La Justice a-t-elle vraiment besoin de Bernard-Henri Lévy ? Le sentiment de vérité et de justice aussi bien que l'institution judiciaire elle-même ?
La question doit se poser puisque l'intellectuel préféré des médias, à la fois donneur de leçons, mondain et très riche s'est multiplié à Lyon où il a été témoin - je corrige : Grand Témoin - dans le procès de presse intenté par la LICRA contre Siné et dans une affaire criminelle où il lui était demandé à toute force de convaincre que le crime était raciste. Dans cette double situation, BHL s'est employé à faire ce qu'on attendait de lui : utiliser son intelligence flamboyante, impérieuse et biaisée pour laisser croire qu'il était détenteur par essence du Vrai, du Juste et de l'Ethique, donc irréfutable ! J'espère qu'on saura lui résister. Les ministères publics apparemment n'ont pas succombé (Le Monde et Le Parisien) et la cour d'assises du Rhône, avec son jury populaire, n'a pas été conquise non plus (site du Nouvel Obs).
Sur le débat ayant opposé Philippe Val à Siné et, avec le premier, tous les hémiplégiques de la liberté d'expression - ce qui est bon contre Mahomet n'est pas tolérable pour Jean Sarkozy -, je n'aurais rien désiré ajouter de plus que ce que j'avais déjà mentionné dans un billet sur Siné et Le Monde. Toutefois, comme Fernand Schir, le président du tribunal correctionnel de Lyon, a bien voulu à ce sujet faire part de mon opinion à BHL - j'estimais qu'on avait le droit de dénoncer un comportement singulier mais que l'offense plurielle et globale aurait, elle, pu caractériser le racisme ou l'antisémitisme - et que celui-ci a répliqué, je m'autorise un commentaire.
D'abord je remercie mon collègue de m'avoir fait l'honneur, par son entremise, d'apporter la contradiction à BHL. Ensuite, si j'ai esquissé cette analyse, c'est avec la prudence et la retenue, le doute créatif qui doivent imprégner toute réflexion véritable dans le domaine si compliqué et incertain du droit de la presse. Il va de soi que je n'ai jamais eu l'outrecuidance, parce que précisément je connaissais la matière, d'émettre un avis péremptoire et indiscutable sur cette polémique concernant Siné. Il me semble toutefois que j'ai ouvert une piste sérieuse qui est de nature à favoriser la liberté d'expression. Aussi, quelle n'a pas été ma déception en lisant la réaction du philosophe qui s'est contenté avec assurance de signifier "qu'en cette matière le singulier vaut pluriel". Le tour est joué. Tout est dans tout, l'unique vaut le multiple et l'antisémitisme est partout. J'y reviendrai mais il m'apparaît que c'est déjà une offense au combat légitime contre ce fléau que cette désinvolture de la réponse, cette négligence hautaine dans l'argumentation. Derrière cette intervention de BHL à la demande de la LICRA, je vois moins l'indignation de personnalités moralement affectées que la solidarité d'une confrérie de copains contre "un type" qu'ils n'aiment pas, Siné. Quel bonheur intellectuel j'ai savouré lorsque j'ai appris que notre collègue parquetier lyonnais avait requis la relaxe au bénéfice de Siné ! Je me suis senti confirmé dans mon éloge judiciaire de la province alors qu'à Paris, dans une instance opposant le même Siné à Claude Askolovitch qui l'avait traité "d'antisémite", le ministère public n'a pas hésité à requérir, au nom de la liberté d'expression, la relaxe du second qui l'avait pourtant déniée au premier ! Je choisis la cohérence lyonnaise. En attendant le jugement.
L'irruption de BHL dans l'espace judiciaire n'était rien à côté de celle qu'il a opérée dans un débat criminel infiniment plus grave que les excellents articles de Patricia Jolly, dans Le Monde, nous ont permis de suivre et de comprendre. Il est vrai que BHL s'était déjà commis, dans une chronique du Point en date du 30 mars 2006, à dénoncer - comme s'il y était ! - le caractère xénophobe du crime. A l'audience, il a fait bien davantage. Contre beaucoup de témoignages, contre les dires de l'accusé lui-même, contre la vérité, pour lui déplaisante, d'un crime qui n'était pas raciste, il a proclamé le contraire au nom d'une argumentation perverse et grosse d'infinis dangers pour tous les innocents de la pensée. Comme l'a justement souligné l'avocat de l'accusé Garcia, "cette terrible théorie venant tout droit de Saint-Germain-des-Prés" fait du silence une infraction. BHL, qui n'en était plus à une outrance près, a osé dire que le refus de reconnaître la nature raciste du crime constituerait "un déni de justice". Ainsi, le Grand Témoin s'étant prononcé, la cour d'assises n'avait qu'à humblement se soumettre à son diktat ! Heureusement, le procureur général Viout a mis la vérité au centre des débats et notre essayiste à sa place.
Que la LICRA, faisant racisme de toute parole et de tout écrit - il serait dramatique d'être en retard d'une indignation même si, avec cette précipitation, on détruit une liberté républicaine fondamentale - cite comme témoin BHL, c'est dans l'ordre préoccupant des choses. On ne sait jamais, ce que son argumentation ne démontrera pas, sa réputation peut-être l'établira. Mais que François Saint-Pierre, avocat de la partie civile dans le procès criminel, ait jugé utile de faire venir le philosophe au soutien de sa cause est beaucoup plus étonnant. Cela permet de conclure que même un très grand avocat n'est pas totalement libre dans cette terrible et éprouvante nasse qu'est la défense de partie civile. Que venait donc faire BHL dans cette galère ? Quel gain ce conseil brillant pouvait-il espérer de cette intrusion incongrue et de cette dénonciation accusatrice à proportion de l'ignorance de celui qui la proférait ? Car, enfin, que ce soit pour l'audience correctionnelle ou pour la cour d'assises, quelle compétence particulière avait ce Grand Témoin pour venir offrir ses prétendues lumières ? Il n'était pas juriste, n'avait nulle légitimité pour effectuer une analyse technique de l'écrit de Siné. Certes, comme il l'a dit lui-même, il "pense" mais au risque de le désobliger, une multitude de penseurs, d'intelligences n'ont pas cru nécessaire, au nom de leur seule individualité d'être humain et de citoyen, de s'avancer dans la lumière pour proclamer des certitudes aussi néfastes à la démocratie qu'à l'équité et à la justice. D'où viendrait alors à BHL cette audace de se croire sans cesse dépositaire de l'universel, mandaté en permanence pour arbitrer et proclamer en notre nom, fondé à décréter sans trembler un tel pur et tel autre raciste ou antisémite ? Faut-il aller jusqu'à cette interrogation risquée : parce que BHL est juif, il se déclarerait investi, bien plus que quiconque, de la mission de séparer le bon grain de l'ivraie et infiniment habile et avisé dans l'identification de l'un ou de l'autre ? On aboutirait ainsi à un privilège qui serait octroyé à un intellectuel non pas en raison de ce qu'il pense mais de ce qu'il est. Quelle dérive que cette présomption si elle existe !
