Denis Tillinac a publié un livre, "Rue Corneille", qui fait l'objet de critiques enthousiastes. Même Eric Zemmour et Eric Naulleau en ont dit du bien à son auteur qui n'en espérait pas tant et rayonnait d'aise.
Dans Paris Match, Gilles Martin-Chauffier évoquait "Cyrano de Tillinac" en titre de sa chronique plutôt louangeuse, avec quelques épines.
Je n'ai pas lu l'ouvrage mais Cyrano de Tillinac, c'est un peu trop, trop lourd à porter dans tous les cas, non ?
Denis Tillinac a eu la chance d'apparaître, pour beaucoup de médias, comme le "bon" intellectuel de droite. Quasiment le seul, durant longtemps. Peut-être encore aujourd'hui. Zemmour pense aussi mais il déplaît. Tillinac, Jacques Chirac président de la République, était convié à tout coup pour nous faire entrer dans les coulisses chiraquiennes et nous décrypter un comportement qui, même sans lui, était facile à comprendre et à analyser. Il était perçu comme le spécialiste incontestable de la psychologie et des humeurs de notre ancien président. Tillinac ne jurait que par Chirac.
Comme il est malheureusement classique, maintenant il ne jure plus que par Nicolas Sarkozy et n'hésite pas à être critique à l'égard de la politique de cet homme retiré des affaires dont il était le porte-parole dans le monde intellectuel. Je ne suis pas sûr que, dans les modalités, Cyrano aurait agi de même. Toutes proportions gardées, cette évolution me rappelle l'anecdote rapportée par Jean d'Ormesson sur le prétendu antisémitisme de François Mitterrand après la mort de celui-ci. C'était un tic chez l'académicien qui avait attendu également le décès de Robert Hersant pour le blâmer. Tout le contraire de Cyrano qu'on aurait imaginé plutôt fidèle jusqu'au bout, jusqu'à l'absurde, précisément solidaire de Jacques Chirac parce qu'il n'était plus là et qu'on le moquait, silencieux sur Mitterrand parce que le combat était devenu trop inégal. L'allure de Cyrano, c'était de savoir se battre pour rien. Pour l'esthétique de l'éthique. Pour l'éthique de l'esthétique.
Ce n'est pas tout. Je lis dans Marianne la tribune hebdomadaire du même Tillinac ayant pour titre "Culture de l'irrespect". Au beau milieu d'une dénonciation pertinente des multiples formes de violence et d'irrespect résultant de la seule loi du désir et de l'ego, Tillinac ajoute : "Chaque jour des avocats contestent publiquement une décision de justice - et j'avoue ne pas être le dernier à écrire que les magistrats ne m'inspirent aucune confiance".
En dehors de l'aberration qui consiste à ne pas saisir que la contestation publique est directement liée à des appréciations globalisantes comme la sienne sur la magistrature, je considère comme lamentable une telle dérision, l'affichage d'un tel mépris. Il y a aussi une bêtise de l'irrespect. Où est Cyrano dans une telle facilité intellectuelle et sociale ? Où est le courage dans une approche toute d'irrespect et de démagogie ? Il sait bien qu'aujourd'hui on peut traîner la magistrature dans la boue sans que personne proteste ou la défende. Cet anticonformisme de façade qui s'en prend mécaniquement aux juges et à la justice est en réalité le pire des populismes, qui n'a rien à voir avec la vérité populaire. C'est d'une banalité affligeante, aujourd'hui, de "se payer" notre métier en affirmant - à partir de quelle expérience et de quelles connaissances ? - un total défaut de confiance. Ce serait humiliant si ce n'était pas le triste réflexe de citoyens et d'intellectuels qui attisent le discrédit au lieu de favoriser le respect. Cyrano n'aurait jamais pactisé avec la majorité confortable. Il aurait préféré se taire. Ou réfléchir.
Non, Denis Tillinac n'est pas Cyrano.
@ Ludovic
Le recul de la France par rapport aux autres pays est autre chose. La France est en retard dans la diffusion d`Internet, peut-être est-ce corrélé.
Et je ne pense pas que nos enfants seront meilleurs grâce à l`école, mais parce que la vie les y contraindra. Comme pour les langues étrangères.
Enfin, n`opposons pas trop vite revenus et niveau culturel. La culture est encore ce qui donne accès aux classes sociales supérieures, comme le soulignait encore le regretté Pierre Bourdieu.
