis des partis politiques alors ?
Mais, lisez plutôt ceci : http://libertesinternets.wordpress.com/2007/10/24/usa-la-justice-federale-a-deliberement-cible-lopposition-politique/
Quant au bailli, on en a perdu le souvenir dans nos contrées non ? Qu'est-ce que c'est déjà ?
Rédigé par : Nathalie | 20 janvier 2009 à 21:56
J'ai bien aimé la proposition de Pierre-Antoine, favorable à l'accès direct des acteurs de la société civile, en général.
Les magistrats, de par leur fonction, pratiquent quotidiennement une sorte de "cérémonie du culte" que le citoyen subit sans comprendre. Les magistrats sont soit acteurs soit comédiens, Eva Joly fera "du Joly", Renaud Van Ruymbeke "du Van Ruymbeke" etc...Ce sont des acteurs.
D'autres plus discrets s'imprègneront du rôle à chaque affaire à charge et à décharge, ce sont des comédiens. Il me semble que les citoyens seraient plus comédiens qu'acteurs non ?
ROUTA VILLANOVA
Rédigé par : ROUTA VILLANOVA | 19 janvier 2009 à 12:42
Si l'on devait entrer dans un système accusatoire :
Pour éviter que les avocats des pauvres soient privés de moyens d'enquête que les avocats des riches pourraient s'offrir, ne serait-il pas opportun de prendre les mesures suivantes :
- L'accusation dispose des moyens d'investigation de la police et de la gendarmerie, des experts, etc...
- La défense disposerait des mêmes moyens mais ne les mettrait pas en œuvre elle-même. C'est-à-dire que les expertises ne seraient pas à sa charge et qu'il serait exclu de solliciter des enquêteurs privés.
- La défense solliciterait tous les actes qu'elle juge utile auprès d'un magistrat indépendant qui serait garant des droits de la défense
- Ce magistrat ordonnerait les actes nécessaires à la défense et dont l'exécution serait financée de la même manière que pour les actes de l'accusation
- Pour exécuter les enquêtes, il serait créé, auprès de ce magistrat et sous son autorité, un corps d'investigation indépendant du Parquet, de la Police ou de la Gendarmerie, dont les membres seraient fonctionnaires de Justice.
De cette façon, les moyens de la défense seraient équilibrés par rapport aux moyens de l'accusation, et le principe d'égalité entre les justiciables serait respecté.
Rédigé par : Maurice | 18 janvier 2009 à 23:32
La commission du Président finira... au musée, comme tout le reste. Je suis confus d'étonnement que même nos éminents historiens, je cite Reffait pour la gauche ou plutôt le centre gauche et Dingli pour la droite ou plutôt le centre droit, ce qui explique qu'ils peuvent se honnir tout en sourire, d'un centre l'autre c'est toujours le même centre, je suis confus donc que même, etc., n'aient agoni le Président de la République pour cette idée singulière de créer un musée de l'histoire de France... Je savais bien que notre beau pays vieillissait -pas toujours bien, mais enfin, il vieillissait-, mais de là à le momifier et le conserver dans un musée... J'imagine les scolaires: "Papa, c'est quoi ça?..."
- Ca, c'est la France, ma chérie... Oh un bien chouette pays... tu n'as pas connu...
- Et ça papa, dans la vitrine ?
- Ah, ça, c'est Laurent Dingli, un vieux monsieur de l'ancienne époque... Il écrivait des choses sur la France... Et à côté, tu vois, ma chérie, c'est Jean-Dominique Reffait... Oh, tout ça est bien fini mais enfin c'est conservé... Tu vas bien pouvoir réviser avec ce musée, n'est-ce pas, ma chérie ?
- Oh oui, papa, et en plus c'est gratuit l'entrée pour nous les écoles, il a dit le Président... Mais dis, papa, c'est qui le gros monsieur sévère, là, avec sa robe rouge et qui tient des gros livres sous son bras ? Il fait peur ...
