L'année 2009 commence formidablement bien pour Isabelle Huppert.
Elle est promue Officier dans l'Ordre de la Légion d'honneur. Ce qui est étonnant, c'est qu'elle le mérite par son talent, son intelligence et sa classe.
Elle va présider le jury du festival de Cannes au mois de mai. Enfin, un choix qui n'est pas absurde ou orienté. J'espère qu'on ne se rattrapera pas avec les membres du jury, je crains le pire !
L'actrice s'est déclarée "enthousiaste" et heureuse de s'ouvrir "aux nouvelles idées du monde" ( site du Nouvel Obs ). Pourquoi pas ? Même si j'attends plus d'elle. Je ne doute pas qu'elle ne s'arrêtera pas à ce conformisme qui fait du "nouveau" le critère dominant.
Puis-je très modestement me permettre, dans le désordre, de lui donner quelques conseils en ma seule qualité de passionné de cinéma et de contempteur inlassable du snobisme artistique.
Pour un film, l'ennui qu'il suscite est une tare, non une qualité. Quand le temps passe trop lentement et qu'il y a des bâillements, aucune hésitation possible : oeuvre à écarter.
Le plaisir du spectateur n'est pas une honte.
Le rire n'est pas un scandale.
Le succès prévisible constitue plutôt une chance qu'une malédiction.
Les bons sentiments, même s'ils ne font, paraît-il, jamais de la "bonne" littérature peuvent faire de l'excellent cinéma. Qu'on ne les range pas au rayon des accessoires !
Se méfier des réalisateurs qui croient être aussi des scénaristes, des raconteurs d'histoires et des penseurs : les créateurs avec un grand C, dignes de ce nom, sont infiniment rares. Ce qui tue souvent une oeuvre, c'est la vanité de celui ou de celle qui l'a "conçue".
Ne pas oublier que le monteur est un professionnel indispensable. Il faut savoir couper. Tant de films sont trop longs, manquent de rythme, s'égarent dans des rebondissements qui ne démontrent pas la richesse de l'imagination mais sa pauvreté et s'enlisent dans des fins interminables. La graisse est plus à craindre que la sécheresse.
Le sujet du film, ce n'est pas le film. La technique est un moyen, pas une fin.
Laisser la politique à sa place me semble un impératif prioritaire, surtout à une époque où le partisan et l'idéologique prétendent tenir lieu de génie artistique. La grande oeuvre politique est précisément celle dans les veines de laquelle l'engagement coule si subtilement, avec un tel souci de l'universel qu'il devient une force, un élan, un plus. Beaucoup de mauvais nous infligent leur prétendue vision du monde - objectif à la portée de tout le monde - au lieu de tenter de réaliser de vrais films, ce qui est l'apanage de quelques-uns seulement.
Une sélection, un jury, c'est fait pour choisir et donc exclure. Avec lucidité et sans démagogie. Les ex aequo qui sont destinés à complaire à tous et à laisser croire que les membres du jury ont une belle âme généreuse, c'est devenu une mode. Le comble du ridicule.
Ces recommandations, Isabelle Huppert, seule artiste avec Meryl Streep à n'avoir jamais proféré une bêtise dans les nombreux entretiens qu'elle a accordés aux médias, n'en a pas besoin. Mais qu'elle prenne garde "aux nouvelles idées du monde". J'ai de la tendresse, au contraire, pour les idées vieilles comme le monde, les sentiments usés parce que tant de regards et d'émotions les ont effleurés, touchés. L'incongru, le bizarre ne sont pas des bouées de sauvetage pour la nullité. Rien n'est ordinaire pour l'artiste véritable. Il pose l'esprit, le coeur et la main sur le monde et celui-ci se transfigure.
Isabelle Huppert, j'en suis sûr, ne nous décevra pas.
Bel hommage, monsieur Bilger !
Tous mes voeux !