Rédigé par : Alex paulista | 13 avril 2009 à 23:58
@Alex Paulista,
Puissiez-vous avoir raison, on ne peut que le souhaiter, mais permettez-moi de ne pas partager votre enthousiasme. La triste réalité est, qu'en dehors de la perpétuation quasi endémique d'une certaine élite intellectuelle, on ne peut que constater l'indigence de la maîtrise de l'expression écrite, et même de la compréhension de l'écrit par les jeunes élèves et étudiants d'aujourd'hui. Des enquêtes internationales, comme PISA par exemple, menées dans l'ensemble des pays de l'OCDE sur les élèves de lycée, font état d'un recul régulier de la France en ce domaine. Nous sommes désormais en-dessous de la moyenne, et en régression de façon constante au cours des vingt dernières années. Sans reprendre la formule de "fabrique à crétins", on ne peut que s'interroger sur les raisons de cette préoccupante évolution et sur la responsabilité que l'école, dans son ensemble (j'en suis) porte sans vouloir l'admettre. La déperdition de la valeur des savoirs est bien réelle dans un monde voué au mercantile, où la valeur des hommes et des femmes se mesure en terme de revenus bien davantage qu'en matière de culture.
Rédigé par : Ludovic | 13 avril 2009 à 21:17
Allergique aux réactions
J'ai vu sur youtube l'extrait de l'émission de Ruquier où apparaît Denis Tillinac. J'avoue avoir un peu de mal avec ce refrain à la mode, cette manière de s'afficher rebelle réactionnaire. Un petit fond de "c'était mieux avant", un air bourru qui cache mal une profonde immodestie, consistant à se mettre en perspective dans des phrases définitives sur la fin d'une civilisation. Une manière aussi de se lover dans les ors du pouvoir en faisant mine de ne pas y toucher.
L'immodestie d'un Bourdieu est plus modeste, cela crève les yeux. C'est presque insultant d'oser le parallèle, pardon M. Bourdieu.
Pourtant, comment ne pas voir que la révolution technologique en route est le grand retour de l'écrit. C'est tellement évident. On se lamente du niveau de la langue dans les blogs et autres nouveaux médias. Mais ce n'est que le résultat des trente dernières années, de la culture téléphone/formulaire. Le progrès c'est justement que la qualité de l'expression écrite redevient visible et importante.
Car la disparition programmée des secrétaires, le besoin renouvelé de rédiger ses propres correspondances, les blogs et l'apprentissage des langues étrangères font reprendre une place centrale à l'expression écrite et à la linguistique.
C'est un retour à l'époque où l'on dégainait sa plume pour rédiger une lettre manuscrite. Nos enfants écriront mieux que nous, c'est de plus en plus une évidence.
Mais avec son passéisme démago pour vieux, la droite nous fatigue avec des Pasolini aux petits pieds éditant leurs poèmes en forme de prose.
Rédigé par : Alex paulista | 13 avril 2009 à 19:29
@Aux soeurs Semtob,
J'ai toujours eu bien du mal à lire et surtout à décrypter le sens profond de vos commentaires. Si vous êtes psychanalystes, alors tout s'explique. Ne le prenez pas comme une critique personnelle, mais j'ai toujours eu bien du mal avec cette "science" aux multiples courants contradictoires. La psychanalyse est encore plus complexe à appréhender que les positions politiques au sein des multiples courants du Parti Socialiste.
Rédigé par : Ludovic | 13 avril 2009 à 15:26
Cher Philippe,
Pardon, pardon d'avoir mis tant de haine dans rationalisme !!!
Ce que j'ai voulu exprimer par réponse sublimée ou sublimation s'entend en sens freudien c'est-à-dire: "activités de sublimation principalement l'activité artistique et l'investigation intellectuelle."
"Pulsion qui vise des objets socialement valorisés."
La question d'une possibilité de sublimation des pulsions agressives est soulevée par Freud (Etude sur Léonard de Vinci). "Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci." (1910). De nombreux magistrats sont déjà sensibilisés à cette approche dans leur travail.
Ce serait pour Klein, une tendance à restaurer le "bon objet" mis en morceaux par les pulsions destructrices.
françoise et karell Semtob
Rédigé par : semtob | 13 avril 2009 à 11:38
Si je comprends bien (à défaut de décrypter) le microcosme parisien, Tillinac ne serait ni chiraquien ni sarkozyste, mais élyséen...
Ce serait pour certains journalistes de déambuler dans les couloirs du palais qui exciterait les neurones et donnerait, comme à la lune par le soleil, cet éclat médiatique.
Mais est-il le seul à briller de la sorte, atteint par le faisceau de lumière sortant du trou de serrure des bureaux feutrés ?