- Ah, ma puce, lui c'est Philippe Bilger, le grand procureur de la République... Tu vois, il est bien conservé, lui, il est à côté du tribunal qu'on a mis là-bas et de la prison qu'on a mise un peu plus loin... Ne touche pas, ma chérie, c'est fragile...
C'est entendu, l'Histoire de France s'est arrêtée aujourd'hui, rideau, on ferme... ou plutôt on ouvre, on recense tout et on conserve. Je verrais bien Cesare Battisti gardien de ce musée national... Si notre cher Président nous veut bien à présent le rapatrier et lui confier cet emploi. Après tout, il a l'expérience du gardiennage et de bonnes recommandations dont la mienne, naturellement...
Bonne nuit.
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 17 janvier 2009 à 23:57
Cher Philippe,
Puisque cette réforme est une réforme révolutionnaire et nécessaire, comment peut-on créer une indépendance nouvelle du Parquet ?
Comment renforcer le secret de l'enquête ?
Françoise et Karell Semtob
Rédigé par : Semtob | 17 janvier 2009 à 21:26
Je sais, le commentaire que je fais là n'a aucune (ou si peu) relation avec votre billet.
Mais je suis sous le coup de la colère !
Une colère noire contre une situation que je trouve inadmissible, incompréhensible, écoeurante.
On aurait découvert une photo de la jeune Estelle Mouzin sur un site pédophile.
La police a eu connaissance de cette information, très bien...
La presse a été informée, très bien...
L'information a été diffusée et les criminels, trafiquants de chair humaine, sont donc au courant, très bien...
Comme ça ils ne leur reste plus qu'à couler du béton et à immerger le bloc dans le golfe de Finlande.
Monsieur l'Avocat Général Philippe Bilger,
pour le policier qui a communiqué cette information à la presse, pour ce journaliste qui l'a diffusée, cela ne s'appelle-t-il pas pour le moins "mise en danger de la vie d'autrui" et pour le pire "complicité de meurtre" ???
Que peut-on faire dans ces cas-là ?
Désolé de ne pas terminer par "cordialement", le coeur n'y est vraiment pas du tout.
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 17 janvier 2009 à 16:31
@Nathalie
"Il faudrait donc que ce procureur nouveau fasse figure de héros à chaque fois ? Je ne suis pas sûre que la magistrature compte autant de héros que de procureurs ou d'avocats généraux. Ce ne sont, eux aussi, que des humains."
Au fait, est-ce que tout de même que pour ce qui est des Sheriffs, les procureurs ne sont pas élus dans le système accusatoire US, ce qui apparaît une bonne garantie d'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique?
Rédigé par : Catherine JACOB | 17 janvier 2009 à 15:16
Il me semble, en ce qui me concerne, que 53% des personnes qui ont voté, ont voté pour que les réformes qui ont été annoncés soient votées et soient appliquées. Pour autant, il ne me semble pas que toutes les réformes mises en oeuvre actuellement aient été annoncées lors de la campagne électorale (ex : réforme de l'audiovisuel avec la suppression de la publicité sur les chaînes publiques). Ceci dit, peut-être que je me trompe. Mais alors, si l'on en croit les médias, la France est peuplée de mécontents, plus que d'ordinaire ces dernières années, alors qu'est appliqué un programme pour lequel ces fameux 53% ont voté. Il faudrait savoir et prendre ses responsabilités. Une chose m'amuse, toutefois, on ne rencontre pas beaucoup de gens racontant qu'ils ont voté Sarkozy ces derniers temps. Et pourtant, il doit bien s'en trouver non ? (dans mon entourage en tous les cas, mais pas forcément).