Ainsi, pour BHL, on est raciste ou antisémite parce qu'on affirme qu'on ne l'est pas. En effet, "le silence est une infraction". Qui ne voit l'impressionnant rouleau compresseur de la liberté qui risque de se mettre en branle ? Lorsque BHL répond à un journaliste, qui lui demande "comment faire alors pour démontrer qu'on n'est pas raciste ou antisémite", que lui sait "qui est raciste ou antisémite" et que les médias sont responsables de la vulgarité et de l'effervescence qui accompagnent ses interventions, il demeure avec complaisance dans le registre du totalitarisme personnel. Il impose, par décret, son autorité intellectuelle et espère qu'elle tiendra lieu de tout. Plus personne n'est à l'abri sur le plan du racisme et de l'antisémitisme puisque nous sommes tous coupables de nous taire ou de nous exprimer. Faire silence sur le pire, c'est l'admettre. Dire, c'est forcément du racisme ou de l'antisémitisme. C'est Garcia l'accusé ou Siné le polémiste honni. Notre juge, notre Grand Témoin, c'est BHL. Le monde ainsi est bien ordonné qui l'a offert à ceux qui errent dans le noir et qui n'ont plus qu'à s'en remettre à lui.
Il n'y a pas de quoi rire. Si le judiciaire semble s'être sorti à son avantage des avancées imprudentes de BHL, je suis stupéfié, en revanche, par la complaisance médiatique. Il est vrai qu'au sujet de BHL, on l'a souvent évoquée ; mais dans ces péripéties lyonnaises, elle atteint son comble. Des journaux les ont narrées sans insister mais pour décrire leur caractère à la fois ridicule et dangereux, personne ne s'est levé. Il fait peur apparemment. J'admets ses puissances secrètes, l'étendue de son emprise, les clientélismes qui s'abreuvent à sa source, son aura indéniable et inquiétante. Il n'y a pas qu'en économie que les "maîtres du monde" sont à craindre. Il suffit de lire le récit de son cher ami Enthoven sur la vie festive et occulte de BHL et de son épouse à Tanger pour percevoir qu'on ne fait pas le poids, que les médias, pour la plupart, rampent parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Pas tous les médias heureusement, mais si peu de lucidité pour tant d'ivresse. Un article à la fois informé et d'une pertinente distance critique de Fabrice Arfi dans Mediapart. Un billet percutant de Philippe Cohen dans Marianne 2 qui éclaire la contradiction entre le soutien à Salman Rushdie et la chasse à Siné. C'est tout. Je songe à Marguerite Duras qui, en dépit de son génie, ne s'était jamais vraiment remise de son "forcément sublime" au sujet de Christine Villemin que son intuition erratique sentait coupable. Ce qu'elle a subi, le ridicule qui l'a atteinte, le discrédit dont elle a été victime, BHL, pour bien plus, en est toujours indemne. Pourquoi ?
Je ne méconnais pas la difficulté du parler libre, du parler vrai. Une récente expérience télévisuelle m'a fait percevoir qu'on vous y incite mais à condition de demeurer dans les limites subtiles qu'on devrait savoir appréhender avec finesse. Et ce n'était pas mon cas. Dans les débats, il y a des participants "plus égaux" que d'autres auxquels il convient de ne jamais toucher. J'imagine, devant la difficulté et le malaise d'un débat apparemment facile, spontané et sans entrave, les problèmes suscités par la mise en cause et la démythification d'une personnalité comme celle de BHL. Beaucoup plus dur que de sortir de la connivence politique. Je constate et je regrette.
Pourquoi, tout de même, BHL demeure-t-il une référence même quand il se trompe, un exemple même quand il faillit, une omniprésence, même quand il lasse ou irrite ?
La Justice va peut-être la première limiter un peu cet inexplicable état de grâce, cette propension à se croire partout nécessaire. Cette anomalie dans un monde qui prétend détester les idoles.
Monsieur, je tiens à vous exprimer mon admiration pour votre soutien à Eric Zemmour et votre combat pour la liberté d'expression.
Rédigé par : step | 27 mars 2010 à 20:40
Je suis évidemment d'accord avec ce que vous dites sur BHL. Il n'en est pas à son premier coup. La façon dont il a honni la Serbie, par exemple, est un bel exemple de "racisme" primaire de sa part. Pourquoi ne défend-il pas la Justice serbe lorsqu'elle essaie d'enquêter sur les trafics d'organes organisés en Albanie sur des prisonniers civils serbes et que le parquet albanais refuse d'instruire ? Pourquoi ne s'offusque-t-il pas lorsque la justice bosniaque poursuit uniquement les criminels serbes et refusent d'instruire les crimes perpétrés par les Bosniaques musulmans ? Et lorsque le président croate Mesic vient de commuer une peine d'un criminel de guerre croate, Sinisa Rimac, qui a tué une famille serbe et notamment une fillette de 12 ans, Aleksandra Zec ?
M. BHL est un beau menteur qui, avec son intellect, sait très bien mentir...
Rédigé par : Brkic | 10 janvier 2010 à 13:16
Voilà, juste pour dire que quoi qu'on raconte moi j'aime beaucoup lire ton blog ! ;)
Rédigé par : Wiki | 05 avril 2009 à 21:56
"Je songe à Marguerite Duras qui [...] le discrédit dont elle a été victime, BHL, pour bien plus, en est toujours indemne."
Est-ce parce M. Duras, elle, est une (vrai) intellectuelle?
Rédigé par : G R | 12 mars 2009 à 01:01
Cher Philippe Bilger,
Permettez-moi de vous le dire : il n'y a pas que Mediapart ou Marianne pour faire entendre des avis contraires, ouvrez un peu l'éventail de vos lectures !
www.politis.fr / Le bloc-notes de cette semaine (en lecture libre), qui pose notamment la question : " Son bloc-notes (à BHL) dans Le Point vaut le détour ! Quelqu’un peut-il expliquer au grand philosophe qui est Philippe Bilger ? ”
Avec mes meilleurs souvenirs,
Bernard Langlois
Rédigé par : B.L. | 12 février 2009 à 10:54
La prochaine fois, pourquoi ne pas inviter Guignol comme témoin ? Ne soyons pas timides, allons-y gaiement !!
Une pareille affaire, c'était vraiment un piège : y tomber aurait contribué à discréditer encore plus la justice de ce pays.
Mais sinon, vraiment bravo pour votre article, Philippe ! Personne ne pourrait mieux dire que vous à propos de cette affaire.