Un coup ce fut à droite, un coup à gauche.
Combien brillèrent par eux-mêmes avant d'arriver aux portes du palais ?
Rapporter fidèlement des propos fussent-ils élyséens, est à la portée d'un simple magnétophone.
Enfin, moi ce que j'en dis... vu d'ici en Lorraine profonde avec mes sabots… dondaine oh oh oh...
Cordialement et un brin moqueur…
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 13 avril 2009 à 10:33
@Ludovic
"Il me semble tout de même que la justice, l'un des trois pouvoirs régaliens définis par Montesquieu, regarde et concerne chaque citoyen, chaque justiciable. Il serait grave justement que les citoyens n'aient pas un regard critique à son encontre au même titre qu'envers l'exécutif ou le législatif."
En tant que justiciable, le citoyen est en effet parfaitement concerné par la justice et ce n'est pas la citoyenne et justiciable Lambda, homonyme en effet de la "Super nana" de Michel Jonasz, qui vous dira le contraire.
Il est parfaitement concerné par la justice donc, vu qu'il est le premier à en subir les éventuels dysfonctionnements, et par voie de conséquence parfaitement admis à exercer un regard critique à son encontre.
Lorsque, à ce propos, j'évoque les gens qui parlent avec aplomb de ce qu'ils ne connaissent pas, je ne parle pas du citoyen mais de la manière dont s'y rapportent ceux qui se servent du fort intérêt citoyen pour la justice aux fins de manipulations douteuses ayant en vérité en vue de tout autres intérêts que celui bien compris de l'une ou de l'autre.
Cette remarque est donc d'une vérité toujours d'actualité qui dit "La justice élève la voix ; mais elle a peine à se faire entendre dans le tumulte des passions. Les hommes peuvent faire des injustices, parce qu'ils ont intérêt de les faire, et qu'ils préfèrent leur propre satisfaction à celle des autres.C'est toujours par un retour sur eux-mêmes qu'ils agissent : nul n'est mauvais gratuitement. Il faut qu'il y ait une raison qui détermine et cette raison est toujours une raison d'intérêt." Montesquieu - Lettres persanes - Lettre LXXXIII. Usbek à Rhédi, à Venise;1715.
Rédigé par : Catherine JACOB | 13 avril 2009 à 09:55
@ Françoise et Karell Semtob
"c'est la réponse sublimée au matérialisme et au rationnalisme actuel"
Mais ce rationalisme n'est qu'apparent. Au fond rien n'est moins rationnel que les systèmes financiers: ce sont des chevaux fous emballés qui dirigent une machine bien huilée. La mécanique derrière est le fruit de tout le rationalisme et le matérialisme, mais l'ensemble est aussi irraisonné qu'une foule en panique...
Rédigé par : Alex paulista | 13 avril 2009 à 02:25
Cher Philippe,
Certains critiques ont oublié leur vocation première, celle de mettre en rapport le plus possible les auteurs ou les acteurs avec les publics.
Ils s'installent dans leur confusion primitive, tels des nourrissons envahis par l'idée de dévorer le sein maternel, gonflés d'une pensée magique tyrannique.
Ces temps non partagés avec la diversité artistique les saisiront à leur tour dans un mutisme douloureux.
Il est trop tôt pour reconstruire la forme.
Toute une recherche doit se faire pour retrouver le visible. Un parcours est nécessaire, le dépouillement de l'esthétique classique, la recréation de la mise en jeu interne de la liberté profonde artistique.
Le désordre esthétique généralisé vit car c'est la réponse sublimée au matérialisme et au rationnalisme actuel.
Plus l'exigence d'une écriture appliquée sera forte plus les yeux se tourneront vers un art décadent.
Les moyens expressifs n'ont pas besoin de cadre.
A ceux qui chérissent l'idée baudelairienne, qu'ils en comprennent au minimum l'apport ou l'accord majeur.
La culture vomit, secrète, perle, se clone, se pirate, se reproduit, se libère et surtout s'émancipe.
Et s'il ne vous est jamais arrivé d'être aspiré dans le regard d'un enfant autiste, de percevoir la parcelle de beauté, de douceur dans celui qui vous a paru laid, de découvrir des cristaux dans l'urine séchée d'un chien, c'est que tout pour vous n'est plus qu'objet intellectuel.
françoise et karell Semtob
Rédigé par : semtob | 12 avril 2009 à 23:10
@Catherine Jacob,
Je ne sais si je m'adresse à la célèbre comédienne où à une homonyme, en tout cas quel talent ! Je me sens un peu visé par votre commentaire, où plutôt je crois me reconnaître s'agissant de la justice et de la magistrature parmi "Les gens parlent et le plus souvent de ce qu'ils ne connaissent pas et ils en parlent d'autant plus et je dirais presque d'autant mieux, à savoir avec d'autant plus de séduction, autrement dit de facilité à produire un discours accessible, qu'ils n'y connaissent rien et sont motivés en fait par d'autres intérêts que ceux de la chose en cause dont en réalité ils ne font que se servir".