Ce billet, plus long que le précédent sur le même thème, me paraît plus explicite et plus clair dans son expression. Peut-être parce qu'il est moins abstrait ? Pourtant, j'ai lu de part et d'autres que certains formulent des craintes que vous ne reprenez pas : celles de voir que les procès sur des grosses affaires politiques (genre affaire Pasqua, avions renifleurs etc...) ne voient jamais le jour. Justement, en quoi le copinage ou le clientélisme ne seraient plus opérants dans ce fameux système accusatoire ? Bien au contraire ! Vous dites ceci aussi : "Dans celui-ci, le procureur peut être tenté de se débarrasser de la vertu d'indépendance sur le juge du siège tandis qu'avec l'accusatoire, ce sera à lui, et à lui seul, d'assumer le devoir d'indépendance et de le porter haut". Il faudrait donc que ce procureur nouveau fasse figure de héros à chaque fois ? Je ne suis pas sûre que la magistrature compte autant de héros que de procureurs ou d'avocats généraux. Ce ne sont, eux aussi, que des humains.
Rédigé par : Nathalie | 16 janvier 2009 à 22:36
"A condition que son discours ne soit qu'une ouverture, un prélude et non pas un aboutissement, une manière de fixer les limites d'une délibération collective déjà amputée."
"Il y a une présomption lassante de malveillance démocratique à l'encontre de tout ce que propose Nicolas Sarkozy. Ce qui me paraît excessif, pour ne pas dire faux."
Monsieur l'avocat général, puis-je me permettre de vous rappeler l'histoire de Gandrange, commune du département de la Moselle située à 20km au nord de Metz, près de l’axe autoroutier A31 qui rejoint Thionville.
"En 1999, le site sidérurgique de Gandrange a été vendu pour un franc symbolique à Lakshmi Mittal, dont le groupe devint ultérieurement Arcelor Mittal.
En janvier 2008 a été annoncé un plan de restructuration prévoyant la fermeture de l'aciérie électrique et du train à billettes (installation de laminage) de l'usine qui devrait entraîner la suppression de 575 emplois des 1.108 emplois d'ici à 2009. Seuls subsisteront le centre de recherche et le laminoir à fil.
En février 2008, Nicolas Sarkozy avait déclaré que «l'Etat était prêt à prendre en charge tout ou partie des investissements nécessaires» pour maintenir le site en activité. " cf. Wiki
Vous qui lisez le Figaro, ces articles n'ont pas du vous échapper:
1)http://www.lefigaro.fr/economie/2008/02/22/04001-20080222ARTFIG00384-la-reindustrialisation-des-bassins-sinistres-soutenue.php
2)http://www.lefigaro.fr/societes-francaises/2008/03/30/04010-20080330ARTFIG00027-vers-la-fermeture-partiellede-l-usine-de-gandrange.php
Or qu'en est-il aujourd'hui?
Par conséquent, la réforme au pas de charge du juge d'instruction peut à bon droit inquiéter tous ceux que la visite au pas de charge du site de Gandrange avait réjoui!
Le président me fait l'effet d'un boulimique de la réforme. Or j'ai bien peur qu'il n'ait pas été élu dans le but de réformer pour réformer mais pour obtenir un bénéfice tangible de la réforme considérée et non pas pour générer les conséquences qu'un mauvais ficelage ne manquera pas d'avoir sur le rôti à la dégustation duquel de moins en moins de monde me paraît finalement convié.
NB: La boulimie est la phase maniaque de l'anorexie!
Rédigé par : Catherine JACOB | 16 janvier 2009 à 17:33
En tant qu'ancien magistrat "d'occasion", c'est-à-dire engagé volontaire en renonçant aux avantages de la profession libérale, je ne peux qu'adhérer aux thèses de Philppe Bilger, par conviction et soutien à son argumentation solide. Il a pris la mesure de l'insuffisance de la proposition brute et émis les réserves adéquates sur la construction à opérer pour parvenir à un résultat satisfaisant. Ceci ne veut pas dire que cette réforme se fera, je demeure même presque persuadé qu'elle ne se fera pas; elle est peut-être un écran de fumée.
Mais, si elle devait se faire, il m'apparaît que la première réforme est celle des mentalités. N'étant pas issu de l'ENM, combien de fois ai-je entendu cette rengaine que je n'étais pas passé dans le moule.