Rédigé par : Nathalie | 08 février 2009 à 21:24
Tout le monde a besoin de balayeurs...
Personne n'a besoin de BHL...
Rédigé par : djh | 04 février 2009 à 20:12
@Vincent
Erreur ! Le vieux stéréotype de l'antisémitisme qui prétend faussement qu'être juif implique l'argent n'interdit pas de constater, que dans le cas bien précis de la fiancée de Jean Sarkozy, elle est bien riche nonobstant sa confession... On ne va pas nier la richesse d'une personne sous le prétexte qu'elle serait juive et si chaque fois qu'un juif a de l'argent, on doit lobotomiser tous ceux qui sifflent d'admiration au passage de la Rolls, ça va être coton.
Et BHL, milliardaire, venant dénoncer ce stéréotype, plaisant... Tous les juifs ne sont pas riches, la preuve, c'est que je suis riche !
Et puis, mince à la fin ! Les juifs d'Europe ont été chassés de tous les emplois publics, interdits de cultiver la terre et ont su développer d'autres savoir-faire dans les professions commerciales, les sciences et les arts, quand l'un d'eux épousait la carrière militaire, chichement payée, ça pouvait finir comme Dreyfus, alors oui les juifs ont proportionnellement plus d'argent que d'autres groupes, c'est une réalité fondée sur un contexte historique douloureux de discrimination séculaire à leur égard. Ils ne l'ont pas volé sauf quand un Madoff pille ses coreligionnaires.
Je suis pas antisémite, la preuve, j'ai un ami juif pauvre ! Si jamais il gagne de l'argent, je suis mal...
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 04 février 2009 à 18:03
@Cetrio : merci pour votre... témoignage (!)
La question - élémentaire - que l'on peut alors se poser : pourquoi le Président de la Cour a-t-il accepté cette mascarade ?
-BHL n'est pas un témoin direct
-BHL n'est pas un témoin de moralité... mais, en l'espèce, d'a-moralité
-BHL n'est pas un témoin : il ne témoigne que de lui-même, de son engagement, etc.
-A-t-il prêté serment ?
-Si oui, quelle est "la" vérité qu'il jure de dire ?...
Je confesse n'être pas pénaliste...
Rédigé par : sbriglia | 04 février 2009 à 17:51
"Qu'est-ce que c'est que ces petits mecs qui viennent s'en prendre à quelqu'un qui a passé une vie d'engagement"
"Y en a marre de ces petits procès et de ces petites saloperies, de ces nains qui se juchent sur les épaules de quelqu'un qui a fait quelque chose de sa vie et qui essaient d'en tirer avantage", dénonce BHL."
Vérification faite,il s'agit de Pierre Péan, pour son livre sur le docteur K.
...on respire !
Quoique PB sur les épaules de BHL... faudrait qu'il se muscle un peu la colonne, notre plus beau décolleté de la littérature...
Rédigé par : sbriglia | 04 février 2009 à 15:48
Cet avis de magistrat me fait très plaisir.
Pénaliste de formation, je porte aussi un regard très critique sur l'intervention de BHL.
J'ai profité de sa présence à la cour d'assises de Lyon pour un petit reportage photo improvisé qui m'a servi de support pour donner mon avis sur le "témoignage" de BHL.
Je le donne ici : http://www.flickr.com/photos/cetrio/3234614391/
Ou voici le texte seul :
BHL bafoue les principes essentiels du procès équitable.
Cet après-midi du mercredi 28 janvier 2009, Bernard-Henri Lévy, était appelé à la barre de la cour d’assises de Lyon pour témoigner dans le cadre du procès de M. Jean-Marie GARCIA, qui comparaît pour le meurtre de M. Chaïb ZEHAF, commis en mars 2006 à la sortie d’un bar, à Oullins.
Le philosophe, appelé à la demande de l’un des avocats de la partie civile, vient prendre la parole pour soutenir l’idée qu’une idéologie raciste serait à l’origine des agissements reprochés à l’accusé.
Exposant son point du vue au rythme des questions de l’avocat de la partie civile, M. LEVY n’a pas suscité l’intérêt de l’avocat général par son intervention (qui s’est abstenu de lui poser des questions), mais a été également interrogé par les avocats de la défense.
Sa simple présence à cette audience et les discours qu’il est venu y tenir ne peuvent paraître que préoccupants aux yeux du pénaliste ; défenseur des règles de procédure pénale destinées à garantir un procès équitable. C’est donc naturellement que s’impose l’architecture juridique à la construction de ce bref exposé. En effet, l’intervention de M. Lévy illustre deux problèmes d’envergure. D’abord elle manifeste une atteinte aux règles les plus élémentaires de la procédure pénale. Ensuite elle illustre les complexes que l’on s’impose vis-à-vis des notions de racisme et d’antisémitisme.
I.Le mépris des grands principes de la procédure pénale.
C’est d’abord l’intervention de M. Lévy en elle-même qui pose problème. Comment ne pas se demander à quel titre il est admis à s’exprimer dans le prétoire ? Ensuite ce sont ses déclarations même qui ne pourront que choquer le juriste, par les atteintes à la présomption d’innocence qu’elles manifestent et le mépris des fonctions du procès pénal dont elles se font revendication.
A-La mise à mal de l’indépendance de la justice.
Le président s’impatiente : « La cour d’assises n’est pas à la disposition du témoin ». Qui est ce témoin qui se fait attendre, alors qu’habituellement un témoin appelé à la barre est immédiatement introduit dans la salle d’audience ? Quelques instants plus tard le public l’entendra de la bouche du témoin lui-même. A la question du président lui demandant de décliner son identité, sa date de naissance, sa profession et son domicile ; il répond : « Bernard-Henri Lévy, né le 5 novembre 1948, écrivain, domicilié boulevard Saint-Germain à Paris ».
Que vient-il faire dans cette cour d’assises, peut-on alors se demander. Aurait-t-il donc été présent à Oullins lorsque les coups de feu ont été tirés ? Pas le moins du monde ; mais Bernard-Henri Lévy a tenu à être présent pour expliquer que l’accusé est une personne fondamentalement raciste et que c’est cette idéologie qui lui a inspiré le crime qu’on lui reproche. On sait qu’il était présent également à un autre procès pour soutenir la thèse de l’antisémitisme du dessinateur Siné. Racisme, antisémitisme, BHL est de tous les procès. Il part en croisades. Aussi légitime que soit sa volonté du lutter contre ces fléaux d’indifférence, de haine et de mépris, on ne peut que s’étonner qu’il soit « invité » dans un procès de cour d’assises pour haranguer les jurés autant que le public sur ces problèmes.