Il me semble tout de même que la justice, l'un des trois pouvoirs régaliens définis par Montesquieu, regarde et concerne chaque citoyen, chaque justiciable. Il serait grave justement que les citoyens n'aient pas un regard critique à son encontre au même titre qu'envers l'exécutif ou le législatif.
Bien sincèrement, Madame.
Rédigé par : Ludovic | 12 avril 2009 à 21:31
@M. Bilger
Ne soyez pas trop dur envers Jean d'Ormesson. J'aime beaucoup cet académicien qui sait écrire, au moins aussi bien que vous, qui impose le respect par l'immensité de sa culture, la puissance de sa mémoire, et qui surtout est un homme délicieux, pétri d'humour. J'ai lu son oeuvre dans son intégralité, j'ai même quelques ouvrages dédicacés, et je ne manque jamais ses passages à la télévision.
Au fait je suis plongé dans la lecture d'"Etats d'âme et de droit" et je viens de boucler le chapitre intitulé "La justice en vrac". Une foule de questions me viennent à l'esprit mais je vous les réserve pour plus tard, en message privé. Enfin, si vous le permettez.
Rédigé par : Ludovic | 12 avril 2009 à 19:53
@David
Seriez-vous anachorète ? Ou peut-être vivez-vous en Antarctique ou au coeur de la forêt amazonienne ?
Ma charité chrétienne en ce jour de Pâques me fait un devoir de vous renseigner. Eric Naulleau est beaucoup de choses à la fois, éditeur, écrivain, pamphlétaire, traducteur, critique littéraire du genre assassin, et depuis deux ans chroniqueur le samedi soir chez Ruquier (vous savez l'animateur humoriste châtain à lunettes). Naulleau est indissociable d'un autre Eric, un certain Zemmour, tout aussi assassin, mais de droite (Naulleau étant de gauche) avec lequel il forme un tandem qui n'est pas sans rappeler les frères ennemis mais en beaucoup plus drôle.
Rédigé par : Ludovic | 12 avril 2009 à 19:17
C'est vrai que Cyrano c'est la fidélité jusqu'au bout de l'absurde, à un idéal quel qu'il soit.
C'est vrai aussi que la modernité c'est la rupture et le revirement.
Comment distinguer panache et conservatisme, rénovation et trahison ? Nécessairement, s'il y a des mots pour le dire, c'est que cela se peut dès lors qu'on n'est pas Maître Pathelin et sa compagnie de joyeuses canailles.
"aujourd'hui on peut traîner la magistrature dans la boue sans que personne proteste ou la défende. Cet anticonformisme de façade qui s'en prend mécaniquement aux juges et à la justice est en réalité le pire des populismes, qui n'a rien à voir avec la vérité populaire. C'est d'une banalité affligeante, aujourd'hui, de "se payer" notre métier en affirmant - à partir de quelle expérience et de quelles connaissances ? - un total défaut de confiance. Ce serait humiliant si ce n'était pas le triste réflexe de citoyens et d'intellectuels qui attisent le discrédit au lieu de favoriser le respect."
Il faut dire aussi que défendre la magistrature dès lors qu'on ne lui appartient pas peut passer pour une sorte de fourberie flatteuse et cauteleuse, a priori de mauvais aloi et à coup sûr obéissant à quelque intérêt suspect. L'attaquer est sans doute commode dès lors que l'on cherche à passer pour un champion de la Justice contre les juges.
Vous parlez d'affirmer sans connaître, mais n'est-ce pas le travers le plus commun de notre temps.
Rendant justice à l'auteur de cette remarque, je dirai donc que c'est le père de mon fils qui m'a un jour fait remarquer qu'il lui suffisait de s'intéresser un peu sérieusement à quelque chose, n'importe quoi, pour aussitôt s'apercevoir que tout ce qu'il avait entendu affirmer jusque là à ce propos, avec un aplomb d'autant plus assuré que mal informé, n'avait qu'un rapport lointain avec la réalité.