Sinon, pour reprendre deux de vos derniers "billets", ne reste plus à Dieudonné qu'à faire monter sur scène Paris Hilton pour la faire décorer de l'ordre de la future lésion d'honneur des mamelles, non ?
Sissi !!!!!!!!!!
Bien à vous (et à votre dame)
Rédigé par : Cactus (sic transit, harmonia mundi !) | 05 janvier 2009 à 18:24
"Laisser la politique à sa place me semble un impératif prioritaire"
Après trois ans de sélections purement politiques à Cannes ? Huppert est vue comme "de gauche". Elle est mieux placée qu'une starlette pour éviter d'approfondir cette dérive. Mais cela lui demanderait bien du courage et même de l'abnégation.
Il est probable qu'elle préférera concélébrer, "là-bas et bientôt".
"Enthousiaste" et heureuse de s'ouvrir "aux nouvelles idées du monde", dit-elle. Idée, monde, ferveur : des mots qui laissent craindre le pire. A Venise nous avons eu déjà une actrice française de gauche qui avait avoué toute son admiration pour le chef des brigades rouges, ses idées généreuses et hardies et la vision fervente du monde qu'il représentait... D'autres suivirent.
Rédigé par : Didier Dufau | 05 janvier 2009 à 09:36
Que de certitudes !
Rédigé par : Mika | 04 janvier 2009 à 22:46
Un film qui mérite d'être vu en ce moment : "Il Divo". Promis, vous ne bâillerez pas !
Rédigé par : Thierry SAGARDOYTHO | 04 janvier 2009 à 18:38
"Les bons sentiments, même s'ils ne font, paraît-il, jamais de la "bonne" littérature peuvent faire de l'excellent cinéma. Qu'on ne les range pas au rayon des accessoires !"
En même temps, si je prends comme exemple "Mamma Mia", que vous avez adoré, que grâce à vous, Cactus a adoré et que j'ai adoré, si nous enlevons du film les chansons de Abba, ben, c'est proprement pas regardable. Total ennui et totale guimauve.
Pour Isabelle Huppert, c'est une des très rares actrices qui me fait aller voir un film rien que pour elle.
Violette Nozière, Anne Brontë et Emma Bovary ont pour moi son visage, sa voix et ses gestes. J'adore Huppert quand elle est vénéneuse. Comme dans le film "La Cérémonie".
Elle est dans mon imaginaire L’ACTRICE +++++++++++++++++ !
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 04 janvier 2009 à 11:43
Ni Meryl Streep, ni Paris Hilton, ni Isabelle Huppert dans "Musée Haut Musée Bas"
Dommage !
Peut-être à Cannes ?
Lambda
Rédigé par : Lambda | 04 janvier 2009 à 10:23
J'adore Huppert (on n'adore que le bon dieu, aurait dit mon arrière-grand-mère), surtout dans ses rôles de garces ingénues, genre "Coup de torchon". Il paraît que son dernier film n'est pas terrible mais qu'elle s'en tire très bien. Je n'ai pas vu.
Les idées nouvelles ! Lesquelles, d'abord ? Nihil novi sub sole et j'ai tendance à croire que tout ce que l'homme peut penser a déjà été pensé depuis des siècles immémoriaux et qu'une idée nouvelle n'est au mieux que la réactualisation d'une idée préhistorique. Seules les formes changent et hors de tout formalisme artistique, il n'y a pas d'oeuvre d'art.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 04 janvier 2009 à 10:23
@ Semtob,
Vous avez lu les Précieuses ridicules ?
Rédigé par : Laurent Dingli | 04 janvier 2009 à 10:22
Meryl Streep, Paris Hilton, Isabelle Huppert... et je ne sais plus qui d'autres... Bien !
Madame Bilger en tant que solidaire des "desesperate housewives" je me permets de vous suggérer d'emmener monsieur Bilger voir "de l'autre côté du lit" et ensuite de nous écrire un savoureux billet sur un beau mâle... !!
Rédigé par : Marie | 03 janvier 2009 à 21:00
Pour moi, cher Philippe, un film se trouve à la croisée du parcours initiatique entre l'ombre et la lumière.