Or, il m'avait toujours semblé que c'était la liberté du style comme la liberté de la pensée qui faisaient le magistrat, précisément à cause de cet augmentatif qui constitue son titre.
Aujourd'hui consultant dans une grande institution, je mesure à nouveau la distance qui sépare les magistrats de leur "clientèle". Les premiers sont, même nantis d'une solide bonne volonté, enfermés dans une façon de penser qui leur fait redouter de se compromettre dès qu'il sortent de leur hiératisme, et par là même, ils passent souvent à côté de l'efficacité.
La seconde est dans un état d'hébétude ou de crainte irraisonnée à cause d'un langage inabordable, comme ceux qui l'emploient, d'une lenteur inutile, et surtout par une obsession paralysante vis-à-vis de l'éventualité de la prison qui apparaît à beaucoup comme inéluctable en cas d'incident dommageable dans l'exercice de leur fonction. Ce n'est pas justifié, mais reflète la mentalité publique.
Ayant été dans les premiers JLD, sur la base des dispositions de l'art.144 CP je m'étais acharné à répondre, en style courant, aux critères qui y figurent pour justifier les mesures prises. Lorsqu'elle me réformait, souvent, la Cour d'Appel préférait faire un résumé de l'affaire au fond et conclure en trois lignes sur le fondement de l'ordre public pour maintenir l'emprisonnement. Et, verbalement, on me faisait remarquer que ma rédaction ne présentait aucun intérêt. Evidemment, ça s'est très mal terminé et j'ai été heureux de prendre ma retraite, avec toutefois le sentiment pénible, soit d'avoir été franchement mauvais, mais mon dossier général disait le contraire, soit d'avoir lutté contre un a priori indestructible. Si indestructible que le Conseil d'Etat, sur un recours intenté, m'a carrément traité d'inutile, en substance. Je dois dire que la Chancellerie avait courageusement défendu mon dossier, consciente du divorce entre ma carrière et les appréciatons de départ.
Que voulez-vous dire contre le C.E. ? "Ergo et legibus et institutis vacat aetas nostra muneribus iis, quae non possumus sine viribus sustineri"
Donc, je ne suis pas si sûr du rôle déterminant du Ministre, de son attitude de deus ex machina, ou aux aguets des influences politiques ou si désireux de satisfaire le pouvoir politique, je dirais même que cela me paraît, même aujourd'hui, du niveau de l'argument électoral. Il m'a toujours semblé que les membres du Parquet étaient plus ouverts à la discussion que les JI, peu soucieux d'instruire à décharge, sauf à se rendre à l'évidence.
Quelle réforme qu'on fasse, si on ne s'inspire pas du principe portalisien "ne juger qu'en tremblant", tout en gardant un oeil fixé sur l'éthique à Nicomaque, cela ne servira de rien.
Rédigé par : Jean Marie | 16 janvier 2009 à 16:35
"Le parquet a tout de même récemment démontré son inféodation grandissante au pouvoir politique : la demande de rectification d'erreur matérielle, qui n'était pas envisagée par le procureur et qui a été exigée par le gouvernement, les terroristes de Tarnac... Bien au contraire, l'indifférence générale aux excès du pouvoir caractérise une société en proie à ses difficultés internes : sans contre-pouvoir institutionnel, toutes les dérives sont possibles."
Il me semble, Jean-Dominique Reffait, que cette affirmation relève davantage de l'opinion que du constat objectif.
S'agissant de l'erreur matérielle, croyez-vous un instant que l'institution ait eu besoin d'une injonction pour tenter de la corriger.
Quant aux saboteurs de Tarnac, vous tenez absolument à en faire les premiers martyrs d'un Etat répressif ? Mais ils me font penser à d'autres zozos, ceux de l'arche de Zoé...
Vous raisonnez comme si les charges étaient insignifiantes et que le maintien en détention, le chef d'accusation, relevaient de l'abus de procédure et de langage.