Les gens parlent et le plus souvent de ce qu'ils ne connaissent pas et ils en parlent d'autant plus et je dirais presque d'autant mieux, à savoir avec d'autant plus de séduction, autrement dit de facilité à produire un discours accessible, qu'ils n'y connaissent rien et sont motivés en fait par d'autres intérêts que ceux de la chose en cause dont en réalité ils ne font que se servir.
Mais cela ne doit pas empêcher les 'initiés' de s'exprimer et de remettre les choses en place, même s'ils sont le plus souvent moins amusants et plus ardus à écouter que leurs imitateurs.
S'agissant de la magistrature, je pense que la meilleure façon de la défendre est de l'exercer le mieux possible.
Les gens savent aussi instinctivement lorsqu'ils ont affaire à un personnage intègre qui se sait faillible et n'hésite pas à se remettre lui-même en cause dès lors qu'il aperçoit un risque d'erreur ou que l'on prend la peine de l'y rendre attentif à juste titre ainsi que dans le respect de sa personne, et, quelque part, il me semble que la crédibilité de la justice se joue toute entière dans la conciliation entre l'exigence politique d'une sorte d'infaillibilité exclusive de toute révocation en doute à peine d'atteinte à l'autorité sans laquelle la justice quelque part aussi n'est pas, et la mise en abyme de sa nécessaire faillibilité qui ne peut trouver sa relève - au sens hégélien du terme - ailleurs que dans la fidélité jusqu'à l'absurde à l'idéal de vérité, d'intégrité, et de sérieux qui doit nécessairement la motiver.
Rédigé par : Catherine JACOB | 12 avril 2009 à 18:25
Je m'excuse.
...mais qui est Eric Naulleau ?
Est-il connu ?
Rédigé par : david | 12 avril 2009 à 15:06
Dans la société de la défiance généralisée, chacun voit midi à sa porte, se plaint de la défiance dont lui-même ou son groupe fait l'objet et s'empresse de jeter sa pierre sur le comportement du voisin... (Tillinac ou le CSA ?)
Rédigé par : guzet | 12 avril 2009 à 13:49
Je trouve dommage que suite à cette lettre de PB, on attaque Denis Tillinac sur sa personne et ses livres … Il a dit une chose, PB cite cette chose, c'est sur cela qu'on devrait s'attarder, il me semble, on m'accuse assez de digresser ... Mais il est encore fort probable que tout ou presque ayant été dit quant à ce sujet judiciaire, sitôt que ce cher PB tracera ici même paisiblement au feutre doux le mot Justice on lui enverra aussitôt Outreau en pleine figure comme on envoie à quelqu'un suspect un obus de 420 et ainsi le débat sera clos ou tournera au règlement -stérile- de compte. Je voudrai compléter mon commentaire par ceci: si donc l'ambiance collective est à la défiance quand ce ne serait le mépris contre les magistrats, n'est-ce pas légitimement contre des personnes qui refusent obstinément de prendre leurs responsabilités, de les assumer?... Voilà l'image en réalité: celle de veules et/ou lâches au pouvoir immense. Le problème n'est donc pas tant celui d'une population qui se défend de ces gens-là que celui de ceux-là qui se posent en tant que au dessus de celle-ci, n'ayant ni compte ni explication quelconque à lui rendre. Le hiatus, la césure, ils sont là. Croyant être respectés et craints, ils n'ont que le mépris et l'insulte … Ils sont tombés bien bas en vérité et ils ont l'outrecuidance d'en accuser les autres. Piètre démiurges, va! Combien parmi vous se rendent régulièrement dans les prisons y constater les lieux, exiger qu'on y remédie instamment et y rencontrer tant le personnel (deux suicides de surveillants encore ces jours-ci dans les miradors) que les détenu(es)? Combien parmi vous organisent régulièrement des rencontres dans les quartiers avec la population pour y expliquer à celle-ci votre rôle, ses contingences et nécessités, comment vous l'accomplissez? Pourtant, ce n'est pas rien que vos fonctions, elles sont l'essence même d'une société de Droit … Nichés, reclus dans vos trous bureaux au Palais, vous prétendez à quoi? Vous faire respecter voire aimer dans cette distance semblant infinie de morgue … C'est à peine si vous effrayez encore les mômes des banlieues qui vous imaginent en Aliens rigolos, si vous leur inspirez quelque chose d'étude, noble, utile … Montrez vos têtes, parlez aux gens, que tous voient et entendent que vous êtes fait comme eux et que le même idéal de paix civile et d'équité sociale vous anime et fait toute votre raison judiciaire d'être … Vous verrez alors les changements et qu'on vous verra positivement différemment.