Il doit être assoiffé de beauté.
Il doit être l'alliage de la retenue et de la réalité, de l'austérité et de la chaleur, de la froideur et de la tendresse, le coït du réel et du rêve, dévêtu de la politesse du désespoir tout acidulé d'humour.
Il doit découvrir, pervertir et travestir la réalité pour faire découvrir ce qui y est caché, non exprimé.
Il doit envahir le monde de l'innocence, de la candeur, de la spontanéité, de la curiosité, de la grâce indicible et toucher au coeur en uppercut.
Il doit faire incursion dans la dimension métaphysique, poétique, fuir les paroxysmes tragiques, escalader l'audace stylistique.
Il doit exorciser l'angoisse du quotidien, courtiser l'érotisme et le fantastique.
Il doit enfin être le hold up de la folie de vivre parce que si le cinéma n'est pas la vie, il doit être l'une des promesses de l'éternité.
françoise et karell semtob
Rédigé par : semtob | 03 janvier 2009 à 20:41
Bonjour monsieur Bilger, je vous suis dans nombre de vos analyses. Mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.
« Pour un film, l'ennui qu'il suscite est une tare, non une qualité. Quand le temps passe trop lentement et qu'il y a des bâillements, aucune hésitation possible : oeuvre à écarter ».
Désolé, le cinéma compte de nombreux chefs-d’œuvre ouvragés de telle sorte (longs plans séquences, musique d’ambiance…) que l’ennui en constitue un ingrédient indispensable. Des films tels que « Profession reporter », » Paris Texas » « India song »… je garde !
Je ne résiste pas au plaisir de confesser une passion cinéphilique (suspecte) pour le film « India song » de Marguerite Duras. Sorti en 1974, le film dure deux heures. L’ennui palpable que l’on y ressent intensément est magnifié par la musique de Carlos d'Alessio. Il annonce et sert d’écrin au diamant que constitue la scène du bal ou apparaît Anne-Marie Stretter jouée par l’immense Delphine Seyrig, entourée de ses prétendants (Michael Lonsdale, Mathieu Carrière). Une demi-heure de bonheur total.
Bonne année à tous.
Rédigé par : michel V | 03 janvier 2009 à 20:35
Monsieur Bilger, compte tenu de la qualité habituelle remarquable de vos billets, j'attends avec impatience vos commentaires sur l'affaire des incendiaires de voitures, plutôt que sur Isabelle Hupert (dont j'admire le talent par ailleurs, n'en doutez point).
Merci par avance.
Rédigé par : Magic | 03 janvier 2009 à 09:51
J'ai été très heureuse d'apprendre cette nouvelle pour commencer 2009, et votre éloge m'a ravie. Qui choisit les membres du jury ?
Vive Cannes 2009 !
Rédigé par : EXUPERE | 02 janvier 2009 à 23:11
Comme dirait Aïssa, j'aurais dû parier !
Lorsque j'ai entendu que la future Présidente du festival de Cannes 2009 serait Isabelle Huppert, je me suis dit : "Oh oh, monsieur Bilger va être ravi". Je ne pensais pas que dans la minute, (bon disons l'heure) qui a suivi l'information, un billet en son honneur serait déjà sur ce blog !!!
Rédigé par : Marie | 02 janvier 2009 à 23:11
Isabelle Huppert, ma préférée! Bravo pour cet hommage, cher PB!
Sans transition
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Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 02 janvier 2009 à 21:49
Ce qui tue souvent une oeuvre, c'est la vanité de celui ou de celle qui l'a "conçue".
C'est tellement vrai.
Rédigé par : Clément | 02 janvier 2009 à 19:12
Je suis abasourdi et confondu devant tant de précision définitive dans la description de la nature fondamentale de la Vérité.
L'art n'a semble-t-il point de voie d'appel...
sic transit gloria mundi.
Rédigé par : Abiram | 02 janvier 2009 à 19:12