Des experts psychiatres et psychologues ont examiné l’accusé. Ne sont-ils pas les mieux à même de s’exprimer sur la psychologie de cette personne ? Ne sont-ils pas les seuls à même d’apporter aux jurés quelques informations afin de les aider à forger leur conviction ? A quel titre un personnage public profite-t-il de sa notoriété pour se faire le pourfendeur des idéologies néfastes dans le cadre d’un procès qui est celui d’un homme et non celui des idées que l’on peut vouloir lui prêter ? Par cette intervention de M. LEVY, on a fait entrer le politique dans les prétoires. Lorsque que l’on imagine les pressions politiques qui pourraient gravement peser sur le travail du procureur de la République (dont la qualité de magistrat est contestée par certains en raison du défaut d’indépendance qui le caractérise) si l’on supprimait le juge d’instruction comme l’idée en a été émise ; on peut commencer à être inquiet pour l’indépendance de la justice.
Une question posée à M. LEVY par un journaliste à la sortie de l’audience pose en outre une interrogation récurrente des procès médiatiques : n’est-il pas à craindre que le procès soit fait par les médias ? M. LEVY sans se départir de son aplomb, répond alors au journaliste « cela dépendra de vous », alléguant que lui-même n’est pas concerné. Il fallait tout de même oser, après que les avocats de la défense lui ont fait des reproches quant au contenu d’une chronique qu’il avait lui-même publiée dans Le Point à propos de l’affaire, dans laquelle il accablait le mis en cause, le condamnant déjà pour racisme.
Si le caractère raciste du crime est reconnu et que M. GARCIA est déclaré coupable, alors, sa peine s’en trouvera aggravée. Seulement, peut-être se trouve-t-on simplement face à un « pauvre bougre », selon une expression de Simenon, criminel d’occasion, sans motivation raciste.
Comment M. LEVY, simple spectateur, peut-il, de son regard extérieur, acquérir la certitude que l’accusé était motivé par une animosité empreinte de racisme ? Et quand bien même telle serait son opinion, sur quel fondement l’autorise-t-on à venir l’exprimer dans l’enceinte de la cour d’assises. Le public n’a pas accès au dossier. M. LEVY qui n’est pas partie au procès n’a pas eu accès au dossier. Peu de temps après les faits il écrivait pourtant, comme on a pu déjà l’évoquer, une chronique pour Le Point, accablante pour l’accusé. Sur la base de quels éléments ? Aucun ! C’est vainement que l’avocat de la défense cherchera à le lui faire admettre. Tout de même, ses questions sauront mettre M. LEVY assez mal à l’aise, qui devra admettre le peu de cas qu’il fait du principe de la présomption d’innocence.
B-La méconnaissance de la présomption d’innocence et des finalités de l’action publique.
Ceux qui étaient venus dans le morbide espoir de voir des larmes auront, grâce à M. LEVY, eu l’occasion d’en verser eux-mêmes, tant il fut virulent dans ses évocations à répétition de la tristesse du sort de la victime, de la douleur qu’elle aura engendrée, de l’horreur qu’elle symbolise. Sans cesse, il justifiait ses diatribes contre l’accusé par le sort de la victime. Son discours pamphlétaire aura su émouvoir les âmes sensibles. Il n’aura pas su escamoter aux yeux du juriste le fait qu’il n’était qu’un alibi pour mieux asséner ses accusations de racisme contre une personne dont il ne savait rien d’autre que le fait qu’on lui reproche d’avoir donné la mort à une personne appartenant à ce que l’on appel en langage journalistique, une « minorité visible ».
Les avocats de la défense feront remarquer à M. LEVY que dans sa chronique publiée dans Le Point, il affirme de façon péremptoire des choses qu’il tient comme acquises et qui constituent des accusations de racisme à l’encontre de M. GARCIA, alors même qu’il n’aurait su être, au moment où il a écrit son article, en mesure de connaître pareilles choses.
La défense fait valoir que M. LEVY dans sa chronique, présentait l’accusé comme coupable d’un crime raciste, faisant fi de la présomption d’innocence. Le témoin cèdera : oui, solidaire face à la douleur de la victime, il peut en venir à ne pas tenir compte de la présomption d’innocence. Pourtant, le respect de ce principe essentiel des droits de la défense s’impose à la presse, puisque l’article 9 du Code civil dispose en son alinéa 2 que « Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut […] prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence ».
M. LEVY, qui refusera d’admette avoir accusé M. GARCIA de racisme sans avoir en mains des éléments lui permettant de fonder pareille accusation, cèdera donc tout de même à la défense que la présomption d’innocence, ce n’est pas son affaire. On n’est plus très loin de l’élan populiste qui voyait celui qui l’adopte se ranger derrière l’opinion publique qui réclame la tête d’un homme ; en ces temps trop peu éloignés où le personnel de justice comportait encore dans ses rangs des personnes capables d’aiguiser une lame avec plus de dextérité qu’un rémouleur immatriculé au RCS. Dans ses agissements, M. LEVY se comporte de la même façon. Dans ses intentions, on ne saurait bien sûr lui ôter le fait qu’il agisse dans le cadre d’une lutte contre des idéologies néfastes.
Mais cette motivation si noble fut-elle lui fait encore perdre de vue une chose essentielle. L’action publique n’a pas pour objectif la vengeance de la victime. Cela ne tient aucune place dans les finalités du procès pénal. Celui-ci a vocation à sanctionner un coupable, afin de faire cesser ou de réparer le trouble subi par la société en raison de l’infraction, ainsi que de parvenir à l’amendement du condamné par l’exécution de sa sanction (entre autres fonctions de la peine). C’est donc un homme que l’on juge : l’auteur des faits constitutifs d’une infraction pénale. Sur ce point, M. LEVY commettra encore une maladresse, parlant d’assassinat. Incrédule quand la défense lui rétorquait qu’il ne s’agit pas d’un assassinat ; M. LEVY ignorait probablement que pareille qualification suppose la préméditation, ce qui n’aurait su être reproché à l’accusé.
Finalement, c’est la question de la place de la victime dans le procès pénal qui est soulevée par les motivations de M. LEVY à venir témoigner. En réalité, l’accusation est déjà soutenue par l’avocat général, qui défend l'intérêt de la société. Il faut garder à l’esprit que la présence des parties civiles n’est qu’un cadeau qui leur est fait parce que l’on espère que le théâtre de la justice en action les aidera à surmonter l’épreuve de leur douleur (et parce que l'on a attrait devant le juge pénal le contentieux de l'indemnisation de la "victime pénale", selon une expression de MM. Buisson et Guinchard. Ceux-ci prennent d'ailleurs acte de la situation en expliquant, dans leur manuel, qu'au final "l'action civile a un double objet : indemniser la victime et, préalablement, condamner la où les personnes poursuivies comme auteurs de l'infraction reprochée"). En aucun cas la cour d’assises ne se pose en vengeresse des victimes, si forte soit leur douleur, si émouvant soit leur chagrin, si légitime soit leur désir d’apaiser leurs souffrances. Les droits de la défense ne sauraient être bafoués en raison de la douleur des victimes.