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 12 avril 2009 à 13:21
Une précision, je ne mets pas en cause ici la plume de Gilles Martin-Chauffier que je ne connais pas et dont je n'ai, me semble-t-il, jamais lu une ligne. On m'en dit le plus grand bien, je n'ai donc aucune raison d'en douter. Mais je crois que, en matière de journalisme, comme dans d'autres domaines, l'écart entre le talent et la grande masse des médiocres ou des franches nullités se creuse de jour en jour. Sans rire, il m'a fallu relire deux ou trois fois les articles que certains journalistes avaient consacré à mon dernier roman pour en comprendre le sens général... (Je précise que les articles en question m'étaient plutôt favorables), mais je me demande comment ces demi-analphabètes pouvaient avoir le front de s'ériger en critiques littéraires.
Rédigé par : Laurent Dingli | 12 avril 2009 à 12:21
Tillinac dans la tirade des "Non, merci" ?
Tillinac: "Oh, j'ai fait mieux depuis..." ?
Nous vous devons de bien joyeuses Pâques. ;-)))
Rédigé par : Fleuryval | 12 avril 2009 à 11:11
Tillinac ? Jamais lu. Chaque fois que je l'écoute à la télévision, je suis pris d'une irrépressible somnolence.
Cyrano et Tillinac ? Vous avez du courage, cher Philippe, de commenter les médiocres trouvailles des journalistes. A propos, et sans flagornerie (pas entre nous), vous avez un véritable talent pour les titres. Peut-être devriez-vous conseiller quelques-uns de nos journaleux en mal d'inspiration.
Intéressant développement de Jean-Dominique Reffait sur l'état de la littérature française.
Pour le fond du billet, je partage à peu près l'avis de Ludovic et crois, comme JDR, que Tillinac ne fait que répéter un lieu commun. Bien entendu, il y a l'état des prisons qu'évoque Aïssa Lacheb-Boukachache, mais, comme l'a noté M. Reffait, ce serait accorder trop d'importance au commentaire de cet orateur soporifique que de croire qu'il reflète une véritable analyse.
Voilà toute notre société, mon cher Philippe, des médiocres couronnés par d'autres médiocres ; c'est ce que j'ai appelé, dans d'autres circonstances, la cooptation des imbéciles.
Rédigé par : Laurent Dingli | 12 avril 2009 à 10:01
J'irai dans le sens de notre hôte. Ces attaques faciles ne font pas la gloire de leurs auteurs.
De ma petite expérience d'aide à des étrangers, les actes les plus flagrants de mauvaise foi se font au niveau policier ou préfectoral. Tellement qu'on peut obtenir la nationalité avant la carte de résident !
J'ai l'impression que malgré les cas comme Outreau, si la police avait du personnel de la même qualité que la magistrature, les dossiers des coupables seraient mieux ficelés et les innocents moins tourmentés.
Cette mode de faire porter le mauvais rôle aux magistrats est déjà vieille de quelques années. Regardez l'adaptation que Disney a faite de Notre-Dame de Paris pour faire Le Bossu de Notre-Dame.
Le méchant Frollo a changé de métier, ce n'est plus un archidiacre mais... un juge.
Les revirements de Tillinac sont à l'analyse politique ce que Le Bossu de Notre-Dame est à la littérature: la version simplifiée pour enfants, sans les personnages complexes.
Rédigé par : Alex paulista | 12 avril 2009 à 07:58
J'ai lu un bouquin de Tillinac, "Je nous revois...", je n'ai pas été emballé ni par le style, ce style aujourd'hui convenu du roman français qui se veut minimaliste parce qu'il ne sait pas être maximaliste, ni par les clichés et les cartes postales qu'il accumule. Il faudra bien se poser un jour la question de savoir si être un écrivain, c'est se comporter en écrivain - entendre : traîner sa lassitude du monde - ou produire un résultat littéraire, une oeuvre d'art. En France, je crains que le Nouveau Roman, fructueuse impasse mais impasse tout de même, ait bloqué la création littéraire à l'inverse d'autres littératures, anglo-saxonnes, africaines, asiatiques, antillaises, qui ont su trouver des chemins d'inventions formelles bien plus riches.
J'avais l'impression que Tillinac écrivait, sur le fond comme sur la forme, tel quelqu'un qui filmerait son environnement avec son caméscope amateur. Donc Tillinac l'écrivain, bof. Un peu comme ce Weyergans qui vient d'être élu à l'Académie française, après avoir pondu le plus soporifique et inutile prix Goncourt de tous les temps. La même école, sujet - verbe - complément en 400 mots maxi.