La dérive à laquelle nous sommes peut-être exposés, c'est celle de voir des groupuscules jouer avec le droit et la société médiatique.
Sans préjuger du résultat de l'instruction, il n'est pas impossible que ces individus aient choisi ne pas assumer leurs actes tout en revendiquant une posture, une forme d'héroïsme sans les inconvénients judiciaires.
Cela confère au profil "révolutionnaire" qui est le leur un tour quelque peu cynique.
Rédigé par : Daniel Ciccia | 16 janvier 2009 à 14:25
Votre billet est dense et, pour tout dire, bien plus fouillé que votre précédent sur le même sujet.
Quelques remarques :
A Outreau le parquet n'a pas démontré de capacité supérieure de rigueur à celle du juge d'instruction. Remplacer une incurie par une autre ne m'apparaît pas d'un grand bénéfice.
Vous êtes dans une logique de système et non d'objectifs : accusatoire ou inquisitoire. La question n'est pas là. Il s'agit de faire de bonnes enquêtes sans préjuger d'un système, d'un autre ou d'un troisième qui n'existerait pas encore.
Un collège de juges enquêteurs, le premier chargé des charges, le deuxième chargé de la décharge, le troisième chargé de la coordination entre les parties, avec des pouvoirs d'enquêtes conférés au parquet et à la défense, c'est ni accusatoire, ni inquisitoire, cela rentre dans les pôles de l'instruction, mais, il est vrai, c'est coûteux.
Le parquet a tout de même récemment démontré son inféodation grandissante au pouvoir politique : la demande de rectification d'erreur matérielle, qui n'était pas envisagé par le procureur et qui a été exigée par le gouvernement, les terroristes de Tarnac... Bien au contraire, l'indifférence générale aux excès du pouvoir caractérise une société en proie à ses difficultés internes : sans contre-pouvoir institutionnel, toutes les dérives sont possibles.
Rédigé par : Jea-Dominique Reffait | 16 janvier 2009 à 11:14
Une magistrate, dont j'ai oublié le nom, a quitté la commission après l'annonce par NS de supprimer le juge d'instruction.
Rédigé par : Marie | 16 janvier 2009 à 06:56
Aïssa,
Nicolas Sarkozy était un grand défenseur de la discrimination positive et il voulait la mettre en place. Il a nommé une commission et cette commission a décrété que non, ce n'était pas la peine en France de mettre en place de la discrimination positive. Bref, elle est allée à l'encontre du président qui a accepté les conclusions du rapport... Vous faites exactement ce que Philippe Bilger décrit, de la "présomption lassante de malveillance démocratique à l'encontre de tout ce que propose Nicolas Sarkozy".
Cordialement,
jsl
Rédigé par : jsl | 16 janvier 2009 à 06:18
@ Aïssa
J'avoue ne pas comprendre le rapport entre Jean-Marie Messier et le capitalisme financier des banques d'investissement que je connais un peu : c'est mon gagne-pain, je blogue en configurant les logiciels qui aident les traders à être bons.
Et je ne vois pas le lien entre ces deux personnes, à part d'être polyo-magiciens. Ce n'est pas une tare à vos yeux, j'espère.
D'ailleurs, auriez-vous un lien avec les frères Lacheb ?
Rédigé par : Alexandre | 16 janvier 2009 à 02:03
"La Commission Léger n'est pas au bout de ses peines car si elle arrête ses travaux à hauteur de la structure évoquée par le président, nous aurions en effet une apparence étriquée d'accusatoire qui serait presque pire que le mal inquisitorial."
Pourquoi presque ?
Rédigé par : Claire | 16 janvier 2009 à 01:14
Bien sûr Philippe, lorsqu'on a un caractère comme le vôtre, indépendant et peu soucieux des ordres émanant de la Chancellerie, on peut souhaiter la disparition du juge d'instruction sans crainte.