Et la douleur d’une famille n’influe pas sur la qualification pénale, et ne saurait justifier que l’on aggrave un meurtre du fait de racisme s’il n’est pas établi que cette circonstance aggravante était présente dans l’esprit de l’auteur de l’infraction.
II.Le complexe du racisme.
M. LEVY vient donner un exemple éclatant du malaise qui est celui de la société française face au racisme. Au passage, il vient relancer un débat sur les reproches de racisme et d’antisémitisme faits à un brillant écrivain français.
A-La France et le racisme.
Il est patent que la façon dont on parle des étrangers en France est synonyme d’un certain malaise qui se traduira forcément par l’adoption de comportements maladroits et d’attitudes ridicules.
Les propos de Bernard-Henri LEVY à la barre illustrent cet état de fait. Pour expliquer que M. GARCIA se sera emporté en raison de motivations racistes, il souligne qu’il imagine bien qu’il en ait été ainsi puisque, dit-il, en voyant l’accusé – et alors il s’interrompt pour expliquer qu’il a lui-même vu une photo de l’accusé – il n’a pas pu échapper à M. GARCIA qu’il se trouvait face à une personne – et là il cherche ses mots un bref instant – issue de l’immigration d’Afrique du Nord.
Cette formule est symptomatique du malaise quant à l’attitude à adopter face aux personnes d’origine étrangère. Si on appel un arabe une « personne issue de l’immigration d’Afrique du Nord » ; comment va-t-on appeler un noir ? Une « personne issue de l’immigration subsaharienne » ? Et il faudra inventer d’autres formules pour ne pas froisser les noirs originaires d’autres territoires. Il y a quelque chose d’aberrant à croire qu’il serait méprisant de dire : « un noir » ou « un arabe ». Ce n’est pas une distinction entre les races, qui serait bien sûr infondée, qui est faite par ces mots. C’est juste le constat d’un type physique, comme on désignerait un asiatique, un hispanique, un slave, …
Ce malaise face au racisme a une conséquence. Pour éviter d’être accusé de racisme, on va crier au racisme chaque fois qu’une victime, d’infraction en particulier, est une « personne issue de l’immigration … ». Persévérer dans cette voie est l’assurance d’aboutir à une justice à deux vitesses. Celle pour les personnes poursuivies pour des atteintes à des blancs, celle pour les personnes poursuivies pour des atteintes à des personnes de type physique différent ; les auteurs de ces dernières étant systématiquement qualifiés de monstres racistes (on peut être toutefois largement confiant dans la conscience professionnelle des magistrats à ce point de vue, d’autant plus si l’on considère l’attitude de MM. le président de la cour d’assises et l’avocat général, qui n’ont pas manifesté le souhait de faire parler plus longtemps M. LEVY).
Le problème dépasse le cadre de la justice pour atteindre la société toute entière. On n’osera pas écorner l’image de quelqu’un appartenant à une minorité par crainte de subir l’opprobre des tenants de l’idéologie hégémonique bien-pensante.
La politique d’hégémonie, c’est un terme qui entre dans la définition du crime contre l’humanité. On notera non sans en être affligés que M. LEVY évoquera les grands criminels de guerre pour expliquer qu’un criminel raciste nie systématiquement le racisme qui est le sien, pour appliquer cette « maxime » à l’accusé, M. GARCIA… se défendant de tout amalgame quand la défense le lui reprochera. En dehors même de tout amalgame, la comparaison reste osée.
M. LEVY fera feu de tout bois pour attaquer le racisme à travers la personne de M. GARCIA, allant jusqu’à s’en prendre à un célèbre auteur de la littérature française.
B-Louis Ferdinand Céline.
Cela est quelque chose d’anecdotique dans le réquisitoire (à défaut de témoignage) de M. LEVY, et qui ne touche pas directement à la situation de l’accusé ; mais l’énormité du propos semblait à mes yeux justifier de refuser de le laisser sans commentaire. Dans son emportement, M. LEVY va qualifier Louis Ferdinand Céline « d’auteur le plus raciste et antisémite de l'histoire de la littérature française ».
Ne voulant pas empêcher les journalistes professionnels de faire leur travail, j’ai attendu que M. LEVY se sépare d’eux pour l’approcher. Je ne pouvais me retenir de lui demander s’il croit vraiment que Louis Ferdinand Céline est plus raciste que Charles Maurras. Ce à quoi il me répondit avec aplomb que oui. Alors qu’il s’en allait je le suivi pour lui dire que Céline n’avait pas écrit L’Action française. Il m’a répondu qu’il avait écrit d’autres livres dont j’ai eu peine à entendre les titres, séparé de lui que j’étais par une certaine distance. J’ai crois avoir compris qu’il faisait allusion à Bagatelles pour un massacre et L’école des cadavres. Je n’ai pas lu ces livres qui n’ont pas été réédités. Je ne doute pas d’y trouver un racisme et un antisémitisme virulents quand je vois les morceaux choisis cités sur différents sites internet. Je serais tout de même curieux de les lire par moi-même en entier afin de savoir à quel degré interpréter les propos de l’auteur. On sait que M. LEVY qui voit de l’antisémitisme dans ce qui chez Siné, n’est qu’une dénonciation d’un opportunisme sans borne, n’est pas le plus à même à dépasser le premier degré face à des propos qui peuvent choquer.
Rédigé par : cetrio | 04 février 2009 à 14:57
"Aussi, quelle n'a pas été ma déception en lisant la réaction du philosophe qui s'est contenté avec assurance de signifier "qu'en cette matière le singulier vaut pluriel". Le tour est joué. Tout est dans tout, l'unique vaut le multiple et l'antisémitisme est partout."
Tout est dans tout. Hum! On doit à un poète chinois du 3ème siècle av.J.-C une jolie critique de cet axiome taoïste.
Il arrivait en effet à ce poète adepte de ce qu’il est convenu d’appeler la pure conversation, à savoir à celui des sept sages du bosquet de Bambou (http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d6/SevenWorthies.JPG) qu’on nomme Liu Ling ( 劉 伶 ), de s’écrouler nu dans sa chambre quand il avait bu. Il rétorquait à ceux qui s'en offusquaient : Puisque messieurs, tout est dans tout, je tiens donc le Ciel et la Terre pour ma maison, et cette chambre pour mon pantalon.
Que venez-vous donc faire, messieurs, dans mes pantalons ;
Ce nu scandaleux et fort célèbre n’existe cependant que dans le discours puisque qu’une représentation de ce poète excentrique sur le bas-relief de la tombe de Xishan shan quiao, à Nankin nous le montre revêtu d'une longue tunique dont les plis abondants vont se répandant sur le sol.