Les clichés répondent aux clichés et je devine que Tillinac est ainsi associé à Cyrano par son tropisme gascon. Là s'arrête l'analogie. Le rugby et le confit de canard ne constituent pas des armes suffisantes pour étriper cent bretteurs à la Tour de Nesle au nom de l'amitié pour un poète.
C'est surfait, tout ça.
Le refrain sur les juges, c'est la posture du moment. Il y a des gens qui souffrent véritablement de l'état mental de la magistrature en France, mais qu'est-ce qu'en connaît Tillinac ? Il entonne un refrain que tout le monde chante, un refrain dans une langue inconnue qu'il ne peut pas comprendre.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 12 avril 2009 à 01:01
Bonsoir M. Bilger,
Merci pour ce billet. Je déteste par-dessus tout les thuriféraires du pouvoir et autres pseudo-experts intellectuels auto-proclamés, et je jette dans la même poubelle Bernard-Henri Lévy, Guy Sorman, Alain Minc et Denis Tillinac, entre autres.
Puisque je ne lis pas plus que vous les livres de Tillinac, je rebondirai plutôt sur son absence de confiance envers les magistrats.
La justice n'est malheureusement pas infaillible, certes Outreau est passé et a jeté un discrédit considérable non pas tant sur les magistrats, mais sur l'exercice de la justice, la faillite d'un système de contrôle, bien au-delà du seul juge d'instruction.
Quand les citoyens auront la certitude que la responsabilité des magistrats est engagée et qu'eux-mêmes peuvent être sanctionnés en cas de manquement manifeste à leur devoir, peut-être la confiance se restaurera-t-elle. La procédure engagée contre Fabrice Burgaud ne semble pas de nature à réconcilier le peuple et la justice au nom duquel elle est rendue. Même s'il n'est pas, loin de là le seul responsable, et fait figure de bouc émissaire, il porte une indéniable responsabilité dans le surgissement de cette tragédie. Je ne crois pourtant pas qu'il sera réellement sanctionné, le report de la décision du CSM en dit long sur le sujet. Bien sûr, sa carrière en est irrémédiablement entachée, il est je crois aujourd'hui substitut à l'exécution des peines (au fait à quoi servent-ils ceux-là ? Les juges d'application des peines ne suffisent-ils donc pas ?) et n'est pas prêt de gravir les échelons de la hiérarchie judiciaire. Mais au regard des vies détruites de ceux qu'il a si injustement jetés aux chiens et du discrédit qui s'en est suivi pour la justice dans son ensemble, cela n'est rien.
Si les magistrats ne sont sans doute plus admirés ni respectés comme autrefois, ils sont tout de même craints et redoutés. Redoutés par la crainte de l'erreur, de la subjectivité, du manque d'attention dans le suivi des affaires. Pour avoir eu l'occasion d'assister à des audiences de comparution immédiate en correctionnelle, j'ai été frappé de voir s'exercer une justice aussi sommaire qu'expéditive. Même s'agissant le plus souvent de flagrants délits, on est sidéré de constater à quel point, juges du siège, parquetier de service et avocat de la défense (le plus souvent commis d'office) découvrent le dossier à l'audience, dossier qu'ils survolent faute de le maîtriser.
Je vous fais confiance M. Bilger et je ne craindrais pas d'être victime d'une erreur de votre part, mon seul souci est de n'être pas assuré, si un jour je devais être déféré au pénal, d'avoir la chance de "tomber" sur des magistrats aussi éclairés que vous pouvez l'être.
Rédigé par : Ludovic | 11 avril 2009 à 23:54
Denis Tillinac est un bon …. C'est avec un plaisir certain que je prendrais un verre avec lui. Vous avez tort de lui cherchez des poux, etc., cher PB, car il ne dit finalement qu'une évidence. Quel est l'inconscient à qui les magistrats inspireraient confiance?... Encore là, ces jours-ci, on vient d'acquitter plusieurs jeunes (après cinq années de prison tout de même) accusés de viol par une dingue hystérique … Cette dernière avait auparavant fait envoyer par d'autres magistrats, sous les mêmes accusations de viol et durant deux années, un de ses collègue de travail. Les magistrats mirent deux ans pour s'apercevoir qu'ils avaient affaire non à une victime mais à une folle qui, se servant d'eux comme on se sert de marionnettes abruties, fait envoyer en prison qui bon lui semble, en l'occurrence cette fois ces jeunes … Avouez qu'il y a de quoi se méfier des magistrats. Mais, bien sûr, je le conçois, cela ne risque pas de vous arriver, je veux dire que des collègues vous incarcèrent sur les simples dires d'une déglinguée qui se fiche éperdument et de l'honneur et de la vie des autres … Aucun juge, votre collègue, ne la croirait dans ce cas.