Mais qu'en sera-t-il avec d'autres procureurs moins intransigeants ? Car rien n'est dit sur l'indépendance du Parquet qui, jusqu'à preuve du contraire, est quand même soumis au garde des Sceaux.
Je n'aborderai pas ici, par respect, les cas concernant quelques familles ainsi que la mienne —je le ferai ultérieurement et ailleurs— mais à constater les méthodes des procureurs qui les ont traités, je doute très fortement de l'objectivité d'un Parquet aux ordres, et surtout de sa volonté de recherche de la vérité. Car rien, dans ce nouveau dispositif, ne nous promet un accusatoire aussi rapide et volontariste que vous le décrivez, sauf peut-être pour des conclusions à sens unique. Parler d'enquête rapide sous-entend aussi superficielle. A moins de n'avoir pas tout compris, je ne pense pas que moins de lenteur et plus de rythme, comme vous le dites, donnent forcément la bonne mesure.
Mais je ne suis pas un spécialiste, loin s'en faut; toutefois je me dis que si l'on modifie un élément de l'architecture sans l'étayer, elle risque d'être bancale. Rétablir l'équilibre serait alors de donner au Parquet la même liberté d'action que celle qu'avait le juge d'instruction.
Si je peux vous faire crédit de cette indépendance assumée dorénavant par le procureur, et par lui seul —après tout ce serait faire un procès d'intention que d'en douter— permettez-moi cependant de ne pas croire un instant qu'un éventuel scandale, dans le climat contemporain, serait à même d'éviter un Parquet censément aux ordres. Peut-être d'ailleurs grâce à ce climat actuel serait-ce encore plus tentant: un scandale chasse l'autre, et les grains de ce chapelet s'oublient aussi vite qu'ils surgissent.
Rédigé par : Patrick PIKE | 16 janvier 2009 à 00:53
"La commission Léger n'appartient pas au Président de la République", écrivez-vous, cher PB. Cela me laisse coi que cette assertion ... Je ne sais si je dois en rire ou demeurer stoïque et discrètement sourire ... Si je me pose la question de savoir ce qui n'appartient pas au Président de la République, peu de choses me viennent à l'esprit. Je n'entends pas cette propriété au sens de propriété privée, comme on dirait d'une usine ses actionnaires, d'une maison son acheteur ... Mais j'ose, cependant, et invente sans complexe le terme qui sera, je n'en doute pas une seconde, juridique bientôt, une fois ce commentaire lu par l'austère et grave législateur, de "propriété d'ascendance présidentielle". Quand les contre-pouvoirs officiels de la République sont terrorisés à l'idée de dire ce qu'ils pensent au Président de la République voire de lui opposer leurs pouvoirs, pensez-donc, une commission, quelques quelconques nommés avec une vague feuille de route, histoire de les occuper ... Vous voyez, sans rire, un petit Léger dire non au Président, quand l'Assemblée nationale elle-même se fait toute petite et disparaît quand notre homme apparaît et crie un peu fort?... Et les "petits pois", ont-ils ramené leur fraise, ce jour-là? Soyons sérieux deux minutes: la commission fera ce qu'on lui dira, point barre. Comme toutes les commissions. Il y a à l'Elysée -je l'ai vue, que l'on me croie!- une grande poubelle à l'extrémité de la salle des réceptions, on la vide tous les mois, le papier est recyclé en ces périodes d'économie, c'est là que finissent les rapports des commissions et d'autres choses encore, moins réfléchies, travaillées ... Il n'est même pas sûr -en tout cas, je n'ai pu en avoir la confirmation car j'ai posé la question- qu'une copie en soit faite et envoyée -comme il se doit, comme il se devrait- aux Archives nationales ... pour l'Histoire.
Dans ce système bâtard de notre régime politique, parlementaire en droit, présidentiel en fait, vous voudriez qu'il n'en soit pas de même du système judiciaire? Vous souhaitez une autre clarté, quand c'est on ne peut plus clair partout ailleurs?... Quoi, Bilger subversif, révolutionnaire?! Une commission politique qui n'appartiendrait à personne, qui ferait du nez et du prout au Président!... Et puis quoi encore?! un comité de Salut public?!