Semblable en cela à son aîné Diogène, il avait un grand dédain de sa sépulture, mais pour sa part, il se faisait suivre d’un serviteur muni d’une bêche qui avait pour ordre de creuser un simple trou à l’endroit où un jour il devrait s’écrouler mort, et de l’y ensevelir.
Cette critique du « Tout est dans tout » donc, renvoie donc également quelque part à la primauté de l’instant présent, tout le contraire donc du ressentiment qui traîne toujours avec lui toutes ses vies antérieures, ainsi qu’à tel personnage singulier donc, dans son présent et son unicité (être unique), et non pas en tant que forme singulière d’un universel.
Rédigé par : Dans les choux | 04 février 2009 à 12:13
Je suis désagréablement surpris par la tonalité de ce billet. J'ai assisté au témoignage de BHL au procès Siné ; qu'a-t-il dit, en substance ? Que le texte de Siné sur Jean Sarkozy ne faisait que ressasser un vieux stéréotype de l'antisémitisme ("être juif implique : avoir beaucoup d'argent et exercer dans l'ombre la réalité du pouvoir"). J'attends que vous fassiez la démonstration du contraire. Pour le reste, BHL a bien sûr admis à la barre qu'il n'appartenait qu'à la justice de dire si faire usage d'un tel stéréotype dans un journal à grand tirage peut être qualifié d'incitation à l'antisémitisme. Merci donc de ne pas faire à l'intéressé... un procès d'intention.
Rédigé par : Vincent | 03 février 2009 à 17:42
@polochon
Schlomo Sand, Schlomo Sand ? N'est-pas ce juif israélien antisémite ?
Rédigé par : Boduacus | 03 février 2009 à 15:46
@Polochon
J’ai lu le débat et j’avoue être bien en peine de dire qui est le plus érudit des deux. Je vois seulement que chacun est suffisamment érudit pour piocher tel ou tel épisode de l’histoire juive afin d’étayer son opinion. Mais que nous apprend cette discussion au fond ?
Que les non-juifs sont réduits à encourager un champion juif qui partage leur opinion pour la défendre. Trop dangereux sinon. C’est que BHL veille. Ça me gêne profondément.
Entendre déclarer que Pierre Desproges ne pourrait plus officier aujourd’hui, je ne l’avale pas non plus. Il n’était pas plus tendre avec Siné qu’avec Anne Sinclair.
Cela m’amène à le réflexion suivante : nous (j’inclus les juifs bien sûr) ne ressentons viscéralement que ce qui pourrait entraver notre liberté personnelle. Regardez Philippe Bilger défendre la liberté d’expression. Comme auteur il se sent claustrophobe dans ces interdictions de penser (même mal) que nous dresse un BHL. Nous propose-t-il un billet pour défendre le droit de grève, le droit de manifestation, le droit des étrangers ? Non, il ne voit pas trop le problème, plutôt des empêcheurs de tourner en rond. Il n’y a qu’à voir comment même Nicolas Sarkozy ne voit pas le problème des tests ADN. Personne à droite sauf les gens concernés ne trouve anormal de laisser les conjoints de Français sans vrais papiers durant 4 ans après le mariage, dans la quasi impossibilité de prendre un CDI, contracter un crédit, ouvrir un compte bancaire tout seul...
Pour revenir à la liberté d’expression face à la suspicion d’antisémitisme, je voudrais donc conclure que les juifs sont peut-être les moins bien placés pour comprendre, car non suspects d'antisémitisme.
Et c’est là le fond du sujet, pas tellement l’histoire du peuple juif selon Shlomo Sand ou de l’humour juif selon Guy Bedos. J'espère qu'on en n'est pas arrivé en France à devoir cacher nos idées chez un ami juif bienveillant. Mes idées simples de non juif passablement instruit ne se laisseront pas faire, surtout qu'elles sont au chaud au Brésil.
Rédigé par : Alexandre | 02 février 2009 à 01:10
Brillante démonstration !
Une anecdote : j'étais en terminale avec celui qui est devenu le procureur Viout et je peux dire que rien ne laissait deviner une telle carrière.
Une information : lisez dans L'Express le débat entre Jacques Attali et Shlomo Sand. L'érudition supposée du premier est battue en brèche par la rigueur du second. Toujours se méfier de ceux qui vous imposent leur érudition.
Rédigé par : Polochon | 01 février 2009 à 21:42
La peine est lourde pour un homicide volontaire ... 25 ans, c'est souvent la peine aux meurtriers d'enfant ... Il n'est pas impossible que l'avocat général, les juges et les jurés, aient, malgré les motivations de la Cour lues à la fin de l'énoncé du verdict par le Président, et que "bg" a eu la gentillesse de retranscrire ici, en leur intime conviction, par devers eux peut-être, se soit convaincu d'un certain caractère raciste de ce crime ... Mais ne l'ont pas dit explicitement, pour ne pas faire eux aussi mauvais tocsin.
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 01 février 2009 à 21:08
BHL, et quelques autres, est tout simplement expert dans une branche des sciences humaines tres specialisee, l'ANTISEMITOLOGIE, une chaire qui touche profondement a l'humanite et a son histoire. Il s'est ELU, il s'est trouve une MISSION d'une dimension clairement DIVINE et il veut eclairer la justice des hommes, il a en fait le complexe de dieu comme on le trouve communement aux USA ou son appendice Israel...
C'est l'HUBRIS de la nouvelle philosophie et la crise de foi de l'argent, quel melange bruyant et fascinant !!!
Rédigé par : simplesanstete | 01 février 2009 à 20:00
Voila le resultat de la nouvelle philosophie, apres la nouvelle cuisine : l'on reste sur sa faim, il n'y a plus que la MARQUE QUI COMPTE.
L'antisemitisme par contre reste une valeur Kolossalement inoxydable, elle doit etre sauvee par tous les moyens... resultat USRAEL, le 54eme Etat des US, la plus grande entreprise de marketing au monde, une DEMOCRATIE CLAIREMENT BIBLIQUE.
Quelle cuisine quand DYSNEYLAND s'installe en TERRE PROMISE avec BHL comme M. Loyal...
Salut aux camarades de l'ENA.
Rédigé par : simplesanstete | 01 février 2009 à 19:22
Philippe, quel mauvais esprit vous faites. Vous devriez vous réjouir que cet avocat que vous dites brillant - mais désolée, sur ce coup je renâcle un peu à vous croire sur parole - n'ait pas demandé à Arthur son témoignage. Peut-être le garde-t-il en réserve pour un prochain procès. Au-delà de ce cas précis et de BHL sommé pour un oui ou pour un non d'être une conscience universelle, je me suis toujours posé des questions - lorsque j'ai suivi professionnellement des procès d'assises- sur la fiabilité et l'intérêt tout simplement des divers témoins de moralité alignés par les uns et les autres. Ici il est vrai on atteint des sommets...