Mais je reviens à Tillinac … Il n'est pas Cyrano, non, ne donnez pas plus d'importance que cela aux mots des critiques littéraires même quand ils seraient brillants. Tillinac a raison et je vais vous dire, vous démontrer pourquoi. Les magistrats, ce n'est pas de tel ou tel dont il s'agit, c'est de l'ensemble. Il est des magistrats admirables et j'en ai connus mais ce n'est pas ainsi qu'il faut circonscrire le problème et ce que dit l'auteur … Il faut savoir que vous êtes une autorité constitutionnelle et qu'à ce titre vos décisions ne sauraient dans un premier temps être prises à la légère ni dans un deuxième temps induire des indignités et des souffrances humaines. Les décisions à la légère, voyez ci-dessus, revoyez Outreau, bref je n'insisterai pas … Les indignités, les souffrances humaines induites de ces décisions, qu'elles soient celles accusant et/ou condamnant de réels coupables ou des innocents n'importe dans ce cas, sont celles induites par celles-ci. Et c'est là que je veux en venir, c'est là où tous les Denis Tillinac de France ont mille fois raison. Vous êtes une autorité, vous avez un pouvoir et quel pouvoir! Vous n'êtes pas obligés d'obéir tels des caniches à quelque gouvernement que ce soit, à nul en vérité, vous êtes indépendants et vous le savez, tous vous le savez … Dans quel état sont les prisons de notre pays que vous continuiez envers et contre tout, envers le bon sens, contre la décence la plus élémentaire, la dignité la plus évidente, l'intelligence, de remplir à l'emporte-pièce des pires criminels, soit, mais surtout et plus que souvent du moindre petit délinquant, du plus modeste malchanceux, malheureux, faisant fi de sa chance, de sa dignité, de son avenir, de sa personne, de son existence ... Alors oui, on vous voit manifester en tenue, tiens donc, aux marches des Palais (oseriez-vous manifester ailleurs, parmi la population en long cortège indigné?), protestant contre la fermeture et le déplacement de tel de «votre» tribunal ou autre futilité de la sorte mais vous voit-on manifester, protester aussi nombreux, énergiquement contre précisément ce que j'écris ci-dessus, savoir ces atteintes carcérales constantes à la dignité humaine qui sont la suite séculaires de vos décisions souveraines? Non. Et la on retrouve, sous des apparences de Justice au nom du Peuple, etc., le fameux bon bédite gommerce mais des juges cette fois, oubliant singulièrement que c'est toujours ce même Peuple (qui d'autre serait-ce?) que vous avilissez ainsi en l'envoyant là … Vos intérêts mesquins toujours, ceux des justiciables jamais, vous n'en avez que faire et vous voudriez inspirer une quelconque confiance, un respect sincère… C'est là que votre masque ignoble tombe et que l'on voit votre face hideuse, peu amène, n'inspirant rien, surtout pas une confiance. Quand vous serez milliers à protester publiquement contre ce qu'induit votre autorité, votre pouvoir, ces prisons en fait, ces sordides choses actuelles dont vous n'avez pas la dernière responsabilité, quand on vous verra et vous entendra majoritaire dire suffit, nous n'enverrons plus personne aussi facilement, d'un trait de plume comme on suspend dans la pourriture une vie, dans ces cloaques que ceux-ci aient changé positivement, alors oui, ce jour-là, vous pourrez l'écrire: Tillinac aura tort.
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 11 avril 2009 à 22:38
Je trouve bien vue votre critique de Tillinac.
Denis Tillinac passe en effet facilement, trop facilement, comme dans cette chronique de Marianne, d'une réflexion très pertinente à une assertion sans fondement.
Vous en concluez que le comparer à Cyrano est hors de propos.
On pourrait en conclure l'inverse.
Cyrano est capable du meilleur comme du pire.
Emouvant dans son amour inavoué pour Roxane, en duel il expédie ses adversaires ad patres sans sourciller.
Capable, dans ses lettres signées Christian, d'une infinie tendresse, il se livre pour un oui ou pour un non à de ridicules rodomontades.
Et tout à l'avenant.
Décidément, "Cyrano de Tillinac" me semble assez bien trouvé...
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 11 avril 2009 à 22:32