Je considère ce billet comme une belle démonstration juridique à laquelle j'adhère en totalité. Sauf la conclusion, mon cher PB, ces deux lignes de la fin qui sont un véritable moment d'anthologie de l'humour, a contrario ... Je suis sûr que vous l'avez fait exprès, du meilleur Buster Keaton ... N'ayez crainte, la soldat Nathalie Kosiuzko-Morizet, capitaine de Polytechnique, vient d'être nommée au numérique, à l'internet, le ministère, cherchez l'immeuble, il n'existe pas, c'est virtuel ... Elle sait déconner elle aussi ... Comme Jean-Marie Messier, dans un autre registre, que j'écoute en cette seconde où j'écris, au journal de France 3, qui nous explique doctement, une larme aux yeux, que le capitalisme financier, beurk, c'est vilain pas beau ...
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 15 janvier 2009 à 23:04
Cher PB,
Votre billet a le double mérite de la clarté et de l'éclectisme.
Je ne peux, à mon humble avis de citoyen ordinaire, mais pas ignorant des dégâts collatéraux des instructions et jugements, que persister dans l'énoncé de la nécessaire présence du peuple dans le cours de la justice. Ce peuple au nom de qui la justice est rendue doit être plus présent dans les débats contradictoires.
Présent non pas seulement comme spectateur, mais comme acteur, comme auxiliaire de justice.
Pourquoi ne pas étendre le rôle des jurés tirés au sort pour une session d'assise, jusqu'à devenir assesseur lors des débats contradictoires et pourquoi pas aussi en correctionnelle.
Et même j'oserai dire que les jurés devraient être seuls présents dans le délibéré des assises.
Si l'on me démontrait la nécessaire présence des magistrats pour apporter leur connaissance du dossier, je ne leur concèderais pas le droit de vote.
Oui, je sais mes propositions sont abruptes, mais après tout, parole doit être laissée au peuple qui juge et qui vote, c'est ça la véritable démocratie.
Cordialement mais peut-être rêveur naïf.
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 15 janvier 2009 à 18:20
En prévision sans doute du second billet sur les juges d'instruction que j’ai dû pressentir venir, j'ai acquis :
le roman de Scott Turow :
« L'angoisse du juge » !
« Le juge Mason se réveille chaque matin avec le sentiment d’avoir été plus gâté par le destin que ses contemporains. Jusque-là tout semblait lui sourire, sur tous les plans. Après une brillante carrière d’avocat criminaliste, voilà neuf ans qu’il a cessé de plaider pour siéger à la cour d’appel de Kindle County.
Pourtant, confronté à une décision délicate à prendre dans une affaire de viol particulièrement odieuse et ambiguë, le juge Mason se prend à douter de lui, de la nature même de la loi et de sa capacité à l’appliquer. Mais d’où vient ce malaise ? Est-ce le cancer dont est atteinte sa femme, ou ces étranges messages dont le harcèle un mystérieux internaute ? Et qu’en est-il vraiment de cette affaire de viol sur laquelle George a tant de mal à statuer… ?
Scott Turow, maître incontesté du thriller juridique, nous pose dans ce superbe roman les plus vastes questions, dont celle de la conscience morale, avec l’ingéniosité et l’élégance qui le caractérisent. Il s’attaque à toutes les limites – celles de la loi, certes, mais aussi de la compassion et de la compréhension humaines. »
Rédigé par : Marie | 15 janvier 2009 à 18:12
Je préférais l'accusatoire (car j'ai du mal à croire qu'un être humain normalement constitué, fût-il juge, puisse défendre efficacement à la fois la thèse et l'antithèse), sans être trop sûr de mes arguments. Alors merci pour cette vision éclairée (et bien écrite) d'un sujet à la fois compliqué et important. :)
Rédigé par : Account Deleted | 15 janvier 2009 à 17:36