Cela dit, que BHL soit milliardaire et vive des nuits marocaines agitées ne change pas grand-chose me semble-t-il mais cette légère trace de perfidie, assez rare chez vous, ne manque pas de saveur.
Rédigé par : catherine A | 01 février 2009 à 15:30
@Alexandre
En effet, je suis un peu passe par ce moule la mais ai decampe tres vite, des que j'ai vu la facon dont il risquait de me transformer...
BHL est devenu depuis des annees une machine a delivrer la pensee. Il suffit presque d'appuyer sur un bouton pour que BHL, tout a fait obligeant d'ailleurs, "prononce". Les media l'ont mis la et son ego s'en est nourri.
De plus nous sommes tombes dans l'ere du politiquement correct ou la liberte d'expression est souvent bafouee au profit de discours qui vont finir par nous envoyer tout droit dans le mur de la "sonnerie" et des totalitarismes.
Et je dis cela avec le sang juif qui coule dans mes veines...
Rédigé par : Editors | 01 février 2009 à 13:08
Bonjour,
Je comprends parfaitement l'agacement que suscite BHL.
Chacun aura compris que l'antisémitisme et les malheurs du monde ne sont pour ce monsieur que les éléments d'un fonds de commerce.
Rédigé par : pergolese | 01 février 2009 à 11:49
@Alexandre
Je ne suis fasciné ni par les élites ni par les normaliens en particulier. Je connais trop de normaliens pour cela ! Les ENS n’ont jamais été là pour former de grands écrivains. Elle n’en a formé que très peu du reste. Je crois qu’il y a eu Gracq, Sartre, Aimé et Senghor. J’en oublie sans doute. M. Lévy n’est pas dans cette liste. Ce n’est pas non plus un grand philosophe. « Ses concepts sont creux » comme disait Deleuze. Néanmoins, je ne crois pas que l’on puisse résumer M. Lévy à un verbiage sans importance. Pour que M. Bilger éprouve le besoin de contrer les propos de M. Lévy, il faut qu’il en éprouve le besoin. On m’a toujours appris, en khâgne notamment, à passer sous silence ce qui est trop stupide pour être même cité. Je pense que c’est une attitude saine. Quand un philosophe dit qu’un problème est sans importance, il ne faut surtout pas le croire.
Je pense que les ENS ont tout de même des qualités, qualités que l’on acquiert du reste en khâgne. On y entre grâce à une certaine rigueur. Il y a parfois une trop grande abstraction du réel où se perdent beaucoup. Badiou, par exemple, se perd mais ses concepts demeurent importants.
Après, il y a de grands philosophes qui ont fait les guignols devant des tribunaux. Sartre est allé à Cuba. Etre grand dans la pensée, ce que n’est pas M. Lévy, n’implique ni d’être grand dans la vie, ni dans ses engagements.
Rédigé par : Jean | 01 février 2009 à 11:39
Merci bg.
Personne ne doit manquer quand il s'agit de fermer la porte aux formes subreptices de totalitarisme.
C'en est un, en effet.
Rédigé par : Daniel Ciccia | 01 février 2009 à 11:32
Ayant assisté à l'énoncé du verdict dans l'affaire Garcia, je vous livre le commentaire lu à l'audience par le président de la cour d'assises du Rhône. Ce texte a un caractère exceptionnel. Il est en effet rare qu'une décision de cour d'assises soit ainsi motivée. Le président a expliqué qu'il souhaitait faire preuve de pédagogie, notamment vis-à-vis de la famille de la victime.
Voici le texte : "A la question numéro 2, visant le caractère raciste du crime, la cour a répondu non. La cour a jugé qu'elle n'avait pas les éléments de preuve pouvant asseoir une intime conviction par rapport à cette qualification. Le seul témoignage direct reçu par la cour n'est pas suffisant pour corroborer la circonstance aggravante de racisme, le deuxième témoignage indirect ne peut être retenu, de même que l'insigne nazi relevé sur le fourreau intérieur d'un poignard.
Notre justice doit s'appuyer sur des éléments solides pour établir l'existence d'une infraction. Celle de racisme est trop grave, car c'est la pire négation de l'être humain dans sa diversité, pour être retenue sans preuves objectives et sérieuses. Une juridiction pénale ne peut aller au bout du raisonnement que nous proposait le témoin Bernard-Henri Lévy. Ce serait la porte ouverte à d'autres totalitarismes. La justice pénale serait alors entraînée dans une véritable dérive, dangereuse et injustifiée".
Rédigé par : bg | 01 février 2009 à 10:05
Merci et bravo pour le fond et la forme de cet article.
Rédigé par : gaston | 31 janvier 2009 à 21:22
@Jean
Ne vous laissez pas fasciner par les élites. Elles méritent au contraire qu'on soit exigeant avec elles.
Le statut de Normalien agrégé est plutôt typique pour enseigner en Khâgne, et encore à Henri IV il faudra se faire humble avant d’être à la cheville des fantômes du bâtiment. En Khâgne un vernis laisserait les élèves sur leur faim avant les concours.
Après plusieurs années de cette confrontation quotidienne exigeante, laissez mijoter. Tamisez par le temps, la reconnaissance des pairs, l'entrée comme Professeur au Collège de France. Là vous aurez un avis peut-être plus nuancé. Le problème est que ce vrai philosophe ne voudra pas faire le guignol au tribunal.
Rédigé par : Alexandre | 31 janvier 2009 à 20:48
Monsieur Bilger,
Une simple petite remarque. A la fin de votre excellent article, vous évoquez "un monde qui prétend détester les idoles"...
Je crois que nous sommes dans un monde qui n'a jamais tant adoré les idoles, de plus en plus nombreuses, et même si on en déteste quelques-unes, c'est en tant qu'idoles, avec ce statut, qu'elles sont détestées.
Ce n'est d'ailleurs pas un signe de maturité pour notre société, mais ça... c'est un autre débat !
Rédigé par : karloff | 31 janvier 2009 à 19:40
@Ingenys
Vous comprenez vite... Les personnes comme BHL sont comme Bush, ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous ! Faut quant même arrêter les absurdités... on ne peut pas prononcer un mot ou esquisser un geste concernant les juifs sans être taxés d'antisémite ou d'antisioniste. A quand un procès parce que vous avez regardé un juif avec un regard un peu trop prononcé, maintenant y en a "RAS LE BOL"!!!!
Rédigé par : Helene | 31 janvier 2009 à 19:36
Monsieur Bilger,
Je tiens à dire en préambule que ma critique ne porte pas sur votre conception du racisme ou celle de M. Lévy. Catholique anticlérical, plus mystique que pratiquant attaché à une Eglise, j’ai une certaine tendresse amusée pour les bouffeurs de curés qui font foi de manger de la viande le vendredi saint… Je pense sain que l’on puisse attaquer les dogmes, railler les Européens qui croient un homme qui leur dit que trois est un… Je ne pense pas Montesquieu raciste. J’aime beaucoup le siècle des Lumières et suis d’accord avec la conception de la laïcité que M. Lévy a exprimée lors d’une conférence au Grand Orient.
Vous demandez si la justice doit interroger M. Lévy. Je trouve cela sain même si sur l’affaire jugée je ne suis pas sûr qu’il ait raison. Il n’en demeure pas moins qu’il exprime un avis raisonné. La justice fait souvent appel à des experts. Je ne suis pas certain que les magistrats puissent s’en dispenser dans le domaine de la pensée. Je ne le dis pas pour vous qui par votre blog et votre formation de khâgneux démontrez le contraire. Je connais un certain nombre de juristes à qui je ne fais pas confiance pour développer des questions conceptuelles. Je ne leur en fais pas grief, ce n’est pas leur travail. Sur la question du racisme, on ne peut pas faire confiance à une définition qui ne serait que juridique. M. Lévy est irritant c’est un fait. Il est aussi normalien et agrégé de philosophie. Il me semble que ces deux titres lui permettent d’être « expert » au même titre qu’un médecin. La vérité n’étant pas révélée en philosophie, il est nécessaire d’en écouter plusieurs.
Rédigé par : Jean | 31 janvier 2009 à 16:27
Monsieur Bilger
Votre post m'enchante. Sans éclat, posément, vous remettez cet intellectuel mondain à la place d'où il ne devrait sortir.
Mais ne risquez-vous pas d'être à votre tour taxé d'antisémitisme pour avoir rappelé SA GRANDEUR à moins de suffisance ?
Rédigé par : noel | 31 janvier 2009 à 12:01
« Tout homme que la fortune seule a fait homme public devient presque toujours, avec un peu de temps, un particulier ridicule. L'on ne revient plus de cet état. »
Cardinal de Retz
Et @ Aïssa qui semble avoir une fascination pour la religion…
Savez-vous, monsieur Aïssa, que par le passé, il y a eu plus critique et plus réticent que vous et cela s’est terminé, pour eux, en robe de bure… ! Sissi, dirait l'enseigneur Cactus !
Et, si, par la plus incroyable fatalité, cela devait advenir pour vous, croyez bien, monsieur Aïssa, que je réclamerai l’honneur d’assister à votre prise de robe ! Je ferai le déplacement !
Si vous avez lu le très beau livre de Géréon-Karl Goldmann « Un Franciscain chez les SS », vous aurez pu constater que des « grandes gueules » (ce n’est pas péjoratif, ni une insulte à votre endroit) il y en a également chez les religieux… ! Du moins il y en avait ! :-)
Rédigé par : Marie | 31 janvier 2009 à 10:45
A Lyon on est d'abord anti-microcosme parisien. La fin de R. Barre... le flinguage de M. Noir... l'humour de Devedjian.
On n'y pratique pas les paroles verbales, plutôt la mesure.
BHL n'avait aucune chance.
Rédigé par : Alexandre | 31 janvier 2009 à 06:20
Cher Philippe,
Il y a des juges qui cherchent de la célébrité à Lyon...
Comment peuvent-ils défendre l'intérêt général et l'ordre public, en rendant de telles décisions.
C'est facile de se cacher derrière la liberté de la presse ou le grand âge.
C'est vraiment minable !!!
françoise et karell Semtob
Rédigé par : semtob | 31 janvier 2009 à 01:54
Enthoven père ou fils ?
C'est qu'on peut les confondre.
Ça y est, j'ai déjà honte. On va dire que c'est pour tester ma liberté d'expression.
Rédigé par : Alexandre | 30 janvier 2009 à 22:40
Avril 2009 - De notre envoyée spéciale, Pascale Robert-Diard, à la cour d'assises de Paris :
"A la stupéfaction générale,une violente altercation s'est déroulée cet après-midi entre le ministère public et Bernard-Henri Lévy, témoin cité par Me Szpiner, avocat de la partie civile, la famille d'Ilan Halimi..."
(que chacun imagine la suite de l'article...)
Rédigé par : sbriglia | 30 janvier 2009 à 20:54
A titre (je n'ose pas dire en qualité) de juif français, français seulement, rigoureusement athée, je suis excédé des outrances à répétition de ces ayatollahs du racisme et de l'antisémitisme.
J'ai connu de près, même si j'ai échappé au pire, ce dont je n'ai pas à m'excuser, l'antisémitisme, en tout cas de beaucoup plus près et beaucoup plus dangereusement que M. BHL.
J'ai appris jeune à ne pas croire qu'une injure ou une simple critique faite, ou un dommage serait nécessairement antisémite parce qu'adressée ou causé à un juif.
On a entendu les cris d'orfraie de ces messieurs lors d'agressions crapuleuses et non antisémites avant d'être ridiculisés par les résultats de l'enquête. Un voyou est un voyou même s'il appartient au BETAR.
Siné, sans humour, a dit ouvertement ce que nombre de juifs pensent.
Je suis excédé aussi de l'amalgame incessant entre antisémitisme et critique de l'Etat d'Israël par les auto-proclamés représentants de la soi-disant communauté juive. Je ne connais aucune communauté que celle des citoyens français.
J'approuve donc votre opinion.
Il conviendrait aussi d'employer un autre terme que celui d'antisémitisme qui se comprenait avant le conflit engendré par le sionisme et qui est devenu stupide, les Arabes étant majoritairement aussi sémites que les Juifs.
Aussi stupide que le terme de racisme couramment employé pour qualifier l'islamophobie.
Rédigé par : ancien | 30 janvier 2009 à 19:30
Article brillant. Vous vous êtes saisi du sujet avec le recul nécessaire pour taper juste, sans que la haine, la colère ou l'agacement ne viennent à aucun moment pervertir la rigueur de votre argumentation.
J'aime beaucoup votre blog, et des billets de ce type sont un apport extrêmement intéressant au débat public.
Rédigé par : Sébastien Fauconnet | 30 janvier 2009 à 19:09
Je n'ai pas suivi les deux affaires que vous évoquez ; en revanche, j'ai entendu de mes deux oreilles le compte rendu par BHL de sa "visite" à Gaza dans un char israélien.
Il n'avait pas vu de destructions !
Rédigé par : mike | 30 janvier 2009 à 19:06
C'est nouveau ! Ca vient de sortir :
L'antisémite n'est pas celui qui déteste le juif, mais celui que BHL déteste.
Rédigé par : ingenys | 30 janvier 2009 à 18:57